CJUE, gr. ch., 7 septembre 2021, n° C-927/19
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
« Klaipėdos regiono atliekų tvarkymo centras » UAB, « Ecoservice Klaipėda » UAB, « Klaipėdos autobusų parkas » UAB, « Parsekas » UAB, « Klaipėdos transportas » UAB
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lenaerts
Présidents de chambre :
M. Bonichot, M. Arabadjiev, Mme Prechal, M. Piçarra, M. Kumin
Vice-président :
Mme de Lapuerta
Juges :
Mme Toader, M. Safjan, M. Šváby (rapporteur), M. Rodin, M. Biltgen, Mme Rossi, M. Jarukaitis, M. Jääskinen
Avocat général :
M. Campos Sánchez-Bordona
Avocats :
Me Elzbergas, Me Mitrauskas, Me Soloveičik
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 21 et 42, de l’article 57, paragraphe 4, sous h), de l’article 58, paragraphes 3 et 4, ainsi que de l’article 70 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (JO 2014, L 94, p. 65), des articles 1er et 2 de la directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux (JO 1989, L 395, p. 33), telle que modifiée par la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014 (JO 2014, L 94, p. 1) (ci-après la « directive 89/665 »), ainsi que de l’article 9, paragraphe 2, de la directive (UE) 2016/943 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites (JO 2016, L 157, p. 1).
2 Cette demande a été introduite dans le cadre d’un litige opposant « Klaipėdos regiono atliekų tvarkymo centras » UAB (centre régional de gestion des déchets de la région de Klaipėda, Lituanie) (ci-après le « pouvoir adjudicateur ») à « Ecoservice Klaipėda » UAB (ci-après « Ecoservice »), au sujet de l’attribution d’un marché public de collecte et de transport de déchets urbains à un groupement d’opérateurs économiques, composé de « Klaipėdos autobusų parkas » UAB, de « Parsekas » UAB et de « Klaipėdos transportas » UAB (ci-après le « Groupement »).
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
La directive 2014/24
3 Le considérant 51 de la directive 2014/24 énonce :
« Il convient de préciser que les dispositions concernant la protection des informations confidentielles n’empêchent en aucune manière la publication des éléments non confidentiels des marchés conclus, y compris celle de toute modification ultérieure. »
4 L’article 18 de cette directive, qui s’intitule « Principes de la passation de marchés », dispose, à son paragraphe 1 :
« Les pouvoirs adjudicateurs traitent les opérateurs économiques sur un pied d’égalité et sans discrimination et agissent d’une manière transparente et proportionnée.
[...] »
5 L’article 21 de ladite directive, intitulé « Confidentialité », prévoit :
« 1. Sauf disposition contraire de la présente directive ou des règles de droit national auxquelles le pouvoir adjudicateur est soumis, notamment les dispositions régissant l’accès à l’information, et sans préjudice des obligations en matière de publicité concernant les marchés attribués et d’information des candidats et des soumissionnaires qui figurent aux articles 50 et 55, le pouvoir adjudicateur ne divulgue pas les renseignements que les opérateurs économiques lui ont communiqués à titre confidentiel, y compris, entre autres, les secrets techniques ou commerciaux et les aspects confidentiels des offres.
2. Les pouvoirs adjudicateurs peuvent imposer aux opérateurs économiques des exigences visant à protéger la confidentialité des informations qu’ils mettent à disposition tout au long de la procédure de passation de marché. »
6 L’article 42 de la même directive, intitulé « Spécifications techniques », énonce :
« 1. Les spécifications techniques définies au point 1 de l’annexe VII figurent dans les documents de marché. Les spécifications techniques définissent les caractéristiques requises des travaux, des services ou des fournitures.
Ces caractéristiques peuvent également se référer au processus ou à la méthode spécifique de production ou de fourniture des travaux, des produits ou des services demandés ou à un processus propre à un autre stade de leur cycle de vie même lorsque ces facteurs ne font pas partie de leur contenu matériel, à condition qu’ils soient liés à l’objet du marché et proportionnés à sa valeur et à ses objectifs.
Les spécifications techniques peuvent aussi préciser si le transfert des droits de propriété intellectuelle sera exigé.
[...]
3. Sans préjudice des règles techniques nationales obligatoires, dans la mesure où elles sont compatibles avec le droit de l’Union, les spécifications techniques sont formulées de l’une des façons suivantes :
a) en termes de performances ou d’exigences fonctionnelles, y compris de caractéristiques environnementales, à condition que les paramètres soient suffisamment précis pour permettre aux soumissionnaires de déterminer l’objet du marché et aux pouvoirs adjudicateurs d’attribuer le marché ;
b) par référence à des spécifications techniques et, par ordre de préférence, aux normes nationales transposant des normes européennes, aux évaluations techniques européennes, aux spécifications techniques communes, aux normes internationales, aux autres référentiels techniques élaborés par les organismes européens de normalisation, ou, en leur absence, aux normes nationales, aux agréments techniques nationaux ou aux spécifications techniques nationales en matière de conception, de calcul et de réalisation des ouvrages et d’utilisation des fournitures ; chaque référence est accompagnée de la mention “ou équivalent” ;
c) en termes de performances ou d’exigences fonctionnelles visées au point a), en se référant, comme moyen de présumer la conformité à ces performances ou à ces exigences fonctionnelles, aux spécifications techniques visées au point b) ;
d) par référence aux spécifications visées au point b) pour certaines caractéristiques et aux performances ou exigences fonctionnelles visées au point a) pour d’autres caractéristiques.
[...] »
7 L’annexe VII de la directive 2014/24 est relative à la « [d]éfinition de certaines spécifications techniques ».
8 L’article 50 de cette directive, intitulé « Avis d’attribution de marché », prévoit, à son paragraphe 4 :
« Certaines informations sur la passation du marché ou la conclusion de l’accord-cadre peuvent ne pas être publiées au cas où leur divulgation ferait obstacle à l’application des lois, serait contraire à l’intérêt public ou porterait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes d’un opérateur économique en particulier, public ou privé, ou pourrait nuire à une concurrence loyale entre les opérateurs économiques. »
9 Aux termes de l’article 55 de ladite directive, intitulé « Information des candidats et des soumissionnaires » :
« 1. Les pouvoirs adjudicateurs informent dans les meilleurs délais chaque candidat et chaque soumissionnaire des décisions prises concernant la conclusion d’un accord-cadre, l’attribution du marché ou l’admission dans un système d’acquisition dynamique, y compris des motifs pour lesquels ils ont décidé de ne pas conclure un accord-cadre ou de ne pas passer un marché qui a fait l’objet d’un appel à la concurrence, de recommencer la procédure ou de renoncer à mettre en œuvre un système d’acquisition dynamique.
2. À la demande du candidat ou du soumissionnaire concerné, les pouvoirs adjudicateurs communiquent, dans les meilleurs délais et au plus tard quinze jours à compter de la réception d’une demande écrite :
a) à tout candidat écarté, les motifs du rejet de sa demande de participation ;
b) à tout soumissionnaire écarté, les motifs du rejet de son offre, y compris, dans les cas visés à l’article 42, paragraphes 5 et 6, les raisons pour lesquelles ils ont conclu à la non-équivalence ou décidé [que] les travaux, fournitures, ou services ne répondent pas aux performances ou aux exigences fonctionnelles ;
c) à tout soumissionnaire ayant fait une offre recevable, les caractéristiques et avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom du titulaire ou des parties à l’accord-cadre ;
d) à tout soumissionnaire ayant fait une offre recevable, des informations relatives au déroulement et à l’avancement des négociations et du dialogue avec les soumissionnaires.
3. Les pouvoirs adjudicateurs peuvent décider de ne pas communiquer certains renseignements concernant l’attribution du marché, la conclusion d’accords-cadres ou l’admission dans un système d’acquisition dynamique, visés aux paragraphes 1 et 2, lorsque leur divulgation ferait obstacle à l’application des lois ou serait contraire à l’intérêt public, porterait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes d’un opérateur économique particulier, public ou privé, ou pourrait nuire à une concurrence loyale entre les opérateurs économiques. »
10 L’article 56 de la même directive, intitulé « Principes généraux », énonce, à son paragraphe 3 :
« Lorsque les informations ou les documents qui doivent être soumis par les opérateurs économiques sont ou semblent incomplets ou erronés ou lorsque certains documents sont manquants, les pouvoirs adjudicateurs peuvent, sauf disposition contraire du droit national mettant en œuvre la présente directive, demander aux opérateurs économiques concernés de présenter, compléter, clarifier ou préciser les informations ou les documents concernés dans un délai approprié, à condition que ces demandes respectent pleinement les principes d’égalité de traitement et transparence. »
11 L’article 57 de la directive 2014/24, qui s’intitule « Motifs d’exclusion », dispose, à ses paragraphes 4 et 6 :
« 4. Les pouvoirs adjudicateurs peuvent exclure ou être obligés par les États membres à exclure tout opérateur économique de la participation à une procédure de passation de marché dans l’un des cas suivants :
[...]
h) l’opérateur économique s’est rendu coupable de fausse déclaration en fournissant les renseignements exigés pour la vérification de l’absence de motifs d’exclusion ou la satisfaction des critères de sélection, a caché ces informations ou n’est pas en mesure de présenter les documents justificatifs requis en vertu de l’article 59 ; ou
[...]
6. Tout opérateur économique qui se trouve dans l’une des situations visées aux paragraphes 1 et 4 peut fournir des preuves afin d’attester que les mesures qu’il a prises suffisent à démontrer sa fiabilité malgré l’existence d’un motif d’exclusion pertinent. Si ces preuves sont jugées suffisantes, l’opérateur économique concerné n’est pas exclu de la procédure de passation de marché.
À cette fin, l’opérateur économique prouve qu’il a versé ou entrepris de verser une indemnité en réparation de tout préjudice causé par l’infraction pénale ou la faute, clarifié totalement les faits et circonstances en collaborant activement avec les autorités chargées de l’enquête et pris des mesures concrètes de nature technique et organisationnelle et en matière de personnel propres à prévenir une nouvelle infraction pénale ou une nouvelle faute.
Les mesures prises par les opérateurs économiques sont évaluées en tenant compte de la gravité de l’infraction pénale ou de la faute ainsi que de ses circonstances particulières. Lorsque les mesures sont jugées insuffisantes, la motivation de la décision concernée est transmise à l’opérateur économique.
Un opérateur économique qui a été exclu par un jugement définitif de la participation à des procédures de passation de marché ou d’attribution de concession n’est pas autorisé à faire usage de la possibilité prévue au présent paragraphe pendant la période d’exclusion fixée par ledit jugement dans les États membres où le jugement produit ses effets. »
12 Aux termes de l’article 58 de cette directive, intitulé « Critères de sélection » :
« 1. Les critères de sélection peuvent avoir trait :
a) à l’aptitude à exercer l’activité professionnelle ;
b) à la capacité économique et financière ;
c) aux capacités techniques et professionnelles.
Les pouvoirs adjudicateurs ne peuvent imposer comme conditions de participation aux opérateurs économiques que les critères visés aux paragraphes 2, 3 et 4. Ils limitent ces conditions à celles qui sont propres à garantir qu’un candidat ou un soumissionnaire dispose de la capacité juridique et financière ainsi que des compétences techniques et professionnelles nécessaires pour exécuter le marché à attribuer. Toutes les conditions sont liées et proportionnées à l’objet du marché.
2. En ce qui concerne l’aptitude à exercer l’activité professionnelle, les pouvoirs adjudicateurs peuvent imposer aux opérateurs économiques d’être inscrits sur un registre professionnel ou sur un registre du commerce de leur État membre d’établissement, visé à l’annexe XI, ou de se conformer à toute autre exigence énoncée dans ladite annexe.
Dans les procédures de passation de marché de services, lorsque les opérateurs économiques ont besoin d’une autorisation spécifique ou doivent être membres d’une organisation spécifique pour pouvoir fournir dans leur pays d’origine le service concerné, le pouvoir adjudicateur peut leur demander de prouver qu’ils possèdent cette autorisation ou qu’ils appartiennent à cette organisation.
3. En ce qui concerne la capacité économique et financière, les pouvoirs adjudicateurs peuvent imposer aux opérateurs économiques des conditions garantissant que ceux-ci possèdent la capacité économique et financière nécessaire pour exécuter le marché. À cette fin, les pouvoirs adjudicateurs peuvent en particulier exiger que les opérateurs économiques réalisent un chiffre d’affaires annuel minimal donné, notamment un chiffre d’affaires minimal donné dans le domaine concerné par le marché. En outre, les pouvoirs adjudicateurs peuvent exiger que les opérateurs économiques fournissent des informations sur leurs comptes annuels indiquant le rapport, par exemple, entre les éléments d’actif et de passif. Ils peuvent également exiger un niveau approprié d’assurance des risques professionnels.
[...]
4. En ce qui concerne les capacités techniques et professionnelles, les pouvoirs adjudicateurs peuvent imposer des conditions garantissant que les opérateurs économiques possèdent les ressources humaines et techniques et l’expérience nécessaires pour exécuter le marché en assurant un niveau de qualité approprié.
Les pouvoirs adjudicateurs peuvent exiger notamment que les opérateurs économiques disposent d’un niveau d’expérience suffisant, démontré par des références adéquates provenant de marchés exécutés antérieurement. Un pouvoir adjudicateur peut considérer qu’un opérateur économique ne possède pas les capacités professionnelles requises lorsqu’il a établi que l’opérateur économique se trouve dans une situation de conflit d’intérêts qui pourrait avoir une incidence négative sur l’exécution du marché.
Dans les procédures de passation de marché de fournitures nécessitant des travaux de pose ou d’installation, de services ou de travaux, la capacité professionnelle des opérateurs économiques à fournir les services ou à exécuter l’installation ou les travaux peut être évaluée en vertu de leur savoir-faire, de leur efficacité, de leur expérience et de leur fiabilité.
[...] »
13 L’article 60 de ladite directive, intitulé « Moyens de preuve », énonce, à ses paragraphes 3 et 4 :
« 3. La preuve de la capacité économique et financière de l’opérateur économique peut, en règle générale, être apportée par un ou plusieurs des éléments de référence énumérée à l’annexe XII, partie 1.
Si, pour une raison justifiée, l’opérateur économique n’est pas en mesure de produire les éléments de référence demandés par le pouvoir adjudicateur, il est autorisé à prouver sa capacité économique et financière par tout autre document considéré comme approprié par le pouvoir adjudicateur.
4. La preuve des capacités techniques des opérateurs économiques peut être fournie par un ou plusieurs des moyens énumérés à l’annexe XII, partie II, selon la nature, la quantité ou l’importance, et l’utilisation des travaux, des fournitures ou des services. »
14 L’annexe XII de la même directive, intitulée « Moyens de preuve du respect des critères de sélection », dispose :
« Partie I : Capacité économique et financière
La preuve de la capacité économique et financière de l’opérateur économique peut, en règle générale, être apportée par un ou plusieurs éléments de références suivants :
a) déclarations appropriées de banques ou, le cas échéant, preuve d’une assurance des risques professionnels pertinents ;
b) la présentation d’états financiers ou d’extraits d’états financiers, dans les cas où la publication d’états financiers est prescrite par la législation du pays dans lequel l’opérateur économique est établi ;
c) déclaration concernant le chiffre d’affaires global de l’entreprise et, le cas échéant, le chiffre d’affaires du domaine d’activités faisant l’objet du marché, portant au maximum sur les trois derniers exercices disponibles en fonction de la date de création de l’entreprise ou du début d’activités de l’opérateur économique, dans la mesure où les informations sur ces chiffres d’affaires sont disponibles.
Partie II : capacité technique
Les moyens de preuve attestant des capacités techniques des opérateurs économiques visées à l’article 58 sont :
a) les listes suivantes :
i) une liste des travaux exécutés au cours des cinq dernières années tout au plus, assortie de certificats de bonne exécution et de résultats pour les travaux les plus importants ; le cas échéant, afin de garantir un niveau de concurrence suffisant, les pouvoirs adjudicateurs peuvent indiquer que les éléments de preuve relatifs à des travaux exécutés il y [a] plus de cinq ans seront pris en compte ;
ii) une liste des principales livraisons effectuées ou des principaux services fournis au cours des trois dernières années tout au plus, indiquant le montant, la date et le destinataire public ou privé. Le cas échéant, afin de garantir un niveau de concurrence suffisant, les pouvoirs adjudicateurs peuvent indiquer que les éléments de preuve relatifs à des produits ou services pertinents fournis il y a plus de trois ans seront pris en compte ;
b) l’indication des techniciens ou des organismes techniques, qu’ils soient ou non intégrés à l’entreprise de l’opérateur économique, en particulier de ceux qui sont responsables du contrôle de la qualité et, lorsqu’il s’agit de marchés publics de travaux, auquel l’entrepreneur pourra faire appel pour l’exécution de l’ouvrage ;
c) la description de l’équipement technique, des mesures employées par l’opérateur économique pour s’assurer de la qualité et des moyens d’étude et de recherche de son entreprise ;
d) l’indication des systèmes de gestion et de suivi de la chaîne d’approvisionnement que l’opérateur économique pourra mettre en œuvre lors de l’exécution du marché ;
e) lorsque les produits ou les services à fournir sont complexes ou que, à titre exceptionnel, ils doivent répondre à un but particulier, un contrôle effectué par le pouvoir adjudicateur ou, au nom de celui-ci, par un organisme officiel compétent du pays dans lequel le fournisseur ou le prestataire de services est établi, sous réserve de l’accord de cet organisme ; ce contrôle porte sur les capacités de production du fournisseur ou sur la capacité technique du prestataire de services et, si nécessaire, sur les moyens d’étude et de recherche dont il dispose ainsi que sur les mesures qu’il prendra pour contrôler la qualité ;
f) l’indication des titres d’études et professionnels du prestataire de services ou de l’entrepreneur ou des cadres de l’entreprise, à condition qu’ils ne soient pas évalués comme critère d’attribution ;
g) l’indication des mesures de gestion environnementale que l’opérateur économique pourra appliquer lors de l’exécution du marché ;
h) une déclaration indiquant les effectifs moyens annuels du prestataire de services ou de l’entrepreneur et l’importance du personnel d’encadrement pendant les trois dernières années ;
i) une déclaration indiquant l’outillage, le matériel et l’équipement technique dont le prestataire de services ou l’entrepreneur disposera pour la réalisation du marché ;
j) l’indication de la part du marché que l’opérateur économique a éventuellement l’intention de sous-traiter ;
k) en ce qui concerne les produits à fournir :
i) des échantillons, descriptions ou photographies dont l’authenticité doit être certifiée à la demande du pouvoir adjudicateur :
ii) des certificats établis par des instituts ou services officiels chargés du contrôle de la qualité et reconnus compétents, attestant la conformité de produits bien identifiée par des références à des spécifications ou normes techniques. »
15 L’article 63 de la directive 2014/24, intitulé « Recours aux capacités d’autres entités », dispose, à son paragraphe 1 :
« Un opérateur économique peut, le cas échéant et pour un marché déterminé, avoir recours aux capacités d’autres entités, quelle que soit la nature juridique des liens qui l’unissent à ces entités, en ce qui concerne les critères relatifs à la capacité économique et financière énoncés à l’article 58, paragraphe 3, et les critères relatifs aux capacités techniques et professionnelles, visés à l’article 58, paragraphe 4. En ce qui concerne les critères relatifs aux titres d’études et professionnels visés à l’annexe XII, partie II, point f), ou à l’expérience professionnelle pertinente, les opérateurs économiques ne peuvent toutefois avoir recours aux capacités d’autres entités que lorsque ces dernières exécuteront les travaux ou fourniront les services pour lesquels ces capacités sont requises. Si un opérateur économique souhaite recourir aux capacités d’autres entités, il apporte au pouvoir adjudicateur la preuve qu’il disposera des moyens nécessaires, par exemple, en produisant l’engagement de ces entités à cet effet.
Le pouvoir adjudicateur vérifie, conformément aux articles 59, 60 et 61, si les entités aux capacités desquelles l’opérateur économique entend avoir recours remplissent les critères de sélection applicables et s’il existe des motifs d’exclusion en vertu de l’article 57. Le pouvoir adjudicateur exige que l’opérateur économique remplace une entité qui ne remplit pas un critère de sélection applicable ou à l’encontre de laquelle il existe des motifs d’exclusion obligatoires. Le pouvoir adjudicateur peut exiger ou peut être obligé par l’État membre à exiger que l’opérateur économique remplace une entité à l’encontre de laquelle il existe des motifs d’exclusion non obligatoires.
Lorsqu’un opérateur économique a recours aux capacités d’autres entités en ce qui concerne des critères ayant trait à la capacité économique et financière, le pouvoir adjudicateur peut exiger que l’opérateur économique et les autres entités en question soient solidairement responsables de l’exécution du marché.
Dans les mêmes conditions, un groupement d’opérateurs économiques visé à l’article 19, paragraphe 2, peut avoir recours aux capacités de participants du groupement ou d’autres entités. »
16 Aux termes de l’article 70 de cette directive, intitulé « Conditions d’exécution du marché » :
« Les pouvoirs adjudicateurs peuvent prévoir des conditions particulières concernant l’exécution d’un marché pour autant qu’elles soient liées à l’objet du marché au sens de l’article 67, paragraphe 3, et indiquées dans l’appel à la concurrence ou dans les documents de marché. Ces conditions peuvent prendre en compte des considérations relatives à l’économie, à l’innovation, à l’environnement, au domaine social ou à l’emploi. »
La directive 89/665
17 L’article 1er de la directive 89/665, intitulé « Champ d’application et accessibilité des procédures de recours », dispose :
« 1. La présente directive s’applique aux marchés visés par la directive [2014/24], sauf si ces marchés sont exclus en application des articles 7, 8, 9, 10, 11, 12, 15, 16, 17 et 37 de ladite directive.
[...]
Les États membres prennent, en ce qui concerne les procédures de passation des marchés relevant du champ d’application de la directive 2014/24/UE ou de la directive 2014/23/UE, les mesures nécessaires pour garantir que les décisions prises par les pouvoirs adjudicateurs peuvent faire l’objet de recours efficaces et, en particulier, aussi rapides que possible, dans les conditions énoncées aux articles 2 à 2 septies de la présente directive, au motif que ces décisions ont violé le droit de l’Union en matière de marchés publics ou les règles nationales transposant ce droit.
[...]
3. Les États membres s’assurent que les procédures de recours sont accessibles, selon des modalités que les États membres peuvent déterminer, au moins à toute personne ayant ou ayant eu un intérêt à obtenir un marché déterminé et ayant été ou risquant d’être lésée par une violation alléguée.
[...]
5. Les États membres peuvent exiger que la personne concernée introduise en premier lieu un recours auprès du pouvoir adjudicateur. Dans ce cas, les États membres veillent à ce que l’introduction dudit recours entraîne la suspension immédiate de la possibilité de conclure le marché.
[...]
La suspension visée au premier alinéa ne prend pas fin avant l’expiration d’un délai d’au moins dix jours calendaires à compter du lendemain du jour où le pouvoir adjudicateur a envoyé une réponse si un télécopieur ou un moyen électronique est utilisé, ou, si un autre moyen de communication est utilisé, avant l’expiration d’un délai d’au moins quinze jours calendaires à compter du lendemain du jour où le pouvoir adjudicateur a envoyé une réponse, ou d’au moins dix jours calendaires à compter du lendemain du jour de réception d’une réponse. »
18 L’article 2 de cette directive, intitulé « Exigences en matière de procédures de recours », prévoit, à son paragraphe 1 :
« Les États membres veillent à ce que les mesures prises aux fins des recours visés à l’article 1er prévoient les pouvoirs permettant :
a) de prendre, dans les délais les plus brefs et par voie de référé, des mesures provisoires ayant pour but de corriger la violation alléguée ou d’empêcher qu’il soit encore porté atteinte aux intérêts concernés, y compris des mesures destinées à suspendre ou à faire suspendre la procédure de passation de marché public en cause ou l’exécution de toute décision prise par le pouvoir adjudicateur ;
b) d’annuler ou de faire annuler les décisions illégales, y compris de supprimer les spécifications techniques, économiques ou financières discriminatoires figurant dans les documents de l’appel à la concurrence, dans les cahiers des charges ou dans tout autre document se rapportant à la procédure de passation du marché en cause ;
c) d’accorder des dommages et intérêts aux personnes lésées par une violation. »
19 La directive 89/665 dans sa version initiale avait, antérieurement aux modifications apportées par la directive 2014/23, fait l’objet de modifications par la directive 2007/66/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2007 (JO 2007, L 335, p. 31), afin d’améliorer l’efficacité des procédures de recours en matière de passation des marchés publics. Le considérant 36 de cette dernière directive énonçait que celle-ci respecte les droits fondamentaux, observe les principes qui sont reconnus notamment par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et vise, en particulier, à assurer le plein respect du droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial, conformément à l’article 47, premier et deuxième alinéas, de la Charte.
La directive 2016/943
20 Les considérants 4 et 18 de la directive 2016/943 énoncent :
« (4) Les entreprises innovantes sont de plus en plus exposées à des pratiques malhonnêtes, trouvant leur origine à l’intérieur ou en dehors de l’Union, qui visent l’appropriation illicite de secrets d’affaires, tels que le vol, la copie non autorisée, l’espionnage économique ou le non-respect d’exigences de confidentialité. Les évolutions récentes, telles que la mondialisation, le recours croissant à la sous-traitance, l’allongement des chaînes de distribution et l’usage accru des technologies de l’information et de la communication, contribuent à la hausse des risques liés à ces pratiques. L’obtention, l’utilisation ou la divulgation illicite d’un secret d’affaires compromet la possibilité légitime pour les détenteurs de ce secret d’affaires de bénéficier des avantages liés au statut de précurseur tirés de leur travail lié à l’innovation. En l’absence de moyens juridiques effectifs et comparables de protection des secrets d’affaires dans toute l’Union, les incitations à s’engager dans des activités transfrontalières liées à l’innovation dans le marché intérieur sont compromises, et les secrets d’affaires ne peuvent atteindre leur plein potentiel en tant que vecteurs de croissance économique et d’emplois. L’innovation et la créativité sont ainsi découragées et les investissements diminuent, ce qui affecte le bon fonctionnement du marché intérieur et porte atteinte à son potentiel en tant que moteur de croissance.
[...]
(18) En outre, l’obtention, l’utilisation ou la divulgation de secrets d’affaires, lorsqu’elle est imposée ou autorisée par la loi, devrait être considérée comme licite aux fins de la présente directive. Cela concerne notamment l’obtention et la divulgation de secrets d’affaires dans le cadre de l’exercice des droits des représentants des travailleurs à l’information, à la consultation et à la participation conformément au droit de l’Union, aux droits nationaux et aux pratiques nationales, et dans le cadre de la défense collective des intérêts des travailleurs et employeurs, y compris la codétermination, ainsi que l’obtention ou la divulgation d’un secret d’affaires dans le cadre de contrôles légaux des comptes effectués conformément au droit de l’Union ou au droit national. Cependant, le fait de considérer comme licite l’obtention d’un secret d’affaires dans ce cadre devrait être sans préjudice de toute obligation de confidentialité concernant le secret d’affaires ou de toute restriction quant à son utilisation que le droit de l’Union ou le droit national impose à la personne qui reçoit ou obtient les informations. En particulier, la présente directive ne devrait pas libérer les autorités publiques des obligations de confidentialité auxquelles elles sont soumises à l’égard des informations transmises par les détenteurs de secrets d’affaires, que ces obligations soient définies dans le droit de l’Union ou le droit national. Ces obligations de confidentialité comprennent, entre autres, les obligations en ce qui concerne les informations transmises aux pouvoirs adjudicateurs dans le cadre de la passation de marchés, fixées, par exemple, [...] dans la directive [2014/24] »
21 Aux termes de l’article 1er de cette directive, intitulé « Objet et champ d’application » :
« 1. La présente directive établit des règles protégeant les secrets d’affaires contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites.
[...]
2. La présente directive ne porte pas atteinte à :
[...]
b) l’application de règles de l’Union ou de règles nationales exigeant des détenteurs de secrets d’affaires qu’ils révèlent, pour des motifs d’intérêt public, des informations, y compris des secrets d’affaires, au public ou aux autorités administratives ou judiciaires pour l’exercice des fonctions de ces autorités ;
c) l’application de règles de l’Union ou de règles nationales obligeant ou autorisant les institutions et organes de l’Union ou les autorités publiques nationales à divulguer des informations communiquées par des entreprises que ces institutions, organes ou autorités détiennent en vertu des obligations et prérogatives établies par le droit de l’Union ou le droit national et conformément à celles-ci ;
[...] »
22 L’article 3 de ladite directive, intitulé « Obtention, utilisation et divulgation licites de secrets d’affaires », dispose, à son paragraphe 2 :
« L’obtention, l’utilisation ou la divulgation d’un secret d’affaires est considérée comme licite dans la mesure où elle est requise ou autorisée par le droit de l’Union ou le droit national. »
23 L’article 4 de la même directive, intitulé « Obtention, utilisation et divulgation illicites de secrets d’affaires », prévoit, à son paragraphe 2, sous a) :
« L’obtention d’un secret d’affaires sans le consentement du détenteur du secret d’affaires est considérée comme illicite lorsqu’elle est réalisée par le biais :
a) d’un accès non autorisé à tout document, objet, matériau, substance ou fichier électronique ou d’une appropriation ou copie non autorisée de ces éléments, que le détenteur du secret d’affaires contrôle de façon licite et qui contiennent ledit secret d’affaires ou dont ledit secret d’affaires peut être déduit ».
24 L’article 9 de la directive 2016/943, intitulé « Protection du caractère confidentiel des secrets d’affaires au cours des procédures judiciaires », dispose, à son paragraphe 2 :
« Les États membres veillent également à ce que les autorités judiciaires compétentes puissent, à la demande dûment motivée d’une partie, prendre les mesures particulières nécessaires pour protéger le caractère confidentiel de tout secret d’affaires ou secret d’affaires allégué utilisé ou mentionné au cours d’une procédure judiciaire relative à l’obtention, l’utilisation ou la divulgation illicite d’un secret d’affaires. Les États membres peuvent aussi permettre aux autorités judiciaires compétentes de prendre de telles mesures d’office.
Les mesures visées au premier alinéa incluent au moins la possibilité :
a) de restreindre à un nombre limité de personnes l’accès à tout ou partie d’un document contenant des secrets d’affaires ou des secrets d’affaires allégués produit par les parties ou par des tiers ;
b) de restreindre à un nombre limité de personnes l’accès aux audiences, lorsque des secrets d’affaires ou des secrets d’affaires allégués sont susceptibles d’y être divulgués, ainsi qu’aux procès-verbaux ou notes d’audience ;
c) de mettre à la disposition de toute personne autre que celles faisant partie du nombre limité de personnes visées aux points a) et b) une version non confidentielle de toute décision judiciaire dans laquelle les passages contenant des secrets d’affaires ont été supprimés ou biffés.
Le nombre de personnes visées au deuxième alinéa, points a) et b), n’est pas supérieur à ce qui est nécessaire pour garantir aux parties à la procédure judiciaire le respect de leur droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial et il comprend, au moins, une personne physique pour chaque partie et l’avocat de chaque partie ou d’autres représentants de ces parties à la procédure judiciaire. »
Le droit lituanien
La loi sur les marchés publics
25 Le Lietuvos Respublikos viešųjų pirkimų įstatymas (loi de la République de Lituanie sur les marchés publics), dans sa version applicable à l’affaire au principal (ci-après la « loi sur les marchés publics »), dispose, à son article 20, intitulé « Confidentialité » :
« 1. Il est interdit au pouvoir adjudicateur, à la commission d’adjudication, à leurs membres et experts et à toute autre personne de dévoiler à des tiers les informations que les fournisseurs ont communiquées à titre confidentiel.
2. L’intégralité de l’offre ou de la demande de participation du fournisseur ne peut pas être qualifiée de confidentielle, mais celui‑ci peut indiquer que certaines informations présentées dans son offre sont confidentielles. Peuvent être des informations confidentielles, entre autres, les secrets d’affaires (de fabrication) et des aspects confidentiels de l’offre. Des informations ne peuvent pas être qualifiées de confidentielles :
1) dans le cas où cela enfreindrait des dispositions légales qui prévoient l’obligation de divulguer ou le droit d’obtenir des informations et la réglementation mettant en œuvre ces dispositions légales ;
2) dans le cas où cela enfreindrait les obligations prévues aux articles 33 et 58 de la présente loi en matière de publication des marchés conclus, d’information des candidats et soumissionnaires, y compris les informations relatives au prix des fournitures, services ou travaux qui est indiqué dans l’offre, à l’exception de ses éléments constitutifs ;
3) lorsque ces informations ont été présentées dans des documents certifiant que le fournisseur ne relève pas d’un motif d’exclusion, répond aux conditions de capacité et aux normes de gestion de la qualité et de protection de l’environnement, à l’exception des informations dont la divulgation enfreindrait les dispositions de la loi de la République de Lituanie relative à la protection des données personnelles, ou les obligations du fournisseur au titre de contrats conclus avec des tiers ;
4) lorsque ces informations concernent les opérateurs économiques et les sous‑traitants aux capacités desquels le fournisseur a recours, à l’exception des informations dont la divulgation enfreindrait les dispositions de la loi relative à la protection des données personnelles.
3. Lorsque le pouvoir adjudicateur doute du caractère confidentiel d’informations figurant dans l’offre du fournisseur, il doit demander à celui-ci de démontrer en quoi les informations en question sont confidentielles [...]
4. Au plus tard six mois à compter de la date de conclusion du marché, les soumissionnaires intéressés peuvent demander au pouvoir adjudicateur de leur donner accès à l’offre ou à la demande de l’adjudicataire (les candidats, aux demandes des autres fournisseurs qui ont été invités à présenter une offre ou à participer à un dialogue), mais les informations que les candidats ou soumissionnaires ont qualifiées de confidentielles sans enfreindre le paragraphe 2 du présent article ne peuvent pas être divulguées.
[...] »
26 L’article 45 de cette loi, intitulé « Principes généraux d’évaluation du fournisseur et de la demande de participation ou de l’offre de celui‑ci », prévoit, à son paragraphe 3 :
« Si un candidat ou un soumissionnaire a présenté des documents ou des données inexacts, incomplets ou faux concernant la conformité aux prescriptions des documents de marché ou qu’il n’a pas présenté de tels documents ou données, le pouvoir adjudicateur doit, sans enfreindre les principes d’égalité de traitement et de transparence, demander au candidat ou au soumissionnaire de rectifier, compléter ou préciser ces documents ou ces données, dans le délai raisonnable qu’il fixe. Seuls peuvent être rectifiés, complétés, précisés ou présentés en supplément des documents ou des données relatifs à l’inexistence d’un motif d’exclusion du fournisseur, à sa conformité aux prescriptions de capacité, aux critères de gestion de la qualité et de protection de l’environnement, un mandat donné par le fournisseur pour signer la demande de participation ou l’offre, un contrat d’activité commune, un document certifiant la validité de l’offre et des documents sans rapport avec l’objet du marché, ses caractéristiques techniques, les conditions d’exécution du contrat ou le prix de l’offre. Les autres documents de l’offre du fournisseur peuvent être rectifiés, complétés ou précisés conformément à l’article 55, paragraphe 9, de la présente loi. »
27 L’article 46 de ladite loi, intitulé « Motifs d’exclusion d’un fournisseur », énonce, à son paragraphe 4 :
« Le pouvoir adjudicateur exclut le fournisseur de la procédure de passation de marché lorsque :
[...]
4) ce fournisseur, dans le cadre de la procédure de passation de marché, a dissimulé des informations ou présenté des informations fausses concernant le respect des prescriptions énoncées au présent article et à l’article 47 de la présente loi et que le pouvoir adjudicateur peut démontrer ce fait par toute voie de droit, ou que le fournisseur, parce qu’il a présenté des informations fausses, n’est pas en mesure de produire les documents justificatifs requis en vertu de l’article 50 de la présente loi. [...] »
28 L’article 52 de la loi sur les marchés publics, intitulé « Dissimulation d’informations, présentation d’informations fausses ou non‑présentation de documents », prévoit :
« 1. Le pouvoir adjudicateur publie, au plus tard dans les dix jours, dans le Centrinė viešųjų pirkimų informacinė sistema [(Portail central des marchés publics, Lituanie)], selon les règles édictées par la Viešųjų pirkimų tarnyba [(Autorité des marchés publics, Lituanie)], les informations relatives au fournisseur qui, dans le cadre de la procédure de passation de marché, a dissimulé des informations ou présenté des informations fausses concernant le respect des prescriptions énoncées aux articles 46 et 47 de la présente loi ou qui, parce qu’il a présenté des informations fausses, n’a pas produit les documents justificatifs requis en vertu de l’article 50 de la présente loi, lorsque :
1) ce fournisseur a été exclu de la procédure de passation de marché ;
2) une décision de justice a été adoptée.
[...] »
29 L’article 55 de la loi sur les marchés publics, intitulé « Évaluation et comparaison des offres », dispose, à son paragraphe 9 :
« Conformément à l’article 45, paragraphe 3, de la présente loi, le pouvoir adjudicateur peut demander aux soumissionnaires de rectifier, de compléter ou de préciser leurs offres, mais il ne peut pas leur demander, leur proposer ou leur permettre de modifier des éléments essentiels de l’offre présentée lors d’une procédure ouverte ou restreinte, ou de l’offre finale présentée lors d’un dialogue compétitif, d’une procédure négociée avec ou sans publication ou d’un partenariat d’innovation, c’est‑à‑dire de modifier le prix ou d’effectuer d’autres modifications qui rendraient conforme aux documents de marché une offre qui ne leur était pas conforme. Lorsque, lors de l’examen des offres, le pouvoir adjudicateur découvre dans l’offre des erreurs de calcul du prix ou des coûts, il doit inviter le soumissionnaire à corriger les erreurs de calcul qu’il a constatées, dans le délai qu’il fixe, sans modifier les prix ou les coûts qui figuraient dans l’offre au moment où il a pris connaissance de celle‑ci. Lorsqu’il corrige les erreurs de calcul qui ont été constatées dans son offre, le soumissionnaire peut corriger des éléments constitutifs du prix ou des coûts, mais il ne peut pas renoncer à des éléments du prix ou des éléments constitutifs des coûts ni ajouter de nouveaux éléments au prix ou aux coûts. »
30 L’article 58 de cette loi, intitulé « Communication des résultats des procédures de passation de marchés », énonce, à son paragraphe 3 :
« Dans les cas visés aux paragraphes 1 et 2 du présent article, le pouvoir adjudicateur ne peut pas donner d’informations dont la divulgation enfreindrait la réglementation en matière de protection des informations et des données ou serait contraire à l’intérêt général, porterait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes d’un fournisseur précis ou affecterait la concurrence entre fournisseurs. »
Le code de procédure civile de la République de Lituanie
31 Le Lietuvos Respublikos civilinio proceso kodeksas (code de procédure civile de la République de Lituanie) dispose, à son article 101, intitulé « Dispositions particulières en matière de protection des secrets d’affaires » :
« 1. Le présent article prévoit des dispositions particulières en matière de protection des secrets d’affaires dans les affaires relatives à l’obtention, à l’utilisation et à la divulgation illicites de secrets d’affaires et dans d’autres affaires civiles.
2. Lorsqu’il existe des raisons de considérer qu’un secret d’affaires pourrait être dévoilé, le juge, à la demande dûment motivée des parties ou d’office, désigne par ordonnance motivée les personnes qui peuvent :
1) accéder aux pièces du dossier qui contiennent des informations constituant un secret d’affaires ou susceptibles de constituer un secret d’affaires, en réaliser et obtenir des extraits, des doubles et des copies (copies numériques) ;
2) participer à des audiences à huis clos dans lesquelles pourraient être révélées des informations constituant un secret d’affaires ou susceptibles de constituer un secret d’affaires et accéder aux procès-verbaux de telles audiences ;
3) obtenir une copie certifiée (copie numérique) d’un arrêt ou d’une ordonnance contenant des informations constituant un secret d’affaires ou susceptibles de constituer un secret d’affaires.
3. Le nombre des personnes visées au paragraphe 2 du présent article ne peut pas dépasser ce qui est nécessaire pour garantir le droit à la protection juridictionnelle et le droit à un procès équitable. Ces personnes sont au minimum les suivantes :
1) si la partie est une personne physique : elle‑même et son représentant ;
2) si la partie est une personne morale : au moins une personne physique qui conduit l’affaire au nom de la personne morale et le représentant de celle‑ci.
4. Dans l’application des restrictions énoncées au paragraphe 2 du présent article, le juge prend en compte la nécessité de garantir le droit à une protection juridictionnelle et le droit à un procès équitable, les intérêts légitimes des parties et des autres personnes participant à la procédure et le préjudice qui peut découler de l’application ou de la non‑application de ces restrictions.
[...] »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
32 Par un avis d’appel public à la concurrence publié le 27 septembre 2018, le pouvoir adjudicateur a lancé une procédure d’appel d’offres en vue de la passation d’un marché ouvert international portant sur l’achat de services de collecte et de transport des déchets urbains de la commune de Neringa (Lituanie) vers les installations de traitement de la décharge de la région de Klaipėda (Lituanie).
33 Le pouvoir adjudicateur a défini dans cet avis des spécifications techniques. Il a prévu, notamment, que le fournisseur de services sera tenu d’utiliser des véhicules de collecte des déchets communaux qui devront être conformes, au moins, à la norme Euro 5 et être équipés d’un émetteur fixe de système de positionnement géographique (GPS) fonctionnant en permanence, de façon à permettre au pouvoir adjudicateur de déterminer la position exacte du véhicule et son itinéraire précis.
34 L’avis comportait également la description des capacités professionnelles et techniques des soumissionnaires, nécessaires à l’exécution du marché, ainsi qu’une description des capacités financières et économiques de ceux-ci. À ce titre, il précisait que chaque soumissionnaire devait produire une déclaration, sous une forme libre, attestant que le chiffre d’affaires annuel moyen qu’il a réalisé en exerçant l’activité de collecte et de transport de déchets communaux mixtes au cours des trois exercices précédents ou depuis la date de son enregistrement, s’il exerce cette activité depuis moins de trois exercices, n’était pas inférieur à 200 000 euros hors taxe sur la valeur ajoutée.
35 Le pouvoir adjudicateur a reçu trois offres, dont celles d’Ecoservice et du Groupement.
36 Le 29 novembre 2018, le pouvoir adjudicateur a notifié aux soumissionnaires l’évaluation des offres et leur classement final. Le marché a été attribué au Groupement en raison du prix inférieur de son offre, Ecoservice étant classée deuxième.
37 Le 4 décembre 2018, Ecoservice a demandé au pouvoir adjudicateur, sur le fondement de l’article 20, paragraphe 4, de la loi sur les marchés publics, l’accès aux éléments qu’il avait retenus pour établir ledit classement, en particulier à l’offre du Groupement.
38 Le 6 décembre 2018, Ecoservice a pu prendre connaissance des informations non confidentielles de cette offre.
39 Le 10 décembre 2018, estimant que le Groupement ne disposait pas des qualifications requises, Ecoservice a introduit une réclamation devant le pouvoir adjudicateur aux fins de contester les résultats de la procédure d’appel d’offres. Elle soutenait, premièrement, qu’aucun des membres du Groupement ne pouvait avoir exécuté des contrats de collecte et de transport de déchets communaux mixtes pour un montant de 200 000 euros au cours des trois années précédentes. Elle précisait à cet égard que Parsekas n’exerçant pas de services de gestion de déchets communaux mixtes, le pouvoir adjudicateur aurait dû lui demander d’expliciter la déclaration produite selon laquelle Parsekas avait exécuté des contrats de gestion de déchets mixtes pour un montant de 235 510,79 euros. Deuxièmement, Ecoservice faisait valoir que le Groupement ne disposait pas des capacités techniques requises.
40 Le 17 décembre 2018, le pouvoir adjudicateur a rejeté cette réclamation en indiquant de manière laconique, selon la juridiction de renvoi, que le Groupement avait respecté les deux conditions de qualification contestées par Ecoservice.
41 Le 27 décembre 2018, Ecoservice a formé un recours contre cette décision devant le Klaipėdos apygardos teismas (tribunal régional de Klaipėda, Lituanie) tendant notamment à enjoindre au pouvoir adjudicateur de produire l’offre du Groupement et la correspondance que ce dernier avait échangée avec le pouvoir adjudicateur. Ecoservice, soutenant que tous les éléments de preuve devaient être présentés au juge, indépendamment de leur caractère confidentiel, considérait qu’il lui était nécessaire de disposer de ces documents, dont certains n’étaient pas confidentiels, afin de préciser ses propres demandes.
42 Par décision du 3 janvier 2019, cette juridiction a enjoint au pouvoir adjudicateur de fournir à Ecoservice l’ensemble des documents demandés.
43 Dans son mémoire du 11 janvier 2019 déposé à la suite de ladite injonction, le pouvoir adjudicateur a fait valoir, en premier lieu, que, lors de l’examen de la réclamation, il avait demandé au Groupement de lui fournir des éclaircissements au sujet de contrats de services de gestion de déchets qu’il avait conclus. Le Groupement aurait transmis les informations demandées tout en précisant qu’une grande partie des informations transmises étaient confidentielles et devaient, par conséquent, être protégées contre la divulgation à des tiers. Estimant également que ces informations avaient une valeur commerciale pour le Groupement et que leur divulgation à des concurrents pourrait lui causer un préjudice, le pouvoir adjudicateur ne les a pas communiquées au juge afin de ne pas méconnaître l’article 20 de la loi sur les marchés publics. Il n’a donc produit que les informations non confidentielles de l’offre du Groupement, tout en indiquant qu’il présenterait les informations confidentielles au juge si celui‑ci les lui demandait de nouveau.
44 En second lieu, le pouvoir adjudicateur a conclu au rejet du recours, au motif que les éclaircissements complémentaires qu’il avait reçus du Groupement et la visite qui avait été effectuée dans les locaux de ce dernier avaient permis de confirmer que l’offre en cause avait été évaluée de manière correcte.
45 Par ordonnance du 15 janvier 2019, le Klaipėdos apygardos teismas (tribunal régional de Klaipėda) a limité l’obligation de production des documents à l’offre du Groupement et aux documents joints à celle‑ci et a ordonné leur production pour le 25 janvier 2019.
46 Le 25 janvier 2019, le pouvoir adjudicateur a présenté les documents demandés à cette juridiction en les distinguant selon qu’ils comportaient ou non des informations confidentielles. Les informations dont le Groupement prétendait, sans être contredit par le pouvoir adjudicateur, qu’elles étaient confidentielles étaient exclusivement adressées à ladite juridiction. Le pouvoir adjudicateur aurait, par ailleurs, demandé au juge de ne pas permettre à Ecoservice de prendre connaissance des informations confidentielles de l’offre du Groupement et de qualifier ces dernières d’éléments non publics du dossier.
47 Par ordonnance du 30 janvier 2019, la juridiction de première instance a fait droit aux demandes du pouvoir adjudicateur tendant à ce que les informations de l’offre du Groupement qui lui avaient été présentées, d’une part, soient qualifiées de confidentielles et, d’autre part, ne soient pas divulguées.
48 Le 14 février 2019, par une ordonnance insusceptible de recours, cette juridiction a rejeté la demande présentée par Ecoservice le 11 février 2019 en vue d’obtenir l’accès à l’ensemble des éléments du dossier.
49 Le 21 février 2019, par une ordonnance insusceptible de recours, ladite juridiction a rejeté la demande formée par Ecoservice le 12 février 2019, tendant à ce qu’il soit enjoint à Parsekas de produire des données relatives à des contrats de gestion de déchets qu’elle avait conclus.
50 Par un arrêt du 15 mars 2019, le Klaipėdos apygardos teismas (tribunal régional de Klaipėda) a rejeté le recours d’Ecoservice au motif que le Groupement présentait les qualifications requises.
51 Statuant sur l’appel interjeté par Ecoservice, le Lietuvos apeliacinis teismas (Cour d’appel de Lituanie) a, par un arrêt du 30 mai 2019, annulé tant l’arrêt du juge de première instance que la décision du pouvoir adjudicateur établissant le classement des offres. La juridiction d’appel a également ordonné au pouvoir adjudicateur de procéder à une nouvelle évaluation des offres.
52 Le pouvoir adjudicateur a formé un pourvoi en cassation devant le Lietuvos Aukščiausiasis Teismas (Cour suprême de Lituanie).
53 Le 26 juillet 2019, Ecoservice, avant de présenter son mémoire en réponse au pourvoi en cassation, a demandé au Lietuvos Aukščiausiasis Teismas (Cour suprême de Lituanie) l’accès aux documents confidentiels présentés par le pouvoir adjudicateur en première instance, en occultant les informations sensibles du point de vue commercial.
54 En premier lieu, la juridiction de renvoi relève que certaines exigences de qualification des soumissionnaires figurant dans l’avis d’appel d’offres pourraient être appréhendées aussi bien comme des conditions relatives à la capacité financière et économique de l’opérateur économique que comme des conditions relatives aux capacités techniques et professionnelles de celui‑ci, mais également comme des spécifications techniques ou encore des conditions d’exécution du marché public.
55 Or, il importerait de déterminer la nature de ces exigences dès lors que, conformément à l’article 45, paragraphe 3, et à l’article 55, paragraphe 9, de la loi sur les marchés publics, l’obligation ou la faculté de rectifier une déclaration d’un soumissionnaire varierait selon que l’information litigieuse concerne la qualification de celui‑ci ou l’offre qu’il a présentée.
56 En deuxième lieu, selon la juridiction de renvoi, se poserait la question de la mise en balance de la protection des informations confidentielles fournies par un soumissionnaire et de l’effectivité des droits de la défense des autres soumissionnaires.
57 En l’occurrence, Ecoservice aurait tenté en vain d’obtenir l’accès à l’offre du Groupement. Le pouvoir adjudicateur lui‑même aurait privilégié très activement le droit du Groupement à la protection de ses informations confidentielles. Cette pratique, qui serait fréquente en Lituanie, aboutirait à ce que les droits des soumissionnaires ne soient que partiellement protégés. En effet, dans les litiges relatifs à l’attribution des marchés publics, les soumissionnaires écartés disposeraient de moins d’informations que les autres parties à ces litiges. En outre, la protection effective de leurs droits dépendrait de la décision du juge de qualifier de confidentielles les informations dont ils demandent la production. Or, une décision par laquelle le juge ne fait pas droit à une demande de communication de telles informations peut réduire les possibilités, pour un soumissionnaire écarté, de voir accueillir le recours qu’il a introduit contre la décision d’attribution du marché.
58 La juridiction de renvoi expose, premièrement, qu’elle a notamment jugé, dans le domaine des marchés publics, que le droit des soumissionnaires, consacré à l’article 20 de la loi sur les marchés publics, à la protection des informations confidentielles qu’ils ont présentées dans l’offre ne concerne que les informations qui doivent être qualifiées de secrets d’affaires ou de secrets industriels, en vertu de l’article 1.116, paragraphe 1, du Lietuvos Respublikos civilinio kodekso (code civil de la République de Lituanie) lequel correspond en substance aux dispositions de la directive 2016/943. Deuxièmement, le droit d’un soumissionnaire d’accéder à l’offre d’un autre soumissionnaire devrait être considéré comme faisant partie intégrante de la protection des droits ayant potentiellement été violés.
59 La juridiction de renvoi s’interroge cependant sur le contenu précis des obligations des pouvoirs adjudicateurs de protéger la confidentialité des informations qui leur sont transmises par les soumissionnaires et sur les rapports entre ces obligations et l’obligation de garantir une protection juridictionnelle effective aux opérateurs économiques qui ont introduit un recours. Elle est d’avis que, même si la Cour a, par l’arrêt du 14 février 2008, Varec (C‑450/06, EU:C:2008:91), souligné que les procédures de passation des marchés publics sont fondées sur une relation de confiance entre les opérateurs économiques et les pouvoirs adjudicateurs, l’article 9, paragraphe 2, troisième alinéa, de la directive 2016/943, qui est postérieur à cet arrêt, prévoirait que, en tout état de cause, les parties à un procès ne peuvent disposer d’informations différentes, sauf à méconnaître le droit à une protection juridictionnelle effective et le droit à un procès équitable. Elle précise que, dès lors que cette disposition impose au juge de garantir le droit des opérateurs économiques de prendre connaissance des secrets d’affaires d’une partie au litige, il pourrait également y avoir lieu de leur reconnaître l’exercice de ce droit avant toute procédure contentieuse, notamment afin qu’ils puissent décider d’introduire un recours en toute connaissance de cause.
60 La juridiction de renvoi relève qu’il existerait cependant un risque de voir certains opérateurs économiques abuser de ce droit en saisissant le pouvoir adjudicateur non pas pour assurer la défense de leurs droits, mais uniquement pour obtenir des informations sur leurs concurrents. Néanmoins, la saisine d’une juridiction permettrait en tout état de cause à ces opérateurs d’obtenir les informations souhaitées.
61 La juridiction de renvoi constate que, à l’exception de son considérant 18, la directive 2016/943 ne comporte aucune disposition spécifique concernant les procédures de passation de marchés publics. Elle souligne que, même si les pouvoirs adjudicateurs ne sont pas des instances de recours, le système obligatoire de règlement précontentieux des litiges, prévu en droit interne, leur confère un large pouvoir pour coopérer avec les opérateurs économiques, qu’ils soient demandeurs ou défendeurs. Les pouvoirs adjudicateurs auraient également, en conséquence de l’objectif consistant à assurer à ces opérateurs une protection effective de leurs droits, l’obligation d’adopter, dans la mesure de leur compétence et des moyens dont ils disposent, les mesures nécessaires pour leur garantir la possibilité de défendre effectivement des intérêts auxquels il aurait été porté atteinte. Ainsi, l’article 21 de la directive 2014/24 et les dispositions correspondantes de la directive 89/665 pourraient devoir être interprétés en ce sens que les soumissionnaires peuvent accéder à des informations constituant des secrets d’affaires des autres soumissionnaires non pas uniquement dans le cadre d’une procédure juridictionnelle, mais également durant la phase de recours administratif préalable.
62 En troisième lieu, la juridiction de renvoi entend soulever d’office la question de l’appréciation des actes du Groupement au regard de l’article 57, paragraphe 4, sous h), de la directive 2014/24, soit la question de savoir si le Groupement ou, à tout le moins, certains de ses membres n’ont pas présenté au pouvoir adjudicateur des informations fausses au sujet de la conformité de leurs capacités aux prescriptions de l’appel d’offres.
63 La juridiction de renvoi déduit de la jurisprudence de la Cour que les informations fournies par Parsekas pourraient constituer un cas de négligence dans la présentation d’informations, qui a eu une incidence sur les résultats de la procédure de passation de marché. À cet égard, elle estime que Parsekas n’aurait pas dû faire état des revenus qu’elle a tirés des contrats conclus et exécutés avec d’autres opérateurs économiques qui fournissaient la partie des services relative à la gestion de déchets mixtes, ainsi que des contrats qu’elle a exécutés elle-même, mais pour lesquels la gestion de déchets mixtes ne représentait qu’une part minime des déchets concernés.
64 Par ailleurs, la juridiction de renvoi, qui fait observer que la jurisprudence de la Cour relative à l’article 57, paragraphe 4, de la directive 2014/24 est fondée sur le lien particulier de confiance réciproque entre le pouvoir adjudicateur et le fournisseur concerné, se demande, à cet égard, si une juridiction nationale peut se départir de l’appréciation portée par le pouvoir adjudicateur quant à l’absence de caractère faux ou trompeur des informations qui lui ont été transmises durant la procédure de passation.
65 La juridiction de renvoi s’interroge, enfin, sur le point de savoir si, lorsqu’un opérateur économique, partie à un contrat d’activité commune, a fourni des informations éventuellement fausses, ses partenaires, avec qui il a présenté l’offre commune, doivent également être inscrits, en vertu de l’article 46, paragraphe 4, point 4, et de l’article 52 de la loi sur les marchés publics, sur la « Liste des fournisseurs ayant présenté des informations fausses », une telle inscription leur interdisant alors de participer, pendant un an, à des appels d’offres publiés par d’autres pouvoirs adjudicateurs.
66 Cette solution, qui pourrait se fonder sur la solidarité et la communauté d’intérêt et de responsabilité de tous les opérateurs partenaires, semble néanmoins s’opposer au principe de la responsabilité personnelle de ces opérateurs, en vertu duquel ne peut être sanctionné que l’opérateur économique qui a transmis de fausses informations.
67 C’est dans ce contexte que le Lietuvos Aukščiausiasis Teismas (Cour suprême de Lituanie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) La condition d’un marché public, aux termes de laquelle les fournisseurs doivent démontrer qu’ils réalisent un certain chiffre d’affaires annuel moyen uniquement en [fournissant] certains services (la gestion de déchets communaux mixtes), relève-t-elle du champ d’application du paragraphe 3 ou du paragraphe 4 de l’article 58 de la directive [2014/24] ?
2) La réponse à la première question a-t-elle une incidence sur le régime d’appréciation des capacités du fournisseur tel que la Cour l’a défini dans l’arrêt du 4 mai 2017, Esaprojekt (C‑387/14, EU:C:2017:338) ?
3) La condition d’un marché public, aux termes de laquelle les fournisseurs doivent démontrer que les véhicules nécessaires pour fournir les services [de gestion de déchets] sont conformes à des prescriptions techniques précises, y compris en matière d’émissions polluantes (norme Euro 5), d’émetteur GPS, de capacité de stockage, etc., relève-t-elle du champ d’application de l’article 58, paragraphe 4, de la directive 2014/24, de l’article 42, lu en combinaison avec l’annexe VII de cette directive, et/ou de l’article 70 de celle-ci ?
4) L’article 1er, paragraphe 1, [quatrième] alinéa, de la directive [89/665], qui consacre le principe de l’efficacité des procédures de recours, les paragraphes 3 et 5 du même article, l’article 21 de la directive 2014/24 et les dispositions de la directive [2016/943], en particulier son considérant 18 et son article 9, paragraphe 2, troisième alinéa (lus en combinaison ou séparément, mais sans s’y limiter), doivent-ils être interprétés en ce sens que, lorsque la réglementation nationale en matière de marchés publics prévoit une procédure précontentieuse obligatoire :
a) et qu’un fournisseur a introduit un recours, le pouvoir adjudicateur est tenu de lui fournir toutes les données de l’offre de l’autre fournisseur (même si elles [ont un] caractère confidentiel), si ce recours porte précisément sur la légalité de l’appréciation de l’offre de l’autre fournisseur et que le fournisseur auteur du recours lui avait clairement demandé au préalable de les fournir ;
b) indépendamment de la réponse à la question qui précède, le pouvoir adjudicateur, lorsqu’il rejette la réclamation présentée par un fournisseur au sujet de la légalité de l’appréciation de l’offre de son concurrent, doit dans tous les cas répondre clairement, de manière exhaustive et avec précision, même au risque de divulguer des informations confidentielles qui lui ont été présentées dans le cadre de l’offre ?
5) L’article 1er, paragraphe 1, [quatrième] alinéa, l’article 1er, paragraphes 3 et 5, et l’article 2, paragraphe 1, sous b), de la directive 89/665, l’article 21 de la directive 2014/24 et les dispositions de la directive 2016/943, en particulier son considérant 18 (lus en combinaison ou séparément, mais sans s’y limiter), doivent‑ils être interprétés en ce sens que la décision du pouvoir adjudicateur de ne pas communiquer au fournisseur les données confidentielles de l’offre de l’autre fournisseur est une décision qui peut être attaquée en justice séparément ?
6) Si la réponse à la question qui précède est affirmative, l’article 1er, paragraphe 5, de la directive 89/665 doit-il être interprété en ce sens que le fournisseur doit saisir le pouvoir adjudicateur d’une réclamation contre cette décision et, le cas échéant, introduire une action en justice ?
7) Si la réponse à la question qui précède est affirmative, l’article 1er, paragraphe 1, [quatrième] alinéa, et l’article 2, paragraphe 1, sous b), de la directive 89/665 doivent-ils être interprétés en ce sens que le fournisseur, en fonction de l’étendue des informations disponibles sur le contenu de l’offre de l’autre fournisseur, peut introduire une action en justice portant uniquement sur le refus de lui communiquer les informations, sans contester aussi la légalité des autres décisions du pouvoir adjudicateur ?
8) Indépendamment de la réponse aux questions qui précèdent, l’article 9, paragraphe 2, troisième alinéa, de la directive 2016/943 doit‑il être interprété en ce sens que, lorsque le juge a été saisi d’une demande tendant à ce qu’il soit enjoint à l’autre partie au litige de produire les éléments de preuve dont elle dispose et à ce que ces données soient communiquées au demandeur, il doit faire droit à cette demande, indépendamment du comportement du pouvoir adjudicateur pendant la procédure de passation de marché ou la procédure de recours ?
9) L’article 9, paragraphe 2, troisième alinéa, de la directive 2016/943 doit-il être interprété en ce sens que, si le juge ne fait pas droit à la demande de divulgation des informations confidentielles de l’autre partie au litige, il devrait examiner lui‑même d’office la pertinence des données dont la divulgation est demandée et leurs effets sur la légalité de la procédure de passation de marché ?
10) À la lumière de l’arrêt du 3 octobre 2019, Delta Antrepriză de Construcţii şi Montaj 93 (C‑267/18, EU:C:2019:826), le motif d’exclusion des fournisseurs prévu à l’article 57, paragraphe 4, sous h), de la directive 2014/24 peut-il être appliqué de manière telle que, lorsque le juge statue sur un litige entre un fournisseur et un pouvoir adjudicateur, il peut, indépendamment de l’appréciation portée par ce dernier, décider d’office que le fournisseur concerné lui a présenté intentionnellement ou par négligence des informations trompeuses, non conformes à la réalité, et, partant, devrait être exclu de la procédure de passation de marché ?
11) Les dispositions de l’article 57, paragraphe 4, sous h), de la directive 2014/24, lues en combinaison avec le principe de proportionnalité énoncé à l’article 18, paragraphe 1, de la même directive, doivent-elles être interprétées et appliquées en ce sens que, lorsque la législation nationale prévoit des sanctions supplémentaires (outre l’exclusion de la procédure de passation de marché) en cas de présentation d’informations fausses, ces sanctions peuvent être appliquées seulement sur la base de la responsabilité personnelle, en particulier lorsque les informations ne correspondant pas à la réalité ont été présentées seulement par une partie des [opérateurs] ayant participé conjointement à la procédure de passation de marché (par exemple un partenaire parmi plusieurs) ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
68 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 58 de la directive 2014/24 doit être interprété en ce sens que l’obligation, pour les opérateurs économiques, de démontrer qu’ils réalisent un certain chiffre d’affaires annuel moyen dans le domaine d’activités concerné par le marché public en cause constitue un critère de sélection relatif à leur capacité économique et financière, au sens du paragraphe 3 de cette disposition, ou à leurs capacités techniques et professionnelles, au sens du paragraphe 4 de ladite disposition.
69 À cet égard, il convient de rappeler que l’article 58, paragraphe 1, de cette directive expose les trois types de critères de sélection que les pouvoirs adjudicateurs peuvent imposer comme conditions de participation aux opérateurs économiques. Ces critères, qui ont trait à l’aptitude à exercer l’activité professionnelle concernée, à la capacité économique et financière ainsi qu’aux capacités techniques et professionnelles des opérateurs, sont précisés, respectivement, aux paragraphes 2 à 4 de cet article.
70 En outre, il découle de l’article 58, paragraphe 3, de ladite directive que, afin de s’assurer qu’ils disposent de la capacité économique et financière nécessaire pour exécuter le marché, les pouvoirs adjudicateurs peuvent en particulier exiger que les opérateurs économiques réalisent un chiffre d’affaires annuel minimal donné, notamment un chiffre d’affaires minimal donné dans le domaine concerné par le marché.
71 Il s’ensuit que l’exigence consistant, pour des opérateurs économiques, à démontrer qu’ils réalisent un certain chiffre d’affaires annuel moyen dans le domaine d’activités concerné par le marché correspond précisément à la définition du critère de sélection fondé sur leur capacité économique et financière, au sens de l’article 58, paragraphe 3, de la directive 2014/24, et relève donc de celui-ci. D’ailleurs, il ressort de l’annexe XII de cette directive, relative aux « [m]oyens de preuve du respect des critères de sélection », plus précisément de la partie I de cette annexe, à laquelle renvoie l’article 60, paragraphe 3, de cette directive, que figure sur la liste non exhaustive des preuves susceptibles d’attester la capacité économique et financière d’un opérateur économique « le chiffre d’affaires du domaine d’activités faisant l’objet du marché », ce qui conforte cette interprétation.
72 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l’article 58 de la directive 2014/24 doit être interprété en ce sens que l’obligation, pour les opérateurs économiques, de démontrer qu’ils réalisent un certain chiffre d’affaires annuel moyen dans le domaine d’activités concerné par le marché public en cause constitue un critère de sélection relatif à la capacité économique et financière de ces opérateurs, au sens du paragraphe 3 de cette disposition.
Sur la deuxième question
73 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les dispositions combinées de l’article 58, paragraphe 3, et de l’article 60, paragraphe 3, de la directive 2014/24 doivent être interprétées en ce sens que, dans l’hypothèse où le pouvoir adjudicateur a exigé des opérateurs économiques qu’ils aient réalisé un chiffre d’affaires minimal donné dans le domaine concerné par le marché public en cause, un opérateur économique ne peut, aux fins de rapporter la preuve de sa capacité économique et financière, se prévaloir des revenus perçus par un groupement temporaire d’entreprises auquel il a appartenu que s’il a effectivement contribué, dans le cadre d’un marché public déterminé, à la réalisation d’une activité de ce groupement analogue à celle qui fait l’objet du marché public pour lequel ledit opérateur entend prouver sa capacité économique et financière.
74 Afin de rapporter la preuve de sa capacité économique et financière, au sens de l’article 58, paragraphe 3, de la directive 2014/24, un opérateur économique peut, en règle générale, conformément à l’article 60, paragraphe 3, premier alinéa, de cette directive, présenter au pouvoir adjudicateur un ou plusieurs des éléments de référence énumérés à l’annexe XII, partie I, de ladite directive. L’article 60, paragraphe 3, deuxième alinéa, de celle‑ci prévoit même que, si, pour une raison justifiée, l’opérateur économique n’est pas en mesure de produire les éléments de référence demandés par le pouvoir adjudicateur, il est autorisé à prouver sa capacité économique et financière par tout autre document considéré comme approprié par le pouvoir adjudicateur.
75 Ainsi qu’il ressort de l’article 58, paragraphe 3, de la directive 2014/24, les pouvoirs adjudicateurs peuvent en particulier exiger que les opérateurs économiques réalisent un chiffre d’affaires annuel minimal donné, notamment un chiffre d’affaires minimal donné dans le domaine concerné par le marché.
76 Il découle ainsi de cette disposition que, lorsqu’ils définissent les conditions de nature à garantir que les opérateurs économiques possèdent la capacité économique et financière nécessaire pour exécuter le marché, les pouvoirs adjudicateurs peuvent décider d’exiger que les opérateurs économiques aient réalisé un chiffre d’affaires annuel minimal global ou un chiffre d’affaires minimal donné dans le domaine couvert par le marché public en cause, ou encore combiner ces deux exigences.
77 Or, si le pouvoir adjudicateur a imposé exclusivement une condition relative à un chiffre d’affaires annuel minimal donné, sans exiger que ce chiffre d’affaires minimal donné ait été réalisé dans le domaine couvert par le marché, rien ne s’oppose à ce qu’un opérateur économique puisse se prévaloir des revenus perçus par un groupement temporaire d’entreprises auquel il appartenait, même s’il n’a pas effectivement contribué, dans le cadre d’un marché public déterminé, à la réalisation d’une activité de ce groupement analogue à celle qui fait l’objet du marché public pour lequel ledit opérateur entend prouver sa capacité économique et financière.
78 En revanche, lorsque le pouvoir adjudicateur a exigé que ce chiffre d’affaires minimal donné ait été réalisé dans le domaine couvert par le marché, cette exigence poursuit une double finalité. Elle tend, en effet, à établir la capacité économique et financière des opérateurs économiques et contribue à démontrer leurs capacités techniques et professionnelles. Dans une telle hypothèse, les capacités économiques et financières d’un opérateur sont, à l’instar de ses capacités techniques et professionnelles, propres et exclusives à cet opérateur en tant que personne physique ou morale.
79 Il s’ensuit que, dans cette dernière hypothèse, un opérateur économique ne peut, aux fins de rapporter la preuve de sa capacité économique et financière, se prévaloir, dans le cadre d’une procédure de passation de marché public, des revenus perçus par un groupement temporaire d’entreprises auquel il a appartenu que s’il a effectivement contribué, dans le cadre d’un marché public déterminé, à la réalisation d’une activité de ce groupement analogue à celle qui fait l’objet du marché public pour lequel ledit opérateur entend prouver sa capacité économique et financière.
80 En effet, lorsqu’un opérateur économique fait valoir les capacités économiques et financières d’un groupement d’entreprises auquel il a pris part, celles-ci doivent être appréciées par rapport à la participation concrète de cet opérateur et donc à sa contribution effective à l’exercice d’une activité requise dudit groupement dans le cadre d’un marché public déterminé (voir, par analogie, arrêt du 4 mai 2017, Esaprojekt (C‑387/14, EU:C:2017:338, point 62).
81 Aussi convient-il, dans le contexte de l’article 58, paragraphe 3, de la directive 2014/24, de limiter, dans le cadre de l’hypothèse mentionnée au point 78 du présent arrêt, le chiffre d’affaires pouvant être invoqué au titre de cette disposition à celui relatif à la contribution effective de l’opérateur en cause à une activité requise d’un groupement dans le cadre d’un précédent marché public.
82 Il convient donc de répondre à la deuxième question que les dispositions combinées de l’article 58, paragraphe 3, et de l’article 60, paragraphe 3, de la directive 2014/24 doivent être interprétées en ce sens que, dans l’hypothèse où le pouvoir adjudicateur a exigé que les opérateurs économiques aient réalisé un chiffre d’affaires minimal donné dans le domaine concerné par le marché public en cause, un opérateur économique ne peut, aux fins de rapporter la preuve de sa capacité économique et financière, se prévaloir des revenus perçus par un groupement temporaire d’entreprises auquel il a appartenu que s’il a effectivement contribué, dans le cadre d’un marché public déterminé, à la réalisation d’une activité de ce groupement analogue à celle qui fait l’objet du marché public pour lequel ledit opérateur entend prouver sa capacité économique et financière.
Sur la troisième question
83 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 58, paragraphe 4, ainsi que les articles 42 et 70 de la directive 2014/24 doivent être interprétés en ce sens qu’ils sont susceptibles de s’appliquer concomitamment à une prescription technique contenue dans un appel d’offres.
84 À cet égard, il convient de considérer que la directive 2014/24 n’exclut pas que des prescriptions techniques puissent être appréhendées à la fois comme des critères de sélection ayant trait aux capacités techniques et professionnelles, comme des spécifications techniques et/ou comme des conditions d’exécution du marché, au sens, respectivement, de l’article 58 paragraphe 4, de l’article 42 et de l’article 70 de cette directive.
85 S’agissant des critères de sélection ayant trait aux « capacités techniques et professionnelles » des opérateurs économiques, au sens de l’article 58, paragraphe 4, de la directive 2014/24, il convient de relever que, parmi les moyens de preuve de ces capacités énumérés à l’annexe XII, partie II, de cette directive, figurent, aux points g) et i) de cette partie, respectivement, « l’indication des mesures de gestion environnementale que l’opérateur économique pourra appliquer lors de l’exécution du marché » et « une déclaration indiquant l’outillage, le matériel et l’équipement technique dont le prestataire de services ou l’entrepreneur disposera pour la réalisation du marché ».
86 Or, si de tels moyens de preuve sont aptes à attester des « capacités techniques et professionnelles » des opérateurs économiques, des prescriptions techniques telles que celles concernant les émissions polluantes des véhicules (norme Euro 5) et l’obligation d’équiper ces véhicules d’un émetteur GPS, qui sont en cause en l’occurrence, apparaissent susceptibles de se rapporter aux « ressources techniques » des opérateurs économiques et, partant, d’être qualifiées de critères de sélection ayant trait à leurs « capacités techniques et professionnelles », au sens dudit article 58, paragraphe 4, pour autant que la documentation relative à l’appel d’offres prévoit qu’elles sont imposées spécifiquement en tant que capacités dont des soumissionnaires doivent prouver qu’ils en disposent ou en disposeront en temps utile pour exécuter le marché, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.
87 Quant aux « spécifications techniques », au sens de l’article 42 de la directive 2014/24, il ressort du paragraphe 3 de cet article que de telles spécifications définissent les « caractéristiques requises » des services visés par un marché et sont formulées en termes de performances ou d’exigences fonctionnelles, notamment environnementales, ou par référence à des normes techniques. D’ailleurs, le paragraphe 1 dudit article renvoie à l’annexe VII de ladite directive, dont le point 1, sous b), précise, en ce qui concerne les marchés publics de fourniture ou de services, qu’une spécification technique « figure dans un document définissant les caractéristiques requises d’un produit ou d’un service, telles que [...] les niveaux de la performance environnementale et climatique [...] ». Ainsi, les prescriptions techniques en cause au principal, qui sont effectivement formulées en termes de performances ou d’exigences fonctionnelles, et qui font notamment référence à la norme Euro 5 relative aux émissions polluantes des véhicules, peuvent également relever de la notion de « spécifications techniques ».
88 Enfin, en ce qu’elles prévoient des conditions particulières concernant l’exécution d’un marché, qu’elles paraissent liées à l’objet du marché et sont indiquées dans l’avis d’appel à la concurrence ou dans les documents de marché, lesdites prescriptions, qui prennent en compte des considérations relatives à l’innovation et à l’environnement, peuvent également relever de la notion de « conditions d’exécution du marché », au sens de l’article 70 de la directive 2014/24, pour autant qu’il ressorte de la documentation relative à l’appel d’offres qu’elles sont imposées en tant que conditions que l’adjudicataire doit respecter au stade de l’exécution du marché, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.
89 À cet égard, il y a lieu de préciser que le respect des conditions d’exécution d’un marché ne doit pas être apprécié lors de l’attribution d’un marché. Il s’ensuit que, si la prescription en cause au principal était qualifiée de condition d’exécution et si l’adjudicataire n’y satisfaisait pas lorsque le marché public lui a été attribué, le non-respect de cette condition demeurerait sans incidence sur la conformité aux dispositions de la directive 2014/24 de l’attribution du marché au Groupement.
90 Ainsi, d’une part, une exigence contenue dans un appel d’offres, telle que la prescription en cause au principal, est susceptible d’être qualifiée de critère de sélection ayant trait aux capacités techniques et professionnelles ou de spécification technique, voire de condition d’exécution du marché. D’autre part, la juridiction de renvoi s’interrogeant, notamment, sur la compatibilité des prescriptions en cause au principal avec le droit de l’Union, il convient d’ajouter que les articles 42 et 70 de la directive 2014/24 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas par principe à ce que des prescriptions, précisant certaines caractéristiques techniques des véhicules devant être utilisés aux fins de la prestation des services visés par un marché, soient imposées dans le cadre de l’appel d’offres relatif à ce marché, sous réserve de respecter les principes fondamentaux de la passation des marchés publics, tels qu’énoncés à l’article 18, paragraphe 1, de cette directive.
91 Il convient de souligner que, dans le cadre de la troisième question, la juridiction de renvoi s’interroge également sur la question de savoir si la qualification des prescriptions en cause peut avoir une incidence sur les possibilités de rectification et de correction des offres déposées.
92 À cet égard, il y a lieu de relever que, aux termes de l’article 56, paragraphe 3, de la directive 2014/24, lorsque les informations ou les documents qui doivent être soumis par les opérateurs économiques sont ou semblent incomplets ou erronés ou lorsque certains documents sont manquants, les pouvoirs adjudicateurs peuvent, sauf disposition contraire du droit national mettant en œuvre cette directive, demander aux opérateurs économiques concernés de présenter, de compléter, de clarifier ou de préciser les informations ou les documents concernés dans un délai approprié, à condition que ces demandes respectent pleinement les principes d’égalité de traitement et de transparence.
93 Ainsi qu’il résulte d’une jurisprudence constante relative à l’interprétation des dispositions de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO 2004, L 134, p. 114), fondée notamment sur le principe d’égalité de traitement et qu’il convient d’appliquer par analogie dans le contexte dudit article 56, paragraphe 3, une demande de clarification présentée à un opérateur économique au titre de cette disposition ne saurait cependant pallier l’absence d’une pièce ou d’une information dont la communication était requise par les documents du marché, le pouvoir adjudicateur étant tenu d’observer strictement les critères qu’il a lui-même fixés. En outre, une telle demande ne saurait aboutir à la présentation, par un soumissionnaire concerné, de ce qui apparaîtrait en réalité comme une nouvelle offre (voir, par analogie, arrêts du 29 mars 2012, SAG ELV Slovensko e.a., C‑599/10, EU:C:2012:191, point 40 ; du 10 octobre 2013, Manova, C‑336/12, EU:C:2013:647, points 36 et 40, ainsi que du 28 février 2018, MA.T.I. SUD et Duemme SGR, C‑523/16 et C‑536/16, EU:C:2018:122, points 51 et 52).
94 Il découle des considérations qui précèdent que l’étendue du droit du pouvoir adjudicateur de permettre à l’adjudicataire de compléter ou de clarifier ultérieurement son offre initiale dépend du respect des dispositions de l’article 56, paragraphe 3, de la directive 2014/24, eu égard, en particulier, aux exigences du principe d’égalité de traitement, et non pas, en tant que telle, de la qualification des prescriptions en cause au principal comme critères de sélection ayant trait aux « capacités techniques et professionnelles » des opérateurs économiques, au sens de l’article 58, paragraphe 4, de cette directive, comme « spécifications techniques », au sens de l’article 42 de celle-ci ou comme « conditions d’exécution », au sens de l’article 70 de ladite directive.
95 Il convient donc de répondre à la troisième question que l’article 58, paragraphe 4, ainsi que les articles 42 et 70 de la directive 2014/24 doivent être interprétés en ce sens qu’ils sont susceptibles de s’appliquer concomitamment à une prescription technique contenue dans un appel d’offres.
Sur les quatrième à neuvièmequestions
Observations liminaires
96 Les quatrième, cinquième, huitième et neuvième questions portant sur l’interprétation de dispositions de la directive 2016/943, il convient de déterminer si celle-ci est applicable, d’une part, à une situation dans laquelle un pouvoir adjudicateur est saisi par un soumissionnaire d’une demande de communication d’informations réputées confidentielles contenues dans l’offre d’un concurrent et, le cas échéant, d’une réclamation contre la décision rejetant cette demande dans le cadre d’une procédure précontentieuse obligatoire ainsi que, d’autre part, lorsqu’une juridiction est saisie d’un recours contre la décision du pouvoir adjudicateur rejetant cette réclamation.
97 Eu égard à son objet, tel qu’énoncé à son article 1er, paragraphe 1, lu en combinaison avec son considérant 4, la directive 2016/943 ne porte que sur l’obtention, l’utilisation ou la divulgation illicite d’un secret d’affaires et ne prévoit pas de mesures destinées à protéger la confidentialité des secrets d’affaires dans d’autres types de procédures juridictionnelles, telles que les procédures relatives à la passation de marchés publics.
98 En outre, l’article 4, paragraphe 2, sous a), de cette directive prévoit que l’obtention d’un secret d’affaires sans le consentement du détenteur du secret d’affaires est considérée comme illicite lorsqu’elle est réalisée au moyen d’un accès non autorisé à tout document, objet, matériau, substance ou fichier électronique ou d’une appropriation ou copie non autorisée de ces éléments, que le détenteur du secret d’affaires contrôle de façon licite et qui contiennent ledit secret d’affaires ou dont ledit secret d’affaires peut être déduit.
99 Par ailleurs, ainsi qu’il résulte de son article 1er, paragraphe 2, sous c), ladite directive ne porte pas atteinte à l’application de règles de l’Union ou de règles nationales obligeant ou autorisant les institutions et organes de l’Union ou les autorités publiques nationales à divulguer des informations communiquées par des entreprises que ces institutions, organes ou autorités détiennent en vertu des obligations et prérogatives établies par le droit de l’Union ou le droit national et conformément à celles-ci. Pour sa part, le considérant 18 de la même directive, à la lumière duquel cette disposition doit être interprétée, précise que la directive 2016/943 ne devrait pas libérer les autorités publiques des obligations de confidentialité auxquelles elles sont soumises à l’égard des informations transmises par les détenteurs de secrets d’affaires, que ces obligations soient définies dans le droit de l’Union ou le droit national. Dès lors, il y a lieu de considérer que la directive 2016/943 ne libère pas les autorités publiques des obligations de confidentialité qui peuvent résulter de la directive 2014/24.
100 Enfin, l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2016/943 dispose que l’obtention, l’utilisation ou la divulgation d’un secret d’affaires est considérée comme licite dans la mesure où elle est requise ou autorisée par le droit de l’Union ou le droit national.
101 Dans ce contexte, il y a lieu de relever que l’article 21 de la directive 2014/24, lu en combinaison avec le considérant 51 de cette dernière, prévoit que le pouvoir adjudicateur ne divulgue pas, en principe, les renseignements que les opérateurs économiques lui ont communiqués à titre confidentiel et qu’il peut imposer aux opérateurs économiques des exigences visant à protéger la confidentialité des informations qu’ils mettent à disposition tout au long de la procédure de passation de marché.
102 Partant, en vue de fournir une réponse utile à la juridiction de renvoi, la Cour procédera à l’interprétation des dispositions pertinentes des directives 2014/24 et 89/665 qui précisent, notamment, les règles particulières applicables aux pouvoirs adjudicateurs et aux juridictions nationales en ce qui concerne la protection de la confidentialité des documents qui leur sont soumis dans le cadre des procédures de passation des marchés publics.
Sur les cinquième à septième questions
103 Par ses cinquième à septième questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, paragraphe 1, quatrième alinéa, l’article 1er, paragraphes 3 et 5, et l’article 2, paragraphe 1, sous b), de la directive 89/665 doivent être interprétés en ce sens que la décision d’un pouvoir adjudicateur refusant de communiquer à un opérateur économique les informations réputées confidentielles figurant dans le dossier de candidature ou dans l’offre d’un autre opérateur économique constitue un acte susceptible de faire l’objet d’un recours et que, lorsque l’État membre sur le territoire duquel se déroule la procédure de passation du marché public en cause a prévu une procédure précontentieuse obligatoire pour les décisions prises par les pouvoirs adjudicateurs, un recours juridictionnel contre cette décision doit être précédé d’un tel recours administratif préalable.
104 À cet égard, il découle de l’article 1er, paragraphe 1, quatrième alinéa, de la directive 89/665 que les États membres doivent prendre, notamment en ce qui concerne les procédures de passation des marchés relevant du champ d’application de la directive 2014/24, les mesures nécessaires pour garantir que les décisions prises par les pouvoirs adjudicateurs peuvent faire l’objet de recours efficaces et, en particulier, aussi rapides que possible, dans les conditions énoncées aux articles 2 à 2 septies de la directive 89/665, au motif que ces décisions ont violé le droit de l’Union en matière de marchés publics ou les règles nationales transposant ce droit. Conformément à l’article 1er, paragraphe 3, de cette directive, ces procédures de recours doivent être accessibles, selon des modalités que les États membres peuvent déterminer, au moins à toute personne ayant ou ayant eu un intérêt à obtenir un marché déterminé et ayant été ou risquant d’être lésée par une violation alléguée.
105 En outre, il ressort de la jurisprudence de la Cour que la notion de « décisions prises par les pouvoirs adjudicateurs » doit recevoir une interprétation large. En effet, par l’emploi des termes « en ce qui concerne les procédures de passation des marchés », le libellé de l’article 1er, paragraphe 1, quatrième alinéa, de la directive 89/665 implique que toute décision d’un pouvoir adjudicateur qui relève des règles de l’Union en matière de marchés publics et qui est susceptible de les enfreindre soit soumise au contrôle juridictionnel prévu aux articles 2 à 2 septies de la même directive. Ce libellé se réfère donc de manière générale aux décisions d’un pouvoir adjudicateur sans opérer de distinction parmi ces décisions en fonction de leur contenu ou du moment de leur adoption et ne prévoit aucune restriction en ce qui concerne la nature et le contenu des décisions visées (voir, en ce sens, arrêt du 5 avril 2017, Marina del Mediterráneo e.a., C‑391/15, EU:C:2017:268, points 26 et 27 ainsi que jurisprudence citée).
106 Cette interprétation large de la notion de « décisions susceptibles de recours », qui a notamment conduit la Cour à considérer que la décision d’un pouvoir adjudicateur admettant un opérateur économique à participer à une procédure de passation de marché public constitue une décision au sens de l’article 1er, paragraphe 1, quatrième alinéa, de la directive 89/665 (arrêt du 5 avril 2017, Marina del Mediterráneo e.a., C‑391/15, EU:C:2017:268, point 28, et voir en ce sens, s’agissant du paragraphe 3 de cette disposition, ordonnance du 14 février 2019, Cooperativa Animazione Valdocco, C‑54/18, EU:C:2019:118, point 36), doit également prévaloir en ce qui concerne la décision par laquelle un pouvoir adjudicateur refuse de communiquer à un opérateur économique les informations réputées confidentielles transmises par un candidat ou un soumissionnaire.
107 Dans la mesure où la juridiction de renvoi demande en substance, par sa septième question, si un soumissionnaire évincé peut introduire une action en justice portant uniquement sur le refus de lui communiquer les informations réputées confidentielles, sans contester également la légalité des autres décisions du pouvoir adjudicateur, il suffit, tout d’abord, de constater que la directive 89/665 ne comporte aucune disposition s’opposant à ce qu’un tel soumissionnaire introduise un recours visantla décision du pouvoir adjudicateur refusant de lui communiquer de telles informations, quels que soient le contenu et la portée de cette décision.
108 Ensuite, ainsi que M. l’avocat général l’a, en substance, relevé aux points 77 et 78 de ses conclusions, un tel constat est corroboré par les objectifs d’efficacité et de rapidité visés à l’article 1er, paragraphe 1, quatrième alinéa, de cette directive.
109 Enfin, quant à la question de savoir si un recours juridictionnel dirigé contre une décision par laquelle le pouvoir adjudicateur refuse de communiquer à un opérateur économique les informations réputées confidentielles transmises par un candidat ou un soumissionnaire doit être précédé d’un recours administratif préalable lorsque l’État membre sur le territoire duquel se déroule la procédure de passation du marché public en cause a prévu une procédure précontentieuse obligatoire, il y a lieu de relever que, si l’article 1er, paragraphe 5, de la directive 89/665 prévoit qu’un État membre peut exiger que la personne concernée introduise en premier lieu un recours auprès du pouvoir adjudicateur avant de former un recours en justice, cette disposition ne régit, en revanche, ni cette procédure de recours ni les modalités de celle-ci.
110 Partant, lorsque, conformément à l’article 1er, paragraphe 5, de ladite directive, l’État membre sur le territoire duquel se déroule la procédure de passation du marché public en cause a prévu que toute personne qui souhaite contester une décision prise par le pouvoir adjudicateur est tenue de former un recours administratif préalablement à toute saisine du juge , cet État membre peut également prévoir, dans le respect des principes d’équivalence et d’effectivité, qu’un recours contre la décision du pouvoir adjudicateur refusant de communiquer à un opérateur économique les informations réputées confidentielles figurant dans le dossier de candidature ou dans l’offre d’un autre opérateur économique doit être précédé d’un recours administratif auprès du pouvoir adjudicateur.
111 Il résulte des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de répondre aux cinquième à septième questions que l’article 1er, paragraphe 1, quatrième alinéa, l’article 1er, paragraphes 3 et 5, et l’article 2, paragraphe 1, sous b), de la directive 89/665 doivent être interprétés en ce sens que la décision d’un pouvoir adjudicateur refusant de communiquer à un opérateur économique les informations réputées confidentielles figurant dans le dossier de candidature ou dans l’offre d’un autre opérateur économique constitue un acte susceptible de faire l’objet d’un recours et que, lorsque l’État membre sur le territoire duquel se déroule la procédure de passation du marché public en cause a prévu que toute personne qui souhaite contester une décision prise par le pouvoir adjudicateur est tenue de former un recours administratif préalablement à toute saisine du juge, cet État membre peut également prévoir qu’un recours juridictionnel contre cette décision de refus d’accès doit être précédé d’un tel recours administratif préalable.
Sur les quatrième, huitième et neuvième questions
112 Par ses quatrième, huitième et neuvième questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, paragraphe 1, quatrième alinéa, et l’article 1er, paragraphes 3 et 5, de la directive 89/665, ainsi que l’article 21 de la directive 2014/24 doivent être interprétés en ce sens que tant le pouvoir adjudicateur que, le cas échéant, la juridiction nationale compétente sont tenus de communiquer à un opérateur économique qui en a fait la demande toutes les informations figurant dans la documentation transmise par un concurrent, y compris les informations confidentielles qu’elle contient. Cette juridiction souhaite également savoir si, en cas de refus de communiquer des informations en raison de leur confidentialité, il incombe au pouvoir adjudicateur de motiver sa position quant à ce caractère confidentiel.
– Sur la portée de l’obligation pour le pouvoir adjudicateur de protéger les informations confidentielles et sur l’obligation de motivation
113 Aux termes de l’article 21, paragraphe 1, de la directive 2014/24, sauf disposition contraire de cette dernière ou des règles de droit national auxquelles le pouvoir adjudicateur est soumis, notamment les dispositions régissant l’accès à l’information, et sans préjudice des obligations en matière de publicité concernant les marchés attribués et d’information des candidats et des soumissionnaires qui figurent aux articles 50 et 55 de cette directive, le pouvoir adjudicateur ne divulgue pas les renseignements que les opérateurs économiques lui ont communiqués à titre confidentiel, y compris, entre autres, les secrets techniques ou commerciaux et les aspects confidentiels des offres. L’article 21, paragraphe 2, de ladite directive dispose que les pouvoirs adjudicateurs peuvent imposer aux opérateurs économiques des exigences visant à protéger la confidentialité des informations qu’ils mettent à disposition tout au long de la procédure de passation de marché.
114 Par ailleurs, certes, l’article 55, paragraphe 2, sous c), de la directive 2014/24 permet expressément à tout soumissionnaire ayant fait une offre recevable de demander au pouvoir adjudicateur de lui communiquer, dans les meilleurs délais et au plus tard quinze jours à compter de la réception d’une demande écrite, les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom du titulaire. L’article 50, paragraphe 4, et l’article 55, paragraphe 3, de cette directive prévoient cependant que les pouvoirs adjudicateurs peuvent décider de ne pas communiquer certains renseignements concernant l’attribution du marché, notamment lorsque leur divulgation serait contraire à l’intérêt public, porterait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes d’un opérateur économique particulier, public ou privé, ou pourrait nuire à une concurrence loyale entre les opérateurs économiques.
115 À cet égard, il convient de rappeler que l’objectif principal des règles de l’Union en matière de marchés publics comprend l’ouverture à la concurrence non faussée dans tous les États membres et que, pour atteindre cet objectif, il importe que les pouvoirs adjudicateurs ne divulguent pas d’informations ayant trait à des procédures de passation de marchés publics dont le contenu pourrait être utilisé pour fausser la concurrence, soit dans une procédure de passation en cours, soit dans des procédures de passation ultérieures. En outre, l’obligation de motiver une décision rejetant l’offre d’un soumissionnaire dans le cadre d’une procédure de passation d’un marché public n’implique pas que celui-ci devrait disposer d’informations complètes quant aux caractéristiques de l’offre retenue par le pouvoir adjudicateur. En effet, les procédures de passation de marchés publics reposant sur une relation de confiance entre les pouvoirs adjudicateurs et les opérateurs économiques, ces derniers doivent pouvoir communiquer aux pouvoirs adjudicateurs toute information utile dans le cadre de la procédure de passation, sans craindre que ceux-ci ne communiquent à des tiers des éléments d’information dont la divulgation pourrait être dommageable auxdits opérateurs (voir, en ce sens, arrêts du 14 février 2008, Varec, C‑450/06, EU:C:2008:91, points 34 à 36, ainsi que du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 112 et jurisprudence citée).
116 Il résulte des dispositions de la directive 2014/24, citées aux points 113 et 114 du présent arrêt, ainsi que de la jurisprudence mentionnée au point 115 de celui-ci qu’un pouvoir adjudicateur, saisi par un opérateur économique d’une demande de communication des informations réputées confidentielles contenues dans l’offre du concurrent auquel le marché a été attribué, ne doit, en principe, pas communiquer ces informations.
117 Toutefois, ainsi que le relève, en substance, M. l’avocat général aux points 40 et 41 de ses conclusions, le pouvoir adjudicateur ne saurait être lié par la simple allégation d’un opérateur économique selon laquelle les informations transmises sont confidentielles. Un tel opérateur doit en effet démontrer le caractère véritablement confidentiel des informations à la divulgation desquelles il s’oppose, en établissant, par exemple, que celles-ci comportent des secrets techniques ou commerciaux, que leur contenu pourrait être utilisé pour fausser la concurrence ou que leur divulgation pourrait lui être dommageable.
118 Par conséquent, si le pouvoir adjudicateur s’interroge sur le caractère confidentiel des informations transmises par ledit opérateur, il doit, avant même de prendre une décision autorisant l’accès à ces informations en faveur du demandeur, mettre l’opérateur concerné en mesure de fournir des éléments de preuve supplémentaires afin d’assurer le respect des droits de la défense de ce dernier. En effet, eu égard au préjudice qui pourrait résulter de la communication irrégulière de certaines informations à un concurrent, le pouvoir adjudicateur doit, avant de communiquer ces informations à une partie au litige, donner à l’opérateur économique concerné la possibilité de faire valoir le caractère confidentiel ou de secret d’affaires de celles-ci (voir, par analogie, arrêt du 14 février 2008, Varec, C‑450/06, EU:C:2008:91, point 54).
119 Par ailleurs, il incombe au pouvoir adjudicateur de s’assurer que la décision qu’il entend prendre à la suite de la demande d’un opérateur économique de se voir communiquer des informations figurant dans la documentation transmise par un concurrent est conforme aux règles de passation des marchés publics énoncées dans la directive 2014/24, en particulier celles relatives à la protection des informations confidentielles mentionnées aux points 113 et 114 du présent arrêt. La même obligation pèse sur ce pouvoir adjudicateur lorsque, en vertu de l’article 1er, paragraphe 5, de la directive 89/665, l’État membre dont il relève a fait usage de la faculté de subordonner le droit de former un recours juridictionnel contre les décisions prises par les pouvoirs adjudicateurs à l’obligation d’introduire un recours administratif préalable devant ces pouvoirs.
120 Il convient en outre de préciser que le pouvoir adjudicateur, que ce soit lorsqu’il refuse de communiquer les informations confidentielles d’un opérateur économique à l’un des concurrents de ce dernier ou lorsqu’il est saisi, dans le cadre d’une procédure précontentieuse obligatoire, d’un recours administratif dirigé contre son refus de divulguer de telles informations, doit également se conformer au principe général du droit de l’Union relatif à une bonne administration, lequel emporte des exigences qu’il appartient aux États membres de respecter lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union (arrêt du 9 novembre 2017, LS Customs Services, C‑46/16, EU:C:2017:839, point 39 et jurisprudence citée). Parmi ces exigences, l’obligation de motivation des décisions adoptées par les autorités nationales revêt une importance toute particulière, en ce qu’elle permet aux destinataires de ces décisions de défendre leurs droits et de décider en pleine connaissance de cause s’il y a lieu d’introduire un recours juridictionnel contre celles-ci. Cette obligation est également nécessaire pour permettre aux juridictions d’exercer le contrôle de légalité desdites décisions et constitue donc l’une des conditions de l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte (voir, en ce sens, arrêts du 15 octobre 1987, Heylens e.a., 222/86, EU:C:1987:442, point 15 ; du 9 novembre 2017, LS Customs Services, C‑46/16, EU:C:2017:839, point 40, ainsi que du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 103).
121 Par ailleurs, le principe de la protection des informations confidentielles ainsi que des secrets d’affaires doit être mis en œuvre de manière à le concilier avec les exigences d’une protection juridictionnelle effective et le respect des droits de la défense des parties au litige (arrêt du 14 février 2008, Varec, C‑450/06, EU:C:2008:91, points 51 et 52 ainsi que jurisprudence citée).
122 Afin de mettre en balance l’interdiction énoncée à l’article 21, paragraphe 1, de la directive 2014/24 de divulguer les renseignements confidentiels communiqués par des opérateurs économiques avec le principe général du droit de l’Union à une bonne administration, dont l’obligation de motivation découle, un pouvoir adjudicateur doit faire apparaître clairement les motifs pour lesquels il considère que les informations auxquelles l’accès est demandé, ou à tout le moins certaines d’entre elles, sont confidentielles.
123 En outre, cette mise en balance doit tenir compte du fait que, en l’absence d’informations suffisantes lui permettant de vérifier si la décision du pouvoir adjudicateur relative à l’attribution du marché en cause à un autre opérateur est entachée d’éventuelles erreurs ou illégalités, un soumissionnaire évincé n’aura pas la possibilité, en pratique, de se prévaloir de son droit à un recours efficace, visé à l’article 1er, paragraphes 1 et 3, de la directive 89/665, contre une telle décision, que ce soit dans le cadre d’un recours devant le pouvoir adjudicateur, conformément au paragraphe 5 de ce même article, ou d’un recours juridictionnel. Dès lors, sous peine de violer ce droit, le pouvoir adjudicateur doit non seulement motiver sa décision de traiter certaines données comme étant confidentielles, mais doit également communiquer sous une forme neutre, dans toute la mesure possible et pour autant qu’une telle communication soit de nature à préserver le caractère confidentiel des éléments spécifiques de ces données pour lesquelles une protection est justifiée à ce titre, le contenu essentiel de celles-ci à un tel soumissionnaire qui les demande, et plus particulièrement le contenu des données concernant les aspects déterminants de sa décision et de l’offre retenue.
124 En effet, l’obligation du pouvoir adjudicateur de protéger les informations réputées confidentielles de l’opérateur économique auquel le marché public a été attribué ne doit pas être interprétée à ce point extensivement qu’elle vide l’obligation de motivation de sa substance (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 120) et qu’elle prive d’effet utile l’article 1er, paragraphes 1 et 3, de la directive 89/665 qui énonce, en particulier, l’obligation pour les États membres de prévoir des recours efficaces. À cet effet, le pouvoir adjudicateur peut, notamment et pour autant que le droit national auquel il est soumis ne s’y oppose pas, communiquer sous une forme résumée certains aspects d’une candidature ou d’une offre ainsi que leurs caractéristiques techniques, de telle sorte que les informations confidentielles ne puissent être identifiées.
125 Il convient d’ailleurs de rappeler que, en application de l’article 21, paragraphe 2, de la directive 2014/24, les pouvoirs adjudicateurs peuvent imposer aux opérateurs économiques des exigences visant à protéger la confidentialité des informations qu’ils mettent à disposition tout au long de la procédure de passation de marché. Ainsi, à supposer que les informations non confidentielles soient adéquates à cette fin, un pouvoir adjudicateur pourra également avoir recours à cette faculté pour assurer le respect du droit à un recours efficace du soumissionnaire évincé, en demandant à l’opérateur dont l’offre a été retenue de lui fournir une version non confidentielle des documents contenant des informations confidentielles.
126 Il y a lieu, enfin, de préciser que, en tout état de cause, le pouvoir adjudicateur est tenu d’informer en temps utile, avant de procéder à l’exécution de cette décision, l’opérateur économique concerné de sa décision de communiquer à l’un de ses concurrents des informations dont cet opérateur allègue qu’elles sont confidentielles, afin de permettre à ce dernier de demander au pouvoir adjudicateur ou à la juridiction nationale compétente de prendre des mesures provisoires, telles que celles visées à l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la directive 89/665, et ainsi d’éviter qu’un préjudice irrémédiable ne lui soit causé.
– Sur la portée de l’obligation pour la juridiction nationale compétente de protéger les informations confidentielles
127 S’agissant des obligations qui incombent à la juridiction nationale compétente dans le cadre d’un recours juridictionnel dirigé contre une décision du pouvoir adjudicateur de rejeter, en tout ou en partie, une demande d’accès aux informations transmises par l’opérateur dont l’offre a été retenue, il convient de rappeler également que l’article 1er, paragraphes 1 et 3, de la directive 89/665, qui est destiné à protéger les opérateurs économiques contre l’arbitraire du pouvoir adjudicateur, vise à s’assurer de l’existence, dans tous les États membres, de moyens de recours efficaces, afin de garantir l’application effective des règles de l’Union en matière de passation de marchés publics, en particulier à un stade où les violations peuvent encore être corrigées (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, Star Storage e.a., C‑439/14 et C‑488/14, EU:C:2016:688, point 41 et jurisprudence citée).
128 Aussi incombe-t-il aux États membres d’adopter les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits conférés par le droit de l’Union aux candidats et aux soumissionnaires lésés par des décisions des pouvoirs adjudicateurs de façon à veiller à ce qu’il ne soit porté atteinte ni à l’efficacité de la directive 89/665 ni aux droits conférés aux particuliers par le droit de l’Union. En outre, ainsi qu’il ressort de son considérant 36, la directive 2007/66 et donc la directive 89/665 qu’elle a modifiée et complétée visent à assurer le plein respect du droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial, consacré à l’article 47, premier et deuxième alinéas, de la Charte (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, Star Storage e.a., C‑439/14 et C‑488/14, EU:C:2016:688, points 42 à 46 ainsi que jurisprudence citée). Par conséquent, lorsqu’ils définissent les modalités procédurales des recours en justice, les États membres doivent garantir le respect de ce droit. Ainsi, malgré l’absence de règles du droit de l’Union relatives aux modalités des recours devant les juridictions nationales, et afin de déterminer l’intensité du contrôle juridictionnel des décisions nationales adoptées en application d’un acte du droit de l’Union, il convient de tenir compte de la finalité de celui‑ci et de veiller à ce qu’il ne soit pas porté atteinte à son efficacité (arrêt du 26 juin 2019, Craeynest e.a., C‑723/17, EU:C:2019:533, point 46 ainsi que jurisprudence citée).
129 Toutefois, dans le cadre d’un recours relatif à une procédure de passation d’un marché public, le principe du contradictoire n’implique pas pour les parties un droit d’accès illimité et absolu à l’ensemble des informations relatives à la procédure de passation en cause qui ont été déposées devant l’instance responsable du recours (voir, en ce sens, arrêt du 14 février 2008, Varec, C‑450/06, EU:C:2008:91, point 51). Au contraire, ainsi qu’il a été relevé, en substance, au point 121 du présent arrêt dans le contexte des obligations qui incombent à cet égard aux pouvoirs adjudicateurs, l’obligation de fournir au soumissionnaire évincé des informations suffisantes pour sauvegarder son droit à un recours efficace doit être mise en balance avec le droit d’autres opérateurs économiques à la protection de leurs informations confidentielles et de leurs secrets d’affaires.
130 La juridiction nationale compétente doit, par conséquent, vérifier, en tenant pleinement compte tant de la nécessité de sauvegarder l’intérêt public tenant au maintien d’une concurrence loyale dans le cadre des procédures de passation de marchés publics que de celle de protéger les informations véritablement confidentielles et singulièrement les secrets d’affaires des participants à la procédure d’appel d’offres, que le pouvoir adjudicateur a, à bon droit, considéré que les informations qu’il a refusé de communiquer au demandeur étaient confidentielles. À cette fin, la juridiction nationale compétente doit procéder à un examen complet de l’ensemble des éléments de fait et de droit pertinents. Aussi doit-elle nécessairement pouvoir disposer des informations requises, y compris des informations confidentielles et des secrets d’affaires, pour être à même de se prononcer en toute connaissance de cause (voir, en ce sens, arrêt du 14 février 2008, Varec, C‑450/06, EU:C:2008:91, point 53).
131 À supposer que ladite juridiction estime également que les informations en cause revêtent un caractère confidentiel qui s’oppose de ce fait à leur divulgation aux concurrents de l’opérateur concerné, il importe de rappeler que, ainsi que l’a jugé la Cour, si le principe du contradictoire implique, en règle générale, le droit pour les parties à un procès de prendre connaissance des preuves et des observations présentées devant le juge et de les discuter, dans certains cas, il peut être nécessaire de ne pas communiquer certaines informations aux parties afin de préserver les droits fondamentaux d’un tiers ou de sauvegarder un intérêt public important (arrêt du 14 février 2008, Varec, C‑450/06, EU:C:2008:91, point 47).
132 Or, parmi les droits fondamentaux susceptibles d’être ainsi protégés figurent le droit au respect de la vie privée et des communications consacré par l’article 7 de la Charte ainsi que le droit à la protection des secrets d’affaires qui a été reconnu par la Cour comme un principe général du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 14 février 2008, Varec, C‑450/06, EU:C:2008:91, points 48 et 49).
133 Ainsi, eu égard à l’importance de la protection des informations confidentielles, relevée notamment aux points 131 et 132 du présent arrêt, l’instance responsable d’une procédure de recours en matière de passation d’un marché public doit pouvoir décider, au besoin, que certaines informations contenues dans le dossier dont elle dispose ne doivent pas être transmises aux parties et à leurs avocats (voir, en ce sens, arrêt du 14 février 2008, Varec, C‑450/06, EU:C:2008:91, point 43).
134 Il y a lieu, en outre, de préciser que, dès lors que la juridiction nationale compétente considère que c’est à bon droit et de manière suffisamment motivée que le pouvoir adjudicateur a décidé que les informations demandées ne pouvaient pas être communiquées en raison de leur nature confidentielle, eu égard aux obligations qui incombent à ce pouvoir adjudicateur au titre du principe de protection juridictionnelle effective, telles que rappelées aux points 121 à 123 du présent arrêt, le comportement dudit pouvoir adjudicateur à cet égard ne saurait être critiqué au motif qu’il aurait été excessivement protecteur des intérêts de l’opérateur économique dont les informations confidentielles étaient demandées.
135 La juridiction nationale compétente doit également contrôler le caractère suffisant de la motivation de la décision par laquelle le pouvoir adjudicateur a refusé de divulguer les informations confidentielles ou de celle par laquelle il a rejeté le recours administratif introduit contre la décision préalable de refus, aux fins de permettre, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 120 du présent arrêt, d’une part, au demandeur de défendre ses droits et de décider en pleine connaissance de cause s’il y a lieu d’introduire un recours juridictionnel contre cette décision et, d’autre part, aux juridictions d’exercer le contrôle de légalité de cette dernière. Par ailleurs, eu égard au préjudice qui pourrait résulter, pour un opérateur économique, de la communication irrégulière de certaines informations à un concurrent, il appartient à la juridiction nationale compétente de concilier le droit à un recours effectif, au sens de l’article 47 de la Charte, du demandeur et le droit à la protection des informations à caractère confidentiel de cet opérateur.
136 Enfin, la juridiction nationale compétente doit pouvoir annuler la décision de refus ou la décision portant rejet du recours administratif si celles-ci sont illégales et, le cas échéant, renvoyer l’affaire devant le pouvoir adjudicateur, voire prendre elle-même une nouvelle décision si le droit national l’y autorise. Dans la mesure où la juridiction de renvoi se demande, dans le cadre de sa neuvième question, si le juge saisi d’une demande de divulgation d’informations confidentielles doit examiner lui-même non seulement leur pertinence, mais également leurs effets sur la légalité de la procédure de passation de marché, il suffit de relever que, conformément à l’article 1er, paragraphe 3, de la directive 89/665, il appartient aux États membres de déterminer les modalités régissant les procédures de recours permettant de contester les décisions prises par les pouvoirs adjudicateurs.
137 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux quatrième, huitième et neuvième questions que :
– l’article 1er, paragraphe 1, quatrième alinéa, et l’article 1er, paragraphes 3 et 5, de la directive 89/665 ainsi que l’article 21 de la directive 2014/24, lu à la lumière du principe général de droit de l’Union à une bonne administration, doivent être interprétés en ce sens qu’un pouvoir adjudicateur, saisi par un opérateur économique d’une demande de communication des informations réputées confidentielles contenues dans l’offre d’un concurrent auquel le marché a été attribué, n’est pas tenu de communiquer ces informations lorsque leur transmission conduirait à enfreindre les règles du droit de l’Union relatives à la protection des informations confidentielles, et ce même si la demande de l’opérateur économique est présentée dans le cadre d’un recours de ce même opérateur portant sur la légalité de l’appréciation, par le pouvoir adjudicateur, de l’offre du concurrent. Lorsqu’il refuse de transmettre de telles informations ou lorsque, tout en opposant un tel refus, il rejette le recours administratif présenté par un opérateur économique au sujet de la légalité de l’appréciation de l’offre du concurrent concerné, le pouvoir adjudicateur est tenu de mettre en balance le droit du demandeur à une bonne administration avec le droit du concurrent à la protection de ses informations confidentielles de manière à ce que sa décision de refus ou sa décision de rejet soit motivée et que le droit à un recours efficace dont bénéficie un soumissionnaire évincé ne soit pas privé d’effet utile ;
– l’article 1er, paragraphe 1, quatrième alinéa, et l’article 1er, paragraphes 3 et 5, de la directive 89/665 ainsi que l’article 21 de la directive 2014/24, lus à la lumière de l’article 47 de la Charte, doivent être interprétés en ce sens que la juridiction nationale compétente saisie d’un recours contre la décision d’un pouvoir adjudicateur refusant de communiquer à un opérateur économique des renseignements réputés confidentiels contenus dans la documentation transmise par le concurrent auquel le marché a été attribué ou d’un recours contre la décision d’un pouvoir adjudicateur rejetant le recours administratif introduit contre une telle décision de refus est tenue de mettre en balance le droit du demandeur de bénéficier d’un recours effectif avec le droit de son concurrent à la protection de ses informations confidentielles et de ses secrets d’affaires. À cette fin, cette juridiction, qui doit nécessairement disposer des informations requises, y compris des informations confidentielles et des secrets d’affaires, pour être à même de se prononcer en toute connaissance de cause sur le caractère communicable desdites informations, doit procéder à un examen de l’ensemble des éléments de fait et de droit pertinents. Elle doit également pouvoir annuler la décision de refus ou la décision portant rejet du recours administratif si celles-ci sont illégales et, le cas échéant, renvoyer l’affaire devant le pouvoir adjudicateur, voire prendre elle-même une nouvelle décision si son droit national l’y autorise.
Sur ladixième question
138 Par sa dixième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 57, paragraphe 4, de la directive 2014/24 doit être interprété en ce sens qu’une juridiction nationale, saisie d’un litige entre un opérateur économique écarté de l’attribution d’un marché et un pouvoir adjudicateur, peut, d’une part, se départir de l’appréciation portée par ce dernier sur la licéité du comportement de l’opérateur économique auquel le marché a été attribué et, partant, en tirer toutes les conséquences nécessaires dans sa décision ainsi que, d’autre part, relever d’office le moyen tiré de l’erreur d’appréciation commise par le pouvoir adjudicateur.
139 Aux termes de l’article 57, paragraphe 4, de la directive 2014/24, les pouvoirs adjudicateurs peuvent exclure ou être obligés par les États membres d’exclure tout opérateur économique de la participation à une procédure de passation de marché dans l’un des cas visés à cette disposition.
140 Il convient de relever d’emblée, dans la mesure où la juridiction de renvoi a fait explicitement référence à l’arrêt du 3 octobre 2019, Delta Antrepriză de Construcţii şi Montaj 93 (C‑267/18, EU:C:2019:826), dans le libellé de sa dixième question, que cet arrêt se rapporte aux compétences du pouvoir adjudicateur lui-même pour procéder à sa propre évaluation au titre de l’un des motifs d’exclusion facultatifs visés à l’article 57, paragraphe 4, de la directive 2014/24, de sorte qu’il n’est pas directement pertinent pour apporter une réponse à ladite question, cette dernière concernant les compétences du juge saisi d’un litige opposant un soumissionnaire évincé à un pouvoir adjudicateur.
141 À cet égard, la Cour a certes relevé, aux points 28 et 34 de l’arrêt du 19 juin 2019, Meca (C-41/18, EU:C:2019:507), qu’il résulte du libellé de ladite disposition que c’est au seul pouvoir adjudicateur et non pas, par conséquent, à une juridiction nationale qu’a été confié le soin d’apprécier, au stade de la sélection des soumissionnaires, si un opérateur économique doit être exclu d’une procédure de passation de marché.
142 Toutefois, cette interprétation a été effectuée au regard du contexte de l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, dans laquelle la Cour a eu à connaître d’une réglementation nationale en vertu de laquelle l’introduction d’un recours juridictionnel contre la décision de résilier un contrat de marché public prise par un pouvoir adjudicateur en raison de défaillances importantes survenues lors de son exécution empêchait le pouvoir adjudicateur lançant un nouvel appel d’offres de porter une quelconque appréciation, au stade de la sélection des soumissionnaires, sur la fiabilité de l’opérateur concerné par cette résiliation (arrêt du 19 juin 2019, Meca, C-41/18, EU:C:2019:507, point 42).
143 Or, sauf à méconnaître le respect du droit à un recours effectif, tel qu’il est garanti, en matière de passation de marchés publics, par l’article 1er, paragraphe 1, quatrième alinéa, et l’article 1er, paragraphe 3, de la directive 89/665 ainsi que par l’article 47 de la Charte, la décision par laquelle un pouvoir adjudicateur refuse, fût-ce implicitement, d’exclure un opérateur économique d’une procédure de passation de marché pour l’un des motifs d’exclusion facultatifs prévus à l’article 57, paragraphe 4, de la directive 2014/24 doit nécessairement pouvoir être contestée par toute personne ayant ou ayant eu un intérêt à obtenir un marché déterminé et ayant été ou risquant d’être lésée par une violation de cette disposition.
144 Il s’ensuit qu’une juridiction nationale peut, dans le cadre d’un litige entre un candidat ou un soumissionnaire écarté de l’attribution du marché et un pouvoir adjudicateur, contrôler l’appréciation portée par ce dernier quant au point de savoir si les conditions requises pour l’application de l’un des motifs d’exclusion facultatifs visés à l’article 57, paragraphe 4, de la directive 2014/24 étaient réunies à l’égard de l’opérateur économique auquel le marché a été attribué et, par conséquent, s’en départir. Ainsi, selon le cas, cette juridiction peut juger en ce sens au fond ou renvoyer l’affaire à cet effet devant le pouvoir adjudicateur ou la juridiction nationale compétente.
145 Cela étant, le droit de l’Union n’impose pas aux juridictions nationales de soulever d’office un moyen tiré de la violation de dispositions du droit de l’Union lorsque l’examen de ce moyen les obligerait à sortir des limites qui leur incombent, et notamment des limites du litige tel qu’il a été circonscrit par les parties, en se fondant sur d’autres faits et circonstances que ceux sur lesquels la partie qui a intérêt à l’application desdites dispositions a fondé sa demande (voir, en ce sens, arrêts du 14 décembre 1995, van Schijndel et van Veen, C‑430/93 et C‑431/93, EU:C:1995:441, points 21 et 22, ainsi que du 19 décembre 2018, Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato – Antitrust et Coopservice, C‑216/17, EU:C:2018:1034, point 40).
146 En effet, conformément à une jurisprudence constante, en l’absence de réglementation de l’Union en la matière, il appartient à chaque État membre, en vertu du principe d’autonomie procédurale des États membres, de régler les modalités de la procédure administrative et celles de la procédure juridictionnelle destinées à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union. Toutefois, ces modalités procédurales ne doivent, notamment, pas être moins favorables que celles concernant des recours similaires prévus pour la protection des droits tirés de l’ordre juridique interne conformément au principe d’équivalence (arrêt du 6 octobre 2015, Orizzonte Salute, C‑61/14, EU:C:2015:655, point 46 et jurisprudence citée).
147 Ainsi, une juridiction nationale ne peut soulever d’office le moyen tiré de la violation, par un opérateur économique, de l’article 57, paragraphe 4, de la directive 2014/24 que si son droit national l’y habilite (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 1995, van Schijndel et van Veen, C‑430/93 et C‑431/93, EU:C:1995:441, points 13 et 14).
148 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la dixième question que l’article 57, paragraphe 4, de la directive 2014/24 doit être interprété en ce sens qu’une juridiction nationale, saisie d’un litige entre un opérateur économique écarté de l’attribution d’un marché et un pouvoir adjudicateur, peut se départir de l’appréciation portée par ce dernier sur la licéité du comportement de l’opérateur économique auquel le marché a été attribué et, partant, en tirer toutes les conséquences nécessaires dans sa décision. En revanche, conformément au principe d’équivalence, une telle juridiction ne peut relever d’office le moyen tiré de l’erreur d’appréciation commise par le pouvoir adjudicateur que si le droit national le permet.
Sur la onzième question
149 Par sa onzième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 63, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2014/24, lu en combinaison avec l’article 57, paragraphes 4 et 6, de cette directive, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle, lorsqu’un opérateur économique, membre d’un groupement d’opérateurs économiques, s’est rendu coupable de fausse déclaration en fournissant les renseignements exigés pour la vérification de l’absence de motifs d’exclusion du groupement ou de la satisfaction par ce dernier des critères de sélection, sans que ses partenaires aient eu connaissance de cette fausse déclaration, une mesure d’exclusion de toute procédure de passation de marché public peut être prononcée contre l’ensemble des membres de ce groupement.
150 À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 63, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2014/24 prévoit le droit pour un opérateur économique d’avoir recours, pour un marché déterminé, aux capacités d’autres entités, quelle que soit la nature juridique des liens qui l’unissent à ces entités, en vue de satisfaire tant aux critères relatifs à la capacité économique et financière énoncés à l’article 58, paragraphe 3, de cette directive qu’aux critères relatifs aux capacités techniques et professionnelles, visés à l’article 58, paragraphe 4, de ladite directive (arrêt du 3 juin 2021, Rad Service e.a., C‑210/20, EU:C:2021:445, point 30 ainsi que jurisprudence citée).
151 L’opérateur économique qui entend se prévaloir de ce droit doit, en vertu de l’article 59, paragraphe 1, deuxième et troisième alinéas, de la directive 2014/24, transmettre au pouvoir adjudicateur, lors de la présentation de sa demande de participation ou de son offre, un document unique de marché européen (DUME) par lequel cet opérateur affirme que lui-même et les entités aux capacités desquelles il entend recourir ne se trouvent pas dans l’une des situations visées à l’article 57 de cette directive, qui doit ou peut entraîner l’exclusion d’un opérateur économique, et/ou que le critère de sélection concerné est rempli.
152 Il appartient alors au pouvoir adjudicateur, en vertu de l’article 63, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2014/24, de vérifier notamment s’il existe des motifs d’exclusion, visés à l’article 57 de cette directive, concernant cet opérateur économique ou l’une de ces entités. Dans l’affirmative, il peut exiger, voire peut être obligé par l’État membre dont il relève d’exiger, que l’opérateur économique concerné remplace l’entité aux capacités desquelles il entend recourir, mais à l’égard de laquelle il existe des motifs d’exclusion non obligatoires.
153 Il convient toutefois de préciser que, avant même d’exiger d’un soumissionnaire le remplacement d’une entité aux capacités desquelles il entend recourir, au motif qu’elle se trouve dans l’une des situations visées à l’article 57, paragraphes 1 et 4, de la directive 2014/24, l’article 63 de cette directive présuppose que le pouvoir adjudicateur donne à ce soumissionnaire et/ou à cette entité la possibilité de lui présenter les mesures correctives qu’elle a éventuellement adoptées afin de remédier à l’irrégularité constatée et, partant, de démontrer qu’elle peut, à nouveau, être considérée comme une entité fiable (voir, en ce sens, arrêts du 3 octobre 2019, Delta Antrepriză de Construcţii şi Montaj 93, C‑267/18, EU:C:2019:826, point 37 et du 3 juin 2021, Rad Service e.a., C‑210/20, ECLI:EU:C:2021:445, point 36).
154 Cette interprétation de l’article 63, paragraphe 1, deuxième alinéa, de cette directive est de nature à assurer l’effet utile de l’article 57, paragraphe 6, premier alinéa, de ladite directive, lequel garantit, par principe, le droit pour tout opérateur économique qui se trouve dans l’une des situations visées aux paragraphes 1 et 4 de cette disposition de fournir des preuves que les mesures qu’il a prises suffisent afin d’attester sa fiabilité malgré l’existence d’un motif d’exclusion pertinent (voir, en ce sens, arrêt du 3 juin 2021, Rad Service e.a., C‑210/20, EU:C:2021:445, point 35).
155 Ladite interprétation contribue, en outre, à assurer le respect du principe de proportionnalité par les pouvoirs adjudicateurs, conformément à l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive. Il découle en effet de ce principe, qui constitue un principe général du droit de l’Union, que les règles établies par les États membres ou les pouvoirs adjudicateurs dans le cadre de la mise en œuvre des dispositions de cette directive ne doivent pas aller au‑delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs visés par ladite directive (voir, en ce sens, arrêts du 16 décembre 2008, Michaniki, C‑213/07, EU:C:2008:731, point 48, et du 30 janvier 2020, Tim, C‑395/18, EU:C:2020:58, point 45).
156 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, lorsqu’ils appliquent des motifs facultatifs d’exclusion, les pouvoirs adjudicateurs doivent accorder une attention toute particulière à ce principe. Or, cette attention doit être plus importante encore lorsque l’exclusion prévue par la réglementation nationale frappe le soumissionnaire non pas pour un manquement qui lui est imputable, mais pour un manquement qui a été commis par une entité aux capacités desquelles il entend recourir et à l’égard de laquelle il ne dispose d’aucun pouvoir de contrôle (voir, en ce sens, arrêts du 30 janvier 2020, Tim, C‑395/18, EU:C:2020:58, point 48, ainsi que du 3 juin 2021, Rad Service e.a., C‑210/20, EU:C:2021:445, point 39).
157 Le principe de proportionnalité impose, en effet, au pouvoir adjudicateur de se livrer à une appréciation concrète et individualisée de l’attitude de l’entité concernée. À ce titre, le pouvoir adjudicateur doit prendre en compte les moyens que le soumissionnaire avait à sa disposition pour vérifier l’existence d’un manquement dans le chef de l’entité aux capacités desquelles il entendait recourir (arrêt du 3 juin 2021, Rad Service e.a., C‑210/20, EU:C:2021:445, point 40).
158 Il convient, par conséquent, de répondre à la onzième question que l’article 63, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2014/24, lu en combinaison avec l’article 57, paragraphes 4 et 6, de cette directive, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle, lorsqu’un opérateur économique, membre d’un groupement d’opérateurs économiques, s’est rendu coupable de fausse déclaration en fournissant les renseignements exigés pour la vérification de l’absence de motifs d’exclusion du groupement ou de la satisfaction par ce dernier des critères de sélection, sans que ses partenaires aient eu connaissance de cette fausse déclaration, une mesure d’exclusion de toute procédure de passation de marché public peut être prononcée contre l’ensemble des membres de ce groupement.
Sur les dépens
159 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :
1) L’article 58 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE, doit être interprété en ce sens que l’obligation, pour les opérateurs économiques, de démontrer qu’ils réalisent un certain chiffre d’affaires annuel moyen dans le domaine d’activités concerné par le marché public en cause constitue un critère de sélection relatif à la capacité économique et financière de ces opérateurs, au sens du paragraphe 3 de cette disposition.
2) Les dispositions combinées de l’article 58, paragraphe 3, et de l’article 60, paragraphe 3, de la directive 2014/24 doivent être interprétées en ce sens que, dans l’hypothèse où le pouvoir adjudicateur a exigé que les opérateurs économiques aient réalisé un chiffre d’affaires minimal donné dans le domaine concerné par le marché public en cause, un opérateur économique ne peut, aux fins de rapporter la preuve de sa capacité économique et financière, se prévaloir des revenus perçus par un groupement temporaire d’entreprises auquel il a appartenu que s’il a effectivement contribué, dans le cadre d’un marché public déterminé, à la réalisation d’une activité de ce groupement analogue à celle qui fait l’objet du marché public pour lequel ledit opérateur entend prouver sa capacité économique et financière.
3) L’article 58, paragraphe 4, ainsi que les articles 42 et 70 de la directive 2014/24 doivent être interprétés en ce sens qu’ils sont susceptibles de s’appliquer concomitamment à une prescription technique contenue dans un appel d’offres.
4) L’article 1er, paragraphe 1, quatrième alinéa, l’article 1er, paragraphes 3 et 5, et l’article 2, paragraphe 1, sous b), de la directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux, telle que modifiée par la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, doivent être interprétés en ce sens que la décision d’un pouvoir adjudicateur refusant de communiquer à un opérateur économique les informations réputées confidentielles figurant dans le dossier de candidature ou dans l’offre d’un autre opérateur économique constitue un acte susceptible de faire l’objet d’un recours et que, lorsque l’État membre sur le territoire duquel se déroule la procédure de passation du marché public en cause a prévu que toute personne qui souhaite contester une décision prise par le pouvoir adjudicateur est tenue de former un recours administratif préalablement à toute saisine du juge, cet État membre peut également prévoir qu’un recours juridictionnel contre cette décision de refus d’accès doit être précédé d’un tel recours administratif préalable.
5) L’article 1er, paragraphe 1, quatrième alinéa, et l’article 1er, paragraphes 3 et 5, de la directive 89/665, telle que modifiée par la directive 2014/23, ainsi que l’article 21 de la directive 2014/24, lu à la lumière du principe général de droit de l’Union à une bonne administration, doivent être interprétés en ce sens qu’un pouvoir adjudicateur, saisi par un opérateur économique d’une demande de communication des informations réputées confidentielles contenues dans l’offre d’un concurrent auquel le marché a été attribué, n’est pas tenu de communiquer ces informations lorsque leur transmission conduirait à enfreindre les règles du droit de l’Union relatives à la protection des informations confidentielles, et ce même si la demande de l’opérateur économique est présentée dans le cadre d’un recours de ce même opérateur portant sur la légalité de l’appréciation, par le pouvoir adjudicateur, de l’offre du concurrent. Lorsqu’il refuse de transmettre de telles informations ou lorsque, tout en opposant un tel refus, il rejette le recours administratif présenté par un opérateur économique au sujet de la légalité de l’appréciation de l’offre du concurrent concerné, le pouvoir adjudicateur est tenu de mettre en balance le droit du demandeur à une bonne administration avec le droit du concurrent à la protection de ses informations confidentielles de manière à ce que sa décision de refus ou sa décision de rejet soit motivée et que le droit à un recours efficace dont bénéficie un soumissionnaire évincé ne soit pas privé d’effet utile.
6) L’article 1er, paragraphe 1, quatrième alinéa, et l’article 1er, paragraphes 3 et 5, de la directive 89/665, telle que modifiée par la directive 2014/23, ainsi que l’article 21 de la directive 2014/24, lus à la lumière de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doivent être interprétés en ce sens que la juridiction nationale compétente saisie d’un recours contre la décision d’un pouvoir adjudicateur refusant de communiquer à un opérateur économique des renseignements réputés confidentiels contenus dans la documentation transmise par le concurrent auquel le marché a été attribué ou d’un recours contre la décision d’un pouvoir adjudicateur rejetant le recours administratif introduit contre une telle décision de refus est tenue de mettre en balance le droit du demandeur de bénéficier d’un recours effectif avec le droit de son concurrent à la protection de ses informations confidentielles et de ses secrets d’affaires. À cette fin, cette juridiction, qui doit nécessairement disposer des informations requises, y compris des informations confidentielles et des secrets d’affaires, pour être à même de se prononcer en toute connaissance de cause sur le caractère communicable desdites informations, doit procéder à un examen de l’ensemble des éléments de fait et de droit pertinents. Elle doit également pouvoir annuler la décision de refus ou la décision portant rejet du recours administratif si celles-ci sont illégales et, le cas échéant, renvoyer l’affaire devant le pouvoir adjudicateur, voire prendre elle-même une nouvelle décision si son droit national l’y autorise.
7) L’article 57, paragraphe 4, de la directive 2014/24 doit être interprété en ce sens qu’une juridiction nationale, saisie d’un litige entre un opérateur économique écarté de l’attribution d’un marché et un pouvoir adjudicateur, peut se départir de l’appréciation portée par ce dernier sur la licéité du comportement de l’opérateur économique auquel le marché a été attribué et, partant, en tirer toutes les conséquences nécessaires dans sa décision. En revanche, conformément au principe d’équivalence, une telle juridiction ne peut relever d’office le moyen tiré de l’erreur d’appréciation commise par le pouvoir adjudicateur que si le droit national le permet.
8) L’article 63, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2014/24, lu en combinaison avec l’article 57, paragraphes 4 et 6, de cette directive, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle, lorsqu’un opérateur économique, membre d’un groupement d’opérateurs économiques, s’est rendu coupable de fausse déclaration en fournissant les renseignements exigés pour la vérification de l’absence de motifs d’exclusion du groupement ou de la satisfaction par ce dernier des critères de sélection, sans que ses partenaires aient eu connaissance de cette fausse déclaration, une mesure d’exclusion de toute procédure de passation de marché public peut être prononcée contre l’ensemble des membres de ce groupement.