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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 1 septembre 2021, n° 18/00621

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Business Coiffure Beauté (SAS)

Défendeur :

Peggy Sage (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

M. Gilles, Mme Depelley

T. com. Bordeaux, du 27 nov. 2017

27 novembre 2017

La société Business Coiffure Beauté (ci-après BCB) a pour activité la vente aux artisans-coiffeurs de matériels, équipements et produits nécessaires à l'exercice de leurs activités professionnelles, mais également de produits cosmétiques. La société Peggy Sage, créée en 1996, a pour activité la fabrication et la vente de produits de manucurie et de cosmétique sous marque éponyme à destination des professionnels de l'esthétique et du grand public. Elle distribue ses produits via un réseau de distribution sélective sans exclusivité territoriale.

Trois contrats de distribution à durée indéterminée ont été signé par la société Peggy Sage, respectivement le 19 décembre 2006 avec la société X, le même jour avec la société Coiff'Diffusion Limoges et le 24 janvier 2008 avec la société Magnant Service Coiffure.

Le 30 avril 2010, la société X fusionne avec les sociétés Magnant Service Coiffure et Marseillaise de Fournitures pour Coiffeurs, sous le nom de la société Business Coiffure Beauté (ci-après BCB).

Le 1er octobre 2010, la société Coiff' Diffusion Limoges fusionne avec la société BCB.

Par lettre du 20 décembre 2010, PeggySage est informée de la fusion.

En 2012, un GIE Salsa est créé.

Le 8 novembre 2013, la société Peggy Sage adresse à la société BCB un contrat de distribution et lui demande de lui retourner avant le 30 novembre 2013, les deux exemplaires datés, tamponnés, signés, et paraphés par ses soins.

La société BCB refuse de le signer, considérant que ce contrat comporte des obligations exorbitantes et disproportionnées par rapport à ce qui était pratiqué jusqu'alors sans que la société Peggy Sage n'en ait jamais discuté avec elle auparavant.

Par lettre du 24 janvier 2014, la société Peggy Sage indique à la société BCC que cette dernière semble ne pas souhaiter poursuivre l'esprit de partenariat et des relations commerciales précédemment engagées et que, compte tenu des impératifs de son réseau de distribution sélectif, elle est dans l'obligation de lui notifier la fin des relations contractuelles avec un préavis suffisant pour lui permettre de nouer de nouveaux partenariats avec d'autres fournisseurs. Elle lui précise qu'à compter du 30 juin 2014, les commandes ne seront plus honorées, que la société BCB ne pourra plus vendre de produits Peggy Sage et qu'aucun stock ne sera repris.

C'est dans ces conditions que, par acte du 19 juillet 2016, la société BCB assigne la société Peggy Sage devant le tribunal de commerce de Bordeaux sur le fondement des articles L. 420-2, L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce et de l'article 1134 du code civil, à l'effet d'obtenir l'indemnisation des préjudices qu'elle a subi.

Par jugement du 27 novembre 2017, le tribunal de commerce de Bordeaux :

- Prend acte de ce que la société Peggy Sage SAS renonce à contester sa compétence et retient sa compétence,

- Déboute la société Peggy Sage SAS de sa demande de rejet des conclusions et pièces produites par la société Business Coiffure Beauté SAS le 3 juillet 2017,

- Déboute la société Peggy Sage SAS de sa demande visant à prononcer l'absence de qualité à agir de la société Business Coiffure Beauté SAS,

- Dit que la société Business Coiffure Beauté SAS a qualité pour agir,

- Dit que la rupture des relations commerciales entre la société Peggy Sage SAS et la société Business Coiffure Beauté SAS est brutale du fait de la société Peggy Sage SAS,

En conséquence :

- Condamné la société Peggy Sage SAS à payer à la société Business Coiffure Beauté SAS la somme de 150 000,00 euros (cent cinquante mille euros) au titre de dommages et intérêts,

- Déboute la société Business Coiffure Beauté SAS de ses autres demandes,

- Déboute la société Peggy Sage SAS de ses demandes,

- Condamne la société Peggy Sage SAS à payer à la société Business Coiffure Beauté SAS la somme de 3 000,00 euros (trois mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- Condamne la société Peggy Sage SAS aux dépens.

Par déclaration du 26 décembre 2017, la Société BCB interjette partiellement appel de ce jugement.

Par déclaration du 24 janvier 2018, la société Peggy Sage interjette, à son tour, partiellement appel de ce jugement.

Vu les dernières conclusions de la société BCB déposées et notifiées le 19 février 2021, par lesquelles il est demandé à la cour de :

In limine litis

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce en ce qu'il a considéré que la Société BCB avait intérêt à agir

- Dire et juger que la Société BCB a bien un intérêt à agir.

Sur le fond :

- Recevoir la Société BCB en ses entières demandes, fins et prétentions, et l'en déclarer bien fondée,

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce en ce qu'il a jugé qu'il s'est formé entre la Société BCB et la Société Peggy Sage une relation commerciale établie,

- Confirmer le jugement du Tribunal de Commerce en ce qu'il a jugé que la Société Peggy Sage a provoqué une rupture imprévisible et brutale des relations commerciales établies avec la Société BCB par courrier du 24 janvier 2014 ;

- Dire et juger que la Société Peggy Sage a provoqué une rupture brutale de la relation commerciale afin d'évincer toute concurrence et assoir sa position sur le marché par captation de la clientèle créée par BCB aggravée par le débauchage de la responsable du magasin BCB de Strasbourg,

- Dire que la Société Peggy Sage a employé des manœuvres visant à essayer de soumettre la Société BCB à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties et ainsi que des conditions manifestement abusives concernant les modalités de vente de ses produits ;

- Dire que la Société Peggy Sage a imposé des conditions commerciales discriminatoires et injustifiées à la Société BCB contrainte de les refuser et partant, a commis une rupture brutale des relations commerciales établies ;

- Dire que la Société Peggy Sage a fait preuve de déloyauté en procédant à une rupture abusive de ses relations contractuelles avec la Société BCB ;

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce en ce qu'il a jugé le préavis de 5 mois insuffisant ; Dire et juger que la Société Peggy Sage avait l'obligation de respecter le préavis d'une durée minimale de 12 mois qu'elle n'a pas respectée ;

- Infirmer le jugement du Tribunal de Commerce en ce qu'il a considéré que le préjudice de la Société BCB résultant de la rupture brutale de la relation commerciale se limitait à 150 000 euros de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau :

Constater que la Société BCB rapporte la preuve de son préjudice par la communication de documents comptables certifiés ;

En conséquence

- Condamner la Société Peggy Sage à payer à la société BCB la somme de 66 309 euros au titre de la diminution du chiffre d'affaires sur les ventes Peggy Sage pendant le préavis de 5 mois au titre de la rupture partielle de la relation commerciale établie ;

- Condamner la Société Peggy Sage à payer à la société BCB la somme de 466 756 euros au titre de la marge brute découlant de l'absence de préavis au titre de la rupture totale de la relation commerciale établie ;

- Condamner la Société Peggy Sage à payer à la société BCB la somme de 242 902 euros au titre du préjudice subi du fait de l'interdiction de la vente du stock restant,

- Condamner la Société Peggy Sage à payer à la société BCB la somme de 44 964,94 euros au titre du remboursement des coûts de retrait des produits Peggy Sage et de leur stockage,

- Condamner la Société Peggy Sage à payer à la société BCB la somme de 405 000 euros au titre du préjudice moral et financier, au titre de la perte de clientèle, de la dépréciation de son fonds de commerce et l'atteinte à la l'image de la Société BCB qui ne distribue plus le numéro un de la cosmétique française,

- Condamner la Société Peggy Sage à la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre aux dépens,

Vu les dernières conclusions de la société Peggy Sage déposées et notifiées le 18 octobre 2018 par lesquelles il est demandé à la cour de :

In limine litis

- Dire et juger que la procédure d'appel de la Société BCB est irrecevable ;

- Réformer le jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux n° 2016F00944 du 27 novembre 2017 et délivré le 05/12/2017 en ce qu'il a débouté la Société Peggy Sage de sa demande visant à prononcer l'absence de qualité à agir de la Société BCB ;

- Relever une fin de non-recevoir à l'action de la Société BCB pour défaut d'intérêt à agir ;

- Condamner la Société BCB aux entiers dépens et à la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Sur le fond

Si la Cour de céans reconnaissait néanmoins l'intérêt à agir de la Société BCB, il lui est demandé de :

- Reformer le jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux n° 2016F00944 du 27 novembre 2017 et délivré le 05/12/2017 en ce qu'il a reconnu (i) le caractère brutal de la rupture des relations commerciales, (ii) condamné en conséquence la Société Peggy Sage à payer à la Société BCB la somme de 150 000 euros au titre de dommages et intérêts, (iii) débouté la Société Peggy Sage sa demande de condamnation de la Société BCB au paiement des de sommes de 100 000 euros au titre de son action abusive et téméraire sur le fondement de l'article 1382 du Code civil et de 50 000 euros au titre de son action de désinformation menée auprès de la clientèle de la marque Peggy Sage sur le fondement l'article 1382 du Code civil ;

- Dire et juger que la Société BCB a agi de façon déloyale vis-à-vis de la Société Peggy Sage durant toute l'exécution de leur relation commerciale ;

- Dire et juger que la Société Peggy Sage était en droit de procéder à la terminaison des relations commerciales en raison des infractions caractérisées de la Société BCB dans leur exécution ;

- Dire et juger que la Société BCB n'a aucun préjudice commercial du fait de cette rupture ;

- Dire et juger que la Société BCB a mené une action de désinformation auprès de la clientèle de la marque ;

En conséquence :

- Rejeter la Société BCB de l'intégralité de ses demandes ;

- Condamner la Société BCB à payer à la société Peggy Sage la somme 100 000 euros au titre de son action abusive et téméraire sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;

- Condamner la Société BCB à payer à la société Peggy Sage la somme 50 000 euros au titre de son action de désinformation menée auprès de la clientèle de la marque sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;

- Condamner la Société BCB à payer à la société Peggy Sage la somme de 25 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure civile ;

A titre subsidiaire si la Cour d'appel reconnaissait le caractère brutal de la rupture :

- Dire et juger que la société BCB ne peut être en tout état de cause indemnisé que du différentiel de marge existant entre les achats réalisés directement auprès de Peggy Sage et ceux réalisés via un autre distributeur agréé membre du réseau ;

- Dire et juger et juger que la société BCB en renonçant à s'approvisionner auprès d'un autre distributeur agréé de la marque a commis une faute de gestion ;

- Dire et juger que la société BCB ne justifie pas du montant des préjudices dont elle demande réparation ;

En conséquence :

- Débouter la société BCB de ses demandes

- Condamner la Société BCB à payer à la société Peggy Sage la somme de 25 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure civile.

SUR CE LA COUR

Sur l'intérêt à agir de la société BCB

Selon la société Peggy Sage, la société BCB n'a pas d'intérêt à agir dans la présente procédure, faisant valoir que cette société a transféré unilatéralement sa relation commerciale avec elle au bénéfice du GIE Salsa à compter du 1er janvier 2014, de sorte qu'à compter de cette date, BCB n'a plus d'intérêt à agir à son encontre au titre de faits intervenus postérieurement à la date effective de ce transfert qu'elle lui a rendu explicitement opposable et qui constitue sa décision de gestion.

Elle en veut pour preuve que :

- le 2 novembre 2013, le groupe Coopere/BCB l'a clairement informée que leur relation contractuelle serait gérée, à compter du 1er janvier 2014 exclusivement par le GIE Salsa (sa pièce 12) auquel les facturations devaient être adressées et que les livraisons devraient être adressées au nouveau centre logistique de ce dernier,

- les missions du GIE ne se limitaient pas aux seules opérations de logistique,

- si le GIE a été constitué en 2012 par les sociétés BCB et Coopere, son existence ne lui a été révélée que le 2 novembre 2013, soit 6 jours avant l'envoi du nouveau contrat de distribution sélective, le 8 novembre 2013, et il n'avait jamais réalisé aucune opération de logistique dans le cadre du contrat entre les parties en 2013 ; il ne peut être déduit aucune acceptation de sa part dans l'intervention du GIE,

- BCB ne disposait d'aucun droit de substitution au regard de la clause d'intuitu personae que comportaient les contrats de distribution de 2006 et 2008,

- le courrier du 2 novembre ne peut être analysé comme une notification de l'intervention du GIE en qualité de mandataire de BCB puisque le GIE n'est en rien le mandataire de droit de ses fondateurs et qu'à défaut de contrat de mandat conforme aux dispositions de l'article 1984 du code civil, il est réputé agir à son égard en son nom propre et pour son propre compte, ce que confirme les échanges de correspondance intervenus entre eux à compter du 1er janvier 2014 (ses pièces 20 et 21).

- sa relation contractuelle était limitée à la seule vente de ses produits dans le cadre du contrat de distribution sélective, de sorte que, en imposant l'intervention du GIE comme acheteur unique de ses produits, BCB a procédé au transfert inéluctable et ayant vocation à durer dans le temps, des flux contractuels existants avec elle au bénéficie d'une structure tierce.

- en application des règles comptables et fiscales applicables, cette restructuration imposée pat BCB aurait abouti in fine à la réalisation pour celle-ci dans ses comptes d'un chiffre d'affaires de zéro avec BCB dont le numéro client n'a pas été transféré au GIE et son compte fournisseur dans les livres BCB aurait été également de zéro.

- le courrier du 2 novembre 2012 n'est pas une demande d'autorisation de transfert de la relation commerciale initiale liant les parties au bénéfice du GIE, s'agissant d'un courrier péremptoire, n'appelant aucune réponse ; il constitue la manifestation d'une décision de gestion de BCB.

Elle en conclut que, s'étant unilatéralement affranchie des dispositions des contrats de distribution sélective de 2006 et de 2008, BCB ne saurait invoquer un quelconque droit à agir au titre d'un préjudice causé exclusivement au GIE Salsa par les effets inéluctables de sa propre turpitude.

Mais, ainsi que le fait justement valoir la société BCB, le GIE Salsa avait pour seul objet de mettre en œuvre la politique d'achat définie par les membres du GIE dont la société BCB faisait partie, mais n'avait pas en charge la politique commerciale de la société BCB qui en gardait la maîtrise en toute indépendance.

Il sera observé à cet égard que la société Peggy Sage a adressé sa proposition de nouveau contrat le 8 novembre 2013 à BCB alors qu'elle avait connaissance du GIE et qu'elle a notifié le 24 janvier 2014, soit postérieurement au 1er janvier 2014, la fin de ses relations commerciales à BCB qui lui a répondu directement par un écrit du 11 février 2014 (pièces 4 et 5 de BCB).

Ainsi, la relation commerciale n'a pas été transférée au GIE et la société Peggy Sage a continué ses échanges avec BCB sur le terrain commercial. Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a retenu que la société BCB avait qualité à agir ; qu'elle a également intérêt à agir au regard de la rupture des relations commerciales qui lui a été notifiée par la société Peggy Sas.

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies

Ainsi que le tribunal l'a retenu, les relations commerciales sont établies entre Peggy Sage et BCB au sens de l'article L. 442-6 I, 5° du code de commerce dans sa version applicable à la cause, ce depuis l'année 1996, ainsi qu'il résulte du grand livre de la société X, ancienne dénomination sociale de la société BCB (pièce 1 de BCB).

La société Peggy Sage soutient que le refus de la société BCB de signer le contrat adressé le 8 novembre 2013 est fautif puisque celui-ci ne modifiait en rien les équilibres économiques établis entre les parties durant les relations passées. Elle considère qu'en agissant de la sorte, la société BCB a ainsi résiliée unilatéralement le contrat de distribution sélective qui la liait à son fournisseur avant même que ce dernier ne constate cette rupture le 24 janvier 2014.

Mais, ainsi que le fait justement valoir BCB, le nouveau contrat de distribution adressé à cette dernière le 8 novembre 2013 modifiait de manière sensible les équilibres économiques puisqu'en effet, contrairement aux contrats de distribution régularisés en 2006 et 2008 par les sociétés X, Magnant Service Coiffure et Coiff'Diffusion Limoges :

- il imposait, d'avoir toujours parmi les membres de son personnel, deux personnes possédant respectivement des compétences en méthode de prothésiste ongulaire, de maquillage et de soins, et en méthode de vente Peggy Sage,

- il comportait un minimum de commandes représentant pour le fournisseur un montant annuel HT de 50 000 euros pour ne pas risquer de voir son compte supprimé et l'agrément retiré (article 2.5), ainsi qu'un chiffre d'affaires annuel minimum de 50 000 euros pour bénéficier d'une remise, alors qu'une remise de 33 % était prévue dès le premier euro par rapport au prix catalogue dans les contrats initiaux.

Le nouveau contrat prévoyait ainsi qu'une fois atteint le chiffre d'affaires de 50 000 euros HT, deux niveaux de remise prenaient effet : 25 % pour le CA entre 12 000 et 50 000 euros et 33 % au-delà du chiffre d'affaires de 50 000 euros (article 6.1).

Est indifférente à cet égard la circonstance invoquée par Peggy Sage qu'aucune des sociétés n'aurait acheté pour un montant annuel inférieur à 50 000 euros HT.

Ces éléments suffisent à établir que la société Peggy Sage a tenté d'obtenir de son distributeur une modification substantielle du contrat, sans même ouvrir de discussion (attestation de M R., pièce 42).

Dès lors le refus de signer ce nouveau contrat ne présente aucun caractère fautif de la part de BCB.

Peggy Sage se prévaut de la faute qu'aurait commise BCB en transférant unilatéralement à compter du 1er janvier 2014, sa relation commerciale avec elle au bénéfice exclusif du GIE Salsa.

Mais, outre que ce grief n'a nullement été invoquée par Peggy sage dans sa lettre du 8 novembre 2013 mettant fin à leurs relations, force est de constater, ainsi qu'il a été dit que la relation commerciale n'a pas été transférée au GIE Salsa. En conséquence, Peggy Sage échoue à établir que BCB a rompu l'égalité entre elle et les autres distributeurs de la marque et a commis une faute ne permettant plus le maintien des relations contractuelles.

Si Peggy Sage était en droit de rompre ses relations avec BCB, encore lui incombait-il d'accorder à cette dernière un délai de préavis suffisant.

Le tribunal doit être approuvé d'avoir retenu qu'en ne lui accordant qu'un délai de préavis de 5 mois au regard de l'ancienne de leurs relations (18 ans) et qu'un délai d'un an devait lui être accordé, la société Peggy Sage avait rompu brutalement ses relations commerciales établies avec la société BCB.

Sur le préjudice

La société BCB demande à être indemnisée des préjudices qui découlent de la rupture brutale de ses relations commerciales établies avec la société Peggy Sage.

Si ainsi que la fait valoir cette dernière, la société BCB ne peut solliciter la réparation que du seul préjudice entraîné par le caractère brutal de la rupture, ce principe n'interdit pas à la victime de solliciter des dommages et intérêts supplémentaires, notamment au titre d'un préjudice moral en lien avec la brutalité de la rupture.

Sur le manque à gagner au titre de l'absence de préavis suffisant

La société BCB invoque un manque à gagner s'élevant à 466 756 euros, c'est à dire la perte de marge brute ramenée à 7 mois de préavis non effectué. Elle fait état de la grande attractivité de la marque Peggy Sage, dont l'absence au sein des magasins a pour conséquence la baisse de la fréquentation, et grâce à laquelle les distributeurs réalisent leur plus important chiffre d’affaires. Elle indique que la clientèle Peggy Sage représente elle-même 30 % de sa clientèle, qu'elle a produit 1 872 142 euros de chiffre d'affaires de moins entre 2013 et 2015 et que la marge globale constatée sur les comptes est de 42,74 %, soit sur une année, une perte de marge brute de 800 153 euros et sur la période de préavis manquant de 7 mois, la somme de 466 756 Euros (7/12 de 800 153 euros). Elle ajoute avoir maintenu son chiffre d'affaires avec la partie de clientèle qui n'était pas cliente des produits Peggy Sage et qu'ainsi le préjudice directement imputable à la Société Peggy Sage est clairement établi.

Le préjudice né de l'insuffisance du préavis s'entend généralement de la perte de marge sur coûts variables durant les mois de préavis manquants calculée à partir des chiffres d'affaires des trois années précédant la rupture selon la formule :

Chiffre d'affaires perdu - charges variables qui auraient dû être engagées pour réaliser ce chiffre d'affaires = marge sur coûts variables

Au vu des pièces produites, notamment les comptes certifiés des exercices 2011, 2012 et 2013 ainsi que de l'attestation du commissaire aux comptes mentionnant un chiffre d'affaires réalisé sur la marque Peggy Sage en 2013 de 721 494 euros, la cour retient que les produits de la marque représente un pourcentage de 4,76 % du chiffre d'affaires, soit en moyenne sur les années 2011 à 2013, une somme de 745 468 euros par an, somme sur laquelle il convient d'appliquer un taux de marge sur coûts variables pour les produits Peggy Sage de 36 % , soit la somme de 268 368 euros, soit sur 7 mois la somme de 156 548 euros.

Il sera donc alloué à BCB au titre des 7 mois de préavis manquant, la somme de 156 548 euros.

- Sur le manque à gagner au titre de la diminution du chiffre d'affaires sur les ventes Peggy Sage pendant le préavis de 5 mois

La société BCB soutient que son manque à gagner a été 66 309 euros, puisque pendant les 5 mois de préavis accordés, soit de février au 30 juin 2014, les ventes se sont effondrées. La perte de chiffre d'affaires enregistrée a été de 181 026 euros, et le taux de marge constaté sur la marque Peggy Sage étant de 36,63 % cela fait une perte de marge brute sur les seules ventes des produits Peggy Sage de 66 309 euros.

Mais la société BCB ne démontre pas que le manque à gagner dont elle se prévaut au titre des cinq mois de préavis qui lui ont été accordés serait imputable à Peggy Sage, en lien avec la brutalité de la rupture.

Sa demande de ce chef sera en conséquence rejetée.

- Sur l'indemnisation du préjudice subi du fait de l'interdiction de la vente du stock restant au 30 juin 2014

Selon la société BCB, elle doit être indemnisée de son préjudice à hauteur de 242 902 euros car ce montant correspond au chiffre d'affaires qu'elle aurait réalisé, si elle avait eu la possibilité de vendre les produits en stock.

Elle fait valoir à cet égard que la société Peggy Sage lui a indiqué dans son courrier du 24 janvier 2014 qu'elle ne ferait aucune reprise du stock existant, et qu'elle interdisait la vente de ce stock au-delà de la date effective de la fin des relations contractuelles, soit après le 30 juin 2014. Or, elle indique qu'au 30 juin 2014, elle détenait près de 4.500 produits Peggy Sage représentant la somme de 153 926,99 euros (sa pièce n° 13) qu'elle n'a pas vendus comme en atteste le procès-verbal d'huissier en date du 31 octobre 2014. Ainsi, elle fait valoir qu'au regard de l'interdiction formulée par la Société Peggy Sage, le stock restant est à ce jour invendable et elle subit une perte sèche à laquelle s'ajoute la perte de la marge brute d'un taux de 36,63 % qui aurait été dégagée si la Société BCB avait pu liquider le stock restant. Elle estime (sa pièce n° 47) que la perte de marge brute calculée à partir des stocks correspondant à 153 927 Euros, s'élève à la somme de 88 975 Euros en tenant compte d'une marge sur ces produits constatée dans l'historique des comptes de 36,63 %, ce qui aboutit à un total de 242 902 Euros (153 927 Euros montant du stock + 88 975 Euros perte de marge).

Mais, la société BCB ne peut obtenir que la réparation du préjudice causé par la brutalité de la rupture et non par la rupture elle-même, étant observé qu'elle a déjà été indemnisée de sa perte de marge au cours des 7 mois de préavis manquant.

Sa demande de ce chef sera rejetée.

- Sur le préjudice subi du fait du retrait des produits Peggy Sage des rayonnages de la Société BCB

La société BCB soutient qu'elle doit être remboursée des frais importants qu'elle a engagé pour mettre en œuvre la décision de la Société Peggy Sage lui ordonnant de retirer les produits de ses points de ventes ce qui représentent la somme de 44 964, 94 € HT (sa pièce n° 19).

Mais, les sommes engagées pour retirer les produits Peggy Sage de ses points de vente ne constituent pas un préjudice résultant de la brutalité de la rupture.

Cette demande doit être rejetée.

- Sur le préjudice moral et commercial subi du fait de la perte de clientèle et la dégradation de l'image de la Société BCB

La société BCB soutient que suite à cette rupture, elle accuse une perte de clientèle, une atteinte à son image, et une dépréciation de son fonds de commerce suite aux pratiques condamnables de la Société Peggy Sage dont le caractère prémédité est établi, constitutives d'un trouble à l'ordre public. Elle demande la somme de 405 000 euros en réparation de ces préjudices.

Mais, la société BCB se prévaut d'un préjudice résultant de la rupture elle-même et non de la brutalité de celle-ci. Cette demande doit être rejetée.

Sur les demandes de la société Peggy Sage

La société Peggy Sage sollicite sur le fondement de l'article 1382 du code civil la réparation d'un préjudice d'un montant de 100 000 euros résultant du caractère abusif et téméraire de l'action menée par BCB en vue et d'obtenir sans justification une indemnisation globale d'un montant de 1 051 298 € alors même qu'elle réalisait depuis 2010 une marge brute et un résultat d'exploitation négatifs et que le montant de cette indemnisation est supérieur à la somme consolidée de ses pertes et profits d'exploitation réalisés entre 2010 et 2013. Elle sollicite également un préjudice d'un montant de 50 000 euros résultant des actions de dénigrement et de désinformation réalisées par les équipes commerciales de BCB.

Mais, le sens de l'arrêt conduit à débouter la société Peggy Sage de sa demande de dommages-intérêts tant au titre du prétendu caractère abusif et téméraire de l'action menée par BCB, que des prétendues actions de dénigrement et de désinformation.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société Peggy Sage, partie perdante, est condamnée aux dépens d'appel et est déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle est condamnée à payer la somme de 10 000 euros sur ce dernier fondement, en sus de la somme allouée à ce titre par le tribunal.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant dans les limites de l'appel,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a condamné la société Peggy Sage à payer à la société Business Coiffure Beauté la somme de 150 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Statuant à nouveau de ce chef infirmé,

Condamne la société Peggy Sage à payer à la société Business Coiffure Beauté la somme de 156 548 euros au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies ;

La condamne aux dépens d'appel et à payer à la société Business Coiffure Beauté la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.