Cass. com., 20 mars 2019, n° 17-20.629
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocat :
SCP Rousseau et Tapie
Sur le moyen unique, pris en ses première et troisième branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 4 avril 2017), que par un acte authentique du 20 avril 2006, Mme D a cédé à MM. Ket LW acquéreurs indivis, un immeuble à usage commercial, moyennant un prix payable par mensualités pendant dix ans ; que M. LW a été mis en redressement puis liquidation judiciaires les 16 avril 2010 et 4 mars 2011 ; que Mme D qui a déclaré sa créance au titre du solde du prix, a assigné M. et Mme LW et M. KW en « résiliation » de la vente en visant un commandement de payer demeuré infructueux ;
Attendu que Mme D fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable cette demande, en tant qu'elle est dirigée contre M. KW et de rejeter sa demande tendant à voir la résolution de la vente du fonds de commerce opposable à la liquidation judiciaire de M. LW alors, selon le moyen :
1°) que l'action en opposabilité au débiteur en liquidation judiciaire d'une résolution judiciaire prononcée contre un indivisaire in bonis échappe à la règle de l'interdiction ou de la suspension des actions en résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent ; qu'en déboutant Mme D de sa demande tendant à voir déclarer opposable à M. LW et à son liquidateur la résolution judiciaire du contrat de vente pour défaut de paiement des échéances du prix par M. KW acquéreur indivis non soumis à une procédure collective, la cour d'appel a violé l'article L. 622-21 du code de commerce ;
2°) qu'en tout état de cause, la créance résultant des mensualités du prix de vente avec paiement différé, dues postérieurement à la liquidation judiciaire du débiteur, échappe à la règle de la suspension des poursuites individuelles, ce qui permet l'action en résolution d'une vente à paiement différé pour défaut de paiement des mensualités échues postérieurement à l'ouverture de la procédure collective ; qu'en déclarant Mme D irrecevable en sa demande en résolution de la vente en raison de la fin de non-recevoir d'ordre public posée à l'article L. 621-21 du code de commerce, pour les fractions du prix dues après le jugement du 16 avril 2010, la cour d'appel a violé l'article L. 622-17 du code de commerce ;
Mais attendu, d'une part, que l'article L. 622-21, I, 2°, du code de commerce, qui dispose qu'est interdite, de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17, toute action en justice tendant à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent, est applicable, en raison de sa généralité, à une action en résolution d'une vente consentie à deux acquéreurs solidaires, dont l'un a été mis en liquidation judiciaire ; qu'ayant relevé le caractère indivisible de l'objet de l'action en résolution judiciaire exercée contre des acquéreurs solidaires, c'est à bon droit que la cour d'appel en a déduit que l'action en résolution de la vente, qui était interdite à l'égard de M. LW l'était aussi à l'égard de l'acquéreur demeuré maître de ses biens ;
Et attendu, d'autre part, que l'exigibilité différée du prix d'une vente est sans incidence sur la date de naissance de la créance ; qu'ayant exclu, par une interprétation souveraine des termes de l'acte du 20 avril 2006, que les parties aient conclu une vente à terme, et retenu qu'elles avaient prévu le transfert immédiat de la propriété du bien, de sorte que la créance de Mme D était née au jour de l'acte de vente, même si son exigibilité s'était trouvée pour partie différée du fait du paiement échelonné convenu, c'est à bon droit que la cour d'appel en a déduit que cette créance était née antérieurement à l'ouverture de la procédure collective et se trouvait, dès lors, soumise à la règle de l'interdiction des poursuites individuelles ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en sa deuxième branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.