Cass. com., 13 février 2007, n° 05-19.329
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X, qui avait vendu, moyennant un prix converti en rente viagère, des terres agricoles à MM. Y Z, Jean-Jacques Z et Thierry Z (les consorts Z), a fait délivrer à ceux-ci, le 16 avril 2002, un commandement de payer la somme de 15 026,13 euros représentant les arrérages échus de la rente, puis, les a assignés, le 28 octobre 2002, en résolution de la vente ; que le Gaec de A, revendiquant un bail rural à son profit, est intervenu volontairement à l'instance ; que, le 25 novembre 2002, les consorts Z ont réglé à Mme X la somme réclamée ; que le 22 avril 2004, le tribunal a déclaré le commandement de payer valable à concurrence de 3 391,13 euros, prononcé la résolution de la vente, déclaré acquise à Mme X la somme de 77 460,32 euros à titre de dommages-intérêts et condamné Mme X à restituer aux consorts Z la somme de 10 759,10 euros versée à tort au titre de la rente de l'année 1998 ; que les consorts Z ont fait appel du jugement puis ont été mis en redressement judiciaire le 28 octobre 2004, M. B étant désigné représentant des créanciers ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les consorts Z, le Gaec de A et M. B, ès qualités, font grief à l'arrêt d'avoir, constaté la résolution de la vente et, déclaré acquise à Mme X la somme de 77 460,32 euros et d'avoir ordonné l'expulsion des consorts Z et de tout occupant de leur chef, alors, selon le moyen :
1°) qu'un créancier dont la créance a son origine antérieurement au jugement d'ouverture ne peut exercer d'action en résolution ou tendant à faire constater l'acquisition d'une clause résolutoire pour défaut de paiement d'une somme d'argent que s'il s'agit de sommes échues après le jugement d'ouverture du redressement judiciaire du débiteur et qui sont dues au titre d'un contrat en cours régulièrement continué ; que la créance de Mme X pour les arrérages de la rente échus antérieurement aux jugements d'ouverture des redressements judiciaires des consorts Z en date du 28 octobre 2004 ayant trouvé son origine dans le contrat de vente de terres affectées à l'activité conclu le 14 mai 1998 et celui-ci n'étant plus en cours dès lors que le transfert de propriété des parcelles vendues s'était réalisé le 14 mai 1998, la demande tendant à faire prononcer la résolution ou à faire constater l'acquisition de la "clause résolutoire" pour non-paiement de ces arrérages devait être écartée à défaut de constatation de la mise en oeuvre de la "clause résolutoire" par une décision passée en force de chose jugée avant le jugement d'ouverture ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 621-40 et L. 621-28 du code de commerce ;
2°) que la clause de l'acte de vente en viager d'un immeuble prévoyant la possibilité de faire prononcer la résolution de l'acte de vente en cas de non-paiement d'un seul terme de la rente "si bon lui semble" ne peut s'analyser en une clause résolutoire de plein droit dont le juge peut constater l'acquisition et, le cas échéant, suspendre la réalisation ; qu'en jugeant le contraire, après avoir établi qu'en l'espèce aux termes du contrat de vente en viager de parcelles de terres, à défaut de règlement d'une seule échéance à sa date, et trente jours après une mise en demeure contenant la déclaration par le crédirentier de son intention de se prévaloir de la clause résolutoire, et restée sans effet, ce dernier pourrait, "si bon lui semblait", faire prononcer la résiliation de cet acte, sans qu'il ait été besoin d'aucune formalité judiciaire, et ce, malgré toute offre de paiement postérieure, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, ensemble l'article L. 621-40 du code de commerce ;
3°) que sa prétention ayant trouvé son origine dans le contrat de vente conclu antérieurement à l'ouverture des procédures collectives, Mme X devait, à peine d'extinction de ses droits, déclarer le montant de sa créance au représentant des créanciers pour les sommes échues et à échoir avec la date de leurs échéances ; qu'en considérant, au contraire, que Mme X n'avait pas à déclarer sa créance aux procédures collectives, la cour d'appel a violé l'article L. 621-43 du code de commerce ;
Mais attendu que les dispositions de l'article L. 621-40 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ne font pas obstacle à la constatation de la résolution d'un contrat de vente d'immeuble moyennant un prix converti en rente viagère, par application d'une clause résolutoire de plein droit qui a produit ses effets avant l'ouverture du jugement de redressement judiciaire du débirentier, et, par voie de conséquence, avant toute obligation faite au créancier de déclarer la créance échue dont le défaut de paiement est sanctionné par cette clause ; qu'ayant relevé, sans dénaturation, que la mise en jeu de la clause était selon les stipulations de l'acte laissée à l'appréciation de la venderesse sans qu'elle ait besoin de remplir aucune formalité judiciaire et que le commandement de payer visant cette clause, délivré le 16 avril 2002, était demeuré infructueux à l'expiration du délai de trente jours imparti aux débirentiers pour régulariser leur situation, l'arrêt retient exactement que la demande tendant à voir constater l'acquisition de la clause résolutoire est recevable ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur les deuxième et quatrième moyens, réunis :
Attendu que ce moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu l'article L. 621-43 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;
Attendu que pour déclarer acquise à Mme X la somme de 508 016,36 francs, soit 77 460,32 euros, l'arrêt retient que cette dernière, qui ne se voit allouer aucune autre somme que celles déjà encaissées qui lui sont acquises à titre de dommages-intérêts, n'a pas à déclarer de créance à la procédure collective des consorts Z ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la créance de Mme X fondée sur la clause pénale contractuelle avait son origine dans le contrat de vente conclu antérieurement aux redressements judiciaires des consorts Z et devait être déclarée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à déclaration de créance par Mme X au passif du redressement judiciaire des consorts Z et en ce que, confirmant le jugement du tribunal de grande instance de Toulouse du 22 avril 2004, il a déclaré acquise à Mme X et à titre de dommages-intérêts la somme de 508 016,36 francs, soit 77 460,32 euros, l'arrêt rendu le 4 juillet 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse, autrement composée.