CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 1 septembre 2021, n° 18/03708
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Lidl (SNC)
Défendeur :
Carrefour Hypermarches (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dallery
Conseillers :
M. Gilles, Mme Depelley
Avocat :
Selarl Lexavoue Paris-Versailles
La société Lidl, filiale du groupe allemand Schwarz, est une enseigne de grande distribution à prédominance alimentaire qui exploite sur tout le territoire français une chaîne de supermarchés (environ 1 500).
Le groupe Carrefour exerce une activité de commerce de grande distribution en France et à l'étranger, au travers de magasins de différents formats (hypermarchés, supermarchés, ) et la majorité des 233 magasins sous enseigne « Carrefour » en France est exploitée par la société Carrefour hypermarchés.
La société C.S.F. exploite la majorité des 1003 supermarchés à enseigne « Market ».
La société Rue du Commerce, filiale du groupe Carrefour, exploite un site internet de e-commerce dénommé www.rueducommerce.fr.
Le 1er avril 2016, Carrefour a assigné Lidl en concurrence déloyale, lui reprochant de faire de la publicité télévisée pour des produits disponibles à la vente pendant des périodes trop limitées.
Le 4 octobre 2016, le groupe Intermarché, disposant de parts de marché de 13,3%, a assigné Lidl pour des raisons similaires.
Le 25 novembre 2016, la société Lidl reprochait à Carrefour des faits de même nature.
Enfin, le 19 juin 2017, la société Lidl reprochait à nouveau à Carrefour des faits similaires, pour la diffusion à la télévision par Carrefour hypermarchés dans le cadre de sa communication publicitaire, entre le 9 et le 22 avril 2017, sous sa marque ombrelle éponyme, d'une publicité pour un ensemble de mobilier de jardin composé de 6 chaises, d'une table et d'un parasol, ci-après désigné « set RONA' 6 chaises » (ci-après le Produit), mis en avant au prix de 149 euros.
C'est dans ces conditions que, par acte du 19 juin 2017, la société Lidl a assigné les sociétés du groupe Carrefour devant le tribunal de commerce d'Evry à raison de prétendus manquements à la réglementation applicable à la publicité télévisée à l'occasion d'une campagne de promotion de mobilier de jardin (gamme "Rona").
Par jugement du 29 novembre 2017, le tribunal de commerce d'Evry a :
Débouté la SAS Carrefour hypermarchés et la SAS C.S.F de leur demande de mise hors de cause de la SAS C.S.F,
Condamné solidairement la SAS Carrefour hypermarchés, la SAS C.S.F et la SAS Rue du commerce à payer à la SNC Lidl la somme de 50 000 à titre de dommages-intérêts pour concurrence déloyale,
Débouté la SNC Lidl de sa demande de diffuser un texte proposé à la télévision, la chaîne Youtube, les sites carrefour.fr, rueducommerce.fr et imprimer dans les catalogues de Carrefour,
Condamné solidairement la SAS Carrefour hypermarchés, la SAS C.S.F et la SAS Rue du commerce à payer à la SNC Lidl la somme de 50 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Débouté les parties de leurs autres demandes, plus amples ou contraires,
Débouté la SNC Lidl de sa demande de dire le présent jugement exécutoire sur minute,
Condamné solidairement la SAS Carrefour hypermarchés et SAS C.S.F et la SAS Rue du commerce aux dépens de l'instance en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 111,17 euros TTC.
Par déclaration du 15 février 2018, la société Lidl a interjeté appel de ce jugement et a régularisé ses premières conclusions d'appelante le 14 mai 2018.
Par conclusions signifiées le 10 août 2018, la société Carrefour a répondu à ces conclusions et formé appel incident, auxquelles Lidl a de son côté répondu par conclusions signifiées le 9 novembre 2018.
Vu les dernières conclusions de la société Lidl déposées et notifiées le 9 septembre 2019, priant la cour de :
vu le décret n°92-280 du 27 mars 1992, modifié par le décret du 7 octobre 2003,
vu les notes de l'A.R.P.P. de juin 2006 et d'avril 2008,
vu les articles L.121-1 à L.121-5 du Code de la consommation,
vu l'article 1240 du Code civil,
RECEVOIR la SNC Lidl en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
DECLARER les sociétés Carrefour hypermarchés, C.S.F. et Rue du commerce mal fondées en leur appel incident,
En conséquence :
CONFIRMER le jugement en ce qu'il a débouté les sociétés Carrefour hypermarchés, C.S.F. et Rue du commerce de leur demande de mise hors de cause de la SAS C.S.F,
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que les sociétés Carrefour hypermarchés, C.S.F. et Rue du Commerce ont commis une infraction marquée par l'indisponibilité, dès le 14 avril 201, du set Rona 6 chaises en achat en ligne sur le site www.carrefour.fr et que cette infraction de l'entité Carrefour constitue un acte de concurrence déloyale envers la SNC Lidl,
INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a évalué le préjudice de la SNC Lidl à la somme de 50 000 seulement,
INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SNC Lidl de sa demande de diffuser un texte proposé à la télévision, sur internet et dans les catalogues Carrefour,
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a condamné solidairement les sociétés Carrefour hypermarchés et CSF à payer à la SNC Lidl la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Et statuant à nouveau :
DIRE ET JUGER que le spot télévisé pour le set Rona 6 chaises diffusé à la télévision du 9 au 23 avril 2017 constitue une publicité en faveur d'une opération commerciale de promotion prohibée par l'article 8 du décret du 27 mars 1992, en raison de l'indisponibilité des stocks et de l'absence de stabilité du prix pendant les 15 semaines suivant la diffusion des spots télévisés,
DIRE ET JUGER que la publicité en faveur du set Rona 6 chaises constitue une publicité appât, pratique commerciale réputée trompeuse par l'article L.121-4-5° du Code de la consommation consistant à fournir au consommateur des informations erronées relatives à la disponibilité des produits afin de l'attirer en magasins ou sur un site internet où lui seront proposés des produits de substitution,
DIRE ET JUGER que la diffusion de ces publicités sous la marque Ombrelle Carrefour®, qui laisse entendre que les produits promus sont disponibles dans l'ensemble des magasins à enseigne Carrefour, quand ceux-ci peuvent uniquement être achetés dans certains points de vente, constitue au sens de l'article L.121-3 du Code de la consommation une omission délibérée sur l'information substantielle qu'est l'identité du professionnel concerné,
DIRE ET JUGER que les manquements de la société Carrefour hypermarchés, de la société C.S.F. et de la société Carrefour hypermarchés à la législation précitée s'analysent en des fautes constitutives d'actes de concurrence déloyale causant à la SNC Lidl un préjudice économique considérable, ainsi qu'un préjudice moral,
DEBOUTER purement et simplement les sociétés Carrefour hypermarchés, C.S.F. et Rue du commerce de leur appel incident,
En conséquence :
CONDAMNER in solidum la société Carrefour hypermarchés, la société C.S.F. et Rue du commerce à payer à la SNC Lidl la somme de 1 200 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice économique subi et à la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,
CONDAMNER in solidum la société Carrefour hypermarchés, la société C.S.F et Rue du commerce à rétablir l'information des consommateurs et à porter à leur connaissance la commission par les sociétés Carrefour hypermarchés, C.S.F. et Rue du commerce des actes de concurrence déloyale selon les modalités ci-après :
- en condamnant, sous astreinte définitive de 10 000 euros par manquement constaté, la société Carrefour hypermarchés, la société C.S.F et Rue du commerce à supporter, dans la limite de 3 200 000 euros, le coût de la diffusion d'un communiqué, dont le texte figure ci-après, apparaissant intégralement à l'écran sur un fond noir, en police blanche de taille 30, le communiqué étant lu en voix off sans musique de fond :
« Par une décision de la Cour d'appel de PARIS, les sociétés Carrefour Hypermarchés, C.S.F. et Rue du Commerce ont été condamnées pour concurrence déloyale, à raison de manquements à la réglementation interdisant toute publicité télévisée pour une opération commerciale de promotion. Ainsi, la publicité « set Rona 1 table, 6 chaises et un parasol » n'a pas respecté les exigences d'existence de stocks suffisants et de stabilité des prix, et a continué à être diffusée alors que le produit concerné était en rupture »
et ce pendant une période de 15 jours, sur les chaînes suivantes : TF1, France 2, France 3, France 5, NRJ 12, NT1, TMC, W9, C8, Cstar, Gulli, 6Ter,
A titre subsidiaire, si la Cour entendait que ce communiqué ne soit pas diffusé sous la forme de spot télévisé autonome, mais dans le cadre de spots publicitaires Carrefour, elle ordonnera sous la même astreinte qu'à titre principal aux sociétés Carrefour hypermarchés, C.S.F et Rue du commerce de diffuser, à ses frais, le texte du communiqué précité sous forme d'un bandeau défilant sous les spots télévisés Carerfour, qui défilera intégralement à l'écran sur un fond noir, en police blanche de taille 30, pendant toute la durée du spot télévisé Carrefour et qui sera diffusé en accompagnement des 1.000 premiers spots diffusés par Carrefour à partir du huitième jour suivant le prononcé du jugement à intervenir, sur les chaînes suivantes : TF1 et M6 pour 250 spots chacune, C8, TMC, France 2 et NJR 12 pour 125 spots chacune,
- en condamnant, sous astreinte définitive de 10 000 euros, aux sociétés Carrefour hypermarchés, C.S.F et Rue du commerce de reproduire, en page de couverture du prochain prospectus Carrefour Market et en page de couverture du prochain prospectus Carrefour hypermarchés :
« Par une décision de la Cour d'appel de PARIS, les sociétés Carrefour hypermarchés, C.S.F. et Rue du Commerce ont été condamnées pour concurrence déloyale, d'une part à raison de manquements à la réglementation interdisant toute publicité télévisée pour une opération commerciale de promotion, d'autre part à raison de pratiques commerciales trompeuses, constatées sur des prospectus, sur Internet et à la télévision. Ainsi, la publicité « set Rona 1 table, 6 chaises et un parasol » n'a pas respecté les exigences d'existence de stocks suffisants et de stabilité des prix, et a continué à être diffusée alors que le produit concerné était en rupture », prospectus qui devront être diffusés selon les modalités habituelles de distribution des prospectus Carrefour, c'est-à-dire en magasins, ainsi le 36 cas échéant que par envoi postal, ainsi le cas échéant que par une distribution en boîtes à lettres,
- en condamnant les sociétés Carrefour hypermarchés, C.S.F. et Rue du commerce à diffuser sur la page d'accueil du site www.Carrefour.fr et du site www.rueducommerce.fr, ainsi que sur la en page YouTube Carrefour France, le message suivant sous la forme d'une vidéo de 15 secondes démarrant dès consultation de la page et ne pouvant être arrêtée :
« Par une décision de la Cour d'appel de PARIS, les sociétés Carrefour Hypermarchés, C.S.F. et Rue du commerce ont été condamnées pour concurrence déloyale, d'une part à raison de manquements à la réglementation interdisant toute publicité télévisée pour une opération commerciale de promotion, d'autre part à raison de pratiques commerciales trompeuses, constatées sur des prospectus, sur Internet et à la télévision. Ainsi, la publicité « set Rona 1 table, 6 chaises et un parasol » n'a pas respecté les exigences d'existence de stocks suffisants et de stabilité des prix, et a continué à être diffusée alors que le produit concerné était en rupture ».
Cette diffusion devra rester en ligne 30 jours consécutifs et intervenir à compter du troisième jour suivant le prononcé de la décision, sous astreinte définitive de 20 000 euros par site et par jour de retard dans la mise en ligne de ce message.
CONDAMNER les sociétés Carrefour hypermarchés, CSF et Rue du commerce à payer à la SNC Lidl la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel,
DIRE que les dépens d'appel pourront directement être distraits par la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES.
Vu les dernières conclusions des société Carrefour hypermarchés, CSF et Rue du Commerce déposées et notifiées le 13 septembre 2019, demandant à la cour de :
vu l'article 8 du Décret n° 92-280 du 27 mars 1992,
vu les articles L. 121-2 et suivants du Code de la consommation,
vu l'article 1240 du Code civil,
Dire et juger que les sociétés Carrefour hypermarchés et Rue du Commerce ont respecté la réglementation applicable dans le cadre des campagnes de publicités pour le produit Rona,
Dire et juger que les Sociétés Carrefour hypermarchés, C.S.F. et Rue du Commerce n'ont commis aucun manquement constitutif d'une pratique commerciale déloyale,
En conséquence :
Confirmer le jugement du Tribunal de commerce d'Evry du 29 novembre 2017 en ce qu'il a :
(i) écarté les pièces issues des études réalisées par les consommateurs au moyen de l'application Mobeye, ces pièces ne présentant aucun caractère certain,
(ii) rejeté les demandes de Lidl au titre de prétendus manquements constitutifs de pratique commerciale déloyale,
Infirmer le jugement du Tribunal de commerce d'Evry du 29 novembre 2017 en ce qu'il a : (i) condamné les sociétés Carrefour hypermarchés, C.S.F et Rue du Commerce au paiement de la somme de 50 000 au titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale,
(ii) débouté la société C.S.F de sa demande de mise hors de cause ;
(iii) condamné les Sociétés Carrefour au paiement de la somme de 50 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Et, statuant à nouveau,
Déclarer les sociétés Carrefours hypermarchés, C.S.F, et Rue du Commerce bien fondées en leur appel incident,
Ordonner la mise hors de cause de la société C.S.F,
Débouter la société Lidl de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre des sociétés Carrefour hypermarchés, C.S.F et Rue du Commerce,
Condamner la société Lidl à payer aux sociétés Carrefour hypermarchés, C.S.F et Rue du Commerce, la somme de 100.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamner la société Lidl aux entiers dépens.
SUR CE , LA COUR
Sur la mise hors de cause de la société CSF
La société C.S.F demande sa mise hors de cause dans la mesure où n'ayant pas diffusé de spots publicitaires, elle ne peut être responsable d'une prétendue violation de la réglementation y afférente.Elle ajoute que les publicités visées par Lidl ne concernent que des produits promus et vendus par l'enseigne "Carrefour", dont la très large majorité des hypermarchés sont exploités par la société Carrefour Hypermarchés.
La société Lidl rétorque que la publicité télévisée renvoie à 'la liste des magasins participants sur carrefour.fr' sans préciser que seuls les magasins hypermarchés sont concernés et qu'en parallèle de la publicité télévisée le produit était également promu par l'intermédiaire de plusieurs prospectus, dont un édité par la société C.S.F pour l'enseigne Carrefour Market.
Sur ce, la cour retient que si les publicités télévisées litigieuses ont été diffusées à la demande la société Carrefour Hypermarchés qui les a financées ainsi qu'il résulte de l'attestation du secrétaire général d'Arean Media Communicatios (pièce 53 des intimées) et que ces publicités portent le logo Carrefour bleu et rouge qui désigne les hypermarchés, il n'en demeure pas moins que le site Carrefour.fr auquel il est renvoyé vise les enseignes du groupe Carrefour, la seule circonstance que l'information sur le set Rona disponible mentionne : 'Le set Rona n'est pas vendu dans les hypermarchés Carrefour suivants: Chalon Nord, Lyon Confluence, Villeurbanne et Belley'( pièce 30 des intimées) est insuffisante pour établir une commercialisation du produit à cette seule enseigne. Ce d'autant que CSF a distribué un prospectus 'Carrefour Market' valable du 11 au 30 avril 2017, soit au cours de la campagne de publicité télévisée litigieuse qui a eu lieu du 9 au 22 avril, portant en couverture le set Rona au prix de 149 euros.
Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de mise hors de cause de la société CSF.
Sur les manquements des sociétés Carrefour concernant la commercialisation du Produit
Le tribunal a retenu une infraction des sociétés Carrefour marquée par l'indisponibilité du produit dès le 14 avril 2017 uniquement en achat en ligne sur le site carrefour.fr et que cette infraction constituait un acte de concurrence déloyale envers la société Lidl.
Sur l'existence d'une opération comerciale de promotion prohibée par l'article 8 du décret n° 92-280 du 27 mars 1992
Selon la société Lidl, la publicité diffusée à la télévision entre le 9 et le 22 avril 2017 sous la marque Ombrelle Carrefour pour un ensemble de mobilier de jardin 'set RONA 6 chaises' mis en avant au prix de 149 euros, consitue une opération commerciale de promotion prohibée par l'article 8 du décret n° 92-280 du 27 mars 1992 en raison de l'absence de stabilité des prix et de l'indisponibilité des stocks pendant les 15 semaines suivant la diffusion de ces spots télévisés.
La cour rappelle que l'article 8 du décret n° 92-280 du 27 mars 1992 dispose :
« Est interdite la publicité concernant, d'une part, les produits dont la publicité télévisée fait l'objet d'une interdiction législative et, d'autre part, les produits et secteurs économiques suivants : (...) distribution pour les opérations commerciales de promotion se déroulant entièrement ou principalement sur le territoire national (...). Au sens du présent décret, on entend par opération commerciale de promotion toute offre de produits ou de prestations de services faite aux consommateurs ou toute organisation d'événements qui présente un caractère occasionnel ou saisonnier, résultant notamment de la durée de l'offre, des prix et des conditions de vente annoncés, de l'importance du stock mis en vente, de la nature, de l'origine ou des qualités particulières des produits ou services ou des produits ou prestations accessoires offerts »
Cet article prohibe les opérations commerciales de promotion télévisuelle dans le secteur de la distribution.
Sur la violation de l'exigence de stabilité des prix
La société Lidl soutient que l'enquête réalisée par Mobeye démontre la violation de l'exigence de stabilité du prix tout au long de la période de 15 semaines et par conséquent, une violation des dispositions du décret n°92-280 du 27 mars 1992.
Carrefour rétorque que le prix affiché de 149 euros dans la publicité n'est pas promotionnel, contrairement à ce qu'affirme la société Lidl mais correspond au prix normal du produit.
Sur ce, la Cour retient que le Décret n° 92-280 du 27 mars 1992 encadrant la publicité télévisée prévoit que, dès lors que le prix mentionné est « normal et stable sur toute la période de disponibilité du produit concerné », la communication est possible.
En l'espèce, la circonstance que le produit ait été vendu au prix de 199,90 au mois de mars et qu'il ait été décidé, après plusieurs semaines de vente, d'en baisser le prix à 149 euros constitue une décision de politique tarifaire sans incidence sur le téléspectateur-consommateur. Il n'est pas établi que le prix ainsi indiqué du produit ne soit pas demeuré le même pendant toute la durée de la commercialisation. En effet, si Lidl se prévaut de hausses de prix résultant de l'enquête réalisée par Mobeye, Carrefour justifie que le prix facturé a bien été celui de 149 euros, de sorte qu'il peut être conclu qu'à de simples erreurs d'affichage dans les 3 magasins concernés.
Ainsi, la Cour retient, comme le tribunal, l'absence d'instabilité des prix du Produit.
Sur l'indisponibilité du produit
La société Lidl reproche aux sociétés Carrefour l'indisponibilité générale des produits dont elle dit apporter la preuve notamment par le procès-verbal de constat d'huissier du 14 avril 2017 sur le site carrefour.fr et rueducommerce.frm, ajoutant que les sociétés Carrefour n'établissent pas que les produits étaient commandés en quantité suffisante pour être en mesure de satisfaire leurs obligations.
Les sociétés Carrefour rétorquent en premier lieu que les publicités télévisées tendaient uniquement à promouvoir le produit dans les magasins sous enseigne Carrefour et qu'elles n'avaient pas pour objet d'assurer la promotion de la plate-forme de vente en ligne du groupe Carrefour, Rueducommerce.fr mais uniquement de permettre aux téléspectateurs de connaître la liste des magasins Carrefour « participants » et d'obtenir les détails du produit.
Elles soutiennent que l'indisponibilité du produit constatée sur les seuls sites internet ne préjuge en rien la disponibilité du produit dans les magasins « Carrefour », qui sont seuls visés par la publicité télévisée. Elles soulignent l'ampleur des commandes passées par Carrefour hypermarchés pour offrir le produit à la vente, dont la fiche de présentation mentionnait un « prix fixe pendant 16 semaines, soit jusqu'au dimanche 13 août 2017 », au-delà de la période de 15 semaines recommandée par l'Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (l'ARPP), et ainsi l'absence de caractère promotionnel du Produit. Elles disent qu'un volume important a été commandé sur la base de l'historique des ventes de ce même produit en 2015 pour vendre 6 fois plus de produits.
En second lieu, elles font valoir que le Produit a été vendu en magasins au cours des mois de mai à août 2017, ainsi que cela ressort de différents tickets de caisse et d'un état des ventes du produit établi par le responsable commande marchandises « Manager Merchandiser planner ».
Enfin, elles soutiennent que la procédure de commande mise en place était adéquate pour satisfaire la demande puisque la société Carrefour hypermarchés a passé une commande complémentaire dès le 21 avril 2017 pour assurer la disponibilité du produit ainsi qu'il en est attesté et qu'elle a proposé aux clients désireux d'acquérir le produit de leur commander.
Sur ce
La publicité télévisée litigieuse renvoie au site Carrefour.fr, lequel relaie la publicité sur ce site et propose d'acquérir le produit en ligne en renvoyant au site rueducommerce.fr. Elle indique aussi en voix off 'ça sent bon l'été avec l'ensemble de jardin à seulement 149' en magasins et sur carrefour.fr' (souligné par la cour).
Dès lors, Carrefour soutient à tort que la publicité en cause mentionne uniquement que le produit est en vente dans les magasins sous enseigne Carrefour participant à l'opération et qu'elle se borne à renvoyer au site Carrefour.fr pour connaître les détails techniques du produit et la liste des magasins participants.
Il s'en déduit que le tribunal a justement retenu que le produit devait être disponible non seulement en magasin mais aussi sur le site Carrefour.fr.
Or, l'huissier de justice a constaté qu'à la date du 14 avril 2017, soit cinq jours seulement après sa commercialisation, le produit n'était plus disponible à la vente en ligne et qu'il était impossible de le commander (Constats des 14 avril, 26 avril et 2 mai 2017).
Par suite, la publicité entre dans le champ d'application de l'article 8 du décret n° 92-280 du 27 mars 1992 qui prohibe les opérations commerciales de promotion télévisuelle dans le secteur de la distribution, s'agissant de la vente du produit sur internet.
Les constats d'huissier produits ne concernent pas la vente en magasins et Carrefour justifie avoir offert le produit à la vente dans plusieurs de ses magasins au moins jusqu'au 13 août 2017 ainsi qu'il résulte des duplicata de tickets de caisse produits (pièces 35,36, 39, 41,42) dont la mention 'set acier' identifie suffisament le produit en cause au regard de la description qui en est faite (pièce 40), soit pendant plus de 15 semaines, période de référence retenue par l'Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP).
Cependant, Lidl fait justement valoir que les factures versées aux débats portant sur 18 sets, ne concernent que 7 magasins Carrefour alors qu'elle établit l'indisponibilité du produit dans 151 autres magasins de la marque sur les 180 visités ainsi qu'il résulte de l'enquête Mobeye réalisée par des cosommateurs équipés de smartphones entre le 4 et le 11 mai 2017, étant observé que les équipes de Mobeye vérifient la géolocalisation et l'horodatage des photographies (sa pièce 9). Il sera indiqué à cet égard que s'agissant d'un fait juridique, la preuve est libre et que la solution Mobeye, fondée sur le concept de « crowdsourcing », s'appuie sur une commaunauté d'un million de consommateurs pour récolter en temps réel des données terrain via une application mobile.
En outre, le constat d'huissier des 26 avril et 2 mai 2017 mentionne la réponse de Carrefour, invitant les clients malheureux à l'achat du produit en ligne dont « les stocks ne sont pas renouvelables » à téléphoner aux magasins pour connaître sa disponibilité, précisant que « certains magasins en ont toujours, d'autres non .... ».
Le constat d'huissier du 14 avril 2017 mentionne en outre (page 15) sur l'offre du set Ronda, la mention 'Stock limité'.
Il sera ajouté que le set Rona 6 chaises figure sur les prospectus Carrefour et Carrefour Market valables pendant une période limitée (du 11 au 30 avril pour cette dernière enseigne), au prix de 149 euros.
De surcroît, ces faits sont corroborés par des employés de Lidl, certes liés par un lien de subordination avec cette dernière, qui attestent de l'absence du produit dans plusieurs magasins.
Il s'en déduit que le produit n'a pas été commandé en quantité suffisante pour satisfaire à cette campagne de publicité de grande ampleur diffusée pendant 14 jours sur 12 chaines de télévision.
Et Carrefour ne rapporte pas la preuve contraire.
Sont en effet insuffisants pour justifier l'existence d'un stock au regard des volumes commandés et des ventes intervenues :
- le dossier de mise sur le marché pub tv,
- la production de l'état des ventes établi par le responsable commande marchandises Carrefour qui fait état d'une commande complémentaire passée dès le 21 avril 2017 pour assurer la disponibilité du produit dans les magasins participants,
- la production de six bons de commande du produit du 13 au 27 avril 2017 (pièce 44) portant la mention préimprimée 'Garantie Promotion' avec pour certains une date de fin de l'opération au 24 avril 2017.
La généralité de l'indisponibilité du produit est établie y compris dans les magasins concernés par l'opération. A cet égard, il sera observé qu'une commande est intervenue 4 jours après le lancement de la campagne dont on ignore l'issue alors que l'huissier a constaté dans le même temps l'impossibilité de réassort.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, la diffusion de publicités télévisées par les sociétés Carrefour constitue, au regard du stock limité en vente et de l'offre commerciale saisonnière, une opération commerciale de promotion.
En conséquence, la publicité diffusée à la télévision entre le 9 et le 22 avril 2017 sous la marque Ombrelle Carrefour constitue une opération de promotion prohibée par l'article 8 du décret n° 92-280 du 27 mars 1992.
En réalisant des promotions commerciales par voie télévisuelle en violation de l'article 8 du décret n°92-280 du 27 mars 1992 modifié par le décret du 7 octobre 2003, les sociétés Carrefour se rendent responsable d'une pratique de concurrence déloyale à l'égard de ses concurrents de la grande distribution qui respectent cette disposition, placés de ce fait dans une situation moins favorable.
Sur l'omission délibérée d'une information substantielle au sens de l'article L 121-3 du code de la consommation.
Lidl soutient que la publicité télévisée sous la marque Ombrelle Carrefour constitue une omission délibérée d'une information substantielle qu'est l'identité du professionnel concerné, au sens de l'article L 121-3 du code de la consommation.
Elle dit que Carrefour ne rapporte pas la preuve d'avoir mis à disposition du consommateur la « liste des magasins participants » sur le site et que la publicité télévisée renvoie au site carrefour.fr, permettant de mieux connaître les enseignes Carrefour en France. Selon Lidl, ce défaut d'identification précis a clairement laissé croire aux consommateurs que les produits étaient disponibles dans l'ensemble des enseignes Carrefour et a pu attirer en magasin les consommateurs, ce qui est corroboré par le fait que CSF a pendant la même période distribué un prospectus présentant en couverture le produit, dont un stock limité était proposé à la vente.
Carrefour rétorque que le logo (Rouge et bleu) et le slogan de l'enseigne Carrefour figurent expressément à la fin des publicités télévisées, privent celles-ci de toute ambigüité quant au lieu de commercialisation des produits. Carrefour fait valoir que le produit promu pouvait effectivement être acquis dans tous les magasins à enseigne « Carrefour » (sous réserve des 4 magasins « Carrefour » dont la liste est précisément indiquée aux consommateurs sur le site Carrefour.fr auquel renvoie la publicité télévisée) puisque le logo utilisé dans la publicité est le logo correspondant à ses hypermarchés qui se distinguent des logos utilisés par les autres magasins du groupe Carrefour.
Sur ce, la Cour retient à l'instar du tribunal que la publicité télévisée qui comporte outre le logo Carrefour Hypermarchés, mentionne en fin de spot « voir détail des produits et liste des magasins participants sur carrefour.fr » satisfait suffisamment aux exigences d'identification du professionnel concerné.
L'omission reprochée n'est donc pas établie.
Sur les pratiques commerciales trompeuses sur le fondement de l'article L.121-4 5° du Code de la consommation.
La société Lidl soutient que Carrefour, à l'aide d'une campagne publicitaire massive, a présenté un produit à un prix attractif de façon à attirer les consommateurs dans ses magasins, tout en sachant que le produit serait rapidement indisponible à la vente, ce qui lui a alors permis d'orienter le consommateur vers un produit de substitution, dont un autre ensemble de mobilier de jardin Rona, mais composé de 4 chaises seulement et vendu pour la somme de 139 euros, soit un prix à peine moins cher, ce qui constitue une pratique commerciale déloyale au sens de l'article L.121-4 5° du code de la consommation.
Carrefour rétorque que la société Carrefour Hypermarchés n'a fourni aucune information trompeuse quant à la disponibilité du Produit, faisant valoir que les prévisions de vente ont été fondées sur les ventes du Produit réalisées au cours des exercices 2015 et 2016, en tenant compte du succès escompté des publicités télévisées diffusées et que le volume des commandes a été multiplié par 6 par rapport à l'année 2015. Carrefour demande la confirmation du jugement de première instance en ce qu'il a jugé que les sociétés Carrefour n'avaient pas manqué à leur obligation de disponibilité du Produit en magasins au titre des articles L. 121-2 et L. 121-4 5° du code de la consommation.
Sur ce, Selon l'article L. 121-4 du code de la consommation :
« Sont réputées trompeuses, au sens des articles L. 121-2 et L. 121-3, les pratiques commerciales qui ont pour objet :
5° De proposer l'achat de produits ou la fourniture de services à un prix indiqué sans révéler les raisons plausibles que pourrait avoir le professionnel de penser qu'il ne pourra fournir lui-même ou faire fournir par un autre professionnel, les produits ou services en question ou des produits ou services équivalents au prix indiqué, pendant une période et dans des quantités qui soient raisonnables compte tenu du produit ou du service, de l'ampleur de la publicité faite pour le produit ou le service et du prix proposé ;
L'article L 121-4, 5° du code de la consommation répute trompeur le fait de proposer l'achat de produits à un prix indiqué « sans révéler les raisons plausibles que pourrait avoir le professionnel de penser qu'il ne pourra fournir lui-même ».
Or, en se livrant à une publicité nationale à grande échelle du produit en vente sur internet et dans ses hypermarchés à l'exception de 4 d'entre eux, sans s'assurer d'un stock suffisant pour lui permettre d'y répondre, ainsi qu'il résulte de la rapidité avec laquelle est survenue la rupture de produits, Carrefour avait nécessairement conscience qu'elle serait dans l'impossibilité de fournir le produit pendant la période considérée.
Elle a ainsi adopté un comportement susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur moyen, se rendant ainsi responsable d'une pratique de concurrence déloyale à l'égard de Lidl.
Le jugement est infirmé de ce chef.
Sur le préjudice
Sur le préjudice économique
La société Lidl soutient avoir subi un préjudice économique résultant de l'avantage concurrentiel
dont a bénéficié Carrefour au détriment de ses concurrents et que pour contrebalancer les effets négatifs de cette publicité illicite sur son propre chiffre d'affaires, elle devra mener une campagne proportionnelle à sa propre part de marché, soit 5,4% en 2017, date à laquelle la faute a été commise, soit engager une dépense de 169.776 euros étant précisé qu'à date la part de marché de Lidl est de 6%, le montant qu'elle devrait engager est donc de 188.640 euros. Lidl affirme que la publicité pour le produit a fait l'objet d'un véritable matraquage, puisqu'elle a été diffusée entre le 9 et le 22 avril 2017, soit durant 14 jours sur 12 chaines de télévision dont TF1, France 2, France 3 et M6, pour un budget total de 3 144 000 euros générant un GRP s'élevant à 502 mais également par l'intermédiaire de deux prospectus. Ainsi, selon elle, pendant 14 jours, les consommateurs ont été attirés dans les magasins Carrefour et Carrefour Market grâce à une publicité pour un produit à un prix très attractif alors même que Carrefour ne l'offrait pas à la vente.
La société Lidl soutient que le montant de la condamnation doit donc être rapporté à la durée de diffusion et que le préjudice subi doit donc être évalué à la somme de 867 744 euros (4,6 X 188 640), montant auquel s'ajoute la stratégie délibérée de Carrrefour, portant ainsi le montant du préjudice financier à un million deux cent mille euros (1 200 000).
Carrefour reproche au jugement de première instance de ne pas avoir explicité le détail de son calcul, fixant le montant des dommages et intérêts dus à Lidl par les Sociétés Carrefour à la somme de 50 000 euros au titre d'un prétendu préjudice financier.
En outre, elle soutient que la société Lidl ne démontre pas qu'elle a subi un manque à gagner puisqu'elle n'établit pas qu'elle aurait proposé des produits « similaires » aux produits litigieux, qu'elle ne justifie pas du quantum de son prétendu préjudice. De plus, Carrefour constate que la société Lidl n'a, en tout état de cause, subi aucun préjudice dans la mesure où sa part de marché est passée de 4,3 % en 2013 à 5,1% en 2016, année de diffusion des publicités litigieuses.
Sur ce, la Cour retient que les infractions à la législation applicable en matière de publicité télévisée et à une publicité loyale sont constitutives d'un acte de concurrence déloyale en raison de la distortion qui en résulte avec la concurrence.
Or, il s'infère nécessairement d'actes constitutifs de concurrence déloyale un trouble commercial générant un préjudice, fût-il seulement moral.
Au regard de l'impact de la publicité illicite à grande échelle pratiquée par Carrefour sur le recrutement de nouveaux acheteurs, il convient d'évaluer le préjudice subi par Lidl en retenant le coût de la publicité qu'elle devrait diffuser pour contrebalancer l'effet de captation de cette campagne à son détriment.
Le budget publicitaire de cette campagne s'est élevé pour Carrefour à la somme de 3 144 000 euros. Au regard de la part de marché de Lidl de 5,4% en 2017, le coût publicitaire s'élève pour elle à la somme de 169 776 euros, somme qu'il convient de porter à 220 000 euros pour tenir compte du caractère illicite des publicités émises par Carrefour, qui combinent la visibilité de la publicité et l'attractivité de la promotion ainsi que leur effet fortement fidélisant, ce qui contraint la victime à engager un coût plus élevé pour les combattre.
La somme de 220 000 euros sera donc allouée à Lidl en répartion de son préjudice économique que les sociétés du groupoe Carrefour seront condamnés in solidum à lui verser.
Sur le préjudice moral
La société Lidl affirme avoir subi un préjudice moral puisque la diffusion de publicités mensongères constitue un acte de concurrence déloyale qui cause nécessairement un préjudice, à tout le moins moral, aux concurrents, devant être évalué à 100 000 euros.
Carrefour rétorque que l'indisponibilité, loin de révéler la stratégie commerciale de la société Carrefour hypermarchés, est demeurée isolée et ne saurait donc avoir causé un quelconque préjudice moral à Lidl. En conséquence, Carrefour souhaite que le jugement du tribunal de commerce d'Evry soit confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de Lidl au titre d'un prétendu préjudice moral
Sur ce, la cour retient que le préjudice moral subi par la société Lidl du fait de l'acte de concurrence déloyale auquel se sont livrées les sociétés Carrefour sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 5 000 euros.
Sur les mesures de publication
La société Lidl souhaite un rétablissement de l'information du consommateur, par le biais de mesures de publication judiciaire pouvant atténuer la portée des actes de concurrence déloyale commis. Elle sollicite ainsi la diffusion de publications judiciaires à la télévision, faisant état de la violation par Carrefour de l'interdiction de publicité télévisée pour une opération commerciale de promotion, sous la forme d'un communiqué apparaissant à l'écran lu en voix off, subsidiairement de spots publicitaires Carrefour, outre la mention d'un texte en page de couverture du prochain prospectus Carrefour Market et Carrefour Hypermarchés. La société Lidl sollicite également que la Cour condamne Carrefour à diffuser sur la page d'accueil du site www.carrefour.fr et du site www.rueducommerce.fr, ainsi que sur la page YouTube Carrefour France une vidéo de 15 secondes faisant état des violations de la législation commises par Carrefour.
Carrefour rétorque que la demande de la société Lidl relative au rétablissement de l'information du consommateur est disproportionnée et demande donc la confirmation du jugement de première instance en ce qu'il a débouté Lidl de sa demande relative à la diffusion d'une publication judiciaire, sur quel que support que ce soit. En effet, Carrefour soutient que les mesures de publicité doivent être proportionnées par rapport à la gravité du préjudice subi.
Sur ce, la Cour estime que les mesures demandées par la société Lidl en ce qu'elles portent sur la diffusion de publications judiciaires à la télévision, faisant état de la violation par Carrefour de l'interdiction de publicité télévisée pour une opération commerciale de promotion, sous la forme de spots télévisés autonomes ou à tout le moins, de spots publicitaires, apparaissent excessives au regard des dommages-intérêts accordés et des mesures de publications ci-après ordonnées, à savoir la diffusion sur la page d'accueil du site www.carrefour.fr et du site www.rueducommerce.fr du dispositif de l'arrêt pendant une durée de deux mois.
Les mesures de publicité plus amples sont rejetées.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Les sociétés Carrefour qui succombent, sont condamnées aux dépens d'appel. Elles sont également déboutées de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnées in solidum, sur ce fondement, à verser la somme de 50 000 euros à la société Lidl, en sus de la somme allouée à ce titre par le premier juge.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant dans les limites de l'appel,
Confirme le jugement sauf en ce qu'il a condamné solidairement la SAS Carrefour Intermarchés, la SAS CSF et la SAS Rue du Commerce à payer à la SNC Lidl la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour concurrence déloyale ;
Statuant à niveau de ce chef infirmé et y ajoutant,
Condamne in solidum la SAS Carrefour Intermarchés, la SAS CSF et la SAS Rue du Commerce à payer à la SNC Lidl la somme de 220 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice économique ainsi que la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral, pour concurrence déloyale commise à son encontre à raison de manquements à la règlementation interdisant toute publicité télévisée pour une opération commerciale de promotion et à raison de pratiques commerciales trompeuses ;
Condamne in solidum la SAS Carrefour Intermarchés, la SAS CSF et la SAS Rue du Commerce à diffuser à leurs frais le dispositif du présent arrêt accessible sur un lien de taille minimum 100 X 20 pixels figurant sur la page d'accueil du site www.Carrefour.fr et www.rueducommerce.fr dans le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt et pendant une durée de deux mois.
Déboute la SAS Carrefour Intermarchés, la SAS CSF et la SAS Rue du Commerce de leurs demandes, notamment au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Les condamne in solidum aux dépens d'appel avec le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile et à payer à la SNC Lidl la somme de 50 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Rejette toute autre demande.