Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 8, 6 décembre 2011, n° 11/07291

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Frontline Focus International Inc. (Sté)

Défendeur :

Penet-Weiller (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Delbes

Conseillers :

M. Boyer , M. Loos

Avocats :

SCP Petit Lesénéchal , Me Gourdain, SCP Dubosq et Pellerin, Me Leclerc, SCP Mira-Bettan

T. com. Paris, du 31 mars 2011

31 mars 2011

Vu l'appel interjeté par la société Frontline Focus International Inc à l'encontre du jugement contradictoire rendu le 31 mars 2011 par le tribunal de commerce de Paris qui, sur assignation de l'Urssaf, a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à son égard, fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 30 septembre 2009 et désigné Maître Penet-Weiller en qualité de liquidateur judiciaire ;

Vu l'ordonnance rendue le 30 juin 2011 par le délégataire du Premier président qui a arrêté l'exécution provisoire attachée à cette décision,

Vu les dernières conclusions signifiées le 25 octobre 2011 par l'appelante qui demande à la cour de réformer le jugement entrepris, de constater que les conditions d'ouverture d'une procédure de sauvegarde sont réunies, de prononcer l'ouverture d'une telle procédure et de condamner l'Urssaf et Maître Penet- Weiller aux entiers dépens,

Vu les dernières conclusions signifiées par l'Urssaf le 12 août 2011 qui demande à la cour de déclarer l'appel nul et de nul effet et, subsidiairement, non recevable et non fondé,

Vu les dernières écritures signifiées le 27 octobre 2011 par Maître Pente Weiller, ès qualités, qui demande à la cour de confirmer le jugement dont appel et, subsidiairement dans l'hypothèse où la cour réformerait le jugement, de voir mettre à la charge de la société Frontline International l'ensemble des dépens, en ce compris la taxe de liquidation,

SUR CE

La société de droit canadien Frontline Focus International Inc exerce une activité de conseil auprès de grandes enseignes relativement à la qualité du service en organisant des visites inopinées auprès des points de vente de ses clients. Créée au Canada en 1995, elle s'est implantée en France 10 ans plus tard, étant immatriculée au registre du commerce et des sociétés et domiciliée [...].

Sur assignation de l'Urssaf, et par jugement en date du 31 mars 2011, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à son égard, fixé la date de cessation des paiements au 30 septembre 2009 et désigné Maître Penet-Weiller en qualité de liquidateur judiciaire.

Sur la compétence territoriale

C'est vainement que la société appelante fait valoir que l'essentiel de son activité s'exerce au Canada où se situe son siège social et où se trouve centralisée l'ensemble de sa comptabilité et ne disposer en France que de deux salariés sur un effectif total de 76, pour soutenir que les juridictions françaises seraient incompétentes pour connaître de l'assignation à elle délivrée par l'Urssaf aux fins d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à son égard, alors qu'elle est immatriculée au registre du commerce et des sociétés depuis le 22 novembre 2005, ayant déclaré une activité d'assistance et de conseil aux entreprises et donné comme adresse de son établissement principal en France le [...].

En l'état d'un établissement situé en France où la société exerce une partie de ses activités, et à défaut de dispositions contraires résultant d'une convention bilatérale applicable entre la France et le Canada, les juridictions françaises sont compétentes pour connaître de l'ouverture d'une procédure collective à son égard.

L'article R. 600-1 du code de commerce dispose que le tribunal territorialement compétent pour en connaître est celui dans lequel la personne morale débitrice a son siège ou, à défaut de siège en territoire français, celui dans le ressort duquel elle a le centre principal de ses intérêts en France.

La société appelante étant immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris où elle a fixé son établissement principal, le tribunal de commerce de Paris était bien compétent pour connaître de l'action engagée.

Aussi le moyen tiré de l'incompétence territoriale des premiers juges, soutenu par la société Frontline Focus International Inc. sans être cependant repris dans le dispositif de ses écritures, sera écarté.

Sur l'état de cessation des paiements

La société appelante qui fait valoir, sur la foi d'une analyse confiée au cabinet Grant Thornton relativement à sa situation active et passive au 31 mars 2011, connaître une augmentation constante de son chiffre d'affaires depuis 2007 de 65% sur quatre ans pour atteindre près de 6 millions d'euros en 2010, ayant dégagé sur la même période un équivalent de résultat net (Earning Before Interst ansd Taxes/EBIT) en progression de 64 % (403 000 euros en 2010), conteste tout état de cessation des paiements, en reconnaissant cependant qu'à la suite d'un changement de direction intervenu à l'automne 2010, le traitement administratif des obligations de son établissement français à l'égard des créanciers sociaux et fiscaux aurait connu certains retards.

A la date du 26 septembre 2011, le passif déclaré entre les mains de Maître Penet-Weiler s'élève à la somme de 165 312,43 euros dont une créance contestée de l'Urssaf de 12 614 euros, auquel le liquidateur ajoute deux créances d'institutions de retraite (Iricasa pour 7 012 euros et Ciresa à hauteur de 17 322 euros) déclarées tardivement mais ayant fait l'objet de requêtes en relevé de forclusion.

Le document d'analyse établi par le cabinet Grant Thortnon, versé aux débats et qui n'est pas sérieusement contesté par les intimés, fait apparaître un actif disponible de la société à hauteur d'une somme de 477 182 euros au 31 mars 2011 et de 605 000 euros au 30 septembre 2011, le solde net positif (actif-passif pour la totalité de la société ) étant évalué à 141 585 euros au 31 mars 2001 et à 323 314 au 30 septembre 2011.

Enfin, l'appelante justifie de virements effectués depuis le siège canadien de la société sur le compte Carpa de son conseil, destinés à apurer le passif de son établissement français à hauteur d'une somme de 185 000 euros, de sorte qu'elle se trouve en état de régler son passif exigible avec son actif disponible.

Aussi, la société Frontline Focus International Inc n'est-elle pas, à ce jour, en état de cessation des paiements et le jugement déféré sera-t-il infirmé.

Sur l'ouverture d'une mesure de sauvegarde

La société appelante sollicite l'ouverture d'une procédure de sauvegarde en exposant avoir entrepris la constitution d'une filiale pour ses activités françaises et souhaiter que cette nouvelle organisation soit mise en place avant de procéder au règlement de ses créances.

L'article L620-1 du code de commerce subordonne l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, à l'existence de difficultés que le débiteur, qui n'est pas en cessation des paiements, n'est pas en mesure de surmonter.

Si les difficultés susceptibles de justifier une telle mesure peuvent être de toute nature, et notamment organisationnelles ou juridiques, et ne pas affecter l'activité même de la société, encore convient-il que le débiteur justifie ne pas être en mesure de les surmonter seul, et non pas seulement qu'il trouverait avantage au moratoire sur les dettes qui s'attache à la sauvegarde.

Or, la société appelante impute la situation qu'elle a rencontrée à de simples contingences matérielles qu'elle reconnaît, dans ses écritures, être en mesure de surmonter par la création d'une filiale, précisant être désormais assistée pour ce faire d'un conseil et d'un cabinet d'audit dédiés à ses activités françaises, ajoutant avoir réglé à l'Urssaf l'ensemble de ses cotisations au titre de l'exercice 2011 et faisant état d'un résultat prévisionnel (EBIT) sur ce même exercice de 337 000 euros et d'un résultat envisagé à 450 000 euros sur l'exercice 2012.

En cet état, la filialisation de ses activités en France qui ne caractérise nullement pour elle une difficulté qu'elle ne saurait surmonter, ne saurait justifier l'ouverture d'une procédure de sauvegarde.

La société Frontline Focus International Inc, qui est seule responsable de la situation dans laquelle elle s'est placée en ne réglant pas les créances que l'Urssaf détenait sur elle, et qui n'échappe à une constatation de l'état de cessation de paiements que par un apport en trésorerie tardif, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

Infime le jugement déféré,

Et statuant à nouveau,

Dit n'y avoir lieu à ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire,

Dit n'y avoir lieu à ouverture d'une procédure de sauvegarde,

Condamne la société Frontline Focus International Inc aux entiers dépens de première instance et d'appel, comprenant la rémunération et les frais du liquidateur, et dit que les dépens d'appel pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.