Cass. com., 2 mars 2010, n° 09-10.039
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Avocats :
SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Monod et Colin
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 30 octobre 2008), que la société BNP Paribas Lease Group (la banque) a conclu entre 1998 et 2000 avec la société Anciens Établissements Joseph X... (la société AEJF) des contrats de location et de crédit-bail portant sur divers matériels ; que, le 25 janvier 2001, la société AEJF a informé la banque qu'elle exercerait son activité par l'intermédiaire de la société J. X... mécanique (la société JFM), ayant la société AEJF pour unique associé, M. X... étant gérant des deux sociétés ; qu'à la suite de mises en demeure adressées à la société AEJF de payer des arriérés d'échéances réglées par la société JFM, cette dernière a été mise en redressement judiciaire le 12 juin 2002, M. Y... étant désigné administrateur ; que les sociétés JFM et AEJF ont été mises en liquidation judiciaire les 4 et 25 juin 2003, M. Z... étant désigné liquidateur des deux sociétés ; que, le 3 juillet 2003, la banque a demandé à M. Z... la restitution des matériels et a déclaré sa créance dans la procédure de la société AEJF ; que, le 7 juillet 2003, la banque a indiqué avoir contracté avec la seule société AEJF, les contrats n'ayant jamais été transférés, et a réclamé la rétrocession du prix en cas de vente des matériels par le commissaire-priseur ; que, par lettre du 9 juillet 2003, visant le jugement du 25 juin 2003, M. Z... a indiqué à la banque que leur prix de vente serait intégralement rétrocédé à leur réel propriétaire ; qu'ayant réclamé en vain l'attribution du prix à son profit à la suite de la réalisation de la vente, le 29 juillet 2003, la banque a, le 18 mars 2004, assigné M. Z..., en qualité de liquidateur de la société AEJF, en réclamation du prix de vente des matériels et en autorisation du commissaire-priseur à s'en dessaisir entre ses mains ; que, par jugement du 20 juillet 2005, le tribunal s'est déclaré incompétent au profit du juge-commissaire ; qu'en cause d'appel, le 14 janvier 2008, la banque a assigné en intervention forcée M. Z..., en qualité de liquidateur de la société JFM ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. Z..., ès qualités, fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable l'appel en intervention forcée de la société JFM en la personne de son liquidateur judiciaire à laquelle il a été procédé par la banque en cause d'appel, alors, selon le moyen, que l'évolution du litige impliquant la mise en cause d'un tiers devant la cour d'appel, n'est caractérisée que par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieure à celui-ci, modifiant les données juridiques du litige ; que la volonté exprimée par le juge d'être éclairé sur une question ne suffit pas à caractériser l'évolution du litige ; qu'en l'espèce, pour appeler pour la première fois en appel, en intervention forcée M. Z..., en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société J. X... mécanique, pour se réserver la possibilité de lui demander la restitution des matériels donnés en crédit-bail, détenus par cette société puis vendus dans le cadre de sa liquidation judiciaire, la société BNP soutenait que l'arrêt de la cour d'appel de Lyon en date du 21 juin 2007 ordonnant la réouverture des débats pour permettre aux parties de s'expliquer sur la recevabilité de la demande de la banque, contestée par M. Z... du fait que les matériels étaient détenus par la société J. X... mécanique, constituait un élément nouveau justifiant l'intervention, pour la première fois en cause d'appel, de M. Z... en cette qualité ; que dès lors en déclarant recevable cette intervention forcée lors même que, d'une part, M. Z... avait, déjà en première instance, fait connaître l'intégralité de ses moyens, y compris, ainsi que constaté par le tribunal, ceux fondés sur le fait que la société J. X... mécanique détenait les matériels litigieux, et sur la connaissance, non contestée par la cour d'appel, de cette situation par la société BNP, qui aurait donc dû revendiquer le matériel entre les mains de cette société, et que, d'autre part, l'arrêt attaqué constate lui-même l'existence d'une lettre de M. Z... du 9 juillet 2003, laquelle répondait à un courrier du 7 juillet 2003, produit par la BNP, dans lequel celle-ci prenait acte de la sous-location du matériel litigieux à la société J. X... mécanique, non à jour dans ses paiements depuis le mois de décembre 2001, ainsi que de leur mise en vente par M. Z..., ès qualités, tout en rappelant que les contrats de crédit-bail n'avaient pas été transférés, la cour d'appel, qui n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales, a violé l'article 555 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que, postérieurement à la clôture des débats devant le tribunal, la question de savoir pour le compte de qui avaient été vendus les matériels appartenant à la banque avait été examinée, que les éléments fournis par M. Z..., ès qualités, ne permettaient toujours pas d'établir avec certitude que ceux-ci avaient été vendus pour le compte de la société JFM plutôt que pour la société AEJF et qu'enfin l'ordonnance du juge-commissaire autorisant cette vente n'était toujours pas produite, la cour d'appel, caractérisant ainsi une modification des données juridiques du litige sur un point non connu par la banque avant la clôture des débats devant le tribunal, en a exactement déduit que cette évolution du litige rendait recevable l'intervention forcée à laquelle il a été procédé ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que M. Z..., ès qualités, fait grief à l'arrêt d'avoir dit que la banque dispose à son égard, en qualité de liquidateur de la société AEJF, d'une créance d'un montant de 63 131, 70 euros entrant dans les prévisions de l'article L. 621-32 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, alors, selon le moyen, que l'action en revendication régie par les articles L. 621-115 à L. 621-124 du code de commerce (dans leur ancienne rédaction) est réservée au propriétaire d'une chose détenue par le débiteur en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire, de sorte que le crédit-bailleur qui a connaissance du dépôt de ses biens chez un tiers placé en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire, doit revendiquer le matériel auprès de ce dernier, dans le délai imposé par la loi ; qu'en l'espèce, pour retenir que la société BNP bénéficiait à l'encontre de la société Anciens Etablissements X..., d'une créance obéissant au régime des créances nées postérieurement au jugement d'ouverture, correspondant au prix de vente des matériels litigieux, la cour d'appel a estimé que M. Z..., ès qualités, avait, dans le courrier du 9 juillet 2003, contracté l'engagement pur et simple de rétrocéder le prix de vente de ces matériels à leur véritable propriétaire, du fait qu'il avait fautivement sciemment fait vendre, dans le cadre d'une autre liquidation judiciaire, le bien de la société BNP qui avait fait l'objet d'une demande de restitution ; qu'en statuant ainsi sans expliquer, comme elle y était invitée par les conclusions d'appel de M. Z..., ès qualités, en quoi était fautive la vente de matériels dont la restitution n'avait pas été régulièrement demandée par le propriétaire, dans le cadre de la liquidation judiciaire du détenteur de ces matériels, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-32 du code de commerce (dans son ancienne rédaction) ;
Mais attendu que l'arrêt constate que M. Z..., en qualité de liquidateur de la société AEJF, qui a été régulièrement saisi par la banque, propriétaire des matériels, d'une demande de restitution, a laissé se réaliser leur vente allant jusqu'à prendre l'engagement en des termes clairs et précis le 9 juillet 2003 qu'elle en percevrait le prix ; qu'ayant retenu que si la banque ne pouvait prétendre à la restitution directe du prix de vente détenu par le commissaire-priseur, elle disposait néanmoins à l'égard du liquidateur de la société AEJF d'une créance résultant à la fois de l'engagement pris le 9 juillet 2003 et du comportement fautif de celui-ci qui a fait vendre sciemment le bien d'autrui dans le cadre d'une autre liquidation judiciaire, l'arrêt en déduit que cette créance, évaluée au prix des matériels vendus, étant née régulièrement après le jugement d'ouverture de la procédure collective de la société AEJF entre dans les prévision de l'ancien article L. 621-32 du code de commerce ; qu'ayant ainsi fait ressortir le comportement fautif du liquidateur à l'origine de la créance de réparation née régulièrement après le jugement d'ouverture, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.