CA Douai, 2e ch. sect. 2, 26 novembre 2013, n° 13/06031
DOUAI
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Valdunes (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Birolleau
Conseillers :
Mme Valay-Briere, Mme Barbot
Avocats :
Me Laurent, Me Henneuse, Me Deleforge
A la requête de la SAS VALDUNES, le tribunal de commerce de Valenciennes a, par jugement contradictoire en date du 11 octobre 2013, notamment, :
- ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la requérante,
- ouvert une période d'observation de six mois,
- nommé la SCP ERIC B & GILBERT DECLERCQ, prise en la personne d'ERIC B, en qualité d'administrateur judiciaire, avec une mission de surveillance,
- nommé Maître A D en qualité de mandataire judiciaire,
- « commis la SCP MERCIER ET CIE, commissaires-priseurs associés, pour, en application des articles L622-6 et R622-4 du code de commerce, dresser, sans délai, inventaire, réaliser la prisée du patrimoine du 'débiteur', ainsi que des garanties qui le grèvent, et, sur indication de l'entreprise, répertorier les biens susceptibles de revendication par les tiers »,
- fixé une nouvelle comparution au 9 décembre 2013 à 14h30.
Le 21 octobre 2013, la SAS VALDUNES a interjeté appel de cette décision en ses seules dispositions relatives à la désignation de la SCP MERCIER et à la mission confiée.
Le 24 octobre 2013, elle a saisi Madame le Premier Président de la Cour d'Appel d'une requête aux fins d'être autorisée à assigner les organes de la procédure à jour fixe.
Autorisée par ordonnance du 28 octobre 2013 à assigner ces derniers pour l'audience du 12 novembre 2013 à 9h30, les exploits d'huissier ont été délivrés les 4 et 7 novembre 2013.
Dans ses conclusions jointes à la requête, elle demande à la Cour de lui donner acte du caractère limité de son appel, d'annuler la disposition du jugement commettant la SCP MERCIER ET CIE, de dire que conformément aux dispositions de l'article L. 622-6-1 du code de commerce, elle établira elle-même l'inventaire et le fera certifier par un commissaire aux comptes ou attester par un expert-comptable, tiendra informé du déroulement des opérations le mandataire judiciaire et l'administrateur judiciaire et le déposera au greffe du tribunal de commerce, de lui donner acte que les opérations d'inventaire ont été engagées dans les huit jours du jugement d'ouverture et de dire qu'elles devront être achevées dans le délai qu'il plaira à la Cour de fixer, enfin d'ordonner l'emploi des dépens de la présente procédure en frais privilégiés de la procédure de sauvegarde.
Elle rappelle, en se fondant sur un arrêt de la Cour de Cassation du 26 janvier 2010, qu'un appel limité par le débiteur est recevable et prétend avoir un intérêt à agir.
Elle expose que la disposition critiquée est inopportune et illégale en ce que la loi permet à l'entreprise qui opte pour une procédure de sauvegarde d'éviter les frais d'opérations d'inventaire en le réalisant elle-même ; qu'elle n'avait pas demandé au tribunal de désigner un commissaire priseur aux fins de réaliser l'inventaire ; qu'elle est en proie à des difficultés économiques et a le souci de n'engager que des dépenses strictement nécessaires à la préservation de l'entreprise et de l'emploi ; enfin, qu'elle a les moyens humains de réaliser l'inventaire, lequel au demeurant est pratiquement finalisé.
Dans leurs conclusions en date du 12 novembre 2013, Maître A D, ès qualités de mandataire judiciaire, et la SCP ERIC B & GILBERT DECLERCQ, ès qualités d'administrateur judiciaire, demandent à la Cour de déclarer l'appel irrecevable et de confirmer le jugement.
Ils soutiennent que la désignation à laquelle le tribunal a procédé suppose que l'appelante en a fait la demande lors de l'audience devant le tribunal et qu'elle ne peut ni se raviser, en considération d'un coût qu'elle n'a pas anticipé, ni faire appel d'un jugement qui lui a accordé ce qu'elle demandait.
Ils font observer que s'agissant d'une société d'exploitation, un inventaire indiscutable apparaît indispensable pour fixer le sort des revendications qui ne manqueront pas d'intervenir étant donné la consistance des stocks et du matériel d'équipement.
En application de l'article 425 du code de procédure civile, le dossier a été communiqué au Ministère Public le 7 novembre 2013, lequel n'a formulé aucune observation.
SUR CE
Les décisions statuant sur l'ouverture de la procédure de sauvegarde sont susceptibles d'appel de la part du débiteur par application de l'article L. 661-1-1° du code de commerce.
Aucune disposition légale ou réglementaire n'interdit que l'appel interjeté par le débiteur soit limité à certaines dispositions du jugement.
Aux termes de l'article L. 621-4 du code de commerce, « Si le débiteur en fait la demande, le tribunal désigne, en considération de leurs attributions respectives telles quelles résultent des dispositions qui leur sont applicables, un commissaire-priseur judiciaire, un huissier de justice, un notaire ou un courtier en marchandises assermenté aux fins de réaliser l'inventaire prévu à l'article L622-6. Dans les cas contraire, l'article L622-6-1 est applicable ».
En l'espèce, il résulte de la demande tendant à l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, datée du 9 octobre 2013, déposée au greffe du tribunal de commerce de Valenciennes le 10 octobre suivant, que la SAS VALDUNES n'a pas demandé la désignation d'un commissaire-priseur puisqu'elle s'est engagée à établir elle-même l'inventaire, dans un délai d'un mois à compter du jugement (cf. Pièce 1), conformément à l'article L. 622-6-1 du code de commerce.
Contrairement à ce qui est soutenu par les intimés, le jugement n'a donc pas fait droit, sur ce point à la demande de l'appelante.
Par suite, la SAS VALDUNES a intérêt à agir et son appel limité, formé dans le délai légal, est recevable.
En dépit des allégations des organes de la procédure, il ne ressort pas des mentions du jugement que la SAS VALDUNES aurait demandé la désignation d'un commissaire-priseur lors de l'audience.
En l'absence d'une telle demande, il convenait de procéder conformément à l'article L. 622-6-1 du code de commerce, lequel dispose que l'inventaire « est établi par le débiteur et certifié par un commissaire aux comptes ou attesté par un expert-comptable », sauf pour le tribunal à motiver sa décision d'écarter cette demande pour désigner la SCP MERCIER ET CIE.
En l'absence d'élément justifiant l'incapacité de la SAS VALDUNES à réaliser un inventaire ou le rejet de cette demande, il convient de réformer le jugement en ce sens, et non d'annuler la disposition litigieuse qui ne constitue pas un manquement aux dispositions des articles 447 à 456 du code de procédure civile.
Au regard de la lettre du 8 novembre 2013, adressée par le conseil des sociétés VALDUNES à Maître B, ès qualités, l'informant de la réalisation de l'inventaire de l'ensemble des actifs, audité par le cabinet KPMG, le délai d'achèvement de l'inventaire sera fixé au 9 décembre 2013.
Les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant après débats publics, par arrêt contradictoire mis à disposition
au greffe, dans les limites de l'appel,
Déclare l'appel de la SAS VALDUNES recevable ;
La déboute de sa demande d'annulation ;
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a commis la SCP MERCIER ET CIE, commissaires-priseurs associés, pour dresser l'inventaire et réaliser la prisée du patrimoine de la SAS VALDUNES ;
Statuant à nouveau de ce chef,
Dit que l'inventaire prévu à l'article L. 622-6 du code de commerce sera établi par la SAS VALDUNES et certifié par un commissaire aux comptes ou attesté par un expert-comptable ;
Fixe le délai d'achèvement de l'inventaire au 9 décembre 2013, sauf la possibilité pour le juge-commissaire de désigner un tiers passé ce délai ou de proroger ce délai par application de l'article L. 622-6 du code de commerce ;
Rappelle qu'en application des dispositions de l'article R. 622-4-1 du code de commerce, la SAS VALDUNES I devra tenir informés l'administrateur judiciaire et le mandataire judiciaire du déroulement des opérations et déposer l'inventaire au greffe du tribunal de commerce de Valenciennes ;
Dit que les dépens seront passés en frais privilégiés de la procédure collective.