CA Orléans, 25 janvier 2007, n° 06/01386
ORLÉANS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Prévot
Défendeur :
Breion (ès qual.), Worldis (SARL), Procureur Général
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Remery
Conseillers :
Mme Magdeleine, M. Garnier
Avoués :
SCP Laval-Lueger, Me Bordier
Avocat :
SCP Cottereau-Meunier
EXPOSÉ DU LITIGE
La Cour statue sur l'appel d'un jugement du tribunal de commerce de Tours rendu le 7 mars 2006, interjeté par M. Prévot, suivant déclaration du 12 mai 2006, enregistrée sous le n° 1386/2006.
Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions des parties signifiées et déposées les :
6 novembre 2006 (par M. Prévot),
15 novembre 2006 (par Me Breion, ès qualités de liquidateur de la S.A.R.L. Worldis).
Dans le présent arrêt, il sera seulement rappelé que, par jugement du 24 janvier 2006, la S.A.R.L. Worldis, ayant pour activité la fabrication et la vente d'articles de sport, a été mise en redressement judiciaire et que le jugement déféré à la cour d'appel a converti en liquidation judiciaire la procédure collective ainsi ouverte.
M. Prévot, agissant en sa qualité d'ancien gérant de la S.A.R.L. Worldis, a interjeté appel.
En cause d'appel, chaque partie a présenté, plus précisément, les demandes et moyens qui seront exposés et discutés dans les motifs ci-après.
La cause a été communiquée au Procureur général.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 6 décembre 2006, ainsi que les avoués des parties en ont été avisés.
Par note conjointe du président et du greffier adressée la veille de la date du présent arrêt, les avoués des parties ont été également avisés que le prononcé de l'arrêt était avancé à cette date.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Attendu, sur la procédure, que le jugement entrepris est essentiellement motivé par l'absence du dépôt du rapport prévu à l'article L. 631-15 du Code de commerce, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ; qu'aux termes de ce texte, dans les deux mois du jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, le tribunal se prononce sur la poursuite de la période d'observation, s'il lui apparaît que l'entreprise dispose à cette fin des capacités de financement suffisantes au vu d'un rapport, établi par l'administrateur ou, s'il n'en a pas été désigné un, ce qui est le cas en l'espèce, par le débiteur lui-même, le tribunal pouvant, à tout moment de la période d'observation, prononcer la liquidation judiciaire si les conditions en sont réunies ; que le tribunal a estimé qu'en l'absence du dépôt d'un rapport écrit du débiteur, il ne pouvait que prononcer la liquidation judiciaire ; que, cependant, d'une part, celle-ci suppose d'apprécier, indépendamment de l'existence du rapport, si le redressement est manifestement impossible et, d'autre part, il n'est pas certain que le rapport visé à l'article L. 631-15 doive être écrit ; que, certes, Me Breion, dans ses conclusions d'appel, l'assimile au bilan économique, social et environnemental de l'article L. 623-1 du Code de commerce, écrit pour la procédure de sauvegarde, qui doit être établi dans un rapport, lequel étant, selon l'article 102 du décret n° 2005-1677 du 28 décembre 2005 , déposé au greffe et communiqué, doit nécessairement revêtir la forme écrite ; qu'il est aussi exact que l'article L. 631-18 sur le redressement judiciaire rend applicable à cette procédure les dispositions législatives du chapitre III sur l'élaboration du bilan et que l'article 102 du décret est également applicable à la procédure de redressement judiciaire, en vertu de l'article 196 du même décret, mais qu'il est douteux que le rapport de l'article L. 631-15 soit celui contenant le bilan de l'entreprise; qu'en effet, ce dernier texte vise 'un' rapport qui, rapidement établi, dans les deux mois de l'ouverture, a pour seul objet légal l'appréciation des capacités de financement nécessaires à la poursuite de la période d'observation et qu'aucun texte ne prévoit spécialement sa forme écrite ; que M. Prévot faisant état d'explications verbales accompagnées de certains éléments écrits sur la situation de son entreprise, le tribunal ne pouvait mettre fin à la période d'observation sans examiner s'il n'existait pas une chance de redressement ;
Attendu, sur ce point, que Me Breion se fonde sur le bilan de la société Worldis arrêté au 31 décembre 2004, alors qu'il a été produit devant la cour d'appel un bilan arrêté au 31 décembre 2005, qui démontre la réalité de résultats encourageants et le caractère réaliste du compte de résultat prévisionnel présenté par ailleurs par M. Prévot avec l'aide de son expert-comptable, le cabinet Mireille Schkroun, ; que la société Worldis a pour activité essentielle la commercialisation d'une ligne de vêtement destinée à la pratique de la pétanque, créneau sur lequel elle a peu de concurrents et où son dirigeant est connu et se fixe des objectifs modestes qui paraissent pouvoir être atteints ; qu'à la suite de difficultés éprouvées avec un nouvel investisseur soupçonnée de détournement, l'année 2004 n'apparaît pas elle-même significative dans l'évolution de la société qui, au contraire, a connu en 2005 un redressement spectaculaire de sa marge commerciale, laquelle s'était effondrée par rapport aux années antérieures à 2004, une diminution sensible de ses pertes et une amélioration de sa trésorerie ; qu'il apparaît donc nécessaire qu'au vu des documents sérieux qui sont maintenant produits, la période d'observation puisse être prolongée à l'effet de préparer le bilan économique et social et de présenter un plan de redressement ;
Sur les demandes accessoires :
Attendu que les dépens seront employés en frais privilégiés de redressement judiciaire, sans qu'il y ait lieu de prévoir le remboursement de frais hors dépens ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
STATUANT publiquement, par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort :
INFIRME le jugement entrepris ;
ORDONNE la prolongation de la période d'observation pour la durée prévue à l'article L. 661-9 du Code de commerce et RENVOIE la cause devant le tribunal de commerce de Tours afin que soient examinées, notamment au vu du bilan de la S.A.R.L. Worldis arrêtée au 31 décembre 2005 et du compte de résultat prévisionnel sur 3 ans établi par le cabinet d'expertise comptable Mireille Schkroun, la possibilité d'un plan de redressement ;
ORDONNE l'emploi des dépens en frais privilégiés de redressement judiciaire et REJETTE toute autre demande.