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Décisions

Cass. com., 11 octobre 1972, n° 71-13.255

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Monguilan

Rapporteur :

M. Noël

Avocat général :

M. Toubas

Avocat :

Me Lyon-Caen

Paris, 3e ch., du 27 mai 1971

27 mai 1971

Sur le premier moyen, pris en sa première branche : - Attendu que, selon les énonciations de l'arrêt attaqué, la société Maison Mame a obtenu le 15 octobre 1963 de la Société de développement régional de l'Ouest (Sodero) un prêt remboursable en quinze ans garanti par une hypothèque sur l'immeuble de Tours où est située son exploitation industrielle, que le Crédit national lui a également consenti trois prêts les 19 septembre 1963, 9 juin 1965 et 7 août 1969 remboursables par échéances s'échelonnant respectivement jusqu'au 30 septembre 1975, 28 février 1975, et 1er juin 1974, garantis les deux premiers, par une hypothèque sur le même immeuble, le troisième par la remise en gage de titres de la Caisse autonome de reconstruction, que la société Maison Mame a fait l'objet, le 4 août 1970, d'un jugement prononçant la suspension provisoire des poursuites en application de l'ordonnance du 23 septembre 1967, que le plan de redressement économique et financier et d'apurement collectif du passif qui a été établi, prévoit le règlement par échéances allant jusqu'au 1er décembre 1973 du passif échu ou à échoir pendant cette période, qu'il comportait, en outre, diverses aliénations portant notamment sur les titres susvisés et sur une partie de l'immeuble hypothéqué ;

Qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir pour débouter Sodero et le Crédit national de la tierce opposition qu'ils avaient formée contre l'arrêt du 26 mars 1971 ayant accepté le plan, énoncé notamment que le droit de préférence des créanciers munis d'une sureté réelle ne pouvait jouer pendant la durée du plan sur les prix de vente des biens affectés à leur garantie alors, selon le pourvoi, que l'article 34 de l'ordonnance précitée, s'il rend opposable à tous les créanciers chirographaires, hypothécaires ou nantis, le jugement acceptant le plan d'apurement collectif du passif issu de la procédure de suspension provisoire des poursuites, pose exclusivement une règle de procédure qui permet de déroger spécialement au principe de l'effet relatif des jugements et d'où il ne saurait être déduit que le plan d'apurement puisse porter atteinte, même sous la forme atténuée d'une suspension, aux droits que les créanciers hypothécaires détiennent régulièrement de la loi, notamment à leur droit de préférence et à leur droit de suite ainsi qu'aux droits légaux des créanciers gagistes ;

Qu'en l'absence d'une disposition expresse de l'ordonnance du 23 septembre 1967, l'arrêt attaqué a inexactement et arbitrairement induit du texte de l'article 34, limité dans son contenu et dans sa portée, une dérogation particulièrement inadmissible et exorbitante du droit commun ;

Mais attendu que la cour d'appel a considéré, à bon droit, que le plan d'apurement collectif du passif est opposable aux créanciers dont la créance, antérieure au jugement prononçant la suspension provisoire des poursuites, est assortie d'une sureté et que, durant l'exécution du plan, l'exercice des droits de préférence et de suite dont ces créanciers peuvent bénéficier se trouve suspendu ; d'où il suit qu'en sa première branche le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur la seconde branche du même moyen : - Vu l'article 34 de l'ordonnance du 23 septembre 1967 ; - Attendu que la cour d'appel a décidé que sur le produit de ces ventes, le Crédit national et Sodero ne pourraient être payés par préférence au motif que l'article 34 de l'ordonnance du 23 septembre 1967 rend opposable à tous les créanciers, dont la créance est antérieure au jugement prononçant la suspension provisoire des poursuites, les modalités d'exécution du plan d'apurement collectif du passif, que ce principe a pour conséquence la suspension du droit de préférence des créanciers privilégiés, cette suspension pouvant aller jusqu'à la perte de ce droit et du droit de suite qui en est le corollaire en ce qui concerne les créanciers, bénéficiaires de suretés réelles, puisqu'au cours de la période d'apurement du passif, ils ne sauraient être payés par préférence sur un bien nanti ou hypothéqué sans faire échec à la suspension du droit de préférence qui leur est imposé par l'article 34 de l'ordonnance ;

Attendu, cependant, que si à l'égard de ces créanciers, l'exercice des poursuites individuelles se trouve suspendu pendant l'exécution du plan et si ces mêmes créanciers ne peuvent prétendre qu'aux règlements prévus par celui-ci, les suretés dont ils bénéficient ne sont pas éteintes ;

Que les créanciers retrouveront tous leurs droits à l'expiration du plan ou après sa résolution ;

Qu'une aliénation ne peut en conséquence avoir pour effet de faire disparaitre leurs suretés sans leur consentement ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner le second moyen : casse et annule l'arrêt rendu entre les parties le 27 mai 1971 par la cour d'appel de Paris ; Remet en conséquence, la cause et les parties au même et semblable état où elles étaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.