CJUE, 4e ch., 2 septembre 2021, n° C-665/19 P
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
NeXovation Inc
Défendeur :
Commission européenne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vilaras (rapporteur)
Juges :
N. Piçarra, D. Šváby, S. Rodin, K. Jürimäe
Avocat général :
G. Pitruzzella
Avocats :
A. von Bergwelt, M. Nordmann, L. Hettstedt
Arrêt
1 Par son pourvoi, NeXovation Inc. demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 19 juin 2019, NeXovation/Commission (T 353/15, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2019:434), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation partielle de la décision (UE) 2016/151 de la Commission, du 1er octobre 2014, relative à l’aide d’État SA.31550 (2012/C) (ex 2012/NN) mise à exécution par l’Allemagne en faveur du Nürburgring (JO 2016, L 34, p. 1, ci-après la « décision finale »).
Le cadre juridique
2 Le règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) no 734/2013 du Conseil, du 22 juillet 2013 (JO 2013, L 204, p. 15) (ci-après le « règlement no 659/1999 »), qui a été abrogé par le règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 2015, L 248, p. 9), est applicable aux faits de la présente affaire.
3 L’article 1er, sous h), du règlement no 659/1999 définit, aux fins de ce règlement, la notion de « parties intéressées » comme visant « tout État membre et toute personne, entreprise ou association d’entreprises dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi d’une aide, en particulier le bénéficiaire de celle-ci, les entreprises concurrentes et les associations professionnelles ».
4 L’article 4 de ce règlement, intitulé « Examen préliminaire de la notification et décisions de la Commission », dispose, à ses paragraphes 2 à 4 :
«2. Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée ne constitue pas une aide, elle le fait savoir par voie de décision.
3. Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée, pour autant qu’elle entre dans le champ de l’article [107], paragraphe 1, [TFUE], ne suscite pas de doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide que cette mesure est compatible avec le marché commun (ci-après dénommée “décision de ne pas soulever d’objections”). Cette décision précise quelle dérogation prévue par le traité a été appliquée.
4. Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide d’ouvrir la procédure prévue à l’article [108], paragraphe 2, [TFUE] (ci-après dénommée “décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen”). »
5 Aux termes de l’article 6, paragraphe 1, dudit règlement :
« La décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen récapitule les éléments pertinents de fait et de droit, inclut une évaluation préliminaire, par la Commission, de la mesure proposée visant à déterminer si elle présente le caractère d’une aide, et expose les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché commun. La décision invite l’État membre concerné et les autres parties intéressées à présenter leurs observations dans un délai déterminé, qui ne dépasse normalement pas un mois. Dans certains cas dûment justifiés, la Commission peut proroger ce délai. »
6 Conformément à l’article 13, paragraphe 1, première phrase, du règlement no 659/1999, l’examen d’une éventuelle aide illégale débouche sur l’adoption d’une décision au titre de l’article 4, paragraphes 2, 3 ou 4, de ce règlement.
Les antécédents du litige et les décisions litigieuses
7 Les antécédents du litige figurent aux points 1 à 15 de l’arrêt attaqué et, pour les besoins de la présente procédure, peuvent être résumés de la manière suivante.
8 Le complexe du Nürburgring (ci-après le « Nürburgring »), situé dans le Land de Rhénanie-Palatinat (Allemagne), comprend un circuit de courses automobiles, un parc de loisirs, des hôtels et des restaurants.
9 Entre l’année 2002 et l’année 2012, les entreprises publiques propriétaires du complexe du Nürburgring (ci-après les « vendeurs ») ont bénéficié d’aides principalement de la part du Land de Rhénanie-Palatinat. Ces aides ont fait l’objet d’une procédure formelle d’examen, au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, ouverte par la Commission au cours de l’année 2012. La même année, l’Amtsgericht Bad Neuenahr-Ahrweiler (tribunal de district de Bad Neuenahr-Ahrweiler, Allemagne) a conclu à l’insolvabilité des vendeurs et il a été décidé de procéder à la vente de leurs actifs. Une procédure d’appel d’offres (ci-après la « procédure d’appel d’offres ») a été lancée et elle a abouti à la vente de ces actifs à Capricorn Nürburgring Besitzgesellschaft GmbH (ci-après « Capricorn »).
10 Le 10 avril 2014, la requérante a déposé une plainte auprès de la Commission, au motif que la procédure d’appel d’offres n’avait pas été ouverte, transparente, non discriminatoire et inconditionnelle et n’avait pas abouti à la vente des actifs du Nürburgring à un prix de marché, dans la mesure où ces actifs avaient été cédés à un soumissionnaire local dont l’offre était inférieure à la sienne et qui avait été favorisé dans le cadre de la procédure d’appel d’offres. Selon la requérante, Capricorn a ainsi reçu une aide, correspondant à la différence entre le prix qu’elle devait payer pour acquérir les actifs du Nürburgring et le prix de marché de ces mêmes actifs, et a assuré la continuité des activités économiques des vendeurs, de sorte que l’ordre de récupération des aides perçues par les vendeurs devait s’étendre à Capricorn.
11 À l’article 2 de la décision finale, la Commission a constaté l’illégalité et l’incompatibilité avec le marché intérieur de certaines des mesures de soutien en faveur des vendeurs (ci-après les « aides aux vendeurs »). À l’article 3, paragraphe 2, de cette décision, elle a énoncé que Capricorn et ses filiales n’étaient pas concernées par une éventuelle récupération des aides aux vendeurs (ci-après la « première décision litigieuse »).
12 À l’article 1er, dernier tiret, de ladite décision, la Commission a établi que la vente des actifs du Nürburgring à Capricorn ne constituait pas une aide d’État (ci-après la « seconde décision litigieuse »). La Commission a considéré, à cet égard, que la procédure d’appel d’offres avait été menée de manière ouverte, transparente et non discriminatoire, que cette procédure avait abouti à un prix de vente conforme au marché et qu’il n’y avait pas de continuité économique entre les vendeurs et l’acquéreur.
La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
13 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 26 juin 2015, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation des première et seconde décisions litigieuses.
14 Le Tribunal a rejeté comme irrecevable le recours, en tant qu’il tendait à l’annulation de la première décision litigieuse, la requérante n’ayant pas démontré être individuellement concernée par cette décision. Il a estimé à cet égard, au point 53 de l’arrêt attaqué, qu’il ne saurait être inféré de la seule participation de la requérante à la procédure administrative qu’elle avait qualité pour agir contre la première décision litigieuse. En outre, au point 55 de cet arrêt, le Tribunal a constaté que la requérante ne disposait d’aucune position sur les marchés pertinents susceptible d’être affectée par les aides aux vendeurs. Enfin, au point 56 dudit arrêt, le Tribunal a considéré que les arguments de la requérante, selon lesquels elle aurait été en mesure d’acquérir les actifs du Nürburgring et, partant, d’entrer sur les marchés pertinents si elle n’avait pas été discriminée dans le cadre de la procédure d’appel d’offres et que, en raison de la perte de réputation et de la publicité négative résultant du revers essuyé dans cette procédure, il lui était difficile d’acquérir ou d’exploiter d’autres circuits de course, ne pouvaient suffire pour l’individualiser par rapport aux aides aux vendeurs et à la première décision litigieuse.
15 S’agissant de la demande d’annulation de la seconde décision litigieuse, le Tribunal a jugé, au point 76 de l’arrêt attaqué, d’une part, que la demande de non-lieu à statuer présentée par la Commission devait être rejetée et, d’autre part, que cette demande d’annulation était recevable, dans la mesure où elle tendait à sauvegarder des droits procéduraux que la requérante tirait de l’article 108, paragraphe 2, TFUE. Il a, dès lors, examiné les moyens invoqués par la requérante à l’appui de ladite demande et, après les avoir tous rejetés, il a jugé, au point 214 de l’arrêt attaqué, que la demande d’annulation de la seconde décision litigieuse devait être rejetée.
Les conclusions des parties devant la Cour
16 La requérante demande à la Cour :
– d’annuler les points 3 et 4 du dispositif de l’arrêt attaqué ;
– d’annuler les première et seconde décisions litigieuses ;
– à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal, et
– de condamner la Commission aux dépens.
17 La Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner la requérante aux dépens.
Sur le pourvoi
18 À l’appui de son pourvoi, la requérante invoque six moyens, tirés, le premier, d’une erreur du Tribunal en ce qu’il a considéré qu’elle n’était pas individuellement concernée par la première décision litigieuse, le deuxième, d’une erreur de droit dans l’application de la notion d’aide d’État, le troisième, d’une erreur de droit dans l’application de la notion de « difficultés sérieuses », le quatrième, d’une erreur de droit dans l’application de l’article 20, paragraphe 2, du règlement no 659/1999, le cinquième, d’une erreur de droit dans l’appréciation du caractère impartial de l’examen de la plainte qu’elle a déposée, et, le sixième, d’une erreur de droit dans l’appréciation du caractère suffisant de la motivation de la seconde décision litigieuse.
19 Le premier moyen vise l’annulation de l’arrêt attaqué, en ce que, par celui-ci, le Tribunal a jugé irrecevable la demande d’annulation de la première décision litigieuse. Les autres moyens visent le rejet, par le Tribunal, de la demande d’annulation de la seconde décision litigieuse.
Sur le premier moyen
Argumentation des parties
20 Par son premier moyen, la requérante fait valoir que la considération selon laquelle elle n’était pas individuellement concernée par la première décision litigieuse, dès lors qu’elle n’avait pas une position sur les marchés pertinents susceptible d’être affectée par les aides accordées aux vendeurs, est erronée tant sur le plan factuel que sur le plan juridique.
21 Selon la requérante, il ressort de l’arrêt du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission (169/84, EU:C:1986:42, point 28), que, au stade de l’analyse de la recevabilité du recours contre une décision telle que la première décision litigieuse, il incombe au Tribunal non pas de tirer une conclusion définitive sur la position concurrentielle du requérant sur les marchés pertinents, mais d’analyser si cette décision peut nuire aux intérêts légitimes de celui-ci, en portant atteinte à sa position sur le marché.
22 La requérante ajoute que le seul fait qu’elle n’était pas active sur les marchés pertinents n’exclut pas la possibilité d’une atteinte substantielle portée à sa position sur le marché, ainsi que le confirment les arrêts du 22 novembre 2007, Espagne/Lenzing, (C 525/04 P, EU:C:2007:698, point 35), et du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission (C 487/06 P, EU:C:2008:757, point 53). Il incomberait au Tribunal d’effectuer un examen au cas par cas afin de déterminer si la personne en cause est individuellement concernée par une décision telle que la première décision litigieuse.
23 Or, le fait que la requérante a été en concurrence avec Capricorn pour l’acquisition des actifs du Nürburgring et a échoué à les acquérir en raison d’une aide accordée à celle-ci, le fait qu’elle a formé une plainte devant la Commission, a été soutenue dans ses démarches par la mission des États-Unis auprès de l’Union européenne et s’est fiée aux déclarations de la Commission selon lesquelles, notamment, cette dernière allait superviser la procédure d’appel d’offres, tout comme le fait que la requérante a fait l’objet d’une couverture médiatique négative laquelle a porté atteinte à sa réputation, seraient autant d’éléments témoignant qu’elle est affectée par les aides visées par la première décision litigieuse. Le fait qu’elle a été explicitement désignée dans la décision finale et que ses arguments ont fait l’objet d’un examen extensif dans cette décision confirmerait que ladite décision l’affecte de manière directe.
24 La requérante souligne, en outre, qu’elle ne s’est pas retirée de la procédure d’appel d’offres et s’il devait s’avérer que Capricorn n’aurait pas dû être sélectionnée dans le cadre de cette procédure, ce serait la requérante qui devrait être sélectionnée. Cela confirmerait sa qualité pour agir contre la première décision litigieuse. Cette considération serait aussi conforme à la jurisprudence relative à la qualité pour agir en matière de marchés publics.
25 La Commission estime que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit dans l’examen de la question de savoir si la requérante était individuellement concernée par la première décision litigieuse et que, partant, le premier moyen doit être rejeté.
Appréciation de la Cour
26 Il y a lieu de relever que, selon la jurisprudence constante de la Cour, rappelée par le Tribunal au point 49 de l’arrêt attaqué, en matière d’aides d’État ont notamment été reconnues comme individuellement concernées par une décision de la Commission clôturant la procédure formelle d’examen, outre l’entreprise bénéficiaire, les entreprises concurrentes de cette dernière ayant joué un rôle actif dans le cadre de cette procédure, pour autant que leur position sur le marché soit substantiellement affectée par la mesure d’aide faisant l’objet de la décision attaquée (arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C 33/14 P, EU:C:2015:609, point 98, ainsi que du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C 453/19 P, EU:C:2021:608, point 38).
27 Or, au point 55 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a indiqué que la requérante avait elle-même admis, en réponse à une question du Tribunal, qu’elle n’était pas présente sur les marchés pertinents, énumérés aux point 54 de cet arrêt, sur lesquels la concurrence était susceptible d’être faussée par les aides aux vendeurs. Il a, dès lors, jugé, au point 57 dudit arrêt, que la requérante n’était pas individuellement concernée par la première décision litigieuse et n’était pas recevable à en demander l’annulation.
28 Force est de constater que la requérante ne conteste pas ne pas avoir été présente sur les marchés pertinents et, partant, ne pas relever des cas couverts par la jurisprudence citée au point 26 du présent arrêt. Dans ces conditions, il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit, en ce qu’il a jugé que la requérante n’était pas individuellement concernée par la première décision litigieuse et, partant, n’était pas recevable à former un recours en annulation de cette décision, sur le fondement de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.
29 Les arguments avancés par la requérante ne sauraient justifier une conclusion différente.
30 S’agissant des arrêts du 22 novembre 2007, Espagne/Lenzing (C 525/04 P, EU:C:2007:698, point 35), et du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission (C 487/06 P, EU:C:2008:757, point 53), il en ressort seulement qu’une atteinte portée à une telle position ne doit pas nécessairement être déduite d’une importante baisse du chiffre d’affaires, des pertes financières non négligeables ou encore d’une diminution significative des parts de marché, mais peut aussi résulter d’un manque à gagner ou d’une évolution moins favorable que celle qui aurait été enregistrée en l’absence de l’aide en cause. Contrairement à ce que fait valoir la requérante, il ne peut donc pas être déduit de cette jurisprudence que la position d’une entreprise sur le marché peut être affectée, quand bien même cette entreprise ne serait pas présente sur les marchés pertinents.
31 S’agissant de l’argument selon lequel la requérante était en concurrence avec Capricorn pour l’acquisition des actifs du Nürburgring et aurait dû emporter la procédure d’appel d’offres à la place de cette dernière, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal n’a pas tenu compte de cette circonstance. En effet, la première décision litigieuse vise les aides aux vendeurs et, en particulier, le point de savoir si elles peuvent être récupérées auprès de Capricorn. Or, la requérante n’explique pas quel est le lien entre le fait qu’elle était en concurrence avec Capricorn pour l’acquisition des actifs du Nürburgring et la prétendue atteinte portée à sa position sur le marché par la première décision litigieuse.
32 S’agissant des autres circonstances évoquées par la requérante, à savoir le fait qu’elle a déposé une plainte devant la Commission, qu’elle a bénéficié du soutien de la mission des États-Unis auprès de l’Union ou encore qu’elle s’est fiée aux déclarations de la Commission, il suffit de relever qu’elles ne sont pas non plus de nature à démontrer l’atteinte portée à la position de la requérante sur le marché, au sens de la jurisprudence citée au point 26 du présent arrêt, par la première décision litigieuse.
33 Il ressort de tout ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté comme étant non fondé. Partant, le pourvoi doit être rejeté en tant qu’il vise l’annulation de l’arrêt attaqué, pour autant que, par celui-ci, le Tribunal a rejeté la demande d’annulation de la première décision litigieuse.
Sur le deuxième moyen
34 Le deuxième moyen s’articule en quatre branches. Il y a lieu d’examiner, dans un premier temps, les deuxième à quatrième branches de ce moyen.
Argumentation des parties
35 Dans le cadre la deuxième branche du deuxième moyen, la requérante fait valoir, en premier lieu, que, en indiquant, au point 119 de l’arrêt attaqué, que le délai pour la soumission d’offres de confirmation dans la procédure d’appel d’offres a expiré le 17 février 2014, le Tribunal n’a pas tenu compte du fait qu’elle avait été induite en erreur, en ce qui concerne ces délais, par les vendeurs qui lui avaient indiqué que lesdits délais avaient été prorogés jusqu’au 31 mars 2014 et qu’une telle modification des conditions de la procédure aurait dû être appliquée à tous les soumissionnaires.
36 En deuxième lieu, le Tribunal aurait également méconnu les arguments par lesquels elle avait fait valoir que l’approche suivie dans le cadre de la procédure d’appel d’offres en ce qui concerne les délais, telle que décrite dans la décision finale, n’était pas conforme aux exigences de transparence et qu’aucun investisseur privé n’aurait suivi une telle approche. En troisième lieu, le Tribunal n’aurait pas non plus tenu compte du fait que la décision finale contenait des affirmations contradictoires, respectivement à ses considérants 272 et 275, sous c), quant à la question de la prorogation par les vendeurs du délai de présentation des offres.
37 Par la troisième branche du deuxième moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal n’a pas tenu compte de trois arguments qu’elle avait avancés dans le cadre de son grief afférent au caractère non transparent de la procédure d’appel d’offres. Ces trois arguments concerneraient autant de modifications, intervenues au cours de cette procédure, dont, selon la requérante, tous les soumissionnaires potentiels n’avaient pas été informés, en violation de l’exigence de transparence.
38 Premièrement, devant le Tribunal, la requérante aurait fait valoir que, alors qu’initialement elle s’était vu proposer l’acquisition des actifs du Nürburgring sur la base d’un « bilan propre », il se serait avéré par la suite que, en cas d’acquisition du Nürburgring, elle aurait été tenue de reprendre tel quel un contrat de bail commercial conclu par un tiers.
39 Deuxièmement, la requérante aurait également soutenu que tous les soumissionnaires ne s’étaient pas vu communiquer les informations relatives au contrat de bail commercial conclu en faveur de Capricorn, initialement conçu comme « option de repli » pour le cas où la procédure d’appel d’offres n’aboutirait pas ou pour le cas où la décision y afférente de la Commission serait contestée, alors même que ces informations étaient pertinentes pour la détermination du prix à offrir dans cette procédure.
40 Troisièmement, la requérante aurait aussi fait valoir qu’un critère de sélection d’ordre environnemental avait été introduit ultérieurement dans la procédure d’appel d’offres, sans être communiqué à tous les soumissionnaires. Contrairement à ce qu’indiquerait le considérant 275, sous i), de la décision finale, ce critère aurait bien eu un impact sur le résultat de cette procédure.
41 Dans le cadre de la quatrième branche du deuxième moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal a omis de prendre en considération deux séries d’arguments, relatives, pour l’une, au grief tiré du caractère prétendument non transparent de la procédure d’appel d’offres et, pour l’autre, au grief tiré du caractère prétendument discriminatoire de cette procédure.
42 En particulier, en ce qui concerne le caractère non transparent de la procédure d’appel d’offres, la requérante aurait fait valoir, premièrement, que la procédure d’appel d’offres n’avait pas été annoncée en dehors de l’Union, deuxièmement, que plusieurs documents importants pour la vente n’avaient pas été communiqués ou l’avaient été trop tardivement ou de manière trompeuse, troisièmement, que la Commission avait considéré à tort que la fourniture d’une version annotée de l’accord de rachat d’actifs s’inscrivait strictement dans le cadre des négociations commerciales et, partant, n’était pas pertinente du point de vue des aides d’État, quatrièmement, que la Commission avait considéré à tort que la communication tardive d’informations au cours de la procédure d’appel d’offres était sans incidence sur la présentation de l’offre finale des soumissionnaires ou sur la finalisation des calculs financiers nécessaires à cette fin et, cinquièmement, que la Commission avait conclu à tort que KPMG, conseiller juridique et financier des vendeurs, avait fourni à l’ensemble des soumissionnaires toutes les informations nécessaires pour leur permettre de réaliser une évaluation correcte des actifs du Nürburgring.
43 En ce qui concerne le caractère discriminatoire de la procédure d’appel d’offres, la requérante aurait fait valoir que la Commission n’avait pas procédé à une enquête concernant, premièrement, la circonstance que la requérante a fait l’objet d’une discrimination dans la mesure où un exemplaire en langue anglaise de l’ensemble de la documentation afférente à la procédure d’appel d’offres ne lui a pas été fourni, deuxièmement, la circonstance qu’un accès privilégié aux informations a été octroyé à Capricorn par rapport aux autres soumissionnaires, troisièmement, la circonstance que le même associé d’un important cabinet d’avocats américain a conseillé, dans un premier temps, les vendeurs, puis Capricorn, et, quatrièmement, la circonstance que Capricorn a bénéficié d’un soutien privilégié après le 17 février 2014 ainsi qu’aux fins de l’obtention du financement de Deutsche Bank AG.
44 En réponse à la deuxième branche du deuxième moyen, la Commission relève que, dans la mesure où cette branche vise le point 119 de l’arrêt attaqué, elle conteste l’appréciation des faits par le Tribunal sans invoquer une quelconque dénaturation et est, donc, manifestement irrecevable. S’agissant du reste de l’argumentation de la requérante, il ne serait pas possible de déterminer clairement quels points de l’arrêt attaqué elle vise, de telle sorte que cette partie de cette argumentation serait également irrecevable.
45 S’agissant de la troisième branche du deuxième moyen, la Commission fait valoir, premièrement, que l’argumentation de la requérante selon laquelle l’acquisition du Nürburgring aurait dû être faite sur la base d’un « bilan propre » tend, en réalité, à une nouvelle appréciation des faits. En effet, il ressortirait du point 9, quatrième tiret, de l’arrêt attaqué, que le Tribunal a admis que les acquéreurs potentiels n’étaient pas tenus de reprendre les contrats ou les obligations existants et a, dès lors, traité la question d’un « bilan propre ».
46 Deuxièmement, aux points 146 à 149 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait examiné la question du bail commercial, en rejetant les allégations de discrimination et de manque de transparence, pour les raisons exposées aux points 119 à 133 de cet arrêt. La requérante effectuerait donc une lecture erronée de l’arrêt attaqué, lorsqu’elle affirme que le Tribunal n’a pas tenu compte de son argument relatif au bail commercial.
47 Troisièmement, s’agissant de la prétendue omission du Tribunal d’examiner la question de savoir si les vendeurs ont appliqué un critère de sélection d’ordre environnemental, la Commission souligne que la préoccupation des vendeurs portait sur la question de savoir si le concept d’activité de la requérante était réalisable et concernait, dès lors, la crédibilité de l’offre de celle-ci. Le Tribunal aurait exposé d’autres raisons démontrant que la requérante n’avait pas présenté une offre crédible et contraignante assortie de preuves de financement et, partant, n’avait pas à se prononcer sur la question du critère de sélection d’ordre environnemental.
48 En ce qui concerne la quatrième branche du deuxième moyen, la Commission souligne que le Tribunal a examiné l’argument selon lequel la procédure d’appel d’offres n’aurait pas été annoncée au-delà de l’Union et a constaté, au point 9, deuxième tiret, de l’arrêt attaqué, que les vendeurs ont publié un appel à manifestation d’intérêt dans le Financial Times, dans le Handelsblatt et sur le site Internet du Nürburgring. Le Tribunal aurait, donc, traité cette question.
49 De surcroît, le Tribunal aurait constaté que, à l’issue d’une procédure ouverte, transparente et non discriminatoire, la procédure d’appel d’offres avait abouti à l’attribution des actifs du Nürburgring au soumissionnaire ayant présenté une offre crédible et contraignante, qui était aussi l’offre la plus élevée. Le Tribunal aurait donc eu, en tout état de cause, des raisons suffisantes pour rejeter l’argument selon lequel la Commission aurait dû avoir des doutes sérieux quant à l’existence d’une aide en faveur de Capricorn. La Commission estime qu’il n’était, dès lors, pas nécessaire pour le Tribunal d’examiner d’autres aspects de cette procédure, de telle sorte que les différents arguments de la requérante doivent être rejetés comme étant inopérants.
Appréciation de la Cour
50 En reprochant au Tribunal, dans le cadre des deuxième à quatrième branches du deuxième moyen, de ne pas avoir répondu à plusieurs arguments qu’elle avait avancés devant lui, la requérante invoque, en substance, une violation de l’obligation de motivation qui découle de l’article 36 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 117 du règlement de procédure du Tribunal (voir, en ce sens, arrêt du 20 mai 2010, Gogos/Commission, C 583/08 P, EU:C:2010:287, point 29 et jurisprudence citée).
51 Dans la mesure où la Commission fait valoir que la requérante n’a pas indiqué quels sont les points de l’arrêt attaqué visés, notamment, par la deuxième branche du deuxième moyen, il y a lieu de relever, d’emblée, qu’il ressort à suffisance de droit du pourvoi que les deuxième à quatrième branches du deuxième moyen visent, d’une part, les points 119 à 121 de l’arrêt attaqué, relatifs au grief tiré du caractère non transparent de la procédure d’appel d’offres, et, d’autre part, les points 122 à 134 de cet arrêt, relatifs au grief tiré du caractère discriminatoire de cette procédure. Dès lors que la requérante reproche au Tribunal de ne pas avoir répondu à certains arguments qu’elle avait avancés devant lui, elle ne pouvait pas, à l’évidence, fournir une indication plus précise des points de l’arrêt attaqué visés par les deuxième à quatrième branches de son deuxième moyen.
52 Cette précision étant faite, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation pour le Tribunal de motiver ses décisions n’impose pas à celui-ci de fournir un exposé qui suivrait de manière exhaustive et un par un tous les raisonnements articulés par les parties au litige. La motivation peut donc être implicite, à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas fait droit à leurs arguments et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (arrêt du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission, C 120/06 P et C 121/06 P, EU:C:2008:476, point 96 ainsi que jurisprudence citée).
53 En l’espèce, s’agissant, en premier lieu, de l’examen, par le Tribunal, du grief tiré du caractère non transparent de la procédure d’appel d’offres, il convient de constater que le Tribunal n’y a répondu que de manière très concise, aux points 119 à 121 de l’arrêt attaqué.
54 Or, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 52, 60, 61 et 65 de ses conclusions, ces points de l’arrêt attaqué ne répondent pas, fût-ce de manière implicite, à plusieurs des arguments de la requérante évoqués dans le cadre des deuxième à quatrième branches du deuxième moyen, lesquels avaient effectivement été avancés devant le Tribunal par la requérante, ainsi que le confirme la lecture de sa requête devant le Tribunal qui figure dans le dossier de premier instance transmis à la Cour conformément à l’article 167, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour.
55 Il s’agit, plus particulièrement de l’argument mentionné au point 36 du présent arrêt, relatif au caractère non conforme aux exigences de transparence de la procédure d’appel d’offres en ce qui concerne les délais, tout comme de ceux mentionnés aux points 38 à 40 et 42 du présent arrêt.
56 En second lieu, force est de constater, à l’instar de M. l’avocat général au point 67 de ses conclusions, que les points 122 à 134 de l’arrêt attaqué, relatifs au grief tiré du caractère discriminatoire de cette procédure, ne contiennent aucune réponse, même implicite, aux arguments de la requérante, mentionnés au point 43 du présent arrêt, que celle-ci avait avancés devant le Tribunal.
57 Les considérations qui précèdent ne sauraient être remises en cause par l’argument de la Commission selon lequel au moins certains des arguments de la requérante auquel le Tribunal n’aurait pas répondu sont contredits par les indications figurant au point 9 de l’arrêt attaqué. Il suffit de relever, à cet égard, que ce point de l’arrêt attaqué s’insère dans le volet de celui-ci relatif aux antécédents du litige et résume, en substance, les indications ressortant des considérants 44 à 51 de la décision finale. Il ne saurait, dès lors, être considéré comme contenant une réponse du Tribunal aux arguments de la requérante.
58 Dans ces conditions, il y a lieu d’accueillir les deuxième à quatrième branches du deuxième moyen et, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la première branche du deuxième moyen, pas plus que les troisième à sixième moyens, d’annuler l’arrêt attaqué, en ce que, par celui-ci, le Tribunal a rejeté la demande d’annulation de la seconde décision litigieuse.
Sur le recours devant le Tribunal
59 Conformément à l’article 61, premier alinéa, deuxième phrase, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la Cour peut, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé.
60 En l’espèce, au vu, notamment, de la circonstance que le recours en annulation introduit par la requérante dans l’affaire T 353/15 est fondé sur des moyens ayant fait l’objet d’un débat contradictoire devant le Tribunal et dont l’examen ne nécessite d’adopter aucune mesure supplémentaire d’organisation de la procédure ou d’instruction du dossier, la Cour estime que ce recours est en état d’être jugé et qu’il y a lieu de statuer définitivement sur celui-ci (voir, par analogie, arrêt du 8 septembre 2020, Commission et Conseil/Carreras Sequeros e.a., C 119/19 P et C 126/19 P, EU:C:2020:676, point 130), dans la limite du litige dont elle reste saisie, à savoir la demande d’annulation de la seconde décision litigieuse (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C 341/06 P et C 342/06 P, EU:C:2008:375, point 134).
61 Il y a lieu de rappeler que la seconde décision litigieuse est une décision de ne pas soulever d’objections fondée sur l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 659/1999 dont la légalité dépend du point de savoir si l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait, lors de la phase préliminaire d’examen de la mesure notifiée, aurait dû objectivement susciter des doutes quant à la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur (arrêt du 3 septembre 2020, Vereniging tot Behoud van Natuurmonumenten in Nederland e.a./Commission, C 817/18 P, EU:C:2020:637, point 80 ainsi que jurisprudence citée).
62 Dès lors que de tels doutes doivent donner lieu à l’ouverture d’une procédure formelle d’examen à laquelle peuvent participer les parties intéressées visées à l’article 1er, sous h), du règlement no 659/1999, il doit être considéré que toute partie intéressée au sens de cette dernière disposition est directement et individuellement concernée par une telle décision. En effet, les bénéficiaires des garanties de procédure prévues à l’article 108, paragraphe 2, TFUE et à l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 659/1999 ne peuvent en obtenir le respect que s’ils ont la possibilité de contester la décision de ne pas soulever d’objections devant le juge de l’Union (arrêt du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C 83/09 P, EU:C:2011:341, point 47 ainsi que jurisprudence citée).
63 En l’espèce, il y a lieu de considérer, à l’instar du Tribunal au point 70 de l’arrêt attaqué, que la requérante a établi, par sa participation active, jusqu’au stade final, à la procédure d’appel d’offres et par la plainte qu’elle a déposée dans ce contexte auprès de la Commission, sa volonté sérieuse d’entrer sur les marchés pertinents et, partant, sa qualité de concurrent potentiel de Capricorn, qui avait prétendument bénéficié, selon cette plainte, d’une aide d’État dont la Commission a rejeté l’existence dans la seconde décision litigieuse. Dès lors, la requérante doit se voir reconnaître la qualité de partie intéressée s’agissant de cette décision.
64 À l’appui de son recours devant le Tribunal, la requérante a invoqué cinq moyens, tirés, le premier, d’une interprétation erronée de la notion d’aide d’État, le deuxième, qui ne vise que la première décision litigieuse, d’une interprétation erronée du principe de continuité économique, le troisième, de l’absence de prise en compte de la poursuite du processus de vente, le quatrième, de la violation de ses droits procéduraux et, le cinquième, de la violation de l’obligation de motivation.
65 Il y a lieu d’examiner, en premier lieu, le quatrième moyen.
Argumentation des parties
66 Par son quatrième moyen, la requérante fait valoir que la Commission a adopté la seconde décision litigieuse sans ouvrir la procédure formelle d’examen, alors que l’examen initial révélait d’ores et déjà des difficultés sérieuses. Premièrement, la Commission aurait reporté l’adoption de sa décision à diverses reprises. Deuxièmement, elle n’aurait pas procédé à un examen exhaustif des questions de fait et aurait omis d’examiner plusieurs aspects déterminants de l’affaire. Troisièmement, elle aurait fait preuve d’incohérence dans sa réponse aux arguments de la requérante. Quatrièmement, elle n’aurait pas correctement appliqué l’article 107, paragraphe 1, TFUE et les autres dispositions applicables et n’aurait pas fourni de motivation adéquate.
67 En particulier, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir correctement évalué la nature de l’engagement de financement présenté par Capricorn et la solidité financière du propriétaire de cette dernière. Selon la requérante, Capricorn rencontrait d’importants problèmes de financement dès le début de la procédure d’appel d’offres et le financement de l’offre qu’elle a présentée était loin d’être garanti. La requérante aurait fait part de ses craintes quant à la fiabilité financière de Capricorn dans sa plainte du 10 avril 2014 ainsi que dans des lettres complémentaires des 19 mai et 16 juin 2014. Il se serait avéré par la suite que, au mois d’août 2014, le versement de la deuxième tranche du prix de vente a dû être reporté et le propriétaire de Capricorn a dû fournir des sûretés, au profit des vendeurs.
68 En effet, la lettre de Deutsche Bank du 10 mars 2014, qui venait au soutien de l’offre de Capricorn aurait été une simple lettre d’intention et serait, en outre, devenue caduque et aurait été retirée par Deutsche Bank quelques semaines plus tard. Dans une lettre adressée aux avocats de la requérante le 15 avril 2015, le procureur de Coblence (Allemagne) aurait confirmé, après analyse de la lettre de Deutsche Bank du 10 mars 2014, que cette lettre était effectivement non contraignante.
69 La Commission répond que l’existence de difficultés sérieuses n’est pas attestée par le changement de la date fixée par la Commission pour l’adoption d’une décision sans ouverture d’une procédure formelle d’examen. En outre, la requérante ne prétendrait pas que les reports allégués de la date d’adoption de la décision finale ont été causés par des demandes d’informations complémentaires de la Commission.
70 S’agissant de la lettre de Deutsche Bank du 10 mars 2014, la Commission souligne que cette lettre contient un engagement de financement, ainsi que l’ont confirmé les autorités allemandes. La Commission aurait procédé à sa propre analyse de ladite lettre et aurait constaté qu’il en ressortait sans ambiguïté que Deutsche Bank était disposée à consentir un prêt de 45 millions d’euros à Capricorn. Certes, la même lettre comprendrait également, tout à la fin, une clause de non-responsabilité, mais celle-ci porterait sur la « feuille de conditions », dès lors que les conditions précises pouvaient changer. Ces conditions devraient être réexaminées au moment de la signature et de l’entrée en vigueur de l’accord de financement.
71 La Commission ajoute que l’administrateur judiciaire du Nürburgring et le comité des créanciers ont estimé que Capricorn avait présenté la meilleure offre assortie de la meilleure garantie de financement, sur la base, notamment, de la lettre de Deutsche Bank du 10 mars 2014. S’agissant de la lettre du procureur de Coblence, invoquée par la requérante, elle serait postérieure à l’adoption de la décision finale et il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas l’avoir prise en considération.
72 Enfin, la Commission souligne que son examen a été plus que suffisamment diligent, dès lors que les déclarations qui lui avaient été adressées par les autorités publiques de l’État membre concerné ne comportaient aucune incohérence interne qui aurait nécessité un examen plus approfondi et les plaintes formulées par la requérante se résumaient à des spéculations et à des allégations non appuyées d’éléments probants.
Appréciation de la Cour
73 Il convient de relever que, pour écarter l’existence d’une aide illégale octroyée à Capricorn lors de l’acquisition, par celle-ci, des actifs du Nürburgring, la Commission devait s’assurer que cette acquisition a été effectuée à un prix correspondant au prix de marché, ce qui serait le cas s’il pouvait être confirmé que la procédure d’appel d’offres a été ouverte, transparente, non discriminatoire et inconditionnelle.
74 Ainsi qu’il ressort du considérant 48 de la décision finale, l’un des facteurs pris en considération aux fins de la sélection de l’acquéreur des actifs du Nürburgring était la confirmation du financement de son offre.
75 En effet, ainsi qu’il ressort du considérant 272 de la décision finale, l’offre de la requérante, qui avait proposé un prix de vente supérieur à celui proposé par Capricorn, a été écartée pour absence de preuve de financement.
76 Selon le considérant 273 de la décision finale, seules deux offres ont été considérées comme disposant d’un financement assuré, à savoir l’offre de Capricorn et celle d’un autre soumissionnaire. Dans la mesure où tant le montant du financement assuré dont disposait cet autre soumissionnaire que le prix de vente qu’il proposait étaient inférieurs à ceux de Capricorn, l’offre de cette dernière a finalement été retenue.
77 Il s’ensuit que, s’il devait s’avérer qu’il avait été considéré à tort que Capricorn disposait d’un financement confirmé pour son offre, alors que, en réalité, tel n’était pas le cas, cette circonstance serait de nature à remettre en cause, notamment, le caractère non discriminatoire de la procédure d’appel d’offres, dans la mesure où elle serait susceptible de démontrer que Capricorn avait bénéficié d’un traitement préférentiel puisque, à la différence de ce qui a été le cas s’agissant de l’offre de la requérante, Capricorn n’a pas vu son offre écartée.
78 Partant, en présence de doutes quant au caractère confirmé du financement de l’offre de Capricorn qui n’auraient pas pu être dissipés, la Commission était tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen et ne pouvait pas adopter une décision de ne pas soulever d’objections, telle que la seconde décision litigieuse.
79 Force est de constater que les éléments invoqués par la requérante démontrent l’existence de tels doutes.
80 En premier lieu, comme le fait valoir la requérante, la Commission ne pouvait pas considérer que la lettre de Deutsche Bank du 10 mars 2014 contenait un engagement de financement contraignant.
81 En effet, il ressort de la lecture de la lettre de Deutsche Bank du 10 mars 2014, telle qu’elle a été produite par la Commission devant le Tribunal et figure au dossier de première instance, que celle-ci comporte, à la première page, une indication claire selon laquelle l’« engagement » contenu dans cette lettre est soumis aux conditions exposées, notamment, dans la « feuille de conditions » annexée à ladite lettre en tant qu’annexe A.
82 Or, cette annexe comporte, à la fin, une « remarque importante », laquelle indique, notamment, que « cette feuille de conditions sert uniquement à des fins de discussion et n’est pas censée créer des obligations juridiquement contraignantes entre nous [...] Par conséquent nous n’acceptons pas de responsabilité pour toute perte directe, consécutive ou autre résultant du fait de s’être basé sur cette [même] lettre ».
83 Il ressort de manière manifeste de ces indications que la lettre de Deutsche Bank du 10 mars 2014 n’était pas censée créer une obligation de financement contraignante à la charge de la banque qui l’a émise et au profit de Capricorn.
84 Cette conclusion est, au demeurant, confirmée par l’indication, figurant au paragraphe 9 de la page 5 de cette lettre, intitulé « Droit applicable et compétence », lequel se réfère à « toute obligation non contractuelle éventuelle » découlant de ladite lettre, sans évoquer des obligations contractuelles, précisément parce que cette même lettre n’était pas censée créer de telles obligations.
85 En second lieu, il ressort de la note 79 en bas de page de la décision finale que la deuxième tranche du prix de vente n’a pas été payée par Capricorn dans le délai imparti et que, par un accord conclu le 13 août 2014 entre l’administrateur judiciaire du Nürburgring, les vendeurs et Capricorn, le paiement de cette tranche a été reporté à une date ultérieure, en contrepartie du paiement d’intérêts de retard par Capricorn et de la fourniture de garanties complémentaires. Or, si le financement de l’offre de Capricorn était effectivement assuré, cette dernière aurait logiquement été en mesure de payer la deuxième tranche du prix de vente dans le délai imparti et n’aurait pas dû négocier le report de son paiement.
86 Partant, sans qu’il soit besoin d’examiner les moyens autres que le quatrième invoqués par la requérante à l’appui de son recours, il y a lieu de conclure que l’appréciation de la question de savoir si la vente des actifs du Nürburgring à Capricorn impliquait l’octroi, à cette dernière, d’une aide incompatible avec le marché intérieur soulevait des doutes, au sens de l’article 4 du règlement no 659/1999, lesquels auraient dû conduire la Commission à ouvrir la procédure visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE.
87 Dès lors, il y a lieu de faire droit au recours et d’annuler la seconde décision litigieuse.
Sur les dépens
88 Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé ou lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.
89 Selon l’article 138, paragraphe 3, première phrase, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens.
90 En l’espèce, il y a lieu de faire application de cette dernière disposition, dans la mesure où le pourvoi est rejeté en ce qu’il vise l’arrêt attaqué en tant que, par celui-ci, le Tribunal a rejeté la demande d’annulation de la première décision litigieuse, mais qu’il est accueilli en ce qu’il vise cet arrêt en tant que, par celui-ci, le Tribunal a rejeté la demande d’annulation de la seconde décision litigieuse, et la que Cour annule cette décision.
91 Par conséquent, il y a lieu d’ordonner que chaque partie supportera ses propres dépens.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête :
1) L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 19 juin 2019, NeXovation/Commission (T 353/15, EU:T:2019:434), est annulé, en tant que, par celui-ci, le Tribunal de l’Union européenne a rejeté la demande d’annulation de l’article 1er, dernier tiret, de la décision (UE) 2016/151 de la Commission, du 1er octobre 2014, relative à l’aide d’État SA.31550 (2012/C) (ex 2012/NN) mise à exécution par l’Allemagne en faveur du Nürburgring.
2) Le pourvoi est rejeté pour le surplus.
3) L’article 1er, dernier tiret, de la décision (UE) 2016/151 de la Commission, du 1er octobre 2014, relative à l’aide d’État SA.31550 (2012/C) (ex 2012/NN) mise à exécution par l’Allemagne en faveur du Nürburgring, est annulé.
4) NeXovation Inc.et la Commission européenne supportent leurs propres dépens.