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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 18 septembre 2014, n° 14/06958

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Paris

Défendeur :

Procureur général près la Cour d'Appel de Paris, Selafa MJA (ès qual.), Cobrason (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Franchi

Conseillers :

Mme Picard, M. Boyer

T. com. Paris, 5e ch., du 17 mars 2014

17 mars 2014

La société COBRASON a été créée en octobre 1978 avec pour objet social « l’achat, vente et réparations de tous matériels se rapportant au son et à l’image ». Son activité est exploitée comme suit :

- dans une boutique sise à [...],

- par vente par correspondance et par Internet,

- et depuis mai 2012 dans une boutique sise au [...]. Pièce n°1

La société COBRASON a régulièrement bénéficié de découverts, crédit de campagne ou billet de trésorerie consentis par les quatre banques seniors. Ces financements étaient une condition essentielle à une bonne exploitation en raison de la forte saisonnalité des ventes en fin d’année en novembre/janvier (en raison des fêtes de fin d’année et soldes d’hiver) ainsi qu’en mai/juillet (soldes d’été et événements sportifs).

En 2001, les fondateurs ont cédé la totalité des titres qu’ils détenaient au sein de la société COBRASON à la société I. FINANCE.

Monsieur Eric I. et la société CQFD avaient constitué un groupe composé de la société I. FINANCE et de ses filiales, les sociétés COBRASON et STC 67.

Le 10 juillet 2008, la société I. FINANCE a vendu la totalité des titres du capital de la société COBRASON à la société BRACO, société holding créée à l’effet d’acquérir ces titres,

Le prix d’acquisition des titres d’IFLI FINANCE avait été fixé à la somme de 30.237.191 € (outre les frais pour 463.000 €) et devait être acquitté par la société BRACO :

partiellement en fonds propres, partiellement par l’émission d’obligations convertibles souscrites par différentes personnes, partiellement acquitté au moyen d’un prêt bancaire dit Senior consenti suivant contrat du 8 juillet 2008, d’un montant en principal de 21.700.000 € accordé par les Banques CREDIT DU NORD , SOCIETE GENERALE, ARKEA BANQUE E&I et CAIDF.

La tranche C du Prêt Senior était remboursable en une échéance unique 6 mois après la date de mise à disposition des fonds.

La tranche B était remboursable en une échéance unique 8 ans après la mise à dispositions des fonds.

La tranche A était remboursable selon une périodicité annuelle.

En garantie du remboursement du Prêt Senior, la société BRACO a, dans un premier temps, nanti 100% du capital de la société I. FINANCE (soit 55.904 actions) (cf. déclaration de nantissement de compte titres financiers en date du 10 juillet 2008). (cf. Pièce n° 2), Puis à la suite d’une opération de transmission universelle de patrimoine entre I. FINANCE et COBRASON, la société BRACO a substitué à la garantie du Prêt l’intégralité des titres composant le capital de COBRASON (déclaration de nantissement du 10 mars 2009 portant sur 10.000 actions). (cf. Pièce n° 3)

L’activité et les résultats de la société COBRASON, filiale d’exploitation, ont permis des remontées de flux financiers au profit de la société holding, BRACO, qui a ainsi pu honorer ses engagements vis à vis des banques.

Le remboursement des tranches A et C du crédit Senior s’est effectué conformément aux dispositions contractuelles relatives à la distribution du Cash Flow Libre Excédentaire.

En raison des bons résultats opérationnels de COBRASON et à l’initiative des dirigeants, 50% de la dette totale initiale a été remboursée entre juillet 2008 et le 15 juillet 2010

Les 15 et 28 mai 2010, les dirigeants ont demandé au CREDIT DU NORD, agent des banques, d’autoriser deux opérations conclues respectivement avec AUDACIA et avec NAXICAP, visant à permettre à COBRASON d’émettre des actions nouvelles sur la base d’une valorisation de la société de 38 M€, permettant ainsi de renforcer de 2 M€ ses fonds propres.

Les dirigeants ont précisé que cette opération leur permettait d’envisager sereinement l’utilisation de la trésorerie largement excédentaire de COBRASON à l’effet de diminuer l’endettement du Groupe et notamment de rembourser la troisième tranche des OC1 et les intérêts des OC2 émise à un taux relativement élevé.

Les dirigeants souhaitaient également que BRACO procède au versement d’un acompte sur dividendes de 900 000 € lequel n’impacterait pas les résultats futurs de COBRASON puisqu’il correspondait en réalité au montant de la prime d’émission résultant de l’augmentation de capital réalisée avec NAXICAP.

Le CREDIT DU NORD a régulièrement sollicité l’accord des « Banques Senior » et les a informée le 10 juin 2010 de la réalisation de l’augmentation de capital de COBRASON au profit de NAXICAP.

Le 27 mai 2011, suite à la réalisation de l’opération d’augmentation de capital de COBRASON au profit d’AUDACIA, les dirigeants (L. et M. de N.) ont demandé aux banques leur autorisation pour permettre le versement par COBRASON d’un dividende qui devaient leur permettre de financer le rachat d’actions de leur cédant au capital de BRACO.

Si à l’issue de cette opération, BRACO n’était plus détenteur de 100% des actions de COBRASON, c’est encore 95,5 % du capital de COBRASON qui était nanti au profit des « Banques Seniors «.

Les banques senior ayant exigé le remboursement anticipé de la tranche in fine du prêt senior (en juillet 2010 et février 2011 pour un montant de 2.200.000 €), la société BRACO a été obligée de se faire consentir des avances encore plus importantes par la société COBRASON.

La société COBRASON est donc devenue créancière de la société BRACO pour la somme de 3.337.610 €, Pièce n° 23.

Parallèlement, la crise économique, perceptible dès l’automne 2008, a entraîné à compter de l’exercice 2010 une perte de chiffre d’affaires dans le magasin historique sis à [...], ce qui a conduit la société COBRASON à ouvrir un nouveau point de vente en vue de redynamiser les ventes.

La boutique sise à BOULOGNE-BILLANCOURT (92100) a été ouverte en mai 2012 , entraînant un investissement supplémentaire de plus de 3.000.000 € financé par des prêts moyens termes pour un montant de 2,2 M € souscrits par COBRASON auprès de BNP PARIBAS, la BANQUE PALATINE, et OSEO sous forme de prêts d’exploitation

Parallèlement, la société COBRASON ayant bénéficié de concours à court terme accordés par trois des quatre banques Senior, voyait en 2011 le CREDIT DU NORD réduire ses concours avant de les dénoncer :

- par courrier recommandé du 8 juillet 2011, le CREDIT DU NORD demandait à voir ramener le découvert à 300.000 € au 31/10/2011 puis à 200.000 € au 31/11/2011,

- par courrier recommandé du 9 février 2012, il dénonçait le découvert avec un préavis de 60 jours,

- par lettre recommandée du 17 avril 2012, il mettait en demeure la société COBRASON d’avoir à rembourser sous 8 jours,

- par lettre du 1er juin 2012, il dénonçait la convention de compte courant avec un préavis de 60 jours.

Le 18 juin 2012, la société COBRASON a proposé d’apurer le découvert en douze (12) mois à compter de décembre 2012.

Le CREDIT DU NORD a accepté le principe d’un remboursement de sa créance en 18 mensualités à compter du 1er juillet, par un courrier du 20 juin 2012.

La société COBRASON a respecté cet échéancier jusqu’au 1er octobre 2012.

Du fait de la persistance de la crise financière et de son impact négatif sur la consommation des produits proposés par la société COBRASON, cette dernière a enregistré une dégradation de son exploitation avec une réduction du crédit fournisseur.

Les banques ont dénoncé les concours court terme consentis à la société COBRASON,

- le 6 juillet 2012 pour le CREDIT AGRICOLE ILE DE FRANCE ;

- le 10 août 2012 pour la SOCIETE GENERALE ;

- le 24 août 2012 pour la BANQUE PALATINE ;

ce qui empêchait la société COBRASON de préparer ses achats de produits pour la période de fin d’année conduisant à une baisse de plus de 10% et à des pertes d’exploitation très importantes.

La société BRACO n’a pas pu rembourser l’échéance en principal du 8 juillet 2012 au titre du Prêt Senior, et n’a pas été en mesure de respecter les ratios financiers R1, R2 et R3 convenus dans le Contrat de Prêt Senior au titre de l’exercice clos le 31 janvier 2012.

Les sociétés BRACO et COBRASON ont alors présenté le 13 juillet 2012 une requête afin de voir désigner un conciliateur et, par ordonnance en date du 20 juillet 2012 rectifiée le 27 juillet 2012, Maître B. a été désigné en qualité de mandataire ad hoc jusqu’au 30 octobre 2012 avec mission «  d’assister le dirigeant des sociétés SAS BRACO et SAS COBRASON dans les négociations avec mission suivante :

- dans un premier temps, de réitérer la demande amiable de gel du remboursement du capital du prêt Senior pour la SAS BRACO, ainsi que le maintien des concours bancaires court terme pour la SAS COBRASON, et en cas de dénonciation le gel du remboursement de ces découverts en caisse durant les négociations ;

- dans un second temps de négocier un réaménagement de la durée du contrat de prêt Senior compatible avec les capacités financières du groupe COBRASON-BRACO et un réexamen des concours court terme (crédits de campagne, découverts en caisse) nécessaires ;

- puis plus généralement négocier avec les autres créanciers en tant que de besoin ».

Par ordonnance en date du 5 novembre 2012 , la mission de mandataire ad hoc confiée à Maître B. a été prorogée pour une durée d’un mois à compter du 30 octobre 2012. (cf. Pièce n° 12)

Cette mission de Maître B. a ensuite été prorogée par ordonnance du 18 janvier 2013, puis du 18 mars 2013 pour une durée de 2 mois à compter du 28 février 2013.

 

Parallèlement, un litige entre associés existant antérieurement aux négociations bancaires, a conduit les sociétés NAXICAP PARTNERS et L. à révoquer Monsieur Luc de N., Président des sociétés BRACO et COBRASON (et actionnaire de BRACO à travers la Société SUNSET COMPANY).

Après avoir laissé impayée l’échéance de juillet 2012, la société BRACO n’a pas pu davantage rembourser l’échéance du 8 juillet 2013 du Prêt Senior.

En marge des discussions entre les sociétés et les prêteurs Senior, les sociétés BRACO et COBRASON, en présence de Maître B. mandataire ad hoc, ont le 14 juin 2013 signé avec NAXICAP PARTNERS représentant les Fonds des sociétés du groupe BANQUE POPULAIRE un protocole d’accord relatif à la cession des participations détenues par les Fonds au profit de la société L..

Lors de la dernière réunion du 22 juillet 2013, destinée à relire et signer le protocole soumis aux parties, la signature n’a pu avoir lieu par suite du revirement « soudain » de la CAIDF.

La CAIDF, qui avait participé à l’augmentation du compte courant de la société d’exploitation COBRASON, dans les comptes de la SAS BRACO, avait été à l’initiative d’une solution destinée à accélérer le remboursement, par priorité, de cette créance avant de permettre à la SAS BRACO d’apurer son passif bancaire; et elle avait notamment offert d’abandonner une très grande partie de la créance qu’elle détenait sur la SAS BRACO, moyennant un paiement comptant global et forfaitaire représentant environ 18 % de sa créance.

La SAS BRACO n’ayant pas la trésorerie disponible pour payer ce rachat de créance, la CAIDF devait céder sa créance à l’un des associés de la SAS BRACO, la société L., qui devait payer les causes de cette cession de créance en novembre 2013.

La CAIDF exigeait :

- le paiement immédiat des causes de la cession de créance projetée avec la société L.,

- le paiement immédiat des intérêts en sus, alors qu’il avait été expressément convenu que la somme représentant 18% de sa créance sur la SAS BRACO permettait un solde de tous comptes,

la prise en charge de ses frais d’avocat ce qui représentait une somme complémentaire de 90.000 €, impossible à assumer en l’état de la trésorerie des deux sociétés,

La CAIDF refusait en outre le privilège de « new money » aux associés qui se proposaient d’apporter de l’argent frais alors qu’aucune banque n’acceptait de financer les sociétés holding et filiale,

Cette série d’exigences a mis en échec les négociations et malgré les demandes réitérées tant des sociétés BRACO et COBRASON que du conciliateur, la CAIDF refusait de reconsidérer sa position,

Le protocole était cependant conclu, sous différentes conditions suspensives et notamment celle de l’homologation par le Tribunal de Commerce de PARIS d’un protocole d’accord passé avec les banques dans le cadre d’une procédure de conciliation.

Aux termes de ce protocole, s’agissant de COBRASON, le prix de cession des actions de COBRASON appartenant aux Fonds représentés par NAXICAP PARTNERS (à l’exception de celles détenus par NAXICAP HOLDING 2010) a été fixé à 279.500 €.

Sachant que chacun de ces Fonds détenait 0,71% du capital de COBRASON, la valorisation de l’intégralité du capital de COBRASON pouvait être fixée, au regard de cet accord, à 19.683.000

Le protocole d’accord comportait également des conventions de vote aux AGO et AGE de COBRASON et de BRACO en faveur des décisions suivantes :

1) AG de COBRASON :

- agrément de la société L. et de Monsieur P. en qualité de nouveaux actionnaires de COBRASON ;

- émission de BSA pour une souscription d’un montant de 400.000 € ;

- augmentation de capital par incorporation des créances en compte courant d’associé réservées à LIBERY et à Monsieur P. pour un montant de 400.000 € ;

2) assemblée de BRACO :

- agrément de Monsieur P. en tant que nouvel actionnaire ;

- réduction du capital par affectation des pertes ;

- augmentation de capital d’un montant maximum de 2.000.000 € par incorporation des créances détenues par L. (ou tout établissement bancaire) au capital de BRACO ;

- augmentation de capital d’un montant maximum de 2.000.000 € par incorporation des créances ou obligations convertibles au capital de BRACO qui seront détenues par L. ou par Monsieur P. ;

- augmentation de capital d’un montant de 400.000 € au profit de L. par incorporation de créances en compte courant d’associé.

C’est dans ces circonstances que, par requête datée du 11 juillet 2013 faisant état de la révocation de Monsieur de N. à la date du 23 juillet 2013, Monsieur P., agissant en qualité de Président de la société BRACO et de la société COBRASON, sollicitait la désignation de Maître B. en qualité de conciliateur pour une durée de 4 mois avec mission de :

- apprécier la situation juridique, économique et financière de la société BRACO et de la société COBRASON et déterminer la situation active et passive de celle-ci ;

- assister les sociétés dans les négociations avec leurs actionnaires afin de résoudre le conflit d’associés ;

- assister les sociétés dans les négociations avec leurs créanciers, notamment les fournisseurs, les organismes sociaux et fiscaux, les établissements financiers, afin d’obtenir des délais ou remises adaptées aux capacités financières entreprises permettant ainsi d’assurer sa pérennité». (cf. Pièce n° 15)

Dans sa requête, Monsieur P. précise que grâce à la convention de cession de titres régularisée le 14 juin 2013 : «La société LBERFY détiendra 73,51% du capital social de la société BRACO, ce qui lui permettra de remplir sans obstacle son rôle d’actionnaire très majoritaire’ (cf. page 11).

Monsieur de N. a ensuite été effectivement révoqué le 23 juillet 2013 par le Conseil de surveillance et remplacé par Monsieur P..

Et par ordonnance du 15 juillet 2013 a été ouverte une procédure de conciliation à l’égard des sociétés COBRASON et BRACO, Maître B. étant désigné conciliateur avec la mission précitée pour une durée de 4 mois. (cf. Pièce n° 16)

Puis, le 31 juillet 2013 les actionnaires de COBRASON (un représentant de BRACO et un représentant de NAXICAP) réunis en AGE ont décidé de donner délégation au Président à l’effet de procéder à une augmentation de capital d’un montant nominal maximum de 400.000 € par émission de 10.000.000 actions nouvelles avec suppression du DPS, d’agréer de nouveaux associés, à savoir la société de droit luxembourgeois L. SA et Monsieur P., et d’émettre des BSA.

Le procès-verbal de ces délibérations n’était enregistré et déposé au Greffe que le 18 février 2014,

Par lettre en date du 12 août 2013 Maître B., en sa qualité de conciliateur des sociétés BRACO et COBRASON, a proposé aux établissements de crédit, « tenant compte de l’absence estivale des représentants habituels des établissements de crédit, des congés de l’actionnaire principal de BRACO du 20 août au 10 septembre 2013 », la « tenue d’une réunion générale de tentative de rapprochement des positions en vue de l’arrêt d’un projet commun d’accord de conciliation » le 11 septembre 2013.

Cependant, Monsieur P., agissant en qualité de Président de BRACO, avait effectué le 1er août 2013 une déclaration au Greffe du Tribunal de Commerce de PARIS sollicitant le bénéfice de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, étant précisé que la SAS BRACO a sollicité l’ouverture d’une mesure de sauvegarde judiciaire tandis que la société COBRASON poursuivait la procédure de conciliation puisqu’aucune difficulté ne semblait faire obstacle à la signature d’un accord de conciliation,

Par jugement rendu le 2 septembre 2013 le Tribunal a ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société BRACO et a désigné Maître B. en qualité d’administrateur Judiciaire avec une mission de surveillance.

Le CREDIT AGRICOLE IDF a déclaré sa créance au passif de BRACO (cf. Pièce n° 20)

Suite à la communication du jugement ouvrant la procédure de sauvegarde au bénéfice de la société BRACO, la CAIDF a adressé à la société COBRASON, par courrier du 5 septembre 2013, une mise en demeure d’avoir à payer la somme de 362.813,48 € dans le délai de 8 jours avec notification de clôture du compte courant. (Pièces n° 21 et 22)

Par courrier circonstancié du 13 septembre 2013, la société COBRASON a demandé à la CAIDF de bien vouloir reconsidérer sa position. (Pièce n°7 ) mais en vain.

Le 25 septembre 2013 Monsieur P., en sa qualité de Président de la société COBRASON, a fait usage de la délégation de compétence conférée par l’assemblée générale extraordinaire du 31 juillet 2013 et a :

- décidé d’une augmentation de capital d’un montant de 400.000 € par voie d’émission de 10 millions d’actions ordinaires au prix unitaire de 0,04 € ;

- constaté la souscription par L. SA de 8.500.000 actions intégralement libérées par compensation ;

- constaté la souscription par Monsieur P. de 1.500.000 actions libérées par compensation. cf. Pièce n°23)

Le 7 octobre 2013 s’est tenue une nouvelle assemblée générale extraordinaire de la société COBRASON décidant d’une nouvelle augmentation de capital d’un montant de 400.000 € par la création de 10 millions de nouvelles actions ordinaires au prix unitaire de 0,04 € chacune, avec maintien du droit préférentiel de souscription des associés. (cf. Pièce n°24)

Le 6 décembre 2013, il a été procédé par NAXICAP à la cession au profit de L. de :

- 28.883 actions de COBRASON détenues par le FCPR NATIXIS DEVELOPPEMENT ET CREATION 2008 ;

- 38.259 actions de COBRASON détenues par le FCPR NAXICAP PATRIMOINE 2010.

L. a ensuite cédé le même jour une action à Monsieur P.. (cf. Pièces n° 25 et 26)

Les 9 et 10 décembre 2013, après que NAXICAP PARTNERS et L. soient convenues, sous certaines conditions stipulées aux termes d’un accord séparé, de la cession par NAXICAP PARTNERS à L. SA des actions qu’elle détient dans le capital de la société BRACO ainsi que des obligations émises par BRACO et souscrites par les Fonds NAXICAP, il a été trouvé les termes d’un accord de conciliation entre :

1 - la société COBRASON ;

2 - Monsieur P. « associé » ;

3 - la société L. SA « associée » ;

4 - BANQUE PALATINE ;

5 - BNP PARIBAS ;

6 - néant

7 - CREDIT DU NORD ;

8 - BPI FRANCE FINANCEMENT ;

9 - SOCIETE GENERALE,

« les banques »,

en présence de :

- la société BRACO « en sa qualité d’associée » ;

- Maître B. : « le conciliateur »,

« L’accord de conciliation » était soumis à la condition suspensive de son homologation par le Tribunal dans le cadre de la procédure de conciliation.

Il prévoyait un remboursement échelonné de l’apurement des découverts bancaires et autres concours dont le montant arrêté au 30 novembre 2013 ressortait à 885.634,16 €, de même qu’un remboursement échelonné des prêts dont le montant s’élevait à la somme de 2.200.000 €.

« L’accord de conciliation »faisait état en son article 1 « Engagements des associés » de ce que :

- la société L. et Monsieur P. en leur qualité d’associés de la société

COBRASON’ s’engagent à consentir à la société COBRASON un compte courant bloqué d’un montant de 800.000 €, en vue de l’augmentation de capital de la société COBRASON, laquelle interviendra au plus tard dans les 3 mois de la date à laquelle le jugement d’homologation sera devenu irrévocable ;

- le bénéfice pour la société L. et Monsieur P. du privilège dit « de conciliation » prévu par l’article L. 611-11 du Code de commerce pour l’apport de trésorerie effectué jusqu’à la date où cette somme de 800.000 € serait affectée à l’augmentation de capital.

« L’accord de conciliation » prévoyait également la cession par les Fonds NAXICAP de leurs actions et de leurs obligations telle que prévue par le protocole d’accord du 14 juin 2012 modifié par avenant en date du 6 décembre 2013.

En marge de « l’accord de conciliation » COBRASON s’était engagé envers la BESV, le 8 avril2013, à procéder au remboursement d’un crédit de Trésorerie de 500KE comme suit :

- 50.000 avant le 30/04/2013 ;

- 50.000 avant le 30/05/2013 ;

- 100.000 à la date du jugement d’homologation de l’accord de conciliation ;

- 300.000 au plus tard le 10/01/2014.

Au texte de « l’accord de conciliation » était annexé un certain nombre de documents, et notamment une annexe 16 intitulée « Organigramme complet du groupe avec % de détention avant et après modification du capital social » :

Le CREDIT AGRICOLE IDF n’a pas signé « l’accord de conciliation », ayant préalablement informé Maître B. de sa position par lettre en date du 4 décembre 2013 dans les termes suivants (et dans l’ignorance des actes dont l’existence ne sera révélée qu’ultérieurement) :

«  (...) Nous comprenons que les associés ultra-minoritaires de COBRASON apportent 800.000 € à celle-ci dans l’attente d’une augmentation de capital. BRACO ne signe pas le protocole de conciliation mais il apparaît assez logique qu’à la suite de l’augmentation de capital envisagée BRACO verra logiquement sa participation diluée dans le seul actif dont elle dispose, c’est-à-dire les actions de COBRASON.

Avec une dette en compte courant de 3,5 M€ à l’égard de COBRASON et dans un tel schéma, nous ne voyons pas en quoi un tel protocole est un préalable indispensable à tout projet de plan de sauvegarde de BRACO : la dette Senior de 8 M€ ne peut qu’être écrasée et non payée, ce qui n’est pas la vocation d’un plan de sauvegarde. Votre assertion n’est crédible que dans le contexte d’une liquidation judiciaire de la holding BRACO, mais alors les associés de celle-ci ne peuvent faire main basse sur l’actif de COBRASON au mépris des règles d’ordre public, mais aussi des règles de subordination actuelles entre les créances des banques, des obligataires et des actionnaires ’

Comme demandé, il reste indispensable de nous transmettre la déclaration de créance de COBRASON au passif de sa mère (…) ainsi que :

- les rapports spéciaux des Commissaires aux Comptes sur les bilans consolidés de BRACO arrêtés en janvier 2012 et janvier 2013 ;

- le rapport spécial des Commissaires aux Comptes pour le bilan social de COBRASON de janvier 2012 ;

- les rapports spéciaux et généraux des Commissaires aux Comptes pour le bilan social de BRACO arrêté en janvier 2012 et janvier 2013, lesquels devraient logiquement faire mention d’une opinion concernant la créance de COBRASON. (…). (cf. Pièce n° 29)

Après avoir reçu les documents demandés, et par lettre en date du 6 décembre 2013 , le CREDIT AGRICOLE IDF a réitéré auprès de Maître B. les motifs de son refus de signer en l’état « l’accord de conciliation proposé «, tout en précisant à Maître B. qu’il était favorable à un « traitement amiable différencié sur COBRASON » et qu’il ne s’opposerait pas « à un jugement émis sur la base de l’article 1244-1 du Code civil ». (cf. Pièces n° 30 et 31)

Le 10 décembre 2013, le CREDIT AGRICOLE IDF ne s’est donc pas présenté au Cabinet de Maître M., où était soumis à la signature des différents établissements de crédit le texte de « l’accord de conciliation «.

Le CREDIT DU NORD a alors, du Cabinet de Maître M., contacté téléphoniquement Maître B. à l’effet d’obtenir de celui-ci l’assurance qu’il ne demanderait pas le recours aux dispositions combinées de l’article L. 611-7 alinéa 5 du Code de commerce et des articles 1244-1 et suivants du Code civil et qu’il solliciterait la mise en place d’une procédure de sauvegarde financière accélérée, ce que Maître B. a fait et confirmé par lettre au CREDIT DU NORD. (cf. Pièce n° 32 : lettre de Maître B. au CREDIT DU NORD du 10 décembre 2013)

 

Le 9 décembre 2013, sous l’égide de Maître B. en sa qualité de conciliateur, un accord de conciliation a été signé avec l’ensemble des établissements bancaires, à l’exclusion de la CAIDF, Pièce n°10

Par déclaration en date du 12 décembre 2013, la société COBRASON a ainsi du sollicité l’ouverture d’une procédure de sauvegarde financière accélérée (SFA), demande à laquelle le Tribunal a fait droit par jugement du 16 décembre 2013, désignant Maître L.-T. en qualité de mandataire judiciaire et Maître B. administrateur judiciaire avec mission de surveillance.

Le CREDIT AGRICOLE IDF a déclaré sa créance et formé tierce opposition à cette décision.

Maître B. a le 28 décembre 2013 convoqué les banques de la société COBRASON incluant la BESV pour une réunion du Comité des établissements de crédit le 7 janvier 2014.

Le CREDIT AGRICOLE IDF a par lettre en date du 30 décembre 2013 soumis à la société une « proposition de plan conforme tant à l’intérêt social des sociétés du groupe BRACO (‘) qu’à la nécessité de voir les banques et créanciers remboursés avant qu’un actionnaire structurellement subordonné n’instrumentalise la sauvegarde, fût-elle financière accélérée, à leurs dépens ».

La proposition du CREDIT AGRICOLE IDF visait «  à restaurer les fondamentaux économiques de la société d’exploitation avec les apports proposés et les droits conférés par les contrats signés entre les parties sans anticiper abusivement sur la procédure de sauvegarde de la société BRACO et dans l’objectif de porter une atteinte frauduleuse » à ses droits de créancier privilégié.

Le projet de plan modifié proposé par le CREDIT AGRICOLE IDF était le suivant :

1 - injection de la somme de 800.000 € dans la société BRACO, laquelle remboursera partiellement le compte courant à l’actif de COBRASON pour le même montant ;

2 - délégation de paiement du prix de cession à L. des titres détenus par NAXICAP et nantissement des titres acquis par L. au profit des banques de BRACO bénéficiaires d’un nantissement pris pour compte commun par le CREDIT DU NORD, conformément au contrat de prêt souscrit entre elles sur 100% des titres COBRASON ;

3 - provisionnement du solde du compte courant dû par BRACO, soit 2.781 K€ ;

4 - dette Senior de BRACO gelée pendant le plan COBRASON (accord unanime à recueillir auprès des banques concernées) ;

5 - remboursement par COBRASON à répartir sur les établissements de crédit comme suit :

- pour l’année 2014 : 700.000 € ;

- pour l’année 2015 : 843.000 € ;

- pour l’année 2016 : 960.000 € ;

- pour l’année 2017 : 582.634 €.

- aucun dividende ni aucun paiement d’aucune sorte aux actionnaires en dehors des besoins strictement nécessaires à l’établissement des bilans du groupe BRACO.

(cf. Pièce n° 34)

Par lettre en date du 21 janvier 2014 , Maître B. a soumis au vote du Comité des établissements de crédit le projet de plan de la société COBRASON, conforme en tous points au texte d’accord de conciliation des 9 et 10 décembre 2013, étant précisé que la société COBRASON a estimé qu’il n’y avait pas lieu de soumettre au vote du Comité des établissements de crédit lors de sa séance du 28 janvier 2014 la proposition préalablement transmise par le CREDIT AGRICOLE IDF (cf. page 9 du projet de plan). (cf. Pièce n° 35)

Bien que la BESV soit membre du Comité des établissements de crédit, sa créance, dont le solde ressortait à 400.000 €, n’était pas soumise au plan et devait faire l’objet d’un remboursement « sur 3 mois à compter de janvier 2014 «.

A la lecture du projet de plan, les établissements de crédit ont constaté que celui-ci faisait pour la première fois mention de deux décisions successives d’augmentation de capital de COBRASON qui auraient déjà été décidées et réalisées entre le 31 juillet 2013 et le 15 octobre 2013, alors que dans tous les documents antérieurs il ne s’agissait que de projets d’augmentation de capital.

(cf. Pièce n° 36 : lettre du CREDIT DU NORD à Maître B. du 31 janvier 2014)

Néanmoins, lors de la réunion du Comité des établissements de crédit de COBRASON du 3 février 2014, le plan de la société COBRASON a été adopté à la majorité de 89,7% des droits de vote.

Par jugement du 14 février 2014, le Tribunal de Commerce de PARIS a arrêté le plan de sauvegarde financière accélérée de la société COBRASON.

Le 18 février 2014, la société COBRASON a déposé au Greffe du Tribunal de Commerce de PARIS les pièces relatives à la réalisation des augmentations de capital de la société COBRASON.

Par déclaration du 24 février 2014, le CREDIT AGRICOLE IDF a formé tierce opposition au jugement arrêtant le plan de sauvegarde.

Par jugement en date du 17 mars 2014, le Tribunal de Commerce de Paris a dit la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARIS ET D’ILE DE FRANCE recevable mais mal fondée en sa tierce opposition, rejeté la tierce opposition, dit n’y avoir lieu à rétracter le jugement du 16 décembre 2013.

Dans le cadre de la présente instance portant donc sur la tierce opposition au jugement d’ouverture de la sauvegarde, le Tribunal de Commerce de PARIS a considéré que :

- COBRASON ne se trouvait pas en situation de cessation des paiements a la date du 15 décembre 2013, jour du prononcé du jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde financière accélérée.

le jugement du 16 décembre 2013 décidant de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde accélérée au bénéfice de COBRASON ne constitue pas une fraude aux droits de CRCA

Dans ses conclusions d’appel, le CREDIT AGRICOLE IDF demande à la Cour de :

- Réformer le jugement entrepris.

Et faisant droit aux demandes de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARIS ET D’ILE-DE-FRANCE,

- Rétracter le jugement rendu le 16 décembre 2013 ouvrant la procédure de sauvegarde financière accélérée de la société COBRASON.

- Débouter la société COBRASON, Maître B. ès-qualités et la SELAFA MJA ès-qualités de toutes leurs demandes.

- Statuer ce que de droit sur les dépens.

Il considère que d’une part que les conditions légales de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde financière accélérée n’étaient pas réunies et d’autre part que l’ouverture de cette procédure a été faite en fraude de ses droits.

Sur la recevabilité de la demande de la société COBRASON d’ouverture d’une procédure de sauvegarde financière accélérée

La CAIDF invoque les arguments suivants:

1) le non-respect des dispositions de l’article L. 628-1 du Code de commerce

La CAIDF considère qu’en application des dispositions du second alinéa de l’article L.628-1 du Code de commerce, une procédure de sauvegarde accélérée ne peut être ouverte sur demande d’un débiteur que si celui-ci est engagé dans une procédure de conciliation en cours.

Elle observe que:

- Monsieur P., agissant en qualité de Président de la société BRACO d’une part et de la société COBRASON d’autre part, a aux termes d’une requête unique du 11 juillet 2013 sollicité de Monsieur le Président du Tribunal de Commerce l’ouverture d’une procédure de conciliation unique.

- par ordonnance en date du 15 juillet 2013 , le Président du Tribunal de Commerce, «vu la demande de conciliation déposée le 12/07/2013 par les sociétés SAS BRACO et SAS COBRASON», a nommé Maître B. en qualité de conciliateur pour une durée de 4 mois avec mission d’assister le dirigeant des sociétés SAS BRACO et SAS COBRASON dans ses négociations’».

- cette procédure de conciliation unique ainsi ouverte a pris fin lorsque la société BRACO a sollicité l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, laquelle a été ouverte par un jugement du 2 septembre 2013 qui a nécessairement clôturé la procédure de conciliation unique ouverte en faveur des deux sociétés.

Dès lors, la procédure de conciliation de la société COBRASON n’est plus en cours lorsque celle-ci a sollicité, par demande en date du 19 décembre 2013, l’ouverture d’une procédure de sauvegarde financière accélérée.

Au surplus, pour prétendre justifier d’une procédure de conciliation «en cours’ lors de la demande d’ouverture de la procédure de SFA, la société COBRASON a fait état dans sa demande d’ouverture d’une prorogation de la procédure de conciliation résultant d’une ordonnance du Président du Tribunal de Commerce de PARIS en date du 25 novembre 2013 . mais, si elle existe, une ordonnance du 25 novembre 2013 ne peut permettre la prorogation d’une procédure de conciliation ayant déjà pris fin le 15 novembre 2013.

En conclusion, le Tribunal de Commerce de PARIS a manifestement excédé ses pouvoirs en ouvrant le 13 décembre 2013 une procédure de sauvegarde financière accélérée au bénéfice de la société COBRASON, faute pour celle-ci d’être engagée dans une procédure de conciliation en cours régulière à cette date.

Le CREDIT AGRICOLE IDF est dès lors bien fondé à solliciter de la Cour la réformation du jugement entrepris et la rétractation de la décision ouvrant la procédure de SFA.

2) l’état de cessation des paiements de la société COBRASON

La CAIDF souligne que l’article L. 620-1 du Code de commerce fixe les critères d’éligibilité à toute procédure de sauvegarde et prévoit que l’entreprise ne doit pas être en cessation des paiements, cette condition devant être appréciée au jour où il est procédé à l’ouverture de la procédure.

Or, la société COBRASON se trouvait en situation de cessation des paiements à la date du 16 décembre 2013.

La demande d’ouverture de la procédure de SFA fait en effet état d’un actif au 30/07/2013 ventilé entre :

- actif non disponible : 9.721.251 € ;

- actif disponible : 716.442,90 €, dont BANQUE DELUBAC : 47.917,11 € ; BNP : 581.383,31 € ; et ARKEA : 87.142,48 €.

S’agissant du passif, la demande d’ouverture fait état :

- de créanciers garantis par les privilèges généraux :

. échu : 124.883 € ;

. à échoir : 326.442,16 €.

- de créanciers garantis par les privilèges généraux :

. à échoir : 24.200.000 €.

- de créanciers chirographaires:

. échu : 362.816,48 € ;

. à échoir : 2.990.783 €.

Soit, un passif échu total reconnu de 487.696,48 €.

Le passif échu reconnu par la société COBRASON se compose de la créance du CREDIT AGRICOLE IDF à raison de deux lettres de change du 10 septembre 2012 : 362.813,48 € et de dettes sociales : 124.883 € (cf. Pièce n° 39)

Le CREDIT AGRICOLE IDF considère qu’outre ce passif échu reconnu par la société COBRASON, l’intégralité des autres dettes à court terme de la société COBRASON, lesquelles s’élevaient à 885.634,16 € (incluant les lettres de change de CA IDF), était exigible.

Il en était de même de la somme de 425.000 € restant due à la BESV correspondant aux :

- solde de 25.000 € dû sur l’échéance qui aurait dû être réglée avant le 31 mai 2013

- 100.000 € dus «à la date du jugement d’homologation de l’accord de conciliation» ;

- 300.000 € «avant le 10 janvier 2014’ sous la condition de l’homologation de l’accord de conciliation.

De même, était exigible la somme de 2.200.000 € due par COBRASON à raison du capital restant dû au titre de divers prêts.

Enfin étaient également exigibles, à la date à laquelle le Tribunal de Commerce de PARIS a ouvert la procédure de sauvegarde financière accélérée, les sommes dues par COBRASON aux organismes sociaux, lesquels avaient accepté un échelonnement sous la condition suspensive de la signature d’un accord de conciliation.

La CAIDF observe que le texte de « l’accord de conciliation » du 9 décembre 2013 détaille l’intégralité de ces dettes échues et exigibles.

Elle observe encore que l’article 13 de ce document stipule : « Le présent protocole est soumis à la condition suspensive de son homologation par le Tribunal de Commerce de PARIS, conformément aux dispositions des articles L. 111-8 II et suivants du Code de commerce. Il entrera en vigueur à la date à laquelle le jugement d’homologation sera devenu irrévocable. Conformément aux dispositions de l’article L. 111-8 II du Code de commerce, la société COBRASON donne mandat exprès à Maître B. de saisir en son nom par voie de requête, sous 8 jours à compter de la signature du présent protocole, le Tribunal de Commerce de PARIS aux fins d’homologation dudit protocole ».

La CAIDF considère dès lors, conformément aux dispositions de l’article 1181 du Code civil, que le moratoire consenti sous une condition suspensive qui dépend d’un événement futur et incertain ne peut être exécuté qu’après l’événement. Et faute d’homologation du protocole de conciliation, la condition suspensive dont était assorti l’engagement des différentes parties n’a jamais été réalisée ; donc les dettes de la société COBRASON étaient donc toujours exigibles à la date du 16 décembre 2013 lorsque le Tribunal a ouvert la procédure de SFA.

La CAIDF ajoute que Maître B. a à plusieurs reprises au cours du mandat ad hoc demandé expressément aux établissements bancaires la suspension de l’exigibilité de leurs créances et que ces derniers n’ont jamais répondu positivement à Maître B. (cf. page 7 de la requête du 11 juillet 2013).

La CAIDF soutient donc que la société COBRASON aurait été en état de cessation des paiements au jour de sa demande d’ouverture d’une procédure de sauvegarde financière accélérée au motif que :

- au 30 novembre 2013, le passif exigible de COBRASON à l’égard des banques s’élèverait à la somme de 885.634,16 € au titre des concours court terme,

- la société COBRASON serait débitrice envers la CAIDF de deux lettres de change d’un montant respectif de 300.000 € et 100.000 € depuis le 10 septembre 2012,

- la société COBRASON serait débitrice d’une somme de 25.000 € au titre de solde de l’échéance due au 31 mai 2013 à la banque BESV qui lui a consenti un crédit de trésorerie le 16 novembre 2012,

- la société COBRASON serait restée débitrice en capital d’une somme de 2.200.000 € au titre de différents prêts.

Certes, les premiers Juges, pour « constater » que COBRASON ne se trouvait pas en situation de cessation des paiements à la date du 16 décembre 2013, ont dans le jugement rendu le 17 mars 2014, considéré que le protocole de conciliation constituerait « une manifestation non équivoque de la renonciation des banques signataires à vouloir poursuivre le règlement de leurs créances «. Mais,

- En premier lieu, le raisonnement des premiers Juges ne concerne ni la BESV, qui n’a pas été signataire de « l’accord de conciliation «, ni les créances des organismes de Sécurité Sociale et d’assurance chômage dont le montant total prétendument « à échoir » dans la demande d’ouverture de la procédure, et ce au visa des moratoires accordés par le CCSF, ressortait à 326.442,16 €.

Et du seul fait des créances dont s’agit, et qui n’étaient pas concernées par « l’accord de conciliation «, la société COBRASON se trouvait en état de cessation des paiements à la date du 16 juin 2013.

- S’agissant des créances des créanciers ayant signé le texte de «l’accord de conciliation», ce texte établit leur caractère exigible, notamment en relatant pour les concours à court terme les lettres de dénonciation des concours consentis à COBRASON.

- L’article 5 de « l’accord de conciliation » rappelle expressément que les termes du protocole n’entraînent pas novation au sens de l’article 1271 du Code civil mais s’y ajoutent, de sorte que par la signature du protocole, les créanciers n’ont pas renoncé au caractère exigible de leurs créances ; ils ont uniquement accepté de consentir à la société COBRASON des délais sous une condition suspensive qui n’a jamais été réalisée; d’ailleurs, la renonciation doit être expresse de sorte que l’interprétation du protocole sous condition suspensive n’opérant pas novation est inopérante.

En conséquence, l’intégralité des dettes résultant des concours court terme consentis par les différents établissements de crédit à la société COBRASON pour un montant total de 885.634,16 € était exigible à la date du 16 décembre 2013 et, le passif exigible excédant l’actif disponible, la société COBRASON se trouvait en état de cessation des paiements.

Dès lors, la Cour ne pourra que réformer le jugement entrepris et rétracter le jugement rendu le 16 décembre 2013.

3) la fraude

La tierce opposition tendant à faire juger la nullité de la décision rendue est ouverte à tout tiers auquel cette décision porte grief. Et constitue une irrégularité caractérisée et une violation de la loi le cas où le Tribunal statue hors des limites de ses attributions. En l’occurrence, le Tribunal ne pouvait ouvrir une procédure de sauvegarde financière accélérée au bénéfice de la société COBRASON, laquelle ne remplissait pas les conditions légales pour pouvoir prétendre bénéficier de cette procédure.

Rappelant qu’à l’appui de la demande d’ouverture de la procédure de SFA, la société COBRASON a exposé au Tribunal que les associés et les banques, à l’exclusion du CREDIT AGRICOLE D’ILE DE FRANCE, sont parvenus à un accord qu’ils ont décidé de consigner aux termes d’un accord de conciliation signé les 9 et 10 décembre 2013, et que l’ouverture d’une procédure de sauvegarde financière accélérée est le moyen d’imposer au seul établissement bancaire, non signataire de l’accord de conciliation régularisé les 9 et 10 décembre 2013, les délais d’apurement tels que proposés par la société COBRASON, la CAIDF souligne que :

- la présentation faite par COBRASON pour obtenir l’ouverture de la procédure de SFA est erronée puisque la BESV, établissement de crédit, qui avait consenti à COBRASON le 16 novembre 2012 un crédit de trésorerie de 500.000 €, n’était pas signataire de l’accord de conciliation et bénéficiait d’un traitement différencié.

- la procédure ne saurait avoir pour objet, si ce n’est pour effet, de tenter de contraindre le CREDIT AGRICOLE à se voir imposer des délais quant aux paiements de ses lettres de change dès lors que les dispositions de l’article 511-81 du Code de Commerce ne permettent pas au Tribunal de les imposer, fût-ce dans le cadre d’une procédure de SFA.

- l’accord de conciliation présenté à l’appui de la demande d’ouverture de la procédure de SFA est entaché de fraude car il organise la cession déguisée de l’entreprise au profit de l’actionnaire de BRACO et de son dirigeant, et ce à vil prix au détriment des créanciers des deux sociétés.

En effet, au 1er décembre 2012 le capital de chaque société était ainsi détenu :

BRACO :

- SUNSET COMPANY : .............................................................26,49% ;

- L. :............................................................................ 49,63% ;

- NAXICAP : ...............................................................................23,88% ;

COBRASON : capital de 163.507,44 € divisé en 4.087.686 actions :

- BRACO :..............................................................................95,50% ;

- NAXICAP :............................................................................3,35% ;

- AUDACIA :................................................................................2,15% ;

Sous l’égide de Maître B., et alors que BRACO était sous sauvegarde, NAXICAP a cédé à L. ses participations dans BRACO et COBRASON, cession qui a conféré à L. la qualité d’associé de COBRASON.

La société COBRASON, si l’on se réfère au prix fixé par cette transaction, vaut alors 19,8 M€, sous condition d’un protocole avec les Banques tenues à l’écart de ces tractations entre actionnaires

L. et Monsieur P. vont prendre le contrôle de COBRASON à la suite des deux opérations d’augmentation de capital réalisées en septembre et octobre 2013 moyennant une somme de 800.000 € en souscrivant 20 millions d’actions de COBRASON au prix unitaire de 0,04 €.

A l’issue de ces opérations, le capital de COBRASON est détenu par :

- L. :................................................................................................... 67,26%

- Monsieur P. : ..................................................................................... 16,85%

- BRACO : ..................................................................................................... 15,41%

- AUDACIA : .................................................................................................. 0,36%

- NAXICAP HOLDING 2010 : ....................................................................... 0,12%

Ainsi, compte tenu de l’acquisition des 1,42% du capital auprès de NAXICAP, la souscription par L. de 65,84% du capital de COBRASON et par Monsieur P. de 16,85% moyennant une somme de 800.000 € valorise 100% des titres de la société COBRASON à « 967.568 €

La simple comparaison de l’évaluation des titres de la société COBRASON :

- dans le cadre des cessions NAXICAP : ..................................................... 17,9 M€

- dans le cadre des opérations de capital : ...................................................... 0,9 M€

suffit à établir le « vil prix » payé par L. et Monsieur P. pour appréhender l’entreprise.

A l’évidence, « l’accord de conciliation » et les « engagements des associés » qui ont été présentés à l’appui de la demande d’ouverture de la procédure de SFA s’analysent en une véritable transmission, à vil prix, de la propriété de l’entreprise au profit de tiers qui n’avaient pas la qualité d’associés de COBRASON lorsque COBRASON a sollicité l’ouverture d’une procédure de conciliation, préalable indispensable au bénéfice d’une procédure de SFA.

Tant la société COBRASON que la société BRACO, en sollicitant l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, ont manifesté l’intention de présenter un plan de sauvegarde qui, à la différence d’un redressement judiciaire, ne pouvait déboucher sur une cession forcée de l’entreprise tout en permettant une éventuelle cession partielle accompagnant un plan de sauvegarde.

Cependant, une telle cession partielle ne peut s’opérer que sous le contrôle du Tribunal en application de l’article L. 626-1 du Code de commerce, cession soumise aux dispositions de la Section 1 du Chapitre II du Titre IV et de l’article 642-22 du Code de commerce.

BRACO étant une société holding, toute cession partielle de l’entreprise consiste en une cession de sa participation dans la société COBRASON.

« L’accord de conciliation » présenté, en ce qu’il prévoit des opérations sur le capital de COBRASON destinée à ramener la participation de BRACO au sein du capital de COBRASON de 95,50% à 15,41%, s’analyse en une véritable cession de l’entreprise que constitue COBRASON au profit de l’actionnaire de la holding, cession qui ne respecte pas les dispositions légales et ne permet notamment pas à d’éventuels tiers de présenter des offres.

Il est à cet égard singulier d’observer qu’alors que la société BRACO était dans les liens d’une procédure collective, en sauvegarde depuis le 2 septembre 2013, l’administrateur Judiciaire a permis à la société BRACO de voter favorablement à l’augmentation de capital de COBRASON.

S’agissant de la société COBRASON, «l’accord de conciliation’ présenté à l’appui de la demande d’ouverture de la procédure de SFA contient en lui-même, ainsi qu’il a été précédemment démontré, tous les éléments de fait permettant d’analyser le projet présenté en une véritable cession d’entreprise, pudiquement présentés comme constituant les «engagements des associés».

Le Tribunal de Commerce de PARIS a refusé d’examiner les moyens invoqués par le CREDIT AGRICOLE IDF relatifs à la fraude en considérant qu’il s’agissait de moyen «inopérants, car à tout le moins prématurés», ‘sauf à préjuger de la décision du Tribunal sur le plan de sauvegarde financière accélérée».

Ce faisant, le Tribunal feint d’ignorer que c’est au vu de la demande d’ouverture de sauvegarde et compte tenu des éléments d’information connus à la date à laquelle le Tribunal doit statuer qu’il doit apprécier si l’entreprise peut ou non bénéficier de la procédure de SFA dans des conditions entrant dans les prévisions du législateur.

Il n’entre à l’évidence pas dans les prévisions du législateur de permettre à l’actionnaire majoritaire d’une société holding, débitrice de plus de 3.000.000 € à l’égard de sa filiale, de racheter à vil prix la filiale en instrumentalisant les dispositions du Code de Commerce relatives aux entreprises en difficulté.

Le caractère frauduleux de l’ensemble de ces opérations est tout particulièrement établi par le fait que ce n’est qu’à la suite de la décision du Tribunal adoptant le plan de sauvegarde financière accélérée de COBRASON que seront déposés au Greffe du Tribunal de Commerce de PARIS l’ensemble des actes de société datés des 31 juillet 2013, 24 septembre 2013, 7 octobre 2013, 23 octobre 2013 et 15 janvier 2014 relatifs aux opérations capitalistiques de COBRASON.

Les dirigeants, après avoir laissé croire aux banques jusqu’à l’été 2013 qu’ils effectueraient des apports en compte courant à hauteur de 800.000 € au profit de la société BRACO (qui devait compte tenu de sa qualité de débitrice de la société COBRASON redescendre ensuite les fonds, permettant le développement de l’activité de COBRASON) ont sciemment feint, le 11 juillet 2013, de demander l’ouverture d’une procédure de conciliation pour les deux sociétés à seule fin, en réalité, de solliciter l’ouverture de la procédure de SFA de COBRASON critiquée.

A cet égard, il est pour le moins singulier d’observer que Monsieur P. a dès le 1er août 2013 demandé l’ouverture d’une procédure de sauvegarde de la société BRACO, 15 jours après que Maître B. ait été désigné en qualité de conciliateur.

S’y ajoute une fraude aux droits du CREDIT AGRICOLE IDF, laquelle concerne ses garanties tant sur la société COBRASON que sur la société BRACO puisqu’il bénéficiait à raison de sa participation au prêt Senior consenti à la société holding BRACO d’un nantissement portant sur l’intégralité des actions composant le capital de COBRASON.

Or,

- Aux termes de l’article 7 du contrat de prêt Senior, BRACO s’était engagée à ne pas réduire sa participation et/ou ses droits de vote dans sa filiale et en votant par deux fois lors des assemblées générales extraordinaires de COBRASON les décisions d’augmentation de capital, elle a violé les engagements qu’elle avait pris à l’égard des prêteurs Seniors. En effet, aux termes des opérations menées alors que BRACO est sous sauvegarde, et telle qu’elle résulte de «l’accord de conciliation’ et de son annexe, BRACO ne détient plus que 15,41% du capital de COBRASON.

- dans le cadre des pourparlers qui se sont déroulés sous l’égide de Maître B., BRACO s’est fait consentir par la société COBRASON des «avances de trésorerie’ pour un montant qui s’élève à ce jour à 3.337.610 € et les perspectives de règlement de la créance de COBRASON sur BRACO à raison de ces avances de trésorerie sont quasiment nulles et l’on ne voit pas comment BRACO pourrait faire face en outre au remboursement des prêts Seniors compte tenu de la faiblesse annoncée des dividendes à intervenir dès lors qu’elle ne détient plus que 15,41% du capital de COBRASON.

- La CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARIS ET D’ILE DE FRANCE, créancier tant de COBRASON que de BRACO, est donc recevable et bien fondée à solliciter la rétractation du jugement rendu le 16 décembre 2013 ouvrant une procédure de sauvegarde financière accélérée de la société COBRASON.

Maître B. soutient que :

- la CAIDF, destinataire de toutes les pièces, projets d’accord de conciliation et convocations a refusé de participer à toutes les réunions mais a continuellement tenté de déstabiliser ses confrères en multipliant les demandes de traitement différencié pour le règlement de sa créance sur la SAS COBRASON,

- la CAIDF, voulant bénéficier d’un traitement privilégié, a demandé à la société COBRASON de lui payer la somme de 362.813,48 € en 24 mois, puis, en veille de signature de l’accord de conciliation du 9 décembre 2013, a demandé un paiement immédiat de 70.000 € et le reliquat au 30 juin 2016; la société COBRASON qui ne disposait pas de la trésorerie suffisante et qui ne voulait en aucun cas rompre l’égalité des créanciers n’a accédé à aucune de ces demandes ;

Il demande donc à la Cour de :

- Dire et juger la société COBRASON recevable et bien fondée en ses demandes,

- Constater que la CAIDF ne démontre et ne justifie aucune fraude,

- Constater que la CAIDF ne démontre et ne justifie d’aucun moyen ou intérêt propre,

- Constater que la CAIDF ne prouve pas l’existence d’un préjudice qui serait né spécialement du jugement attaqué,

- Constater que la société COBRASON justifie avoir réuni toutes les conditions posées par l’article L628-1 du Code de Commerce pour bénéficier d’une procédure de sauvegarde financière accélérée,

- Constater que même la société BESV a participé au vote du Comité des Etablissements de Crédit du 3 février 2014 et confirmé son moratoire,

- Constater qu’aucune banque à l’exclusion de la CAIDF n’a prononcé l’exigibilité de sa créance durant toute la conciliation,

- Constater que toutes les banques, à l’exclusion de la CAIDF, ont confirmé les termes de leur moratoire à la réunion du Comité des Etablissements de Crédit du 3 février 2014,

En conséquence :

- Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de PARIS le 17 mars 2014 en toutes ses dispositions et,

Y ajoutant,

- Débouter la CAIDF de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamner la CAIDF à payer à la société COBRASON la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamner la CAIDF aux entiers dépens d’appel

Sur l’ouverture de la sauvegarde

Maître B. rappelle que :

1 - la société COBRASON remplissait le critère de certification par un Commissaire aux Comptes d’une part, et le critère alternatif de montant de chiffre d’affaires d’autre part ( en application des dispositions de l’article L 628-1 alinéa 2 du Code de Commerce et sur renvoi des dispositions de l’article L 626-29 précisées par l’article R 626-52 du même Code), les comptes de COBRASON étant établis par le Cabinet D. V. & ASSOCIES et certifiés par le Cabinet O. & ASSOCIES, commissaire aux comptes(Pièce n°9) et montrant que la société a enregistré un chiffre d’affaires à hauteur de 21.732.464 € au 31 janvier 2013 (Pièce n°25)

2 - une procédure de conciliation était en cours et ce, depuis le 15 juillet 2013. (pièce n°4) et il est indifférent que l’ordonnance qui a prorogé la procédure de conciliation ait été rendue le 23 novembre 2013; l’accord de conciliation ayant bel et bien été signé dans le cadre de la procédure de conciliation de même que la requête aux fins d’ouverture de la procédure de sauvegarde financière accélérée.

3 - en page 11 de l’accord de conciliation, il est indiqué qu’: «à la signature des présentes, les concours à court terme de la société COBRASON représentent la somme globale de 885.634,16 € telle que provisoirement arrêtée au 30 novembre 2013». Pièce n°10

Et le protocole d’accord de conciliation du 9 décembre 2013 prévoit expressément en son article 4 : ‘sous réserve du respect par la Société et les Associés de leurs engagements aux termes du Protocole, les Banques s’engagent à ne pas prononcer l’exigibilité anticipée de leurs créances».Pièce n°10

Ainsi, l’absence de cessation des paiements est clairement justifiée puisqu’à la date de l’ouverture de la procédure, la SAS COBRASON enregistrant un passif exigible de 487.696,48 € (en ce compris la créance de la CAIDF pour 358.943,69 €) avec un actif disponible de 716.442,90 € et à l’exclusion de la CAIDF, le 3 septembre 2013, aucune banque n’a prononcé l’exigibilité des créances et ce, quelle que soit leur nature.

Et la CAIDF opère sciemment une confusion entre le passif exigible et le total du passif.

Or, la somme de 885.634,16 € telle que visée par la CAIDF constitue du passif à échoir pour lequel un moratoire a été accepté par l’ensemble des établissements bancaires dans l’acte de conciliation signé le 9 décembre 2013, à l’exclusion de la CAIDF qui reste créancière d’une somme de 358.943,69 € et non pas 400.000 € ou encore 362.813,48 €, puisque la CAIDF peine encore à déterminer le montant exact qui lui resterait dû.

La CAIDF ne reste créancière de la SAS COBRASON que pour un solde sur des billets de trésorerie d’un montant de 358.943,69 €, à l’exclusion de toute autre somme laquelle somme est intégrée au passif exigible tel qu’il a été déclaré par la société COBRASON au moment du dépôt de sa demande d’ouverture de la procédure de sauvegarde financière accélérée et reste très inférieur au montant de l’actif disponible, à cette même date.

S’agissant de BESV, le conciliateur a sollicité de celle-ci l’apurement de sa créance selon un moratoire respecté par le débiteur et la BESV qui a permis à la société COBRASON de poursuivre ses achats en période de mandat ad hoc puis de conciliation, a participé au vote des établissements de crédit le 3 février 2014 et confirmé son moratoire [pour le concours accordé, postérieurement à l’ouverture du mandat ad hoc et gagé sur le stock],

Quant à la somme de 2.200.000 € qui correspond au capital restant dû au titre des prêts pour lesquels la déchéance du terme n’a pas été prononcée, elle fait également l’objet d’un moratoire conformément aux termes de l’accord de conciliation signé le 9 décembre 2013,

4 - La société COBRASON rencontrait des difficultés qu’elle n’était pas en mesure de surmonter. En effet, le refus de la CAIDF de se joindre aux autres créanciers a conduit à une difficulté insurmontable pour la société COBRASON qui était dès lors contrainte de solliciter l’ouverture de la procédure de sauvegarde financière accélérée (Pièce n°9) et exiger un règlement immédiat de la société COBRASON aurait conduit cette dernière à une situation irrémédiable et aurait compromis les chances de recouvrement pour les autres créanciers et toutes chances de redressement de la société holding, la SAS BRACO,

5 - les perspectives de redressement existaient. La société COBRASON, les actionnaires (Monsieur P. et la société L.) et les banques créancières (à l’exception de la CAIDF, créancière de COBRASON à hauteur de 358.943,69 € soit environ 12% de l’endettement bancaire) sont parvenus à un accord de conciliation signé le 9 décembre 2013 et cet accord assure la pérennité de la société COBRASON tout en permettant le remboursement intégral des divers emprunts bancaires.

Et grâce à l’apport de la somme de 800.000 € par deux des associés (Monsieur P. et la société L.) au profit de la société COBRASON, cette dernière a pu mieux acheter et donc réaliser une marge bénéficiaire et un chiffre d’affaires susceptibles de garantir le respect des prévisions.

Le prononcé de la mesure de sauvegarde financière accélérée au bénéfice de la société COBRASON était donc fondé et justifié ce d’autant que le plan proposé, accepté par toutes les banques à l’exclusion de la CAIDF, assure la pérennité de l’entreprise.

Au surplus, lors de la réunion du Comité des Etablissements de Crédit le 3 février 2014, les banques ont toutes, en ce compris la BESV et à l’exclusion de la CAIDF, confirmé leur accord sur le plan proposé lequel a repris l’intégralité du contenu de l’accord de conciliation du 9 décembre 2013, Pièce n°22

Enfin, le plan a été arrêté suivant jugement du Tribunal de Commerce de PARIS du 14 février 2014, Pièce n°27

En outre, si la CAIDF soutient que dans la mesure où l’accord de conciliation signé le 9 décembre 2013, auquel elle a refusé de prendre part, n’a pas été homologué par le Tribunal, les moratoires visés dans le protocole serait caducs, elle ne peut ignorer que :

- la requête aux fins d’homologation pouvait être régularisée par le conciliateur dans un délai de huit (8) jours à compter de la signature de l’acte, donc jusqu’au 17 décembre 2013, [or, le jugement qui a ouvert la procédure de sauvegarde financière accélérée date du 16 décembre 2013’]

- aucun établissement de crédit n’a dénoncé son accord de sorte que les dispositions de l’article 1181 du Code Civil ne trouvent pas application; au contraire, chacune des banques a confirmé son accord le 3 février 2014 ce qui a conduit le Tribunal à arrêter le plan le 14 février 2014 sans opposition d’aucune sorte depuis, si ce n’est la tierce opposition de la CAIDF,

- en l’absence de signature de l’accord de conciliation par la CAIDF, la société COBRASON n’avait d’autre choix que de saisir le Tribunal d’une demande d’ouverture d’une procédure de sauvegarde financière accélérée puisque le pourcentage d’établissements bancaires ayant accepté le moratoire atteignait 89,70% (la CAIDF représentait moins de 12%) ce qu’elle a fait dès le 12 décembre 2013 donc :

avant l’expiration du délai prévu pour le dépôt par le conciliateur de la requête en homologation, avant qu’un ou plusieurs des établissements bancaires signataires de l’accord de conciliation n’aient dénoncé éventuellement l’accord pour le moratoire qui a, au surplus, été confirmé le 3 février 2014 et encore lors de l’adoption du plan arrêté par le Tribunal de Commerce dans son jugement du 14 février 2014 sans changement depuis!

Sur la recevabilité de la tierce opposition

Maître B. soutient que doit être déclarée irrecevable la tierce opposition du créancier qui ne justifie d’aucune fraude de ses droits ni d’un moyen qui lui serait propre et que la seule crainte liée au recouvrement de sa créance ne permet pas de recevoir la tierce opposition du créancier.

S’agissant de la fraude

Il soutient que le jugement dont appel a, à juste titre, retenu que la décision du 16 décembre 2013 ne constitue pas une fraude aux droits de la CAIDF, puisque ledit jugement ne s’est prononcé que sur l’ouverture d’une procédure de sauvegarde financière accélérée, et jugé que, sauf à préjuger de la décision du Tribunal sur le plan de sauvegarde financière accélérée qui, au jour de la clôture des débats, n’avait encore pas été débattu, le moyen invoqué de la prétendue fraude aux droits de la CAIDF est inopérant et à tout le moins prématuré.

Me B. relève que :

- La CAIDF mêle les deux sociétés, holding et filiale, personnes morales pourtant distinctes, engagées par des actes tout aussi distincts pour soutenir, dans la plus grande confusion, que l’accord de conciliation présenté par la société COBRASON à l’appui de sa demande d’ouverture de la procédure de sauvegarde financière accélérée serait entaché de fraude car « il organiserait la cession déguisée de l’entreprise au profit de l’actionnaire de BRACO et de son dirigeant et ce, à vil prix au détriment des créanciers des deux sociétés

- Sans en démontrer le moindre fondement, la CAIDF conteste également l’augmentation de capital opérée au sein de la société COBRASON et, se référant à l’accord signé le 14 juin 2013 avec la société NAXICAP Partners, soutient que la valeur de la société COBRASON serait de 19,8 millions d’€ ce qui est extraordinairement éloigné de la réalité, même après augmentation du capital,

Spécifiquement sur les augmentation de capital, Me B. observe que:

- la CAIDF conteste l’augmentation de capital réalisée à hauteur de 800.000 € par

Monsieur P. et la société L. au profit de la société COBRASON,

Or, après avoir mis en échec la procédure de conciliation initialement engagée concomitamment pour les deux sociétés, la CAIDF ne pouvait raisonnablement pas espérer voir sa créance remboursée en tout ou partie, sans permettre à la société d’exploitation de poursuivre normalement son activité,

Pour ce faire, la société COBRASON ne pouvant bénéficier d’aucun crédit supplémentaire, ni avance de trésorerie d’aucune sorte, n’avait d’autre choix que d’envisager un apport en capital, sous peine de se voir déclarer en état de cessation des paiements interdisant alors toute forme de paiement tant pour ses propres dettes que pour celles de la holding,

Le comportement de la CAIDF est ainsi particulièrement surprenant dès lors qu’elle était parfaitement informée de cette augmentation de capital tel que cela ressort expressément de l’accord de conciliation en son article 1-A intitulé APPORT EN COMPTE COURANT  AUGMENTATION DE CAPITAL :  La société L. et Monsieur Marc P., en leur qualité d’associés de la société COBRASON, s’engagent à consentir, à la société COBRASON un apport en compte courant bloqué d’un montant de HUIT CENT MILLEEUROS (800.000 €) en vue de l’augmentation du capital social de la société COBRASON, laquelle interviendra au plus tard dans les trois mois de la date à laquelle le jugement d’homologation sera devenu irrévocable.Pièce n°10

Et l’augmentation de capital a été formulée dès le mois de mars 2013 et actée dans le projet de protocole communiqué pour la première fois le 22 mai 2013. Pièces n°18 et n°19

Or, la CAIDF n’a jamais manifesté une opposition quelconque, ce qui atteste de la mauvaise foi avec laquelle elle agit aujourd’hui en osant soutenir que l’augmentation de capital se serait faite, le 31 juillet 2013, dans le plus grand secret.

Et non seulement cette augmentation était indispensable à la survie de la société COBRASON mais elle était réclamée par l’ensemble des établissements de crédit, dont la CAIDF,

- s’il avait effectivement été envisagé d’augmenter le capital social de la SAS BRACO, cette augmentation de capital étant recommandée notamment par la CAIDF, l’augmentation de capital de la société BRACO a été proposée en assemblée générale extraordinaire le 31 juillet 2013 mais elle a été refusée puisque la majorité statutaire des 2/3 n’a pas été atteinte,

Les associés de la SAS BRACO n’ayant pas accepté cette augmentation de capital et l’accord de conciliation ayant été mis à néant, du fait de la CAIDF, lors de la séance du 22 juillet 2013 :

- il a fallu demander une procédure de sauvegarde pour la holding,

- les associés de la société COBRASON n’ont eu d’autre choix, alors même que l’accord de conciliation n’avait pas encore été signé avec les établissements bancaires de la société d’exploitation, que de procéder à l’augmentation de capital au profit de la SAS COBRASON qui a pu alors assurer la campagne pour l’hiver 2013/2014 et atteindre ses objectifs,

En tout état de cause, il n’appartient pas à la Cour, saisie d’un jugement rendu sur une tierce opposition à jugement prononçant l’ouverture d’une procédure de sauvegarde financière accélérée de se prononcer sur la validité de l’Assemblée Générale ayant approuvé l’augmentation de capital à hauteur de 800.000 €.

S’agissant d’un préjudice propre

1 - la CAIDF ne démontre nullement avoir subi quelque préjudice que ce soit,

S’agissant de l’accord signé le 14 juin 2013 entre la société L. et NAXICAP PARTNERS il s’inscrit dans une transaction globale ci-après décrite, Pièce n° 10 (annexe 12)

S’agissant de la cession de créance et actions à dividende prioritaire (ADP) COBRASON pour la somme de QUATRE CENT MILLE € (400.000 €) et non 409.000 €,

Il s’agit d’actions à dividende prioritaire (ADP) ; or, la valeur d’une ADP est considérablement plus élevée qu’une action ordinaire. Le montant du dividende prioritaire est jusqu’au 31 décembre 2016 de 59.775 €, ce qui génère un taux de rentabilité très élevé. Les modalités de paiement desdites actions ont été convenues comme suit:

- 70.000 € payés le 6 décembre 2013,

- 330.000 € restant à payer le 30 juin 2016 soit trois années après la signature du protocole d’accord,

La cession s’est conclue « cession attachée à des créances et coupons » ; la créance attachée aux actions était, au 31 janvier 2014, valorisée à 200.960 € tandis qu’elle sera valorisée, au moment de leur complet paiement au 30 juin 2016, à la somme de 332.269 €.

En conséquence, la valeur des actions ADP achetées est de 67.731 € et non 409.000 € comme le soutient, à tort, la CAIDF avec laquelle ces aspects ont été longuement abordés avant la signature du 14 juin 2013,

S’agissant de la cession de 1.900.000 d’obligations convertibles d’une valeur nominale de 1.900.000 € pour1 €,

Une créance est attachée à ces obligations comme suit :

- le montant de créance attachée aux obligations qui correspond aux intérêts « cash » au taux de 4% non payés, donc conservés en compte courant, est de 269.155 €,

- le montant de créance attachée aux obligations qui correspond aux intérêts « capitalisés » au taux de 11% non payés et également conservés en compte courant

est de 712.676 €,

- le montant total de la créance attachée aux obligations convertibles est de 981.831 €,

Au total, le montant de ces obligations convertibles et créances est donc de 2.881.831 €; la société NAXICAP a donc consenti un effort financier considérable tant en abandonnant sur la valeur que sur la créance.

S’agissant de la cession de 800.000 actions de BRACO d’une valeur nominale de 800.000 € pour 1 € en retenant une valeur de cession des actions ADP COBRASON de 67.731 €, un taux de détention du capital de 2,35%, on pourrait en déduire que la valeur de la société COBRASON serait de 2.882.895 € [et non pas comme ose l’affirmer la CAIDF, 17 millions d’€ ou encore dans ses conclusions d’appel à 19,8 millions d’€]

Mais en fait, les actions ordinaires (97,65% du capital) valent beaucoup moins que les ADP qui ne représentent que 2,35% du capital,

En se basant sur les agrégats de la société COBRASON pour l’année 2013 de résultats d’exploitation négatifs (-688.785 €) et de résultats net négatifs de (-542.613 €) en plus d’une dette supérieure à 8 millions d’€, il est incontestable que la valorisation de la SAS COBRASON était proche de ZERO, avant l’augmentation de capital, Pièces n°24 et 25

A toutes fins utiles, il est précisé que l’actionnaire minoritaire, AUDACIA, a procédé en juillet 2013 à une évaluation financière de la société COBRASON sur la base des agrégats financiers mais également sur la base de sociétés comparables (notamment en utilisant l’introduction en bourse, en juin 2013, de la société FNAC); cette évaluation l’a conduit à conclure au fait que la société COBRASON devait être valorisée sur la base de sa trésorerie nette qui était en l’occurrence inexistante

En conséquence, contrairement à ce que soutient la CAIDF, l’accord du 14 juin 2013, loin de préjudicier aux intérêts des établissements de crédit, a participé au redressement de la société COBRASON qui est seule en mesure de permettre des remontées de dividendes au profit de la holding et donc de régler tout ou partie du passif bancaire de cette dernière ce qui va profiter également à la CAIDF dont la créance au sein de la société d’exploitation va être payée, intégralement, sur une durée limitée à trois années !

Si l’accord du 14 juin 2013 n’avait pas été signé, la société COBRASON n’aurait pas pu proposer un plan dans les conditions acceptées par les établissements de crédit et arrêtées par le Tribunal de Commerce de PARIS le 14 février 2014,

La CAIDF ne peut, en conséquence, soutenir, pour la première fois en appel, qu’elle aurait refusé de continuer à participer aux négociations dans le cadre de la conciliation qui s’est poursuivie pour la SAS COBRASON, en considération des accords passés avec NAXICAP, créancier obligataire de la SAS BRACO,

Outre que la CAIDF ne démontre pas en quoi l’augmentation de capital aurait été effectuée en fraude de ses droits, il convient de rappeler à la CAIDF ses propres exigences dans le cadre des négociations initialement engagées ; à savoir la nécessité de procéder à une augmentation de capital à l’exclusion d’un apport en compte courant.

Maître B. insiste par ailleurs sur le bénéfice de la procédure de sauvegarde financière accélérée en soulignant que:

- elle a permis à la société COBRASON de préserver l’activité avec 52 emplois et de présenter un plan très vite. Et en sortant rapidement de la procédure de sauvegarde, les partenaires vont retrouver la confiance et permettre à la société COBRASON de réaliser sur toute la durée du plan ses objectifs et ainsi permettre à la holding de présenter et respecter également un plan respectueux du sort de chacun des créanciers,

- il est « incontestable » que dans le cadre d’une procédure de redressement judiciaire, la CAIDF aurait pu, au mieux, espérer voir sa créance payée en 10 annuités, dans les proportions habituellement fixées dans le cadre d’un plan classique’ sans garantie aucune d’ailleurs quant à la poursuite effective de l’activité,

Autrement dit, la CAIDF qui est à l’origine de la procédure de sauvegarde continue de reprocher aux actionnaires de la société BRACO, nullement concernés par la procédure de sauvegarde financière accélérée ordonnée par le jugement attaqué :

- d’avoir prétendument violé les dispositions du prêt senior ce qui n’est absolument pas établi puisque le prêt senior ne prévoit nullement l’accord des banques en cas d’augmentation de capital et que d’ailleurs deux augmentations de capital ont été réalisées en 2010 et 2011, sans l’accord préalable des banques qui n’ont jamais contesté postérieurement,

- ne plus permettre à la holding de disposer des moyens suffisants pour honorer sa dette à l’égard du CAIDF au motif que la participation à hauteur de 15 % dans le capital de COBRASON au lieu de 95% serait inférieure de la valeur de la dette consentie et que le montant des dividendes serait trop faible pour honorer les remboursements.

Or, il est clairement établi que sans la pérennité de la société d’exploitation aucun plan ne saurait être proposé pour apurer le passif de la holding ;

Aussi, à supposer que la répartition du capital social au sein de la société BRACO ait été inchangée, il reste clairement établi que sans augmentation de capital au sein de la société COBRASON cette dernière aurait été, par suite des agissements de la CAIDF, précipitée dans une procédure de redressement avec des conséquences irrémédiables,

En tout état de cause, il est clairement établi que:

- la société BRACO n’a pas pu rembourser, en tout ou partie, le compte courant au profit de la société COBRASON,

- la société BRACO a refusé de souscrire à toute augmentation de capital au sein de la société COBRASON,

- les banques, dont la CAIDF, ont refusé d’accorder le moindre prêt qui aurait permis d’apporter de l’argent frais à la société COBRASON,

- les associés de BRACO ont refusé de souscrire à une augmentation de capital,

- les banques, plus particulièrement la CAIDF, ont refusé de signer le protocole d’accord de conciliation lors de la séance du 22 juillet 2013 qui prévoyait notamment une augmentation de capital dans la société BRACO,

- les banques, dont la CAIDF, ont refusé d’accorder le privilège de «new money’ à la société L. et Monsieur P. ce qui aurait permis d’apporter la somme de 800.000 € au sein de la SAS BRACO ; cette dernière aurait ainsi pu rembourser partie de son compte courant au sein de la société COBRASON qui aurait ainsi bénéficié de cette somme pour assurer la campagne d’hiver 2013/2014,

- si l’accord de conciliation avait été signé le 22 juillet 2013, l’augmentation de capital aurait pu intervenir au sein de la société BRACO et aucune procédure de sauvegarde ordinaire et/ou sauvegarde financière accélérée n’aurait été engagée,

- la société BRACO va présenter au plus tard le 30 juillet 2014, un plan pour rembourser l’intégralité de son passif [les banques sont d’ailleurs invitées par Maître B., ès qualité, à une réunion pour évoquer le plan en cours d’élaboration le 16 juin 2014 à 14 heures].

En résumé,

- la présente procédure ne concerne que la société COBRASON; or, la CAIDF ne démontre pas que la société COBRASON aurait obtenu un jugement en fraude de ses droits.

- la société COBRASON n’a jamais dissimulé au Tribunal l’existence d’un désaccord avec le CAIDF constituant la raison de sa demande d’ouverture d’une procédure de sauvegarde.

- la société COBRASON n’est pas tenue par les engagements éventuellement pris par la société BRACO, ce que la CAIDF ne démontre d’ailleurs nullement, et il ne saurait

sérieusement être reproché à la société COBRASON d’avoir tout mis en oeuvre pour redresser sa situation.

- la démonstration de la fraude n’est donc pas rapportée dès lors que les juges de première instance avaient connaissance du refus de la CAIDF de signer l’accord de conciliation, du prononcé par cette dernière de l’exigibilité des sommes dues par courrier du 5 septembre 2013 et des difficultés insurmontables en découlant pour la société COBRASON justifiant l’ouverture de la procédure de sauvegarde financière accélérée.

La CAIDF devra donc être déclarée irrecevable en sa tierce opposition et le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de PARIS le 17 mars 2014 confirmé en toutes ses dispositions,

Et la SAS COBRASON qui a dû exposer d’importants frais pour assurer la défense de ses intérêts également devant la Cour d’appel, sollicite de voir condamner la CAIDF au paiement de la somme de 10.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

La société COBRASON SAS demandé à la Cour de :

- Dire et juger la société COBRASON recevable et bien fondée en ses demandes,

- Constater que la CAIDF ne démontre et ne justifie aucune fraude,

- Constater que la CAIDF ne démontre et ne justifie d’aucun moyen ou intérêt propre,

- Constater que la CAIDF ne prouve pas l’existence d’un préjudice qui serait né spécialement du jugement attaqué,

- Constater que la société COBRASON justifie avoir réuni toutes les conditions posées par l’article L628-1 du Code de Commerce pour bénéficier d’une procédure de sauvegarde financière accélérée,

- Constater que même la société BESV a participé au vote du Comité des

Etablissements de Crédit du 3 février 2014 et confirmé son moratoire,

- Constater qu’aucune banque à l’exclusion de la CAIDF n’a prononcé l’exigibilité de sa créance durant toute la conciliation,

- Constater que toutes les banques, à l’exclusion de la CAIDF, ont confirmé les termes de leur moratoire à la réunion du Comité des Etablissements de Crédit du 3 février 2014,

En conséquence :

- Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de PARIS le 17 mars 2014 en toutes ses dispositions et,

Y ajoutant,

- Débouter la CAIDF de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions;

- Condamner la CAIDF à payer à la société COBRASON la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamner la CAIDF aux entiers dépens d’appel

Elle reprend la même argumentation que Maître B.

 

La SELAFA MJA dans ses conclusions en la personne de M° Valérie L. T., es qualité de Mandatire Judiciaire de la société COBRASON dit s’en rapporter à la justice.

 

SUR CE,

Sur la recevabilité de la tierce opposition

Constatant qu’il n’est pas contesté que CAIDF est créancière de COBRASON et a un intérêt à agir et qu’elle a formé sa tierce opposition le 24 décembre 2013, soit à l’intérieur du délai de 10 jours prévu par l’article R 661-2 du code de commerce, le tribunal a dit à juste titre qu’elle était recevable en sa tierce opposition.

La procédure de sauvegarde financière accélérée instituée par la loi n°2010-1249 du 22 octobre 2010 est réservée au débiteur :

- dont les comptes sont certifiés par un commissaire aux comptes ou établis par un

expert-comptable,

- dont le chiffre d’affaires est supérieur à 20 millions d’€ ou le nombre de salariés

supérieurs à 150 salariés.

Ces points justifiés en procédure, ne sont pas discutés.

Par ailleurs, la société doit être engagée dans une procédure de conciliation en cours.

La cour relève que par ordonnance du 15 juillet 2013 a été ouverte une procédure de conciliation à l’égard des sociétés COBRASON et BRACO, Maître B. étant désigné conciliateur avec la mission précitée pour une durée de 4 mois, prorogée par ordonnance du 23 novembre 2013 et le 9 décembre 2013, sous l’égide du conciliateur, un accord de conciliation a été signé avec l’ensemble des établissements bancaires, à l’exclusion de la CAIDF, Pièce n°10;

Et c’est par déclaration en date du 12 décembre 2013 que la société COBRASON a sollicité l’ouverture d’une procédure de sauvegarde financière accélérée (SFA), demande à laquelle le Tribunal a fait droit par jugement du 16 décembre 2013, désignant Maître L.-T. en qualité de mandataire judiciaire et Maître B. administrateur judiciaire avec mission de surveillance.

Elle considère ainsi que la requête aux fins d’ouverture de la procédure de sauvegarde financière accélérée a bien été faite dans le cadre de la procédure de conciliation, observant que la CAIDF va jusqu’à parler dans ses écritures de «l’accord de conciliation présenté à l’appui de la demande d’ouverture de la procédure de SFA".

Ensuite, la société cible doit ne pas être en état de cessation des paiements tout en rencontrant des difficultés qu’elle n’est pas en mesure de surmonter.

La cour relève que la demande d’ouverture de la procédure de SFA fait état au 30 juillet 2013 d’un actif disponible de 716.442,90 € face à un passif échu total reconnu de 487.696,48 € se composant d’ailleurs de la créance du CAIDF (deux lettres de change du 10 septembre 2012 pour 362.813,48 €) et de dettes sociales (124.883 €),

Si la CAIDF y ajoute la somme de 425.000 € restant due à la BESV, la somme de 2.200.000 € due par COBRASON à raison du capital restant dû au titre de divers prêts, les sommes dues par COBRASON aux organismes sociaux car ils avaient accepté un échelonnement sous la condition suspensive de la signature d’un accord de conciliation, Maître B. observe que le protocole d’accord de conciliation du 9 décembre 2013 prévoit expressément en son article 4 : «sous réserve du respect par la Société et les Associés de leurs engagements aux termes du Protocole, les Banques s’engagent à ne pas prononcer l’exigibilité anticipée de leurs créances», que cela concerne également BESV qui a participé au vote des établissements de crédit le 3 février 2014 et confirmé son moratoire.

Il y a donc lieu de considérer que COBRASON n’était pas en état de cessation des paiements.

Elle observe que le refus de la CAIDF de se joindre aux autres créanciers a conduit à une difficulté insurmontable pour la société COBRASON qui était dès lors contrainte de solliciter l’ouverture de la procédure de sauvegarde financière accélérée.

Enfin, la société cible doit justifier avoir élaboré un projet de plan visant à assurer la pérennité de l’entreprise susceptible de recueillir un soutien suffisamment large de la part des créanciers du comité des établissements de crédit et assimilés.

La cour observe que la société COBRASON, les actionnaires (Monsieur P. et la société L.) et les banques créancières, à l’exception de la CAIDF qui représente 12% de l’endettement bancaire, sont parvenus à un accord de conciliation signé le 9 décembre 2013 assurant la pérennité de la société COBRASON tout en permettant le remboursement des divers emprunts bancaires.

Le demandeur à la tierce opposition doit par ailleurs démontrer une fraude à ses droits ou un moyen personnel que lui seul aurait pu faire valoir.

Est donc exigée de CAIDF la preuve de l’existence d’un préjudice né spécialement du jugement attaqué, distinct de celui de la globalité des créanciers du débiteur.

La CAIDF soutient que l’ouverture d’une procédure de sauvegarde financière accélérée de COBRASON est le moyen d’imposer au seul établissement bancaire, non signataire de l’accord de conciliation régularisé les 9 et 10 décembre 2013, les délais d’apurement tels que proposés par la société COBRASON et que l’accord de conciliation’ présenté à l’appui de la demande d’ouverture de la procédure de SFA est entaché de fraude car il organise la cession déguisée de l’entreprise au profit de l’actionnaire de BRACO et de son dirigeant, et ce à vil prix au détriment des créanciers des deux sociétés.

La cour constate que l’ouverture de la SFA ne préjuge pas de la décision du Tribunal sur le plan de sauvegarde financière accélérée et que ces arguments sont donc inopérants.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris.

Sur les frais irrépétibles

Il sera fait droit à la demande de la société COBRASON

Sur les dépens

Ils seront mis à la charge de CAIDF

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement en date du 17 mars 2014 rendu par le Tribunal de Commerce de Paris en ce qu’il a dit la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARIS ET D’ILE DE FRANCE recevable mais mal fondée en sa tierce opposition et dit n’y avoir lieu à rétracter le jugement du 16 décembre 2013 ayant ouvert une procédure de sauvegarde financière accélérée au bénéfice de la société COBRASON.

Déboute la CAIDF de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions;

Condamne la CAIDF à payer à la société COBRASON la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamne la CAIDF aux entiers dépens d’appel.