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Décisions

CA Aix-en-Provence, 3e ch. sect. 2, 19 décembre 2019, n° 16/23023

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Grenke Location (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lis-Schaal

Conseillers :

Mme Fournier, Mme Vassail

CA Aix-en-Provence n° 16/23023

19 décembre 2019

Faits et procédure :

Par jugement du 19 octobre 2015, le tribunal de grande instance de Grasse a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard d'Olivier R. L., avocat.

Le 30 novembre 2015, la société Grenke Location a déclaré au passif de la procédure au titre d'un contrat de location portant sur un lecteur biométrique une créance de 9.511,36 euros, laquelle était contestée.

Par ordonnance du 19 décembre 2016, le juge commissaire a admis au passif la créance de la société Grenke Location à hauteur de la somme de 3.000 euros.

Olivier R. L. a interjeté appel de cette ordonnance le 23 décembre 2016.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 7 juillet 2017, Olivier R. L. demande à la cour d'infirmer l'ordonnance entreprise et de débouter la Sas Grenke Location de toutes ses demandes. Il soutient en effet que la créance déclarée à hauteur de 9.316,52 euros est présentée comme une indemnité de résiliation à laquelle la créancière ne peut prétendre, les conditions contractuelles n'étant pas réunies. La résiliation serait intervenue selon l'appelant non à la suite d'un manquement du débiteur mais de plein droit en application de l'article L.622-13 III du code de commerce, l'administrateur ou le débiteur mis en demeure d'opter pour la continuation du contrat n'ayant pas pris parti. A titre subsidiaire, Olivier R. L. demande à la cour de dire que l' indemnité de résiliation déclarée est manifestement excessive et doit être réduite à un euro.

Par arrêt avant-dire droit du 13 juin 2019, la cour a infirmé l'ordonnance entreprise, renvoyé l'affaire à l'audience du 13 novembre 2019, ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture et enjoint les parties à conclure sur les limites du pouvoir juridictionnel du juge commissaire au regard de l'interprétation de la convention qui les lie et en particulier des dispositions relatives à l'indemnité de résiliation.

La cour a en effet estimé que le débiteur fondait sa contestation de créance sur l'interprétation des dispositions de l'article 14 du contrat.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par Rpva le 24 septembre 2019, la société Grenke location a demandé à la cour :

- à titre principal de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du juge du fond,

- à titre subsidiaire, de débouter l'appelant de toutes ses demandes,

- sur son appel incident, d'infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a limité l'admission de la créance à la somme de 3 000 euros à titre chirographaire et, statuant à nouveau, de l'admettre pour la somme de 9 309,68 euros à titre chirographaire et de confirmer l'ordonnance pour le surplus,

- de lui allouer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Motifs :

Sur le pouvoir juridictionnel du juge-commissaire :

L'article 14 du contrat de location intitulé « Résiliation » stipule : « à l'exception des cas expressément prévus aux présentes, il ne pourra être mis fin unilatéralement à la convention de location avant le terme fixé........comme conséquence de la résiliation anticipée, le locataire devra payer une indemnité de résiliation égale à 100% des loyers hors taxes plus TVA restant à courir jusqu'à l'expiration de la location... ».

L'appelant conteste être redevable de l'indemnité de résiliation objet de la déclaration de créance au motif que les conditions d'attribution de ladite indemnité prévue par l'article précité ne seraient pas remplies, le contrat ayant été résilié non pas à la suite de l'inexécution de ses obligations contractuelles mais de plein droit par application des dispositions de l'article L 622-13 III 1° du code de commerce, après une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat adressée par le cocontractant à l'administrateur et restée plus d'un mois sans réponse.

Selon l'intimée, le litige porte sur l'applicabilité de l'article précité du contrat de location et relève donc du juge du contrat, la compétence du juge-commissaire régie par l'article L 624-2 du code de commerce se limitant à la vérification de l'existence de la créance et de son montant.

La question qui se pose est la suivante : en cas de résiliation de plein droit du contrat de location après une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat adressée par le cocontractant à l'administrateur et restée plus d'un mois sans réponse, l'indemnité de résiliation prévue par l'article 14 du contrat de location est-elle due par le locataire.

Si le juge-commissaire ne peut statuer qu'en juge de l'évidence sur le fond de la créance déclarée, encore faut-il que la contestation soit véritablement sérieuse.

L'appelant ne conteste pas la résiliation du contrat en elle-même mais seulement son obligation de payer l'indemnité prévue par l'article 14 du contrat.

Or, il n'est pas sérieusement contestable que la résiliation de plein droit découlant du silence opposé à la mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat de location s'analyse en une résiliation anticipée, laquelle, selon les termes dépourvus de toute équivoque du contrat, met à la charge du locataire, par la seule circonstance qu'elle survient avant le terme fixé par le contrat, l'obligation de verser à la bailleresse une indemnité de résiliation.

En statuant sur l'admission de la créance déclarée par la bailleresse, le juge-commissaire n'a pas outrepassé son pouvoir juridictionnel.

Il a par ailleurs jugé à juste titre que le locataire était tenu au paiement, en application de l'article 14 du contrat de location et en conséquence de la résiliation anticipée du contrat, d'une indemnité de résiliation.

Sur la qualification de l'indemnité de résiliation prévue par le contrat :

Aux termes de l'article 14 du contrat de location, en cas de résiliation anticipée du contrat, le locataire devra « payer une indemnité de résiliation égale à 100% des loyers hors taxes plus TVA restant à courir jusqu'à l'expiration de la location... ».

La majoration des charges financières pesant sur le locataire résultant de l'anticipation de l'exigibilité des loyers dès la date de la résiliation a été stipulée à la fois comme un moyen de le contraindre à l'exécution et comme l'évaluation conventionnelle et forfaitaire du préjudice futur subi par la société Grenke Location du fait de l'accroissement de ses frais ou risques à cause de l'interruption des paiements prévus: elle constitue ainsi une clause pénale susceptible de modération, en cas d'excès conformément aux dispositions de l'article 1152 ancien du code civil applicable aux faits de l'espèce.

Compte-tenu du préjudice effectivement subi par l'intimée, laquelle a obtenu la restitution du matériel loué dont la valeur d'achat était de 14 807 euros lors de la signature du contrat de location le 19 décembre 2012, l'indemnité de résiliation prévue par le contrat est manifestement excessive et sera réduite à la somme de 2 500 euros.

Il n'est pas inéquitable de laisser à l'appelant la charge de ses frais irrépétibles.

Par ces motifs :

Par arrêt contradictoire rendu publiquement,

Dit que la créance de la société Grenke Location est admise au passif de la procédure collective d'Olivier R. L. à titre chirographaire pour la somme de 2 500 euros,

Ordonne qu'il soit fait mention de la présente décision sur la liste des créances du débiteur susvisé par les soins du greffe conformément aux dispositions de l'article R 624-8 u code de commerce,

Déboute l'appelant de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective.