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Décisions

Cass. com., 9 décembre 1980, n° 79-10.877

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vienne

Rapporteur :

M. Bonnefous

Avocat général :

M. Laroque

Avocat :

M. Goutet

Lyon, 1re ch., du 14 déc. 1978

14 décembre 1978

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaque (Lyon, 14 décembre 1978) que Bertin, ancien gérant d'une société ayant publié jusqu'en 1972 un journal, sous la dénomination guignol, a déposé le 29 janvier 1976 la marque dénominative guignol pour désigner les journaux, revues et périodiques; qu'à la suite de la publication les 4 et 11 janvier 1978 d'un journal intitule allo Lyon... Ici guignol, Bertin a obtenu du président du tribunal de grande instance l'autorisation d'assigner à jour fixe, pour contrefaçon de marque, crouton, gérant de la société alig éditrice du journal, cette société et Rolland, directeur de la publication; qu'il fut constaté ultérieurement que Rolland était le pseudonyme de crouton; attendu qu'il est fait grief à la cour d'appel d'avoir omis de se prononcer sur la valeur du motif d'urgence invoque par Bertin dans la requête dont il avait saisi le président du tribunal et de s'être bornée a dire qu'il avait été clairement formule; mais attendu que la cour d'appel a constaté que la requête présentée par Bertin renvoyait a la copie de l'assignation jointe à sa demande, laquelle précisait que le journal allo Lyon... Ici guignol commençait a être vendu au public et que son contenu était destiné à avoir un impact électoral; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel a fait ressortir l'urgence qu'il y avait à statuer; que le moyen n'est donc pas fonde;

Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu qu'il est encore reproche à la cour d'appel d'avoir, tout en reconnaissant que toutes les pièces n'avaient pas été visées dans la requête, et que celles-ci n'avaient pas été déposées immédiatement, décide que Bertin avait satisfait aux prescriptions de l'article 789 du nouveau code de procédure civile en déposant ultérieurement au greffe ces pièces, et qu'il appartenait aux défendeurs d'en prendre connaissance, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la remise avec la requête de la liste complète des pièces dont le demandeur entend faire usage et leur dépôt immédiat au greffe sont des formalités substantielles dont la violation cause un tort certain aux défendeurs, et alors, d'autre part, que, du moment que le dépôt des pièces avait été tardif, le droit commun reprenait son empire, et Bertin devait déférer a la demande de communication de pièces qui lui avait été adressée; mais attendu qu'ayant relevé, en des motifs propres et adoptes, qu'il était précise dans l'assignation qu'il pouvait être pris connaissance au greffe du tribunal des pièces sur lesquelles se fondait la demande, la cour d'appel a constaté que l'omission de l'indication de ces pièces dans l'assignation n'était pas de nature à nuire aux intérêts de crouton et de la société alig; qu'ayant constaté aussi que ces mêmes personnes avaient pu prendre connaissance avant l'audience du 7 février 1978 des pièces de leur adversaire dont le dépôt au secrétariat-greffe leur avait été notifie le 25 janvier précèdent, la cour d'appel a pu décider, sans encourir les critiques du moyen, qu'en méconnaissant les règles de l'article 789 du nouveau code de procédure civile pour exiger la communication directe des documents dont elles soutenaient avoir été privées, ces personnes avaient elles-mêmes cause le préjudice dont elles se plaignaient; que le moyen n'est donc fonde en aucune de ses branches;

Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu qu'il est aussi reproche a la cour d'appel d'avoir admis le caractère distinctif de la dénomination guignol, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'arrêt ne s'explique pas sur les circonstances relevées par crouton et la société alig, qui étaient de nature à faire ressortir son caractère banal et alors, d'autre part, que le caractère banal du terme s'oppose, même dans le domaine de la presse, a ce qu'un particulier puisse se l'approprier sans l'accompagner d'un signe distinctif; mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que, déterminant le caractère distinctif de la dénomination guignol par rapport aux produits visés par le dépôt de marque, la cour d'appel qui a relevé exactement qu'il n'était pas nécessaire qu'un signe choisi comme marque soit nouveau, mais seulement qu'il n'ait pas été adopte pour designer des objets similaires, a retenu que, pour désigner une publication, le terme guignol, bien qu'appartenant au folklore lyonnais, n'était pas un terme générique, nécessaire ou descriptif mais une appellation de fantaisie suffisamment originale pour constituer un signe distinctif et qu'il pouvait donc être déposé en tant que marque; que le moyen n'est donc fonde en aucune de ses branches;

Sur le quatrième moyen, pris en ses deux premières branches :

Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir décidé qu'il n'était pas établi que crouton et la société alig avaient notoirement use de la marque allo Lyon... Ici guignol avant le dépôt de la marque guignol par Bertin, le 29 janvier 1976, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il résultait d'une attestation de la société des auteurs et compositeurs dramatiques du 26 janvier 1978, versée aux débats, qu'une émission radiophonique avait été déclarée sous cette dénomination et qu'elle avait donc bien eu lieu et alors, d'autre part, que crouton et la société alig avaient versé aux débats un article paru dans le progrès le 16 avril 1975 qui concernait une campagne engagée par des tracts en matière d'urbanisme et qui prouvait la notoriété de la marque; mais attendu qu'ayant constaté qu'en 1951 Rolland avait fait protéger par la société des auteurs et compositeurs dramatiques une émission radiophonique intitulée allo Lyon... Ici guignol constituant un journal humoristique, dont il n'établissait ni qu'elle ait réellement eu lieu, ni à plus forte raison qu'elle ait été répétée, et qu'en mai 1975 il avait utilisé le même titre pour un tract distribué dans les boites aux lettres de la population lyonnaise, c'est par une appréciation souveraine de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que la cour d'appel a décidé que les circonstances étaient insuffisantes pour établir qu'avant le dépôt de la marque guignol effectue le 29 janvier 1976, crouton et la société alig avaient notoirement use du signe distinctif guignol; que le moyen n'est donc pas fonde en ses deux premières branches;

Sur le quatrième moyen, pris en ses troisième et quatrième branche :

Attendu qu'il est enfin reproche à l'arrêt d'avoir refusé d'admettre que Bertin avait déposé la marque uniquement pour faire fraude aux droits de crouton et de la société alig et empêcher la publication de leur journal alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cour d'appel ne s'est pas expliquée sur le fait qu'au moment du dépôt les tracts avaient déjà reçu une large publicité, et que Bertin ne pouvait pas en ignorer l'existence, et alors, d'autre part, que celui-ci ayant liquide la société qui publiait le journal guignol, et n'ayant pas apporté la moindre preuve qu'il ait l'intention et les moyens de le publier de nouveau, le dépôt de la marque ne pouvait avoir d'autre but que de paralyser dans un but politique la publication du journal; mais attendu qu'il ne résulte ni des conclusions, ni de l'arrêt, que crouton et la société alig aient soutenu devant la cour d'appel que le dépôt de marque effectue par Bertin ne pouvait avoir d'autre but que de paralyser dans un but politique la publication du journal allo Lyon... Ici guignol; attendu, en outre, que c'est par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, qu'ayant précédemment constate qu'en mai 1975 Rolland avait distribué un tract, la cour d'appel a considéré que crouton et la société alig ne rapportaient pas la preuve que Bertin connaissait l'utilisation par eux du signe distinctif; qu'en l'état de cette appréciation, la cour d'appel a pu décider que Bertin n'avait commis aucun abus de droit en déposant sa marque; d'où il suit que, nouveau et, étant mélange de fait et de droit, irrecevable en sa quatrième branche, le moyen n'est pas fonde en sa troisième branche;

Par ces motifs :

Rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 14 décembre 1978 par la cour d'appel de Lyon.