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Décisions

ADLC, 9 septembre 2021, n° 21-D-21

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport routier de marchandises

ADLC n° 21-D-21

9 septembre 2021

L’Autorité de la concurrence (commission permanente),

Vu la lettre du 9 août 2017, enregistrée sous le numéro 17/0199 F, par laquelle le ministre de l’économie et des finances a saisi l’Autorité de la concurrence de pratiques mises en œuvre dans le secteur des bourses de fret de transport routier ;

Vu l’article 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ; Vu le livre IV du code de commerce, et notamment son article L. 420-1 ;

Vu la décision du 19 novembre 2020 par laquelle la présidente de l’Autorité de la concurrence a désigné M. Savinien Grignon-Dumoulin, membre, pour compléter le quorum et examiner l’affaire enregistrée sous le numéro 17/0199 F lors de la commission permanente du 17 décembre 2020 ;

Vu les décisions de secret d'affaires n° 18-DSA-234 du 06 août 2018, n° 18-DSA-244 du 06 août 2018, n° 18-DSA-245 du 06 août 2018, n° 18-DSA-246 du 06 août 2018, n° 18-DSA-398 du 20 novembre 2018, n° 19-DSA-078 du 07 mars 2019, n° 19-DSA-129 du 26 avril 2019, n° 19-DEC-309 du 06 septembre 2019, n° 19-DEC-310 du 06 septembre 2019, n° 19-DEC-522 du 25 septembre 2019, n° 19-DEC-524 du 25 septembre 2019, n° 19-DSA-699 du 04 décembre 2019, n° 20-DSA-077 du 10 février 2020, n° 20-DSA-124 du 20 février 2020, n° 20-DSA-125 du 20 février 2020, n° 20-DEC-259 du 04 juin 2020, n° 20-DEC-295 du 18 juin 2020, n° 20-DSA-337 du 29 juin 2020, n° 20-DSA-538 du 04 novembre 2020, n° 20-DSA-547 du 09 novembre 2020 ;

Vu les observations présentées par les sociétés Bourse Premium Professionnel, Holding Premium Professionnel, Evolutrans, Association des transporteurs européens, Association France Lots Organisation, Tred Union, Groupement d’Achats et de Services des Transports Routiers, le syndicat Union Nationale des Organisations Syndicales des Transporteurs Routiers Automobiles, le syndicat Organisation des Transporteurs Routiers Européens et le commissaire du Gouvernement ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Les rapporteurs, le rapporteur général adjoint, les représentants des sociétés Bourse Premium Professionnel, Holding Premium Professionnel, Evolutrans, Association des transporteurs européens, Association France Lots Organisation, Tred Union, du syndicat Union Nationale des Organisations Syndicales des Transporteurs Routiers Automobiles, Groupement d’Achats et de Services des Transports Routiers et Organisation des Transporteurs RoutiersEuropéens et le commissaire du Gouvernement entendus lors de la séance de l’Autorité de la concurrence du 17 décembre 2020 ;

Adopte la décision suivante :

Résumé1

L’Autorité de la concurrence sanctionne les sociétés Holding Premium Professionnel (ci-après, « H2P ») et Bourse Premium Professionnel (ci-après, « B2PWeb »), les groupements de transporteurs Evolutrans, Association des transporteurs européens (ci-après, « Astre »), France Lots Organisation (ci-après, « Flo »), Tred Union et Groupement d’Achats et de Services des Transports (ci-après, « ASTR ») ainsi que les syndicats Union Nationale des Organisations Syndicales des Transporteurs Routiers Automobiles (ci-après, « UNOSTRA ») et Organisation des Transporteurs Routiers Européens (ci-après, « OTRE ») pour avoir, selon des modalités qui leur sont propres, participé à une infraction unique, complexe et continue visant à entraver le développement de nouveaux acteurs du numérique dans le secteur du transport routier de marchandises entre le 29 juillet 2016 et le 28 février 2018.

Le développement de nouveaux acteurs du numérique dans le secteur du transport routier de marchandises

De nouvelles plateformes numériques d’intermédiation, telles que Chronotruck, Everoad ou Fretlink, se sont récemment développées dans le secteur du transport routier de marchandises, permettant de mettre directement en relation les clients chargeurs avec des transporteurs, au travers d’une interface en ligne, en utilisant des méthodes de géolocalisation immédiate.

De même, des logiciels de traçabilité, tels que Shippeo, ont été développés afin de permettre de suivre et gérer des flottes auprès des chargeurs et transporteurs, sans intervenir dans leurs relations commerciales.

L’infraction unique, complexe et continue

Les pratiques ont d’abord consisté en la mise en place d’une stratégie, décidée en commun par les sociétés H2P et B2PWeb, par les groupements Evolutrans, Astre, Flo, Tred Union et ASTR, ainsi que par le syndicat UNOSTRA et, plus tardivement par l’OTRE, notamment lors de conseils de gouvernance de H2P, lors de réunions entre groupements ou encore lors d’échanges bilatéraux avec le président de H2P, et qui visait à limiter le développement des plateformes numériques d’intermédiation et du logiciel de traçabilité Shippeo.

Par la suite, chacun des groupements et syndicats professionnels ont transmis à leurs adhérents respectifs les consignes décidées entre les membres du conseil de gouvernance de H2P de ne pas collaborer avec les plateformes numériques d’intermédiation et les logiciels de traçabilité, de même que plusieurs notes rédigées par le président de H2P allant dans le même sens. Des publications en ce sens ont également eu lieu sur les sites internet ou intranet respectifs de ces groupements et syndicats ainsi que sur le site de la bourse de fret B2PWeb accessible à ses 10 000 membres.

Ces communications visaient à alerter les adhérents de ces groupements et syndicats sur les dangers allégués résultant de l’utilisation de ces plateformes et logiciels pour la profession et à les inciter à ne pas collaborer avec ces nouveaux acteurs du numérique.

Ces documents contenaient des affirmations comme : « LA SEULE SOLUTION : NE PAS COLLABORER AVEC CES PLATEFORMES : SANS CAMION ELLES NE PEUVENT

RIEN PROPOSER AUX CLIENTS ». Le groupement Tred Union est même allé jusqu’à diffuser une liste des plateformes avec lesquelles ses adhérents avaient interdiction de travailler.

Ces pratiques constatées, d’abord entre les membres du conseil de gouvernance d’H2P puis au sein de chaque organisation concernée, avaient la même nature et le même contenu, et convergeaient vers le même objectif : empêcher le développement de nouveaux acteurs du numérique dans le transport routier de marchandises. En outre, les différentes mesures prises par les participants aux pratiques s’articulaient entre elles et se renforçaient l’une l’autre, en multipliant les canaux de diffusion.

Le caractère anticoncurrentiel de ces pratiques

Les pratiques s’analysent comme des actions de boycott ou d’appels au boycott dirigées contre les plateformes numériques d’intermédiation et le logiciel de traçabilité Shippeo, et destinées à entraver leur développement dans le secteur du transport routier de marchandises. Elles constituent, par leur objet même, des infractions au droit de la concurrence au sens des articles 101, paragraphe 1, du TFUE et L. 420-1 du code de commerce.

Les sanctions de ces pratiques

Les pratiques de boycott et d’appels au boycott issues de l’infraction unique, complexe et continue revêtent une gravité particulière, d’autant plus qu’elles concernent un secteur en pleine évolution structurelle et visent à limiter la concurrence et l’innovation.

Ces pratiques ont limité les gains d’efficacité associés au développement des plateformes numériques d’intermédiation et logiciels de traçabilité, qu’il s’agisse d’une plus grande mise en concurrence des transporteurs, des taux de commission inférieurs perçus par ces plateformes ou de la réduction des retours à vide des transporteurs, source de coûts logistiques mais aussi environnementaux.

L’importance de ce dommage causé à l’économie a cependant été limitée, malgré la mise en œuvre des pratiques, car les nouveaux acteurs du numérique du secteur du transport routier de marchandises ont néanmoins connu une croissance marquée pendant la période concernée.

Prenant en compte le rôle particulier et déterminant des sociétés H2P et B2PWeb, mais aussi de l’UNOSTRA et de l’OTRE dans la mise en œuvre de l’infraction unique, complexe et continue, le fait que l’entreprise formée par H2P et B2PWeb constitue une entreprise mono-produit au sens du paragraphe 48 du communiqué sanctions, et, enfin, l’intensité et la durée de participation aux pratiques propre à chaque partie, l’Autorité de la concurrence a décidé d’infliger les sanctions pécuniaires suivantes :

- à la société Bourse Premium Professionnel solidairement avec la société Holding Premium Professionnel, une sanction de 350 000 euros ;

- à la société Evolutrans, une sanction de 27 000 euros ;

- à la société Association des transporteurs européens, une sanction de 50 000 euros ;

- à l’association France Lots Organisation, une sanction de 25 000 euros ;

- à la société Tred Union, une sanction de 28 000 euros ;

- à la société Groupement d’Achats et de Services des Transports Routiers, une sanction de 9 000 euros ;au syndicat Union Nationale des Organisations Syndicales des Transporteurs Routiers Automobiles, une sanction de 1 000 euros ;

-I. au syndicat Organisation des Transporteurs Routiers Européens, une sanction de 10 000 euros.

II. Constatations

A. RAPPEL DE LA PROCEDURE

1. Par une lettre du 9 août 2017, le ministre de l’économie et des finances a saisi l’Autorité de la concurrence, en application des dispositions de l’article L. 462-5 du code de commerce, de faits susceptibles de constituer des pratiques prohibées par les articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce et par les articles 101 et 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après, « TFUE »), dans le secteur des bourses de fret de transport routier.

2. Les services d’instruction ont mené des opérations de visite et saisie le 5 avril 2018 dans les locaux des entreprises Bourse Premium Professionnel (ci-après, « B2PWeb »), Holding Premium Professionnel (ci-après, « H2P »), Normandie Logistique et de l’organisation professionnelle Organisation des Transporteurs Routiers Européens (ci-après, « l’OTRE ») et au domicile de M. X..., après autorisation du juge des libertés et de la détention du TGI de Paris datée du 29 mars 2018, prise sur le fondement de l’article L. 450-4 du code de commerce, et autorisations des juges des libertés et de la détention des TGI d’Avignon2 et de Rouen3 rendues sur commission rogatoire.

3. En application des dispositions des articles L. 463-2 et suivants du code de commerce, une notification de griefs a été adressée le 29 octobre 2019 aux entités suivantes :

- B2PWeb ;

- H2P ;

- Evolutrans ;

- Association des transporteurs européens (ci-après, « Astre ») ;

- Association France Lots Organisation (ci-après, « Flo ») ;

- Tred Union ;

- Syndicat Union Nationale des Organisations Syndicales des Transporteurs Routiers Automobiles (ci-après, « UNOSTRA ») ;

- Groupement d’Achats et de Services des Transports Routiers (ci-après, « ASTR ») ; et

- Syndicat OTRE ; pour avoir pris part à une entente unique, complexe et continue dans le secteur du transport routier de marchandises, en violation des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce.

4. Le grief a été notifié aux entités précitées, en considération de l’étendue de leur responsabilité individuelle pour l’ensemble de l’infraction unique, complexe et continue et pour la période au cours de laquelle elles y ont pris part ou en ont eu connaissance.

B. E SECTEUR CONCERNE

1. LE SECTEUR DU TRANSPORT ROUTIER DE MARCHANDISES

5. Le transport routier de marchandises (ci-après, « TRM ») consiste en l’acheminement, par la route, de produits de diverses natures (biens manufacturés, produits agroalimentaires, matériaux de construction, etc.) et sous différentes formes (lot, vrac solide ou liquide, sous température dirigée, etc.). Le transport par la route est le mode d’acheminement de marchandises le plus utilisé puisqu’il représentait, en France, 87,1 % du trafic en tonnes-kilomètres en 20154.

6. Le secteur du transport routier de marchandises recouvre un ensemble d’activités très variées. Selon la Fédération Nationale des Transporteurs Routiers (ci-après, « FNTR »)5, on distingue habituellement plusieurs types de transports routiers :

- le transport longue distance pour le trafic national et international ;

- le transport moyenne distance correspondant aux trafics régionaux ;

- la livraison urbaine utilisant majoritairement des véhicules légers (moins de 7,5 tonnes) ;

- la messagerie, à savoir la livraison de petits colis ;

- l’express ou livraison rapide.

7. Les pratiques analysées ci-après relèvent du transport routier de marchandises. Le transport routier de marchandises concerne des lots complets ou semi-complets qui sont transportés directement d’un point à un autre sans rupture de charge. Un tel mode de transport n’exclut pas le transfert du fret d’un opérateur à un autre en cours de trajet, mais les lots transportés sont déchargés et chargés tels quels et ne font pas l’objet d’un tri supplémentaire.

8. En 2017, le secteur du transport routier de marchandises a généré en France un chiffre d’affaires de 47,6 milliards d’euros6.

9. L’activité du transport routier de marchandises est essentiellement centrée sur le territoire national, avec 90 % du transport routier de fret sous pavillon français (mesuré en tonnes/km) effectué exclusivement en son sein en 20157. En France, le secteur du transport routier de marchandises est très atomisé, avec environ 31 800 entreprises en 20178. Parmi ces entreprises, en 2017, environ 83 % étaient de très petites entreprises (ci-après, « TPE ») employant moins de 10 salariés. Depuis 2009, la tendance est toutefois à la concentration, 16,4 % des entreprises réalisant désormais 84 % du chiffre d’affaires global du secteur9.

10. Parmi les acteurs les plus importants en termes de chiffre d’affaires et de nombre de véhicules, figurent les grands groupes de transports généralistes, tels que XPO Logistics et Geodis10.

11. Ces transporteurs importants ont tous pour caractéristique d’avoir le statut de commissionnaire de transport (voir le paragraphe 17 ci-après), ce qui leur permet de gérer en leur nom le transport des biens de leurs clients. Ils ont ainsi la possibilité de proposer à leurs clients une offre globale pour l’ensemble de leurs besoins, en ayant ensuite éventuellement recours à des sous-traitants pour assurer tout ou partie des prestations de transport.

12. Par ailleurs, depuis les années 1960, des entreprises de taille limitée, et généralement actives sur un marché local, ont formé des groupements afin de pouvoir répondre à des commandes plus importantes, et couvrir un territoire plus large.

13. Ces groupements adoptent généralement le modèle coopératif, qui permet aux entreprises concernées de procéder à des achats en commun et à des transferts de fret entre elles. Chaque transporteur membre d’un groupement demeure une société indépendante.

14. Les principaux groupements de transporteurs généralistes actifs aujourd’hui en France sont Astre, ASTR, Tred Union, Flo et Evolutrans.

2. LES INTERMEDIAIRES DU TRANSPORT ROUTIER DE MARCHANDISES

15. Aucune entreprise de transport, quelle que soit sa taille, ne peut se permettre d’entretenir un réseau suffisamment dense de véhicules et de plateformes logistiques lui donnant la possibilité de relier une adresse à une autre en France de façon efficace.

16. Par conséquent, le transport routier de marchandises a vu se développer de très nombreux systèmes d’intermédiaires et de sous-traitance, qui s’interposent tout au long d’une chaîne logistique organisée au travers de multiples contrats. Au sein de cette chaîne contractuelle, quelques catégories majeures d’intermédiaires peuvent être identifiées. Il s’agit notamment des commissionnaires de transport (a) et des bourses de fret (b). Ces acteurs traditionnels ont récemment été rejoints par des plateformes numériques d’intermédiation, qui se caractérisent par un statut hybride (c).

a) Les commissionnaires de transport

17. Les commissionnaires de transport organisent et font exécuter, sous leur responsabilité et en leur propre nom, un transport de marchandises pour le compte de leur client. Ils ont généralement recours à un ou plusieurs transporteurs pour effectuer le transport demandé par leur client. Le commissionnaire prend, vis-à-vis de l’expéditeur, l’engagement d’assurer un transport de bout en bout et est ensuite responsable de la bonne exécution de la prestation entière.

18. Le commissionnaire de transport, lorsqu’il existe, est partie au contrat de transport, avec l’expéditeur, le transporteur et le destinataire. Ainsi, l’article L. 1432-2 du code des transports prévoit que :

« Tout contrat de transport public de marchandises précise :1° La nature et l'objet du transport ;

2° Les modalités d'exécution du service tant en ce qui concerne le transport proprement dit que les conditions d'enlèvement et de livraison des objets transportés ;

3° Les obligations respectives de l'expéditeur, du commissionnaire, du transporteur et du destinataire ;

4° Le prix du transport ainsi que celui des prestations accessoires prévues.»

19. De même, selon l'article L. 132-8 du code de commerce : « la lettre de voiture forme un contrat entre l'expéditeur, le voiturier et le destinataire, ou entre l'expéditeur, le destinataire, le commissionnaire et le voiturier. Le voiturier a ainsi une action directe en paiement de ses prestations à l'encontre de l'expéditeur et du destinataire, lesquels sont garants du paiement du prix du transport. Toute clause contraire est réputée non écrite ».

20. L’article L. 132-9 du code de commerce ajoute que le commissionnaire de transport est mentionné sur la lettre de voiture. Il est ainsi garant vis-à-vis du client final de l’arrivée des marchandises dans le délai imparti11 et des avaries ou pertes de marchandises, sauf stipulations contraires12.

21. La Cour de cassation a par ailleurs précisé que : « la commission de transport, convention par laquelle le commissionnaire s'engage envers le commettant à accomplir pour le compte de celui-ci les actes juridiques nécessaires au déplacement de la marchandise d'un lieu à un autre, se caractérise par la latitude laissée au commissionnaire d'organiser librement le transport par les voies et moyens de son choix, sous son nom et sous sa responsabilité, ainsi que par le fait que cette convention porte sur le transport de bout en bout »13.

b) Les bourses de fret

22. L’évolution des technologies informatiques et numériques a permis l’émergence de bourses de fret, qui sont des interfaces, ou plateforme bifaces, mettant en relation des chargeurs et/ou commissionnaires de transport avec des transporteurs via des places de marché en ligne. En 2017, ces bourses de fret captaient entre 10 % et 15 % du flux de transport de marchandises en France. Les adhérents transporteurs de ces bourses sont le plus souvent des entreprises de petite taille14.

23. Le schéma ci-après illustre les rapports entre les différents utilisateurs des bourses de fret.

Schéma n° 1 : fonctionnement des bourses de fret

schéma 1.jpg

24. Ces bourses de fret permettent à des transporteurs de devenir sous-traitants des commissionnaires de transport pour effectuer tout ou partie d’un transport donné. Elles jouent un rôle d’intermédiaire, sans pour autant intervenir dans la formation du prix, celui-ci étant déterminé par l’interaction entre l’affréteur et le transporteur. Comme indiqué par les représentants de la FNTR, « sur les bourses de fret, le transporteur propose son prix. Le client dépose une demande, sans prix, et les transporteurs font leurs propositions »15. L’intérêt principal d’avoir recours à une bourse de fret, pour un petit transporteur, est d’obtenir un complément de revenus et de limiter les coûts, en réduisant significativement les « retours à vide » de leurs camions. Les prix pratiqués sur les bourses de fret sont toutefois souvent relativement bas dès lors qu’il s’agit de revenus en opportunités générant peu de coûts additionnels.

25. Les grands transporteurs internationaux ont quant à eux, pour la plupart, développé des systèmes de bourse de fret internes, afin d’optimiser les trajets au sein du groupe. Ces systèmes internes sont parfois également connectés à des bourses de fret externes16.

26. Les principales bourses de fret externes actives en France ont un champ d’action paneuropéen (Timocom, Teleroute, Trans.eu) ou qui dépasse, à tout le moins, le territoire français (par exemple Wtransnet se concentre ainsi sur l’Europe du Sud). Seule la bourse B2PWeb, dont la particularité est d’avoir été créée à l’initiative de groupements de transporteurs et de grands groupes de transport français, se concentre sur le territoire national.

c) Les plateformes numériques d’intermédiation dans le secteur du transport routier de marchandises

Le mode de fonctionnement des plateformes numériques d’intermédiation dans le secteur du transport routier de marchandises

27. Les plateformes numériques d’intermédiation sont apparues en France, au cours de l’année 2016. Ces plateformes bifaces visent à mettre directement en relation les clients chargeurs avec des transporteurs au travers d’une interface en ligne, en utilisant des méthodes de géolocalisation immédiate.

28. Le schéma ci-après illustre les rapports entre les différents utilisateurs des plateformes numériques d’intermédiation.

Schéma n° 2 : fonctionnement des plateformes numériques d’intermédiation

schéma 2.jpg

29. Les trois principales plateformes d’intermédiation actives dans le transport routier de marchandises, au moment des pratiques, étaient Chronotruck, Fretlink et Everoad.

30. Ces trois opérateurs définissent leur activité de manière différente mais, en pratique, adoptent un mode de fonctionnement quasiment identique. Ainsi, lorsqu’un donneur d’ordre souhaite trouver un transporteur, il remplit une demande de transport en ligne, en renseignant les caractéristiques du fret transporté, le lieu de chargement, le lieu de livraison et les options éventuellement demandées. Le site enregistre la demande et détermine le prix de la prestation. Si le donneur d’ordre valide le prix global proposé, la demande est publiée.

31. Tous les transporteurs enregistrés sur la plateforme peuvent alors répondre à cette demande de transport. Dès qu’un transporteur confirme la commande, cela conduit à la conclusion d’un contrat de transport entre le donneur d’ordre et ce transporteur.

32. Les trois plateformes concernées fixent chacune le prix de la prestation, au moyen d’un algorithme propriétaire.

Le statut juridique et contractuel de ces plateformes

33. Malgré certaines divergences initiales en termes de modèle économique, les trois plateformes précitées semblent aujourd’hui faire converger leur cadre contractuel et se présentent désormais comme des commissionnaires de transport en ligne17.

34. Au jour de la notification des griefs, les plateformes numériques d’intermédiation dans le transport routier de marchandises intervenaient essentiellement pour des prestations dites « spot », c'est-à-dire des besoins ponctuels, ou pour des clients PME n’ayant recours aux transporteurs que pour des petits volumes18. Toutefois, l’ambition de ces nouveaux opérateurs était d’étendre leur activité au-delà du segment des lots occasionnels, afin de gérer les flux réguliers qui font l’objet de contrats-cadres entre clients chargeurs et commissionnaires de transport19.

35. Comme l’indique un article de la revue l’« Usine digitale » du 31 juillet 2018 traitant de la plateforme Everoad : « Si la plate-forme se concentrait au départ sur les contrats de transport ponctuel, Everoad "entre dans le marché de la prise en charge des flux de transport régulier" depuis janvier 2018, annonce M. 20… [fondateur et dirigeant de cette plateforme]. La start-up a obtenu le statut de commissionnaire de transport. Depuis six mois Everoad "est devenue une alternative aux plus grands transporteurs avec qui les groupes travaillent depuis plus de cinquante ans." Et la nouvelle venue se targue déjà de remporter toutes les semaines des contrats face à Gefco, Geodis ou Bolloré. Bonne nouvelle pour la jeune pousse puisque "le transport spot représente 15 % du transport de marchandise contre 85 % pour les flux réguliers", détaille M. 20…. Après six mois, "les transports réguliers de marchandise représentent 25 à 30 % du chiffre d'affaires", annonce son co-fondateur qui espère que cela "devienne 80 % du CA pour respecter les proportions du marché »20.

36. De même, la plateforme Fretlink a publié deux articles successifs sur son blog affirmant que le modèle de plateforme pure n’était pas adapté au secteur du transport routier de marchandises et se trouvait « dans l’impasse », et que le modèle d’avenir était celui du « commissionnaire de transport digital »21.

37. Par ailleurs, le modèle proposé par les plateformes numériques arrivées depuis 2016 dans le secteur a attiré l’attention d’acteurs plus anciens. Ainsi, Geodis a lancé en 2018 une plateforme « place de marché », intitulée Upply22 .

3. LE DEVELOPPEMENT DES TECHNOLOGIES NUMERIQUES DANS LE TRANSPORT ROUTIER DE MARCHANDISES

38. Le transport routier de marchandises est un secteur en pleine évolution technologique. Les transporteurs développent une meilleure traçabilité des livraisons, et cherchent à permettre à leurs clients de mieux gérer leurs plans de transport et leurs stocks.

39. La plupart des grands transporteurs ont aujourd’hui installé en interne des logiciels de « Transport Management System » ou système de gestion de transport 23 (ci-après, « TMS ») qui leur permettent de suivre leur flotte en temps réel, d’organiser leurs tournées de collecte et de livraison, de suivre un certain nombre d’indicateurs (délais de livraison, carburant, émissions de CO2, etc.) et d’échanger des documents avec les clients de façon dématérialisée.

40. Ces logiciels internes sont souvent combinés avec des outils d’informatique embarquée qui permettent à la fois de suivre les produits et les livraisons, mais également l’état du véhicule et le respect des règles de droit social s’agissant du temps de travail et du temps de pause par les conducteurs (chronotachygraphe notamment).

41. Par ailleurs, les grands groupes de transport utilisent de plus en plus souvent des technologies de suivi du positionnement du véhicule par satellite (« geotracking »)24 qui pourraient évoluer vers le suivi de l’approche du véhicule vers la zone de livraison (« geofencing »)25. En outre, avec le développement des technologies relevant de l’Internet des objets26, le suivi pourra avoir lieu lot par lot, ce qui pourrait permettre aux grands donneurs d’ordres de gérer leurs stocks en temps réel, voire de manière prédictive.

42. Ce type d’installation est généralement très coûteux et n’est donc pas accessible à des entreprises de taille petite ou moyenne. Il existe, toutefois, des solutions d’accès par abonnement (ou SaaS – « Software as a Service ») qui permettent aux PME d’éviter des coûts fixes initiaux importants.

43. Afin de permettre aux transporteurs de mettre en œuvre une véritable dématérialisation des documents de transport, certaines sociétés, notamment Dashdoc et Shippeo, ont développé des solutions collaboratives reliant chargeurs et transporteurs. Ces opérateurs ne sont pas des plateformes numériques d’intermédiation mais des éditeurs de logiciels proposant uniquement des solutions technologiques de suivi et de gestion de flottes, qui n’interviennent pas dans les relations commerciales entre chargeurs et transporteurs.

44. Les bourses de fret proposent également parfois des services semblables aux professionnels du transport et des chargeurs. C’est le cas de B2PWeb, avec « GedTrans », qui est un service de dématérialisation des documents de transport, et « GedMouv », qui est un service de suivi en ligne et en temps réel des livraisons.

45. Le schéma ci-après illustre les rapports entre ces logiciels et les acteurs du secteur du transport routier de marchandises.

Schéma n° 3 : fonctionnement des logiciels de traçabilité dans le transport routier de marchandises

schéma 3.jpg

C. LES ACTEURS CONCERNES

46. Seront successivement présentés les structures communes que sont les sociétés H2P et B2PWeb (1), les groupements membres du conseil de gouvernance de H2P (2) et les syndicats professionnels participant à ces conseils de gouvernance (3).

1. B2PWEB ET H2P

47. Bourse Premium Professionnel, dont le nom commercial est B2PWeb, est une bourse de fret mettant en relation des professionnels du transport, transporteurs et commissionnaires de transport27.

48. B2PWeb utilise une interface permettant la recherche des offres et des véhicules disponibles, accompagnée d’applications permettant le calcul du temps de trajet et des coûts d’essence et de péage. Les offreurs de fret fixent les conditions commerciales, et non la plateforme.

49. Selon les déclarations de l’entreprise, la bourse B2PWeb comptait, en 2019, environ 10 000 entreprises membres28 et employait 48 salariés. En 2018, elle a réalisé un chiffre d’affaires d’environ 9,2 millions d’euros29.

50. B2PWeb est détenue à environ 96 % par la société H2P30, elle-même détenue par de grands groupes de transport, des entreprises de taille intermédiaires et des groupements de transporteurs tels qu’Astre, Evolutrans, Flo et Tred Union.

51. Cette société organise régulièrement un « conseil de gouvernance », présidé par M. X..., son Président, et M. A..., son directeur général (ce dernier étant également adhérent et représentant du groupement Evolutrans au sein des instances de H2P), qui est « le conseil d’administration de H2P »31. H2P a précisé la composition de ce conseil de gouvernance lors de son audition : « Les statuts prévoient deux collèges au sein du conseil de gouvernance. Un premier collège est constitué du Président élu, d’un directeur général désigné par le conseil de gouvernance et de membres de droit. Ces membres de droit sont les 4 fédérations professionnelles, la FNTR, l’OTRE, TLF [Transport et Logistique de France], Unostra, et les 4 groupements que sont Astre, Evolutrans, Flo et Tred Union. Le deuxième collège est constitué pour avoir un conseil de gouvernance le plus représentatif : les statuts prévoient la possibilité de désigner des membres complémentaires considérés comme des personnes qualifiées apportant leur expérience. A ce jour, dans ce deuxième collège, il y a M. Z... du groupe Rave, M. B..., et le groupement Astr, que nous appelons ASTR 49 pour le distinguer de Astre (le siège de ASTR est à Angers, d’où leur nom ASTR 49). Seules les 4 fédérations ne sont pas actionnaires. »32.

52. Concernant plus particulièrement le statut des fédérations professionnelles au sein du conseil de gouvernance de H2P, l’OTRE a précisé en audition : « L’OTRE n’est pas administrateur au sein du conseil de gouvernance de H2P et n’a pas de voix délibérative. L’OTRE est invitée au titre de son expertise dans le secteur, au même titre que les autres organisations professionnelles représentatives. L’OTRE n’a pas non plus de voix à l’assemblée générale de H2P »33.

53. Le dirigeant de B2PWeb, M. Y..., participe également au conseil de gouvernance de H2P en tant qu’invité sans droit de vote34.

54. Lors de son audition, M X... a indiqué que « La relation entre H2P et B2P est une relation classique de société mère à filiale : une société d’environ 40 personnes se doit d’être dirigée par un directeur général qui agit de A à Z dans la gestion quotidienne de la société. Les orientations stratégiques (budget, surveillance financière, comptes rendus périodiques etc.) sont données par la société mère H2P, et donc par moi-même en ma qualité de président d’H2P »35.

55. Depuis 201536, B2PWeb propose également aux professionnels du transport adhérents à la bourse de fret un service de dématérialisation des documents de transport (« Gedtrans ») et un service de suivi en ligne et en temps réel des livraisons (« Gedmouv »).

56. Le service Gedmouv permet ainsi à chaque acteur (commissionnaire, transporteur, chargeur) d’échanger des données facilement et en temps réel, à chaque étape de la livraison, avec le reste de la chaîne de transport. Ce service permet en particulier d’optimiser le suivi des livraisons en offrant une garantie de suivi aux clients (validation des étapes de livraison, photo de l’émargé avec géolocalisation du lieu…) et en assurant une remontée immédiate et centralisée des preuves de livraison.

57. e service Gedtrans est une plateforme de gestion documentaire qui mutualise la collecte, le contrôle et le suivi des documents légaux (Kbis, licence de transport, attestations de vigilance, certifications, assurances …) tout au long du transport.

58. Ces deux produits sont distribués par B2PWeb mais sont toutefois développés par une filiale distincte de H2P, Services Premium Professionnel (« S2P Web »).

2. LES GROUPEMENTS MEMBRES

a) Astre

59. Le groupement Astre se structure principalement autour de la société coopérative Association des transporteurs européens (ci-après, « Astre coopérative » ou « Astre »), créée en 1992 et dont le siège se situe au Plessis-Pâté (91). Il compte un peu plus de 140 adhérents, dont la majorité est située en France, et le reste en Europe37.

60. M. C..., qui dirige ce groupement, a précisé, lors de son audition, le rôle d’Astre coopérative

: « La vocation est d'apporter des services aux entreprises adhérentes : achats et référencements (90 protocoles signés avec des fournisseurs), outils de communication interne et externe, Astre académie (e-learning, formations), Astre Finances pour le contrôle de gestion et le suivi de la santé financière »38.

61. En 1998, Astre a créé la société par actions simplifiée Astre Commercial qui « a vocation à répondre aux appels d'offres des grands comptes (dossiers classiques), à facturer pour le compte d'un adhérent un chargeur afin d'éviter des conditions de dépendance (dossiers hébergés), et surtout à proposer le produit Palet System »39. Astre détient 19,97 % du capital de la société Astre Commercial.

62. En 2017, Astre coopérative a réalisé un chiffre d’affaires de 5,6 millions d’euros40 et Astre Commercial a réalisé un chiffre d’affaires de 75,2 millions d’euros41. Ses adhérents, les « astriens », comme se désignent les membres de la coopérative, représentaient quant à eux un chiffre d’affaires européen de 2,7 milliards d’euros en janvier 2017. Avec plus de 382 implantations situées dans 12 pays de l’Union européenne, Astre se présente comme le premier groupement européen de transport et de logistique42.

b) ASTR

63. Le Groupement d’Achats et de Services des Transports Routiers est une société par actions simplifiée, qui est détenue par 715 transporteurs43, et dont le siège se situe à Angers (49).

64. Ce groupement joue notamment le rôle de centrale d’achats en permettant à ses adhérents de bénéficier de meilleures conditions de marché auprès de fournisseurs.

65. En 2017, ASTR a réalisé un chiffre d’affaires de 636 600 euros44.

c) Evolutrans

66. Evolutrans est une société par actions simplifiée dont le siège se situe à Saint-Quentin-Fallavier (38). Ce groupement comptait, en 2018, 86 entreprises de transports, essentiellement des PME allant de 15 à 300 salariés45.

67. M. D... préside Evolutrans mais M. A..., qui est un adhérent et membre du comité de direction de ce groupement ainsi que le directeur général de H2P, a souvent représenté ce groupement, notamment lors des réunions du conseil de gouvernance de H2P (voir paragraphes 89 et suivants ci-après).

68. Evolutrans intervient principalement comme fournisseur de services pour ses adhérents, en particulier via le référencement de fournisseurs.

69. En revanche, Evolutrans n’a pas d’activité commerciale propre. Elle a développé un réseau commercial au travers de sociétés distinctes dont elle est co-actionnaire avec ses membres46 : la SAS Volupal (réseau de distribution de 1 à 6 palettes) et la SAS Volulot (quantités de 7 à 12 palettes et longueurs).

70. La principale ressource d’Evolutrans provient des cotisations de ses adhérents. En 2016, Evolutrans a réalisé un chiffre d’affaires de 3 millions d’euros47.

d) Flo

71. Le groupement France Lots Organisation est une association, créée en 1993, qui relève de la loi du 1er juillet 1901. Flo regroupe 110 adhérents dans les différents secteurs du transport routier.

72. M. E... préside le groupement Flo mais M. F..., un administrateur du groupement, a représenté le groupement à plusieurs occasions, notamment lors des réunions du conseil de gouvernance de H2P48.

73. Les ressources annuelles du groupement sont composées essentiellement des cotisations et droits d’entrée pour un montant d’environ 1,5 million d’euros49.

74. L’association a par ailleurs créé une société par actions simplifiée dénommée « Plateforme Flo palettes » dont le siège se situe à Bruges (33). Sur son site Internet, Flo indique que la société Plateforme Flo palettes a réalisé un chiffre d’affaires de 15,6 millions d’euros en 201750.

e) Tred Union

75. Tred Union est une société par actions simplifiée, dont le siège se situe à Colmar (68).

76. Ce groupement a pour principale fonction d’intervenir comme groupement d’achat, au bénéfice de ses adhérents. Tred Union peut également intervenir en soutien pour des questions techniques, administratives ou juridiques51. Il n’a pas d’activité commerciale propre et n’a pas non plus de service de réponse groupée aux appels d’offres.

77. Tred Union compte environ 60 adhérents52 et a réalisé un chiffre d’affaires de 3,1 millions d’euros en 201753.

3. LES SYNDICATS PARTICIPANTS

a) L’OTRE

78. L’Organisation des Transporteurs Routiers Européens est un syndicat professionnel fondé en 2000. Il est composé d’entités régionales et d’organisations sectorielles : la Fédération Nationale des Artisans Ambulanciers (« FNAA »), la Fédération Nationale des Ambulanciers Privés (« FNAP ») et la Fédération Nationale du Transport Sanitaire (« FNTS ») pour le transport routier sanitaire, ainsi que la Chambre Syndicale Nationale des Entreprises de Remise et de Tourisme (« CSNERT ») pour le transport routier public particulier de personnes (ci-après, « VTC »). L’OTRE est organisée comme une fédération et se présente comme telle. Elle sera donc indifféremment dénommée « OTRE » ou « fédération OTRE » par la suite.

79. L’OTRE se concentre sur la défense des PME de transport à capitaux patrimoniaux, dirigées par le chef d’entreprise. L’OTRE est également une organisation patronale reconnue comme représentative par les pouvoirs publics et participe donc, à ce titre, aux négociations salariales de la branche.

80. L’OTRE compte environ 3 000 adhérents. Toutefois, comme indiqué par ses représentants, « L’OTRE n’a pas d’adhérent direct, les entreprises sont adhérentes à des entités indépendantes territoriales ou sectorielles qui sont elles-mêmes adhérentes à l’OTRE »54.

81. L’OTRE est une organisation syndicale représentative depuis 201755.

b) L’UNOSTRA

82. L’Union Nationale des Organisations Syndicales des Transporteurs Routiers Automobiles est une organisation patronale dédiée aux petites entreprises du transport routier56. C’est un syndicat composé de plusieurs fédérations régionales. L’UNOSTRA est à ce titre souvent qualifiée de « fédération » et se présente comme telle. Elle sera donc indifféremment dénommée « UNOSTRA » ou « fédération UNOSTRA » par la suite.

83. L’UNOSTRA est également présente en outre-mer. Elle compte entre 200 et 250 adhérents.

84. L’UNOSTRA est adhérente à la FNTR, la principale organisation professionnelle du secteur.

85. Cette organisation patronale n’est toutefois plus représentative au niveau national au sens de l’article L. 2152-1 du code de travail depuis 201757.

4. L’ALLIANCE

86. L’Alliance professionnelle du transport routier (ci-après « l’Alliance ») est une association, enregistrée en mai 2013, qui relève de la loi du 1ᵉʳ juillet 1901.

87. L’Alliance regroupe les principaux groupements de transporteurs (Astre, Evolutrans, Flo, Tred Union, France Benne58). Son objectif est essentiellement de représenter les intérêts des groupements de transporteurs vis-à-vis des pouvoirs publics.

88. Son siège est situé au siège social de France Groupements, une autre association visant à encourager et accompagner la création de groupements par des entreprises de transport.

D. LES PRATIQUES CONSTATEES

89. Il ressort des éléments du dossier qu’à compter du mois de juillet 2016, H2P et B2PWeb ainsi que plusieurs membres du conseil de gouvernance de H2P ont mis en œuvre un ensemble d’actions et relayé aux groupements et fédérations ainsi qu’à leurs adhérents des communications qui visaient à limiter le développement de nouveaux acteurs du numérique proposant des services en lien avec la réalisation ou l’optimisation de la gestion des transports dans le transport routier de marchandises.

90. Les actions ciblaient tout d’abord les nouvelles plateformes numériques qui se sont récemment développées dans le secteur du transport routier de marchandises, afin de permettre de mettre directement en relation les clients chargeurs avec des transporteurs, au travers d’une interface en ligne, en utilisant des méthodes de géolocalisation immédiate.

91. Puis, à partir de l’année 2017, une partie des actions et communications a porté sur la situation particulière du logiciel de traçabilité Shippeo, qui permet de suivre et gérer des flottes auprès des chargeurs et transporteurs, sans intervenir dans leurs relations commerciales. Le logiciel Shippeo était en effet considéré comme un concurrent direct de certaines solutions proposées par B2PWeb à ses adhérents (1).

92. La fédération de transporteurs OTRE a, en parallèle et indépendamment, mis en œuvre des actions et communications similaires visant à limiter le développement des nouveaux acteurs du secteur du transport routier de marchandises à la fin de l’année 2016 (2).

93. À compter du mois de janvier 2017, H2P et B2PWeb, d’une part, et OTRE, d’autre part, se sont rapprochées et ont communiqué entre elles, ainsi qu’à leurs adhérents, leurs positions et argumentaires respectifs s’agissant des nouveaux acteurs du secteur du transport routier de marchandises. L’OTRE a alors pleinement souscrit aux actions menées par H2P et B2PWeb afin de lutter en commun et plus efficacement contre les plateformes numériques et fournisseurs de logiciels de traçage (3).

1. LES ACTIONS MISES EN ŒUVRE PAR H2P, B2PWEB ET PLUSIEURS MEMBRES DU CONSEIL DE GOUVERNANCE DE H2P

a) L’élaboration d’une stratégie vis-à-vis des plateformes numériques d’intermédiation

94. À partir de l’été 2016, les dirigeants de H2P et B2PWeb ont décidé de mettre en place une stratégie de blocage vis-à-vis des plateformes numériques émergentes dans le secteur du transport routier de marchandises. Ils ont par ailleurs échangé à ce sujet avec les groupements Evolutrans, Astre et Flo, durant l’été puis à l’automne 2016.

La mise en place d’une stratégie défensive par H2P et B2PWeb

95. Le 24 juillet 2016, M. X... (H2P) a envoyé un courriel à M. A... (à la fois directeur général de H2P, adhérent et représentant du groupement Evolutrans59), et à M. Y... (B2PWeb), en leur indiquant qu’« K..., FNTR BRETAGNE et L…, FNTR NORMANDIE, nous interrogent sur FRETLINK [une plateforme numérique d’intermédiation]. Je pense qu’il nous faut répondre. Deux solutions : une réponse laconique, courte qui pourrait laisser penser que nous négligeons ces risques de concurrence ou une réponse plus construite avec objectif de barrer la route professionnelle à ces envahisseurs. Ci-joint une note que j’ai rédigée ces jours-ci à cet effet »60.

96. D’après M. X... (H2P), interrogé en audition, la note ci-dessus évoquée, « qui s’appelle « ces plateformes qui poussent comme des champignons » pose beaucoup de questions et constitue un cri d’alarme auprès des professionnels du transport »61. La note souligne, en particulier, l’existence d’un « véritable danger pour l’ensemble des acteurs du transport, les transporteurs en particulier, à mettre le doigt dans ce genre d’organisation on s’y faisant référencé (sic) »62.

97. Le 29 juillet 2016, M. X... (H2P) écrit de nouveau à M. A... (H2P et Evolutrans) et M. Y... (B2PWeb) en leur indiquant que la seconde option a été privilégiée. Ce courriel prévoit par ailleurs des actions à mener pour « attirer l’attention des transporteurs sur le DANGER de donner suite aux propositions des plateformes »63. Les actions ainsi prévues sont les suivantes : « -Benoit de son côté prend les mesures pour conforter le produit B2P/GEDTRANS par un produit Traçabilité.de mon côté en tant que président d’H2P J’adresse aux membres du CG [conseil de gouvernance] ma note de réflexions [du 24 juillet 2016, précitée] en attirant leur attention sur le danger que nous percevons, outre pour l’avenir de notre bourse de fret, d’une désorganisation totale de notre profession dans le mauvais sens, avec perte pour les entreprises de leur fonds de commerce et une baisse générale des prix….

– du côté des professionnels, groupements en tête, démarche auprès des adhérents de groupements pour leur faire prendre la mesure du danger les concernant et les incitant à refuser les approches. (….)

Denis prenait contact dès ce matin avec son Président D... [président du groupement Evolutrans] en l’incitant à se rapprocher de ses confrères présidents des autres groupements. Mon mail aux membres du CG [Conseil de Gouvernance] avec la note en annexe va dans le même sens ; je prépare un résumé de ma note plus court et accrocheur pour faciliter la diffusion rapide »64.

98. M. X... (H2P) a confirmé en audition, conformément à ce qui est indiqué dans le courriel ci- avant, avoir envoyé une note aux membres du conseil de gouvernance de H2P « avant de partir en vacances fin juillet 2016 »65.

99. Toujours le 29 juillet 2016, M. D..., le Président d’Evolutrans, a adressé un courriel à l’ensemble des adhérents concernant les propositions faites par la société Presta Trans et intitulé « Attention danger »66 (voir paragraphe 109 ci-après).

100. Le même jour, M. A..., DG de H2P, adhérent et représentant du groupement Evolutrans, a retransmis ce courriel à l’Alliance, ainsi qu’à plusieurs transporteurs dont certains sont également des représentants de groupements de transporteurs, tels que

M. E..., président du groupement Flo, M. C…, président du groupement Astre, et M. G…, président du groupement Tred Union, avec les remarques suivantes : « Ci-dessous, le message que nous avons envoyé à nos adhérents. Il est urgent de sensibiliser nos confères sur le danger que représente ce type de start-up qui une fois le fichier transporteurs bien fourni va aller démarcher nos clients pour leur proposer les milliers de camions potentiels que nous représentons.

Et se commissionner sur notre dos une fois devenu (sic) incontournables ! Attention danger.

Si quelqu’un peut router aux fédés afin qu’elles sensibilisent leurs adhérents. »67.

101. Ainsi, les groupements Astre, Flo et Tred Union, qui sont également membres du conseil de gouvernance de H2P, ont reçu ce courriel le 29 juillet 201668.

102. Toujours le 29 juillet 2016, M. Y... (B2PWeb) a retransféré aux équipes internes de B2PWeb cette chaîne de courriels, en demandant de ne pas répondre aux sollicitations de la société Presta Trans et en appelant leur attention sur le danger que représente ce type de start-up pour la profession, avec la précision suivante : « Vous prendrez connaissance ci-dessous et ci-joint de ce courrier parti ce jour. Une seconde lettre plus précise et très documentée partira d’ici 8 jours aux syndicats professionnels et aux groupements pour diffusion »69. En réponse, M. M..., le directeur des ventes chez B2PWeb, écrit à M. Y... pour lui faire remarquer que « Catherine (ASTR) »70 n’a pas été mise « dans la boucle »71. M. Y... lui répond alors de le faire : « vas-y fais le »72.

103. Le 25 août 2016, M. X... (H2P) indique par courriel à M. Y... (B2PWeb) avec M. A... (H2P et Evolutrans) en copie, qu’« il vous appartient dans vos fonctions de faire en sorte et démontrer que le produit B2PWeb est en permanence (sic) évolution et au niveau souhaité par les professionnels ; moi-même et Dénis (sic) allons devoir faire en sorte de réveiller la profession sur le sujet afin qu’elle organise d’elle-même sa riposte. Ainsi, notre communication pourrait être de deux ordres en continuité de ce que nous avons initié avant l’été : - COM Produit : Mise en avant des améliorations des produits et des nouvelles fonctionnalités. - COM Professionnelle à parfaire : Lettre aux professionnels , éventuel (sic) interview avec BB aux UE FLO, entretiens avec les Groupements et les OP pour le (sic) convaincre d’agir »73.

104. Le 19 octobre 2016, lors d’un conseil de gouvernance de H2P, en présence notamment de représentants de la société B2PWeb (M. Y...), des groupements Evolutrans (M. A...), Flo (M. B...), Tred Union (M. X...), et des fédérations OTRE (Mme J..., présidente), UNOSTRA (M. N...), les dirigeants de H2P (M. X... et M. A...) ont à nouveau présenté aux membres présents leur analyse concernant les plateformes numériques d’intermédiation.

105. M. X... (H2P) y a notamment indiqué qu’« il considère qu’il est nécessaire que les professionnels aidés de leurs Fédérations et groupements prennent des positions claires afin qu’il soit mis en place un « lobbying anti plateformes » dynamique ».

106. M. A... (H2P et Evolutrans) a ajouté qu’« il considère que la meilleure méthode consiste à faire en sorte que les professionnels, conscients du danger, refusent toute collaboration avec lesdites plateformes »74.

Les contacts entre H2P et certains groupements de transports membres du conseil de gouvernance de H2P

107. Il ressort des éléments du dossier que durant l’été et l’automne 2016, les dirigeants de H2P et B2PWeb ont eu plusieurs contacts avec certains membres du conseil de gouvernance de H2P, en vue de mettre en place une communication incitant les transporteurs à ne pas avoir recours aux services des nouveaux acteurs du numérique. Ces contacts ont été suivis par la diffusion de messages aux adhérents de ces groupements.

Les contacts entre H2P et les représentants du groupement Evolutrans

108. Plusieurs documents du groupement Evolutrans montrent que la note de M. X... (H2P) a été transmise à ce groupement et a fait l’objet de discussions en interne dès la fin du mois de juillet 2016.

109. En effet, comme indiqué ci-avant au paragraphe 99, le 29 juillet 2016, M. D..., le Président d’Evolutrans, a adressé un courriel à l’ensemble des adhérents concernant les propositions faites par la société Presta Trans et intitulé « ATTENTION DANGER »75. Dans ce message, le comité de direction d’Evolutrans (ci-après, « CDE ») reprend la position formulée par le conseil de gouvernance de H2P et demande aux adhérents « si possible (…) d’adopter une position solidaire en ne répondant pas à la proposition de Presta Trans », qui est un site de mise en relation entre expéditeurs et transporteurs76, au motif qu’« à l’heure actuelle la société Presta Trans est inconnue de tous »77. M. D..., tout en reconnaissant la liberté de décision de chaque adhérent, leur conseille toutefois « pour l’instant de ne pas répondre à cette sollicitation »78.

Les contacts entre H2P et les représentants d’Astre

110. Plusieurs documents du groupement Astre montrent que la note de M. X... (H2P) a été transmise à ses représentants dès la fin du mois de juillet 2016 et a fait l’objet de discussions en interne dès le début du mois de septembre 2016.

111. Le 2 septembre 2016, lors d’une réunion interne du groupement Astre sur « la révolution des plateformes digitales dans le transport », les participants ont discuté de la note de M. X... (H2P). Le compte-rendu évoque en effet : « Lettre de X... (fin juillet 2016) : continuer de faire évoluer les outils B2P pour apporter encore plus de services au client. Il compte faire face aux nouvelles PF avec ces nouvelles fonctionnalités. Pour lui, les transporteurs ne doivent pas s’inscrire sur ces PF, ce qui tuera les différents projets. Les conséquences de ces nouvelles PF sont extrêmement néfastes pour la profession et source d’appauvrissement »79.

112. Le compte-rendu de cette réunion précise également que « l’objectif premier est donc de ne pas participer aux PF d’échanges pour bloquer leur évolution ; il est convenu que le message sera passé chez Astre le plus rapidement possible. Mais il s’agit uniquement de freiner le mouvement étant entendu que la montée des eaux sera impossible à contrer et que nous devons mettre à profit ce temps gagné pour trouver une riposte »80.

113. M. C…, Président du groupement Astre, a transmis ce compte-rendu à M. X... (H2P), qui lui a, en retour, communiqué ses commentaires, dans un courriel du 6 octobre 2016 : « nos commentaires sont partagés entre denis (sic) A..., Y... et moi-même (…). Quand tu les auras lus, sois aimable de me dire si tu acceptes que je fasse suivre dans un premier temps aux Présidents des groupements FLO, EVOLUTRANS et TRED UNION »81, ce que M. C… a refusé, dans un courriel du 15 octobre 2016, « je te demanderai de ne pas divulguer la partie qui nous concerne ; tu peux reprendre et commenter l’esprit de nos positions sans rentrer dans les détails ; préalablement à toute diffusion, je voudrais bien connaitre la position des autres groupements sur le sujet »82.

114. Interrogé sur le compte-rendu de la réunion du 2 septembre 2016, M. C… (Astre) a déclaré que « le message était de bloquer, non pas juste pour bloquer, mais pour attendre pour y voir plus clair. On devait réfléchir à l’utilisation des données pour voir avec notre DSI. Je l’ai repris dans un édito qui était sur l’Intranet d’Astre »83.

115. Le 12 septembre 2016, le groupement Astre a publié sur son intranet un éditorial rédigé par M. C... (Astre). Il y était ainsi indiqué « à ce propos, nous avons réuni 15 personnes début septembre dans le cadre d’une journée de réflexions sur les orientations futures à prendre ; nos avis divergent parfois, mais s’affinent sans être ni figés ni fixés ; ce qui est certain en revanche, c’est de ne pas céder aux sirènes de ces plateformes ; ne vous inscrivez pas sur ces sites qui vous promettent monts et merveilles, ce serait le début de la fin de vos entreprises ! de grâce, attendez, nous reviendrons vers vous dans quelques semaines pour vous faire part de nos préconisations »84. Les éléments du dossier n’indiquent pas à quelle date le groupement Astre a retiré cette publication de son site intranet.

Les contacts entre H2P et les représentants de Flo

116. Plusieurs documents du groupement Flo montrent que la note de M. X... (H2P) a été transmise à ses représentants et a fait l’objet de discussions dans le cadre d’un conseil d’administration du groupement dès le début du mois de septembre 2016.

117. Le 7 septembre 2016, le conseil d’administration de Flo a, en effet, abordé la question de « l’émergence de plateformes uberisées » sur la base d’un message et d’une note adressés par M. X... (H2P), M. A... (H2P et Evolutrans) et M. Y... (B2PWeb). Le procès-verbal de ce conseil d’administration indique : « X... a joint à son message une note qu’il a rédigée ces derniers jours et qu’ils ont décidé, lui, A… et Y..., de nous adresser. Elle est destinée à alimenter nos réflexions personnelles, à les améliorer et les compléter car le problème traité leur semble d’importance pour toutes nos entreprises. Il insiste en sa qualité de Président du conseil de gouvernance d’H2P/B2P pour ne pas rester inactif devant ce qui apparaît comme une menace très importante pour la pérennité des entreprises de notre secteur d’activité.

Le Conseil du Groupement FLO rejoint complètement cette analyse et décide d’en alerter les Adhérents du Groupement FLO qui seraient tentés de s’abonner à ces plateformes. Une information sera délivrée aux Adhérents par le Secrétaire O... à l’occasion des Universités. Les Adhérents qui ont déjà été approchés par ce type de plateformes (quelques-uns par la société CONVARGO) sont invités à se signaler et à rester vigilants quant à leur réponse à ces nouveaux interlocuteurs.

Le Groupement FLO s’associera également aux actions qui pourront être menées par l’Alliance ou la profession »85.

118. Le 12 octobre 2016, le conseil d’administration de Flo est revenu sur l’analyse des « plateformes dites uberisées » de M. X... (H2P) et a rappelé que « le Groupement Flo qui a décidé d’alerter les Adhérents du Groupement Flo qui seraient tentés de s’abonner à ces plateformes. Une information a d’ailleurs été délivrée aux Adhérents par le Secrétaire O... à l’occasion des Universités. Les Adhérents qui ont déjà été approchés par ce type de plateformes (quelques-uns par la société CONVARGO) ont été invités à se signaler et à rester vigilants quant à leur réponse à ces nouveaux interlocuteurs. Le Groupement Flo reste prêt également à s’associer aux actions qui pourront être menées par l’Alliance ou la profession »86.

119. Le conseil d’administration semble toutefois vouloir aller plus loin dans les mesures à mettre en œuvre contre les nouvelles plateformes d’intermédiation : « le sujet est à nouveau évoqué par le Conseil de ce jour qui réfléchit comment agir ou du moins poser des actes : communiqué aux Adhérents, lettre à l’Alliance, soutien à B2PWeb. Le Secrétaire O... souhaite néanmoins relativiser la crainte que les transporteurs peuvent avoir, partant du postulat que les matériels et les savoir-faire sont aux mains des transporteurs. Il parait difficile de devenir les sous-traitants de ces plateformes compte tenu d’une réglementation forte qui pèsent (sic) sur les transporteurs et des exigences des clients. Ces plateformes qui relèvent de modèles déjà existants aux Etats-Unis ne peuvent qu’intéresser les artisans transporteurs.

Pour autant, il ne faut pas les ignorer, mais plutôt les combattre en mettant en place les mêmes applicatifs et en prenant le parti exclusif de la bourse B2P qui a dans son portefeuille 8000 entreprises de transport.

Le Conseil d’Administration de ce 12 octobre décide donc de créer un comité interne composé de 7 administrateurs (M. E... – M. O... – M. F... – M. 16... – M. 17… – M. 18… –

M. 19…), afin de travailler conjointement avec nos partenaires de l’Alliance et surtout afin d’apporter notre soutien sans réserves aux interlocuteurs de notre bourse de fret B2P qui, sous la houlette de X... et de Y..., s’emploie depuis quelques temps à développer une application compatible avec les TMS de nos entreprises et ceux de nos chargeurs. Il sera adressé un communiqué aux Adhérents leur indiquant de ne pas céder aux incantations de ces start-ups sous peine de disperser la profession et d’attendre la solution professionnelle que va proposer B2P »87.

120. Le 17 novembre 2016, un communiqué du président, M. E..., est adressé à l’ensemble des adhérents de Flo. Ce communiqué précise : « par cette lettre, nous vous demandons de ne pas céder aux incantations de ces start-up. Sans la participation active des professionnels que nous sommes, elles n’ont aucune chance »88.

Récapitulatif

121. Le tableau ci-après récapitule les différents échanges détaillés ci-avant entre H2P, B2PWeb et les différents groupements de transporteurs, d’une part, et au sein des groupements, d’autre part, en vue de mettre en place une communication incitant les transporteurs à ne pas avoir recours aux services des plateformes d’intermédiation.

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122. Il ressort ainsi de ces éléments qu’à partir de l’été 2016, les dirigeants de H2P et B2PWeb ont décidé de mettre en place une stratégie de défense vis-à-vis des plateformes numériques émergentes dans le secteur du transport routier de marchandises. Lors d’un conseil de gouvernance de H2P, ils ont présenté cette stratégie. Ils ont par ailleurs échangé à ce sujet avec les groupements Evolutrans, Astre et Flo, durant l’été puis à l’automne 2016. Ces groupements ont ensuite diffusé cette stratégie à leurs adhérents.

b) La confirmation de la stratégie adoptée et des actions à mettre en œuvre vis-à-vis des nouvelles plateformes d’intermédiation numériques lors du conseil de gouvernance du 22 novembre 2016

123. Le 22 novembre 2016, lors d’une réunion du conseil de gouvernance de H2P, rassemblant des représentants de la société B2PWeb (M. Y...), des groupements Astre (M. C...), Evolutrans (M. A...), Flo (M. F...), Tred Union (M. H..., vice-président), ASTR (Mme P..., directrice), ainsi que des fédérations Transport et Logistique de France (M. Q...) et UNOSTRA (Mme R...), des discussions ont eu lieu s’agissant des nouvelles plateformes numériques d’intermédiation89.

124. Lors de cette réunion, M. X... (H2P) a notamment indiqué « qu’il est nécessaire que les professionnels se prennent en mains (sic) et assurent eux-mêmes leur protection en refusant catégoriquement de collaborer avec toutes ces plateformes »90.

125. Cette position a été soutenue en particulier par les représentants de Tred Union, Evolutrans et l’UNOSTRA. En effet, M. H... (Tred Union) a annoncé que « les éléments d’analyse que nous avons transmis aux dirigeants du groupement TRED UNION comme aux autres Groupements et Fédérations, ont été relayés auprès de tous les chefs d’entreprises adhérents ; il affirme que tous sont convaincus de la nécessité de combattre ces plateformes »91. De même, M. A… (H2P et Evolutrans) a insisté « sur le besoin impératif d’inciter tous nos confrères à refuser toute collaboration avec les plateformes »92. Enfin, Mme R... (UNOSTRA, déléguée générale) « confirme son accord avec nos analyses et insiste sur le fait « qu’il ne faut pas lésiner sur les mots » »93.

126. En conclusion, le conseil de gouvernance a décidé que M. X... (H2P) « s’emploiera à :

– Attirer l’attention des actionnaires et de tous les participants sur ce dossier lors de la prochaine AG H2P.

– Poursuivre l’étude précise des CGU des plateformes afin d’affiner les arguments permettant de démontrer les irrégularités juridiques et d’exploitation de ces plateformes ainsi que les dangers pour les professionnels à collaborer.

– Prendre des contacts avec les Fédérations afin de les rallier sans équivoque à nos analyses.

– Rédiger des documents de communication pour une diffusion professionnelle directe ou via la presse »94.

127. Le tableau ci-après synthétise les participants et les échanges lors du conseil de gouvernance de H2P du 22 novembre 2016.

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128. La stratégie initialement adoptée par H2P et B2PWeb en juillet 2016 à l’encontre des nouveaux acteurs du transport routier de marchandises a ainsi été confirmée lors de ce conseil de gouvernance de novembre 2016. Les membres présents ont par ailleurs acté les actions qui seront mises en œuvre pour limiter le développement des nouvelles plateformes numériques d’intermédiation.

c) Les actions menées à la suite du conseil de gouvernance du 22 novembre 2016

129. Il ressort des éléments du dossier que M. X... a, conformément à ce qui avait été convenu lors du conseil de gouvernance du 22 novembre 2016, mis en œuvre les actions afin d’informer les professionnels du transport routier des marchandises « des dangers importants à initier une collaboration avec ces plateformes »95.

L’assemblée générale de H2P du 13 décembre 2016

130. Le 13 décembre 2016, l’assemblée générale de H2P96 a voté, à main levée97, une motion intitulée « NOTRE STRATEGIE VIS-A-VIS DES PLATEFORMES D’INTERMEDIATION BtoB »98, reprenant les grands points discutés lors du conseil de gouvernance du 22 novembre 2016.

131. Après un rappel des risques liés aux plateformes d’intermédiation, cette motion indique :

« Aussi, dans un premier temps, nous nous sommes depuis plusieurs mois efforcés en priorité d’attirer, sur notre analyse, l’attention des membres de notre Conseil de gouvernance H2P au sein duquel siègent nos quatre Fédérations professionnelles : FNTR, OTRE, TLF et UNOSTRA aux côtés des Représentants des professionnels fondateurs de la BOURSE de FRET PROFESSIONNELLE, les dirigeants des Groupements ASTRE, ASTR49, EVOLUTRANS, FLO, TRED UNION et d’un Représentant des ETI [entreprises de taille intermédiaires]. Les présidents de Groupements et ceux qui les entourent (…) ont rapidement mesuré les enjeux et pris conscience du danger pour leurs entreprises et ont pris des mesures conservatoires au sein de leurs groupements respectifs »99.

Réunion au sein de l’Alliance le 13 décembre 2016

132. Le 13 décembre 2016, M. X... (H2P) et M. A... (H2P et Evolutrans) ont participé à une réunion de l’Alliance. En effet, dans un courriel du 11 décembre 2016, M. X... (H2P) a envoyé un courriel à M. A... (H2P et Evolutrans) précisant espérer qu’ « une campagne de lobbying anti-plateformes qui, je l’espère, sous notre proposition à tous les deux, va être décidée mardi matin à la réunion ALLIANCE »100.

133. À partir de la fin de l’année 2016, M. X... (H2P) est entré en contact avec l’OTRE afin de les inciter à suivre la même politique que celle décidée au sein de H2P.

134. En décembre 2016, M. X... (H2P) a écrit un courriel à Mme J..., présidente de l’OTRE, pour notamment lui indiquer : « j’aimerais en effet évoquer avec vous les orientations que nous avons décidées récemment à propos du dossier PLATEFORMES qui inquiète de plus en plus d’entreprises et qui nécessite aux yeux de plus en plus que (sic) Fédérations prennent des positions claires pour combattre ce vent d’ubérisation dévastatrice qui, sous le prétexte de digitalisation, se propose d’envahir notre profession »101.

135. Le 23 janvier 2017, dans un courriel envoyé aux membres du conseil de gouvernance de H2P, parmi lesquels l’OTRE, M. X... (H2P) a, de nouveau, évoqué la menace des plateformes d’intermédiation, en insistant sur la nécessité d’une réaction des fédérations professionnelles102. Mme J... (OTRE) a transmis ce courriel en interne et a indiqué vouloir

« prendre le leadership sur ce dossier » en « communiquant par CP [communiqué de presse] et édito comme l’ont proposé JM et Philippe »103. En revanche, elle a précisé « je ne réponds pas à Mr X... tant que nous n’avons pas finalisé notre communication »104.

La note de synthèse du 10 janvier 2017 et sa diffusion

136. Dès le 10 janvier 2017, H2P a rédigé une note intitulée « Synthèse des réflexions menées sur les plateformes d’intermédiation »105. Cette note, destinée aux membres du conseil de gouvernance de H2P, mentionne plusieurs menaces identifiées par H2P et liées au développement des plateformes numériques d’intermédiation et logiciels de traçabilité dans le secteur du transport routier de marchandises. Parmi les risques identifiés, se trouvent :

- la question du statut juridique imprécis de ces plateformes ;

- le mode de fonctionnement, qui donne beaucoup de pouvoir aux plateformes pour la détermination des prix et le contrôle de la relation avec les clients ;

- le niveau des prix, qui sera tiré vers le bas et sera en outre ponctionné par les commissions des plateformes ;

- l’absence de contrôle sur les documents de transport et l’enregistrement des prestataires de transport ;

- la question de la confidentialité des données de transport ;

- le risque de concentration du pouvoir économique et financier de certaines plateformes ;

- le risque de ne plus pouvoir facturer la surcharge gazole106.

137. En conclusion, la note propose la solution suivante : « LA SEULE SOLUTION : NE PAS COLLABORER AVEC CES PLATEFORMES : SANS CAMION ELLES NE PEUVENT RIEN PROPOSER AUX CLIENTS ! et CONTINUER à PARTICIPER au CHALLENGE H2P/B2P/S2PWeb QUI N’A PAS FINI D’ETONNER, MEME LES SEPTIQUES (sic) »107. La note conclut dans le même sens s’agissant des logiciels de traçabilité.

138. Le 29 mars 2017, M. S..., Responsable Grands Comptes chez B2PWeb, a transmis cette

« note de synthèse » par courriel à M. T..., directeur général des transports Malherbe108. M.

T... a répondu « Je vous remercie pour toutes informations communiquées (dans les fichiers joints).

Savoir précisément de Quoi nous parlons avec CONVARGO ou CHRONOTRUCK et connaître précisément leurs conditions générales d’utilisation est fondamental pour organiser une riposte commune.

Notre directrice commerciale Mme U..., M. V… et moi-même sommes particulièrement intéressés par une démarche commune de riposte.

Nous étudierons avec intérêt vos documents et attendons (avec impatience) votre prochaine réunion (Afin de mobiliser un maximum de monde, il serait sans doute utile de proposer 2 Dates différentes).

Par ailleurs, sur vos solutions GED MOUV et GED Trans, sachez que nous sommes très intéressés et en pleine réflexion »109.

La 6ème lettre ouverte aux professionnels du transport de mars 2017

139. En mars 2017, H2P a rédigé la 6ème lettre ouverte aux professionnels du transport.

140. L’objectif de cette lettre était de « faire le point » sur le thème de la digitalisation, d’une part, et de présenter les services Gedtrans et Gedmouv proposés par B2PWeb, d’autre part. La lettre note en particulier que « L’avantage GEDMOUV est simple et important : la plateforme digitale professionnelle est sécurisée, vos données commerciales le sont également dans un contexte de déontologie professionnelle garanti ; avec GEDMOUV vos données ne courront pas le risque de s’échapper à votre insu au profit de tiers connus ou inconnus… »110.

141. La lettre conclut de la façon suivante : « LA DIGITALISATION PERTINENTE AU SERVICE de NOS ENTREPRISES, OUI BIEN SUR ! L’UBERISATION DESTRUCTRICE de NOS ENTREPRISES, NON ! CHERS CONFRERES, GARDONS TOUS ENSEMBLE, LA MAITRISE de NOS ENTREPRISES ! »111.

142. B2PWeb a ensuite publié cette lettre sur son site Internet112.

143. Les éléments du dossier ne permettent pas de savoir si B2PWeb a retiré cette publication de son site. Cette société avance toutefois que ladite publication n’était plus accessible sur son site à la date de la notification des griefs113.

Tableau récapitulatif

144. Le tableau ci-après récapitule les différents éléments détaillés ci-avant.

Tableau n° 3 : Récapitulatif des communications de H2P et B2PWeb appelant les acteurs du secteur du transport routier de marchandises à ne pas utiliser les plateformes d’intermédiation et à privilégier leurs services Gedtrans et Gedmouv

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145. Il ressort de ces éléments que H2P et B2PWeb ont diffusé plusieurs messages appelant à ne pas utiliser les plateformes d’intermédiation et à privilégier leurs services Gedtrans et Gedmouv, notamment aux groupements de transporteurs et fédérations, ainsi qu’aux transporteurs directement.

d) La communication de la position de H2P par plusieurs groupements et une fédération, membres du conseil de gouvernance de H2P à leurs adhérents entre novembre 2016 et avril 2017

146. Il ressort des éléments du dossier qu’entre novembre 2016 et avril 2017, les groupements Evolutrans, Flo et ASTR ainsi que l’UNOSTRA ont diffusé à leurs adhérents des messages appelant à ne pas utiliser les plateformes d’intermédiation, tels que discutés lors du conseil de gouvernance du 22 novembre 2016 et/ou communiqués par la suite.

La communication au sein du Groupement Evolutrans

147. Le 23 novembre 2016, lors du comité de direction d’Evolutrans, la direction du groupement, et notamment M. A... (Evolutrans et H2P), planifiait d’intervenir sur le sujet des plateformes numériques lors des États généraux de ce groupement le lendemain, soit le 24 novembre 2016114. Il est en effet précisé dans le compte-rendu du comité de direction que « de nombreuses plateformes digitales sont apparues ces derniers mois et démarchent fortement les transporteurs pour qu’ils mettent à leur disposition leurs véhicules. Le CDE échange sur ce point et convient d’intervenir lors de la réunion nationale du 24/11 sur ce sujet car ces pratiques pourraient bouleverser notre profession.

Le message qui sera passé consistera à informer tous nos associés que nous sommes conscients que notre profession n’échappera pas à la digitalisation, mais ces structures extérieures à la profession n’ont d’autre objectif que de s’enrichir sur le dos des entreprises de transports.

Par conséquent, il sera demandé aux associés d’être vigilants et de ne pas mettre leurs véhicules à disposition de ces plateformes »115.

148. Par ailleurs, le 14 décembre 2016, lors du conseil d’administration de l’OTRE, le compte-rendu précise que « W..., adhérent du groupement Evolutrans et 1..., adhérente du groupement Flo, indiquent que ces derniers se sont positionnés contre ces plateformes »116.

149. Le 26 janvier 2017, lors d’une réunion du comité de direction d’Evolutrans, il a été mentionné que « le CDE échange sur le sujet suivant : Comment contrer les plateformes digitales afin d’offrir le service sans ubériser les transports ?

Compte tenu des divergences de points de vue, il est convenu d’organiser prochainement une nouvelle réunion sur ce sujet en y associant certains membres du CJE qui ont déjà été amenés à travailler sur cette thématique dans le cadre de leurs réunions »117.

150. Ainsi, le 15 mars 2017, lors d’une nouvelle réunion du CDE, le compte-rendu précise qu’« après échanges, et à l’unanimité, le CDE n’a pas souhaité envisager une association entre Chronotruck et Evolutrans. (…) D’une manière générale, pour répondre aux plateformes et aux nouvelles méthodes d’achats, le CDE est favorable au déploiement d’un site marchand (commun à Volupal, Volulots, et autre marque à venir) qui permettrait de confier le transport à un seul adhérent, contrairement aux plateformes qui, pour une même demande de transport, permettent au client d’avoir plusieurs solutions, et qui créent donc une mise en concurrence directement entre plusieurs de nos adhérents (...). Compte tenu de ce positionnement, le CDE adressera une note aux Evolutransiens pour les informer de la position du CDE »118.

La communication au sein du Groupement Flo

151. Tout comme Evolutrans, le compte-rendu du conseil d’administration de l’OTRE du 14 décembre 2016, précise que « W..., adhérent du groupement Evolutrans et 1..., adhérente du groupement Flo, indiquent que ces derniers se sont positionnés contre ces plateformes »119.

152. Dès le 15 décembre 2016, les dirigeants du groupement Flo ont transmis à leurs adhérents les décisions prises dans le cadre du conseil de gouvernance de H2P. En effet, lors du conseil d’administration de Flo tenu à cette date, « Le Président E... rapporte aux Administrateurs le message de X... après la diffusion du communiqué aux Adhérents sur la question des plateformes digitales. Celui-ci se satisfait de cette initiative et se réjouit de la nette prise de conscience du Groupement FLO sur le danger que constituent ces plateformes d’intermédiation qui tentent leurs chances dans un contexte de digitalisation réelle, inéluctable et bénéfique pour le dynamisme de notre économie.

(…)

Il remercie le Groupement Flo d’en avoir pris toute la mesure et d’avoir concrétisé cette diffusion.

Il s’est ouvert à nouveau de cette problématique lors de l’Assemblée Générale d’H2P/B2P en vue de mobiliser le plus grand nombre dans la profession transport et de convaincre ceux qui sont en responsabilité au sein des organisations professionnelles de faire l’article »120.

153. Le 24 mars 2017, M. 2..., secrétaire général de Flo, a adressé à l’ensemble des adhérents du groupement, avec M. X... (H2P) en copie, un courriel dont l’objet est « continuons à nous mobiliser »121. Après avoir rappelé le communiqué du 17 novembre 2016 (voir le paragraphe120 ci-avant), il est indiqué que « nous vous incitons à vous approprier le slogan divulgué par les Responsables de la société H2P (holding des 3 autres sociétés) Messieurs X... et A..., comme suit :

– OUI pour une digitalisation pertinente au service de nos entreprises !

– NON pour l’ubérisation destructrice de nos entreprises !

– Gardons la maitrise de nos entreprises ! »122.

154. Le courriel conclut de la façon suivante : « Sans la participation active des professionnels que nous sommes, elles n’auront aucune chance »123.

155. Le même jour, M. 2... (Flo) a transmis ce courriel aux membres de l’Alliance, avec M. E... (Flo) en copie, avec la précision « pour l’information des Membres de l’Alliance »124.

156. Puis, le 29 mars 2019, M. E... (Flo) a transféré ce même courriel aux équipes de B2PWeb125.

157. B2PWeb a alors publié le contenu de ce courriel sur son intranet, en l’accompagnant du message suivant : « Le groupement Flo réitère son appel à ses adhérents quant à la prudence à avoir face aux nouvelles plateformes. Un email a été envoyé à tous les dirigeants des entreprises membres du groupement.

Il rappelle l’ancien monopole de Teleroute, la création de B2PWeb, le lancement de GedTrans et l’arrivée de GedMouv.

Les autres groupements ont été sollicités pour avoir la même démarche »126.

158. Les éléments du dossier n’indiquent pas si B2PWeb a retiré cette publication de son site intranet. Cette société avance toutefois que ladite publication n’était plus accessible sur son site à la date de la notification des griefs127.

La communication au sein du groupement ASTR

159. Le 14 décembre 2016, Mme P... (ASTR) a envoyé à M. X... (H2P) par courriel unecommunication du groupement ASTR sur les plateformes numériques, transmise le lendemain à l’ensemble des adhérents de ce groupement. Cette communication précise que

« Nous vous remercions donc de bien vouloir adopter une position prudente et solidaire en ne répondant pas à ces propositions »128 .

160. En réponse, M. X... (H2P) indique le même jour que ce message « s’inscrit parfaitement dans le cadre de ce lobbying que nous avons décidé hier à la suite de nos diverses réflexions menées depuis Juillet dernier »129.

La communication au sein de l’UNOSTRA

161. Le 1er février 2017, l’UNOSTRA a publié sur son site Internet130 une note sur le « vrai du faux des plateformes de fret »131.

162. Cette note conclut de la façon suivante : « Alors que faire ? », « C’est simple : refuser toute collaboration avec ces plateformes »132. Puis, la note invite les adhérents de l’UNOSTRA à utiliser les services de B2PWeb et notamment Gedtrans et Gedmouv133.

163. Les éléments du dossier n’indiquent pas si l’UNOSTRA a retiré cette publication de son site Internet. Cette fédération avance toutefois que ladite publication n’était plus accessible sur son site à la date de la notification des griefs134.

164. Un article provenant de l’intranet de B2PWeb a par la suite fait état de la publication de l’UNOSTRA et mis le lien pour y accéder : « l’UNOSTRA a publié une note sur son site pour expliquer à la profession pourquoi il ne fallait pas se tourner vers les nouvelles plateformes de fret numériques »135. Là encore, les éléments du dossier n’indiquent pas si B2PWeb a retiré cette publication. Cette société avance toutefois que ladite publication n’était plus accessible sur son site à la date de la notification des griefs136.

165. Interrogée à ce sujet, Mme R..., Déléguée générale de l’UNOSTRA, a confirmé avoir « envoyé la note à tous nos partenaire »137. Elle a expliqué les raisons de cette publication de la façon suivante : « face aux échos des adhérents, le conseil d’administration a dit de privilégier B2P car elle offre la garantie de l’entreprise qui charge et le paiement. La note avait pour objet de répondre à nos adhérents et à leurs craintes »138. Elle a toutefois reconnu ne pas avoir cherché à vérifier les craintes des transporteurs : « on n’avait pas les moyens d’investiguer »139.

Récapitulatif

166. Le tableau ci-après récapitule les éléments détaillés ci-avant démontrant une diffusion de la communication de H2P vis-à-vis des plateformes numériques d’intermédiation par certains groupements et fédération membres du conseil de gouvernance de H2P à leurs adhérents.

Tableau n° 4 : Récapitulatif des éléments démontrant une diffusion de la communication H2P sur les plateformes numériques d’intermédiation par des groupements et fédérations membres du conseil de gouvernance de H2P à leurs adhérents

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167. Il ressort de ces éléments qu’entre novembre 2016 et avril 2017, plusieurs groupements de transporteurs ainsi que l’UNOSTRA ont diffusé à leurs adhérents des messages appelant à ne pas utiliser les plateformes numériques d’intermédiation.

e) La relance de la stratégie défensive contre les plateformes à compter d’avril 2017

Le courriel d’information d’avril 2017

168. En avril 2017, B2PWeb a adressé un courriel d’information à l’ensemble de ses adhérents140 contenant une note rédigée par H2P et intitulée « Plateformes d’information : le saccage organisé de nos entreprises de transport » 141. Ce document contient un grand nombre de critiques à l’encontre des plateformes numériques :

- « Sur le plan juridique : des hors la loi » ;

- « Fonctionnement pratique : une véritable dictature » ;

- « Le niveau tarifaire : baisse générale inéluctable ! » ;

- « Contrôle et qualité des données : le retour en arrière ! » ;

- « La confidentialité des données transmises : un vrai hold up ! » ;

- « Concentration des flux financiers » : risque maximum ! » ;

- « Argumentaires sites commerciaux et articles de presse : que du mensonge ! » ;

- « Surchage gazole : ce n’est même plus la peine d’en parler ! »142.

169. Cette note reprend, enfin, la conclusion de la note de synthèse de janvier 2017 (voir ci-avant) : « LA SEULE SOLUTION : NE PAS COLLABORER AVEC CES PLATEFORMES : SANS CAMION ELLES NE PEUVENT RIEN PROPOSER AUX CLIENTS »143.

La diffusion de la note d’avril 2017

170. Le 29 mai 2017, M. S... (Responsable grands comptes chez B2PWeb) a transmis cette note,

« la lettre de H2P à la profession », par courriel à M. 3... de l’entreprise de transport Kuehne Nagel144.

171. Le 31 mai 2017, M. X... (H2P) adressait aux membres du conseil de gouvernance le document « Plateformes d’intermédiation : le saccage organisé de nos entreprises de transport » en ajoutant « et vous laisse le soin d’en faire la divulgation que vous considérerez la plus appropriée : adhérents de vos fédérations nationales, régionales, adhérents de groupements, confrères, partenaires de sous-traitance, affrétés etc…. »145.

172. Cette transmission fait suite au conseil de gouvernance de H2P du 16 mai 2017, réunissant B2PWeb, les groupements Astre, Evolutrans, Flo, Tred Union, ASTR, les fédérations FNTR et OTRE, ainsi qu’un représentant des ETI, au cours duquel cette note a été évoquée :

« Lobbying H2P sur ce dossier des plateformes : nous avons entretenu au cours du 1er semestre des actions de lobbying conséquentes dans la presse professionnelle : 6ème LETTRE OUVERTE aux PROFESSIONNELS du TRANSPORT : PLATEFORMES d’INTERMEDIATION : LE SACCAGE ORGANISE de NOS ENTREPRISES de TRANSPORT »146.

173. Lors de ce conseil de gouvernance, les participants ont eu l’occasion d’exprimer, une nouvelle fois, leur position sur les plateformes numériques d’intermédiation. Ainsi, M. I... (OTRE, secrétaire général) a « [confirmé] la position claire exprimée par l’OTRE à

l’encontre des PLATEFORMES d’INTERMEDIATION. (…) Il regrette l’absence de position claire des autres fédérations »147.

174. Puis, M. C… (Astre) a « [souligné] le danger des couplages entre les systèmes des plateformes et la géolocalisation ».

175. Ensuite, Mme P... (ASTR) a « [confirmé] que le groupement ASTR a fait suivre à ses adhérents les communications H2P ». M. G... (Tred Union) a confirmé quant à lui « les mesures d’information qui ont été prises au sein du Groupement TRED UNION avec une décision d’interdiction aux adhérents de travailler avec ces plateformes ».

176. M. X... (H2P) a, de son côté, fait état de sa déception face à certains dirigeants de fédérations professionnelles qu’il n’a pas réussi à convaincre des dangers très importants pour les acteurs du transport routier de marchandises du développement de certaines plateformes d’intermédiation, et a estimé nécessaire que « tous les Responsables professionnels s’investissent plus dans des mesures d’explications auprès des professionnels (…) ». En outre, « les dirigeants H2P et B2P sont bien conscients de la nécessité de poursuivre, le plus rapidement possible, le développement de produits digitaux au service des professionnels : B2PWeb, GEDTRANS, GEDMOUV et d’autres… afin de laisser le minimum de place aux intervenants extérieurs dont les ressources s’imputeront inéluctablement sur les budgets transport au dépends (sic) des professionnels » ; « en ce qui concerne notre communication, nous poursuivrons les deux axes qui nous guident depuis ces derniers temps : Lobbying anti- plateformes et communication « produits » axée sur la digitalisation de nos produits et notre capacité à innover »148.

177. Par cette transmission du 31 mai 2017, M. X... (H2P) rappelle ainsi aux membres du conseil de gouvernance de transmettre la note d’avril 2017 à leurs adhérents mais aussi au plus grand nombre d’acteurs du secteur du transport routier de marchandises afin de les convaincre de ne pas collaborer avec les nouvelles plateformes numériques d’intermédiation.

178. Le 30 juin 2017, dans un entretien accordé à « l’Officiel des transporteurs », M. X... (H2P) a indiqué : « Nous avons effectivement décidé au sein d’un récent conseil de gouvernance de notre société de nous exprimer clairement sur les conséquences extrêmement fâcheuses à nos yeux pour les entreprises de l’apparition récente sur le marché du transport de ces plateformes d’intermédiation. »149. Il a ensuite développé dans cet entretien les critiques déjà exprimées sur le mode de fonctionnement des plateformes numériques d’intermédiation.

179. Le 15 février 2018, M. X... (H2P) a adressé à M. 4..., Directeur général de la société de transport Normandie Logistique, adhérent du groupement Flo150, un courriel avec « la mise à jour de [ses] notes afférentes aux plateformes ». Est jointe à ce courriel une « note de réflexions sur les plateformes d’intermédiation » qui se conclut de la manière suivante :

« concernant l’intérêt pour les clients chargeurs de collaborer avec ces plateformes, il n’est pas le lieu, ici, de présenter nos commentaires. Limitons nous à rappeler simplement les propos que nous avions tenus dans notre document intitulé « Plateformes d’intermédiation, le saccage organisé de nos entreprises de transport... » joint en annexe (point 9) »151.

180. Ainsi, en février 2018, M. X... (H2P) continuait de diffuser sa note d’avril 2017 qui appelait à « ne pas collaborer avec ces plateformes : sans camion elles ne peuvent rien proposer aux clients ! »152.

La communication de la note d’avril 2017 aux adhérents des membres du conseil de gouvernance de H2P

181. Le courriel d’information rédigé par B2PWeb en avril 2017 et appelant à « ne pas collaborer avec ces plateformes » a été largement soutenu par les groupements Tred Union et ASTR, via leurs prises de position lors du conseil de gouvernance de H2P en mai 2017 et par la diffusion de ce document à leurs adhérents. Le groupement Flo, qui était représenté, lors de ce conseil de gouvernance, par M. X...153, a également diffusé ce document à ses adhérents154. Le groupement Evolutrans a soutenu le courriel d’information de B2PWeb, via une prise de position lors du conseil de gouvernance de H2P en mai 2017 puis lors d’une réunion interne au groupement quelques jours après. De son côté, l’UNOSTRA, qui n’était pas présente au conseil de gouvernance de H2P en mai 2017, a également diffusé à ses adhérents le document de synthèse.

La diffusion au sein de Tred Union

182. Le 16 mai 2017, lors du conseil de gouvernance de H2P précité, le représentant de Tred Union avait fait état : « [des] mesures d’information qui ont été prises au sein du Groupement TRED UNION avec une décision d’interdiction aux adhérents de travailler avec ces plateformes »155.

183. Le 29 mai 2017, lors d’une assemblée générale tenue en Sicile, la note d’avril 2017 de H2P a été diffusée aux participants. La question des plateformes d’intermédiation a alors été abordée de la façon suivante : « G… informe les adhérents que 23 plateformes + 2 nouvelles existent actuellement. Il rappelle qu'il s'agit de plateformes de mise en relation entre expéditeurs et transporteurs.

G… rappelle à toutes les entreprises TRED UNION qu'elles sont libres de travailler avec les bourses de fret de leur choix. On peut travailler avec sans adhérer.

Il faut être vigilant car hormis les plus importantes plateformes que sont Convargo, FretLink, Shippeo, et Chronotruck, toutes ne sont pas connues.

Une demande a été faite auprès de H2P afin qu'une liste complète soit établie et communiquée

(Cf. communication H2P - avril 2017 relative aux plateformes d'intermédiation)

L'Alliance travaille également sur le sujet, ces plateformes étant plus dangereuses que le cabotage. »156.

184. Le 9 juin 2017, un courriel de Mme 5... (animatrice de Tred Union), à M. M... (B2PWeb) lui fait toutefois part d’une position plus tranchée adoptée par le groupement Tred Union s’agissant des plateformes d’intermédiation : « Lors de la dernièreAG TRED UNION du 29/05 le sujet des plateformes et bourses de fret a été abordé. Afin de pouvoir communiquer plus facilement auprès des exploitations quant à l'interdiction de travailler avec ces sociétés, nous souhaiterions avoir une liste complète car certaines ne sont pas connues »157. Lors de son audition, M. G..., Président de Tred Union, a précisé que

« l’interdiction concernait ceux qui n’étaient pas commissionnaire de transport »158.

185. Le 12 juin 2017, M. M... (B2PWeb) a, en retour, transmis une liste des plateformes à Mme 5...159. Le même jour, M. G... (Tred Union) a adressé la communication de H2P d’avril 2017 à ses quatre pôles régionaux en demandant de « communiquer largement au sein de vos entreprises » et en joignant à son courriel « la liste des plateformes d'échange de fret établie par B2P »160. Ceci a été confirmé par M. G... (Tred Union) en audition : « Je vois très bien ce document. Suite à la réunion H2P, nous avons communiqué sur cela avec nos adhérents après la séance en assemblée générale, en insistant sur les points de danger (…). J’ai souvenir de l’envoi d’une liste de plateformes qui n’étaient pas commissionnaires. Si j’ai bonne mémoire cette liste a été envoyée chez Tred Union en deux fois. »161.

La diffusion par ASTR

186. Le 2 juin 2017, ASTR a publié sur son site Internet la note de H2P162.

187. Le 6 juin 2017, ASTR a de nouveau publié cette note en l’accompagnant d’un article intitulé « information sur les plateformes d’intermédiation »163. Cet article indique en particulier :

« Ces plateformes se positionnent hors la profession, en tant qu’intermédiaires en se rémunérant par une commission à chaque transport effectué.

De plus, elles vont avoir accès aux données de transport des entreprises (lignes, point de chargement, de déchargement, clients, tournée, etc.). Des données sensibles et confidentielles qui font le fonds de commerce de vos entreprises. »164.

188. L’article conclut : « Très en pointe sur la digitalisation du secteur avec ses filiales B2P Web, GedMouv et GedTrans, H2P défend des produits sécurisés avec une vrai valeur ajoutée pour les transporteurs »165.

189. ASTR affirme avoir supprimé cette publication de son site Internet mais les éléments du dossier n’indiquent pas la date à laquelle ce groupement l’aurait effectivement retirée.

La diffusion par Flo

190. Le 14 juin 2017, M. 2... (Flo), au nom de M. E... et du conseil d’administration de Flo, a retransmis à l’ensemble des adhérents le document de communication diffusé par H2P/B2PWeb « sur les dangers que représentent les plateformes d’intermédiation pour laprofession du transport »166. Les éléments du dossier n’indiquent pas si cet envoi a, par la suite, fait l’objet d’un courriel rectificatif à l’attention des adhérents de ce groupement.

191. Comme mentionné au paragraphe 179ci-avant, le 15 février 2018, M. X... (H2P) a adressé à M. 4..., Directeur général de la société de transport Normandie Logistique, adhérent du groupement Flo167, un courriel contenant une « note de réflexions sur les plateformes d’intermédiation » qui se conclut de la manière suivante : « concernant l’intérêt pour les clients chargeurs de collaborer avec ces plateformes, il n’est pas le lieu, ici, de présenter nos commentaires. Limitons nous à rappeler simplement les propos que nous avions tenus dans notre document intitulé « Plateformes d’intermédiation, le saccage organisé de nos entreprises de transport... » joint en annexe (point 9) »168.

La diffusion au sein de l’UNOSTRA

192. Le 1er juin 2017, Mme R... (UNOSTRA) a envoyé à une liste de diffusion intitulée « UNOSTRA PARIS » une information concernant le document réalisé par H2P et intitulé « Plateformes d’intermédiation : le saccage organisé de nos entreprises de transport »169.

193. Ce transfert était accompagné d’un message contenant notamment les remarques suivantes :

« l’UNOSTRA vous a entendu, et elle a décidé de réagir sans attendre pour inciter vos confrères à refuser de collaborer avec ces plateformes ». Puis, le message ajoute : « Nous sommes tous convaincus de la nécessité de faire évoluer nos produits dans une voie encore plus digitalisée qu’actuellement, de façon à mettre tous les atouts de notre côté pour offrir à nos confrères les armes dont ils besoin pour mener ce combat et pour s’inscrire dans la digitalisation quand elle est opportune », avant d’inviter les membres de l’UNOSTRA à une réunion durant laquelle H2P/B2PWeb devait présenter ses nouveaux services le 7 octobre 2017170.

194. Interrogée à ce sujet, Mme R... a déclaré : « Il est vrai que c'est une communication un peu plus « hard ». Nous avons dû avoir une demande de H2P de transmettre la note. Je n’ai pas écrit le corps de l'email, ce n’est pas mon style d'écriture, j'ai juste ajouté quelques mots, mais on était d'accord pour envoyer la note.

C’était en écho par rapport aux informations de nos adhérents pour leur dire de continuer à faire attention. On a donc voulu enfoncer le clou sur ce sujet-là pour être certain que les adhérents reçoivent le message. »171.

195. La note d’avril 2017 de H2P a ensuite été utilisée bien après la date de sa transmission. Ainsi, dans un courriel du 21 mars 2018 adressé à M. X... (H2P) et M. Y... (B2PWeb), Mme R... (UNOSTRA), évoque un groupe de travail sur les plateformes numériques qui s’est tenu au sein de la Confédération des PME (CPME) le 8 février 2018172. Elle indique que « la CPME a beaucoup apprécié la contribution de l’UNOSTRA, concernant les plateformes numériques et la remise de son document de synthèse ». Elle ajoute « donc encore merci à

vous !! ». Lors de son audition par les services d‘instruction, Mme R... a confirmé l’utilisation d’autres documents de H2P pour ce groupe de travail de février 2018 : « j'ai donné la note du 1er février 2017 et je me suis également fondée sur la note de H2P de juin 2017 »173.

La position d’Evolutrans

196. Le 17 mai 2017, M. X... (H2P) écrit un courriel à M. Y... (B2PWeb), lui indiquant que « A... apprécierait que vous puissiez emporter à l’île MAURICE une centaine du document (sic) « PLATEFORMES, LE SACCAGE » »174.

197. Interrogé à ce sujet, M. Y... a précisé que « C’était une demande de M. A... dans le cadre d’un séminaire fermé d’Evolutrans. Je n’y suis pas allé personnellement. B2PWeb était présente.

Il s’agissait d’un document public, ayant fait l’objet d’une parution dans la presse professionnelle. Après vérification par téléphone avec le directeur commercial de B2PWeb, il n’y pas eu d’impression ni de diffusion de tels documents à l’île Maurice »175.

198. Lors de ce séminaire du groupement Evolutrans, une réunion sur le sujet des plateformes a eu lieu. Le compte-rendu de cette réunion du 24 mai 2017 indique que plusieurs options pour le groupement étaient envisagées, dont celle de travailler progressivement avec les plateformes numériques. Finalement, la stratégie retenue a été la suivante :

« -Monter notre propre outil ((sic) a-t-on le temps et les compétences pour le faire ? Pour la commission, oui, les compétences peuvent-être trouvées, il faut ne pas perdre de temps et valider le développement rapide d'un site marchand. MAIS parallèlement, veille importante voire main tendue à des PF existantes pour récupérer l'outil et n'y mettre QUE nos moyens dedans. »176.

199. À propos de cette réunion de mai 2017, Mme 6... (Evolutrans) a précisé lors de son audition :

« On n’a pas donné de directives, ni d’interdits mais on a prévenu des risques encourus en travaillant avec ce type de plateformes »177. Mais « le digital est incontournable, on a réfléchi aux moyens de travailler avec les plateformes mais la réponse a été négative »178.

Tableau récapitulatif

200. Le tableau ci-après récapitule les éléments détaillés ci-avant démontrant que la note d’avril 2017 rédigée par H2P a été largement diffusée à la profession, et notamment au sein des groupements et fédérations membres du conseil de gouvernance de H2P.

Tableau n° 5 : Récapitulatif des éléments démontrant la large diffusion de la note d’avril 2017 aux professionnels du transport routier de marchandises

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201. Il résulte des éléments précédemment exposés que le courriel d’information rédigé par B2PWeb en avril 2017 et appelant « à ne pas collaborer avec ces plateformes » a été largement soutenu et diffusé par les groupements Tred Union, ASTR, Flo et Evolutrans ainsi que par les syndicats professionnels UNOSTRA et OTRE.

f) La stratégie de H2P et des groupements vis-à-vis de Shippeo

202. À partir de 2017, une partie des discussions internes à H2P et B2PWeb au sujet des plateformes numériques concernait la situation particulière de Shippeo. En effet, Shippeo, à la différence des plateformes telles que Chronotruck, Convargo ou Everoad, n’est pas une plateforme de mise en relation, mais un prestataire de solutions de gestion connectée des livraisons et de transmission de données entre clients et transporteurs.

203. Shippeo était donc perçu par H2P et B2PWeb comme un concurrent direct de la solution Gedmouv proposée par H2P aux clients de B2PWeb. Cette entreprise a alors établi une stratégie de défense vis-à-vis de Shippeo, qui a ensuite été discutée au sein de l’Alliance et, par la suite, relayée par les différents groupements de transporteurs à leurs adhérents.

La stratégie de H2P/B2PWeb vis-à-vis de Shippeo

204. Le 16 mars 2017, le dirigeant d’une entreprise de transport a contacté M. X... (H2P) pour lui indiquer : « je dois me battre contre shippeo déjà bien implanté chez mes clients »179. Il lui a alors demandé de lui transmettre son dossier juridique sur les plateformes.

205. Le 17 mars 2017, M. X... (H2P) a répondu au dirigeant et lui a transmis l’ensemble des notes juridiques et commentaires de CGU de plateformes déjà réalisés180. Dans son courriel, M. X... (H2P) a par ailleurs adressé au dirigeant « un document datant de 07/2016 : Ces plateformes qui poussent comme des champignons… Les CGU avec commentaires de CHRONOTRUCK et CONVARGO ainsi qu’une synthèse plus courte mains néanmoins tout autant explicite ». M. X... (H2P) vise ainsi à le mettre en garde contre ces plateformes : « Tu pourras ainsi te convaincre un peu plus encore du fait que ces plateformes constituent un vrai cancer qui, si nous ne le combattons pas à la source, démolira nos entreprises »181.

206. Dans son courriel, M. X... (H2P) aborde également la question de Shippeo en la distinguant des autres plateformes : « Concernant SHIPEO (sic), le dossier ne se présente pas de la même façon: Certes, SHIPEO (sic) est une jeune plateforme qui n’a pas fait encore ses preuves et qui va importuner les entreprises si elle parvient à s’imposer via les chargeurs à la mode TKBLUE ou TRANSPOREON. (…) Aussi Y... a décidé de prendre des dispositions pour attaquer dès maintenant les chargeurs et les confrères qui comme toi pouvez l’aider à constituer sa liste d’attaque. Notre gros argument commercial est le fait que notre plateforme qui (sic) va devenir LA PLATEFORME DIGITALE PROFESSIONNELLE; elle va s’imposer y compris hors les gros chargeurs avec les commissionnaires qui vont y trouver leur compte. Cet atout va nous mettre dans une position de coût bien plus favorable du fait de l'effet mutualisation-massification. Cet avantage va être de plus en plus fort avec le temps ». Il conclut de la façon suivante : « Nous comptons sur toi et ceux qui t’entourent ou des confrères à toi qui pourraient intercéder comme toi pour tenter de contrecarrer SHIPEO (sic) avec notre produit GEDMOUV »182.

207. Un commercial de B2PWeb a ensuite recontacté ce dirigeant le 24 mars 2017, pour lui demander les coordonnées des clients concernés « afin que l'on puisse prendre contact avec eux pour GEDMOUV »183. En réponse, le dirigeant de l’entreprise de transport a transmis les coordonnées des clients concernés184.

208. Le 29 mars 2017, un courriel de M. S... (Responsable grands comptes chez B2PWeb) à M. Y... (B2PWeb) indique que la stratégie de H2P vis-à-vis de Shippeo a été adoptée par B2PWeb : « Même si je pense que nous devons mettre à profit le temps de cette réunion uniquement pour créer l'adhésion autour du lancement rapide d'une solution alternative à

Shippeo, le fait d'amener le sujet avec les plateformes Convargo et Chronotruck (avec les documents de Vincent) aide à bien amener le sujet Shippeo. En quelque sorte, il faudrait orienter toutes les méfiances autour des nouvelles plateformes digitales vers Shippeo (et le sujet de la Big Data)... »185.

Les discussions au sein de l’Alliance

209. À l’automne 2017, des discussions sont intervenues dans le cadre de l’Alliance concernant le sujet particulier de Shippeo.

210. Notamment, le 25 octobre 2017, une réunion de l’Alliance avec les représentants des groupements Astre (M C… et M. 21…), Evolutrans (Mme 6...), Flo (M. E...), France Benne (M. 7...), France Groupements (M. 8… et 9…), Tred Union

211. (M. G…), ainsi que la société H2P (M. X...), a abordé le sujet Shippeo : « Que faire avec SHIPPEO?

Il serait bon que Mr X... (qui a quitté la réunion) rencontre cette société. D'autre part, il est important de leur montrer la puissance de l'Alliance.

E... s'occupe de prendre contact avec X... et 6... contacte SHIPPEO. » 186.

212. La volonté de l’Alliance de rencontrer Shippeo, qui est considérée comme une entreprise extérieure à l’écosystème du transport routier de marchandises, ressort par ailleurs du compte-rendu d’un CDE de Tred Union du 15 novembre 2017187 (voir ci-après) : « Joël informe que SHIPEO (sic) sera reçu prochainement par l'ALLIANCE »188.

213. Le 27 février 2018, lors d’une réunion au sein de l’Alliance, une longue discussion a eu lieu sur le sujet des plateformes numériques189. Étaient présents les représentants des groupements Astre, Flo, France Groupements et Tred Union.

214. Lors de cette réunion, il a été proposé d’envoyer un courrier incitant à travailler avec Gedmouv à la place d’autres services : « GedMouv est capable de tracer les envois et de faire remonter les informations aux clients. GedMouv est un outil de la profession, il doit donc être choisi en priorité. Ainsi, en conclusion du point précédent, il est décidé d’envoyer un courrier aux membres des groupements afin de les alerter sur les dangers de ces nouvelles plateformes et du risque à terme de perdre le contact direct avec nos clients. Il leur sera proposé de s’orienter et de diriger leurs clients vers Gdov.

Un autre courrier sera rédigé à destination des distributeurs TMS.

Mr E... informe les autres membres de la volonté du groupement FLO d’écrire à H2P car il semble que GedMouv soit mis en attente et que le logiciel n’est pas encore opérationnel à 100 % »190.

215. La réunion de l’Alliance au sujet de Shippeo a été confirmée par M. G... (Tred Union), lors de son audition par les services d’instruction : « Nous avons dû en parler »191. Mme 6... (Evolutrans), a également précisé, lors de son audition, qu’« Il y a eu haro sur Shippeo à un moment donné aussi »192. De même, lors de son audition,

M. C... (Astre) a déclaré : « Il y a des appels récurrents des adhérents pour nous parler de Shippeo et autres et des demandes de leurs clients. Ce qui pose problème, c'est l'utilisation de nos données demain. Je ne fais pas de blocage vis-à-vis des solutions de traçabilité mais je dois faire attention à ce que ces solutions ne viennent pas fragiliser les adhérents »193.

La communication au sein des groupements

216. La stratégie consistant à chercher à limiter le développement de Shippeo dans les services de suivi des transports en temps réel, élaborée par H2P et B2PWeb et discutée lors de réunions de l’Alliance, a été relayée par certains groupements de transporteurs à leurs adhérents.

La communication au sein du groupement Flo

217. Le 5 juillet 2017, lors d’un conseil d’administration du groupement Flo, les dirigeants ont évoqué le projet d’agrégateur de données envisagé par H2P et ont ajouté : « E... en profitera également pour solliciter une réunion téléphonique avec les membres de l’Alliance afin d’évoquer le sujet SHIPPEO, car beaucoup d’entre nous sommes contactés par certains de nos clients qui souhaitent nous imposer cette plateforme. Nous sommes même sollicités par les dirigeants de SHIPPEO qui nous disent : « Nous constatons que certaines interrogations semblent exister au sein de FLO concernant notre activité. N'ayant jamais eu l'occasion d'échanger avec votre groupement, nous serions ravis de venir vous rencontrer afin de vous présenter SHIPPEO et notre démarche. » Il serait judicieux de les rencontrer tous ensemble avec l’Alliance, l’idée étant de présenter nos groupements avec le nombre d’adhérents et de véhicules et de leur affirmer qu’il est hors de question d’avancer avec eux et que nous soutenons le projet GedMouv. Face au type de vidéo où ces jeunes osent considérer nos systèmes comme étant archaïques, le Président estime qu’il faut les contrecarrer ouvertement »194.

218. Le 10 juillet 2017, le président du groupement Flo, M. E..., a envoyé un courriel à l’ensemble des adhérents195. Ce courriel fait référence à la plateforme Shippeo, puis mentionne une interview donnée par M. X... (H2P) qui « dénonce les dérives commerciales et juridiques de ces nouvelles sociétés ». Le courriel indique aux adhérents que « la riposte du moment, en parallèle des avancées de B2P dans la commercialisation et le développement de son logiciel GEDMOUV, est de ne pas collaborer avec ces plateformes : sans camion, elles ne peuvent rien proposer aux clients »196. Les éléments du dossier n’indiquent pas si cet envoi a, par la suite, fait l’objet d’un courriel rectificatif à l’attention des adhérents de ce groupement.

219. Le 18 juillet 2017, lors du conseil de gouvernance de H2P, M. E... (Flo) a confirmé cette position en attirant « l’attention des dirigeants H2P/B2P sur la nécessité d’organiser la riposte à l’égard du produit Shipeo (sic) qui est imposé par certains gros chargeurs au dépends (sic) de Gedmouv, le produit professionnel »197.

La communication au sein du groupement Astre

220. Le 30 novembre 2017, lors d’un conseil d’administration d’Astre Commercial, auquel assistaient également les administrateurs d’Astre coopérative198, il a été rappelé « aux administrateurs le danger de communiquer ses données à ces nouveaux acteurs du marché. En effet, il faut savoir par exemple que Shippéo (sic) contractualise aujourd’hui avec les sociétés de télématiques pour remonter TOUTES LES DONNEES : points GPS, mais aussi social et données de consommation. Chacun peut se rendre compte facilement du danger qu’il encourt en permettant l’exploitation de ces données ! »199.

La communication au sein du groupement Tred Union

221. Il ressort d’éléments du dossier que les discussions au sein de l’Alliance s’agissant de Shippeo ont été communiquées aux adhérents du groupement Tred Union. En effet, le 15 novembre 2017, le comité de direction de Tred Union a discuté de la volonté de l’Alliance de rencontrer Shippeo : « Joël informe que SHIPEO (sic) sera reçu prochainement par l'ALLIANCE.

B2P travaille pour proposer des services identiques à des tarifs plus intéressants en sortant la (sic) dépendance d'entreprise extérieure »200. Les éléments du dossier n’indiquent pas si cet envoi a, par la suite, fait l’objet d’une communication rectificative à l’attention des adhérents de ce groupement.

222. Le 7 décembre 2017, un échange de courriels entre l’entreprise Ageneau, membre du groupement Tred Union, et ID Logistics, organisateur de transport pour l’enseigne Carrefour, fournit des informations sur la politique de l’Alliance vis-à-vis de Shippeo201.

223. Dans le premier courriel, ID Logistics indiquait à l’entreprise Ageneau qu’elle entendait commencer un test de l’application Shippeo sur la plateforme logistique du Coudray.

M. 10... répondait alors : « Malheureusement nous ne pourrons pas vous accompagner pour ces tests. Je suis actuellement en contact avec l’entreprise Shippeo car ils sont présents chez plusieurs de nos clients. De grandes interrogations se posent concernant la société, leurs conditions générales de vente ne sont pas explicites, plusieurs points restent à clarifier. Notamment l’archivage, le devenir et la gestion de nos données informatiques.

L’Alliance (groupement des fédérations professionnelles des transporteurs qui regroupent ABS, ASTRE, FLO, France Groupement, France Plateaux, Tred Union etc) se regroupe prochainement au sujet de Shippeo, afin de statuer sur la position de la profession face à cette société (…) »202.

224. Puis, M. 10... a indiqué qu’« une autre solution est développée par H2P (société au capital détenu à 100 % par plus de 300 transporteurs) se nommant GedMouv » et qu’elle serait

« soutenue par l’ensemble de la profession »203.

La communication au sein du groupement Evolutrans

225. Le 28 février 2018, soit le lendemain de la réunion de l’Alliance précitée, lors d’un CDE d’Evolutrans204, il a été décidé : « Après échanges, le CDE souhaite à nouveau mettre en garde les adhérents sur le fait qu'en travaillant avec des outils comme Shippeo, ces structures récupèrent nos données. Il ne faut pas oublier qu'à l'origine, Shippeo souhaitait créer une plateforme digitale. L'utilisation de nos données (géolocalisation, clients et marchandises traités, etc) pourrait permettre à Shippeo de récupérer nos données et d'en faire un mauvais usage qui pourrait ensuite se retourner contre les transporteurs »205.

Récapitulatif

226. Le tableau ci-après récapitule les différents échanges au sujet du logiciel de traçabilité Shippeo détaillés ci-avant, d’abord en interne à H2P et B2PWeb, puis lors de réunions de l’Alliance et, enfin, au sein des différents groupements de transporteurs.

Tableau n° 6 : Récapitulatif des échanges portant sur Shippeo, au sein de H2P et B2PWeb, lors de réunions de l’Alliance et au sein des groupements de transporteurs

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227. Il résulte des éléments précédemment exposés que H2P, B2PWeb, les groupements de Flo, Astre, Tred Union et Evolutrans, ASTR ainsi que les fédérations UNOSTRA et OTRE (voir paragraphes 240 et suivants ci-après) ont, dans la continuité de la stratégie mise en place à l’égard des plateformes numériques d’intermédiation, cherché à empêcher le logiciel de traçabilité Shippeo de se développer dans le secteur du transport routier de marchandises. Les groupements Flo, Astre, Tred Union et Evolutrans ont par la suite diffusé des consignes à leurs adhérents visant à ne pas utiliser ce logiciel, tout comme la fédération l’OTRE (voir également paragraphes 240 et suivants).

2. LA COMMUNICATION DE L’OTRE A L’ENCONTRE DES NOUVELLES PLATEFORMES D’INTERMEDIATION

228. À partir de décembre 2016, les dirigeants de l’OTRE ont commencé à discuter de la question du positionnement de l’organisation vis-à-vis des plateformes numériques d’intermédiation dans le transport routier de marchandises.

229. En effet, le 8 décembre 2016, le conseil des permanents de l’OTRE a abordé le sujet du positionnement de l’organisation vis-à-vis de Convargo dans les termes suivants :

« I… explique que les autres organisations patronales soutiennent la plateforme CONVARGO et que cette dernière a contacté l'OTRE afin de solliciter son appui, les clients ciblés de CONVARGO étant proches de la typologie des entreprises adhérentes. Certaines d'entre elles, contactées par CONVARGO, ont alerté l'OTRE quant aux risques liés au modèle proposé.

M. 22… indique avoir été informée par le groupement TRED UNION de la mise en place d'un groupe de travail sur le sujet. De même, Mme 23… précise que l'Alliance réfléchit également à la manière de contrer ce type de plateformes.

I... propose de transmettre aux secrétaires généraux une analyse confidentielle du modèle CONVARGO élaborée avec le soutien de partenaires de l'OTRE. Ce document identifie l'émergence possible de risques pour les entreprises de transport. Dans l'attente d'un positionnement tranché du conseil d'administration, lequel se réunira le 17 janvier prochain, il est préconisé d'appeler les entreprises à la plus grande prudence dans le cadre de démarchage de la plateforme. »206.

230. Ainsi, dès le 8 décembre 2016, l’OTRE, via son « conseil des permanents », décidait de mettre en garde les transporteurs vis-à-vis de Convargo.

231. En audition, M. I... (OTRE) a affirmé que « L’analyse confidentielle du modèle Convargo » dont il est question dans ce compte-rendu a été rédigée par une personne extérieure à l’OTRE, spécialisée dans le domaine du suivi électronique des équipements pour les personnes cardiaques207.

232. Cette note, qui analyse en détail l’offre proposée par Convargo, sur la base des informations disponibles à l’époque, a été envoyée au conseil des permanents le 8 décembre 2016208. Les principales menaces identifiées concernaient non seulement la concurrence potentielle exercée par ce type de plateformes sur les bourses de fret et le risque de course vers des prix bas, mais aussi, et surtout, l’émergence de solutions alternatives en matière de gestion des flux de transports et des données de géolocalisation. En effet, si elles devenaient des partenaires incontournables des clients chargeurs, les plateformes seraient capables de gérer informatiquement un grand nombre de fonctions logistiques aujourd’hui assurées à la fois par les équipes internes des clients et par les transporteurs209. Néanmoins, le courriel accompagnant la note précise que « ce document ne doit nullement être diffusé. Pour l’heure, il n’est qu’une base de réflexion qui n’engage nullement l’OTRE ». Le courriel prévoit que

« L’OTRE se prononcera probablement sur cette question prochainement »210.

233. Ainsi, le 14 décembre 2016, un conseil d’administration de l’OTRE, réuni par conférence téléphonique, a de nouveau abordé le sujet. La Présidente de l’OTRE a souhaité, à cette occasion, « alerter » les administrateurs sur l’émergence de ce type de plateformes et a clairement lancé un appel au boycott : « La présidente estime que ces plateformes représentent un vrai danger pour les transporteurs et souhaite que l’OTRE prenne une position ferme à leur encontre. Elle propose d’appeler les entreprises à boycotter ces plateformes d’intermédiation »211.

234. Si les administrateurs ont été « invités à la réflexion dans l’attente de la réunion du conseil du 17 janvier 2017 qui définira la position de l’OTRE sur cette question »212, il ressort cependant d’un courriel de M. 11…, secrétaire général de l’OTRE Auvergne-Rhône-Alpes, qu’une mise en garde a été rapidement adressée aux adhérents.

235. En effet, le 16 décembre 2016, soit deux jours après l’assemblée générale de l’OTRE,

M. 11… a envoyé aux adhérents un courriel indiquant : « L'OTRE tient à vous mettre en garde contre un recours à la plateforme CONVARGO. Compte tenu de la nature des financeurs du projet, l'esprit low-cost de sa philosophie, les risques pour les PME du transport sont réels »213.

236. Le 17 janvier 2017, le conseil d’administration de l’OTRE a définitivement validé le principe de l’appel au boycott. Sur la question des plateformes d’intermédiation, le compte-rendu indique notamment que « Le conseil d’administration donne mandat à l’unanimité à sa présidente pour communiquer au nom de l’OTRE son refus de cautionner la pratique des plateformes d’intermédiation » et « pour appeler tous les chefs d’entreprise de PME et TPE à ne pas s’engager auprès des plateformes d’intermédiation notamment au cours de la cérémonie des vœux du 18 janvier 2017 »214.

237. Dans ce cadre, l’OTRE a pris publiquement position sur cette question dans un article intitulé

« Le danger des nouvelles plateformes numériques dans le TRM (Convargo, Chronotrucks, Fretlink, etc.) », publié dans la revue « Otrement dit » du mois de janvier 2017. Dans cette publication, l’OTRE formulait de nombreuses critiques à l’égard de ces nouveaux acteurs. L’article indique notamment que « L’OTRE s’oppose avec énergie et détermination à ces plateformes. Elle appelle tous les professionnels transporteurs à ne pas collaborer avec elles, à refuser explicitement leurs propositions commerciales – A résister ! Il en va de la survie de la profession ! ». En conclusion, « l’OTRE appelle purement et simplement au boycott de ces plateformes numériques »215.

238. Les éléments du dossier n’indiquent pas si cette publication a, par la suite, fait l’objet d’une publication rectificative dans cette même revue.

239. Le tableau ci-après récapitule les différents éléments détaillés ci-avant démontrant des actions et communications similaires à l’encontre des plateformes numériques d’intermédiation mises en œuvre par l’OTRE en 2017 en parallèle et indépendamment de celles mises en œuvre par H2P, B2PWeb et certains membres du conseil de gouvernance de H2P.

Tableau n° 7 : Récapitulatif des actions et communications mises en œuvre en parallèle par l’OTRE en 2017

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240. Il ressort ainsi de ces éléments qu’indépendamment et en parallèle aux actions mises en œuvre par H2P, B2PWeb, l’UNOSTRA ainsi que plusieurs groupements de transporteurs vis-à-vis des nouveaux acteurs du transport routier de marchandises, les responsables de

l’OTRE ont mis en œuvre des actions similaires à l’encontre notamment des plateformes numériques d’intermédiation.

3. LES CONTACTS ENTRE H2P ET L’OTRE AU SUJET DES PLATEFORMES

a) Les contacts entre H2P et l’OTRE

241. Comme mentionné aux paragraphes 133 et suivants, à partir de la fin de l’année 2016,

M. X... (H2P) est entré en contact avec l’OTRE, et notamment Mme J..., Présidente de l’OTRE, afin de l’inciter à suivre la même politique que celle décidée au sein de H2P, sans pour autant avoir de retour de sa part.

242. Le 25 janvier 2017, M. X... (H2P) a transmis par courriel à M. I..., Secrétaire général de l’OTRE, une note sur les CGU de Chronotruck ainsi que la note de synthèse du 10 janvier 2017 sur le sujet des plateformes d’intermédiation216. M. X... a précisé :

« Je dois vous dire que nous nous réjouissons de voir les Fédérations communiquer récemment sur ce sujet même si certaines d’entre elles le font dans des termes qui ne nous apparaissent pas pour l’instant suffisamment clairs et en totale conformité avec le ressentiment d’un nombre de plus en plus importants (sic) de professionnels avec lesquels nous sommes en contact ». Puis, « Je suis à votre disposition à tout moment pour m’entretenir de ce sujet avec vous. M. 12… a envisagé un RV à Paris avec vous et peut être votre Présidente. J’y suis évidemment favorable ayant pour objectif de m’être rapprochée des Fédérations avant la fin de ce mois de janvier » 217.

243. En réponse, le même jour, M. I... (OTRE) a remercié M. X... (H2P) pour la transmission de sa note de synthèse sur les plateformes d’intermédiation et a indiqué que

« La position de l’OTRE sur ces nouvelles plateformes est claire : c’est non ! Comme vous le soulignez, nous avons déjà commencé à exprimer notre opposition. Notre prochaine newsletter, qui sera diffusée demain, sera extrêmement claire sur notre position. D’autres communications suivront. » 218.

244. Le 26 janvier 2017, M. I... (OTRE) a transféré à M. X... (H2P) un lien vers la communication de l’OTRE intitulée « Non à l’uberisation des entreprises de transport routier ». Il complétait en proposant : « si vous en convenez, je me propose de revenir vers vous rapidement afin d’échanger sur le sujet en présence de Madame J... ». Le même jour, M. X... (H2P) répond en indiquant notamment « Je constate que votre Organisation a décidé d’être claire et active sur le sujet. Je m’en réjouis. Je suis à votre disposition pour l’échange que vous évoquez avec votre Présidente soit en réunion téléphonique soit un RV à Paris à date et heure à convenir » 219.

245. Le 12 avril 2017, M. X... (H2P) a, à nouveau, écrit à l’OTRE sur le sujet des plateformes d’intermédiation et plus précisément de leur statut juridique220. Il concluait son courriel de la manière suivante : « Et pourtant, la méthode est simple pour éviter ce saccage de nos entreprises : Garder la maîtrise de nos véhicules et ne pas en confier la gestion à ses (sic) opérateurs extérieurs à la profession » 221.

246. Puis, le 16 mai 2017, lors du conseil de gouvernance de H2P, M. I... (OTRE) a « [confirmé] la position claire exprimée par l’OTRE à l’encontre des PLATEFORMES d’INTERMEDIATION »222 (voir ci-dessus).

b) Les communications de l’OTRE suite aux échanges avec H2P

247. Le 26 janvier 2017, un éditorial publié sur le site Internet de l’OTRE reprend un appel à ne pas collaborer avec les plateformes d’intermédiation. Il est intitulé « Non à l’ubérisation des entreprises de transport routier ! ». Cet article conclut ainsi : « L’OTRE s’oppose avec énergie et détermination à ces plateformes. Elle appelle tous les professionnels transporteurs à ne pas collaborer avec elles, à refuser explicitement leurs propositions commerciales. À résister ! Il en va de la survie de la profession ! »223. Les éléments du dossier n’indiquent pas si l’OTRE a retiré cette publication de son site. Cette fédération avance toutefois que cette publication n’était plus accessible sur son site à la date de la notification des griefs224.

248. De même, le 17 mars 2017, un article du site d’information spécialisé dans le transport www.lantenne.com225 a repris les déclarations suivantes de Mme J... sur twitter au mois de janvier 2017 : « 3,5M € pour piller le transport routier… amis transporteurs vous devez boycotter ces plateformes »226.

249. Enfin, le 14 avril 2017, dans un entretien accordé au site Actu-Transport-Logistique.fr, Mme J... a réitéré son appel au boycott : « Sachez, par ailleurs, que nous avons appelé les transporteurs à boycotter toutes les plateformes d’intermédiation, y compris celle (Chronotruck, Ndlr) qui possède le statut de commissionnaire »227.

c) La diffusion au sein de l’OTRE des positions de H2P

250. Le 1er juin 2017, un courriel interne à l’OTRE de M. I... indique que celui-ci souhaite que l’OTRE communique sur la note de H2P. Le 29 août 2017, un employé de l’OTRE affirme que cette communication sera en ligne le lundi suivant228.

251. Sur ce point, l’OTRE a indiqué en audition : « Ce document n’a été diffusé ni sur notre mensuel, ni sur notre site Internet mais il a été présenté au conseil d’administration de l’OTRE. Je ne peux pas vous préciser la date exacte de présentation du document au conseil d’administration.

La mise en ligne n’a pas été faite sur instruction de la Présidente. Un article était en préparation mais il n’a pas été diffusé. C’est M. 13..., chargé de communication de l’OTRE, qui me l’a confirmé »229.

252. Le 28 juin 2017, M. X... (H2P) a écrit à Mme J... (OTRE) un long courriel à l’occasion de sa réélection à la présidence de l’OTRE230. L’objectif était de présenter H2P et B2PWeb comme une société avant tout au service de ses actionnaires, suivant le slogan

« PAR et POUR les PROFESSIONNELS du TRANSPORT ». Puis, M. X... (H2P) insiste sur l’intérêt des produits Gedtrans et surtout Gedmouv, lequel est présenté comme

« la parade professionnelle au produit SHIPEO (sic)» 231. Plus loin, il est indiqué « Alors il n’y a pas d’autre solution pour la profession du transport que de combattre avec force tous ces opérateurs avides de profits faits sur le dos des transporteurs : C’est l’enjeu du Lobbying que nous avons initié en ce début d’année et qui a été clairement relayé par votre Organisation » 232.

253. Le 29 juin 2017, la responsable d’une entreprise de transports de Metz a transmis à l’OTRE la communication faite par B2PWeb de la note de H2P à l’ensemble de ses clients233. Le même jour, la direction a discuté au sein d’échanges internes du courriel de M. X... du 12 avril 2017 précité234. M. I... (OTRE) concédait, à propos de l’analyse de M. X... (H2P) : « au demeurant son analyse sur les CGU est exacte » 235.

254. Le 29 juin 2017 également, M. X... (H2P) a remercié M. I... (OTRE) pour la transmission d’un article paru dans le quotidien Les Echos236. En outre, il a indiqué : « Je me réjouis de constater à nouveau que votre Fédération a décidé de s’élever clairement contre ces plateformes dont le développement sera si destructeur pour les entreprises de transport »237.

255. L’opposition de l’OTRE aux plateformes s’est poursuivie au moins jusqu’au début de l’année 2018. En effet, le 15 janvier 2018, une série de courriels internes à l’OTRE évoque un projet d’entretien de M. I... (OTRE) avec un journaliste de la revue « l’Officiel des Transporteurs », en vue d’un article sur la mutualisation238. En vue de cet entretien, Mme 24…, secrétaire générale adjointe de l’OTRE, a fourni à M. I... des éléments de langage. Sur la question des plateformes d’intermédiation, il est ainsi proposé de « rappeler la position d’otre et les mises en garde de B2PWeb »239.

256. L’article finalement publié le 2 février 2018 par « l’Officiel des Transporteurs » reprend ainsi notamment les positions déjà exprimées par l’OTRE sur le niveau des prix et sur la sécurité des données, et indique que « la position de l’OTRE est vent-debout »240.

 d) Tableau récapitulatif

257. Le tableau ci-après récapitule les éléments détaillés ci-avant démontrant des discussions entre H2P et OTRE au sujet des nouveaux acteurs du secteur du transport routier de marchandises puis la diffusion au sein de l’OTRE de la position de H2P sur ces questions.

Tableau n° 8 : Récapitulatif des échanges entre H2P et OTRE concernant les nouveaux acteurs du transport routier de marchandises puis de la diffusion des communications de H2P au sein de l’OTRE

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258. Il ressort ainsi de ces éléments qu’à partir du 25 janvier 2017, l’OTRE a pleinement souscrit aux actions menées par H2P et B2PWeb à l’encontre des nouveaux acteurs du numérique, en informant H2P de son souhait d’une opposition franche de l’ensemble du secteur vis-à-vis de ces nouveaux types d’opérateurs. L’OTRE a par la suite confirmé son adhésion à la stratégie mise en œuvre à l’encontre des plateformes et logiciels de traçabilité par les membres du conseil de gouvernance de H2P à plusieurs occasions, notamment lors du conseil de gouvernance du 16 mai 2017.

E. LE GRIEF NOTIFIE

259. Il est fait grief :

– à la société Bourse Premium Professionnel (RCS d’Avignon, n° 489 052 902), en tant qu’auteure,

– à la société Holding Premium Professionnel (RCS de Rouen, n° 514 670 017), en tant qu’auteure et société mère de Bourse Premium Professionnel,

– à la société Evolutrans (RCS de Vienne, n° 444 543 649), en tant qu’auteure,

– à la société Association des transporteurs européens (RCS d’Evry, n° 387 681 71), en tant qu’auteure,

– à l’association France Lots Organisation (n° 398 627 299), en tant qu’auteure,

– à la société Tred Union (RCS de Colmar, n° 512 555 236), en tant qu’auteure,

– au syndicat Union Nationale des Organisations Syndicales des Transporteurs Routiers Automobiles (n° 775 680 200), en tant qu’auteur,

– à la société Groupement d’Achats et de Services des Transports Routiers (RCS d’Angers, n° 331 758 714), en tant qu’auteure,

– au syndicat Organisation des Transporteurs Routiers Européens (n° 434 428 470), en tant qu’auteur,

d’avoir pris part à une entente unique, complexe et continue dans le secteur du transport routier de marchandises. Les participants à cette entente ont mis en œuvre un ensemble d’accords et de pratiques concertées consistant en des pratiques de boycott et d’appel au boycott et poursuivant un objectif unique. De tels comportements revêtent un objet anticoncurrentiel et sont prohibés par l’article L. 420-1 du code de commerce et par l’article 101 TFUE.

Cette entente a été mise en œuvre depuis le 24 juillet 2016 et perdure à la date d’envoi de la présente notification de griefs.

Les griefs sont notifiés aux sociétés précitées, en considération de l’étendue de leur responsabilité individuelle pour l’ensemble de l’infraction unique, complexe et continue et pour la période au cours de laquelle elles y ont pris part ou en ont eu connaissance, c’est-à- dire :

– à la société Bourse Premium Professionnel pour sa participation du 29 juillet 2016 à la date d’envoi de la présente notification de griefs ;

– à la société Holding Premium Professionnel pour sa participation du 24 juillet 2016 à la date d’envoi de la présente notification de griefs et pour la participation de la société Bourse Premium Professionnel du 29 juillet 2016 à la date d’envoi de la présente notification de griefs ;

– à la société Evolutrans pour sa participation du 29 juillet 2016 à la date d’envoi de la présente notification de griefs ;

– à la société Association des transporteurs européens pour sa participation du 2 septembre 2016 à la date d’envoi de la présente notification de griefs ;

– à l’association France Lots Organisation pour sa participation du 7 septembre 2016 à la date d’envoi de la présente notification de griefs ;

– à la société Tred Union pour sa participation du 22 novembre 2016 à la date d’envoi de la présente notification de griefs ;

– au syndicat Union Nationale des Organisations Syndicales des Transporteurs Routiers Automobiles pour sa participation du 22 novembre 2016 à la date d’envoi de la présente notification de griefs ;

– à la société Groupement d’Achats et de Services des Transports Routiers pour sa participation du 13 décembre 2016 à la date d’envoi de la présente notification de griefs ;

– au syndicat Organisation des Transporteurs Routiers Européens pour sa participation du 16 décembre 2016 à la date d’envoi de la présente notification de griefs.

III. Discussion

260. Seront successivement examinés la procédure, l’applicabilité du droit de l’Union, la définition des marchés, le bien-fondé du grief notifié, l’imputabilité et les sanctions pécuniaires et non pécuniaires.

A. SUR L’ECHEC DE LA PROCEDURE DE TRANSACTION

261. L’OTRE conteste le refus des services d’instruction d’entrer en voie de transaction et avance notamment que la procédure de discussion avec les services d’instruction sur une éventuelle transaction n’a pas été conduite de manière loyale par les rapporteurs, sans toutefois développer les motifs pour lesquels la procédure aurait été déloyale.

262. Il ressort du III de l’article L. 464-2 du code de commerce et du communiqué de procédure du 21 décembre 2018 relatif à la procédure de transaction (ci-après, « le communiqué transaction ») que le rapporteur général dispose d’un large pouvoir d’appréciation sur l’opportunité du recours à cette procédure dans une affaire déterminée et sur la pertinence de chaque demande d’application de la procédure présentée par une entreprise. L’existence d’échanges entre le rapporteur général et l’entreprise ayant sollicité le bénéfice de la procédure de transaction ne préjuge en rien de la suite de la procédure241.

263. Le communiqué transaction précise également que : « Dans le cas où les griefs sont imputés à plusieurs entreprises, le nombre de parties mises en cause souhaitant bénéficier de la procédure de la transaction est également un élément pertinent. En effet, les avantages liés à la mise en œuvre d’une telle procédure à l’égard d’une ou plusieurs parties sont généralement plus réduits lorsque, dans la même affaire, une ou plusieurs autres parties contestent les griefs notifiés. L’Autorité entend donc, de façon générale, privilégier la mise en œuvre de la procédure de transaction dans les affaires dans lesquelles l’ensemble des parties renoncent à contester les griefs et sollicitent le recours à une telle procédure »242.

264. En l’espèce, au terme des échanges menés avec l’OTRE conformément aux points 20 et suivants du communiqué transaction, les discussions sur la transaction n’ont pas abouti. Aucune irrégularité n’a été constatée ce faisant, le rapporteur général disposant d’un large pouvoir d’appréciation pour décider de recourir ou non à la procédure de transaction.

265. En effet, il ressort du communiqué transaction et de la pratique décisionnelle de l’Autorité243 que le pouvoir d’appréciation dont dispose le rapporteur général s’exerce au cas par cas, au regard des éléments propres à chaque affaire et à chaque demande de mise en œuvre de la procédure de transaction. Le rapporteur général peut notamment tenir compte de l’apport susceptible de résulter de la mise en œuvre de la procédure de transaction en termes d’accélération et de simplification du traitement du dossier244.

266. Pour l’ensemble de ces motifs, l’argument soulevé par l’OTRE doit être rejeté.

B. SUR L’APPLICATION DU DROIT DE L’UNION EUROPEENNE

1. RAPPEL DES PRINCIPES

267. L’article 101 du TFUE dispose : « Sont incompatibles avec le marché intérieur et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur ». Selon la jurisprudence constante des juridictions européennes, la notion d’affectation des échanges entre États membres est interprétée largement, dans la mesure où, « pour être susceptibles d’affecter le commerce entre États membres, une décision, un accord ou une pratique doivent, sur la base d’un ensemble d’éléments de fait et de droit, permettre d’envisager avec un degré de probabilité suffisant qu’ils puissent exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d’échanges entre États membres, et cela de manière à faire craindre qu’ils puissent entraver la réalisation d’un marché unique entre États membres »245.

268. Se fondant sur la jurisprudence constante de l’Union, et à la lumière de la communication de la Commission européenne portant lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité [devenus les articles 101 et 102 du TFUE]246, l’Autorité considère de manière constante que trois éléments doivent être réunis pour que des pratiques soient susceptibles d’affecter sensiblement le commerce entre États membres : (i) l’existence d’échanges entre États membres portant sur les produits ou les services en cause, (ii) l’existence de pratiques susceptibles d’affecter ces échanges et (iii) le caractère sensible de cette possible affectation.

269. La circonstance que des ententes ou abus de position dominante ne soient commis que sur le territoire d’un seul État membre ne fait pas obstacle à ce que les deux premières conditions soient remplies. S’agissant des ententes, la Cour de justice a précisé, dans un arrêt du 24 septembre 2009, Erste Group Bank/Commission, que : « (…) le fait qu’une entente n’ait pour objet que la commercialisation des produits dans un seul État membre ne suffit pas pour exclure que le commerce entre États membres puisse être affecté. En effet, une entente s’étendant à l’ensemble du territoire d’un État membre a, par sa nature même, pour effet de consolider des cloisonnements de caractère national, entravant ainsi l’interpénétration économique voulue par le traité CE »247.

270. Aux termes d’un arrêt du 31 janvier 2012248, la Cour de cassation a en outre jugé que « le caractère sensible de l’affectation directe ou indirecte, potentielle ou actuelle, du commerce intracommunautaire résulte d’un ensemble de critères, parmi lesquels la nature des pratiques, la nature des produits concernés et la position de marché des entreprises en cause »249.

2. APPLICATION AU CAS D’ESPECE

a) Sur les arguments de Flo

271. Le groupement Flo affirme que le droit de l’Union ne serait pas applicable aux pratiques poursuivies dans le présent dossier. Ce groupement relève, tout d’abord, que la quasi-totalité des activités de transport routier de marchandises est concentrée sur le territoire français et que, de même, l’activité de la bourse de fret B2PWeb est limitée à la France. Aucun échange entre États membres ne serait donc en jeu dans le présent dossier.

272. Ensuite, Flo considère que les pratiques en cause ne concerneraient qu’un petit nombre de transporteurs sur l’ensemble du marché français du transport routier de marchandises. Par conséquent, une quelconque affectation des échanges entre États membres ne pourrait être qualifiée de sensible.

273. Les autres parties ne contestent pas l’applicabilité du droit de l’Union européenne en l’espèce.

b) Sur l’appréciation de l’Autorité

Sur l’existence d’échanges entre États membres

274. En l’espèce, si l’activité des entreprises de transport routier de marchandises est fortement centrée sur le territoire national, puisque 90 % du transport routier de fret sous pavillon français a été effectué exclusivement sur le territoire national en 2015, les entreprises françaises de transport routier de marchandises sont également, pour une partie de leur activité, en relation d’affaires avec des clients situés à l’étranger. Leur réseau leur permet, en effet, de livrer partout en Europe, au besoin par l’entremise de correspondants étrangers. De même, les entreprises françaises de transport routier de marchandises peuvent être confrontées à la concurrence d’entreprises européennes qui effectuent des prestations en cabotage250 en France.

275. C’est également le cas des principales bourses de fret – à l’exception de B2PWeb qui se concentre sur le marché français – et la plupart des plateformes numériques actives dans le transport routier de marchandises qui proposent des offres de fret sur l’ensemble du territoire européen.

276. Enfin, s’agissant des services de gestion et de suivi en ligne des livraisons au travers de plateformes logicielles, ceux-ci peuvent également être proposés à des transporteurs et à des clients chargeurs aussi bien en France qu’en Europe. À ce titre, le dirigeant de la société Everoad a confirmé travailler avec des transporteurs ressortissants de plusieurs États membres : « Sur les 3000 transporteurs, 50% sont français, le reste espagnols, allemands, lituaniens »251. Aussi, comme indiqué par la société Shippeo en audition, les applications de gestion et de suivi de livraisons peuvent également avoir un champ d’action sur l’ensemble de l’Europe252.

277. L’existence d’un courant d’échanges entre États membres portant sur les produits et services concernés par les pratiques est donc établie.

Sur l’affectation des échanges

278. Les pratiques en cause visent à limiter le développement des plateformes numériques d’intermédiation dans le transport routier de marchandises, ainsi que celui de certains services de suivi des livraisons en temps réel, sur l’ensemble du territoire national.

279. Ces comportements sont donc de nature à impacter les opportunités d’offre et de demande de lots pour des transports nationaux et européens, mais aussi à limiter les incitations des acteurs de l’économie numérique à s’implanter en France.

280. Dès lors, les pratiques en cause couvrent l’intégralité du territoire national et peuvent être présumées affecter les échanges entre États membres, au sens de la jurisprudence et des lignes directrices précitées.

Sur le caractère sensible de l’affectation

281. Les pratiques en cause ont été mises en œuvre par B2PWeb, une bourse de fret ayant une activité importante sur le territoire français, ainsi que par des fédérations et groupements représentant un nombre important de transporteurs.

282. Les incitations au boycott ont été mises en œuvre à l’encontre de l’ensemble des nouvelles plateformes numériques d’intermédiation et ont notamment visé les plateformes les plus importantes, à savoir Convargo, Chronotruck, et Fretlink.

283. Les pratiques en cause sont donc susceptibles d’affecter au moins potentiellement le commerce entre États membres de manière sensible.

Conclusion

284. Ainsi, contrairement à ce qui est avancé par le groupement Flo, il résulte de l’ensemble de ces développements que le commerce entre États membres est susceptible d’être affecté de manière sensible par les pratiques en cause. Ces pratiques doivent donc être examinées au regard du droit de la concurrence de l’Union, et notamment de l’article 101 du TFUE, et du droit national, notamment l’article L. 420-1 du code de commerce.

C. SUR LE MARCHE PERTINENT

1. RAPPEL DES PRINCIPES APPLICABLES

285. Dans sa Communication sur la définition du marché en cause, la Commission rappelle qu’« un marché de produits en cause comprend tous les produits et/ou services que le consommateur considère comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l’usage auquel ils sont destinés »253.

286. Au niveau national, l’Autorité estime que « Le marché, au sens où l'entend le droit de la concurrence, est défini comme le lieu sur lequel se rencontrent l'offre et la demande pour un produit ou un service spécifique. (...). Une substituabilité parfaite entre produits ou services s'observant rarement, le Conseil regarde comme substituables et comme se trouvant sur un même marché les produits ou services dont on peut raisonnablement penser que les demandeurs les considèrent comme des moyens alternatifs entre lesquels ils peuvent arbitrer pour satisfaire une même demande »254.

287. Néanmoins, il résulte de la jurisprudence de l’Union que « (...) l’obligation d’opérer une délimitation du marché en cause dans une décision adoptée en application de l’article 81 CE s’impose à la Commission uniquement lorsque, sans une telle délimitation, il n’est pas possible de déterminer si l’accord, la décision d’association d’entreprises ou la pratique concertée en cause est susceptible d’affecter le commerce entre États membres et a pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun »255.

288. Cette appréciation est partagée par le Conseil de la concurrence puis l’Autorité qui, lorsque

« (...) les pratiques (...) sont recherchées au titre de la prohibition des ententes (...) », estiment qu’« ( ...) il n’est pas nécessaire de définir le marché avec précision, comme en matière d’abus de position dominante, dès lors que le secteur et les marchés ont été suffisamment identifiés pour permettre de qualifier les pratiques qui y ont été constatées et de les imputer aux opérateurs qui les ont mises en œuvre »256.

2. APPLICATION AU CAS D’ESPECE

Sur les arguments des parties

289. Dans leurs observations, Flo et Tred Union considèrent en substance que ces deux groupements ne sont pas actifs sur les marchés affectés par les pratiques. Le groupement Flo considère en effet que la définition du secteur concerné par les pratiques devrait inclure uniquement un segment du marché du transport routier de marchandises constitué du transport de lots complets ou semi-complets, à l’exclusion des autres types d’activités tels que le transport par citerne, le transport par benne ou plateau ou encore le transport frigorifique.

290. Par ailleurs, le groupement Tred Union affirme que sa propre activité, c’est-à-dire « l’activité de groupement à l’achat au bénéfice des adhérents et de prestations de services, d’assistance technique administrative et juridique sans activité commerciale propre ni de services de réponse aux appels d’offre », n’est pas visée dans la notification des griefs.

Sur l’appréciation de l’Autorité

291. Dans la présente affaire, les pratiques concernées s’inscrivent dans le cadre du secteur du transport routier de marchandises. Ce secteur comprend des activités variées au regard du type de produits transportés (matières dangereuses, marchandises sous température contrôlée par exemple), de la distance parcourue ou encore du mode de conditionnement (marchandises conditionnées ou en vrac).

292. Ainsi, la pratique des autorités de concurrence en matière de concentrations envisage plusieurs sous-segmentations dans ce secteur, selon (i) le caractère domestique ou transfrontalier, (ii) le type d’offres proposées (transport dédié, transport par camions complets, transport par lot ou groupes de lots et messagerie), (iii) la nature des produits transportés (transport de matières dangereuses, transport de produits sous température dirigée) et (iv) le mode de conditionnement (transport de marchandises conditionnées, transport de marchandises en vrac)257.

293. Par ailleurs, comme indiqué ci-avant (voir paragraphe 5 et suivants), le secteur du transport routier de marchandises fait intervenir de nombreux types d’opérateurs tout au long d’une chaîne contractuelle parfois longue : clients, commissionnaires de transport, courtiers, bourses de fret, plateformes d’intermédiations, groupements et enfin les transporteurs eux-mêmes.

294. En l’espèce, et conformément à la jurisprudence rappelée ci-avant au paragraphe 287, il n’est pas nécessaire de définir le marché avec précision, d’autant que les pratiques en cause impliquent des entreprises actives à plusieurs stades de cette chaîne contractuelle, et concernent précisément les relations pouvant être nouées entre commissionnaires, bourses de fret, plateformes d’intermédiation, éditeurs de logiciels, groupements et transporteurs.

295. En outre, les pratiques en cause visaient à éviter tout changement structurel de la concurrence sur le marché du transport routier de marchandises en boycottant ou en appelant à boycotter les nouveaux acteurs numériques de ce secteur.

296. Par conséquent, contrairement à ce qui est avancé par le groupement Flo, il n’est pas possible d’affirmer que les transporteurs actifs uniquement dans certains services spécialisés ne pourraient, par principe, pas être concernés par les services des bourses de fret, des plateformes numériques d’intermédiation ou encore des outils numériques de traçabilité.

297. De plus, contrairement à ce qui est avancé par le groupe Tred Union, les pratiques poursuivies par les parties en cause, et notamment les groupements de transporteurs, consistaient précisément à s’écarter de leurs activités habituelles pour appeler, directement ou indirectement, les transporteurs à boycotter les plateformes numériques d’intermédiation et les outils numériques de traçabilité.

298. En ce qui concerne la dimension géographique à prendre en considération, il y a lieu de rappeler que le transport routier de marchandises est généralement considéré par les autorités de concurrence comme étant une activité de dimension nationale, malgré une tendance à l’européanisation258. À cet égard, il ressort des éléments du dossier que les actions et communications lancées par les fédérations et groupements et par H2P et B2PWeb ont visé le territoire national.

299. Le secteur concerné par les pratiques constatées est donc le secteur national du transport routier de marchandises. Aussi, eu égard à la nature et à l’objet des pratiques en cause, il n’apparaît pas nécessaire de délimiter plus précisément le marché pertinent.

D. SUR LE BIEN-FONDE DU GRIEF NOTIFIE

300. Seront successivement étudiés l’existence d’un accord de volontés entre les organismes mis en cause, le caractère anticoncurrentiel de ces pratiques, la constitution d’une infraction unique, complexe et continue, la durée de cette infraction unique, complexe et continue et, enfin, la participation individuelle de chaque entité à cette infraction.

1. SUR L’ACCORD DE VOLONTES

a) Les principes applicables

301. Les articles 101, paragraphe 1 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce prohibent les ententes, pratiques concertées et décisions d’associations d’entreprises restrictives de concurrence qui résultent d’accords de volontés entre entités autonomes.

302. S’agissant des pratiques mises en œuvre par des organismes collectifs (syndicats, associations, ordres professionnels, etc.), la Cour de cassation a jugé, par un arrêt de principe du 16 mai 2000, que ces organismes représentent « la collectivité de [leurs] membres et (…) [qu’] une pratique susceptible d’avoir un objet ou un effet anticoncurrentiel mis en œuvre par un tel organisme révèle nécessairement une entente, au sens de l’article 7 de l’ordonnance du 1er décembre 1986, entre ses membres »259.

303. Il ressort d’une jurisprudence constante que ce type d’entente peut résulter de tout acte émanant des organes d’un groupement professionnel, tel qu’un règlement professionnel, un règlement intérieur, un barème ou une circulaire. En effet, « l’élaboration et la diffusion, à l’initiative d’un syndicat professionnel, d’un document destiné à l’ensemble de ses adhérents peuvent (…) constituer une entente, une action concertée contraire à l’article L. 420-1 du code de commerce si ceux-ci ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence »260.

304. En droit de l’Union, ce type d’infraction constitue une décision d’association d’entreprises. Cette notion concerne « les formes institutionnalisées de coopération, c’est-à-dire les situations où les opérateurs économiques agissent par l’intermédiaire d’une structure collective ou d’un organe commun »261.

305. Une telle qualification requiert que l’association soit composée d’entreprises262. En outre, la décision en cause doit constituer l’expression fidèle de la volonté de l’association de coordonner le comportement de ses membres sur le marché263. En d’autres termes, la décision doit constituer « l’expression de la volonté de représentants des membres d’une profession tendant à obtenir de ceux-ci qu’ils adoptent un comportement déterminé dans le cadre de leur activité économique »264.

306. Indépendamment de ce type d’infraction d’apparence unilatérale, plusieurs organismes professionnels peuvent, par ailleurs, également être sanctionnés s’ils s’entendent entre eux, en méconnaissance de la prohibition des accords et pratiques concertées265.

307. Il convient alors d’établir le concours de volontés entre les organismes professionnels concernés266 et donc de s’assurer que ces organismes, qui regroupent des entreprises, ont exprimé leur volonté commune de se comporter d’une façon déterminée sur le marché267.

308. La preuve des accords et pratiques concertées peut résulter soit de preuves se suffisant à elles-mêmes, soit d’un faisceau d’indices constitué par le rapprochement de divers éléments recueillis en cours d’instruction, qui peuvent être tirés d’un ou plusieurs documents ou déclarations et qui, pris isolément, peuvent ne pas avoir un caractère probant268. Les juridictions nationales ont confirmé la valeur probatoire d’un faisceau d’indices graves, précis et concordants269.

309. Enfin, il ressort d’une jurisprudence constante en droit de l’Union que « l’application de l’article 101 TFUE suppose non pas une action ou même une connaissance des associés ou des gérants principaux de l’entreprise concernée, mais l’action d’une personne qui est autorisée à agir pour le compte de l’entreprise (arrêt du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 97). Par ailleurs, ainsi que la Commission l’a souligné, la participation à des ententes interdites par le traité TFUE constitue le plus souvent une activité clandestine qui n’est pas soumise à des règles formelles. Il est rare qu’un représentant d’une entreprise participe à une réunion en étant muni d’un mandat aux fins de commettre une infraction. En outre, conformément à une jurisprudence constante, lorsqu’il est établi qu’une entreprise a participé à des réunions entre entreprises concurrentes ayant un caractère anticoncurrentiel, il incombe à cette entreprise d’avancer des indices de nature à établir que sa participation était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel, en démontrant qu’elle avait indiqué à ses concurrents qu’elle participait à ces réunions dans une optique différente de la leur. Afin que la participation d’une entreprise à une telle réunion ne puisse pas être considérée comme l’approbation tacite d’une initiative illicite ni comme une souscription à son résultat, il faut que cette entreprise se distancie publiquement de cette initiative de manière à ce que les autres participants considèrent qu’elle met fin à sa participation, ou bien qu’elle la dénonce aux entités administratives (arrêt du 3 mai 2012, Comap/Commission, C‑290/11 P, points 74 et 75 ainsi que jurisprudence citée). Eu égard à ces éléments,(...), l’article 101, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens que la constatation de l’existence d’un accord restrictif de concurrence ne nécessite pas la preuve d’un comportement personnel du représentant statutaire d’une entreprise ou d’un accord particulier par lequel ce représentant a autorisé, au moyen d’un mandat, la conduite de son employé ayant participé à une réunion anticoncurrentielle»270.

310. Sur ce dernier point, selon la pratique décisionnelle de l’Autorité, « un cadre dirigeant est réputé représenter ou engager l’entreprise qui l’emploie lorsqu’il agit dans le cadre de ses activités professionnelles (voir, en ce sens, décision n° 06-D-30 du 18 octobre 2006 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des taxis à Marseille, paragraphe 90 ; décision n° 10-D-13 du 15 avril 2010 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la manutention pour le transport de conteneurs au port du Havre, paragraphe 392) »271.

b) Appréciation au cas d’espèce

Sur les arguments des parties

311. Plusieurs parties contestent, en premier lieu, l’existence d’un accord de volontés entre les différentes mises en cause sur la stratégie à adopter face au développement de nouveaux acteurs du numérique dans le secteur du transport routier de marchandises, à savoir les plateformes numériques d’intermédiation et le logiciel de traçabilité Shippeo.

312. En particulier, le groupement Evolutrans estime que durant les conseils de gouvernance de H2P, lors desquels les parties se sont entendues, seul M. X... s’exprimait en faveur d’un boycott collectif des plateformes numériques d’intermédiation, ce qui ne permettrait pas de démontrer un accord collectif.

313. Le groupement Flo et la fédération OTRE avancent par ailleurs que leur intention de participer à une infraction commune n’est pas démontrée, étant donné que chaque organisation n’aurait fait que réagir de façon autonome à l’arrivée de nouveaux acteurs, et ce, dans l’intérêt de ses propres adhérents. Il ne s’agirait donc que de comportements parallèles, sans aucune stratégie commune.

314. Les parties contestent, en second lieu, l’existence d’une entente au sein de chaque organisation visant à limiter le développement des nouveaux acteurs du transport routier de marchandises.

Sur l’appréciation de l’Autorité

315. Il résulte de la pratique décisionnelle et de la jurisprudence rappelées ci-avant que la démonstration de l’accord de volontés d’une décision d’association d’entreprises diffère de celle relative à une pratique concertée entre plusieurs sociétés et organismes collectifs. En l’espèce, la pratique concertée élaborée et mise en œuvre conjointement par les sociétés, groupements de transporteurs et fédérations professionnelles en cause sera présentée avant les décisions d’associations d’entreprises, adoptées séparément par chacun des organismes et fédérations professionnelles.

Sur l’entente entre les sociétés, groupements de transporteurs et fédérations professionnelles

316. Il est reproché aux sociétés H2P et B2PWeb, aux groupements Evolutrans, Astre, Flo, Tred Union et ASTR, ainsi qu’aux fédérations UNOSTRA et OTRE de s’être mis d’accord pour inciter les professionnels du secteur du transport routier de marchandises à ne pas collaborer avec les nouvelles plateformes numériques d’intermédiation ainsi que les logiciels de traçabilité tels que Shippeo.

317. Les concertations ont principalement eu lieu dans le cadre des conseils de gouvernance de H2P, réunissant certaines entités actionnaires de la holding ainsi que des représentants de fédérations professionnelles, lors de réunions de l’Alliance, ou encore lors d’échanges bilatéraux, notamment avec M. X... (H2P).

318. Ces mêmes sociétés et organismes collectifs ont ensuite mis en œuvre cette stratégie décidée en commun, en particulier, en diffusant de façon régulière des communications, principalement rédigées par H2P, à leurs adhérents.

• Les échanges au sein du conseil de gouvernance de H2P

319. Il ressort des constatations opérées aux paragraphes 94 et suivants ci-avant qu’à compter du 29 juillet 2016, des discussions entre plusieurs membres du conseil de gouvernance de H2P, à savoir H2P, B2PWeb, Evolutrans, Flo et Astre ont eu lieu concernant la stratégie à adopter pour bloquer le développement des nouvelles plateformes numériques d’intermédiation dans le transport routier de marchandises.

320. Un accord plus large et plus explicite a été formulé lors du conseil de gouvernance de H2P du 19 octobre 2016 (voir paragraphes 104 et suivants ci-avant) auquel des représentants de H2P, B2PWeb, Evolutrans, Flo, ainsi que de Tred Union, OTRE et UNOSTRA ont participé. Les membres présents sont en effet revenus sur l’importance de mettre en place un boycott à l’encontre des plateformes numériques d’intermédiation. M. A..., qui représentait alors à la fois H2P et Evolutrans (voir paragraphes 512 et suivants ci-après), a pour sa part insisté sur la nécessité de refuser « toute collaboration avec lesdites plateformes » afin de contrer le développement des nouvelles plateformes numériques d’intermédiation.

321. Les parties ont réitéré leur volonté commune de « catégoriquement [refuser] de collaborer avec ces plateformes » lors du conseil de gouvernance de H2P du 22 novembre 2016 (voir paragraphes 123 et suivants ci-avant) qui réunissait des représentants de H2P, B2PWeb, Astre, Evolutrans, Flo, Tred Union, ASTR, UNOSTRA. Cette position a notamment été soutenue par les représentants de Tred Union, Evolutrans et UNOSTRA. Par ailleurs, au cours de ce conseil de gouvernance, M. X... (H2P) a précisément détaillé aux membres présents la stratégie à mettre en œuvre pour boycotter les nouvelles plateformes numériques d’intermédiation et ainsi limiter leur développement sur le marché du transport routier de marchandises. Cette stratégie consistait, en particulier, à inciter le plus grand nombre de professionnels du secteur du transport routier de marchandises à refuser de collaborer avec ces plateformes, notamment en appelant l’attention de tous les actionnaires de H2P sur ce dossier lors des assemblées générales, en ralliant les fédérations professionnelles du secteur à la cause, en rédigeant et diffusant des documents à tous les professionnels du secteur du transport routier de marchandises pour les alerter des dangers de travailler avec les nouvelles plateformes numériques d’intermédiation.

322. Lors du conseil de gouvernance du 16 mai 2017 (voir paragraphes 172 et suivants ci-avant), les représentants des sociétés H2P et B2PWeb, des groupements Astre, Evolutrans, Flo, Tred Union, ASTR, des fédérations FNTR et OTRE, ainsi que des ETI ont eu l’occasion d’exprimer, une nouvelle fois, leur position sur les plateformes numériques d’intermédiation et de poursuivre le « Lobbying anti-plateformes ».

323. Enfin, lors du conseil de gouvernance du 18 juillet 2017 (voir paragraphe 218 ci-avant) , les représentants des sociétés H2P, B2PWeb, des groupements Astre, Evolutrans, Flo, Tred Union, ASTR et des fédérations OTRE et UNOSTRA ont cette fois discuté de la nécessité d’organiser une riposte à l’égard du logiciel de traçabilité Shippeo.

324. Il en résulte que lors des conseils de gouvernance de H2P en octobre et novembre 2016 puis en mai et juillet 2017, et contrairement à ce qui est avancé par Evolutrans, toutes les mises en cause ont affirmé, sans ambiguïté, leur accord sur la nécessité pour la profession de bloquer l’entrée et le développement des nouvelles plateformes numériques d’intermédiation sur le marché du transport routier de marchandises. Cette stratégie a par la suite été étendue aux logiciels de traçabilité et notamment Shippeo.

• Le cas particulier de l’OTRE

325. Il ressort des constatations opérées aux paragraphes 227 et suivants qu’à partir de décembre 2016, la fédération l’OTRE a, de façon autonome, mis en garde ses adhérents contre les plateformes d’intermédiation, et notamment contre Convargo, notamment à travers plusieurs publications.

326. C’est seulement à compter de janvier 2017, et malgré plusieurs tentatives antérieures de contacts engagées par M. X... (H2P) que cette fédération et les sociétés H2P et B2PWeb se sont rapprochées et ont communiqué entre elles, ainsi qu’à leurs adhérents, leurs positions et argumentaires respectifs, contre les plateformes d’intermédiation.

327. Ainsi, dans un échange de courriels entre M. X... (H2P) et M. I... (OTRE) du 25 janvier 2017 (voir paragraphes 241 et suivants), ce dernier remercie M. X... pour la transmission de sa note de synthèse sur les plateformes d’intermédiation et indique que « La position de l’OTRE sur ces nouvelles plateformes est claire : c’est non ! »272.

328. De même, le 26 janvier 2017 (voir paragraphe 243 ci-avant) M. I... (OTRE) a transféré à M. X... (H2P) un lien vers la communication de l’OTRE intitulée « Non à l’uberisation des entreprises de transport routier ». Il complétait en proposant : « si vous en convenez, je me propose de revenir vers vous rapidement afin d’échanger sur le sujet en présence de Madame J... ». Le même jour, M. X... (H2P) répondait en indiquant notamment : « Je constate que votre Organisation a décidé d’être claire et active sur le sujet. Je m’en réjouis. Je suis à votre disposition pour l’échange que vous évoquez avec votre Présidente soit en réunion téléphonique soit un RV à Paris à date et heure à convenir » 273.

329. La fédération l’OTRE a ensuite, comme mentionné ci-avant, participé aux conseils de gouvernance du 16 mai 2017 et du 18 juillet 2017 lors desquels les membres présents ont eu l’occasion de s’exprimer une nouvelle fois sur la stratégie à adopter face aux plateformes numériques d’intermédiation et au logiciel de traçabilité Shippeo.

330. Il en résulte que l’OTRE a manifesté son accord à suivre la stratégie décidée en commun à compter du 25 janvier 2017 lors d’échanges avec M. X... (H2P) puis lors de conseils de gouvernance de H2P en mai et juillet 2017 pour bloquer l’entrée et le développement des nouvelles plateformes numériques d’intermédiation et le logiciel Shippeo sur le marché du transport routier de marchandises.

• Les échanges au sein de l’Alliance

331. Les éléments exposés aux paragraphes 202 et suivants montrent qu’à partir du mois d’octobre 2017, des représentants de H2P, B2PWeb et de plusieurs groupements de transporteurs ont utilisé ce forum de l’Alliance pour aborder la question de l’attitude à adopter vis-à-vis de Shippeo.

332. Ainsi, lors de la réunion du 25 octobre 2017 (voir paragraphe 210 ci-avant), des représentants de Flo, Astre, Evolutrans, Tred Union, et H2P ont abordé le sujet du logiciel de traçabilité Shippeo (« que faire avec SHIPPEO ? ») ainsi que l’objectif de rencontrer cette société afin de « montrer la puissance de l’Alliance »274.

333. Le 27 février 2018 (voir le paragraphe 212 ci-avant), lors d’une réunion de l’Alliance avec notamment des représentants des groupements Astre, Flo, et Tred Union, une longue discussion a eu lieu s’agissant des nouveaux acteurs numériques. L’Alliance a, à ce titre, proposé d’envoyer un courrier aux professionnels du transport afin de les inciter à travailler avec Gedmouv à la place d’autres services, après leur avoir rappelé les dangers de collaborer ces plateformes. Mme 6..., la représentante du groupement Evolutrans, a ainsi précisé, au sujet de cette réunion, « qu’il y a eu haro sur Shippeo à un moment donné aussi ».

334. Ces discussions ont abouti à une position commune entre les groupements Astre, Flo, Tred Union et Evolutrans consistant à inviter leurs adhérents à résister aux demandes de leurs clients concernant l’utilisation du logiciel Shippeo, et à favoriser l’utilisation du produit Gedmouv commercialisé par B2PWeb.

335. Les éléments ainsi exposés démontrent l’existence d’un accord de volontés au sein de l’Alliance à compter de 2017 au sujet d’une stratégie de blocage de certaines solutions de traçabilité dans le secteur du transport routier de marchandises.

• Les échanges complémentaires

336. En plus des concertations lors des conseils de gouvernance ou des réunions de l’Alliance,

M. X... a eu l’occasion d’échanger avec plusieurs représentants de groupements de transporteurs ou de fédérations professionnelles tout au long des pratiques. C’est notamment le cas le 2 septembre 2016 avec le groupement Astre (voir paragraphe 111 ci-avant), le

14 décembre 2016 avec le groupement ASTR (voir paragraphe 159 ci-avant), le 24 mars 2017 avec le groupement Flo (voir paragraphe 153 ci-avant). M. X... a également échangé à de nombreuses reprises avec OTRE à compter du 25 janvier 2017 (voir paragraphe 241 ci-avant).

337. Il a également directement adressé des courriels aux membres du conseil de gouvernance au sujet de la menace que constituaient les plateformes et de la nécessité de mobiliser la profession à leur encontre (courriel 23 janvier 2017, paragraphe 135 ci-avant) ou pour leur rappeler de diffuser la note d’avril 2017 le plus largement possible (courriel du 31 mai 2017, paragraphe 177 ci-avant).

338. Par ailleurs, des échanges ont également eu lieu entre le groupement Tred Union et B2PWeb le 9 juin 2017 (voir paragraphes 184 et 185 ci-avant) au sujet des plateformes avec lesquelles il était interdit de collaborer.

339. Il en résulte qu’un grand nombre d’échanges bilatéraux complémentaires au sujet des actions à mener pour limiter le développement des plateformes et logiciels de traçabilité ont eu lieu, en particulier entre M. X... et les autres mises en cause, à compter de septembre 2016 et tout au long de la durée des pratiques.

• La diffusion de documents de communication faisant suite aux concertations

340. La concertation entre les parties s’agissant de la stratégie à adopter face aux nouveaux acteurs du transport routier de marchandises pour faire barrage à leur développement se manifeste également par la communication régulière de documents, souvent rédigés et diffusés par H2P, par les groupements et fédérations directement à leurs adhérents. Ces communications font, en effet, partie intégrante de la stratégie élaborée par M. X... et validée par les parties en cause.

341. Ainsi, par exemple, la note de M. X... de juillet 2016 a été rapidement transmise en interne par les groupements Evolutrans, Astre et Flo (voir paragraphes 108 à 120 ci-avant).

342. De même, la note d’avril 2017 rédigée par B2PWeb et intitulée « plateformes d’intermédiation : le saccage organisé de nos entreprises de transport » (voir paragraphes 168 et 169 ci-avant) a, dans un premier temps, été diffusée par M. X... aux membres du conseil de gouvernance de H2P, puis, dans un second temps, en interne par les groupements Tred Union, ASTR, Flo, Evolutrans et par la fédération UNOSTRA (voir paragraphes 181 et suivants ci-avant).

343. Il ressort en outre de l’analyse des pièces du dossier, exposées aux paragraphes 89 et suivants ci-avant, que les arguments évoqués lors de ces communications en interne étaient sensiblement les mêmes que ceux diffusés par H2P ou développés lors des conseils de gouvernance de H2P (voir ci-après paragraphes 455 et 456 ci-après).

• Conclusion

344. L’ensemble de ces discussions, réunions, échanges et communications démontre l’existence d’un accord de volontés entre H2P, B2PWeb, les groupements Astre, Evolutrans, Flo, Tred Union, ASTR ainsi que les fédérations UNOSTRA et OTRE au sujet d’une stratégie de blocage du développement des plateformes numériques d’intermédiation ainsi que la mise en œuvre de cette stratégie par les organismes professionnels concernés.

345. Contrairement à ce qu’avancent certaines mises en cause, ces rencontres et échanges montrent que les parties se sont effectivement concertées sur la question des nouveaux acteurs numériques du transport routier de marchandises. Par conséquent, les mises en cause ne se sont pas contentées de décider séparément de mettre en œuvre divers comportements d’appel au boycott ou de boycott, mais se sont explicitement concertées pour le faire et se sont informées de leurs positionnements respectifs. L’argument portant sur un simple parallélisme des comportements avancé par le groupement Flo et la fédération OTRE doit donc être écarté.

Sur l’entente au sein des organismes concernés

346. Il ressort des constatations opérées aux paragraphes 94 et suivants ci-avant que les groupements Astre, Flo, Tred Union, Evolutrans et ASTR, tout comme les fédérations OTRE et UNOSTRA, ont par ailleurs entrepris des actions au nom de leur organisation.

347. Conformément aux principes rappelés ci-avant, ces actions sont considérées en droit de la concurrence comme des ententes, constitutives de décisions d’association d’entreprises au sens de l’article 101, paragraphe 1 du TFUE. En effet, les pratiques mises en œuvre par chaque organisme résultent de l’expression de la volonté de l’ensemble des membres qui le compose et tendent à obtenir de ceux-ci un comportement déterminé dans le cadre de leur activité, à savoir le boycott des nouveaux acteurs du transport routier de marchandises.

348. Les actions collectives au sein de chaque organisation se sont manifestées par des publications sur un site Internet ou sur un site intranet, par des communiqués de presse, des courriels ou encore des comptes-rendus de réunions. Chacune de ces communications, faite au nom de l’organisation en question, appelait spécifiquement les adhérents au boycott des plateformes numériques d’intermédiation telles que Chronotruck ou Fretlink et du logiciel de traçabilité Shippeo.

• Groupement Astre

349. S’agissant du groupement Astre, ses représentants ont décidé, lors d’une réunion interne du 2 septembre 2016, et après des échanges avec M. X... (H2P), de faire passer le message en interne « le plus rapidement possible » pour « bloquer l’évolution » des plateformes numériques d’intermédiation (voir paragraphe 111 ci-avant).

350. Le 12 septembre 2016, M. C..., président du groupement Astre, a publié un éditorial sur le site Intranet de ce groupement pour expressément demander aux adhérents de ne pas collaborer avec les nouvelles plateformes numériques d’intermédiation (voir paragraphe 115 ci-avant).

351. Le 30 novembre 2017, le conseil d’administration a jugé utile de rappeler aux administrateurs les dangers de collaborer avec Shippeo, notamment en termes de sécurité des données (voir paragraphe 219 ci-avant).

352. Il est donc établi que le groupement Astre a, à plusieurs reprises, appelé ses adhérents à ne collaborer ni avec les plateformes numériques d’intermédiation ni avec le logiciel de traçabilité Shippeo, conformément à la stratégie décidée en commun avec les autres membres du conseil de gouvernance de H2P.

• Groupement Flo

353. S’agissant du groupement Flo, son conseil d’administration a abordé la question de « l’émergence des plateformes uberisées », sur la base d’un message et d’une note adressés par M. X... (H2P), M. A... (H2P et Evolutrans) et M. Y... (B2PWeb), lors de sa séance du 7 septembre 2016 (voir paragraphe 117 ci-avant). Le compte-rendu précise que « Le Conseil du Groupement FLO rejoint complètement cette analyse et décide d’en alerter les Adhérents du Groupement FLO qui seraient tentés de s’abonner à ces plateformes. Une information sera délivrée aux Adhérents (…). Le Groupement FLO s’associera également aux actions qui pourront être menées par l’Alliance ou la profession ».

354. Le procès-verbal du conseil d’administration du 12 octobre 2016 confirme que cette information a, comme convenu, bien « été délivrée aux Adhérents par le Secrétaire O... à l’occasion des Universités » mais aussi qu’« il sera adressé un [autre] communiqué aux Adhérents leur indiquant de ne pas céder aux incantations de ces start-ups sous peine de disperser la profession et d’attendre la solution professionnelle que va proposer B2P » (voir paragraphes 118 et suivants ci-avant).

355. En effet, le 17 novembre 2016, Flo a adressé un communiqué à l’ensemble de ses adhérents en leur demandant « de ne pas céder aux incantations de ces start-up. Sans la participation active des professionnels que nous sommes, elles n’ont aucune chance » (voir paragraphe 120 ci-avant).

356. Le 15 décembre 2016, lors du conseil d’administration de Flo, son président, M. E..., a rapporté « aux Administrateurs le message de X... après la diffusion du communiqué aux Adhérents sur la question des plateformes digitales » et le fait que ce dernier était très satisfait de la position adoptée par ce groupement à l’encontre de ces nouveaux acteurs du transport routier de marchandises (voir paragraphe 152 ci-avant).

357. Dans un courriel du 24 mars 2017 (voir paragraphes 153 et 154 ci-avant), le secrétaire général de Flo a incité l’ensemble de ses adhérents à « [s’] approprier le slogan divulgué par les Responsables de la société H2P (holding des 3 autres sociétés) Messieurs X... et A..., comme suit : - OUI pour une digitalisation pertinente au service de nos entreprises !

- NON pour l'uberisation destructrice de nos entreprises !

- Gardons la maitrise de nos entreprises ! ».

358. Le 14 juin 2017, M. 2… a envoyé à l’ensemble des adhérents de Flo le document intitulé « plateformes d’intermédiation : le saccage organisé de nos entreprises de transport » rédigé par les dirigeants de H2P (voir paragraphe 190 ci-avant).

359. Enfin, le 5 juillet 2017, le conseil d’administration a lancé un appel à ne pas collaborer avec le logiciel de traçabilité Shippeo (voir paragraphe 216 ci-avant) puis a réitéré cet appel au boycott dans le cadre d’un courriel envoyé à l’ensemble des adhérents le 10 juillet 2017 (voir paragraphe 217 ci-avant).

360. Il est donc établi que le groupement Flo a, à plusieurs reprises, appelé ses adhérents à ne pas collaborer avec les plateformes numériques d’intermédiation ni avec le logiciel de traçabilité Shippeo, conformément à la stratégie décidée en commun avec les autres membres du conseil de gouvernance de H2P.

• Tred Union

361. S’agissant du groupement Tred Union, lors du conseil de gouvernance de H2P du 22 novembre 2016, le représentant du groupement Tred Union a précisé que « les éléments d’analyse que nous avons transmis aux dirigeants du groupement Tred Union comme aux autres Groupements et Fédérations, ont été relayés auprès de tous les chefs d’entreprises adhérents ; [et a] affirm[é] que tous sont convaincus de la nécessité de combattre ces plateformes » (voir paragraphes 123 et suivants ci-avant).

362. Le 29 mai 2017, l’assemblée générale de ce groupement a abordé la note intitulée « plateformes d’intermédiation : le saccage organisé de nos entreprises de transport » rédigée par les dirigeants de H2P (voir paragraphe 183 ci-avant). Le Président de Tred Union a par la suite envoyé cette même note aux quatre pôles régionaux de Tred Union en demandant de « communiquer largement au sein de vos entreprises » et en joignant au courriel la « liste des plateformes d’échange de fret établie par B2P » (voir paragraphe 185 ci-avant).

363. Lors du conseil de gouvernance de H2P du 16 mai 2017, M. G..., le représentant de Tred Union a confirmé que des « les mesures d’information (…) ont été prises au sein du

Groupement TRED UNION avec une décision d’interdiction aux adhérents de travailler avec ces plateformes » (voir paragraphe 182 ci-avant).

364. Il est donc établi que le groupement Tred Union a, à plusieurs reprises, appelé ses adhérents à ne pas collaborer avec les plateformes numériques d’intermédiation ni avec le logiciel de traçabilité Shippeo, conformément à la stratégie décidée en commun avec les autres membres du conseil de gouvernance de H2P.

• Evolutrans

365. S’agissant du groupement Evolutrans, faisant suite aux échanges avec M. X..., M. D... a, le 29 juillet 2016, envoyé un courriel intitulé « attention danger » à l’ensemble des adhérents du groupement en leur demandant de ne pas répondre à la sollicitation de la plateforme Presta Trans et en les informant qu’« une réflexion sur le sujet va être lancée avec les autres groupements, et certainement avec les organisations syndicales dans les semaines qui suivent » (voir paragraphe 109 ci-avant).

366. Le 23 novembre 2016, le comité de direction d’Evolutrans a décidé de demander « aux associés d’être vigilants et de ne pas mettre leurs véhicules à disposition de ces plateformes » (voir paragraphe 147 ci-avant).

367. Le 15 mars 2017, le compte-rendu du comité de direction d’Evolutrans fait état d’un refus du groupement de collaborer avec les nouvelles plateformes numériques d’intermédiation : « Après échanges, et à l'unanimité, le CDE n'a pas souhaité envisager une association entre Chronotruck et Evolutrans. (…) Compte tenu de ce positionnement, le CDE adressera une note aux Evolutransiens pour les informer de la position du CDE. Si possible merci d’adopter une position solidaire en de répondant pas à la proposition de Presta Trans » (voir paragraphe 150 ci-avant).

368. Le 24 mai 2017, Evolutrans a organisé une réunion sur le sujet des plateformes lors du séminaire du groupement à l’Ile Maurice (voir paragraphe 198 ci-avant).

369. Enfin, le 28 février 2018, lors d’un comité de direction d’Evolutrans, les membres ont souhaité « à nouveau mettre en garde les adhérents sur le fait qu'en travaillant avec des outils comme Shippeo, ces structures récupèrent nos données. (….) L'utilisation de nos données (géolocalisation, clients et marchandises traités, etc) pourrait permettre à Shippeo de récupérer nos données et d'en faire un mauvais usage qui pourrait ensuite se retourner contre les transporteurs » (voir paragraphe 224 ci-avant).

370. Il est donc établi que le groupement Evolutrans a, à plusieurs reprises, appelé ses adhérents à ne pas collaborer avec les plateformes numériques d’intermédiation ni avec le logiciel de traçabilité Shippeo, conformément à la stratégie décidée en commun avec les autres membres du conseil de gouvernance de H2P.

• ASTR

371. Le 14 décembre 2016, ASTR a envoyé une communication sur les plateformes numériques à l’ensemble des adhérents de ce groupement, en leur demandant « de bien vouloir adopter une position prudente et solidaire en ne répondant pas à ces propositions » (voir paragraphe 159 ci-avant). ASTR a également transféré cette communication à M. X..., qui a répondu que ce message « s’inscrit parfaitement dans le cadre de ce lobbying que nous avons décidé hier à la suite de nos diverses réflexions menées depuis Juillet dernier ».

372. ASTR a par la suite publié sur son site Internet, les 2 et 6 juin 2017 (voir paragraphes 186 et 187 ci-avant), le document intitulé « plateformes d’intermédiation : le saccage organisé de nos entreprises de transport », rédigé par les dirigeants de H2P. Lors de la seconde publication, une note rappelait encore une fois les dangers de collaborer avec de telles plateformes, notamment au regard du traitement des données des transporteurs.

373. La représentante d’ASTR a également confirmé, lors du conseil de gouvernance de H2P du 16 mai 2017, que le « groupement ASTR a fait suivre à ses adhérents les communications H2P » (voir paragraphe 175 ci-avant).

374. Il est donc établi que le groupement ASTR a, à plusieurs reprises, appelé ses adhérents à ne pas collaborer avec les plateformes numériques d’intermédiation ni avec le logiciel de traçabilité Shippeo, conformément à la stratégie décidée en commun avec les autres membres du conseil de gouvernance de H2P.

• UNOSTRA

375. S’agissant de la fédération UNOSTRA, une publication sur le site Internet d’une note sur le « vrai du faux des plateformes de fret » le 1er février 2017 a demandé aux adhérents à ne pas collaborer avec les plateformes et les invitait à utiliser les services de B2PWeb et notamment Gedtrans et Gedmouv.

376. Le 29 mai 2017, l’assemblée générale de l’UNOSTRA a abordé la question des plateformes.

377. La déléguée générale de l’UNOSTRA a par ailleurs diffusé le document intitulé

« plateformes d’intermédiation : le saccage organisé de nos entreprises de transport » à la liste de diffusion UNOSTRA PARIS le 1er juin 2017. Il est précisé dans ce courriel que l’UNOSTRA incite « vos confrères à refuser de collaborer avec ces plateformes ».

378. Il est donc établi que l’UNOSTRA a, à plusieurs reprises, appelé ses adhérents à ne pas collaborer avec les plateformes numériques d’intermédiation ni avec le logiciel de traçabilité Shippeo, conformément à la stratégie décidée en commun avec les autres membres du conseil de gouvernance de H2P.

• OTRE

379. Le 26 janvier 2017, la fédération OTRE a publié un éditorial sur son site Internet intitulé

« Non à l’ubérisation des entreprises de transport routier ! », après plusieurs échanges avec

M. X... sur la stratégie commune à adopter à l’égard des plateformes numériques d’intermédiation. Cet éditorial précisait que « L’OTRE s’oppose avec énergie et détermination à ces plateformes » et « appelle tous les professionnels à ne pas collaborer avec elles, à refuser explicitement leurs propositions commerciales » (voir paragraphe 243 ci-avant). Le même jour, l’OTRE transmettait également un lien vers cette communication à M. X....

380. Le 17 mars 2017, l’OTRE a fait publier sur le site d’information spécialisé dans le transport www.lantenne.com un article rappelant qu’elle a demandé à ses adhérents de ne pas travailler avec les plateformes Convargo, Chronotruck et Fretlink. De même, le 14 avril, Mme J... a déclaré, dans un entretien au site Acte-transport-logistique que l’OTRE appelle « les transporteurs à boycotter toutes les plateformes d’intermédiation » (voir paragraphe 247 ci-avant).

381. Lors du conseil de gouvernance de H2P du 16 mai 2017, M. I..., secrétaire général de l’OTRE, a de nouveau « [confirmé] la position claire exprimée par l’OTRE à l’encontre des PLATEFORMES d’INTERMEDIATION » (voir paragraphe 245 ci-avant).

382. Le 1er juin 2017, M. I... a demandé en interne que la communication de H2P d’avril 2017 soit relayée sur le site Internet de l’OTRE. Un salarié lui a répondu que cette communication serait en ligne le lundi suivant (voir paragraphe 249 ci-avant).

383. Le 2 février 2018, l’Officiel des Transporteurs a publié un article reprenant notamment les positions déjà exprimées par l’OTRE sur le niveau des prix et sur la sécurité des données, et indiquant que « la position de l’OTRE est vent-debout » (voir paragraphe 255 ci-avant).

384. Il est donc établi que l’OTRE a, à plusieurs reprises, appelé ses adhérents à ne pas collaborer avec les plateformes numériques d’intermédiation ni avec le logiciel de traçabilité Shippeo, conformément à la stratégie décidée en commun avec les autres membres du conseil de gouvernance de H2P.

• Conclusion

385. Il ressort de ces éléments que les actions entreprises par les groupements Astre, Flo, Tred Union, Evolutrans et ASTR, tout comme par les fédérations OTRE et UNOSTRA, faites au nom de leurs organisations respectives et appelant spécifiquement leurs adhérents au boycott des plateformes numériques d’intermédiation telles que Chronotruck ou Fretlink et du logiciel de traçabilité Shippeo, constituent des décisions d’associations d’entreprises (voir ci-avant paragraphe 346). En effet, les pratiques mises en œuvre par chaque organisme résultent de l’expression de la volonté de l’ensemble des membres qui le composent et cherchent à obtenir de ceux-ci un comportement déterminé dans le cadre de leur activité, à savoir le boycott des nouveaux acteurs du transport routier de marchandises.

2. SUR LE CARACTERE ANTICONCURRENTIEL DES PRATIQUES

a) Rappel des principes

Sur l’existence d’un objet ou d’un effet anticoncurrentiel

386. L'article 101, paragraphe 1, TFUE interdit comme étant incompatibles avec le marché toutes pratiques concertées susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun.

387. De la même façon, aux termes de l'article L. 420-1 du code de commerce : « sont prohibées, même par l'intermédiaire direct ou indirect d'une société du groupe implantée hors de France, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu'elles tendent à :

1° limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises ».

388. Il résulte des termes mêmes des deux articles évoqués ci-dessus ainsi que de la jurisprudence nationale et européenne que l'objet et l'effet anticoncurrentiels de telles pratiques sont des conditions alternatives pour apprécier si celles-ci peuvent être sanctionnées en application de ces dispositions275. En effet, selon la jurisprudence constante de la Cour de justice, « lorsque l’objet anticoncurrentiel d’un accord est établi, il n’y a pas lieu de rechercher ses effets sur la concurrence »276.

389. S’agissant de l’objet anticoncurrentiel, la Cour de justice estime « qu’il convient, afin d’apprécier si un accord entre entreprises ou une décision d’association d’entreprises présente un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour être considéré comme une restriction de concurrence « par objet », au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, de s’attacher à la teneur de ses dispositions, aux objectifs qu’il vise à atteindre ainsi qu’au contexte économique et juridique dans lequel il s’insère. Dans le cadre de l’appréciation dudit contexte, il y a lieu également de prendre en considération la nature des biens ou des services affectés ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du ou des marchés en question (arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission, C-67/13 P, EU:C:2014:2204, point 53 et jurisprudence citée) »277.

390. À cet égard, il importe peu que les parties se soient concertées pour des motifs dont certains étaient légitimes278. Si l’objet anticoncurrentiel est établi, les éléments relatifs aux gains d’efficience ne pourront être invoqués par les mis en cause que dans le but d’obtenir une exemption au titre de l’article 101, paragraphe 3, TFUE.

Sur les pratiques de boycott

391. S’agissant en particulier des pratiques en cause, la pratique décisionnelle et la jurisprudence nationale définissent le boycott comme « une action délibérée en vue d’évincer un opérateur de marché »279. Pour caractériser l’existence d’un boycott, il est donc nécessaire de caractériser l’existence d’une volonté d’éviction280.

392. De même, selon la pratique décisionnelle et la jurisprudence, l’interdiction générale des pratiques de boycott englobe également les consignes d’appel au boycott diffusées par des syndicats ou organismes professionnels281 .

393. Par ailleurs, la Cour de cassation a jugé que cette pratique, « compte tenu de sa gravité, devait être sanctionnée même si elle n’avait eu qu’un effet limité »282. L’Autorité a également récemment rappelé que « des pratiques consistant à empêcher un ou plusieurs opérateurs économiques d’exercer librement leur activité sur un marché en déployant des comportements en vue de leur éviction constituent des pratiques anticoncurrentielles par objet, leurs effets étant sans conséquence sur leur qualification »283. S’agissant des pratiques de boycott, elle a expressément relevé qu’elles avaient, « par nature, un objet anticoncurrentiel »284.

394. En outre, il n’est pas nécessaire que les auteurs du boycott ou de l’appel au boycott soient dans un rapport de concurrence direct avec les victimes de ce type de comportements. Il suffit que la pratique en cause soit susceptible d’affecter l’exercice de la concurrence sur le marché concerné285.

395. Enfin, il est de jurisprudence et de pratique décisionnelle constantes que des entreprises ne sont jamais fondées à « se faire justice par elles-mêmes » et qu’elles « ne sauraient justifier une infraction aux règles de la concurrence en prétextant qu’elles y ont été poussées par le comportement d’autres opérateurs économiques »286.

b) Application en l’espèce

Sur les arguments des parties

396. Les sociétés H2P et B2PWeb ainsi que les groupements Astre, Tred Union et Evolutrans soutiennent que les comportements incriminés ne peuvent constituer une pratique de boycott ou d’appel au boycott dans la mesure où ils ne révèleraient aucune volonté d’éviction.

397. Les mises en cause contestent également la qualification de boycott aux motifs que :

- la cible ne serait pas expressément identifiée ; H2P et B2PWeb citent à ce titre le paragraphe 46 de la décision n° 18-D-01 du 18 janvier 2018 relative à des pratiques mises en œuvre par l’ordre national des infirmiers dans le secteur des prestations de services fournies aux infirmiers ;

- le discours appelant au boycott n’aurait pas été diffusé ou communiqué en dehors des différentes organisations, et notamment du groupement Tred Union ;

- les pratiques en cause ont été ponctuelles et circonscrites dans le temps ;

- aucun mécanisme de surveillance ou de sanction n’a été mis en place.

398. Les parties avancent en outre que les pratiques s’inscrivaient dans un contexte économique et juridique particulier, de nature à « légitimer » les comportements reprochés.

399. Enfin, les parties affirment qu’en tout état de cause, les pratiques de boycott ou d’appel au boycott n’ont pas eu d’effets anticoncurrentiels, notamment du fait qu’aussi bien les entités mises en cause qu’un grand nombre de leurs adhérents ont, en pratique, collaboré avec les plateformes et logiciels visés.

Sur l’appréciation de l’Autorité

Sur la nature des pratiques constatées

400. Il ressort des constatations opérées aux paragraphes 95 et suivants ci-avant que, plusieurs contacts sont intervenus entre les dirigeants de H2P et B2PWeb, à partir de l’été 2016 avec les représentants des groupements Evolutrans, Astre et Flo, puis Tred Union, de novembre 2016 avec l’UNOSTRA, et de décembre 2016 avec ASTR, en vue de mettre en place une stratégie commune pour faire face à l’arrivée de nouvelles plateformes numériques d’intermédiation dans le secteur du transport routier de marchandises. La stratégie décidée par M. X... (H2P) et validée par le reste des parties consistait à « attirer l’attention des transporteurs sur le DANGER de donner suite aux propositions des plateformes » et à inciter les groupements à faire des démarches « auprès des adhérents de groupements pour leur faire prendre la mesure du danger les concernant et les incitant à refuser les approches » (voir paragraphe 97 ci-avant).

401. Les différentes actions et communications, mises en place par ces sociétés, groupements et fédérations, visaient ainsi expressément à inciter les professionnels du secteur du transport routier de marchandises à ne pas collaborer avec les nouveaux acteurs numériques, pour ainsi les évincer du secteur du transport routier de marchandises. En effet, comme cela ressort expressément de la note de H2P de janvier 2017, « NE PAS COLLABORER AVEC CES PLATEFORMES : SANS CAMION ELLES NE PEUVENT RIEN PROPOSER AUX CLIENTS »287.

402. À compter de janvier 2017, l’OTRE et les sociétés H2P et B2PWeb se sont également rapprochées et accordées sur la stratégie à suivre pour contrer le développement des nouveaux acteurs du transport routier de marchandises (voir paragraphe 241 ci-avant).

403. Ces mêmes groupements et fédérations, qui sont des associations d’entreprises, ont ensuite, conformément à la stratégie décidée en commun, régulièrement diffusé à leurs adhérents respectifs des communications sur les dangers que représentent ces nouveaux acteurs pour la profession ainsi que des appels à refuser de travailler avec les nouvelles plateformes numériques d’intermédiation ainsi que la solution de traçabilité proposée par Shippeo. Ces communications aux adhérents de ces groupements et fédérations avaient, là aussi, pour objectif manifeste d’évincer ces nouveaux acteurs du secteur du transport routier de marchandises.

404. Par exemple, en septembre 2016, Astre a envoyé à ses adhérents le message suivant : « ce qui est certain en revanche, c’est de ne pas céder aux sirènes de ces plateformes ; ne vous inscrivez pas sur ces sites qui vous promettent monts et merveilles, ce serait le début de la fin de vos entreprises ! » (voir paragraphe 115 ci-avant). De même, en février 2017, l’UNOSTRA répondait à la question « Alors que faire ? » de la manière suivante : « c’est simple, refuser toute collaboration avec ces plateformes » (voir paragraphe 161 ci-avant). En mars 2017, le groupement Flo précisait « sans la participation active des professionnels que nous sommes, elles n’auront aucune chance » (voir paragraphe 154 ci-avant). En mai 2017, Tred Union adressait pour sa part une « décision d’interdiction aux adhérents de travailler avec ces plateformes » (voir paragraphe 182 ci-avant).

405. En juillet 2017, lors d’un conseil d’administration du groupement Flo, les dirigeants ont évoqué le sujet du logiciel Shippeo dans les termes suivants : « il serait judicieux de les rencontrer [Shippeo] tous ensemble avec l’Alliance, l’idée étant de présenter nos groupements avec le nombre d’adhérents et de véhicules et de leur affirmer qu’il est hors de question d’avancer avec eux et que nous soutenons le projet GedMouv » (voir paragraphe 216).

406. Ces appels au boycott ont été d’autant plus suivis qu’il était particulièrement difficile pour les transporteurs individuels de remettre en cause le raisonnement développé par les groupements et fédérations et notamment les affirmations selon lesquelles les nouveaux acteurs du transport routier de marchandises se trouvaient dans l’illégalité. En effet, les groupements et fédérations professionnelles, qui constituent des soutiens importants s’agissant de la compréhension et de la bonne application de la réglementation du transport, et la bourse de fret B2PWeb, qui constitue un moyen conséquent d’accès au marché et pouvant conditionner une part importante du chiffre d’affaires, ont largement relayé ces communications.

407. Il résulte de ce qui précède que les pratiques litigieuses avaient pour objet d’évincer les nouveaux acteurs du numérique du secteur du transport routier de marchandises.

408. Par ailleurs, aucun des arguments invoqués par les organismes impliqués n’est de nature à remettre en cause cette analyse.

409. À ce titre, premièrement, sur l’identification des cibles du boycott, contrairement à ce qui est avancé par H2P et B2PWeb, il ressort des pièces du dossier que les plateformes numériques, d’une part, et le logiciel de traçabilité Shippeo, d’autre part, étaient clairement identifiés par les mises en cause.

410. Par exemple, lors du conseil de gouvernance de H2P du 22 novembre 2016, les opérateurs Chornotruck, Convargo, Fretlink et Shippeo étaient expressément visés. M. X... a rappelé « l’étude approfondie qu’il a menée sur les CGU des plateformes CONVARGO et CHRONOTRUCK et dont il fait communication à tous les membres du Conseil », puis a souligné « le risque de voir SHIPEO (sic), après une paire d’années de développement positif qui lui permettra de détenir une multitude de données, revoir sa stratégie de départ et à nouveau avoir la prétention de développer une plateforme d’intermédiation au service direct des clients » (voir paragraphes 123 et suivants ci-avant). M. Y... a de son côté évoqué la « plateforme FRETLINK »288.

411. Lors du conseil de gouvernance de H2P du 16 mai 2017, M. X... a rappelé une nouvelle fois « les dangers très importants pour les entreprises des professionnels, commissionnaires et transporteurs, du développement de certaines plateformes d’intermédiation telles CONVARGO, CHRONOTRUCK, FRETLINK ou CLICK and TRUCK » (voir paragraphe 172 ci-avant).

412. En outre, il ressort des paragraphes 184 et 185 ci-avant que B2PWeb et le groupement Tred Union ont travaillé à l’établissement et à la diffusion d’une liste de plateformes avec lesquelles les adhérents avaient l’interdiction de travailler.

413. En conséquence, la pratique de boycott et d’appel au boycott visaient de manière générale les opérateurs numériques actifs dans le secteur du transport routier de marchandises mais identifiaient également certains d’entre eux dans leurs actions et communications.

414. En tout état de cause, la décision n° 18-D-01 du 18 janvier 2018 relative à des pratiques mises en œuvre par l’ordre national des infirmiers dans le secteur des prestations de services fournies aux infirmiers invoquée par H2P et B2PWeb en support de leur argument ne permet pas de dire, contrairement à ce qu’elles soutiennent, que l’Autorité de la concurrence limite les pratiques de boycott ou d’appel au boycott aux seuls comportements visant explicitement des opérateurs identifiés. En effet, il ressort du paragraphe 46 de cette décision, cité de façon tronquée par les parties, que l’Autorité sanctionne ce type de comportement, sans qu’il soit nécessaire de viser nommément une partie, dès lors que le boycott ou l’appel au boycott vise des modèles concurrents dans leur ensemble. Tel est le cas en l’espèce où les parties ont visé le modèle des nouvelles plateformes numériques et logiciels de traçabilité au sens large, comme le reconnaissent d’ailleurs H2P et B2PWeb dans leurs observations289.

415. Deuxièmement, sur la diffusion du discours, force est de constater que Tred Union, seul groupement à avancer cet argument, reconnaît lui-même dans ses observations avoir diffusé ce discours : « la société Tred Union s’est contentée de relayer les informations ». Tred Union a par ailleurs adressé à ses adhérents une liste des plateformes avec lesquelles il était interdit de travailler (voir paragraphe 185 ci-avant), en plus d’avoir relayé plusieurs communications appelant expressément à ne pas collaborer avec les nouvelles plateformes numériques d’intermédiation.

416. Troisièmement, il ressort des pièces du dossier que le groupement Astre ne peut utilement soutenir que les pratiques en cause ont eu un caractère ponctuel et limité dans le temps. En effet, les pratiques, qui ont débuté fin juillet 2016, se sont manifestées à de nombreuses reprises jusqu’en février 2018 (voir notamment les paragraphes 111, 115, 123, 130, 210, 212 et 219 ci-avant). Les mises en cause ont envoyé quasiment tous les mois aux professionnels du secteur des communications appelant à boycotter les plateformes (voir les tableaux synthétiques aux paragraphes 121, 127, 144, 166, 200, 225, 238 et 256 ci-avant).

417. En ce qui concerne le groupement Astre en particulier, ce groupement a envoyé un message de boycott à ses adhérents en septembre 2016 (voir paragraphe 111 ci-avant), diffusé un message négatif concernant Shippeo en novembre 2017 (voir paragraphe 219 ci-avant) et a participé à quatre réunions relevant d’un boycott concerté entre novembre 2016 et février 2018 (voir paragraphes 123, 130, 131, 172, 174 et 212 ci-avant).

418. Dernièrement, la circonstance qu’aucun mécanisme de surveillance ou de sanction n’ait été mis en place par les parties demeure sans incidence sur la qualification de la pratique de boycott ou d’appel au boycott. En effet, il ressort de la jurisprudence précitée qu’une telle qualification peut être établie dès lors que la décision de refuser de collaborer avec un ou plusieurs opérateurs a fait l’objet d’une concertation et/ou a été envoyée par un organisme professionnel à ses adhérents, ce qui est le cas en l’espèce pour chacune des mises en cause.

419. Dès lors, il ressort de l’ensemble de ce qui précède que les actions et communications mises en œuvre par les parties s’apparentent à un boycott et un appel au boycott à l’égard des nouveaux acteurs du transport routier de marchandises, et constituent une infraction anticoncurrentielle par objet, contraire aux articles 101 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce.

Sur le contexte légal

420. Dans leurs observations, H2P et B2PWeb, Astre, Tred Union, Flo, Evolutrans, ASTR, UNOSTRA et OTRE soutiennent que les pratiques en cause se sont déroulées dans un contexte particulier, caractérisé par l’existence de craintes légitimes quant à la légalité des plateformes. En effet, selon elles, au moment des communications litigieuses, les plateformes numériques d’intermédiation dans le secteur du transport routier de marchandises n’avaient pas de statut juridique propre, leur permettant d’opérer dans ce secteur, dans la mesure où la règlementation applicable n’encadrait l’activité que d’un seul et unique intermédiaire, à savoir le commissionnaire de transport. Les mises en cause avancent avoir pris contact à ce titre, et à plusieurs reprises, avec les pouvoirs publics pour aborder ces questions.

421. Toutefois, si plusieurs documents peuvent effectivement révéler l’existence, au moment des pratiques, d’incertitudes quant au cadre législatif concernant les nouvelles plateformes numériques d’intermédiation, aucune illégalité n’a pour autant été constatée, que ce soit par les pouvoirs publics ou les autorités judiciaires.

422. À cet égard, il convient de relever que, dans l’étude d’impact du 27 novembre 2018 établie par le projet de loi d’orientation et de mobilités (dit « LOM »)290, qui prévoit notamment que le Gouvernement prenne par ordonnance des mesures portant sur la régulation des plateformes numériques de fret, il est indiqué que « Les plateformes d’intermédiation numérique dans le secteur du transport routier de marchandises souffrent d’un manque d’encadrement juridique » sans pour autant considérer que leur mode de fonctionnement est, en l’état, illicite.

423. Dans un document de septembre 2016, M. X... (H2P) reconnaissait lui-même la possibilité que les plateformes avaient « des chances (….) d’être en règle même en l’absence d’inscription au registre des commissionnaires de transport », après avoir affirmé : « la difficulté est bien là : sur le plan juridique, il est difficile de définir ces places de marché et il est difficile de dire que l’intermédiation telles qu’elles prétendent la pratiquer serait illégale ; illégale par rapport à quelle réglementation ? Celle du transport et de la commission de transport, les places de marchés considèrent qu’elles n’y sont pas tenues. Nous, professionnels du transport considérons cela illégal, je suis le premier à le souhaiter mais je ne suis pas certain que nous ayons raison… »291.

424. En tout état de cause, il résulte de la jurisprudence que des craintes, aussi légitimes soient-elles, ne peuvent en aucune manière justifier un appel au boycott. Par exemple, dans sa décision n° 10-D-11 du 24 mars 2010 relative à des pratiques mises en œuvre par le Syndicat national des ophtalmologistes de France (SNOF) concernant le renouvellement des lunettes de vue, l’Autorité a précisé : « en admettant même que l’initiative MAAF-Santéclair ait été contraire aux dispositions du code de la santé publique et plus particulièrement à l’article L. 4362-9, cela n’autorisait pas un appel au boycott, pratique anticoncurrentielle elle-même illégale »292.

425. Les mises en cause auraient donc dû s’en tenir aux actions qu’elles ont menées auprès des pouvoirs publics et ne peuvent faire valoir des craintes légitimes pour leur profession pour justifier une pratique de boycott ou d’appel au boycott.

Sur la prétendue absence d’effets des pratiques en cause

426. Dans leurs observations, plusieurs mises en cause soutiennent qu’un boycott ou un appel au boycott n’est pas démontré dans la mesure où tant les organismes collectifs que les transporteurs ont collaboré à plusieurs reprises avec les plateformes numériques d’intermédiation et/ou les solutions de traçabilité pendant la durée des pratiques. En l’absence d’effets anticoncurrentiels, une pratique de boycott ou d’appel au boycott ne saurait ainsi être retenue.

427. Toutefois, comme rappelée ci-avant au paragraphe 392, la pratique décisionnelle a considéré, compte tenu du caractère particulièrement grave des pratiques de boycott, que les effets de telles pratiques sont « sans conséquence sur leur qualification »293.

428. Au surplus, les arguments des parties sur l’absence d’effets des pratiques en raison de collaborations conclues entre les plateformes et logiciels visés et les transporteurs, d’une part, et les organismes collectifs mis en cause, d’autre part, sont rejetés.

429. En effet, le fait que certains transporteurs aient travaillé avec les plateformes d’intermédiation et/ou collaboré avec Shippeo ne remet en cause ni l’existence de la concertation entre les mises en cause ni l’existence de la diffusion de la consigne anticoncurrentielle, à plusieurs reprises, à leurs adhérents. Pour les mêmes raisons, le fait que certaines mises en cause aient collaboré avec certaines plateformes et/ou le logiciel de traçabilité Shippeo ne remet pas non plus en cause l’existence de l’entente.

***

430. Il résulte de tout ce qui précède que les différentes actions et communications mises en place par H2P, B2PWeb, Astre, Evolutrans, Flo, Tred Union, ASTR, OTRE et UNOSTRA ont eu pour objet anticoncurrentiel d’entraver le développement des plateformes numériques d’intermédiation et logiciels de traçabilité comme Shippeo, soit les nouveaux acteurs du numérique sur le secteur du transport routier de marchandises. Ces pratiques méconnaissent donc, à ce titre, les dispositions des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce.

3. SUR L’EXISTENCE D’UNE INFRACTION UNIQUE, COMPLEXE ET CONTINUE

a) Rappel des principes applicables

431. Aux termes de la pratique décisionnelle et de la jurisprudence tant internes que de l’Union européenne, un comportement qui se manifeste par plusieurs agissements poursuivant un objectif économique unique peut être qualifié d’infraction unique, complexe et continue pour la période pendant laquelle il est mis en œuvre.

432. À cet égard, la Cour de justice, dans son arrêt Anic, a jugé que « si l’article 85 du traité distingue la notion de « pratique concertée » de celle d’ « accords entre entreprises » ou de « décisions d’associations d’entreprises », c’est dans le dessein d’appréhender, sous les interdictions de cette disposition, différentes formes de coordination et de collusion entre entreprises (voir, en ce sens, notamment, arrêt ICI/Commission, précité, point 64). Il n’en découle pas pour autant qu’une série de conduite ayant le même objet anticoncurrentiel et dont chacune, prise isolément, relève de la notion d’ « accord », de « pratique concertée » ou de « décision d’association d’entreprises » ne puissent pas constituer des manifestations différentes d’une seule infraction à l’article 85, paragraphe 1, du traité »294.

433. Une infraction unique peut donc, notamment, être composée de pratiques susceptibles d’être qualifiées d’accords, de pratiques concertées et de décisions d’association d’entreprises dès lors que ces pratiques partagent le même objet ou les mêmes effets anticoncurrentiels295 et s’inscrivent ainsi dans un plan d’ensemble.

434. À cet égard, selon une jurisprudence constante, les accords et les pratiques concertées visés aux articles 101, paragraphe 1, TFUE et L. 420-1 du code de commerce résultent nécessairement du concours de plusieurs entreprises, qui sont toutes coauteurs de l’infraction, mais dont la participation peut revêtir des formes différentes, en fonction notamment des caractéristiques du marché concerné et de la position de chaque entreprise sur ce marché, des buts poursuivis et des modalités d’exécution choisies ou envisagées.

435. Il s’ensuit qu’une violation des règles relatives aux ententes peut résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes ou bien encore d’un comportement continu. Cette interprétation ne saurait être contestée au motif qu’un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer en eux-mêmes et pris isolément une violation des règles de concurrence. Lorsque les différentes actions s’inscrivent dans un « plan d’ensemble », en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun, l’Autorité de concurrence est en droit d’imputer la responsabilité de ces actions en fonction de la participation à l’infraction considérée dans son ensemble296.

436. La qualification d’un tel plan d’ensemble dépend uniquement de facteurs objectifs, lesquels comprennent notamment l’objectif commun des pratiques. Ce facteur est un indice qui doit être apprécié au regard du seul contenu des pratiques et qui ne doit pas être confondu avec l’intention subjective des différentes entreprises de participer à une entente unique et continue. Cette intention subjective ne peut être prise en compte que dans le cadre de l’appréciation de la participation individuelle d’une entreprise à une telle infraction unique et continue297. Les autres facteurs susceptibles d’être pris en compte se rattachent, notamment, à l’identité des produits et des services concernés, l’identité des entreprises qui ont pris part aux pratiques, l’identité des modalités de leur mise en œuvre et l’identité des personnes physiques impliquées pour le compte des entreprises298. En outre, l’Autorité peut également prendre en compte l’existence d’un lien de complémentarité entre les pratiques, même si elle n’y est pas tenue299. Tel est le cas lorsque « l’ensemble [des] pratiques contribuent, par le biais d’une interaction, à la réalisation des effets anticoncurrentiels voulus par leurs auteurs, dans le cadre d’un plan global visant un objet identique »300. Ces différents éléments doivent être appréhendés dans le contexte global des circonstances de l’espèce, et non de manière isolée301.

b) Appréciation en l’espèce

Sur les arguments des parties

437. Plusieurs mises en cause considèrent qu’un objectif unique poursuivi par les pratiques en cause ne pourrait pas être caractérisé en l’espèce, dans la mesure où les plateformes numériques d’intermédiation, d’une part, et les outils numériques de traçabilité tels que Shippeo, d’autre part, sont des activités différentes. De plus, tant la période durant laquelle les comportements se sont déroulés que le contenu des messages diffusés sur les plateformes, d’une part, et les outils numériques d’autre part, seraient distincts. En outre, les communications de M. X... (H2P) auraient pris soin de distinguer ces deux sujets.

438. Le groupement Astre affirme par ailleurs que les pratiques poursuivies ne pouvaient avoir pour objectif unique l’éviction des plateformes d’intermédiation concurrentes de B2PWeb puisque celles-ci ne se trouvent pas dans une relation de concurrence avec cette bourse de fret.

439. Le groupement ASTR considère également que la grande hétérogénéité des participants à l’infraction poursuivie rend impossible la constatation d’un plan commun. Ce groupement avance enfin que l’implication variable des parties serait de nature à remettre en cause l’existence même de l’infraction unique.

Sur l’appréciation de l’Autorité

440. Il ressort des éléments du dossier que les différents comportements mis en œuvre, que ce soit l’accord entre les sociétés, les groupements et les fédérations ou l’accord au sein de chaque organisation, poursuivaient un objectif identique et s’inscrivaient dans un même plan d’ensemble. Ils présentaient également d’étroites similarités s’agissant tant des services visés que de leur contenu, des modalités de leur mise en œuvre ou encore des organismes et personnes impliqués.

Sur l’existence d’un plan d’ensemble

441. En l’espèce, les différents comportements mis en œuvre, que ce soit l’accord entre les groupements et fédérations ou l’accord au sein de chaque organisation, poursuivaient un objectif identique et s’inscrivaient dans un même plan d’ensemble.

442. En effet, l’ensemble des discussions stratégiques identifiées et détaillées aux paragraphes 89 et suivants ci-avant, ainsi que les publications et communications diffusées aux transporteurs, avaient pour objectif commun de limiter le développement économique des plateformes numériques d’intermédiation dans le transport routier de marchandises, en incitant les entreprises de transport à ne pas travailler avec ce type d’acteurs. Elles visaient également à favoriser l’adoption par le secteur des produits de traçabilité proposés parB2PWeb, en particulier Gedmouv, au lieu de ceux proposés par d’autres opérateurs tels que Shippeo.

443. En outre, les différentes mesures prises par les participants aux pratiques s’articulaient entre elles et se renforçaient les unes les autres, en permettant d’assurer une large exposition des transporteurs français au discours véhiculé à l’égard des plateformes numériques d’intermédiation et des acteurs similaires, au travers de la multiplication des canaux de diffusion. À ce titre, plusieurs pièces du dossier montrent que les dirigeants de H2P avaient précisément pour objectif de faire relayer leur discours au sein des fédérations professionnelles et de l’Alliance. De même, plusieurs communications de groupements de transporteurs à leurs adhérents ont évoqué la nécessité de diffuser largement le discours portant sur les dangers des plateformes numériques, y compris au travers de l’Alliance.

444. Ces différents comportements s’inscrivent dans un projet global poursuivant un objet anticoncurrentiel unique, empêcher le développement de nouveaux acteurs du numérique dans le transport routier de marchandises.

445. Par ailleurs, il importe peu à cet égard, contrairement à ce qui est avancé par le groupement Astre, que les mises en cause ne se trouvaient pas en relation de concurrence directe avec les plateformes numériques d’intermédiation, dès lors qu’il est démontré que les comportements poursuivis par ces entités avaient bien pour objectif d’évincer les nouveaux acteurs numériques du secteur du transport routier de marchandises.

446. De plus, les pratiques en cause avaient pour objectif plus large de préserver la structure actuelle du secteur du transport routier de marchandises, marquée en particulier par l’importance d’intermédiaires tels que les commissionnaires de transport, les groupements et les bourses de fret. De par leur mode de fonctionnement favorisant les relations directes entre chargeurs et transporteurs, les plateformes numériques d’intermédiation constituaient ainsi une menace directe pour le modèle économique de B2PWeb302. L’argument du groupement Astre doit donc être rejeté.

Sur les caractéristiques communes

447. Outre le fait que les comportements constatés correspondent tous à un même plan d’ensemble, ils présentent également d’étroites similarités s’agissant tant des services visés que de leur contenu, des modalités de leur mise en œuvre ou encore des organismes et personnes impliqués.

448. Premièrement, s’agissant de l’identité des entités visées par les pratiques, il ressort des constatations opérées aux paragraphes 94 et suivants que ce sont les nouveaux acteurs du secteur du transport routier de marchandises qui sont visés par les pratiques, à savoir les plateformes numériques d’intermédiation, telles que Convargo, Chronotruck ou Fretlink, mais aussi les nouveaux logiciels de traçabilité, tels que Shippeo.

449. S’il est exact que les plateformes numériques d’intermédiation et les outils de traçabilité sont des activités différentes, pour autant, dès le début des pratiques, en juillet 2016, H2P a abordé ces deux sujets conjointement. Ainsi, dans un courriel du 29 juillet 2016, les dirigeants de H2P ont développé une stratégie vis-à-vis des plateformes qui consistait à appeler l’attention des transporteurs sur le danger qu’elles représentaient, d’une part, mais aussi à développer un « produit traçabilité » interne à B2PWeb, d’autre part (voir paragraphe 97 ci-avant). La question de la traçabilité des livraisons était donc bien au cœur des enjeux du développement du numérique dans le secteur, dès le début des pratiques.

450. Cela est notamment dû au fait que les services de traçabilité étaient perçus par H2P et B2PWeb comme un moyen leur permettant de faire face aux nouvelles plateformes numériques. Dans un document de septembre 2016, Astre met notamment en avant ce positionnement : « Lettre de X… (fin juillet 2016) : continuer de faire évoluer les outils B2P pour apporter encore plus de services au client. Il compte faire face aux nouvelles PF avec ces nouvelles fonctionnalités » (voir paragraphe 111 ci-avant).

451. Ayant conscience de leur retard en matière de traçabilité303, H2P et B2PWeb ont alors mis en place une stratégie visant à créer la confusion autour des enjeux liés développement des technologies numériques et ce, afin de susciter et entretenir l’inquiétude au sujet d’outils développés par des tiers. Par exemple, le 22 novembre 2016, les membres du conseil de gouvernance de H2P ont, après avoir cité Convargo et Chronotruck, abordé le cas de la société Shippeo. La conclusion était la suivante : « plusieurs membres du Conseil (…) sont conscients du danger de toutes ces plateformes qui extériorisent les données des transporteurs ; si elles sont nombreuses à tenter de percer et si elles ne réussiront pas toutes, il est à craindre que le succès d’une seule suffira à déstabiliser B2PWeb et à causer de gros préjudices aux entreprises des professionnels. Il convient donc de n’en ignorer aucune » (voir paragraphes 123 et suivants ci-avant).

452. Cette stratégie visant à créer la confusion et l’inquiétude ressort clairement d’un courriel du

29 mars 2017 de M. S..., Responsable Grands Comptes chez B2PWeb à

M. Y... (B2PWeb) : « Même si je pense que nous devons mettre à profit le temps de cette réunion uniquement pour créer l'adhésion autour du lancement rapide d'une solution alternative à Shippeo, le fait d'amener le sujet avec les plateformes Convargo et Chronotruck (avec les documents de Vincent) aide à bien amener le sujet Shippeo. En quelque sorte, il faudrait orienter toutes les méfiances autour des nouvelles plateformes digitales vers Shippeo (et le sujet de la Big Data)... » (voir paragraphe 208 ci-avant).

453. Cette stratégie visant à créer la confusion et l’inquiétude ressort également de certaines communications de groupements à l’égard de leurs adhérents qui incluaient Shippeo dans la catégorie générale des plateformes numériques d’intermédiation (voir paragraphe 214 ci-avant).

454. En outre, les enjeux autour des plateformes numériques d’intermédiation, d’une part, et des outils de traçabilité, d’autre part, étaient en partie identiques : tant les plateformes d’intermédiation que les outils de traçabilité étaient critiqués sur la question de la gestion des données, qui constituait l’un des points d’achoppement majeurs pour les parties à l’entente (voir paragraphes 123 et suivants et 212 et suivants ci-avant).

455. Ainsi, contrairement à ce qu’affirment certaines parties, de nombreux éléments montrent que les plateformes numériques d’intermédiation et les outils de traçabilité tels que Shippeo étaient envisagés conjointement par les entités impliquées dans les pratiques et soulevaient des enjeux similaires.

456. Deuxièmement, s’agissant du contenu même des pratiques, les différents éléments exposés ci-avant montrent que les messages diffusés, par les différentes mises en cause, aux professionnels du transport, sur les dangers de collaborer avec les nouveaux acteurs du transport routier de marchandises, étaient très similaires. En effet, le discours développé tant entre les groupements et fédérations qu’au sein même de ces organisations insistait sur les dangers pour les transporteurs des plateformes d’intermédiation et des nouveaux outils de traçabilité, tels que Shippeo, en reprenant, peu ou prou, les mêmes arguments. Ces communications se concentraient toutes sur le statut juridique flou de ces nouveaux opérateurs, sur le risque de perte de clientèle, et enfin sur les incertitudes quant à la protection des données sur le plan de transport des entreprises. Par exemple, sur ce dernier point, aussi bien la note de janvier 2017 (voir paragraphe 136 ci-avant), la 6ème lettre ouverte aux professionnelles du transport de mars 2017 (voir paragraphe 139 ci-avant) que le courriel d’information du mois d’avril 2017 (voir paragraphe 168 ci-avant) alertent sur les risques liées à l’utilisation des données des transporteurs en cas de collaboration avec les nouveaux acteurs du transport routier de marchandises. Ces arguments ont précisément été repris par ASTR dans le cadre d’une publication sur son site Internet le 6 juin 2017 (voir paragraphe 187 ci-avant), lors du conseil d’administration le 30 novembre 2017 (voir paragraphe 219 ci-avant), lors d’une réunion de l’Alliance au sujet de Shippeo le 27 février 2018 avec des représentants des groupements Astre, Flo, France Groupements et Tred Union (voir paragraphe 214 ci-avant) ou encore lors d’un CDE du groupement Evolutrans le 28 février 2018 (voir paragraphe 224 ci-avant).

457. De même, ces différentes communications conduisaient toujours à la même conclusion : ne pas travailler avec ces nouveaux opérateurs. Ainsi, cette conclusion figure dans la note de synthèse du 10 janvier 2017 (voir paragraphe 137 ci-avant) et dans le courriel d’information d’avril 2017 (voir paragraphe 169 ci-avant). Elle a également été reprise lors du conseil de gouvernance de H2P du 19 octobre 2016 ainsi que lors de l’assemblée générale du 22 novembre 2016 (voir paragraphes 123 et suivants ci-avant). Enfin, aussi bien le courriel du 10 juillet 2017 du président du groupement Flo à ses adhérents (voir paragraphe 217 ci-avant) et la publication par l’UNOSTRA du 1er février 2017 sur son site Internet appellent expressément leurs adhérents à ne pas collaborer avec les nouvelles plateformes d’intermédiation (voir paragraphe 161 ci-avant).

458. Troisièmement, les pratiques en cause se sont appuyées sur un même mode opératoire : une diffusion très large de l’appel à ne pas collaborer avec les nouveaux acteurs du transport routier de marchandises, notamment à travers la communication de documents, des notes, des communiqués, ou des courriels.

459. Dernièrement, il ressort des éléments du dossier que ces pratiques sont intervenues au sein de plusieurs organisations professionnelles du secteur du transport routier de marchandises, qui regroupent généralement les mêmes acteurs. Ainsi, l’OTRE et l’UNOSTRA, qui sont des fédérations professionnelles de PME du transport routier, sont également membres du conseil de gouvernance de H2P. Ce conseil de gouvernance regroupe, en outre, les représentants des groupements Astre, Evolutrans, Tred Union, Flo et ASTR. Quatre de ces groupements sont par ailleurs adhérents de l’Alliance. Enfin, lors des réunions de l’Alliance, tant l’OTRE que H2P pouvaient être invitées à participer aux réunions.

460. Ce sont également les mêmes personnes, qu’elles soient dirigeants de groupements, de fédérations professionnelles ou encore de H2P, qui se rencontraient au sein de différents forums, lesquels constituaient indifféremment le cadre des discussions de « la profession ».

461. Il résulte de tout ce qui précède que cet ensemble de circonstances fait ressortir la continuité des pratiques constatées, qui étaient mises en œuvre selon des modalités similaires, par les mêmes personnes, au sein de différentes entités du secteur du transport routier de marchandises.

462. Par ailleurs, contrairement à ce que le groupement ASTR soutient, l’homogénéité des entreprises concernées ne constitue nullement une condition nécessaire pour la caractérisation d’une infraction unique, complexe et continue, dès lors que les comportements relevés présentent de fortes similarités et concourent à l’objet commun.

463. Au demeurant, les mises en cause dans la présente affaire affichent de fortes similarités puisque cinq d’entre elles sont des groupements de transporteurs de petite ou moyenne dimension. Deux autres entités impliquées sont des organisations professionnelles qui se concentrent également sur la défense des intérêts des petites et moyennes entreprises de transport. Enfin, B2PWeb, filiale de H2P, est une bourse de fret dont l’activité consiste à mettre en relation des commissionnaires de transport avec des transporteurs de petite ou moyenne taille. Ces acteurs présentent donc un point commun : ils recherchent tous l’insertion des transporteurs de petite et moyenne taille dans la chaîne contractuelle du transport routier de marchandises. L’argument d’ASTR, erroné en droit, manque donc en fait, en tout état de cause, et doit, par conséquent, être rejeté.

Conclusion sur l’existence d’une infraction unique, complexe et continue

464. Il résulte des constatations qui précèdent que les contacts, discussions et communications intervenus entre les groupements et fédérations et au sein même de ces organisations forment ensemble une pratique unique, complexe et continue au sens de la jurisprudence détaillée aux paragraphes 430 et suivants ci-avant.

c) Sur la durée de l’infraction unique, complexe et continue

Rappel des principes

465. Il ressort de la jurisprudence de l’Union européenne que la durée d’une infraction aux règles de la concurrence est déterminée au regard de la période qui s’est écoulée entre la date de la conclusion de l’accord et la date à laquelle il y a été mis fin304.

466. En l’absence d’éléments de preuve susceptibles d’établir directement la durée d’une infraction, doivent être démontrés « au moins, des éléments de preuve qui se rapportent à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon qu’il puisse être raisonnablement admis que cette infraction s’est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises »305. Une infraction continue peut ainsi être caractérisée sur une période donnée sans que soit démontrée l’existence d’actes matériels tout au long de cette période.

467. Cette jurisprudence est reprise par les juridictions nationales qui précisent « qu’une pratique anticoncurrentielle revêt un caractère instantané lorsqu’elle est réalisée en un trait de temps, dès la commission des faits qui la constituent et qu’elle revêt au contraire un caractère continu lorsque l’état délictuel se prolonge dans le temps par la réitération constante ou par la persistance de la volonté anticoncurrentielle après l’acte initial sans qu’un acte matériel ait nécessairement à la renouveler dans le temps »306.

468. Selon l’arrêt Coppens de la Cour de justice, « une entreprise ayant participé à une telle infraction unique et complexe par des comportements qui lui étaient propres, qui relevaient des notions d’accord ou de pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE et qui visaient à contribuer à la réalisation de l’infraction dans son ensemble, peut ainsi être également responsable des comportements mis en œuvre par d’autres entreprises dans le cadre de la même infraction pour toute la période de sa participation à ladite infraction. Tel est le cas lorsqu’il est établi que ladite entreprise entendait contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants et qu’elle avait connaissance des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs, ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque (arrêts précités Commission/Anic Partecipazioni, points 87 et 203, ainsi que Aalborg Portland e.a./Commission, point 83) »307.

469. Ainsi, selon ce même arrêt, « une entreprise peut avoir directement participé à l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, auquel cas la Commission est en droit de lui imputer la responsabilité de l’ensemble de ces comportements et, partant, de ladite infraction dans son ensemble. Une entreprise peut également n’avoir directement participé qu’à une partie des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, mais avoir eu connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l’entente dans la poursuite des mêmes objectifs, ou avoir pu raisonnablement les prévoir et avoir été prête à en accepter le risque. Dans un tel cas, la Commission est également en droit d’imputer à cette entreprise la responsabilité de l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant une telle infraction et, par suite, de celle-ci dans son ensemble »308.

Application en l’espèce

Sur la date de début des pratiques

470. L’Autorité considère que l’infraction a débuté le 29 juillet 2016, date du courriel de

M. X... (H2P) à M. A... (H2P et Evolutrans) et à M. Y... (B2PWeb) dans lequel il détaillait la stratégie à mettre en place par la profession pour faire face aux nouveaux acteurs du transport routier de marchandises (voir paragraphe 97 ci-avant). En effet, dans ce courriel,

M. X... soulignait la nécessité d’« attirer l’attention des transporteurs sur le DANGER de donner suite aux propositions des plateformes » et « du côté des professionnels, groupements en tête, démarche auprès des adhérents de groupements pour leur faire prendre la mesure du danger les concernant et les incitant à refuser les approches ». Ce courriel précisait également que « [A…] prendra contact dès ce matin avec son Président D... ».

471. Dans ce cadre, des messages mettant en avant le danger de collaborer avec ces plateformes ont aussitôt été diffusés aux groupements Evolutrans, Flo, Tred Union.

472. En effet, le même jour, M. D... (Evolutrans) a repris la position décidée par H2P et B2PWeb dans un courriel adressé à l’ensemble des adhérents du groupement, les invitant ainsi à ne pas collaborer avec la plateforme Presta Trans (voir paragraphe 99 ci-avant).

473. Ce courriel a ensuite notamment été transféré par M. A..., directeur général de H2P, adhérent et représentant d’Evolutrans, à l’Alliance ainsi qu’à plusieurs transporteurs dont certains sont également des représentants des groupements Astre, Flo, Tred Union, avec

M. X... (H2P) et M. Y... (B2PWeb) en copie, en précisant « qu’il est urgent de sensibiliser nos confères sur le danger que représente ce type de start-up (…). Attention danger » (voir paragraphe 100 ci-avant).

474. Cette date, qui constitue le début de l’infraction unique et continue, n’est toutefois pas la date de début des pratiques retenue individuellement à l’encontre des différentes mises en cause (voir ci-après, paragraphes 488 et suivants).

Sur la date de fin des pratiques

475. Les griefs notifiés aux parties retenaient des pratiques allant du 24 juillet 2016 au 16 octobre 2019, notamment du fait que les publications de B2PWeb, ASTR, OTRE et UNOSTRA étaient toujours accessibles sur leurs sites Internet/Intranet respectifs à la date de l’envoi de la notification des griefs.

476. Toutefois, l’Autorité considère, faisant ainsi droit aux arguments de certaines parties et, notamment, du groupement ASTR, que les éléments du dossier ne permettent pas d’établir, avec certitude, que ces publications litigieuses étaient encore accessibles aux adhérents et membres de ces entités à la date de la notification des griefs, ou entre la date du dernier acte matériel d’appel au boycott et celle de l’envoi de la notification des griefs.

477. En tout état de cause, les parties en cause pouvaient raisonnablement prévoir la mise en œuvre de pratiques de boycott et d’appels au boycott par les autres membres du conseil de gouvernance de H2P, dont Evolutrans (voir paragraphes 508 et suivants ci-après). Elles devaient en avoir accepté le risque puisque ces actions internes, tout comme celles mises en œuvre par les autres parties, permettaient d’assurer l’application effective de la stratégie décidée en commun lors des conseils de gouvernance de H2P pour faire barrage au développement des nouveaux acteurs du transport routier de marchandises.

478. En conséquence, l’Autorité retient comme date de fin des pratiques le 28 février 2018, date de la dernière action positive de l’une des parties dans le cadre de la stratégie décidée et mise en œuvre par les parties. Ainsi, à cette date, le conseil de direction d’Evolutrans a encore une fois mis en avant les dangers de collaborer avec le logiciel Shippeo : « après échanges, le CDE souhaite à nouveau mettre en garde les adhérents sur le fait qu’en travaillant avec des outils comme Shippeo, ces structures récupèrent nos données. Il ne faut pas oublier qu’à l’origine, Shippeo souhaitait créer une plateforme digitale. L’utilisation de nos données (géolocalisation, clients et marchandises traités, etc) pourrait permettre à Shippeo de récupérer nos données et d’en faire un mauvais usage qui pourrait ensuite se retourner contre les transporteurs » (voir paragraphe 224 ci-avant).

479. L’Autorité considère également que cette date doit être retenue comme date de fin des pratiques pour l’ensemble des mises en cause en application de la jurisprudence précitée aux paragraphes 466 et 467 ci-avant. En effet, si cette réunion ne concernait que le groupement Evolutrans, il n’en demeure pas moins que les autres parties étaient au courant de la position de H2P, B2PWeb et d’autres membres du conseil de gouvernance de H2P à l’encontre des plateformes numériques d’intermédiation et logiciels de traçabilité, ainsi que des actions entreprises par ces sociétés, groupements et fédérations professionnelles pour inciter les professionnels du transport routier de marchandises à boycotter les nouveaux acteurs de ce secteur.

480. Dans les journées précédant immédiatement le conseil de direction d’Evolutrans du 28 février 2018, les parties continuaient à mettre en œuvre ou à évoquer la stratégie d’entrave au développement des nouveaux acteurs du numérique. C’est ainsi le cas le 27 février 2018, lors d’une réunion au sein de l’Alliance rassemblant les représentants des groupements Astre, Flo et Tred Union (voir les paragraphes 212 et suivants ci-avant). Lors de cette réunion, il a été proposé d’envoyer un courrier aux membres des groupements pour les alerter sur les dangers de collaborer avec les nouveaux acteurs numériques du transport routier de marchandises et de les inciter à travailler avec Gedmouv plutôt que ces services. C’est également le cas le 2 février 2018, avec la publication dans « l’Officiel des transporteurs » d’un entretien de M. I... (OTRE) qui indique, à nouveau, les dangers de collaborer avec ces plateformes et logiciels de traçabilité (voir le paragraphe 255 ci-avant).

Sur le caractère continu des pratiques

481. Le groupement Evolutrans estime que le caractère continu des pratiques en cause ne saurait être retenu au regard des éléments du dossier.

482. Toutefois, comme rappelé ci-avant, le caractère continu de l’infraction en cause découle de la circonstance que les différentes pratiques qui la composent se sont succédées dans le temps.

483. En l’espèce, il ressort des constatations opérées aux paragraphes 97 et suivants ci-avant qu’entre le 29 juillet 2016 et le 28 février 2018, les parties ont échangé sur le sujet des plateformes et logiciels de traçabilité à de nombreuses et fréquentes occasions, que ce soit lors des conseils de gouvernance ou de l’assemblée générale de H2P, lors de réunions de l’Alliance ou lors d’échanges bilatéraux. Les organismes mis en cause ont également régulièrement diffusé des messages appelant leurs adhérents à boycotter ces nouveaux acteurs du transport routier de marchandises tout au long de la durée des pratiques. Les différentes pratiques qui composent l’infraction unique, complexe et continue se sont donc succédé dans le temps, de façon continue.

484. Par conséquent, l’infraction unique, complexe et continue a commencé le 29 juillet 2016 et a perduré jusqu’au 28 février 2018. L’argument du groupement Evolutrans est donc rejeté.

d) Sur la participation individuelle des organismes et entreprises

Rappel des principes

485. Le degré de responsabilité d’une entreprise ou d’un organisme ayant participé à une infraction unique, complexe et continue varie en fonction de l’étendue de sa participation ou de sa connaissance des comportements anticoncurrentiels qui la composent.

486. Il ressort ainsi d’une jurisprudence constante en droit de l’Union qu’« une entreprise peut avoir directement participé à l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, auquel cas l’Autorité de la concurrence est en droit de lui imputer la responsabilité de l’ensemble de ces comportements et, partant, de ladite infraction dans son ensemble. Une entreprise peut également n’avoir directement participé qu’à une partie des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, mais avoir eu connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels mis en œuvre par les autres participants à l’entente dans la poursuite des mêmes objectifs, ou avoir pu raisonnablement les prévoir et avoir été prête à en accepter le risque. Dans un tel cas, l’Autorité est également en droit d’imputer à cette entreprise la responsabilité de l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant une telle infraction et, par suite, de celle-ci dans son ensemble »309.

487. En revanche, « si une entreprise a directement pris part à un ou plusieurs des comportements anticoncurrentiels composant une infraction unique et continue, mais qu’il n’est pas établi que, par son propre comportement, elle entendait contribuer à l’ensemble des objectifs communs poursuivis par les autres participants à l’entente et qu’elle avait connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par lesdits participants dans la poursuite des mêmes objectifs ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et était prête à en accepter le risque, l’Autorité de la concurrence n’est en droit de lui imputer la responsabilité que des seul comportements auxquels elle a directement participé et des comportements envisagés ou mis en œuvre par les autres participants dans la poursuite des mêmes objectifs que ceux qu’elle poursuivait et dont il est prouvé qu’elle avait connaissance ou pouvait raisonnablement les prévoir et était prête à en accepter le risque »310.

488. Cela ne saurait néanmoins conduire à exonérer cette entreprise de sa responsabilité pour les comportements dont il est constant qu’elle y a pris part ou dont elle peut effectivement être tenue pour responsable. En effet, le fait qu’une entreprise n’a pas participé à tous les éléments constitutifs d’une entente ou qu’elle a joué un rôle mineur n’est pas pertinent pour établir l’existence d’une infraction dans son chef, et n’a vocation à être pris en compte qu’aux fins de l’appréciation de la gravité de l’infraction et, le cas échéant, de la détermination de l’amende311.

489. L’Autorité a repris ces principes dans sa pratique décisionnelle à plusieurs reprises312.

Application au cas d’espèce

Sur la participation de H2P

490. Premièrement, H2P et B2PWeb affirment dans leurs observations que la rédaction de la notification des griefs ne viserait qu’une infraction réalisée par certains membres du conseil de gouvernance de H2P, mais pas par ces deux sociétés.

491. Deuxièmement, elles avancent que les pratiques telles que poursuivies concernent des communications d’organismes professionnels vis-à-vis de leurs adhérents, alors que H2P et B2PWeb sont des sociétés commerciales et ont des clients, non des adhérents.

492. Troisièmement, ces sociétés considèrent que l’Autorité ne peut leur reprocher d’avoir refusé de collaborer avec les plateformes numériques d’intermédiation dans la mesure où elles ne se trouvaient ni dans une relation de fournisseurs, ni dans une relation de clientes avec ces derniers.

493. Dernièrement, H2P et B2PWeb affirment qu’elles ne se trouvent pas dans une relation horizontale de concurrence avec les autres membres de l’entente, ce qui empêche toute qualification d’entente horizontale, considérées comme les infractions les plus graves.

494. Mais, premièrement, il résulte des constatations opérées ci-avant, que H2P et B2PWeb ont participé aux pratiques en cause.

495. S’agissant de H2P, cette société est intervenue, principalement par l’intermédiaire de ses dirigeants M. X... et M. A... (également adhérent et représentant du groupement Evolutrans), pour inciter et favoriser le développement d’une communication invitant à boycotter les plateformes numériques d’intermédiation dans le secteur du transport routier de marchandises, au moins à partir du 29 juillet 2016 (voir paragraphes 97 et suivants ci-avant).

496. Lors du conseil de gouvernance du 22 novembre 2016 notamment, M. X... a exposé une stratégie globale consistant à diffuser à l’ensemble de secteur du transport routier de marchandises un discours invitant à ne pas travailler avec les plateformes numériques d’intermédiation (voir paragraphes 123 et suivants ci-avant).

497. Ensuite, H2P a participé à de très nombreux contacts et échanges portant sur cette question, que ce soit au sein de son propre conseil de gouvernance, au travers d’échanges bilatéraux avec certains groupements ou autres organismes, dans le cadre de l’Alliance ou encore dans ses relations avec l’OTRE.

498. De même, B2PWeb a adhéré à la stratégie définie par H2P sur la question des plateformes numériques d’intermédiation dès le 29 juillet 2016, notamment dans le cadre d’une communication à ses forces commerciales (voir paragraphes 97 et suivants ci-avant).

499. B2PWeb était également présente lors du conseil de gouvernance de H2P du 22 novembre 2016, durant lequel M. X... a exposé la stratégie globale consistant à diffuser à l’ensemble du secteur un discours invitant à ne pas travailler avec les plateformes numériques d’intermédiation (voir paragraphes 123 et suivants ci-avant).

500. Puis B2PWeb a régulièrement diffusé le message de H2P sur la question des plateformes auprès des adhérents à sa bourse de fret, en appelant ces derniers à ne pas travailler avec ces nouveaux opérateurs, notamment à travers des communications accessibles sur son site intranet. B2PWeb a également participé à l’ensemble des conseils de gouvernance de H2P.

501. Il résulte en outre de ces éléments que H2P et B2PWeb ont eu un rôle particulier en initiant les pratiques et en contribuant largement à assurer leur maintien. Ce rôle de meneur est d’ailleurs reconnu notamment par ASTR313, Evolutrans314 et l’UNOSTRA315 (voir paragraphes 682 et suivants).

502. Il convient donc de considérer qu’à la fois H2P et B2PWeb doivent être tenues responsables de l’ensemble de l’infraction unique, complexe et continue, qui a commencé le 29 juillet 2016 et perduré jusqu’au 28 février 2018 (voir paragraphe 224 ci-avant).

503. Deuxièmement, s’agissant du statut de H2P et B2PWeb, ces deux sociétés ont organisé un boycott au sein du conseil de gouvernance de H2P. Elles ont, en effet, utilisé cet organe pour mettre en œuvre une concertation entre H2P, B2PWeb, des groupements et des fédérations, afin d’évincer les nouveaux acteurs numériques du secteur du transport routier de marchandises. Les organismes professionnels ont alors relayé cet appel au boycott en diffusant le discours sur lequel ils s’étaient mis d’accord, à leurs adhérents respectifs.

504. Troisièmement, sur les relations entre H2P, B2PWeb et les plateformes numériques d’intermédiation, H2P et B2PWeb sont poursuivies pour avoir organisé un boycott concerté entre les membres du conseil de gouvernance de H2P, dont plusieurs pouvaient travailler, directement ou indirectement, avec les plateformes d’intermédiation. En effet, les groupements peuvent nouer des partenariats avec les plateformes et leurs adhérents sont en relation directe avec ces opérateurs.

505. Les potentielles relations entre les groupements et les plateformes sont d’ailleurs reconnues par Evolutrans qui met en avant un projet de partenariat avec Chronotruck (voir paragraphe 522 ci-dessus). Si ce projet a en réalité été abandonné en raison de l’hostilité du groupement à l’encontre des nouveaux acteurs numériques du secteur316, il n’en demeure pas moins qu’il confirme la potentialité de telles relations.

506. De plus, H2P et B2PWeb soutiennent dans leurs observations avoir développé des « relations partenariales » avec Shippeo, ce qui démontre, s’il en était besoin, que ces sociétés peuvent entretenir une relation commerciale ou industrielle avec les nouveaux opérateurs du secteur.

507. Dernièrement, sur le caractère horizontal de l’entente, les diverses pratiques d’appel au boycott et de boycott relevées ci-avant aux paragraphes 399 et suivants consistaient à appeler, directement ou indirectement, les transporteurs à boycotter les nouveaux opérateurs numériques du secteur (voir ci-dessus). Or, ces transporteurs se trouvent les uns avec les autres dans une relation horizontale de concurrence et constituent tous des partenaires potentiels pour les nouveaux opérateurs. En outre, les ententes mises en œuvre par des organismes professionnels doivent être considérées comme impliquant la collectivité de leurs membres, en l’espèce les transporteurs.

508. Par conséquent, l’infraction, qui s’est poursuivie du 29 juillet 2016 au 28 février 2018, doit être considérée comme une entente horizontale. Les arguments de H2P et B2PWeb doivent donc être rejetés.

***

509. En conséquence, il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la participation de H2P et B2PWeb à l’infraction unique, complexe et continue est établie du 29 juillet 2016 au 28 février 2018.

Sur la participation du groupement Evolutrans

510. Dans ses observations, Evolutrans affirme que M. A..., qui était indiqué comme représentant pour ce groupement lors de la plupart des réunions du conseil de gouvernance de H2P, intervenait en réalité au nom de H2P et n’exprimait donc pas le point de vue d’Evolutrans. En outre, Evolutrans n’aurait investi M. A... d’aucun mandat lui permettant de s’exprimer sur la question des plateformes numériques d’intermédiation. Les propos tenus par M. A... n’auraient, ainsi, pu être compris par les autres membres du conseil de gouvernance que comme relevant de la position de H2P.

511. Enfin, Evolutrans conteste successivement le caractère pertinent d’un certain nombre de contacts et d’échanges retenus à son encontre.

512. Mais, premièrement, comme jugé par la Cour de cassation dans son arrêt du 27 mars 2019, rendu dans l’affaire dite « Hygiène et entretien », « la constatation de l'existence d'un accord restrictif de concurrence ne nécessite pas la preuve de la connaissance de celui-ci par les associés ou dirigeants principaux, ni celle d'un mandat donné par l'entreprise à un employé, mais peut résulter de l'action d'une personne autorisée à agir pour le compte de l'entreprise, (CJUE, 7 février 2013, Protimonopolný úrad Slovenskej republiky c/Slovenská sporitel' òa a.s., C-68/12 points 25, 28), que s'il n'était pas permis d'assimiler les personnes physiques aux entreprises qu'elles représentent lors des réunions anticoncurrentielles, l'interdiction posée par l'article 81 CE (devenu 101 TFUE) deviendrait impossible à faire respecter et que la présence aux réunions caractérisant la responsabilité de l'entreprise peut être le fait d'un employé ou d'un représentant (TUE, 12 décembre 2014, Tudapetrol Mineralölerzeugnisse Nils Hansen KG c/Commission européenne, T-550/08) »317.

513. En outre, la cour d’appel de Paris a jugé que la démonstration de la participation d’une entreprise à une entente au travers des actions d’une personne donnée dépend uniquement de la capacité de celle-ci à représenter et engager l’entreprise, et ce malgré la multiplicité de ses mandats sociaux318.

514. En l’espèce, à l’époque des faits, M. A... était membre du Comité de direction d’Evolutrans319. Il n’était donc pas un simple adhérent professionnel du groupement, mais assurait bien des fonctions de gestion et de représentation au sein de cette organisation. Il représentait ainsi régulièrement le groupement Evolutrans au conseil de gouvernance de H2P, en remplacement de son président320. En outre, à la même époque, M. A... représentait Evolutrans également aux réunions de l’Alliance321, dont les participants étaient, pour une grande partie, communs avec le conseil de gouvernance de H2P.

515. Par ailleurs, les éléments du dossier montrent que M. A... transmettait des informations issues du groupement Evolutrans aux autres participants à l’entente322. Il était donc bien identifié par les autres participants à l’entente comme représentant Evolutrans.

516. À cet égard, le seul exemple fourni par Evolutrans de positions distinctes prétendument exprimées par M. A... pour H2P puis pour Evolutrans est erroné. En effet, la cote indiquée323 correspond au procès-verbal de la réunion du 18 juillet 2017 du conseil de gouvernance de H2P. Lors de cette réunion, Mme 6... représentait Evolutrans, et

M. A... n’était présent qu’en tant que directeur général de H2P.

517. Ainsi, quelles qu’étaient par ailleurs ses fonctions au sein de H2P, lorsque M. A... représentait le président d’Evolutrans lors des conseils de gouvernance de H2P, comme c’était le cas pour les réunions du 19 octobre 2016324, du 22 novembre 2016325 et du 16 mai 2017326, il avait bien la qualité et la capacité de représenter et d’engager Evolutrans.

518. Deuxièmement, le groupement Evolutrans conteste avoir participé aux concertations avec les autres parties mises en cause pour définir ensemble une stratégie à adopter face à l’arrivée de nouveaux acteurs dans le secteur du transport routier de marchandises.

519. Concernant le courriel du 29 juillet 2016 du président d’Evolutans aux adhérents, le groupement Evolutrans y a, pour la première fois, exprimé sa position à l’encontre des plateformes (voir paragraphe 99 ci-avant). Contrairement à ce qu’affirme Evolutrans, ce document invite explicitement les transporteurs membres du groupement à ne pas travailler avec la société Presta Trans. Il s’agit donc d’une intervention directe dans les choix commerciaux des adhérents d’Evolutrans. En outre, dès cette époque, le groupement Evolutrans était en contact avec les dirigeants de H2P sur cette question327.

520. Concernant les conseils de gouvernance de H2P du 19 octobre 2016328, du 22 novembre 2016329 et du 16 mai 2017330, il ressort des pièces du dossier que ces réunions, et notamment celle du 22 novembre 2016, ont été l’occasion d’exposer la stratégie globale consistant à diffuser dans l’ensemble du secteur du transport routier de marchandises un discours invitant à ne pas travailler avec les plateformes numériques d’intermédiation. Il a en outre été démontré ci-avant aux paragraphes 512 et suivants que les arguments d’Evolutrans tenant à l’absence de mandat de représentation de M. A... lors de ces réunions ne peuvent être retenus.

521. Le groupement Evolutrans a par ailleurs régulièrement diffusé le message de H2P sur la question des plateformes auprès de ses adhérents, en appelant ces derniers à ne pas travailler avec ces nouveaux opérateurs, notamment lors d’un courriel envoyé le 29 juillet 2016 par

M. D..., président du groupement, à l’ensemble des adhérents, leur demandant de ne pas répondre à la sollicitation d’une plateforme, Presta Trans, ou encore lors du comité de direction du 28 février 2018, lors duquel les membres ont souhaité à nouveau mettre en garde les adhérents contre les dangers de travailler avec les nouveaux acteurs du numérique (voir paragraphes 364 et suivants ci-avant).

522. Concernant le comité de direction de ce groupement du 23 novembre 2016 (voir paragraphe 147 ci-avant), Evolutrans affirme que son compte-rendu ne contient aucune référence au conseil de gouvernance de H2P du 22 novembre 2016. En outre, l’existence d’une volonté de boycott serait contredite par le fait qu’à la même époque Evolutrans avait engagé des discussions avec Chronotruck en vue d’un partenariat.

523. Mais, tout d’abord, une part de l’infraction unique, complexe et continue notifiée aux mises en cause est constituée d’accords intervenus au sein de chaque groupement ou syndicat professionnel impliqué dans les pratiques. Par conséquent, le fait que le compte-rendu du comité de direction du 23 novembre 2016 ne mentionne pas H2P ne modifie pas la constatation qu’un accord anticoncurrentiel a pu se former au sein du groupement lors de cette réunion.

524. Ensuite, s’agissant du partenariat prétendument envisagé avec Chronotruck, la seule pièce fournie par Evolutrans331 concerne un courriel envoyé au groupement Evolutrans par un de ses membres, M. 14..., propriétaire des Transports Moisy. Or, cette communication intervenait dans le cadre d’un projet de rachat des Transports Moisy par M. 15..., par ailleurs fondateur de Chronotruck. Il ressort des pièces du dossier que ce projet de rachat a en réalité rencontré l’opposition du groupement Evolutrans et qu’en particulier, M. 15... s’est vu refuser l’accès au réseau Volupal géré par Evolutrans332. Les circonstances entourant les relations entre les Transports Moisy et M. 15... confirment l’hostilité du groupement Evolutrans à l’égard des acteurs du numérique dans le transport routier de marchandises.

525. Troisièmement, le groupement Evolutrans conteste avoir appelé ses adhérents au boycott des plateformes numériques d’intermédiation et du logiciel de traçabilité Shippeo

526. Concernant le message de M. X... du 31 mai 2017 (voir paragraphes 171 ci-avant), s’il n’est pas contesté que la note intitulée « Plateforme d’intermédiation : le saccage organisé de nos entreprises de transport », jointe au message de M. X..., n’a pas été diffusée par le groupement, comme souligné par Evolutrans, il n’en demeure pas moins que ce groupement était informé de l’existence et du contenu de cette note, ainsi que de sa diffusion au sein des diverses organisations concernées333 et ne s’est pas pour autant distancé vis-à-vis des autres membres de la concertation.

527. Concernant le séminaire du groupement du 24 mai 2017 (voir paragraphe 198 ci-avant), si le compte-rendu de ce séminaire mentionne bien l’hypothèse d’un partenariat avec les plateformes numériques, comme souligné par Evolutrans, il précise que cette hypothèse n’a pas été retenue, ce qui est cohérent avec l’opposition de principe du groupement aux plateformes numériques alors actives sur le marché.

528. La lecture du compte-rendu du séminaire, et notamment les termes « n’y mettre QUE nos moyens dedans », suivis de « Réorganisation de notre plan de transport avec redécoupage des zones, un livreur = une zone = la totalité des flux », confirme que le groupe de travail souhaitait mettre en place un outil permettant de répliquer strictement l’organisation du groupement Evolutrans et ainsi d’éviter la concurrence entre transporteurs inhérente au fonctionnement des plateformes numériques.

529. Concernant la réunion de l’Alliance du 25 octobre 2017 (voir paragraphe 210 ci-avant), s’il est exact que son compte-rendu, pris seul, ne contient pas d’appel explicite au boycott de Shippeo, il doit toutefois être analysé avec les autres éléments détaillés ci-avant. Ce faisant, ce document permet de démontrer qu’à cette époque, les membres de l’Alliance entendaient contrôler le choix des transporteurs adhérents aux groupements de travailler ou non avec Shippeo. Les transporteurs devaient ainsi attendre l’expression d’une position commune au sein de cette organisation. Or, il est très vite apparu que les membres de l’Alliance entendaient favoriser le produit Gedmouv proposé par H2P et B2PWeb et déconseiller d’accepter les demandes des clients d’adhérer à Shippeo.

530. Enfin, concernant le comité de direction d’Evolutrans du 28 février 2018 (voir paragraphe 224 ci-avant), contrairement à ce qu’affirme Evolutrans, le compte-rendu de réunion exprime une très claire mise en garde vis-à-vis des adhérents et évoque un

« mauvais usage » des données de transport qui pourrait « se retourner » contre les transporteurs. Un tel discours était donc sans équivoque et de nature à fortement dissuader les transporteurs d’adhérer à Shippeo.

***

531. En conséquence, il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la participation du groupement Evolutrans à l’infraction unique, complexe et continue est établie du 29 juillet 2016 au 28 février 2018, date du comité de direction de ce groupement.

Sur la participation de Flo

532. Le groupement Flo a pour la première fois exprimé sa position sur la question des plateformes numériques lors d’un conseil d’administration du groupement du 7 septembre 2016 (voir paragraphe 117 ci-avant). En outre, dès cette époque, le groupement Flo était en contact avec les dirigeants de H2P sur cette question (voir paragraphes 116 et 117 ci-avant).

533. Si le groupement Flo ne conteste pas que ce document constitue le point de départ de sa participation aux pratiques, il estime que sa participation aux conseils de gouvernance de H2P ainsi qu’aux réunions de l’Alliance ne saurait être retenue. Il revient également sur les éléments internes à ce groupement retenus par l’Autorité pour établir sa participation aux pratiques en cause.

534. Ainsi, premièrement, contrairement à ce qui est avancé, le groupement Flo a participé aux concertations avec les autres parties mises en cause pour définir ensemble une stratégie à adopter face à l’arrivée de nouveaux acteurs dans le secteur du transport routier de marchandises.

535. Concernant le conseil de gouvernance de H2P du 19 octobre 2016 (voir paragraphe 104 ci-avant), Flo affirme que M. B..., qui la représentait, n’était plus que « membre d’honneur

» du groupement et ne pouvait l’engager. En outre, cette réunion n’aurait conduit à aucune position claire prise par les participants.

536. Il est exact que cette réunion du conseil de gouvernance de H2P n’a pas donné lieu à l’expression d’un accord formel sur la question du boycott des opérateurs numériques dans le secteur du transport routier de marchandises. Toutefois, à la même époque, le groupement Flo avait déjà exprimé en interne un soutien sans équivoque aux propositions formulées par H2P.

537. Ainsi, si la réunion du conseil de gouvernance de H2P du 19 octobre 2016 ne peut effectivement pas être retenue en tant que telle comme preuve des pratiques poursuivies, elle confirme le contexte général des échanges déjà intervenus.

538. Concernant le conseil de gouvernance de H2P du 22 novembre 2016 (voir paragraphes 123 et suivants ci-avant), Flo relève que M. F..., qui le représentait, n’était pas le président du groupement mais seulement un de ses administrateurs. En outre, M. F... ne se serait pas exprimé sur le sujet des plateformes lors de ce conseil.

539. Toutefois, à l’époque du conseil de gouvernance du 22 novembre 2016, M. F... était membre du conseil d’administration du groupement Flo, et avait effectué, avec M. E..., le président du groupement, la présentation relative aux plateformes d’intermédiation du 7 septembre 2016. Par conséquent, en tant que membre du conseil d’administration de ce groupement, M. F... a pu s’exprimer au nom de Flo lors de ce conseil de gouvernance.

540. Par ailleurs, Flo omet de citer dans ses observations le fait que, lors de cette réunion, M. F... a également évoqué « la crainte de voir certaines plateformes poussées par les clients, exemple SHIPEO, s’imposer sans possibilité de refus de la part des professionnels ». En tout état de cause, comme indiqué ci-avant aux paragraphes 123 et suivants, le contenu des discussions intervenues lors de ce conseil de gouvernance ne laisse pas de place au doute sur la volonté collective de faire barrage aux plateformes numériques d’intermédiation.

541. Concernant le conseil de gouvernance de H2P du 18 juillet 2017 (voir paragraphe 224 ci-avant), Flo affirme que les déclarations de M. E... lors de cette réunion doivent se comprendre comme une réaction commerciale et la volonté de développer un nouvel outil, l’« agrégateur professionnel », pour concurrencer Shippeo.

542. Mais il convient de rappeler que ces déclarations de M. E... lors du conseil de gouvernance du 18 juillet 2017 font partie d’un ensemble de communications du groupement sur le même sujet à d’autres occasions, et qui invitaient à ne pas travailler avec Shippeo334. S’agissant plus particulièrement de ce conseil de gouvernance, il faut relever que, contrairement à ce qu’affirme Flo, les discussions portant sur l’agrégateur professionnel n’avaient pas de lien avec les questions liées à Shippeo et à Gedmouv, comme indiqué par M. X...335. Par conséquent, les déclarations de M. E... à l’encontre de Shippeo n’intervenaient pas dans le cadre du lancement d’un produit concurrent mais reflétaient une volonté constante de faire barrage à cet opérateur spécifique.

543. Ensuite, concernant la réunion de l’Alliance du 27 février 2017 (voir paragraphes 212 et suivants ci-avant), Flo affirme que les discussions qui se sont déroulées lors de cette réunion avaient pour objet de déterminer un ensemble de stratégies commerciales vis-à-vis de Shippeo.

544. Mais, tout d’abord, si la question d’une éventuelle réponse commerciale vis-à-vis de Shippeo peut être envisagée dans le cadre des réunions du conseil de gouvernance de H2P, rien ne permet d’expliquer en quoi l’Alliance, dont l’objet social est de représenter les intérêts des groupements de transporteurs vis-à-vis des pouvoirs publics, était légitime à s’exprimer sur ce sujet.

545. En outre, le contenu du compte-rendu de cette réunion n’évoque pas seulement le développement du produit Gedmouv, à même de concurrencer Shippeo, mais bien une stratégie visant à « alerter » les transporteurs « sur les dangers de ces nouvelles plateformes » pour ensuite les orienter vers Gedmouv (voir paragraphe 213 ci-avant). Il s’agit donc bien de pratiques d’appel en commun au boycott d’un certain type d’acteurs pour ensuite en favoriser un autre.

546. Secondement, contrairement à ce qui est avancé, le groupement Flo a diffusé, à plusieurs reprises, à ses adhérents, des appels à boycotter les nouveaux acteurs du transport routier de marchandises.

547. Ainsi, le communiqué du 17 novembre 2016 (voir paragraphe 120 ci-avant) contient un ensemble de remarques invitant directement les adhérents à ne pas travailler avec les nouveaux opérateurs numériques dans le secteur du transport routier de marchandises et à privilégier les services de H2P et B2PWeb.543. De même, le courriel du 24 mars 2017 du secrétaire général de Flo (voir paragraphe 153 ci-avant), qui reprend les mêmes arguments que le communiqué du 17 novembre 2016, contient une invitation claire à ne pas participer aux plateformes numériques d’intermédiation.

548. Enfin, le courriel du 14 juin 2017 du secrétaire général de Flo (voir paragraphe 190 ci-avant), qui transmet la note d’avril 2017 de H2P aux adhérents de ce groupement afin de les alerter sur les « dangers que représentent les plateformes d’intermédiation pour la profession du transport », constitue également un appel au boycott des nouveaux opérateurs numériques.

***

549. Dans ces conditions, il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la participation du groupement Flo à l’infraction unique, complexe et continue est établie du 7 septembre 2016 au 28 février 2018 (voir paragraphes 476 à 478 ci-avant).

Sur la participation du groupement Astre

550. Le groupement Astre a pour la première fois exprimé sa position sur la question des plateformes numériques lors d’une réunion interne du 2 septembre 2016 (voir paragraphe 111 ci-avant). En outre, dès cette époque, le groupement Astre était en contact avec les dirigeants de H2P sur cette question.

551. Astre estime que cette réunion ne peut être retenue à son encontre, dans la mesure où elle n’aurait réuni que quinze personnes et que son compte-rendu n’aurait été transmis qu’à trois personnes. Mais, le compte-rendu de cette réunion contient notamment les décisions suivantes : « l’objectif premier est donc de ne pas participer aux PF pour bloquer leur évolution ; il est convenu que le message sera passé chez Astre le plus rapidement possible »336.

552. En conséquence, cette réunion a été l’occasion pour les dirigeants d’Astre de s’accorder sur une stratégie consistant à appeler les membres à ne pas travailler avec les plateformes numériques d’intermédiation. En outre, dès cette époque, le groupement Astre était en contact avec les dirigeants de H2P sur cette question. En effet, les discussions lors de cette réunion se fondaient en partie sur une lettre de M. X... de juillet 2016 (voir paragraphe 111 ci-avant) et le compte-rendu de cette réunion a été transféré à

M. X... (voir paragraphe 113 ci-avant).

553. Cette réunion constitue donc bien le point de départ de la participation du groupement Astre à l’infraction unique, complexe et continue.

555. S’agissant des autres réunions et communications internes retenues à son encontre, Astre les conteste dans leur ensemble. Le groupement a fourni à cet effet un tableau et une frise chronologique listant l’ensemble des actions et contacts pour lesquels sa responsabilité est retenue et, pour chacun de ses éléments, affirme que sa participation ne présentait pas de caractère anticoncurrentiel.

556. Mais, premièrement, la frise produite est incomplète : Astre ne mentionne ni l’assemblée générale du 13 décembre 2016 (voir paragraphes 130 et 131 ci-avant), ni la réunion de l’Alliance du 25 octobre 2017 (voir paragraphe 210 ci-avant), auxquelles ce groupement était présent.

557. Ensuite, Astre a également été destinataire de plusieurs communications appelant au boycott des plateformes numériques d’intermédiation, comme détaillé dans les constatations opérées aux paragraphes 97 et suivants. Astre ne mentionne pas ces contacts dans ses écritures mais se contente, dans un tableau, de dire qu’elle n’avait pas connaissance de certains appels au boycott d’autres entités.

558. Par exemple, contrairement à ce qu’elle affirme, Astre avait parfaitement connaissance de l’appel au boycott de Flo lancé en septembre 2016, comme le prouve un message de M. X... envoyé à M. C... (Astre) le 6 octobre 2016337 : après s’être réjoui qu’Astre ait « décidé de communiquer avec ses adhérents en les incitant à ne pas s'inscrire sur les PF de type

« CONVARGO » », M. X... précisait à Astre : « je me permets de vous informer sans attendre (…) d’autres réunion au sein du Groupement Flo qui en a débattu au cours de ces (sic) récentes UE [Universités d’Été]»338.

559. De plus, Astre avait nécessairement connaissance des appels au boycott compte tenu, pour certains, de leur diffusion publique et en raison, par ailleurs, de sa participation aux différents conseils de gouvernance de H2P qui étaient l’occasion pour les autres mises en cause de faire part de leurs prises de position interne. Par exemple, alors qu’Astre affirme n’avoir eu connaissance ni de la lettre ouverte publiée par B2PWeb, ni des appels au boycott de Tred Union et d’ASTR, le compte-rendu du conseil de gouvernance de H2P du 16 mai 2017, auquel elle participait, prouve le contraire. À cette occasion, en effet, M. X... a rappelé avoir

« entretenu au cours du 1er semestre des actions de lobbying conséquentes dans la presse professionnelle » en citant la « 6ème LETTRE OUVERTE aux PROFESSIONNELS du TRANSPORT »339, tandis que les représentants de Tred Union et d’ASTR ont mentionné les appels au boycott qu’ils avaient respectivement lancés.

560. Deuxièmement, contrairement à ce qui est avancé, le groupement Astre a participé aux concertations avec les autres parties mises en cause pour définir ensemble une stratégie à adopter face à l’arrivée de nouveaux acteurs dans le secteur du transport routier de marchandises.

561. Concernant le conseil de gouvernance de H2P du 22 novembre 2016 (voir paragraphes 123 et suivants ci-après), Astre estime que cette réunion n’a conclu à aucune consigne de boycott qui aurait été avalisée par ses soins. Mais, il résulte du compte-rendu de ce conseil de gouvernance que lors de cette réunion, M. X..., ainsi que plusieurs autres participants, ont confirmé l’appel qui devait être fait auprès des transporteurs pour que ceux-ci ne travaillent pas avec les plateformes numériques d’intermédiation. Il s’agissait donc bien d’une stratégie de boycott et d’appel au boycott. Dès lors qu’Astre avait commencé à mettre en œuvre une telle stratégie dès septembre 2016, qu’elle était présente à cette réunion, qu’elle ne s’y est pas opposée et qu’elle ne s’est pas distancée publiquement des propos tenus, elle doit être considérée comme ayant participé à la mise en place de cette stratégie.

562. Concernant l’assemblée générale du 13 décembre 2016 (voir paragraphe 130 ci-avant), Astre affirme également que la motion votée n’appelait pas non plus au boycott. Toutefois, cette motion comportait un rappel des risques liés aux plateformes numériques d’intermédiation en usant de termes particulièrement forts : « quand cette digitalisation abusivement utilisée nous fait courir le risque de régresser et de voir nos entreprises atteintes, voir démolies, alors, il convient de la combattre et avec force ». En outre, elle évoque les consignes déjà diffusées au sein de plusieurs groupements, dont Astre, en indiquant que ces derniers ont « pris des mesures conservatoires au sein de leurs groupements respectifs ».

563. Concernant le conseil de gouvernance du 16 mai 2017 (voir paragraphes 172 et suivants ci-avant), le groupement Astre affirme s’être contentée d’insister « sur la question de la sécurité des données », et n’avoir jamais exprimé son adhésion à une quelconque stratégie visant à inciter ses adhérents à ne pas collaborer avec les plateformes numériques d’intermédiation. En outre, aucun message en ce sens n’aurait été relayé au sein du groupement Astre à la suite de ce conseil de gouvernance.

564. Mais, comme indiqué ci-dessus pour les réunions précédentes, le conseil de gouvernance de H2P du 16 mai 2017 a été l’occasion pour les membres présents de réaffirmer leur position vis-à-vis des plateformes numériques. En particulier, plusieurs groupements présents ont évoqué les communications faites à leurs adhérents à ce sujet. Dans ce contexte, Astre ne s’est pas distancié de ces propos, et a même abondé dans le sens des autres participants, en se focalisant sur « le danger des couplages entre les systèmes des plateformes et la géolocalisation ».

565. Concernant la réunion de l’Alliance du 27 février 2018 (voir paragraphe 212 ci-avant), Astre indique qu’il ne s’agissait pas d’interdire les plateformes numériques d’intermédiation mais de favoriser le produit Gedmouv de H2P et fait valoir, en outre, que le courrier envisagé dans le compte-rendu de cette réunion n’aurait jamais été envoyé. Toutefois, le compte-rendu de cette réunion n’évoque pas seulement le développement du produit Gedmouv, à même de concurrencer Shippeo, mais bien une stratégie visant à « alerter » les transporteurs « sur les dangers de ces nouvelles plateformes » pour ensuite les orienter vers Gedmouv. Il s’agit donc bien de pratiques d’appel en commun au boycott d’un certain type d’acteurs pour ensuite en favoriser un autre. Par ailleurs, la circonstance que le courrier en question n’aurait pas été effectivement envoyé est sans incidence sur la qualification de l’infraction340. En tout état de cause, le compte-rendu de cette réunion marque le maintien de la volonté des participants de boycotter et d’appeler au boycott des nouveaux opérateurs numériques dans le transport routier de marchandises.

566. Le groupement Astre a donc eu l’occasion de maintenir son adhésion aux pratiques en participant aux réunions du conseil de gouvernance et de l’Alliance.

567. Troisièmement, le groupement Astre conteste avoir appelé ses adhérents au boycott des plateformes numériques d’intermédiation et du logiciel de traçabilité Shippeo.

568. S’agissant de l’éditorial du 12 septembre 2016 du président d’Astre publié sur l’intranet de ce groupement (voir paragraphe 115 ci-avant), il évoquerait seulement très brièvement, parmi une multitude d’autres sujets, la question des plateformes d’intermédiation. Mais, il ressort de la lecture de cet éditorial qu’il contenait notamment les remarques suivantes : « ce qui est certain en revanche, c'est de ne pas céder aux sirènes de ces plateformes ; ne vous inscrivez pas sur ces sites qui vous promettent monts et merveilles, ce serait le début de la fin de vos entreprises ! ». Il s’agit donc sans équivoque d’un appel à boycotter ce type d’opérateur.

569. Ensuite, concernant le conseil d’administration d’Astre commercial du 30 novembre 2017 (voir paragraphe 219 ci-avant), Astre affirme qu’il ne s’agissait que d’informer ses adhérents sur la question précise de la gestion des données de transport par Shippeo. Mais, les termes employés par le compte-rendu du conseil d’administration, comme « danger », ainsi que le ton général employé, montrent que les dirigeants d’Astre entendaient fortement déconseiller à leurs adhérents d’accepter de souscrire aux services des opérateurs numériques de traçabilité (Shippeo et également Transporeon, en l’espèce).

570. Par conséquent, lors de ce conseil d’administration, les dirigeants d’Astre ont à nouveau appelé leurs adhérents à ne pas utiliser les services d’opérateurs clairement identifiés, en vue de favoriser les solutions proposées par H2P.

***

571. En conséquence, il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la participation du groupement Astre à l’infraction unique, complexe et continue est établie du 2 septembre 2016 au 28 février 2018 (voir paragraphes 476 à 478 ci-avant).

Sur la participation de Tred Union

572. Le groupement Tred Union a pour la première fois exprimé explicitement son accord à une stratégie de boycott des plateformes numériques lors du conseil de gouvernance de H2P du 22 novembre 2016 (voir paragraphes 123 et suivants ci-avant). Lors de ce conseil de gouvernance, M. H..., le vice-président du groupement, a exposé une stratégie globale consistant à diffuser un discours invitant à ne pas travailler avec les plateformes numériques d’intermédiation à l’ensemble du secteur du transport routier de marchandises. Ce point n’est pas contesté par le groupement.

573. Le groupement reconnaît également avoir participé à l’assemblée générale de H2P du 13 décembre 2016 (voir paragraphe 130 ci-avant) et avoir diffusé en interne les 29 mai (voir paragraphe 183 ci-avant) et 12 juin 2017 (voir paragraphe 185 ci-avant) des éléments provenant de H2P ou B2PWeb, mais conteste le reste des éléments retenus à son encontre de nature à démontrer un accord de volontés avec les autres mises en cause, d’une part, et au sein même de ce groupement, d’autre part.

574. Toutefois, premièrement, l’Autorité retient d’autres éléments à l’encontre de Tred Union, et notamment la réunion de l’Alliance du 27 février 2018 (voir paragraphe 212 ci-avant), durant laquelle les groupements représentés (Astre, Flo et Tred Union) ont discuté des actions à mener à l’encontre de Shippeo et visant à favoriser le produit Gedmouv de B2PWeb, ainsi que le fait que Tred Union a été destinataire de l’ensemble des communications de H2P aux membres du conseil de gouvernance d’Evolutrans et de l’UNOSTRA.

575. Deuxièmement, s’agissant du courriel du 9 juin 2017 (voir paragraphe 184 ci-avant) entre l’animatrice de Tred Union et le directeur des ventes chez B2PWeb, celui-ci ne traitait pas de questions liées au contrôle du fonctionnement de H2P par un actionnaire minoritaire, mais portait sur des sujets opérationnels, en rapport direct avec l’infraction. Il s’agissait en effet d’obtenir une liste des plateformes numériques élaborée par B2PWeb afin de la joindre à la consigne faite aux membres de Tred Union de ne pas travailler avec ce type d’opérateurs.

576. En conséquence, Tred Union a régulièrement diffusé le message de H2P sur la question des plateformes auprès de ses adhérents, en appelant ces derniers à ne pas travailler avec ces nouveaux opérateurs. Tred Union a également maintenu son adhésion aux pratiques en participant aux réunions du conseil de gouvernance de H2P et aux réunions de l’Alliance.

***

577. En conséquence, il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la participation de Tred Union à l’infraction unique, complexe et continue est établie du 22 novembre 2016 au 28 février 2018 (voir paragraphes 476 à 478 ci-avant).

Sur la participation du groupement ASTR

578. ASTR a pour la première fois exprimé son accord à une stratégie de boycott des plateformes numériques d’intermédiation lors de l’assemblée générale de H2P du 13 décembre 2016 (voir paragraphe 130 ci-avant). L’assemblée générale, à laquelle participait ASTR, a voté une motion pour confirmer la stratégie globale consistant à diffuser dans l’ensemble du secteur du transport routier de marchandises un discours invitant à ne pas travailler avec les plateformes numériques d’intermédiation.

579. Si ASTR ne conteste pas cet élément, ce groupement estime toutefois avoir seulement joué un rôle très mineur dans les pratiques, ne pas avoir participé à la mise en place de la stratégie vis-à-vis des plateformes ni participé aux comportements de blocage de Shippeo. Il avance en outre ne pas avoir mis en œuvre de mesure de rétorsion à l’encontre de ses adhérents.

580. Mais, premièrement, contrairement à ce que soutient ASTR, l’Autorité retient à l’encontre de ce groupement non seulement plusieurs éléments attestant de sa participation aux réunions mais également un certain nombre d’éléments attestant de la mise en œuvre de la stratégie de boycott décidée en commun.

581. En particulier, par sa présence aux conseils de gouvernance de H2P et la réception des communications des dirigeants de cette dernière entité, ASTR était informée du maintien et du renforcement des pratiques de boycott et d’appel au boycott pendant cette période. Ses actions s’inscrivaient dans ce cadre et avaient pour objectif de relayer la stratégie décidée au sein de H2P.

582. Dans ce contexte, lorsqu’ASTR affirme qu’elle n’a pas mis en place de stratégie vis-à-vis des plateformes, ce groupement fait uniquement référence au fait qu’elle n’a pas participé aux premiers contacts de l’été et de l’automne 2016. Or, cette circonstance est prise en compte au titre de la durée de la participation d’ASTR.

583. Il ressort des pièces du dossier que le groupement ASTR a régulièrement diffusé le message de H2P sur la question des plateformes auprès de ses adhérents, en appelant ces derniers à ne pas travailler avec ces nouveaux opérateurs, notamment à travers des communications publiques sur son site (voir paragraphes 370 à 373 ci-avant). ASTR a également participé aux réunions du conseil de gouvernance de H2P (voir paragraphes 320 à 323 ci-avant).

584. Deuxièmement, le fait que ce groupement n’ait pas mis en œuvre de mesures de rétorsion vis-à-vis de ses adhérents transporteurs ne permet pas de traduire une moindre adhésion aux pratiques de boycott. En effet, le fait que les consignes transmises par une organisation professionnelle n’aient pas donné lieu à des sanctions ne modifie pas l’analyse du caractère anticoncurrentiel d’une telle pratique341. De manière générale, comme rappelé ci-avant au paragraphe 392, les pratiques de boycott et d’appel au boycott sont sanctionnées quel que soit leur effet réel sur l’exercice de la concurrence. Le fait que certains adhérents d’ASTR aient eu des relations commerciales avec une ou plusieurs plateformes d’intermédiation ne traduit pas une distanciation publique de l’ensemble de l’organisme avec les pratiques.

585. Enfin, ASTR note que le dernier acte anticoncurrentiel relevé à son encontre résulte d’une publication sur son site Internet le 6 juin 2017 invitant ses adhérents à ne pas collaborer avec les plateformes d’intermédiation et les logiciels de traçabilité (voir paragraphe 187 ci-avant). Elle considère que, postérieurement à cette date, il n’existe aucun fait imputable à ASTR de nature à caractériser sa participation à l’infraction reprochée.

586. Toutefois, ASTR n’apporte pas d’élément de nature à prouver la date de retrait de cette publication, qui était accessible notamment à l’ensemble de ses adhérents, de son site Internet (voir paragraphe 189).

***

587. En conséquence, il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la participation du groupement ASTR à l’infraction unique, complexe et continue est établie du 13 décembre 2016 jusqu’au 28 février 2018 (voir paragraphes 476 à 478 ci-avant).

Sur la participation de l’UNOSTRA

588. L’UNOSTRA a pour la première fois exprimé explicitement son accord à une stratégie de boycott des plateformes numériques lors du conseil de gouvernance de H2P du 22 novembre 2016 (voir paragraphes 123 et suivants ci-avant). Lors de ce conseil de gouvernance, une stratégie globale consistant à diffuser un discours invitant à ne pas travailler avec les plateformes numériques d’intermédiation à l’ensemble du secteur du transport routier de marchandises a été clairement exposée.

589. Sa participation aux autres réunions organisées par H2P (conseils de gouvernance ou assemblée générale) lui a ensuite permis d’avoir connaissance du maintien et du renforcement des pratiques de boycott et d’appel au boycott. L’UNOSTRA était donc parfaitement informée de l’existence du plan d’ensemble et de l’ampleur potentielle des comportements envisagés, et ne s’y est jamais opposée.

***

590. En conséquence, la participation de l’UNOSTRA à l’infraction unique, complexe et continue est établie du 22 novembre 2016 jusqu’au 28 février 2018 (voir paragraphes 476 à 478 ci-avant).

Sur la participation de l’OTRE

591. L’OTRE estime ne pas avoir participé à l’infraction unique, complexe et continue mais avoir mené des actions totalement autonomes de boycott des nouvelles plateformes numériques d’intermédiation. Cette fédération affirme, à cet égard, qu’elle n’a participé à aucune des pratiques concernées et n’en avait pas connaissance. En particulier, l’OTRE avance qu’elle n’a pas participé aux comportements visant Shippeo.

592. Toutefois, premièrement, l’Autorité considère que l’OTRE, qui avait certes mené en parallèle des actions autonomes de boycott des nouvelles plateformes numériques d’intermédiation au cours de l’année 2016, a pour la première fois exprimé explicitement son accord à H2P pour poursuivre la stratégie de boycott des plateformes numériques décidée en commun avec d’autres membres du conseil de gouvernance de H2P, lors d’échanges de courriels du 25 janvier 2017 entre M. X... et le secrétaire général de l’OTRE (voir paragraphes 241 et suivants ci-avant).

593. En effet, ces échanges de courriels révèlent une parfaite concordance de vues entre les deux interlocuteurs, l’OTRE informant formellement H2P de son souhait d’une opposition franche de l’ensemble du secteur vis-à-vis de ces nouveaux types d’opérateurs. C’est une telle communauté d’esprit qui s’est à nouveau exprimée lors du conseil de gouvernance de H2P du 16 mai 2017 (voir paragraphe 172 ci-avant).

594. Ces contacts montrent par ailleurs que l’OTRE avait conscience de l’inscription de son action dans un ensemble plus large de comportements342. En effet, dans son courriel du 25 janvier 2017, M. X... indiquait à l’OTRE qu’une des notes en pièce jointe avait été transmise à l’ensemble des membres du conseil de gouvernance de H2P.

595. L’OTRE a par la suite régulièrement appelé ses adhérents à ne pas travailler avec les nouvelles plateformes numériques d’intermédiation, notamment à travers des communications publiques (voir paragraphes 249 suivants ci-avant).

596. Deuxièmement, en octobre 2017, l’OTRE affichait toujours la même hostilité à l’encontre des nouveaux acteurs numériques du transport routier de marchandises, tout en sachant que cette position était toujours partagée par les autres mises en cause. Alors que Chronotruck sollicitait une rencontre avec la fédération, cette dernière, par l’intermédiaire de son secrétaire général, a refusé un tel échange : dans un courriel du 23 octobre 2017 adressé à deux représentants de Chronotruck, M. I... affirme catégoriquement : « Sachez que nous sommes en totale opposition avec le modèle proposé dans la mesure où nous estimons qu'il va nuire à l'ensemble de la profession de transporteurs. (…) L'OTRE ne peut accepter et n'acceptera pas un pillage des entreprises de transport par la baisse de la rentabilité voire une servilité de la profession aux exigences et conditions des exploitants de plateformes quelle que soit leur habillage ou leurs investisseurs. (…) Le fait que vous soyez aujourd'hui inscrit au registre des commissionnaires et/ou adhérent à une fédération de transports ne change rien à notre opposition que nous ne sommes pas les seuls à porter »343.

597. Troisièmement, en ce qui concerne Shippeo, si l’OTRE n’a pas participé directement au boycott de cet opérateur, elle y a contribué indirectement en visant le modèle des nouveaux acteurs du numérique dans le transport routier de marchandises, et, à tout le moins, avait connaissance des actions engagées spécifiquement à l’encontre de cet acteur et ne s’y est pas opposée.

598. Ainsi, dans un mail en date du 28 juin 2017 adressé à la Présidente de l’OTRE, M. X... développe un argumentaire visant directement Shippeo : « GEDMOUV est la parade professionnelle au produit SHIPEO (sic) qui tente, via les clients-chargeurs, les distributeurs en particulier, de s’imposer aux transporteurs avec la conséquence à terme inéluctable en cas de succès : TOUTES les DONNEES DES ENTREPRISES de TRANSPORT ( SOCIAL, FONDS de COMMERCE, PERFORMANCES C02, etc ...) seront détenues par elle avec toutes les conséquences que votre Organisation a , à juste titre et de façon claire, considéré comme dangereuses pour les entreprises. (…)

Alors il n’y a pas d’autre solution pour la profession du transport que de combattre avec force tous ces opérateurs avides de profits faits sur le dos des transporteurs : C’est l’enjeu du Lobbying que nous avons initié en ce début d’année et qui a été clairement relayé par votre Organisation. »344.

***

599. En conséquence, il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la participation de l’OTRE a l’infraction unique, complexe et continue est établie du 25 janvier 2017 jusqu’au 28 février 2018 (voir paragraphes 476 à 478 ci-avant).

Récapitulatif

600. Le tableau ci-après récapitule les dates de participation de chaque mise en cause.

Tableau n° 9 : synthèse des durées de participation respectives de chaque mise en cause

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E. L’IMPUTABILITE DES PRATIQUES

1. RAPPEL DES PRINCIPES

a) L’imputabilité au sein d’un groupe de sociétés

601. Il résulte d’une jurisprudence constante que les articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du TFUE visent les infractions commises par des entreprises. Le juge de l’Union a précisé que la notion d’entreprise « (…) désigne toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement »345 et qu’elle doit être comprise comme « désignant une unité économique même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales » 346. Cette définition est reprise par les juridictions nationales347.

602. Lorsque cette entité économique enfreint les règles de concurrence, « il lui incombe, selon le principe de la responsabilité personnelle de répondre de cette infraction »348. Il est également précisé que le droit de la concurrence de l’Union repose sur ce principe de responsabilité349.

603. Par conséquent, lorsque l’existence d’une infraction est établie, il convient de déterminer la personne physique ou morale qui était responsable de l’exploitation de l’entreprise en cause au moment où l’infraction a été commise, afin qu’elle réponde de cette infraction. L’infraction doit, ainsi, être imputée sans équivoque à une personne juridique qui sera susceptible de se voir infliger la sanction.

604. Par ailleurs, en droit interne comme en droit de l’Union, le comportement d’une filiale peut être imputé à sa société mère, notamment, lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, la filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques. En outre, dans le cas particulier où une société mère détient, directement ou indirectement, la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale auteur du comportement infractionnel, une présomption réfragable s’applique selon laquelle cette société mère exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale. La société mère est alors tenue solidairement au paiement de la sanction pécuniaire infligée à sa filiale, sauf si elle parvient à renverser la présomption, en démontrant que celle-ci s’est comportée de façon autonome sur le marché350.

b) L’imputabilité des pratiques à un organisme collectif

605. Lorsque les pratiques examinées impliquent un organisme collectif, l’Autorité soit retient la responsabilité de l’organisme seul, soit y adjoint celle de ses membres351.

606. Il est possible de retenir la responsabilité personnelle d’un organisme collectif, parallèlement à celle de ses membres, dès lors que cet organisme collectif adopte un comportement anticoncurrentiel distinct et autonome de celui de ses membres352.

607. L’Autorité a ainsi retenu la responsabilité parallèle d’une structure commune et de ses membres, dès lors que la structure commune contribuait elle-même à la mise en œuvre de l’entente dont elle était en même temps le cadre353.

608. Enfin, il ressort d’une jurisprudence constante que les griefs doivent être notifiés à une personne juridique pouvant être tenue responsable de l’infraction au droit de la concurrence354.

2. APPLICATION AU CAS D’ESPECE

a) Concernant H2P et B2PWeb

609. Les pratiques identifiées ci-avant (voir paragraphes 299 et suivants), ont été mises en œuvre par la société Holding Premium Professionnel du 29 juillet 2016 au 28 février 2018. En application des principes développés ci-dessus, il convient de retenir la responsabilité de cette société en tant qu’auteure des pratiques.

610. Ces mêmes pratiques ont également été mises en œuvre par Bourse Premium Professionnel, dont il convient de retenir la responsabilité en tant qu’auteure des pratiques, du 29 juillet 2016 au 28 février 2018.

611. Par ailleurs, comme indiqué précédemment, H2P détenait environ 96 % de B2PWeb pendant toute la durée des pratiques. En conséquence, il convient de retenir la responsabilité de H2P en tant que société mère pour les pratiques mises en œuvre par B2PWeb.

612. Les parties n’ont pas contesté ce point.

b) Concernant Evolutrans

613. Les pratiques identifiées aux paragraphes 299 et suivants ci-avant ont été mises en œuvre par la société Evolutrans du 29 juillet 2016 au 28 février 2018. La responsabilité de cette entité doit être retenue en tant qu’auteure des faits.

c) Concernant Astre

614. Les pratiques identifiées ci-avant ont été mises en œuvre par la société Association des transporteurs européens du 2 septembre 2016 au 28 février 2018. La responsabilité de cette entité doit être retenue en tant qu’auteure des faits.

d) Concernant Flo

615. Les pratiques identifiées ci-avant ont été mises en œuvre par l’association France Lots Organisation du 7 septembre 2016 au 28 février 2018. En tant qu’association régie par la loi du 1er juillet 1901, elle est dotée de la personnalité juridique. Dès lors, les pratiques doivent également lui être imputées.

e) Concernant Tred Union

616. Les pratiques identifiées ci-avant ont été mises en œuvre par la société Tred Union du 22 novembre 2016 au 28 février 2018. La responsabilité de cette entité doit être retenue en tant qu’auteure des faits.

f) Concernant ASTR

617. Les pratiques identifiées ci-avant ont été mises en œuvre par la société Groupement d’Achats et de Services des Transports Routiers du 13 décembre 2016 au 28 février 2018. La responsabilité de cette entité doit être retenue en tant qu’auteure des faits.

g) Concernant l’UNOSTRA

618. Les pratiques identifiées ci-avant ont été mises en œuvre par le syndicat Union Nationale des Organisations Syndicales des Transporteurs Routiers Automobiles du 22 novembre 2016 au 28 février 2018. En tant que syndicat professionnel, il est doté de la personnalité juridique. Dès lors, les pratiques doivent lui être imputées.

h) Concernant l’OTRE

619. Les pratiques identifiées ci-avant ont été mises en œuvre par le syndicat Organisation des Transporteurs Routiers Européens du 25 janvier 2017 au 28 février 2018. En tant que syndicat professionnel, il est doté de la personnalité juridique. Dès lors, les pratiques doivent lui être imputées.

IV. Les sanctions

A. SUR LA METHODE DE DETERMINATION DES SANCTIONS

1. RAPPEL DES PRINCIPES

620. Le I de l’article L. 464-2 du code de commerce habilite l’Autorité à imposer des sanctions pécuniaires aux entreprises et aux organismes qui se livrent à des pratiques anticoncurrentielles interdites par les articles L. 420-1 et L. 420-2 du même code.

621. Aux termes du quatrième alinéa du I de l’article L. 464-2 du code de commerce alors en vigueur « si le contrevenant n’est pas une entreprise, le montant maximum de la sanction est de 3 millions d’euros. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l’entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d’affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l’entreprise consolidante ou combinante ».

622. Par ailleurs, le troisième alinéa du I de l’article L. 464-2 du code de commerce alors en vigueur prévoit que « les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l’importance du dommage causé à l’économie, à la situation individuelle de l’organisme ou de l’entreprise sanctionné ou du groupe auquel l’entreprise appartient et à l’éventuelle réitération des pratiques prohibées par le (titre VI du livre IV du code de commerce). Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ».

623. L’Autorité apprécie, en principe, les critères légaux rappelés ci-avant selon les modalités décrites dans son communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires (ci-après, « le communiqué sanctions »), « sauf à ce qu’elle explique, dans la motivation de sa décision, les circonstances particulières ou les raisons d’intérêt général la conduisant à s’en écarter dans un cas donné » (paragraphe 7 du communiqué sanctions).

624. S’agissant des organismes professionnels qui se bornent à représenter les intérêts de leurs membres actifs sur le ou les marchés concernés et qui ne disposent pas, dès lors, d’un chiffre d’affaires ou d’une valeur des ventes en relation avec le produit ou le service concerné par les pratiques, l’Autorité a déjà considéré que la « sanction pécuniaire doit être déterminée selon des modalités propres au cas d’espèce »355.

2. APPLICATION EN L’ESPECE

625. En l’espèce, les produits ou services en relation avec l’infraction sont ceux proposés dans le secteur national français du transport routier de marchandises (voir le paragraphe 298 ci-avant).

626. Or, seule la société B2PWeb réalise effectivement un chiffre d’affaires en relation avec ce type d’activités, dans le cadre de son service de bourse de fret.

627. H2P est une société holding dépourvue de toute activité commerciale propre.

628. S’agissant de l’UNOSTRA et l’OTRE, il s’agit de syndicats professionnels ayant pour objet le conseil et la représentation de leurs adhérents (voir paragraphes 78 et suivants ci-avant). Ces organismes n’ont pas d’activité commerciale propre et l’essentiel de leurs ressources est lié soit à des cotisations de leurs adhérents, soit à des partenariats avec des prestataires extérieurs.

629. S’agissant des groupements de transporteurs, il s’agit d’associations ou de sociétés de services dont l’activité principale est de fournir des prestations d’achat en commun (voir les paragraphes 59 et suivants ci-avant) et d’autres services annexes, tels que des conseils juridiques, une aide technique ou encore des formations. Leur fonctionnement est donc entièrement tourné vers leurs adhérents et elles n’ont donc pas d’activité commerciale propre. Certains groupements ont cependant créé des filiales spécifiques ayant une activité tournée vers le marché. Mais ces sociétés spécifiques ne sont pas concernées par les pratiques poursuivies et ne se sont pas vu notifier les griefs.

630. Compte tenu de ces différents éléments, l’Autorité appliquera la méthode habituelle du communiqué sanctions uniquement pour la société B2PWeb, seule mise en cause réalisant un chiffre d’affaires dans le secteur du transport routier de marchandises. Pour les autres mises en cause, l’Autorité, conformément au paragraphe 7 du communiqué sanctions et à la pratique décisionnelle, aura recours à une fixation forfaitaire de l’amende prenant en compte les circonstances propres au cas d’espèce ainsi que leur poids économique et leur durée de participation aux pratiques. Elle tiendra notamment compte des ressources propres de chacun des organismes en cause et de la circonstance qu’ils ont la possibilité, au-delà de leurs ressources immédiatement disponibles, de faire appel à leurs membres pour lever les fonds nécessaires au paiement de la sanction pécuniaire qui leur incombe.

631. Enfin, le fait que les sociétés B2PWeb et H2P, qui forment une entreprise au sens du droit de la concurrence (voir ci-avant paragraphes 607 à 609 ci-avant) ont participé à la même infraction, ne justifie pas, en l’espèce, de prononcer des sanctions distinctes à l’égard de chacune d’elles. Une sanction unique sera donc retenue à l’encontre de l’entreprise formée par H2P et B2PWeb.

B. SUR LA SANCTION DE H2P ET B2PWEB

1. SUR LA DETERMINATION DU MONTANT DE BASE

a) Sur la valeur des ventes

632. L’Autorité retient comme valeur des ventes l’ensemble du chiffre d’affaires lié à l’activité de la bourse de fret de H2P et B2PWeb. En effet, les produits ou services en relation avec l’infraction sont ceux proposés dans le secteur national français du transport routier de marchandises et cette entreprise réalise effectivement un chiffre d’affaires en relation avec ce type d’activités, dans le cadre de son service de bourse de fret.

Tableau n° 10 : valeur des ventes

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b) Sur la proportion de la valeur des ventes

Sur la gravité des pratiques

633. L’Autorité apprécie la gravité des faits de façon objective et concrète, au vu de l’ensemble des éléments pertinents du cas d’espèce. Dans le cas d’infractions commises par plusieurs entreprises, elle apprécie globalement la gravité des faits, sans préjudice des éléments propres au comportement et à la situation individuelle de chacune d’entre elles, qui sont pris en considération ultérieurement (paragraphe 26 du communiqué sanctions).

634. L’Autorité tient notamment compte de la nature de l’infraction, la nature des activités, des secteurs ou des marchés en cause, la nature des personnes susceptibles d’être affectées et des caractéristiques objectives de l’infraction.

635. La pratique décisionnelle de l’Autorité et la jurisprudence considèrent que les pratiques de boycott et d’appel au boycott, font partie des pratiques les plus graves en droit de la concurrence, même lorsqu’elles n’ont eu qu’un effet limité356.

636. Dans son rapport annuel pour l'année 2003, le Conseil de la concurrence, devenu l’Autorité, soulignait le fait que la pratique de boycott « constitue l'une des formes les plus poussées d'atteinte à la concurrence. C'est la raison pour laquelle cette pratique est interdite per se, indépendamment de son effet sur la concurrence »357.

637. De même, l’Autorité a rappelé dans la décision n° 16-D-09 que « des pratiques consistant à empêcher un ou plusieurs opérateurs économiques d’exercer librement leur activité sur un marché en déployant des comportements en vue de leur éviction constituent des pratiques anticoncurrentielles par objet, leurs effets étant sans conséquence sur leur qualification »358.

638. En l’espèce, B2PWeb et H2P soutiennent que plusieurs éléments du dossier démontrent que les entités en cause ont œuvré au développement et à la promotion des nouvelles technologies. Elles citent à ce titre le compte-rendu du conseil de gouvernance du 22 novembre 2016, où il est précisé que M. X... a rappelé « les choses doivent être bien claires : nous sommes POUR la digitalisation pertinente et intelligente qui crée du progrès »359.

639. Toutefois, il ressort des éléments du dossier que les pratiques en cause concernent un ensemble d’actions et de communications visant à limiter le développement de nouveaux acteurs du numérique dans le transport routier de marchandises, mises en œuvre par :

- la bourse de fret B2PWeb et sa maison mère H2P, dont le conseil de gouvernance rassemble plusieurs groupements de transporteurs et fédérations professionnelles ;

- des groupements de transporteurs : Astre, Flo, Evolutrans, Tred Union et ASTR, tous étant actionnaires minoritaires et membres du conseil de gouvernance de H2P ; et

- des fédérations professionnelles : l’OTRE et l’UNOSTRA, également membres du conseil de gouvernance de H2P.

640. Ces actions ont visé tant les plateformes d’intermédiation que les outils de traçabilité et ont été décidées principalement dans le cadre du conseil de gouvernance de H2P, mais aussi au sein même des groupements et fédérations professionnelles, qui ont diffusé des messages visant à inciter leurs adhérents à ne pas travailler avec les nouveaux opérateurs du secteur.

641. La gravité des pratiques est renforcée par le fait qu’elles visaient non seulement à évincer des opérateurs proposant un ensemble d’évolutions technologiques qui pouvaient potentiellement faire évoluer la structure des relations au sein du secteur du transport routier de marchandises, mais aussi à favoriser le développement des produits proposés par une des parties à l’entente.

642. Enfin, les pratiques ont été mises en œuvre par un ensemble d’organisations professionnelles tournées vers les TPE et PME du secteur, qui ont pu user de leur position pour influer sur le comportement d’entreprises disposant de peu de moyens, notamment dans le domaine juridique.

643. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les pratiques composant l’infraction unique, complexe et continue litigieuse, mises en œuvre entre le 29 juillet 2016 et le 28 février 2018, soit pendant une période relativement longue, sont particulièrement graves.

Sur le dommage causé à l’économie

644. Il est de jurisprudence constante que l’importance du dommage causé à l’économie s’apprécie de façon globale pour les pratiques en cause, c’est-à-dire au regard de l’action cumulée de tous les participants, sans qu’il soit besoin d’identifier la part imputable à chacun d’entre eux pris séparément360.

645. Ce critère légal ne se confond pas avec le préjudice qu’ont pu subir les victimes des pratiques en cause, mais s’apprécie en fonction de la perturbation générale que ces pratiques sont de nature à engendrer pour l’économie361.

646. L’Autorité, qui n’est pas tenue de chiffrer précisément le dommage à l’économie, doit procéder à une appréciation de son existence et de son importance en se fondant sur une analyse aussi complète que possible des éléments du dossier et en recherchant les différents aspects de la perturbation générale du fonctionnement normal de l’économie engendrée par les pratiques en cause362.

647. En se fondant sur une jurisprudence établie, l’Autorité tient notamment compte, pour apprécier l’incidence économique de la pratique en cause, de l’ampleur de l’infraction telle que caractérisée entre autres par sa couverture géographique ou par la part de marché cumulée des parties sur le secteur concerné, de sa durée, des conséquences conjoncturellesou structurelles, ainsi que des caractéristiques économiques pertinentes du secteur concerné363.

Sur l’ampleur des pratiques

648. Afin d’évaluer l’ampleur des pratiques en cause, il convient de prendre en compte le nombre de transporteurs adhérents ou actionnaires des entités mises en cause, qui ont été destinataires des appels au boycott, ainsi que leur poids dans le secteur du transport routier de marchandises.

649. L’étude économique conjointe des sociétés Astre, B2PWeb, H2P, Evolutrans, Flo, Tred Union et OTRE364 estime à 3 321 le nombre d’entreprises ayant été destinataires des appels au boycott, dont environ 2 000 transporteurs actifs dans le transport routier de marchandises adhérents à l’OTRE.

650. L’étude économique conclut que les transporteurs membres des organisations mises en cause représentaient au plus fort de l’infraction, 11 %365 des 31 800 entreprises du secteur366.

651. Cette estimation parait toutefois sous-estimée. En effet, il ressort des données présentes au dossier que les entreprises membres des organismes mis en cause sont majoritairement des entreprises de plus grande taille que l’entreprise moyenne du secteur du transport routier de marchandises dont le chiffre d’affaires annuel est de 1,5 million d’euros367. En tout état de cause, ces entreprises sont en grande majorité des PME hors micro-entreprises368. Il faut noter, toutefois, à cet égard, que les membres d’ASTR et de l’OTRE sont en moyenne de taille plus réduite que ceux des autres groupements mis en cause.

652. Les déclarations des plateformes tendent d’ailleurs à confirmer que leurs clients transporteurs sont plus fréquemment des PME que des micro-entreprises : ainsi, selon les déclarations d’Everoad, sa clientèle est composée à 75 % de PME hors micro-entreprises369.

653. En conséquence, les 1 321 entreprises (sans la prise en compte des affiliés de l’OTRE) destinataires des appels au boycott représentent 26 % des 5 088 PME370 du secteur (hors micro-entreprises), soit environ un chiffre d’affaires de 5,4 milliards d’euros371. En comptant les affiliés de l’OTRE, les 3 321 entreprises représentent 65 % des PME hors micro-entreprises, pour un chiffre d’affaires d’environ 13,6 milliards d’euros.

654. En conséquence, le poids en chiffre d’affaires des entreprises membres des organismes mis en cause372 représente environ 29 % du chiffre d’affaires total du transport routier de marchandises, contre 11 % lorsque l’OTRE ne participait pas encore à l’infraction unique, complexe et continue.

655. Cette part de marché cumulée des participants aux pratiques, bien que plus importante que celle présentée par les mises en cause dans leur étude économique commune, demeure néanmoins relativement limitée, ce qui atténue le dommage causé par les pratiques.

656. Il convient cependant de relever qu’une partie des communications effectuées par les organismes mis en cause était diffusée au-delà des organisations participantes, au travers d’articles mis en ligne ou d’interventions dans des forums professionnels et dans la presse373. Par conséquent, des entreprises non adhérentes à l’une ou l’autre des mis en cause ont pu être destinataires du discours appelant au boycott. En particulier, B2PWeb a diffusé par courriel à l’ensemble de ses clients une lettre d’information les enjoignant à ne pas collaborer avec les plateformes numériques374, ce qui concerne quelques 10 000 entreprises375, soit un tiers des entreprises du secteur.

657. Ces communications ont été de nature à avoir des effets au-delà de la stricte durée de participation des organismes mis en cause aux pratiques reprochées, sans qu’il soit possible d’évaluer plus finement, au vu des éléments présents au dossier, l’influence potentielle de ces articles et interventions376.

Sur les caractéristiques du secteur

658. Les pratiques en cause ont été mises en œuvre à l’encontre de nouveaux acteurs du numérique du secteur du transport routier de marchandises, évoluant sur un marché dit

« biface » se caractérisant par des effets de réseau indirects entre la clientèle et les transporteurs.377 Ainsi, en diminuant le nombre de transporteurs disposés à recourir à ces acteurs émergents, l’appel au boycott a pu réduire l’attractivité et le développement des plateformes, créées en 2015 et 2016, vis-à-vis de leurs clients. Les organisations mises en cause en étaient d’ailleurs conscientes puisque la conclusion des messages envoyés était :

« LA SEULE SOLUTION : NE PAS COLLABORER AVEC CES PLATEFORMES : SANS CAMION ELLES NE PEUVENT RIEN PROPOSER AUX CLIENTS »378.

659. Il en est de même s’agissant du logiciel de traçabilité Shippeo, qui était considéré par H2P et B2PWeb comme un produit directement concurrent de Gedmouv379. En effet, alors même que le logiciel Shippeo était à la charge des clients chargeurs, H2P et B2PWeb ont cherché, au travers d’une stratégie d’appel au boycott et un ensemble de communications alarmistes sur le fonctionnement de Shippeo, à en limiter le développement au bénéfice de Gedmouv, qui était à la charge des transporteurs, ou en tout cas à faire en sorte que ces deux applications soient utilisées simultanément, pour garder le contrôle sur les données issues des transporteurs.

660. Néanmoins, comme l’indiquent l’étude économique des parties380 ainsi que certaines auditions381 réalisées dans le cadre de l’instruction, une partie des clients-chargeurs, disposant d’un important pouvoir de négociation face aux transporteurs, ont pu imposer les services de Shippeo aux transporteurs avec lesquels ils collaboraient. Shippeo a ainsi indiqué que « certains clients sont très engagés dans le déploiement et vont intervenir pour convaincre les transporteurs » 382.

661. D’autres clients n’avaient en revanche pas nécessairement le pouvoir de négociation nécessaire pour contraindre les transporteurs à passer par les plateformes. Les pratiques ont ainsi pu réduire le nombre de transporteurs disposés à répondre à la demande des plateformes pour les petits contrats de transport de marchandises. Pour autant, compte tenu de la couverture limitée du marché par les pratiques, cet effet est vraisemblablement resté limité.

662. Enfin, s'agissant toujours des caractéristiques du marché, l’étude économique des parties avance que l’apparition et le développement des plateformes numériques bénéficiant d’externalités de réseau indirectes entraînent un risque de basculement du marché, c’est-à-dire, à terme, une incitation pour la majorité des utilisateurs à basculer vers une seule ou un petit nombre de plateformes et l’émergence d’une situation d’oligopole, voire de quasi-monopole383.

663. Toutefois, à ce stade de développement des plateformes, ce risque de basculement du marché n’est pas caractérisé. De plus, certaines caractéristiques de ce marché, comme l’absence de coût de sortie d’une plateforme, la possibilité pour les clients chargeurs comme pour les transporteurs de recourir aux services de plusieurs plateformes (phénomène parfois désigné sous le terme de multi-domiciliation ou « multihoming »), l’inertie plus faible des clients lorsque ceux-ci sont des entreprises plutôt que des consommateurs individuels, rendent un tel risque de basculement moins significatif que sur d’autres marchés bifaces.

Sur les effets conjoncturels et structurels des pratiques

664. Il ressort des éléments du dossier que les pratiques en cause ont pu ralentir le développement des plateformes sur le marché du transport routier. En effet, certaines des plateformes présentes sur le marché français se sont effectivement plaintes de difficultés à travailler avec des transporteurs français384.

665. Par exemple, selon Everoad, il est « difficile de travailler avec les transporteurs français sur certains axes, alors qu’on est très bien reçu en Europe »385. Pour illustrer son propos, l’entreprise s’appuie sur le cas de la ligne 59-75 / Lille-Paris. Dans la mesure où « les transporteurs sont des adhérents de groupements ou de l’OTRE (…) c’est plus facile de faire partir un camion Grèce Angleterre que 5 palettes sur Lille Paris ». Shippeo déclare également que « Les transporteurs hors France ne demandent pas autant d’efforts pour être intégrés386. » Si cette entreprise ne fait pas état de perte de clients, le boycott et l’appel au boycott se seraient traduits par « des surcoûts » pour déployer sa solution et des pertes sur les « recettes variables » quand l’entreprise n’était pas en mesure de fournir convenablement le service aux clients chargeurs. In fine, ces deux entreprises concluent que les pratiques les ont ainsi poussées à travailler avec des entreprises étrangères. Everoad indique que sur « les 3000 transporteurs, 50% sont français, le reste espagnols, allemands, lituaniens » et « 60% de notre CA est donc réalisé en international, 40% en France387 ».

666. Partant, les pratiques en cause ont limité les gains d’efficacité associés au développement de ces plateformes, qu’il s’agisse d’une plus grande mise en concurrence des transporteurs, des taux de commission inférieurs perçus par ces plateformes388, de l’élimination éventuelle d’un échelon d’intermédiation, ou de la réduction des retours à vide des transporteurs389, source de coûts logistiques390 et environnementaux391.

667. Le dommage ainsi causé peut alors être d’autant plus important que le marché du transport routier représente un chiffre d’affaires très élevé, en particulier comparé aux ventes et aux ressources des organismes mis en cause, de l’ordre de 47,6 milliards d’euros392 en 2017. Une perte de part de marché des plateformes digitales peut donc représenter un manque à gagner important, tant pour les plateformes que pour la collectivité.

668. Toutefois, plusieurs éléments montrent que l’effet réel d’éviction des pratiques sur le marché semble avoir été limité.

669. Premièrement, les groupements mis en cause ont fourni des documents attestant que certains de leurs membres ont collaboré avec les plateformes numériques d’intermédiation et/ou Shippeo. Sur la période concernée et parmi chacun des groupements concernés, entre 8 % et 17 % des transporteurs auraient ainsi eu recours aux plateformes numériques d’intermédiation et ces chiffres sont compris entre 12 % et 26 % lorsque les collaborations avec Shippeo sont également prises en compte393. Bien que ces collaborations aient été recensées en cumulé pour quatre années, ces taux, supérieurs à celui du secteur en général pour l’année 2018394, permettent de relativiser l’effet dissuasif des pratiques en cause, d’autant que les éléments présents au dossier ne font pas état de représailles à l’égard des transporteurs membres des organisations mises en cause qui auraient collaboré avec les plateformes numériques.

670. Deuxièmement, si le parallèle entre le marché allemand et le marché français réalisé par les parties dans leur étude économique conjointe395 présente des limites, tenant en particulier au choix des plateformes étudiées396 et au fait que le marché allemand comprenne un nombre de plateformes plus important que le marché français397, et ne permet donc pas de conclure à une absence d’effet des pratiques, les plateformes visées par les appels au boycott ont connu une croissance marquée pendant la période des pratiques, que l’on considère le nombre de transporteurs utilisant les plateformes398, la croissance du nombre de chargeurs utilisant les plateformes399, le chiffre d’affaires de ces dernières400 et les fonds qu’elles sont parvenues à lever pendant la période des pratiques401.

671. Ainsi, s’il n’est pas exclu qu’en l’absence des pratiques, la croissance des plateformes aurait pu être plus forte ou plus aisée, aucun élément au dossier ne permet de considérer que cette perte de croissance a été sensible.

Conclusion sur le dommage causé à l’économie

672. Il résulte de ce qui précède que, compte tenu de la croissance des plateformes décrite ci- avant, de l’absence de représailles à l’égard des transporteurs travaillant avec les plateformes, du faible poids sur le marché des organismes mis en cause et, dans certains cas, du pouvoir de négociation des chargeurs, les difficultés que certaines plateformes disent avoir éprouvées n’ont pas eu de conséquences importantes sur leur développement. L’effet des pratiques a donc été limité.

Conclusion sur la proportion de l’assiette à retenir

673. Compte tenu de l’appréciation portée ci-dessus sur la gravité des faits et l’importance certaine, mais limitée, du dommage causé à l’économie dans le secteur concerné, l’Autorité retiendra, pour déterminer le montant de base de la sanction infligée à l’entreprise formée par H2P et B2PWeb une proportion de 9 % de la valeur retenue comme assiette du montant de la sanction pécuniaire.

c) Sur la durée des pratiques

674. La durée de l’infraction est un facteur pertinent qu’il convient de prendre en compte dans le cadre de l’appréciation tant de la gravité des faits que de l’importance du dommage à l’économie. En effet, plus une infraction est longue, plus l’atteinte qu’elle porte au libre jeu de la concurrence et la perturbation qu’elle entraîne pour le fonctionnement du secteur en cause, et plus généralement pour l’économie, sont susceptibles d’être substantielles.

675. Lorsque l’Autorité applique le communiqué sanctions, et lorsque l’infraction s’est prolongée sur plus d’une année, il y a lieu de prendre en compte sa durée selon les modalités pratiques suivantes, en application du paragraphe 42 du communiqué sanctions : la proportion retenue pour donner une traduction chiffrée à la gravité des faits et à l’importance du dommage à l’économie, est appliquée au titre de la première année complète de participation individuelle de chaque entreprise en cause, à la valeur de ses ventes pendant l’exercice comptable de référence, puis à la moitié de cette valeur, au titre de chacune des années complètes suivantes ; au-delà de la dernière année complète de participation à l’infraction, la période restante est prise en compte au mois près, dans la mesure où les éléments du dossier le permettent.

676. Cette méthode se traduit par un coefficient multiplicateur. Afin de garantir l’individualisation et la proportionnalité des sanctions, ce coefficient est défini proportionnellement à la durée individuelle de participation de chaque entreprise à l’infraction et appliqué à la proportion de la valeur des ventes effectuées par chacune d’entre elles pendant l’exercice comptable retenu comme référence.

677. En l’espèce, B2PWeb et H2P ont participé à l’infraction unique, complexe et continue du 29 juillet 2016 au 28 février 2018. Il y a donc lieu de retenir un coefficient multiplicateur de 1,25.

d) Conclusion

678. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’eu égard à la gravité des faits et à l’importance du dommage causé à l’économie par les pratiques en cause, le montant de base de la sanction déterminé en proportion des ventes liées à la commercialisation des produits en relation avec les infractions commises par H2P et B2PWeb, d’une part, et de la durée des pratiques, d’autre part, est de 872 442 euros.

2. SUR L’INDIVIDUALISATION DE LA SANCTION

679. L’Autorité adapte les montants de base retenus au regard du critère légal tenant à la situation individuelle de chacune des parties en cause.

680. À cette fin, et en fonction des éléments propres à chaque espèce, elle peut prendre en considération les différentes circonstances atténuantes ou aggravantes caractérisant le comportement de chaque entreprise dans le cadre de la mise en œuvre des infractions en cause, ainsi que d’autres éléments objectifs pertinents relatifs à sa situation individuelle. Cette prise en considération peut conduire à ajuster la sanction tant à la hausse qu’à la baisse.

a) Sur les circonstances aggravantes ou atténuantes

Sur les circonstances aggravantes

681. Au paragraphe 46 du communiqué sanctions, l’Autorité précise les circonstances aggravantes susceptibles de conduire à augmenter le montant de base de la sanction. Ces circonstances peuvent notamment tenir au fait que « l’entreprise ou l’organisme a joué un rôle de meneur ou d’incitateur, ou a joué un rôle particulier dans la conception ou dans la mise en œuvre de l’infraction ».

682. Ainsi, parmi les circonstances aggravantes pouvant être prises en considération par l’Autorité dans le cadre de l’individualisation de la sanction figure le fait, pour une entreprise ou un organisme, de jouer un rôle de meneur ou d’incitateur, ou plus largement un rôle particulier dans la conception ou dans la mise en œuvre de l’infraction. La jurisprudence a déjà considéré à cet égard que le rôle d’instigateur ou de meneur d’une entreprise justifiait une aggravation de sa sanction à ce titre402.

683. Différents éléments de fait peuvent permettre de caractériser un tel rôle. L’intéressé peut par exemple s’être chargé d’élaborer ou de suggérer la conduite à tenir par les membres de l’entente, ou encore en avoir assuré l’organisation logistique. En revanche, il n’est pas nécessaire que l’intéressé ait exercé des pressions ou dicté leur conduite aux autres membres de l’entente. L’important est que, quelle que soit la forme qu’a prise son comportement, il ait effectivement joué un rôle particulier.

684. La société H2P estime qu’elle ne saurait être regardée comme ayant eu un rôle de « meneur » ou qu’elle aurait organisé la plupart des réunions anticoncurrentielles, dans la mesure où les réunions en question sont des conseils de gouvernance, statutairement prévus et supposant la présence de l’ensemble des actionnaires de la société H2P. Par ailleurs, H2P n’aurait pas participé à toutes les réunions de l’Alliance.

685. S’agissant de la société B2PWeb, cette dernière conteste également avoir joué un quelconque rôle de meneur dès lors qu’elle ne se serait que très peu exprimée lors des conseils de gouvernance et avait pour seul rôle de prendre « les mesures pour conforter le produit B2P/GEDTRANS par un produit traçabilité »403.

686. Toutefois, il ressort des éléments du dossier que la société H2P a joué un rôle d’initiateur et de meneur dans le cadre des pratiques poursuivies, en ce qu’elle a été à l’initiative des premiers contacts, a organisé plusieurs des réunions anticoncurrentielles dans le cadre de son conseil de gouvernance, et a rédigé la plupart des documents de communication sur le sujet.

M. X..., président de H2P, s’est par ailleurs assuré que la stratégie arrêtée en concertation avec les autres membres du conseil de gouvernance pour faire barrage au développement des plateformes et logiciels de traçabilité, soit bien mise en place par ces derniers lors d’échanges bilatéraux tout au long de la durée des pratiques.

687. La société B2PWeb a également joué un rôle de meneur dans le cadre des pratiques en cause, en publiant et diffusant plusieurs communications de H2P, notamment via son site Internet accessible à ses 10 000 clients, d’une part, et en dressant une liste des plateformes afin que le groupement Tred Union puisse « communiquer plus facilement (…) quant à l’interdiction de travailler avec ces sociétés »404, d’autre part.

688. H2P et B2PWeb ont en outre utilisé la mobilisation lancée autour des plateformes numériques d’intermédiation pour développer les mêmes craintes à l’égard du logiciel de traçabilité Shippeo, concurrent des produits proposés par B2PWeb.

689. Enfin, le rôle de meneur de H2P a par ailleurs été reconnu par certaines autres mises en cause, dont ASTR405, Evolutrans406 et l’UNOSTRA407.

690. Il résulte ainsi de ce qui précède que H2P et B2PWeb ont joué un rôle particulier de meneur dans la mise en place de l’entente. Pour cette raison, il convient d’augmenter le montant de leur sanction de 15 %.

Sur les circonstances atténuantes

691. Les circonstances atténuantes susceptibles de conduire à une réduction de la sanction ont été précisées au point 45 du communiqué sanctions. L’Autorité peut ainsi notamment tenir compte du fait que « l’infraction a été autorisée ou encouragée par les autorités publiques ».

692. H2P et B2PWeb avancent que deux éléments devraient être pris en compte à cet égard, à savoir le contexte d’incertitude juridique ainsi que les démarches entreprises par leurs soins pour alerter l’administration sur le comportement des nouveaux acteurs du transport routier de marchandises.

693. Toutefois, il ressort de la pratique décisionnelle et de la jurisprudence (voir paragraphe 394 ci-avant) qu’une incertitude juridique, à la supposer avérée, ne peut justifier la mise en place d’une pratique de boycott ou d’appel au boycott, qui constitue une pratique anticoncurrentielle illégale.

694. Par ailleurs, le fait que certaines entités aient pris contact avec l’administration concernant le comportement de ces nouvelles plateformes ou logiciels ne suffit pas pour considérer que les pratiques mises en œuvre à l’égard de ces nouveaux acteurs du numérique ont été autorisées, voire même encouragées, par les autorités publiques contactées. L’argument est donc rejeté.

695. Il résulte ainsi de ce qui précède qu’il n’y a pas lieu de tenir compte de circonstances atténuantes au cas d’espèce.

b) Sur les autres éléments d’individualisation

696. Il ressort des paragraphes 47 et suivants du communiqué sanctions que l’Autorité peut adapter, à la baisse ou à la hausse, le montant de base de la sanction en considération d’autres éléments objectifs propres à la situation de l’entreprise concernée, afin d’assurer le caractère à la fois dissuasif et proportionné de la sanction pécuniaire.

697. En particulier, l’Autorité peut l’adapter à la baisse pour tenir compte du fait que l’entreprise mène l’essentiel de son activité sur le secteur ou marché en relation avec l’infraction (entreprise « mono-produit »).

698. S’agissant de la notion d’entreprise « mono-produit », l’Autorité a précisé qu’« elle doit donc s’insérer dans un raisonnement sur la détermination de la sanction et non à décrire l’activité de l’entreprise concernée. Il ne faut l’utiliser que dans le contexte d’une infraction particulière commise sur des marchés particuliers, aussi bien des marchés de produits que des marchés géographiques, pour qu’elle puisse remplir sa fonction : identifier une situation dans laquelle l’assiette de la sanction, c’est-à-dire la valeur des ventes en lien avec l’infraction, est proche du chiffre d’affaires de l’entreprise sanctionnée, ce qui peut conduire à adapter la méthode de détermination de la sanction »408.

699. Dans ces cas, une réduction peut être envisagée, conformément à la pratique de l’Autorité.

700. En l’espèce, s’agissant de l’entreprise H2P et B2PWeb, il ressort des éléments du dossier que le chiffre d’affaires correspondant à la valeur des ventes pour cette société correspond à environ 80 % des revenus de l’entreprise.

701. Dans ces conditions, l’entreprise formée par H2P et B2PWeb constitue une entreprise mono-produit au sens du paragraphe 48 du communiqué sanctions. L’Autorité décide en conséquence de réduire le montant de base de la sanction de cette entreprise en le fixant à hauteur de 65 % des revenus de l’entreprise.

3. SUR LE MONTANT DE LA SANCTION ET LE RESPECT DU PLAFOND LEGAL

702. En l’espèce, compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu d’infliger une sanction de 350 000 euros à B2PWeb et H2P.

703. Selon l’alinéa 4, I de l’article L. 464-2 du code de commerce, lorsque le contrevenant est une entreprise, le montant maximum de la sanction pécuniaire est de 10 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l’entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d’affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l’entreprise consolidante ou combinante. En revanche, si le contrevenant n'est pas une entreprise, le montant maximum de la sanction est de 3 millions d'euros.

704. En l’espèce, c’est donc le plafond de 10 % du chiffre d’affaires mondial qui s’applique. Dans ces conditions, le plafond légal est respecté409.

C. SUR LA SANCTION DES AUTRES ENTITES MISES EN CAUSE

705. Il ressort du paragraphe 65 du communiqué sanctions, et de la pratique décisionnelle de l’Autorité410, que, lors de la fixation de l’amende imposée à une instance professionnelle, il y a lieu de tenir compte des ressources de ses membres et de sa capacité de répercuter la sanction, notamment aux moyens d’appels à cotisations exceptionnelles.

706. Cette pratique de l’Autorité est liée au fait que les comportements des organes dirigeants d’une instance professionnelle reflètent une entente au sein de la collectivité de ses membres, et que c’est donc cette collectivité qu’il convient de sanctionner.

1. SUR LA GRAVITE DES PRATIQUES

707. L’Autorité renvoie aux paragraphes 631 à 641 ci-avant s’agissant des principes applicables et des éléments pertinents en l’espèce pour déterminer la gravité des pratiques en cause.

708. Selon les mises en cause, plusieurs éléments sont de nature à nuancer la gravité des pratiques, et notamment le fait qu’elles s’inscrivent dans un contexte de forte inquiétude générée par l’arrivée sur le marché de nouveaux acteurs qui exerçaient en dehors du cadre légal autorisé ou risquaient d’exploiter les données sensibles des transporteurs à des fins illégitimes, qu’elles n’étaient ni occultes ni sophistiquées, qu’il n’existait pas de mécanisme de surveillance ou de représailles, ou encore que les pratiques ont eu un effet très limité en ce qu’un grand nombre de transporteurs ont, en dépit des directives reçues, collaboré avec les nouvelles plateformes numériques d’intermédiation et/ou avec le logiciel de traçabilité Shippeo.

709. Toutefois, il y a lieu de rappeler que la cour d’appel de Paris a jugé que la gravité des pratiques n’est pas susceptible d’être remise en cause par des considérations relatives au fonctionnement du secteur. En effet « l’interprétation contraire reviendrait à admettre qu’il est, dans cette hypothèse, légitime pour les opérateurs économiques de violer les règles les plus fondamentales du droit de la concurrence »411.

710. Par ailleurs, s’agissant de l’absence de caractère secret ou de sophistication des pratiques ou encore l’absence de mécanismes de surveillance ou de représailles, ces circonstances ne sauraient tempérer la gravité des pratiques en cause412.

711. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les pratiques composant l’infraction unique, complexe et continue litigieuse qui a été mise en œuvre entre le 29 juillet 2016 et le 28 février 2018, soit pendant une période relativement longue, sont particulièrement graves.

2. SUR LE DOMMAGE CAUSE A L’ECONOMIE

712. L’Autorité renvoie aux paragraphes 642 à 671 ci-avant s’agissant de l’importance du dommage à l’économie causé par les pratiques.

3. SUR L’INDIVIDUALISATION DES SANCTIONS

713. L’Autorité adapte les montants de base retenus au regard du critère légal tenant à la situation individuelle de chacune des parties en cause (voir les paragraphes 677 à 681 et 689 ci-avant).

714. À cette fin, et en fonction des éléments propres à chaque espèce, elle peut prendre en considération les différentes circonstances atténuantes ou aggravantes caractérisant le comportement de chaque entreprise dans le cadre de la mise en œuvre des infractions en cause, ainsi que d’autres éléments objectifs pertinents relatifs à sa situation individuelle. Cette prise en considération peut conduire à ajuster la sanction tant à la hausse qu’à la baisse.

a) Les circonstances aggravantes ou atténuantes

Sur les circonstances aggravantes

715. Au paragraphe 46 du communiqué sanctions, l’Autorité précise les circonstances aggravantes susceptibles de conduire à augmenter le montant de base de la sanction. Ces circonstances peuvent notamment tenir au fait que « l’entreprise ou l’organisme joui d’une capacité d’influence ou d’une autorité morale particulière, notamment parce qu’il est chargé d’une mission de service public ».

716. En l’espèce, l’UNOSTRA et l’OTRE, en tant qu’organisations professionnelles du transport, disposaient toutes deux d’une capacité d’influence particulière.

717. Plus précisément, l’UNOSTRA est, d’après sa propre description, une « organisation professionnelle ancienne qui a organisé en 2019 son 61ème congrès ». Cette organisation était, par ailleurs, représentative au niveau national jusqu’en 2017413, soit pendant une partie de la durée des pratiques en cause.

718. L’OTRE est une fédération professionnelle qui est composée d’entités régionales et d’organisations sectorielles actives dans le secteur du transport. Elle compte environ 3 000 adhérents, dont environ 2 000 transporteurs actifs dans le transport routier de marchandises. Elle est, à ce jour, toujours reconnue comme représentative (voir paragraphes 78 et suivants ci-avant).

719. Il ressort des éléments du dossier que ces deux organisations professionnelles ont utilisé leur statut pour donner plus de poids au boycott et appel au boycott à destination de leurs adhérents respectifs. Ces appels au boycott ont été d’autant plus suivis que ces deux fédérations professionnelles, qui constituent des soutiens importants s’agissant de la compréhension et de la bonne application de la réglementation du transport ont largement relayé ces communications et qu’il était particulièrement difficile pour les transporteurs de remettre en cause l’argumentaire développé, et notamment les affirmations selon lesquelles les nouveaux acteurs du transport routier de marchandises se trouvaient dans l’illégalité...

720. Il en résulte que l’UNOSTRA et l’OTRE ont joui d’un rôle particulier dans la mise en place de l’entente. Il y a donc lieu d’en tenir compte dans la détermination du montant de leurs sanctions respectives.

Sur les circonstances atténuantes

721. Les circonstances atténuantes susceptibles de conduire à une réduction de la sanction ont été précisées au point 45 du communiqué sanctions. L’Autorité peut ainsi notamment tenir compte du fait que « l’entreprise ou l’organisme apporte la preuve qu’il a durablement adopté un comportement anticoncurrentiel, pour une part substantielle des produits ou services en cause, au point d’avoir perturbé, en tant que franc-tireur, le fonctionnement même de la pratique en cause ».

722. Le groupement Flo considère pour sa part que ses adhérents ont perturbé le fonctionnement même des pratiques en cause, en concluant notamment des relations commerciales avec certaines plateformes numériques d’intermédiation.

723. Toutefois, la reconnaissance du rôle de franc-tireur est soumise à des conditions très strictes : l’entreprise qui l’invoque doit en effet démontrer qu’elle a « durablement adopté un comportement concurrentiel, pour une part substantielle des produits ou services en cause, au point d’avoir perturbé (…) le fonctionnement même de la pratique en cause » 414. Ainsi, le seul fait qu’une entreprise ait manifesté des réticences ou adopté une position de suiveur ne constitue pas une circonstance atténuante.

724. En outre, Flo ne décrit aucun comportement en particulier allant dans le sens de ses allégations, et dès lors, ne démontre pas en quoi les relations commerciales conclues par quelques-uns de ses adhérents avec des plateformes numériques d’intermédiation auraient, au sens du communiqué, perturbé le fonctionnement même des pratiques anticoncurrentielles en cause. Cet argument doit donc être rejeté.

725. Il résulte ainsi de ce qui précède qu’il n’y a pas lieu de tenir compte de circonstances atténuantes au cas d’espèce.

b) Sur les autres éléments d’individualisation

726. Il résulte des paragraphes 47 et suivants du communiqué sanctions que l’Autorité peut adapter, à la baisse ou à la hausse, le montant de base de la sanction en considération d’autres éléments objectifs propres à la situation de l’entreprise concernée, afin d’assurer le caractère à la fois dissuasif et proportionné de la sanction pécuniaire.

727. L’intensité de la participation aux pratiques peut également être prise en considération, au stade de l’individualisation de la sanction, comme élément permettant d’adapter à la baisse le montant de base415. Cette prise en considération ne remet en cause ni la continuité des pratiques, ni le coefficient de durée.

728. Les groupements Astre, Tred Union et ASTR estiment que le montant de l’amende encouru devrait être substantiellement réduit compte tenu du rôle très limité joué par ces groupements dans la mise en œuvre des pratiques en cause. ASTR ajoute qu’il y a lieu de prendre en compte le fait que ce groupement n’a pas fait partie des entités contre lesquelles l’Autorité a relevé des actions contre le logiciel de traçabilité Shippeo.

729. Il ressort toutefois des éléments du dossier que toutes les mises en cause ont participé à au moins l’une des réunions du conseil de gouvernance de H2P et ont régulièrement été destinataires des communications de M. X.... Elles étaient donc informées à la fois du contenu et de l’ampleur des pratiques mises en œuvre. Elles ont par ailleurs toutes retransmis les positions adoptées au sein des conseils de gouvernance de H2P à leurs adhérents, les incitant ainsi à ne pas collaborer avec les plateformes numériques d’intermédiation et le logiciel Shippeo, en reprenant les arguments mis en avant par H2P dans ses communications.

730. Il peut toutefois être relevé que le groupement ASTR et la fédération UNOSTRA n’ont pas participé aux pratiques visant à entraver le développement du logiciel de traçabilité Shippeo.

731. En conséquence, l’Autorité tiendra compte de cette circonstance dans le montant final de la sanction infligée à ces deux entités.

4. SUR LES AJUSTEMENTS FINAUX

732. Le montant définitif de la sanction pécuniaire doit être comparé au maximum légal. Il est, enfin, ajusté, lorsqu’il y a lieu, au vu de la capacité contributive de l’entité en cause.

a) Sur le plafond légal

733. Conformément au quatrième alinéa du I de l’article L. 464-2 du code de commerce, lorsque le contrevenant est une entreprise, le montant maximum de la sanction pécuniaire est de 10 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l’entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d’affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l’entreprise consolidante ou combinante. En revanche, si le contrevenant n'est pas une entreprise, le montant maximum de la sanction est de 3 millions d'euros.

734. La question de la définition de ce qui constitue une « entreprise » au sens de cette disposition a été tranchée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2015-510 QPC du 7 janvier 2016, Association Expert-comptable média association relative aux sanctions pécuniaires prononcées par l’Autorité. Il a jugé que, pour les besoins de cet article, le statut d’« entreprise» dépend d’une analyse formelle consistant à déterminer si l’entité concernée adopte ou non

« l'un des statuts ou formes juridiques propres à la poursuite d'un but lucratif »416.

735. En l’espèce, certains groupements ou syndicats visés par la notification de griefs ont le statut d’association à but non lucratif. Elles ne constituent donc pas des entreprises au sens du I de l’article L. 464-2 du code de commerce. C’est le cas de l’OTRE, de l’UNOSTRA et de Flo. Le plafond de sanctions qui leur est applicable est donc celui de 3 millions d’euros.

736. Les autres mises en cause ont pris la forme de sociétés commerciales (société anonyme ou société par actions simplifiée). Pour ces entités, c’est donc le plafond de 10 % du chiffre d’affaires mondial qui s’applique.

b) Sur la capacité contributive

737. Le communiqué sanctions prévoit à ses paragraphes 61 à 64 que l’Autorité peut tenir compte des difficultés financières individuelles des entreprises ou organismes pour la fixation de leur sanction.

738. En l’espèce, trois entités ont déposé une demande formelle de prise en compte des capacités contributives : l’OTRE, l’UNOSTRA et la société Astre Coopérative.

739. S’agissant de la demande d’Astre Coopérative, l’analyse des éléments financiers et comptables communiqués conduit l’Autorité à considérer qu’ils n’attestent pas de difficultés financières particulières empêchant cette entreprise de s’acquitter de la sanction envisagée.

740. En revanche, s’agissant des demandes de l’OTRE et de l’UNOSTRA, l’analyse des éléments financiers et comptables communiqués conduit l’Autorité à constater l’existence de difficultés financières particulières affectant leur capacité à s’acquitter des sanctions que l’Autorité envisage de leur imposer.

741. Il résulte de tout ce qui précède qu’il convient, pour chacune de ces entités, de retenir les sanctions suivantes, qui reflètent leur poids économique et leur nombre de membres respectifs ainsi que l’intensité et la durée de leur participation aux pratiques en cause :

Tableau n° 11 : montant des sanctions et plafond légal

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742. Ces montants de sanctions sont tous inférieurs aux plafonds légaux respectifs.

D. SUR L’INJONCTION DE PUBLICATION

743. Afin, notamment, d’appeler l’attention des clients des acteurs du secteur du transport routier de marchandises, il y a lieu, compte tenu des faits constatés par la présente décision et des infractions relevées, d’ordonner ,sur le fondement du I de l’article L. 464-2 du code de commerce, la publication, à frais partagés des mises en cause et au prorata de leurs sanctions pécuniaires, dans la revue L’Officiel des transporteurs et sur les sites www.actu-transport-logistique.fr et www.lantenne.com, supports au sein desquels les parties avaient elles-mêmes communiqué, du résumé de la présente décision figurant ci-après.

« L’Autorité de la concurrence sanctionne les sociétés Holding Premium Professionnel (ci-après, « H2P ») et Bourse Premium Professionnel (ci-après, « B2PWeb »), les groupements de transporteurs Evolutrans, Association des transporteurs européens, France Lots Organisation, Tred Union et Groupement d’Achats et de Services des Transports ainsi que les syndicats Union Nationale des Organisations Syndicales des Transporteurs Routiers Automobiles (« UNOSTRA ») et Organisation des Transporteurs Routiers Européens (« OTRE ») pour avoir, selon des modalités qui leur sont propres, participé à une infraction unique, complexe et continue visant à entraver le développements de nouveaux acteurs du numériques dans le secteur du transport routier de marchandises entre le 29 juillet 2016 et le 28 février 2018.

En effet, alors que de nouvelles plateformes numériques d’intermédiation et des logiciels de traçabilité se développaient avec pour objectif de permettre une plus grande mise en concurrence des transporteurs, de supprimer un échelon d’intermédiation, ou encore de réduire les retours à vide des transporteurs (sources de coûts logistiques et environnementaux), plusieurs acteurs du secteur du transport routier de marchandises cités ci-avant se sont concertés pour boycotter ou inciter leurs adhérents au boycott de ces nouveaux acteurs innovants. Des publications en ce sens ont notamment eu lieu sur les sites internet ou intranet respectifs de ces groupements et syndicats, sur le site de la bourse de fret B2PWeb accessible à ses 10 000 membres ainsi que dans certaines revues spécialisées dans le secteur du transport routier de marchandises.

Ces pratiques, qui constituent des infractions au droit de la concurrence au sens des articles 101, paragraphe 1, du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ont porté atteinte à la concurrence et à l’innovation alors que le secteur du transport routier de marchandises se trouvait en pleine évolution structurelle.

En conséquence, prenant notamment en compte le rôle particulier et déterminant des sociétés H2P et B2PWeb, mais aussi de l’UNOSTRA et l’OTRE dans la mise en œuvre de l’infraction unique, complexe et continue, l’Autorité de la concurrence a décidé d’infliger les sanctions pécuniaires suivantes :

- à la société Bourse Premium Professionnel solidairement avec la société Holding Premium Professionnel, une sanction de 350 000 euros ;

- à la société Evolutrans, une sanction de 27 000 euros ;

- à la société Association des transporteurs européens, une sanction de 50 000 euros ;

- à l’association France Lots Organisation, une sanction de 25 000 euros ;

- à la société Tred Union, une sanction de 28 000 euros ;

- à la société Groupement d’Achats et de Services des Transports Routiers, une sanction de 9 000 euros ;

- au syndicat Union Nationale des Organisations Syndicales des Transporteurs Routiers Automobiles, une sanction de 1 000 euros ;

- au syndicat Organisation des Transporteurs Routiers Européens, une sanction de 10 000 euros.

Le texte intégral de la décision de l’Autorité de la concurrence est accessible sur le site www.autoritedelaconcurrence.fr. »

744. Les mises en cause adresseront sous pli recommandé, au service de la procédure, copie de cette publication, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision.

DECISION

Article 1er : Il est établi que les sociétés Holding Premium Professionnel et Bourse Premium Professionnel, les groupements Evolutrans, Association des transporteurs européens, France Lots Organisation, Tred Union et Groupement d’Achats et de Services des Transports Routiers, ainsi que les syndicats Union Nationale des Organisations Syndicales des Transporteurs Routiers Automobiles et Organisation des Transporteurs Routiers Européens ont enfreint les dispositions de l’article 101, paragraphe 1 du TFUE, et de l’article L. 420-1 du code de commerce.

Article 2 : Sont infligées, au titre des pratiques visées au premier article, les sanctions pécuniaires suivantes :

- à la société Bourse Premium Professionnel solidairement avec la société Holding Premium Professionnel, une sanction de 350 000 euros ;

- à la société Evolutrans, une sanction de 27 000 euros ;

- à la société Association des transporteurs européens, une sanction de 50 000 euros ;

- à l’association France Lots Organisation, une sanction de 25 000 euros ;

- à la société Tred Union, une sanction de 28 000 euros ;

- à la société Groupement d’Achats et de Services des Transports Routiers, une sanction de 9 000 euros ;

- au syndicat Union Nationale des Organisations Syndicales des Transporteurs Routiers Automobiles, une sanction de 1 000 euros ;

- au syndicat Organisation des Transporteurs Routiers Européens, une sanction de 10 000 euros.

Article 3 : Il est enjoint aux sociétés, groupements et syndicats sanctionnés d’insérer le texte figurant au paragraphe 741 de la présente décision, en respectant la mise en forme, dans la revue L’Officiel des transporteurs et sur les sites www.actu-transport-logistique.fr et www.lantenne.com, à frais partagés des sociétés et organismes sanctionnés et au prorata de leurs sanctions pécuniaires. Cette publication interviendra dans un encadré en caractères noirs sur fond blanc de hauteur au moins égale à trois millimètres sous le titre suivant, en caractère gras de même taille : « Décision de l’Autorité de la concurrence n° 21-D-21 du 6 septembre 2021 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport routier de marchandises ». Elle pourra être suivie de la mention selon laquelle la décision a fait l’objet d’un recours devant la cour d’appel de Paris si un tel recours est exercé. Les sociétés et organismes sanctionnés adresseront, sous pli recommandé, au service de la procédure, copie de cette publication, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision.

 

NOTES1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.

2 Ordonnance secondaire du 30 mars 2018.

3 Ordonnance secondaire du 3 avril 2018 et ordonnance complémentaire du 5 avril 2018.

4 Voir étude Xerfi du secteur pour l’année 2017, cotes 77 à 382.

5 https://www.fntr.fr/savoir/les-metiers-du-transport.

6 https://www.insee.fr/fr/statistiques/4300871.

7 Cote 103 ; voir également la décision n° 19-D-21 du 28 octobre 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport routier de marchandises, paragraphes 5 et suivants.

8 https://www.insee.fr/fr/statistiques/4300871.

9 https://www.insee.fr/fr/statistiques/4300871; voir également la décision n° 19-D-21 du 28 octobre 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport routier de marchandises, paragraphe 11.

10 Voir la décision n° 19-D-21 du 28 octobre 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport routier de marchandises, paragraphe 12.

11 Article L. 132-4 du code de commerce.

12 Article L. 132-5 du code de commerce.

13 Arrêts de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 16 février 1988, pourvoi n° 86-18.309 ; et du 6 février 1990, pourvoi n° 88-15.495.

14 Voir l’étude Xerfi de juin 2017 portant sur le secteur du transport routier de marchandises, cotes 77 à 382.

15 Cote 81.

16 Voir étude Xerfi précitée, cote 151.

17 Cotes 42, 5143, 5174 et 5175.

18 Cote 3760.

19 Cote 3760.

20 Cote 7710.

21 Cotes 5182 à 5196.

22 https://www.sncf.com/sites/default/files/press_release/Upply_DP_Lancement_Marketplace.pdf.

23 Étude Xerfi de juin 2017 portant sur le secteur du transport routier de marchandises, cotes 77 à 382.

24 Cotes 161 et 162.

25 Le « geofencing » ou « georepérage », est une technologie qui permet aux utilisateurs d’envoyer des messages ou notifications lors de leurs entrées ou départs de zones géographiques déterminées.

26 L’Internet des objets recouvre les biens et services qui sont connectés à un réseau et peuvent être contrôlés à distance, par exemple par l'intermédiaire d'un assistant vocal ou d'un appareil mobile. Il s'agit notamment des appareils domestiques intelligents et des dispositifs portables, et notamment les boutons connectés, les drones, l’e-santé, etc.

27 Cote 5061.

28 Cote 5062.

29 Source Infogreffe.

30 Cote 5066.

31 Cote 5208.

32 Cote 5208, soulignements ajoutés.

33 Cotes 5224 et 5225.

34 Cote 5065.

35 Cote 5208.

36 Cote 611.

37 Cote 4946.

38 Cote 4946.

39 Cote 4947.

40 https://www.societe.com/societe/ass-transporteurs-europeens-387681711.html.

41 https://www.societe.com/societe/astre-commercial-420385403.html.

42 Voir la décision n° 19-D-21 du 28 octobre 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans lesecteur du transport routier de marchandises, paragraphes 15 et suivants.

43 D’après leur site Internet, ASTR revendique aujourd’hui quelques 800 membres, 22 000 camions et 24 000 employés. Les membres de ce groupement apparaissent ainsi de plus petite taille que ceux des autres groupements Astre, Tred Union, Evolutrans et Flo ; voir https://www.astr.fr/.

44 https://www.societe.com/societe/groupement-d-achats-et-de-services-des-transports-routiers- 331758714.html.

45 Cote 3789.

46 Cote 3789.

47 https://www.societe.com/societe/evolutrans-444543649.html.

48 Cotes 1308 à 1316.

49 Cote 3801.

50 https://www.societe.com/societe/plateforme-flo-palettes-502268493.html.

51 Cote 3795.

52 Cote 3795.

53 https://www.societe.com/societe/tred-union-512555236.html.

54 Cote 5223.

55 https://www.otre.org/transport-routier-representativite-de-lotre-clairement-actee/.

56 Cote 3782.

57 Cote 8817.

58 Cotes 3789 et 3803.

59 Ce point est contesté par le groupement Evolutrans ; voir paragraphes 508 et suivants ci-après.

60 Cote 1554, soulignements ajoutés.

61 Cote 5209.

62 Cotes 1694 à 1698, 3023 (VNC), 1700, 3025 (VNC), 1702 et 1703 pour la note dans sa totalité, cote 1702 pour la citation.

63 Cote 3107 (VNC), soulignement ajouté.

64 Cote 5487 (VNC), soulignements ajoutés.

65 Cote 5209.

66 Cotes 1393 et 1394.

67 Cote 1393, soulignement ajouté.

68 Cotes 1393 et 1394.

69 Cote 2715 (VNC).

70 Cote 2715 (VNC).

71 Cote 2715 (VNC).

72 Cote 2715 (VNC).

73 Cotes 5488 (VNC) et 1405.

74 Cotes 5467 (VNC) et 5321, soulignement ajouté.

75 Cotes 1393 et 1394, en lettres majuscules dans la cote.

76 Cote 1394, soulignement ajouté. 77 Cote 1394, souligné dans la cote. 78 Cote 1393.

79 Cote 1482, soulignements ajoutés.

80 Cote 2807 (VNC), soulignement ajouté.

81 Cote 2798 (VNC).

82 Cote 5518 (VNC), voir également cote 4950.

83 Cote 4949.

84 Cotes 5557 (VNC) à 5559 (VNC), soulignement ajouté.

85 Cotes 4841 (VNC) et 4842 (VNC), soulignements ajoutés.

86 Cote 4845 (VNC).

87 Cote 4845 (VNC), soulignements ajoutés et caractères gras contenus dans la cote.

88 Cote 4917 (VNC), soulignement ajouté.

89 Cotes 1308 à 1316.

90 Cote 1314.

91 Cote 1315, soulignement ajouté.

92 Cote 1315, soulignement ajouté.

93 Cote 1315.

94 Cote 1316.

95 Cote 1315.

96 À noter qu’à la différence du conseil de gouvernance de H2P, l’assemblée générale regroupe l’ensemble des actionnaires de H2P, cotes 5207 et 5208.

97 Cotes 892 et 963.

98 Cotes 1574 et 1575.

101 Cote 998.

102 Cotes 962 à 964, 1564 et 2888.

103 Cote 962.

104 Cote 962.

105 Cotes 1566 à 1573.

106 Charge visant à répercuter la hausse du prix du gazole sur le prix final du transport facturé aux clients.

109 Cote 2923 (VNC).

110 Cote 1818.

111 Cote 1818.

112 Cote 1818.

113 Cote 8649.

114 Cote 4216.

115 Cote 4216, soulignement ajouté.

116 Cote 993, soulignement ajouté.

117 Cote 4228, soulignement ajouté.

118 Cotes 4236 et 4237.

119 Cote 993, soulignement ajouté.

120 Cote 4849 (VNC), soulignements ajoutés.

121 Cote 2332.

122 Cote 2332.

123 Cote 2332.

124 Cote 4940 (VNC).

125 Cote 4940 (VNC).

126 Cote 1821.

127 Cote 8649.

128 Cotes 1355 et 2648 (VNC).

129 Cote 1355.

130 Cotes 1577 et 2901 (VNC).

131 Cote 31.

132 Cote 31, soulignement ajouté.

133 Cote 31.

134 Cote 8820.

135 Cote 1822.

136 Cote 8649.

137 Cote 3784.

138 Cote 3784.

139 Cote 3784.

140 Cotes 68 et 69 ; 3079 (VNC) et 3080 (VNC).

141 Cotes 68 et 69.

142 Cotes 68 et 69.

143 Cote 69.

144 Cote 3547 (VNC).

145 Cotes 1088 et 1089.

146 Cote 1463, soulignement ajouté.

147 Cotes 1463 et 5503 (VNC).

148 Cotes 5503 (VNC) et 5504 (VNC).

149 Cote 14.

150 https://www.normandielogistique.fr/.

151 Cote 1331.

152 Cote 69, soulignement ajouté.

153 Cote 1458.

154 Cote 2798 (VNC), voir paragraphe 190.

157 Cotes 3063 (VNC) et 1740, soulignement ajouté.

158 Cote 3798.

159 Cote 3063 (VNC).

160 Cotes 3058 et 3059 (VNC).

161 Cotes 3797 et 3798.

162 Cote 5199.

163 Cotes 5202 et 5203.

164 Cotes 5202 et 5203.

166 Cote 1745.

167 https://www.normandielogistique.fr/.

168 Cote 1331.

169 Cotes 1719 et 3044 (VNC).

170 Cotes 3045 et 3046 (VNC).

171 Cote 3785.

172 Cotes 3127 (VNC) et 1804 à 1808.

173 Cote 3785.

174 Cote 3035 (VNC).

175 Cote 5067.

176 Cote 4180.

177 Cote 3791.

178 Cote 3793.

179 Cote 3662 (VNC).

180 Cotes 1627 et 5516 (VNC).

181 Cotes 1627 et 5516 (VNC).

182 Cotes 1627 et 5516 (VNC), soulignement ajouté.

183 Cote 3661 (VNC).

184 Cote 3660 (VNC).

185 Cote 1599, soulignement ajouté.

186 Cote 4660.

187 Cote 4615.

188 Cote 4615.

191 Cote 3799.

192 Cote 3791.

193 Cote 4948.

194 Cote 4877 (VNC) et 4878 (VNC), soulignement ajouté.

197 Cote 5514 (VNC), soulignement ajouté.

198 Cote 5519 (VNC).

199 Cote 5520 (VNC).

200 Cote 4615.

201 Cotes 3160 (VNC) à 3162 (VNC).

203 Cote 3161 (VNC).

204 Cote 4285.

205 Cote 4285.

206 Cotes 979 et 980, soulignement ajouté.

207 Cote 5223.

208 Cote 999.

209 Cotes 786 à 794.

210 Cote 999.

211 Cotes 986 à 987, cote 2432 (VNC) et cotes 991 à 994, soulignement ajouté.

212 Cote 993.

213 Cote 996.

214 Cotes 635 à 636 et 2419 (VNC) et cotes 638 à 645, 2427 (VNC) et 647, soulignements ajoutés.

215 Cotes 5180 et 5181, soulignements ajoutés.

216 Cote 960.

217 Cote 960.

218 Cote 2547 (VNC), soulignement ajouté.

219 Cote 2725 (VNC), soulignement ajouté.

220 Cotes 501 à 503.

221 Cotes 501 à 503, soulignement ajouté.

222 Cotes 1463 et 5503 (VNC).

223 Cotes 5180 et 5181.

224 Cote 8812.

225 Cotes 19 et 20.

226 Cote 26.

227 Cotes 27 à 30.

228 Cotes 1087 à 1089.

229 Cote 5225.

230 Cotes 566 à 568.

231 Cotes 566 à 568, soulignement ajouté.

232 Cotes 566 à 568, soulignement ajouté.

233 Cotes 569 à 570.

234 Cotes 500 et 501.

235 Cote 500.

236 Cote 2734 (VNC).

237 Cote 2734 (VNC).

238 Cotes 660 et suivantes.

239 Cote 669.

240 Cote 5412.

241 Paragraphe 17 du communiqué transaction.

242 Paragraphe 19 du communiqué transaction.

243 Voir par exemple les décisions n° 19-D-21 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport routier de marchandises ou n° 18-D-24 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits électroménagers.

244 Paragraphe 18 du communiqué transaction.

245 Arrêts de la Cour de justice du 15 décembre 1994, DLG, aff. C-250/92, point 54 et du 25 octobre 2001, Ambulanz Glöckner, aff. C-475/99, point 48. Cette approche a été reprise par la cour d’appel de Paris, notamment dans un arrêt du 4 juillet 2013, Orange Caraïbe e. a., RG n°2012/5160, page 11.

246 JOCE C 101, du 27 avril 2004, page 81.

247 Aff. C-125/07 P, C-133/07 P, C-135/07 P et C-137/07 P, point 38.

248 Arrêt de la Cour de cassation du 31 janvier 2012, Orange Caraïbe e.a., pourvoi n° 10-25.772, page 6.

249 Voir également les arrêts de la cour d’appel de Paris du 28 mars 2013, Société des pétroles Shell e. a., RG n° 2011/18 245, du 4 juillet 2013, Orange Caraïbe e. a., RG n°2012/5160. Voir également l’arrêt de la Cour de cassation du 20 janvier 2015, Société Chevron Products Company e. a., pourvoi n° 13-16.745.

250 Voir à ce titre le paquet «transports routiers» du 21 octobre 2009 qui réglemente le cabotage en Europe et se compose de trois règlements (CE) – n° 1071/2009, n° 1072/2009 et n° 1073/2009, tous applicables dans leur intégralité depuis le 4 décembre 2011.

251 Cote 3762.

252 Cote 3766.

253 Communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (97/C 372/03), point 7.

254 Décision n° 10-D-19 de l’Autorité de la concurrence du 24 juin 2010 relative à des pratiques mises en œuvre sur les marchés de la fourniture de gaz, des installations de chauffage et de la gestion de réseaux de chaleur et de chaufferies collectives, paragraphes 158 et 159.

255 Arrêt du Tribunal du 19 mars 2003, CMA CGM et autres/Commission (FETTCSA), T-213/00, point 206.

256 Décision n° 05-D-27 du 15 juin 2005 relative à des pratiques relevées dans le secteur du thon blanc, paragraphe 28 ; décision n° 10-D-13 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la manutention pour le transport de conteneurs au port du Havre, paragraphe 221 ; décision de l’Autorité de la concurrence n° 11-D-02 du 26 janvier 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la restauration des monuments historiques, paragraphe 364.

257 Voir notamment décisions n° 11-DCC-206 du 27 décembre 2011 relative à la prise de contrôle exclusif d'actifs du groupe Mory par la société Caravelle, paragraphe 8 et n° 17-DCC-32 du 14 mars 2017 relative à la prise de contrôle conjoint de la société Transports Guidez par les sociétés Prim@ever et Gestrans Immo, paragraphe 12.

258 Décision n° 17-DCC-32 du 14 mars 2017 relative à la prise de contrôle conjoint de la société Transports Guidez par les sociétés Prim@ever et Gestrans Immo, paragraphe 22.

259 Arrêt de la Cour de cassation du 16 mai 2000, Ordre national des pharmaciens, pourvoi n° 98-12.612.

260 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 6 juin 2013, Gefil, RG n° 2012/02945, page 8 et décision n° 07-D-41 du 28 novembre 2007 relative à des pratiques s’opposant à la liberté des prix des services proposés aux établissements de santé à l’occasion d’appels d’offres en matière d’examens anatomo-cyto-pathologiques, paragraphe 111.

261 Arrêt du Tribunal du 24 mai 2012, MasterCard, aff. T-111/08, point 243.

262 Arrêt de la Cour de justice du 12 septembre 2000, Pavel Pavlov, aff. C-180/98 à C-184/98, points 73 à 77. 263 Arrêt de la Cour de justice du 27 janvier 1987, Verband der Sachversicherer, aff. C-45/85, points 29 à 32. 264 Arrêt de la Cour de justice du 19 février 2002, Wouters, aff. C-309/99, point 64.

265 Voir, par exemple, pour un accord entre deux organismes professionnels, l’arrêt du Tribunal du 13 décembre 2006, Fédération nationale de la coopération bétail et viande (FNCBV), T-217/03 et T-245/03, point 160 ; voir également la décision n° 12-D-19 du 26 septembre 2012 relative à des pratiques dans le secteur du blanchiment et de l’éclaircissement des dents.

266 Voir sur ce point la décision n° 12-D-19 du 26 septembre 2012, précitée, paragraphes 86 et 87.

267 Voir notamment l’arrêt de la Cour de justice du 8 juillet 1999, Anic Partecipazioni SpA, aff. C-49/92, point 130.

268 Voir notamment l’arrêt de la Cour de justice du 7 janvier 2004, Aalborg Porland e.a./Commission, aff. C-204/00, points 55 à 57.

269 Arrêt de la Cour de cassation du 7 avril 2010, Société puériculture de France, pourvoi n° 0911853.

270 Arrêt de la Cour de justice du 7 février 2013, Protimonopolný úrad Slovenskej republiky / Slovenská

sporiteľňa a.s.,C-68/12, points 25 et suivants.

271 Décision n° 12-D-02 du 12 janvier 2012 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de l’ingénierie des loisirs, de la culture et du tourisme, paragraphe 133.

272 Cote 2547 (VNC).

273 Cote 2725 (VNC), soulignement ajouté.

274 Cote 4660.

275 Arrêts de la Cour de justice du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., précité, points 28 et 30, et du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services/Commission, C-501/06 P, C-513/06 P, C-515/06 P et C-519/06 P, Rec. p. 1-9291, point 55 ; arrêt de la cour d'appel de Paris du 15 juin 2010, Veolia Transports.

276 Voir les arrêts de la Cour de justice du 2 avril 2020, Budapest Bank Nyrt., aff. C‑228/18, point 34, du 26 novembre 2015, Maxima Latvija, C-345/14, point 17, et du 20 janvier 2016, Toshiba Corporation/Commission, C-373/14 P, point 25.

277 Voir notamment l’arrêt de la Cour de justice du 2 avril 2020, Budapest Bank Nyrt., aff. C‑228/18, point 51.

278 Voir les arrêts de la Cour de justice du 2 avril 2020, Budapest Bank Nyrt., aff. C‑228/18, point 52 et du

20 novembre 2007, Beef Industry Development Society et Barry Brothers, aff. C-209/07, point 21.

279 Arrêt de la Cour de cassation du 22 octobre 2002, S.A. Vidal, pourvoi n° 00-18.408 ; voir également, les décisions n° 97-D-18 du mars 1997 relative à des pratiques relevées dans le secteur du portage de médicaments à domicile ; n° 03-D-68 du 23 décembre 2003 relative aux pratiques mises en œuvre par le Centre National des Professions de l’Automobile (CNPA) dans le secteur de la distribution automobile, n° 10-D-11 du 24 mars 2010 relative à des pratiques mises en œuvre par le Syndica national des ophtalmologistes de France (SNOF) concernant le renouvellement des lunettes de vue, paragraphe 95, ou encore n° 20-D-17 du 12 novembre 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la chirurgie dentaire, paragraphes 619 et suivants.

280 Arrêt de la Cour de cassation du 22 octobre 2002, S.A. Vidal, pourvoi n° 00-18.408.

281 Voir notamment décision n° 10-D-11 du 24 mars 2010 du 24 mars 2010 relative à des pratiques mises en œuvre par le Syndicat national des ophtalmologistes de France (SNOF) concernant le renouvellement des lunettes de vue, paragraphes 73 et 95 ; voir également l’étude thématique sur les organismes professionnels de l’Autorité de la concurrence de janvier 2021.

282 Arrêt de la Cour de cassation du 10 mars 1998, Syndicat des pharmaciens de Haute-Savoie, pourvoi n° 96-13602.

283 Décision n° 16-D-09 du 12 mai 2016 relative à des pratiques mises en œuvre dans les secteurs des armatures métalliques et des treillis soudés sur l’île de la Réunion, paragraphe 306.

284 Décision n° 09-D-07 du 12 février 2009 relative à une saisine de la société Santéclair à l’encontre de pratiques mises en œuvre sur le marché de l’assurance complémentaire santé, paragraphe 138 confirmée par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 19 janvier 2010, RG n° 2009/06049, et par l’arrêt de la Cour de cassation du 7 juin 2011, pourvoi n° 10-12.038.

285 Décisions n° 10-D-11 du 24 mars 2010 relative à des pratiques mises en œuvre par le Syndicat national des ophtalmologistes de France (SNOF) concernant le renouvellement des lunettes de vue, paragraphe 95 et n° 98-D-25 du 17 mars 1998 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des analyses de biologie médicale, page 18.

286 Voir en ce sens l’arrêt du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenterie CBR SA e.a./Commission, aff. T-25/95, points 2557 et 2558 ; voir également la décision n° 10-D-11 du 24 mars 2010 relative à des pratiques mises en œuvre par le Syndicat national des ophtalmologistes de France (SNOF) concernant le renouvellement des lunettes de vue, paragraphe 97.

287 Cote 1573, en majuscule dans la pièce.

290 https://www.senat.fr/leg/etudes-impact/pjl18-157-ei/pjl18-157-ei.html

291 Cote 1479.

292 Paragraphe 97 de la décision précitée.

293 Voir notamment la décision n° 16-D-09 du 12 mai 2016 relative à des pratiques mises en œuvredans les secteurs des armatures métalliques et des treillis soudés sur l’île de la Réunion, paragraphe 233.

294 Arrêt de la Cour de justice du 8 juillet 1999, Anic Partecipazioni SpA, C-49/92, points 112 et 113 ; voir également, dans le même sens : Tribunal, 12 décembre 2007, BASF AG e.a / Commission, T-101/05 et T-111/05, point 159.

295 Voir en ce sens la décision de la Commission du 9 décembre 2004, Choline Chloride, COMP/37.533, paragraphe 145.

296 Arrêts de la Cour de justice du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, précité, points 79 à 81, et du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, précité, point 258 ; arrêt de la cour d’appel de Paris du 30 janvier 2014, page 22.

297 Arrêt du Tribunal du 3 mars 2011, Siemens, T-110/07, point 246.

298 Arrêt du Tribunal du 17 mai 2013, Manuli Rubber Industries SpA (MRI) /Commission (T-154/09), point 194.

299 Arrêt de la Cour de justice du 19 décembre 2013, Siemens, C-239/11 P, point 248.

300 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 11 octobre 2012, Chevalier Nord, n° 2011/03298, page 46.

301 Arrêt de la Cour de justice du 14 juillet 1972, Impérial Chemical Industries Ltd / Commission, 48/69, point 68 et arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, BPB plc / Commission, T-53/03, point 185.

302 Cote 1694.

303 Cote 5487 (VNC).

304 Voir notamment les arrêts du Tribunal du 19 mars 2003, aff. T-213/00, CMA CGM e.a. c/Commission, point 280, du 27 juillet 2005, aff. T-49/02 à T-51/02, Brasserie Nationale SA e.a. c/Commission, point 185 et du 5 décembre 2006, aff. T-303/02, Westfalen Gassen Nederland BV c/Commission, point 138.

305 Voir l’arrêt du Tribunal du 16 novembre 2006, aff. T-120/04, Peroxidos Organicos c/Commission, point 51, repris par l’arrêt du Tribunal du 7 juillet 1994, aff. T-43/92, Dunlop Slazenger International Ltd c/Commission, point 79 et par l’arrêt du Tribunal du 5 avril 2006, aff. T-279/02, Degussa AG c/Commission, point 153.

306 Arrêt de la Cour de cassation du 15 mars 2011, pourvoi n° Z 09-17.055, confirmant l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 29 septembre 2009 sur la décision du Conseil de la concurrence n° 08-D-12 du 21 mai 2008 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la production du contreplaqué, pages 8 et 9.

307 Arrêt de la Cour de justice de l’Union,Verhuizingen Coppens NV/Commission du 6 décembre 2012, aff. C-441/11 P, paragraphe 42.

308 Arrêt Verhuizingen Coppens NV/Commission précité, paragraphe 43.

309 Arrêt de la Cour de justice du 6 décembre 2012, Commission/Coppens, C-441/11, paragraphes 43 et 44 ; voir également l’arrêt de la Cour de justice du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch/Commission, C-642/13, paragraphes 55 et 56 ; voir aussi l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 30 janvier 2014, page 22.

310 Arrêt de la Cour de justice du 6 décembre 2012, Commission/Coppens, C-441/11, paragraphes 43 et 44 ; voir également l’arrêt de la Cour de justice du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch/Commission, C-642/13, paragraphes 55 et 56.

311 Arrêts de la Cour de justice du 6 décembre 2012, Verhuizingen Coppens, C-441/11 P, points 41 à 44, du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni précité, point 90 et du 7 janvier 2004, Aalborg Portland,

point 86.

312 Voir notamment la décision n° 14-D-19 du 18 décembre 2014 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits d’entretien et des insecticides et dans le secteur des produits d’hygiène et de soins pour le corps, paragraphes 935 à 937.

313 Mémoire en réponse au rapport du 29 septembre 2020, paragraphes 190 et suivants.

314 Cote 13244.

315 Cote 8818.

316 Cote 4216.

317 Pourvoi n° E 16-26.472, page 32.

318 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 15 mars 2018, RG n° 16/14231, paragraphe 45.

319 Cote 4215.

320 Cotes 5454, 1308 et 1458.

321 Cotes 4652 et 4655.

322 Cote 1393.

323 Cote 1456.

324 Cote 5454.

325 Cote 1308.

326 Cote 1458.

327 Cote 3107 (VNC).

328 Des représentants de H2P, B2PWeb, Evolutrans, Flo, Tred Union, OTRE et UNOSTRA étaient présents à ce conseil de gouvernance de H2P.

329 Des représentants de H2P, B2PWeb, Astre, Evolutrans, Flo, Tred Union, ASTR et UNOSTRA étaient présents à ce conseil de gouvernance de H2P.

330 Des représentants de H2P, B2PWeb, Astre, Evolutrans, Flo, Tred Union, ASTR et OTRE étaient présents à ce conseil de gouvernance de H2P.

334 Cotes 4877 (VNC) et 4878 (VNC), 1106 et 5514 (VNC).

335 Cote 5514 (VNC).

336 Cote 2807 (VNC).

337 Cote 2798 (VNC).

338 Cote 1481.

339 Cote 1463.

340 Voir notamment les arrêts du Tribunal du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, aff. T-141/94, point 269 ; du 16 juin 2011, Bavaria NV/Commission, aff. T-235/07, point 71 ; voir aussi la décision n° 15-D-19 du 15 décembre 2015 relative à des pratiques mises en œuvre dans les secteurs de la messagerie et de la messagerie express, paragraphe 768 et plus récemment la décision n° 20-D-09 du 16 juillet 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des achats et ventes de pièces de porc et de produits de charcuterie, paragraphe 498.

341 Voir par exemple la décision n° 97-D-18 du 18 mars 1997 relative à des pratiques relevées dans le secteur du portage de médicaments à domicile, page 11.

342 Cote 709.

343 Cote 709, soulignement ajouté.

344 Cote 567.

345 Voir notamment les arrêts de la Cour de justice du 28 juin 2005, Dansk Rorindustri A/S e.a. c./Commission, aff. jointes C-189/02 P, C-202/02 P, C-205/02 P à C-208/02 P et C-213/02P, point 112, du 10 janvier 2006, Ministero dell’Economica e delle Finanze, aff. C-222/04, point 107, du 11 janvier 2006, Federacion Espanola de Empresas de Tecnologia Sanitaria (FENIN) c./ Commission, aff. C-205/03 P, point 25, et du 20 janvier 2011, General Quimica SA e.a. c./Commission, aff. C-90/09 P, point 34.

346 Voir notamment les arrêts de la Cour de justice du 14 décembre 2006, Confederacion Espanola de Empresarios de Estaciones de Servicio, aff. C-217/05, point 40, du 10 septembre 2009, Akzo Nobel NV e.a. c./Commission, aff. C-97/08 P, point 55, du 20 janvier 2011, General Quimica SA e.a. c./Commission, aff. C-90/09 P, point 35, du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg SA c./Commission, aff C-201/09 P et C-216/09 P, point 95, du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine SA c./Commission, aff. C-521/09, point 53, du 29 septembre 2011, Arkema SA c./Commission, aff. C-520/09 P, point 37.

347 Voir notamment l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a., RG n° 2011/01228, page 18.

348 Voir notamment l’arrêt de la Cour de justice du 20 janvier 2011, General Quimica SA e.a. c./Commission, aff. C-90/09 P point 36 ; voir également l’arrêt de la cour d’appel de Paris, Lacroix Signalisation e.a., RG n° 2011/01228, pages 18 et 20.

349 Voir notamment l’arrêt de la Cour de justice du 20 janvier 2011, General Quimica SA e.a. c./Commission, aff. C-90/09 P point 52.

350 Voir par exemple la décision n° 15-D-19 du 15 décembre 2016 relative à des pratiques mises en œuvre dans les secteurs de la messagerie et de la messagerie express, paragraphes 140 et 141.

351 Décision n° 94-D-51 du 4 octobre 1994 relative à la situation de la concurrence dans le secteur du déménagement, décision n° 01-D-41 du 11 juillet 2001 relative à des pratiques mises en œuvre sur les marchés des titres restaurant et des titres emploi service, décision n° 04-D-07 du 11 mars 2004 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la boulangerie dans le département de la Marne et décision n° 12-D-06 du 26 janvier 2012 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des agrégats et des marchés avals à Saint-Pierre et Miquelon.

352 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 26 octobre 2004, Yann Penard, confirmant la décision n° 04-D-07 du 11 mars 2004 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la boulangerie dans le département de la Marne.

353 Décision n° 01-D-41 du 11 juillet 2001 relative à des pratiques mises en œuvre sur les marchés des titres restaurant et des titres emploi service.

354 Arrêts de la Cour de cassation du 22 novembre 2016, Euro cargo rail, n° 14-28224 et de la cour d’appel de Paris du 26 octobre 2017, Caisse des dépôts et consignations, n° 17/01658, pp. 9 et 10.

355 Voir par exemple les décisions n° 16-D-20 du 29 septembre 2016 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des prestations réalisées par les agences de mannequins, paragraphe 463, confirmée par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 6 juillet 2017, société Smith & Smith Characters, RG n °2016/22365, n° 18-D-06 du 23 mai 2018 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation des vins en vrac AOC des Côtes du Rhône, paragraphe 135, n° 19-D-19 du 30 septembre 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des prestations d’architecte, paragraphe 475, n° 20-D-12 du 17 septembre 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des vins d’Alsace, paragraphe 285.

356 Arrêt de la Cour de cassation du 10 mars 1998, pourvoi n° 96-13602.

357 Page 60 du rapport annuel du Conseil de la concurrence pour l’année 2003.

358 Décision du 12 mai 2016 relative à des pratiques mises en œuvre dans les secteurs des armatures métalliques et des treillis soudés sur l’île de la Réunion, paragraphe 306 ; voir plus récemment la décision n° 20-D-17 du 12 novembre 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la chirurgie dentaire.

359 Cote 1314.

360 Voir notamment décision n° 13-D-09 du 17 avril 2013 relative à des pratiques mises en œuvre sur le marché de la reconstruction des miradors du centre pénitentiaire de Perpignan, paragraphe 162 ; voir également les arrêts de la Cour de cassation du 18 février 2004, CERP e.a., pourvoi n+ 02-11754 et du 21 octobre 2014, Spie Sud-Ouest e.a, n° 13-16602, et de la cour d’appel de Paris du 17 septembre 2008, Coopérative agricole l’Ardéchoise, RG n° 2007/10371, page 6.

361 Voir par exemple l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 8 octobre 2008, SNEF, RG n° 2007/18040, page 4.

362 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 30 juin 2011, Orange France, n° 2010/12049, page 5, confirmé sur pourvoi par la Cour de cassation du 30 mai 2012, Orange France, n° 11-22.144 ; voir aussi l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International e.a., RG n° 2012/23945, page 89.

363 Voir notamment les arrêts de la cour d’appel de Paris du 30 juin 2011, précité, et du 11 octobre 2012, Entreprise H. Chevalier Nord, RG n° 2011/03298, page 70.

364 Cotes 10733 à 10768.

365 Il ne peut cependant être exclu que certains membres de l’OTRE soient également membres des groupements en cause, ce qui serait de nature à diminuer la part des transporteurs concernés par les pratiques.

366 Source : Focus sectoriel Insee. L’ensemble des données couvre le secteur des Transports routiers de fret et services de déménagement. L’étude économique retient une maille plus fine excluant les services de déménagement. Cependant, à cette maille, les données sur la taille des entreprises ne sont pas disponibles. Les services de déménagement représentent 5 % du nombre d’entreprises et 3 % du chiffre d’affaires. Source : www.insee.fr/fr/statistiques/4300871.

367 Focus sectoriel Insee. Il apparaît par ailleurs que l’entreprise moyenne comporte 10 employés puisque 308 000 salariés sont employés par 31 800 entreprises. Source : www.insee.fr/fr/statistiques/4300871.

368 Pour apprécier la taille des entreprises membres, ont été utilisés le chiffre d’affaires et le nombre d’employés des entreprises membres. Voir les cotes 5681 à 5683, 6229 et 3789 ; voir également l’enquête de représentativité des organisations patronales par la Direction générale du Travail (avril 2017). Source : https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/resultats_de_la_representativite_par_branche_professionnelle-2.pdf, Pour ASTR, son site Internet revendique aujourd’hui quelques 800 membres et 24 000 employés, voir https://www.astr.fr/.

369 Cote 3762.

370 Focus sectoriel Insee précité. Les PME hors micro-entreprises représentent 16 % des 31 800 entreprises.

371 Focus sectoriel Insee précité. Le CA du transport routier de marchandises est de 47,6 milliards d’euros et les PME hors micro-entreprises représentent 45 % du CA du secteur, soit 21,4 milliards d’euros.

372 Cette estimation reste approximative du fait de l’absence de prise en compte des micro-entreprises ou des entreprises de taille intermédiaire pouvant faire partie des groupements mis en cause.

373 Cotes 14 à 18.

374 Cotes 68 et 69.

375 Voir le paragraphe 50 de la notification des griefs.

376 Voir notamment la décision n° 17-D-25 du 20 décembre 2017relative à des pratiques mises enœuvre dans le secteur des dispositifs transdermiques de fentanyl, paragraphe 731.

377 Dans le cas d’une plateforme biface, il y a effet de réseau indirect lorsque la valeur de l’usage de la plateforme pour les utilisateurs d’une face (les clients chargeurs) augmente quand le nombre d’utilisateurs de l’autre face (les transporteurs) augmente.

378 Cotes 68 et 69, en majuscule dans la pièce.

379 Cotes 5211 et 5512 (VNC).

380 Cotes 10 733 à 10 771.

381 Voir notamment cotes 3765 à 3769.

382 Cote 3769.

383 Voir cotes 10 737, 10 756 et 10 757.

384 Cotes 3763 et 3769.

385 Cote 3763.

386 Cote 3769.

387 Cote 3763.

388 Le rapport Xerfi estime ainsi que « ces jeunes pousses sont susceptibles d’entrer en concurrence avec les commissionnaires de transport ainsi qu’avec les bourses de fret, qui prélèvent environ 25% sur les transactions contre 15% à 20% pour les plateformes » (cote 151), étant cependant relevé que les prestations fournies par les deux types d’intermédiaires ne sont pas parfaitement identiques. Le contrat de commission de transport est en effet régi par les dispositions spécifiques du code de commerce. À ce titre, la prestation offerte par un commissionnaire est sujette à des obligations et ce dernier engage sa responsabilité pour les dommages subis du fait du transporteur qu’il emploie.

389 La bourse de fret Teleroute revendique ainsi sur son site une baisse des retours à vide de 25 % pour ses 70 000 utilisateurs. Source : teleroute.com/fr-fr/avantages/.

390 Selon un rapport du Boston Consulting Group, la baisse des charges d’exploitation permise par une meilleure mutualisation des trajets peut être estimée à 0,87 % par réduction de 1 % des retours à vide (Cf. Boston Consulting Group, Why Road Freight Needs to Go Digital – Fast, 2018). Source : www.bcg.com/publications/2018/why-road-freight-needs-go-digital-fast.

391 Selon l’ADEME, une diminution de 1 % des retours à vide permet une diminution de l’émission de gaz à effet de serre de 0,70 %. Source : www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/20140414_ObjectifCO2- FichesActions.pdf , page 79.

392 Données ESANE 2017 de l’Insee.

393 Cotes 8937 à 8940 (VNC), 8918 (VNC) à 8923 (VNC), 7836 et 8884.

394 Selon une enquête du Comité National Routier, en 2018, 4% des transporteurs sondés avaient eu recours aux plateformes numériques « à travers ce qui ressemble encore à des tests ».

395 Cotes 10733 à 10771.

396 Voir l’étude économique commune aux mises en cause sélectionnant les trois plateformes Sennder, InstaFreight et Cargonexx avec comme critère une date de création entre 2015 et 2016 (cote 10745).

397 Trois entreprises allemandes partageant des caractéristiques avec les plateformes françaises ont ainsi été identifiées. Timocoon, une bourse de fret revendiquant 60 869 ordres passés en 2018 (source : www.timocom.co.uk/company/newsroom/press-releases/timocom-exhibits-doubledigit-growth-digital- solutions-for-the-transport-world-are-the-engine-of-development), Forto, une plateforme d’intermédiation multimodale qui revendique 2 500 clients, une croissance de 300 % et a levé 100 M€ en fonds (source : https://techcrunch.com/2020/11/17/digital-freight-forwarder-forto-raises-another-50m-in-round-led-by-

inven-capital/ ) et Saloodo!, lancée par DHL dans le transport routier de marchandises qui revendique 18 000 chargeurs et plus de 6 000 transporteurs comptant 250 000 camions (source : www.saloodo.com/freight- shipping/).

398 Voir la figure 1 de l’étude économique commune aux mises en cause et la déclaration du directeur de Chronotruck, indiquant en 2017 que « le recrutement des transporteurs s’avère assez simple ». Voir également le paragraphe 49 de la notification des griefs.

399 Le nombre de chargeurs passe ainsi 300 à 9 000 entre 2016 et 2019 pour ChronoTruck et de 1 500 en 2016 à 5 000 en 2018 pour Everoad (cote 10747).

400 Voir l’étude économique commune aux mises en cause, reprenant les chiffres communiqués par les plateformes à la presse (cotes 10749 et 10750). Ainsi, Fretlink a vu son chiffre d’affaires passer de 1,5 M€ en 2017 à 15 M€ (12,7 millions d’euros selon Infogreffe) en 2018 et envisageait d’atteindre 150 M€ en 2019 et 200 M€ en 2020. De même, le directeur de Chronotruck a déclaré avoir enregistré une croissance de 10 à 30 % par mois en 2017.

401 Voir l’étude économique commune aux parties (cote 10748). Ainsi, Chronotruck a levé 3,5 M€ en 2017, Everoad successivement 2 M€ et 16 M€ en 2016 et 2017 et Fretlink 6 M€ en 2017 et 25 M€ en 2019.

402 Voir notamment l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation, RG n° 2011/01228 ; voir également la décision n° 19-D-19 du 30 septembre 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des prestations d’architectes, paragraphes 499 et suivants.

403 Cote 10726.

404 Cote 1740.

405 Mémoire en réponse au rapport du 29 septembre 2020, paragraphes 190 et suivants.

406 Cote 13244.

407 Cote 8818.

408 Décision n° 16-D-11 du 6 juin 2016 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la diffusion de la télévision par voie hertzienne terrestre, paragraphes 348 et suivants.

409 Le plafond légal pour H2P est également respecté ; cote 5963.

410 Voir notamment la décision n° 20-D-17 du 12 novembre 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la chirurgie dentaire, paragraphes 821 et suivants.

411 Arrêt de la cour d’appel de Paris, 23 mai 2017, RG n° 2015/08224, point 225 ; voir aussi la décision n° 19-D-24 du 17 décembre 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des fruits vendus en coupelles et en gourdes, paragraphe 627.

412 Voir la décision n° 20-D-09 du 16 juillet 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des achats et ventes des pièces de porc et de produits de charcuterie.

413 Observations en réponse au rapport de l’UNOSTRA, page 2.

414 Voir par exemple la décision n° 10-D-28 du 20 septembre 2010 relative aux tarifs et aux conditions liées appliquées par les banques et les établissements financiers pour le traitement des chèques remis aux fins d’encaissement, paragraphe 730, ou décision n° 11-D-02 du 26 janvier 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la restauration des monuments historiques, paragraphe 691.

415 Voir notamment les arrêts de la cour d’appel de Paris du 23 mai 2017, Laïta, RG n° 2015/08224, point 405, et du 6 juillet 2017, société Smith & Smith Characters, RG n° 2016/22365, page 16 ; voir également les décisions n° 14-D-19 du 18 décembre 2014 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits d’entretien et des insecticides et dans le secteur des produits d’hygiène et de soins pour le corps, paragraphes 1424 et suivants, et n° 14-D-20 du 22 décembre 2014 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du papier peint en France, paragraphes 296 et suivants.

416 Décision citée, point 7.

 

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