Cass. com., 8 juin 2010, n° 09-14.301
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Rapporteur :
Mme Bélaval
Avocats :
Me Balat, SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par M. X, ès qualités, que sur le pourvoi incident relevé par la SCP Laureau-Jeannerot ;
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, que le 27 juin 2006, la société La Tour d'Auvergne (la société) a été mise en redressement judiciaire, la SCP Laureau-Jeannerot (la SCP) étant désignée administrateur avec une mission d'assistance qui a été transformée en mission de représentation le 5 décembre 2006 ; que le 18 décembre 2007, le tribunal a arrêté le plan de continuation de la société ; que par ordonnance du 24 janvier 2008, le président du tribunal de commerce a fixé la rémunération due à la SCP à la somme de 18 535,17 euros TTC ; que la société a présenté une demande de taxe ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu que la société et son liquidateur font grief à l'ordonnance d'avoir dit que la rémunération de la SCP doit être fixée sur le fondement de l'article R. 663-9 du code de commerce à la somme de 3 000 euros alors, selon le moyen, que la rémunération de l'administrateur judiciaire est majorée sous la forme d'un droit proportionnel notamment en cas d'assistance apportée au débiteur pour la préparation d'un plan de sauvegarde ou de redressement ; qu'en estimant que la SCP, administrateur judiciaire de la société, était en droit de percevoir une rémunération majorée au titre du plan de redressement par continuation adopté par le tribunal, peu important que ce plan n'ait pas été établi et adopté à l'initiative de l'administrateur judiciaire, et même si celui-ci avait critiqué le projet de plan de redressement proposé par le dirigeant de la société et adopté par le tribunal, cependant que seule l'assistance apportée au débiteur pour la préparation du plan de sauvegarde ou de redressement justifie la majoration de la rémunération de l'administrateur judiciaire, de sorte que la majoration n'est pas due lorsque le plan a été élaboré par le seul débiteur sous la critique du mandataire judiciaire, le premier président a violé l'article R. 663-9 du code de commerce ;
Mais attendu qu'ayant constaté qu'un plan de redressement avait été arrêté le 18 décembre 2007, le premier président en a exactement déduit que, même si la SCP avait critiqué le projet de plan proposé par le débiteur et même si lors du dépôt du projet de plan elle avait fait observer qu'un plan de continuation serait très difficile à respecter, elle avait droit à la rémunération majorée de 50% dès lors que l'article R. 663-9 du code de commerce ne subordonne pas l'octroi de cette majoration à la circonstance que le plan ait été établi et adopté à l'initiative de l'administrateur judiciaire ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du pourvoi principal :
Attendu que la société et son liquidateur font grief à l'ordonnance d'avoir dit que la rémunération de la SCP doit être fixée sur le fondement de l'article R. 663-5 du code de commerce à une certaine somme alors, selon le moyen, que la rémunération de l'administrateur judiciaire doit être la contrepartie des diligences réellement accomplies ; qu'à l'appui de son recours, la société faisait valoir que la SCP avait artificiellement poursuivi la période d'observation de manière à augmenter sa rémunération, calculée en pourcentage du chiffre d'affaires ; qu'en se bornant à relever que la poursuite de la période d'observation pendant un an avait été bénéfique à la société puisque, son bénéfice ayant progressé durant cette période, elle avait pu obtenir un plan d'apurement du passif sur huit ans au lieu de dix ans, sans rechercher si cette poursuite de la période d'observation était objectivement justifiée et avait donné lieu en contrepartie à une activité réelle de l'administrateur judiciaire, le premier président a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 663-5 du code de commerce ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la société avait, au cours de l'année 2006, transmis des documents incomplets à l'administrateur judiciaire ou tardé à lui adresser les documents réclamés pour l'établissement du bilan économique et social, que l'expert-comptable choisi par la société n'avait pas fourni les explications et justificatifs réclamés ce qui avait contraint l'administrateur à solliciter du président du tribunal la désignation d'un expert-comptable et que le dirigeant de la société s'était opposé à cette mesure ce qui n'avait pu que contribuer à prolonger la période d'observation, que si dès décembre 2006, le dirigeant de la société avait adressé un plan de redressement à la SCP, les créanciers avaient dû être consultés, et qu'il n'était pas établi que l'administrateur aurait été défaillant lors des procédures de contestation de créances, l'ordonnance retient que la SCP est fondée à solliciter au titre de sa mission d'assistance le paiement de la somme de 9 751,78 euros calculée sur la base du chiffre d'affaires réalisé entre le jugement d'ouverture et le 31 octobre 2007 ; que par ces constatations et appréciations, le premier président a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen du pourvoi incident :
Mais attendu que le moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi incident :
Vu l'article R. 663-4 du code de commerce ;
Attendu que pour rejeter la demande de la SCP au titre de sa rémunération pour les diligences relatives au diagnostic de la procédure de redressement judiciaire de la société, l'ordonnance retient que la rémunération visée à l'article R. 663-4 du code de commerce ne peut être réclamée que s'il est justifié de l'établissement d'un diagnostic et que si la SCP rapporte la preuve qu'elle a établi le 24 juillet 2006 un bilan économique et social de la société, elle ne justifie pas de l'établissement distinct d'un diagnostic et du dépôt d'un rapport dans un délai de deux mois après l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la rémunération allouée à l'administrateur pour les diligences relatives au diagnostic de la procédure au titre de laquelle il a été désigné est versée par le débiteur sans délai dès l'ouverture de la procédure, et n'est pas conditionnée à l'établissement d'un diagnostic sous forme d'un rapport écrit et distinct du bilan économique, social et environnemental, le premier président a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, déboutant la SCP Laureau-Jeannerot du surplus de ses demandes, il a rejeté la demande de la SCP Laureau-Jeannerot fondée sur l'article R. 663-4 du code de commerce, l'ordonnance rendue entre les parties le 11 mars 2009 par le premier président de la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.