Cass. com., 5 décembre 1967
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guilot
Rapporteur :
M. Larere
Avocat général :
M. Gegout
Avocats :
M. Ryziger, M. Copper-Royer, M. Chareyre
Sur le premier moyen : attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaque (paris, 3 février 1965) que la société the conde nast publications est propriétaire de la marque mademoiselle x Au greffe du tribunal de commerce de la seine, le 30 aout 1945, pour la classe 72 qui a l'époque comprenait notamment les publications périodiques, imprimes et journaux, et qu'elle a utilisé cette marque pour diffuser en France au moins depuis 1960 une revue mensuelle intitulée mademoiselle ;
Que cette société a assigne en contrefaçon de cette marque la société d'éditions de presse et du livre français qui a édité et diffuse en France à partir de juin 1963 une revue mensuelle portant le titre de mademoiselle A, le mot mademoiselle Y Imprime en gros caractères ;
Que l'arrêt confirmatif déféré a déclaré la société d'éditions de presse et du livre français coupable de contrefaçon de la marque susvisée et l'a condamnée au payement de dommages-intérêts ;
Attendu qu'il est reproche à la cour d'appel qui avait été saisie de conclusions faisant valoir que la législation sur les marques n'était pas applicable au titre d'un journal, d'avoir affirmé qu'aucune disposition de la loi sur les marques ne restreignait la protection qu'elle accorde et qu'aucune limitation n'était apportée a la nature des produits que la marque sert à distinguer, alors que, selon le pourvoi, la marque est un signe distinctif qui protège les objets industriels ou commerciaux, mais ne saurait servir a protège une œuvre de l'esprit et en particulier un journal;
Mais attendu que si les œuvres de l'esprit peuvent, a cote d'insertions qui ne présentent pas ce caractère, faire l'objet d'une publication dans un journal ou dans un périodique, la cour d'appel a estimé à bon droit que le titre de la publication en constituait le signe distinctif et qu'en conséquence ce titre pouvait être protégé par le dépôt d'une marque de commerce alors surtout que le décret du 11 juin 1952 sur le dépôt et l'enregistrement des marques prévoit expressément que la classe n° 16, remplaçant l'ancienne classe 72 pour laquelle le dépôt a été fait et renouvelé, concerne les imprimes, journaux, périodiques et livres;
Attendu, d'autre part, que le moyen en tant qu'il vise l'application des dispositions de l'article 5 de la loi du 11 mars 1957 est nouveau, mélange de fait et de droit et, comme tel, irrecevable devant la cour de cassation ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches : attendu qu'il est également fait grief à la cour d'appel, qui était saisie des conclusions par lesquelles la société d'éditions de presse faisait valoir que la dénomination mademoiselle ne pouvait constituer une marque valable car le titre pour être protégé comme marque devrait d'abord z Spécial, c'est-à-dire original, et présenter un certain caractère de fantaisie, de s'être contentée d'affirmer que la propriété d'une marque régulièrement déposée est absolue - alors, que, selon le pourvoi, d'une part, seules les dénominations arbitraires ou de fantaisie sont susceptibles de constituer des marques - alors, d'autre part, que les juges du fond sont tenus a peine de cassation de répondre aux conclusions dont ils sont saisis, et que la cour d'appel aurait dû répondre au moyen par lequel la société d'éditions de presse avait fait valoir que le titre pour être protégé comme marque devait d'abord z Spécial c'est-à-dire original et présenter un certain caractère de fantaisie, alors, enfin, que le dépôt d'une marque n'a qu'un caractère déclaratif et non constitutif de droit et ne peut à lui seul suffire à conférer un droit sur la marque ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 23 juin 1857, applicable à la cause, les noms et dénominations sous une forme distinctive peuvent constituer des marques de fabrique et de commerce ;
Que, des lors, la cour d'appel qui constate que pour les deux revues le mot mademoiselle constitue le signe permettant à la clientèle de les identifier et qui relevé aussi une utilisation de sa marque en France par la société the conde nast publications remontant à l'année 1960 donc antérieure a la diffusion du premier numéro de la revue publiée par la société d'éditions de presse, a, en excluant implicitement les caractères invoques par le moyen, répondu aux conclusions de cette dernière société;
Que, des lors, la cour d'appel a pu reconnaitre la validité de la marque appartenant à la société d'éditions de presse ;
D'où il suit que le moyen ne peut non plus être accueilli ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 3 février 1965, par la cour d'appel de Paris.