Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 2 septembre 2021, n° 18/01568

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

MDSA (SA)

Défendeur :

Chairman (SAS), Terre d'Emeraude (SAS), Caparmor (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Prigent

Conseillers :

Mme Soudry, Mme Lignières

T. com. Rennes, 12 déc. 2017

12 décembre 2017

FAITS ET PROCÉDURE :

La société MDSA commercialise des vêtements sous la marque Bayard à travers un réseau de magasins intégrés.

Elle a confié la distribution de ses produits en dépôts-ventes :

- à compter de 2004 à la société Chairman, exploitant un magasin à l'enseigne Tricomer Armor Lux, situé à Avrillé (Angers),

- puis à compter de 2006, à la société Terre d'Émeraude, exploitant un magasin à l'enseigne Armor Lux, situé à La Richardais (Dinard).

Ces deux magasins font partie du groupe Armor Lux dirigé par M. X.

Un corner "espace ville" réservé aux produits Bayard a été installé dans chacun de ces magasins aux frais de la société MDSA.

A partir du mois de juin 2015, la société MDSA a constaté une baisse du chiffre d'affaires des deux magasins.

Par lettre du 12 août 2015, M. Y, PDG de la société MDSA, a demandé au dirigeant du groupe Armor Lux, M. X, de clarifier la situation.

Ce courrier étant resté sans réponse, M. Y a de nouveau écrit à M. X le 7 septembre 2015 afin de rappeler à son partenaire qu'il ne pouvait pas brutalement retirer les produits Bayard de ses linéaires sans respecter un préavis tenant compte de l'ancienneté des relations commerciales.

Par lettre du 22 septembre 2015, M. X a confirmé à la société MDSA sa décision de cesser à court terme la commercialisation des produits Bayard, sous réserve de l'application d'un préavis d'usage, et l'a invitée à se rapprocher de lui afin de convenir des modalités de la cessation de leur partenariat.

La société MDSA a sollicité par voie de requête, sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile, la désignation de deux huissiers de justice afin de faire constater le retrait des rayons des produits Bayard. Les constats ont été effectués dans les deux magasins le 12 janvier 2016.

Par actes introductifs d'instance en dates des 9 et 10 mai 2016, la société MDSA a assigné les sociétés Terre d'Émeraude d'une part, et Chairman d'autre part, devant le tribunal de commerce de Nancy en vue d'obtenir une indemnisation sur le fondement de L. 442-6-I-5° du Code de commerce.

Par jugement du 13 janvier 2017, le tribunal de commerce de Nancy s'est déclaré territorialement incompétent et a renvoyé l'affaire devant le tribunal de commerce de Rennes.

Le 31 août 2018, la société Caparmor a fusionné avec la société Terre d'Émeraude et vient aux droits de cette dernière.

Par jugement du 12 décembre 2017, le tribunal de commerce de Rennes a :

- dit qu'il n'y a pas eu rupture brutale de relations commerciales établies au sens de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce ;

- débouté la société MDSA de toutes ses demandes et prétentions formées à ce titre ;

- débouté la société MDSA de ses demandes formées au titre du paiement des stocks résiduels ;

- décerné acte aux sociétés Chairman et Terre d'Émeraude de ce qu'elles tiennent à la disposition de la société MDSA leurs stocks résiduels Bayard et le mobilier des "corners" ;

- dit que la société MDSA procédera à l'enlèvement de ses stocks et de son mobilier constitué de corners dans les magasins d'Avrillé et de La Richardais des sociétés Chairman et Terre d'Émeraude dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement ;

- débouté les sociétés Chairman et Terre d'Émeraude de leur demande d'astreinte formée à ce titre ;

- débouté la société MDSA de ses demandes formées au titre des frais de constats d'huissier ;

- condamné la société MDSA à payer à la société Chairman et à la société Terre d'Émeraude la somme de 5 000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs autres demandes, plus amples ou contraires ;

- dit qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement ;

- condamné la société MDSA aux entiers dépens de l'instance ;

- liquidé les frais de greffe à la somme de 116.77 euros tel que prévu aux articles 695 et 701 du Code de procédure civile.

Par déclaration du 11 janvier 2018, la société MDSA a interjeté appel de ce jugement en visant la totalité des chefs du jugement critiqués.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 4 octobre 2018, la société MDSA demande à la cour de :

Vu l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ;

- débouter les sociétés Chairman et Terre d'Émeraude de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;

- réformer le jugement du tribunal de commerce de Rennes du 12 décembre 2017 en toutes ses dispositions ;

- juger que les sociétés Chairman et Terre d'Émeraude ont rompu brutalement les relations commerciales les liant à la société MDSA ;

Statuant à nouveau,

- condamner la société Chairman à verser à la société MDSA la somme de 61.041 euros en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale ;

- condamner la société Chairman à verser à la société MDSA la somme de 1.199,01 euros au titre de la perte de marge sur le stock résiduel ;

- condamner la société Chairman à verser à la société MDSA la somme de 540,05 euros au titre des frais de constat d'huissier ;

- condamner la société Terre d'Émeraude à verser à la société MDSA la somme de 33.968,50 euros en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale ;

- condamner la société Terre d'Émeraude à verser à la société MDSA la somme de 3.497,68 euros au titre de la perte de marge sur le stock résiduel ;

- condamner la société Terre d'Émeraude à verser à la société MDSA la somme de 521,56 euros au titre des frais de constat d'huissier ;

- condamner les sociétés Chairman et Terre d'Émeraude à restituer à la société MDSA les stocks résiduels et les matériels d'exposition ;

- condamner les sociétés Chairman et Terre d'Émeraude à verser chacune une somme de 10 000 euros à la société MDSA sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner les sociétés Chairman et Terre d'Émeraude aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 11 mars 2020, les sociétés Chairman et Terre d'Émeraude, aux droits de laquelle vient la société Caparmor, demandent à la cour de :

Vu l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ;

Vus les articles 783 et 554 du Code de procédure civile ;

déclarer la SAS Caparmor recevable en son intervention volontaire, sous la constitution de la SELARL Recamier Avocats Associés, prise en la personne de Z, laquelle se constitue en son nom par la présente ;

Confirmer le jugement du 13 décembre 2017 en ce qu'il a :

- dit qu'il n'y a pas eu rupture brutale de relations commerciales établies ;

- débouté la société MDSA de toutes ses demandes et prétentions formées à ce titre ;

- décerné acte aux sociétés Chairman et Caparmor de ce qu'elles tiennent à la disposition à la société MDSA les stocks « Bayard » et corners mobiliers ;

- dit que la société MDSA procédera à l'enlèvement de ses stocks et corners mobiliers dans le délai d'un mois de la signification du jugement à intervenir ;

- débouté la société MDSA de ses demandes au titre des frais de constats d'huissier ;

- condamné la société MDSA à verser aux sociétés Chairman et Caparmor chacune la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles et par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné la société MDSA aux entiers dépens ;

réformer le jugement en ce qu'il a :

- rejeté la demande d'astreinte ;

- débouté les sociétés Chairman et Caparmor de leur demande indemnitaire ;

Statuant de nouveau,

- ordonner l'enlèvement des stock et matériels sous astreinte de 200 euros par jour de retard et par magasin, ladite astreinte pouvant être liquidée à défaut d'exécution passé le délai de 15 jours ;

- condamner la société MDSA à verser aux sociétés Caparmor et Chairman chacune la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour abus de procédés ;

En tout état de cause,

- condamner la société MDSA à verser aux sociétés Caparmor et Chairman chacune, la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner les mêmes aux entiers dépens de l'instance, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile ;

A titre extrêmement subsidiaire, ordonner une expertise judiciaire sur le préjudice pour le cas où il était reconnu, ladite expertise se faisant aux frais avancés de la société MDSA ;

- condamner la société MDSA à verser aux sociétés Chairman et Caparmor la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles et par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la société MDSA aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 5 mars 2020.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS

L'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce dans sa rédaction applicable au litige dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'Economie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. Lorsque la rupture de la relation commerciale résulte d'une mise en concurrence par enchères à distance, la durée minimale de préavis est double de celle résultant de l'application des dispositions du présent alinéa dans les cas où la durée du préavis initial est de moins de six mois, et d'au moins un an dans les autres cas.

La relation commerciale, pour être établie au sens de ces dispositions, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.

Le texte précité vise à sanctionner, non la rupture elle-même, mais sa brutalité caractérisée par l'absence de préavis écrit ou l'insuffisance de préavis.

Le délai de préavis doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné.

Sur la relation commerciale établie

Il n'est pas contesté l'existence d'une relation commerciale établie entre les parties depuis 2004 concernant la société Chairman et 2006 concernant la société Terre d'Émeraude, cette relation ayant pris fin courant 2015.

Les points de litige portent sur l'imputabilité de la rupture et sur son caractère brutal.

Sur l'imputabilité de la rupture et son caractère brutal

Celui qui se prévaut être victime d'une rupture brutale doit apporter la preuve que l'autre partie est à l'origine d'une rupture unilatérale de la relation commerciale.

En l'espèce, l'appelante prétend que c'est le groupe AmorLux auquel appartiennent les intimées qui est à l'initiative d'une rupture brutale, contrairement à ce que les premiers juges ont décidé. A cet effet, la société MDSA fait valoir que dès le 22 avril 2015 il lui a été demandé de stopper les livraisons pour le magasin d'Avrille et que le dirigeant du groupe AmorLux lui a indiqué par la suite de confirmer qu'il souhaitait cesser toute relation mais n'a pas donné de préavis précis dans son courrier du 22 septembre 2015.

Quant aux intimées, elles estiment que la société MDSA ne les a pas réapprovisionnées au sortir de l'été 2015 pour les collections automne/hiver 2015 alors qu'elle aurait dû revenir vers elles pour convenir des modalités d'un préavis avec le dirigeant du groupe Amorlux après avoir reçu sa proposition par courrier du 22 septembre 2015.

Dans ce dernier courrier, le dirigeant du groupe Armor Lux écrivait à la société MDSA en ces termes : " Nous vous confirmons que nous souhaitons privilégier l'offre des produits issus du Groupe Armor-Lux dans les magasins de la Richardais et d'Angers.

Comme indiqué par nos responsables de magasins, nous souhaiterions cesser, à court terme, la commercialisation des produits Bayard sous réserve de l'application d'un préavis d'usage.

Nous sommes à votre disposition pour convenir ensemble des modalités de la cessation de notre partenariat en tenant compte des approvisionnements que vous avez pu faire pour la saison à venir." (pièce 31 des sociétés Chairman et Terre d'Émeraude)

Il en ressort que ce courrier manifeste une intention de rompre « à court terme » mais sans fixer explicitement la durée du préavis. Il n'a pas été suivi d'une fixation d'un préavis précis.

Les intimées ne peuvent légitimement reprocher à la société MDSA de ne pas avoir proposé un réapprovisionnement pour les collections de l'automne/hiver 2015 alors que dès le mois d'avril 2015 celle-ci a reçu un message de la part d'une salariée du groupe Armor Lux lui demandant de stopper toutes les livraisons pour le magasin d'Avrillé, en précisant « suite à une décision de ma direction » (pièce 5 de la société MDSA). Cette volonté du groupe est confirmée par le courrier du directeur d'Armor Lux envoyée mi septembre 2015 alors que l'appelante lui avait demandé précédemment à plusieurs reprises de prendre clairement position et ce, sans donner une date précise de fin effective de la relation commerciale.

Enfin, avant même qu'un préavis soit défini, par email du 13 novembre 2015, l'assistante marketing du groupe Armor Lux a demandé à la société MDSA de venir récupérer son matériel de vente des produits Bayard dans le magasin d'Avrillé. (pièce 12 de la société MDSA)

Ceci traduit une attitude ambivalente de la part du groupe AmorLux qui a empêché la société MDSA de s'organiser pour trouver de nouveaux partenaires.

Par conséquent, en rompant une relation commerciale établie depuis respectivement 11 et 9 années pour les magasins d'Avrillé et de La Richardais, et en l'absence d'un préavis clairement fixé dans la lettre de rupture, la société Terre d'Emeraude et la société Chairman sont à l'origine d'une rupture brutale des relations commerciales.

Le jugement de 1re instance sera infirmé en ce qu'il n'a pas reconnu l'existence d'une rupture brutale imputable aux sociétés Chairman et Terre d'Émeraude du groupe Armor Lux, au préjudice de la société MDSA.

Sur le délai du préavis

La société MDSA soutient qu'un préavis de 12 mois pour la société Chairman et 9 mois pour la société Terre d'Émeraude était nécessaire au vu de l'ancienneté de la relation et au vu de la saisonnalité inhérente au secteur de l'habillement.

Les intimées répliquent que le préavis d'usage est de 6 mois dans le secteur concerné.

Sur ce,

Une relation commerciale stable a duré entre les parties pendant 11 années avec la société Chairman et 9 années avec la société Terre d'Émeraude.

Concernant l'intensité de la relation, il n'est pas précisé par l'appelante le pourcentage du chiffre d'affaires tiré de sa relation commerciale avec la société Chairman et la société Terre d'Émeraude par rapport à son chiffre d'affaires global et aucune dépendance économique justifiant un allongement de la durée du préavis n'est alléguée.

Il convient de prendre en compte le fait que dans le secteur de l'habillement les approvisionnements se font par saison biannuelle (automne/hiver et printemps/été).

Au vu de l'ancienneté de la relation commerciale ayant existé entre les parties au moment de la rupture à la fin de l'été 2015 et de la particularité du secteur de l'habillement, un préavis de 6 mois était nécessaire et suffisant pour permettre à la société MDSA de réorganiser son activité.

Sur la réparation du préjudice

Il convient de rappeler que l'on ne peut obtenir réparation que du préjudice entraîné par le caractère brutal de la rupture et non du préjudice découlant de la rupture elle-même.

- le calcul du gain manqué du fait de l'arrêt brutal des relations

Concernant la marge nette dégagée entre 2011 et 2014 par la société MDSA dans son activité avec la société Chairman et la société Terre d'Émeraude, il est justifié par l'attestation de son expert comptable versée aux débats en pièce 3, lequel a retenu un taux moyen de 52,70 % sur cette période.

C'est à bon droit que la moyenne du chiffre d'affaires retenu par l'appelante a été calculée sur les trois derniers exercices (2011 à 2014) avant la rupture intervenue courant 2015, l'année 2015 n'étant pas représentative de l'activité générée par la relation commerciale avec les deux magasins en question puisque dès avril 2015 il a été demandé à la société MDSA de ne plus effectuer de livraison.

Au vu des éléments comptables produits par l'appelante au dossier qui sont suffisants pour fixer le préjudice, il n'est pas opportun de faire droit à la demande des intimées tendant à ordonner une expertise judiciaire.

La marge nette annuelle dégagée entre 2011 et 2014 a été calculée par l'expert comptable au vu de son courrier du 27 aout 2017 (pièce 16 de la société MDSA), après avoir à bon escient déduit les commissions payées aux dépositaires (30%).

Le préjudice dû au gain manqué sera fixé comme suit :

- pour la société Chairman (magasin d'Avrillé) : 61.041 euros de marge nette moyenne sur 12 mois /2 pour un préavis de 6 mois , soit 30.520,50 euros.

- pour la société Terre d'Émeraude (magasin de La Richardais) : 45.291 euros de marge nette moyenne sur 12 mois /2 pour un préavis de 6 mois , soit 22.645,50 euros.

- l'indemnisation au titre des stocks résiduels et la restitution du matériel de vente

La société MDSA sollicite d'être indemnisée par la société Chairman et la société Terre d'Émeraude au titre des produits retirés de la vente dès aout 2015 en se fondant sur les deux procès-verbaux de constat d'huissier du 12 janvier 2016 établis dans les magasins d'Avrillé et La Richardais (pièces 10 et 11 de la société MDSA) dans lesquels il a été notamment recueilli les propos suivants de la vendeuse de Terre d'Emeraude: "Nous n'avons plus aucun produit Bayard en surface de vente. Ces produits ont été retirés de la vente après les soldes d'été, c'est à dire après le mois d'aout 2015".

Néanmoins, l'appelante ne justifie nullement d'une attitude fautive de la société Chairman et la société Terre d'Émeraude par ce retrait fin aout de la collection d'été qui est habituel dans les magasins d'habillement. Elle sera donc déboutée de ce chef de demande, à l'instar de ce qu'ont décidé les premiers juges.

Enfin, il n'est pas nécessaire de condamner la société Chairman et la société Terre d'Émeraude à restituer le matériel de vente de la marque Bayard (tel que listé en pièce 21 de la société MDSA) puisqu'il est constant que ces dernières les laissent à la disposition de la société MDSA et demandent même qu'il soit enjoint à celle-ci de venir le récupérer dans les magasins d'Avrillé et de la Richardais.

Sur la reprise des stocks résiduels et restitution du matériel

Il convient de confirmer la décision de première instance qui a dit que la société MDSA procédera à l'enlèvement de ses stocks et de son mobilier constitué de corners dans les magasins d'Avrillé et de La Richardais des sociétés Chairman et Terre d'Émeraude (tel que listé en pièce 21 de la société MDSA), et ce dans le délai d'un mois à compter de la présente décision, sans l'assortir d'une astreinte qui n'apparait pas opportune en l'espèce.

Sur la demande pour procédure abusive et sur les frais et dépens

La société Chairman et la société Terre d'Émeraude, succombant partiellement en cause d'appel, leur demande en procédure abusive sera rejetée.

Le jugement du tribunal de commerce sera infirmé en ce qu'il a condamné la société MDSA aux dépens et à payer la somme de 5000 euros chacune au titre des frais irrépétibles.

La société Chairman et la société Terre d'Émeraude supporteront les entiers dépens y compris les frais des deux procès-verbaux de constat d'huissier de justice du 12 janvier 2016 (frais justifiés par factures d'huissier en pièce 22 de la société MDSA : 521,56 et 466,24 euros), et participeront aux frais irrépétibles engagés par la société MDSA à hauteur de 5.000 euros chacune.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a dit qu'il n'y avait pas de rupture brutale des relations commerciales au préjudice de la société MDSA et a condamné cette dernière à supporter les frais irrépétibles et dépens de la première instance,

Le confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés :

DIT qu'il y a eu une rupture brutale imputable à la société Chairman et la société Terre d'Émeraude aux droits de laquelle vient la société Caparmor au préjudice de la société MDSA,

CONDAMNE la société Chairman à payer à la société MDSA la somme de 30.520,50 euros au titre de l'indemnisation pour rupture brutale,

CONDAMNE la société Terre d'Émeraude aux droits de laquelle vient la société Caparmor à payer à la société MDSA la somme de 22.645,50 euros au titre de l'indemnisation pour rupture brutale,

Y ajoutant,

REJETTE la demande d'expertise judiciaire,

DIT que la société MDSA procédera à l'enlèvement de ses stocks et de son mobilier constitué de corners dans les magasins d'Avrillé et de La Richardais des sociétés Chairman et Terre d'Émeraude (tel que listé en pièce 21 de la société MDSA) dans le délai d'un mois à compter de la présente décision,

REJETTE la demande d'astreinte,

CONDAMNE la société Chairman payer à la société MDSA la somme de 5.000 euros et condamne la société Terre d'Émeraude aux droits de laquelle vient la société Caparmor à payer à la société MDSA la somme de 5.000 euros, en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum la société Chairman et la société Terre d'Émeraude aux droits de laquelle vient la société Caparmor aux entiers dépens de l'appel, y compris les frais des deux procès-verbaux de constat d'huissier de justice du 12 janvier 2016.