Livv
Décisions

CA Reims, ch. civ. sect. 1, 7 septembre 2021, n° 19/02327

REIMS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Mago Invest (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mehl-Jungbluth

Conseillers :

Mme Mathieu, M. Lecler

Avocats :

Me Chemla, Me Beauvisage, Me Gaudillière, Me Delvincourt, Me Fouchard

TGI Troyes, du 18 oct. 2019

18 octobre 2019

FAITS PROCEDURE PRETENTIONS

Avant tout contrat écrit M. A a procédé à des versements de 100.000 euros, 400.000 euros, 100.000 euros et 900.000 euros les 22 septembre 2014, 18 novembre 2014, 19 et 22 décembre 2014 pour un total de 1 499 953 euros au profit de la société Mago Invest dont X, Y et Z étaient les associés.

A cette date M. A et la société Mago Invest avaient décidé de collaborer dans le cadre de la distribution exclusive de produits incluant des éléments brevetés par X et Y et dont la licence exclusive d'exploitation avait été accordée à celle-ci par ceux-ci, par convention du 18 avril 2014 et avenant du 23 juin 2014.

Le 5 février 2015, un « avant-contrat » de distribution exclusive et de sous-licence de brevet a été conclu entre M. A et la société Mago Invest mentionnant :

que le distributeur s'est d'ores et déjà acquitté d'un droit d'entrée à hauteur de 1 499 953 euros en contrepartie de l'exclusivité concédée par le fournisseur pour les produits brevetés dans les conditions visées ;

que X et Y ont mis au point une invention portant sur un dispositif de conditionnement en température d'objets et un procédé de conditionnement qui a fait l'objet d'un dépôt de brevet français et d'une extension internationale.

Deux projets de contrats de sous-licence de brevet et de distribution des produits brevetés et d'approvisionnement en petits plats, ont été adressés par la société Mago Invest à M. A les 8 et 23 avril 2015 qu'il a refusés de signer.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 8 décembre 2015, le conseil de M. A a définitivement mis fin aux pourparlers portant sur la signature des contrats de sous-licence de brevet, de distribution et d'approvisionnement exclusif et a, par ailleurs, mis en demeure la société Mago Invest de lui restituer la somme de 1.499.953 euros.

M. A a saisi le tribunal de grande instance de Besançon aux fins de voir prononcer la nullité de l'avant-contrat de distribution exclusive et de sous-licence de brevet du 5 février 2015 et de voir condamner in solidum la société Mago Invest, M. Z, M. X et Y, en leur qualité respectivement de gérant-associé et d'associés de la société Mago Invest, ainsi que M. B, leur avocat conseil en charge de la rédaction de l'avant contrat du 5 février 2015, à la restitution de la somme de 1.499.953 euros et au paiement de la somme de 1.500.000 euros à titre de dommages intérêts.

M. B, avocat au barreau de Dijon, a soulevé l'incompétence du tribunal de grande instance de Besançon au profit du tribunal de grande instance de Troyes par application des dispositions de l'article 47 du code de procédure civile.

Par ordonnance en date du 10 novembre 2016, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Besançon s'est déclaré territorialement incompétent au profit du tribunal de grande instance de Troyes devant lequel la cause et les parties ont été renvoyées.

Par jugement du 18 octobre 2019, le tribunal de grande instance de Troyes a :

- rejeté la demande de mise hors de cause de Y, M. X et M. Z,

- écarté des débats les pièces numéros 19 et 20 communiquées par les consorts XYZ et la SARL Mago Invest le 20 novembre 2018,

-  débouté M. A de sa demande en nullité de l'avant-contrat de distribution exclusive et de sous-licence de brevet en date du 5 février 2015 pour défaut de cause et d'objet,

-  débouté M. A de sa demande en nullité de l'avant-contrat de distribution exclusive et de sous-licence de brevet en date du 5 février 2015 pour dol,

En conséquence,

- débouté M. A de sa demande en restitution des sommes versées en exécution de l'avant-contrat en date du 5 février 2015,

- débouté M. A de sa demande en résolution de l'avant-contrat de distribution exclusive et de sous-licence de brevet en date du 5 février 2015 pour impossibilité d'exécution,

- débouté M. A de sa demande en paiement de dommages et intérêts ;

- débouté la SARL Mago Invest de sa demande en paiement de dommages et intérêts ;

- condamné M. A à payer à la SARL Mago Invest, Y, M. X et M. Z la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. A à payer à M. B la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. A aux dépens de l'instance, dont distraction au profit de la SCP Couturier Ploton Vangheesdale Farine, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au dispositif.

Le tribunal a estimé que la mise en cause de Z, X, et Y dans la procédure, était justifiée par les demandes de l'appelant qui entendait voir constater leur rôle personnel dans les actions fondant ses prétentions; que par ailleurs les pièces n° 19 et 20 produites par les consorts XYZ devaient être écartées en application des articles 16 et 135 du code de procédure civile, M. A n'ayant pas été en mesure de vérifier la teneur des documents séquestrés par huissier et d'en débattre contradictoirement.

Concernant la demande en nullité de l'avant-contrat en date du 5 février 2015 pour absence d'objet et de cause, il a constaté que le contrat était un acte préparatoire à la conclusion d'un contrat de distribution et de sous-licence de brevet et non de marque ou de franchise, de sorte que les dispositions de l'article L. 330-3 du code de commerce n'étaient pas applicables; que néanmoins il n'était dépourvu ni de cause ni d'objet puisque la preuve de l'inconsistance des brevets concernés n'était pas rapportée alors que la société Mago Invest avait bien reçu notification de la délivrance de son brevet européen le 27 octobre 2016 par l'office Européen des Brevets laquelle avait fait l'objet d'une publication le 23 novembre 2016 sans recours dans le délai d'opposition de neuf mois, ce dont il se déduisait la constatation qu'elle était titulaire d'un brevet purgé de tout recours et sur lequel la société disposait de droits dont la déchéance n'était pas démontrée ou invoquée.

S'agissant du dol le tribunal a jugé que M. A ne rapportant pas la preuve que les informations qui lui avaient été transmises étaient erronées, ni que l'exactitude et la fiabilité de l'état prévisionnel du chiffre d'affaires établi 17 octobre 2014 avaient constitué une cause déterminante de son engagement, il ne démontrait pas l'existence de manoeuvres dolosives imputées tant à la SARL Mago Invest qu'aux consorts XYZ pour l'inciter à conclure.

Sur la résolution du contrat en application de l'article 1184 du code civil, les premiers juges ont retenu que la preuve de l'impossibilité d'exécution pour inconsistance du brevet invoquée par M. A pour mettre prématurément fin aux pourparlers, n'était pas rapportée puisqu'il avait été vu que la société Mago Invest était propriétaire d'un brevet et avait pour objet de créer un réseau de distribution de produits incluant l'utilisation de ce brevet, que par ailleurs l'exclusivité de distribution avait bien été consentie à M. A et portait, aux termes de l'article 5 de l'avant-contrat, sur la fourniture exclusive du steamer et des tags nécessaires pour développer la commercialisation des plats.

Le tribunal a rejeté la demande en réparation du préjudice formée par la SARL Mago Invest qui ne rapportait pas la preuve ni d'une faute et ni d'un quelconque préjudice lié à la rupture des négociations ainsi que la demande en réparation de M. A dirigée contre Me B, avocat intervenu en qualité de rédacteur de l'avant-contrat de distribution en date du 5 février 2015, en l'absence de preuves de déclarations inexactes contenues dans celui-ci.

Par déclaration du 19 novembre 2019, M. A a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions déposées le 8 janvier 2021, M. A demande à la cour de :

Vu les anciens articles 1109,1116, 1126, 1129, 1130, 1150, 1151 du code civil,

Vu l'article 1240 du code civil,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Troyes le 18 octobre 2019 en ce qu'il a :

- rejeté la demande de mise hors de cause de Y, M. X et M. Z,

- écarté des débats les pièces numéro 19 et 20 communiquées par les consorts XYZ et la SARL Mago Invest le 20 novembre 2018,

- retenu que M. B est intervenu en qualité de rédacteur d'acte de l'avant-contrat de distribution en date du 5 février 2015,

- débouté la société Mago Invest de sa demande de dommages et intérêts,

- infirmer pour le surplus le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Troyes le 18 octobre 2019,

Et statuant à nouveau,

- prendre acte de ce que la société Mago Invest renonce à produire ses pièces n°19 et n°20,

- débouter la société Mago Invest, M. Z, M. X et Y de toutes leurs demandes fins et conclusions,

- débouter M. B de toutes ses demandes fins et conclusions,

- juger le paiement du droit d'entrée par M. A à la société Mago Invest prématuré et sans cause,

- dire la société Mago Invest, M. Z, M. X et Y responsables de dol à l'égard de M. A,

- juger que M. B a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité professionnelle à l'égard de M. A en rédigeant le contrat du 5 février 2015 conclu entre ce dernier et la société Mago Invest,

En conséquence,

- condamner in solidum la société Mago Invest, M. Z, M. X, Y et M. B à restituer à M. A la somme de 1.499.953 euros correspondant au droit d'entrée versé par ce dernier,

- condamner in solidum la société Mago Invest, M. Z, M. X, Y et M. B, à payer à M. A la somme de 1.427382 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice distinct subi,

- condamner in solidum la société Mago Invest, M. Z, M. X, Y et M. B à payer à M. A la somme de 10.000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum la société Mago Invest, M. Z, M. X, Y et M. B aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions déposées le 3 décembre 2020, M. Z, M. X, Y et la société Mago Invest demandent à la cour de :

Vu les articles 71 à 73 CBE aux termes desquels une demande de brevet, dès son dépôt, est un titre de propriété industrielle susceptible d'être licencié et/ou cédé à des tiers,

Vu les Articles 27 PCT et Article 67 CBE aux termes desquels lorsqu'une une demande de Brevet international et européenne publiée, elle confère à son titulaire ou licencié une protection provisoire

Vu les articles 1137, 1163 et 1315 du code civil,

- constater que l'appelant est radicalement défaillant dans l'offre de preuve de ses prétentions,

- constater qu'aux termes du contrat régularisé le 5février 2015 le droit d'entrée reposait sur l'exploitation d'un brevet non d'une marque,

- constater que le 11 octobre 2010 Me A a procédé au dépôt en copropriété, aux noms de M. X et Y, d'une demande de brevet français n° 10. « dispositif de conditionnement en température d'objet, ce dispositif comportant une machine de conditionnement pourvue de moyens de conditionnement couplés à des moyens de commande et un objet à conditionner en température comportant un marqueur RFID »,

- constater que par avenant en date du 23 juin 2014 la licence d'invention a été transférée en exclusivité à la société Mago Invest,

- constater que le 14 septembre 2016 la société Mago Invest a reçu la notification de délivrance de son brevet Européen attestée par la décision de délivrance établie le 27 octobre 2016 par l'office Européen des Brevets et certifiée par la publication du Brevet Européen dans le bulletin Européen des brevets le 23.11.2016 référence 47/2016 enregistrée sous le numéro 2 627 958 B1,

En conséquence,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Troyes en ce qu'il débouté M. A de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné à payer à MM. X et Z et Y et à la société Mago Invest la somme de 3.000 euros chacun au titre de l'article 700 code de procédure civile,

- donner acte à la société Mago Invest de ce qu'elle renonce à produire les pièces n°19 et 20,

- réformer le jugement pour le surplus,

- constater que MM. X et Z et Y n'ont strictement aucun lien de droit avec le demandeur qui ne rapporte pas la preuve d'un lien quelconque,

En conséquence,

- mettre hors de cause MM X et Z et Y,

Vu l'article 1147 du code civil,

- constater l'inexécution fautive par M. A du contrat du 5 février 2015 et le grave préjudice subi par la société Mago Invest,

En conséquence,

- condamner M. A à payer à la SARL Mago Invest la somme de 1.000.000 euros à titre de dommages intérêts pour inexécution fautive du contrat régularisé le 5 février 2017,

- condamner M. A à payer à la SARL Mago Invest la somme de 500.000 euros en réparation du préjudice d'image éprouvé,

- condamner M. A à payer à la SARL Mago Invest et MM. Z et X et Y la somme de 10.000 euros chacun au titre de l'article 700 code de procédure civile,

- condamner M. A aux entiers dépens dont recouvrement au profit de la SCP de Me W conformément aux dispositions de l'article 699 code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 20 mars 2020, M. B demande à la cour de :

- déclarer M. A recevable mais non fondé en son appel et l'en débouter.

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. A de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- le condamner à verser à M. B une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. A aux entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 janvier 2021.

MOTIFS

Sur la mise hors de cause des consorts XYZ.

L'intérêt à agir prévu à l'article 31 du code de procédure civile dont le défaut se traduit aux termes de l'article 122 du code de procédure civile par l'irrecevabilité de la demande se définit comme le profil l'utilité ou l'avantage patrimonial ou extra patrimonial pécuniaire ou simplement moral que l'action est susceptible de procurer aux plaideurs.

En l'espèce la SARL Mago Invest développe que M. A n'a strictement aucun lien de droit avec les consorts XYZ et qu'ils doivent être mis hors de cause de la procédure.

Mais l'appelant souligne le rôle personnel de M. Z, M. X et Y, associés de la Sarl Mago Invest qui ont joué un rôle personnel « d'animateur et de promoteur » en matière de méthodes de ventes et de qualités innovantes exclusives des produits à distribuer, et qu'ils l'ont ainsi faussement informé pour le conduire à s'engager et à verser un droit d'entrée à la société dépourvu de toute contrepartie.

Aussi dans la mesure où l'existence d'un droit à réparation et d'une faute personnelle de chacun d'eux n'est pas une condition de recevabilité de l'action mais de son succès il apparaît que le tribunal a retenu à  juste titre la recevabilité de l'action du requérant. 

Sur la demande visant à voir écarter les pièces numéro 19 et 20 communiquées par les consorts XYZ et la SARL Mago Invest le 20 novembre 2018.

M. A demande la confirmation du tribunal en ce qu'il a écarté les pièces 19 et 20 produites par les défendeurs.

Mais ceux-ci ont renoncé à produire ces pièces de sorte que la demande de les voir écarter est sans objet à hauteur d'appel tout au plus la cour entend faire droit à la demande de M. A visant à la confirmation du jugement de première instance.

Sur l'absence de cause du paiement du droit d'entrée et la demande en condamnation à restitution du droit d'entrée de 1.499.953 euros.

M. A développe que le tribunal ne pouvait se limiter à juger qu'il a été imprudent et que son paiement était prématuré sans en tirer aucune conséquence s'agissant de la restitution du droit ; qu'il devait examiner les éléments conduisant à la nullité de l'avant contrat et à sa demande de restitution pour absence d'objet actuel et futur des contrats de sous-licence et de distribution exclusive puisque le périmètre du brevet protégeant les produits s'est avéré inexistant et que les parties n'ont pas trouvé d'accord sur les produits à distribuer et que seul le dol de ses contractants l'a poussé à s'engager.

Sur l'absence d'objet et de cause du contrat de distribution et l'impossibilité d'exécuter le contrat de distribution à défaut de brevet pertinent protégeant les produits à distribuer.

Dans le silence du code de la propriété intellectuelle, le droit de la propriété intellectuelle ne s'écarte pas du schéma usuel de droit commun des baux, exposé aux articles 1708 et suivants du code civil, et du droit commun des contrats s'agissant des conditions de formation du contrat ou de la responsabilité contractuelle.

Ainsi des conditions générales essentielles pour la validité des conventions posées par les dispositions des articles 1108 et suivants du Code civil applicables au cas d'espèce s'agissant d'une rupture de relation contractuelle antérieure à l'entrée en vigueur le 1er octobre 2016 de l'ordonnance du 10 février 2016, il ressort que la validité de la convention du 5 février 2015 conclue entre les parties supposait le consentement valable de la partie qui s'obligeait ainsi que l'existence d'un objet certain pour former la matière de l'engagement.

S'agissant de l'objet, cause de l'obligation de l'une des parties au contrat, il est régi par les dispositions des articles 1126 et suivants anciens qui posent que tout contrat a pour objet une chose qui peut être incertaine et future au moment où on s'oblige, mais qui doit être au moins déterminée quant à ce que la partie s'oblige à donner à une autre, à faire ou à ne pas faire.

La cause de l'obligation est présumée exacte de sorte qu'il incombe à celui qui se prévaut d'un défaut de cause d'en rapporter la preuve.

Lorsque l'obligation d'une partie est dépourvue d'objet, n'a pas de contrepartie, elle n'a pas de cause et celle-ci n'est pas tenue de s'exécuter. Ainsi en l'espèce une demande de brevet déposée qui est refusée justifie l'annulation d'un contrat de licence faute d'objet et de cause.

L'erreur sur l'existence de la cause fut-elle inexcusable justifie l'annulation de l'engagement pour défaut de cause et ouvre l'action en répétition des montants versés.

La fausseté partielle de la cause entraîne sa réduction à la mesure de la fraction subsistante

En l'espèce il faut se placer au moment de la formation du contrat pour apprécier l'existence de la cause des obligations que comportait le contrat synallagmatique à caractère instantané et constater que le cédant devait au cessionnaire garantie de l'existence du brevet et des vices cachés de la chose qui trouvent leur siège aux articles 1641 et 1721 du code civil.

Ainsi M. A a payé de août à décembre 2014 en 4 versements du 22 septembre au 22 décembre 2014 une somme de 1 499 000 euros dont la cause a été fixée dans un avant contrat signé par les parties le 5 février 2015 qui précise que la société Mago Invest souhaite concéder le droit au distributeur de distribuer en exclusivité les produits brevetés sous les conditions énumérées, que le distributeur s'est d'ores et déjà acquitté d'un droit d'entrée à hauteur de 1 499 953 euros en contrepartie de l'exclusivité concédée par le fournisseur et que l'avant contrat a pour but de « déterminer les conditions dans lesquelles seront conclus un contrat de distribution exclusive et une sous-licence de brevet ».

Il en résulte que de la volonté des parties la somme totale de 1 499 953 euros correspond au « droit d'entrée en contrepartie de l'exclusivité concédée par le fournisseur pour une durée de 10 ans dans les conditions qui suivent dans les secteurs d'activité concédés pour la fourniture exclusive des produits brevetés suivants » :

- steamer v1 A131 : au tarif de 120 euros HT

- tag RFID programmé: au tarif de 1,20 euros HT

Il est alors observé que le 11 octobre 2010 un dépôt en copropriété au nom du X et Y d'une demande de brevet français numéro 100 4009 concernant un « dispositif de conditionnement à température d'objets, ce dispositif comportant une machine de conditionnement pourvu de moyens de conditionnement couplée à des moyens de commande et un objet à conditionner à température comportant un marqueur RFID» a été enregistré ; que la demande ainsi déposée a fait l'objet d'une extension internationale PCT en date du 11 octobre 2010 sous le numéro PCT/FR 11/000 549; que par avenant du 23 juin 2014 la licence d'invention a été transférée en exclusivité à la SARL Mago Invest.

Or en application des articles 71 à 73 du CPI une demande de brevet, dès son dépôt est un titre de propriété industrielle susceptible d'être licencié et cédé à des tiers.

Lorsqu'une demande de brevet internationale et européenne est publiée, elle confère à son titulaire ou son licencié une protection provisoire conformément aux articles 27 PCT et 67 de la convention sur le brevet européen CBE à compter de la publication de la demande de brevet dans les Etats contractants concernés par la demande.

Il en résulte que dès le jour du premier versement de M. A à la SARL Mago Invest en septembre 2014, et au-delà du dernier versement la licence de brevet accordée à la SARL Mago Invest la faisait bénéficier d'une protection provisoire et l'autorisait à l'exploiter dans le cadre d'un réseau de distribution exclusive des produits brevetés sur les territoires concédés.

Par ailleurs même sans écrit la cause et l'objet des versements étaient parfaitement cadrés dans l'esprit des parties au moment de leur exécution.

Ainsi M. A, homme d'affaires averti qui n'a pas hésité à s'engager rapidement pour 1,4 millions et à convaincre des partenaires de soutenir avec lui ce projet, puisque les fonds proviennent manifestement de sociétés tierces au contrat, avait rencontré M. X au mois d'août 2014.

Il s'est rendu sur un salon professionnel au mois d'octobre 2014 pendant plusieurs jours et il disposait alors de nombreux documents commerciaux et publicitaires développant les avantages et les perspectives du concept et des produits à distribuer tenant à un système constitué d'un cuit vapeur (steamer) équipé d'un système de lecture d'une puce (tag) placée sur des bocaux de nourriture élaborés par le groupe XYZ.

Le principe était innovant ainsi que le démontrent tant les nombreux articles de presse publiés dès le mois d'août 2012 que l'obtention du premier prix de la meilleure innovation hôtelière lors du salon parisien Equip Hôtel de 2013.

Et la chose n'était pas impropre à l'usage auquel elle était destinée, la possibilité de réalisation industrielle et technique des produits couverts par le brevet ne fait pas débat; le système fonctionne, il a été vu et vanté par M. A lui-même pendant plusieurs jours sur le salon spécialisé en équipement hôtelier précité et il a fait l'objet d'un développement sur le territoire français par la société « les petits plats » jusqu'à la liquidation judiciaire de celle-ci en 2017.

Les attestations de paiement remises à M. A (cf. attestation du 3 décembre 2014- Attestation du 19 janvier 2015 pour les autres pays) qui qualifient ses versements « d'acomptes sur les contrats liés à la distribution exclusive « des pays en cours de rédaction par le cabinet G » n'ont pas fait l'objet d'observation et cette cause a été reprise dans l'avant contrat du mois de février 2015.

C'est dès lors à tort que M. A explique qu'au moment des versements et de l'avant contrat il n'existait pas d'objet au contrat de distribution ni actuel ni futur puisqu'il ne connaissait ni la composition ni le prix des plats cuisinés.

La cause du paiement était déterminée et déterminable en ce qu'elle correspondait au droit d'entrée en contrepartie de l'exclusivité concédée par le fournisseur pour 35 pays nommés dans le cadre d'un contrat de distribution à venir et portant sur les produits brevetés suivants :

- steamer v1 A131 : au tarif de 120 euros HT

- tag RFID programmé : au tarif de 1,20 euros HT.

En conséquence M. A est débouté en sa demande visant à voir constater l'absence de contrepartie du paiement en raison de la nullité de l'avant contrat du 5 février 2015 pour absence de cause ou d'objet à cette date des contrats qu'il annonçait.

Ensuite M. A a refusé de s'engager et de signer les contrats de distribution présentés au mois d'avril 2015 et les pourparlers ont été définitivement rompus au mois de décembre 2015.

Il a développé dans son courrier d'avocat du 8 décembre 2015 en se fondant sur une consultation rapide transmise par voie électronique le 1er octobre 2015 par son conseil en propriété intellectuelle le cabinet Vidon, qu'il ne souhaitait pas poursuivre plus avant les discussions et qu'il réclamait restitution sous huitaine et sans préjudice d'éventuels dommages et intérêts, de la somme de 1 499 153 euros qu'il avait versée à Magot Invest au titre du droit d'entrée au motif que ce versement s'est révélée être sans cause notamment « parce qu'il semble que le caractère particulièrement innovant des produits consistant dans une puce lue par un steamer ne soit pas susceptible de protection par le droit de la propriété industrielle ».

Mais force est de constater qu'ultérieurement, soit le 27 octobre 2016, la société Mago Invest a bien reçu la notification de la décision de délivrance de son brevet européen par l'office européen des brevets, certifiée par la publication du brevet européen dans le bulletin européen des brevets le 23 novembre 2016 référence 47/2016 enregistrée sous le numéro de 627 958 B1.

La charge de la preuve de l'obtention du brevet pèse sur celui qui a cédé son exploitation mais celle de montrer que le brevet obtenu ne permet pas de garantir une exploitation protégée de la concurrence pèse sur le titulaire de la licence et donc sur M. A.

En l'espèce selon la description de la demande de brevet français la revendication initiale déposée se lisait « dispositif de conditionnement à température d'objets comportant au moins une machine de conditionnement pourvu de moyens de conditionnement couplé à des moyens de commande de ladite machine de conditionnement, ledit dispositif comportant également au moins un objet à conditionner en température, caractérisé en ce que ledit objet comporte au moins un marqueur RFID en ce que ladite machine de conditionnement comporte des moyens de contrôle pourvu d'au moins un récepteur RFID apte à lire les données dudit marqueur RFID, lesdits moyens de contrôle étant couplés audits moyens de commande et agencés pour n'autoriser le déconditionnement dudit objet que sous condition de la reconnaissance au moyen dudit récepteur RFID de données portées par ledit marqueur RFID correspondant à des données préétablies enregistrées par lesdits moyens de contrôle ».

Si la description est figée à compter du dépôt de la demande de brevet, sauf corrections d'erreur matérielle, en revanche, du jour du dépôt de la demande jusqu'au jour où la recherche documentaire préalable au rapport de recherche a été commencée, le demandeur peut déposer de nouvelles revendications. Ainsi la procédure de délivrance est largement marquée par le dialogue qui s'instaure entre l'office des brevets et le déposant.

En l'espèce il n'est pas contesté ainsi qu'il ressort plus précisément du rapport du cabinet VIDON du 23 octobre 2016 que la demande de brevet européen EP 262 79 58 a effectivement donné lieu à des rapports de recherche défavorables par les examinateurs qui ont refusé de délivrer un brevet avec une portée aussi large que celle initialement demandée et qui visait à protéger le principe général de la mise en oeuvre d'une puce RFID portant diverses informations sur la réception contenant la préparation alimentaire pour permettre un contrôle par une machine de conditionnement, qui fait référence à l'élévation ou l'abaissement de la température, au motif qu'il existait des antériorités pertinentes qui remettaient en cause la brevetabilité de ce principe ; qu'en conséquence ont été ensuite supprimées de la description par les demandeurs toutes les mentions relatives à un procédé de conditionnement de façon qu'il soit clair que la revendication se limite à un dispositif de conditionnement.

De fait les observations portées par les examinateurs ont conduit à des remaniements et à des limitations du périmètre de la revendication par les demandeurs au brevet qui dans leurs dernières revendications développaient qu'elles devaient se lire ainsi :

« dispositif de conditionnement en température chaude ou froide d'une préparation alimentaire comportant au moins un objet du type bocal contenant ladite préparation alimentaire et comportant au moins un marqueur RFID et une machine de conditionnement pourvu de moyens de conditionnement couplé à des moyens de commande et comprenant des moyens de contrôle pourvu d'un récepteur RFID apte à écrire des données sur le dit marqueur RFID lesdits moyens de contrôle étend couplé aux dits moyens de commander agencer pour n'autoriser le conditionnement de la préparation alimentaire de sous condition de la reconnaissance par ledit récepteur RFID de données portées par ledit marqueur RFID et de la correspondance de ces derniers à des données préétablies enregistrées par lesdits moyens de contrôle, lesdites données portées par lesdits marqueurs RFID comprenant au moins l'une des informations suivantes:

- identification dudit objet et ou de son contenu,

- la date limitative de consommation/d'utilisation dudit objet et/ou de son contenu,

- le nombre de conditionnements préalablement subi par ledit objet au moyen de ladite machine de conditionnement incrémenté par l'émetteur RFID à chaque cycle de conditionnement,

- la provenance dudit objet et/ou de son contenu, et/ou le temps de conditionnement recommandé pour ledit objet et son contenu, Ledit dispositif permettant de contrôler l'utilisation de ladite machine de conditionnement afin de garantir la qualité et la provenance des dits préparations alimentaires à conditionner.»

Ainsi ils basaient précisément leurs demandes sur des précisions qui limitaient le champ de protection de leurs revendications :

- le récipient est un bocal,

- la puce RFID contient un ensemble d'informations dont au moins : l'identification dudit objet et/ou de son contenu, la date limite de consommation/d'utilisation dudit objet et/ou de son contenu, nombre de conditionnements préalablement subis par ledit objet au moyen de ladite machine de conditionnement incrémenté par l'émetteur RFID à chaque cycle de conditionnement, la provenance dudit objet et/ou de son contenu et le temps de conditionnement recommandé pour ledit objet et son contenu,

- la machine de conditionnement peut incrémenter, sur la puce, le nombre de conditionnements,

- la machine de conditionnement comprend une horloge interne ce qui permet d'interdire le conditionnement par la machine de conditionnement si la date limite est dépassée (comparaison entre la données présentes sur la puce et la date connue horloge interne) et/ou si le nombre de conditionnements noté sur la puce est supérieur à une limite.

Finalement le brevet a été délivré :

« dispositif de conditionnement en température d'objets comportant au moins une machine de conditionnement pourvu de moyens de conditionnement couplé à des moyens de commande de ladite machine de conditionnement, ledit dispositif comportant également au moins un objet à conditionner en température, ledit objet comportant au moins un marqueur RFID et ladite machine de conditionnement comportant des moyens de contrôle pourvu de moi un récepteur RFID apte à lire des données dudit marqueur RFID, lesdits moyens de contrôle étant couplés aux dits moyens de commander agencer pour n'autoriser le déconditionnement dudit objet que sous condition de la reconnaissance au moyen dudit récepteur RFID correspondant à des données préétablies enregistrées par lesdits moyens de contrôle, ledit dispositif étant caractérisé en ce que ledit objet est un bocal destiné à contenir ou contenant une préparation alimentaire »

M. A estime avec au soutien le rapport du cabinet Vidon que la mise en oeuvre de puces RFID sur des objets pour qu'elles soient lues par des machines de conditionnement était donc connue et que la seule nouveauté brevetée concernait l'utilisation d'un bocal destiné à contenir ou contenant une préparation alimentaire qui ne peut être conditionnée à température qu'en respectant les informations listées dans la puce; que l'INPI n'a pas la possibilité de rejeter une demande de brevet pour absence d'activité inventive, qu'elle délivre un brevet dès que l'invention revendiquée apparaît nouvelle mais qu'il est ainsi constaté l'absence d'intérêt et de potentiel de ce brevet qui laisse apparaître en creux toutes les possibilités pour les concurrents de produire des dispositifs proches mais non contrefaisants.

Mais l'avis ainsi émis par le cabinet d'avocats ne saurait suffire à lui seul à démontrer que les droits de la SARL Mago Invest tirés du brevet accordé en 2016 étaient insuffisants pour conserver aux produits distribués leur originalité et leur spécificité suffisantes et donc pour garantir au contrat de distribution à conclure avec M. A un objet et une cause.

En effet il faut constater en premier lieu que si le périmètre du brevet obtenu est inférieur à celui demandé en 2010 il n'offre pas moins pour autant la protection d'un dispositif de conditionnement proposé en libre-service permettant de garantir tout au moins au consommateur grâce à l'utilisation des bocaux, de la puce et du steamer, la mise en température idéale, la provenance et la qualité de la préparation alimentaire conditionnée dans les bocaux et donc à lui assurer que les repas réchauffés sont bons à consommer.

La réduction du périmètre peut établir une fausseté partielle de la cause et entraîner la réduction à la mesure de la fraction subsistante à supposer qu'elle ait eu une incidence sur les produits à distribuer sur l'économie du contrat et la volonté des parties.

A ce titre il faut souligner qu'à l'exception des correspondances électroniques échangées aux mois de septembre et octobre 2014 ayant pour objet de transmettre des comptes prévisionnels, il n'existe aucun échange pré contractuel sur la nature du projet, son contenu et les obligations respectives des parties permettant à la cour de déterminer la commune intention des parties.

Le premier document écrit est constitué par l'avant contrat du 5 février 2015 qui a été signé par les parties.

Il permet de constater que les parties ont :

Rappelé qu'B et Y ont mis au point une invention portant sur un dispositif de conditionnement en température d'objets et un procédé de conditionnement qui a fait l'objet d'un dépôt de brevet français d'une extension internationale que la société Mago Invest souhaite concéder le droit au distributeur de distribuer en exclusivité les produits brevetés que ces produits sont les suivants : « steamer V1A131- Tag RFID programmés ».

De l'incertitude et de la généralité des termes utilisés et de l'existence d'un tag et d'un steamer dans le dispositif de conditionnement ayant obtenu un brevet en 2016, il ressort que la réduction du périmètre ne démontre pas à ce titre une violation des obligations du cédant nées de l'avant contrat.

Et si le brevet n'a été accepté qu'en ce qu'il porte sur un bocal contenant une préparation alimentaire force est de constater en premier lieu que les nombreuses photos, revues de presse et documents publicitaires permettent de retenir que les contenants alimentaires étaient dès l'origine et avant la signature de l'avant contrat, des bocaux, de sorte que la constatation d'aucune limitation à l'objet de la licence du fait que le contenant sur lequel était apposée la puce soit limité à des bocaux ne peut être faite. Les intimés font également observer à juste titre que le fait d'utiliser un bocal permet de stériliser ce bocal afin de pouvoir le conserver à température ambiante ce qui est particulièrement intéressant dans le cas par exemple d'hôtels ne comportant pas d'installations frigorifiques, que la stérilisation permet d'offrir une date limite d'utilisation optimale plus importante que des préparations alimentaires destinées à être conservées dans un réfrigérateur.

De fait la forme précise prise par l'objet du contrat est un ensemble complexe qui même s'il associe des éléments connus qui n'ont pas été brevetés n'en inclut pas moins pour autant d'autres éléments brevetés puisque un brevet a été accepté, et ensemble avec le concept crée par la SARL Mago Invest il constitue une combinaison qui démontre un effort créatif et économique certain qui a d'ailleurs été reconnu par les spécialistes de l'hôtellerie, qui fonctionne, était développé directement par son concepteur et qui a séduit M. A qui souligne lui-même son implication dans l'hôtellerie et la restauration remontant aux années 2000 qui lui permettait d'appréhender l'intérêt de répondre ou non à l'offre de développement exclusif en Europe du produit présenté qui lui était faite.

Et reprenant les éléments publicitaires en sa possession lorsque M. A s'est engagé, la cour observe que les « avantages pour l'hôtel » qui y figurent restent valables : proposer aux clients un concept inédit de restauration haut de gamme leur permettant de se restaurer dans leur chambre aucune perte de stock (date limite optimale plus trois ans) aucune obligation de chaîne de froid stockage en réserve/température ambiante aucune main-d’œuvre supplémentaire très faible consommation électrique, chambre impeccable, pas d'aucune odeur de gras ni salissure.

De même sont retrouvés les avantages pour le client : simple, rapide, raffiné, toujours disponible, sain.

Également le mode d'utilisation n'est pas modifié puisqu'il subsiste une puce d'identification RFID et un steamer équipé d'un lecteur permettant de reconnaître et d'exécuter les informations présentes dans chaque puce.

Si M. A craignait la concurrence de produits similaires tenant à la restriction du domaine protégé celle-ci ne ressort pas des éléments du dossier, et ni à cette date, ni ce jour, il ne justifie que le concept de produits dont la distribution exclusive lui a été accordée a été copié, existe et est développé. Il ne demande pas à la cour d'analyser une action en contrefaçon au motif que les mêmes produits seraient distribués par un tiers lui faisant ainsi concurrence ou de se prononcer sur une violation du droit de distribution exclusif (approvisionnement et distribution) des produits brevetés sur lesquels il disposait des droits tirés du dépôt de la demande de licence puis de la licence accordée à son contractant. Il ne se prévaut pas d'une violation du contrat de distribution exclusive n'allègue pas même qu'il se sentait menacé par un tiers au moment de la rupture des pourparlers.

Il en ressort qu'il n'apparaît pas que le périmètre du brevet obtenu par la SARL Mago Invest en 2016 prive de cause et d'objet, ni même ne les réduise, le contrat de sous-licence de brevet et par voie de conséquence le contrat d'exclusivité de distribution et d'approvisionnement des produits brevetés proposés à M. A et qu'il ne permettait plus à celui-ci de bénéficier des droits nécessaires pour développer de manière exclusive dans les territoires concédés des préparations alimentaires longue conservation présentées dans un bocal à réchauffer dans un appareil assurant au consommateur une sécurité alimentaire et gustative tenant aux informations contenues dans la puce impérativement lues par l'appareil pour fonctionner.

Sur la nullité de l'avant-contrat de 5 février 2015 pour dol.

S'agissant du consentement il n'existe pas s'il a été extorqué ou surpris par dol.

L'article 1116 du Code civil énonce que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiqués par l'une des parties sont telles qu'il est évident que sans ces manœuvres l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé par l'existence d'artifices de fraude de silence coupable, de tromperie, suffisante pour aboutir à une erreur du contractant sans laquelle il n'aurait pas conclu.

Il convient d'apprécier les manœuvres selon la qualité de celui de qui elles émanent et de celui à qui elles s'adressent de sorte qu'en matière commerciale, la seule insistance et l'exagération ne dépassant pas ce qui est habituel dans les pratiques commerciales ne peuvent suffire à caractériser le dol.

L'erreur sur la valeur dès lors qu'elle a été provoquée par une manœuvre du cédant, peut justifier l'annulation de l'acte.

L'erreur sur le prix consistant en une erreur sur la valeur par laquelle, sans se tromper sur les qualités essentielles de la prestation, un contractant fait seulement de celle-ci une appréciation économique inexacte n'est pas une cause de nullité de la convention.

Par ailleurs l'erreur n'est une cause de nullité que d'une part lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose de laquelle les parties ont expressément ou tacitement convenu avant de contracter et qui incluent notamment l'idée fausse qu'une partie avait de la nature des droits qu'elle croyait acquérir par l'effet du contrat et que d'autre part elle est excusable au regard des circonstances et de la personne qui l'a faite.

La validité du consentement s'apprécie au moment de la formation du contrat si ce n'est le droit de celui qui invoque la nullité de se servir d'éléments d'appréciation postérieure à la conclusion du contrat pour prouver cette erreur et donc pour prouver que la qualité substantielle qu'il attendait au moment de la conclusion du contrat n'existait pas.

En l'espèce M. A se prévaut de l'existence d'un dol de son contractant à son égard l'ayant amené à croire faussement à la spécificité du produit au regard du brevet déposé et aux perspectives de croissance du réseau pour l'amener à s'engager.

Mais il a été vu que M. A a été invité à prendre une pleine connaissance des produits et du concept avant son engagement pour un total de 1,4 millions d'euros et il lui appartenait le cas échéant d'étoffer les échanges pré contractuels sur la nature du projet, sur son contenu et les obligations respectives des parties sauf à démontrer une réelle imprudence eu égard à l'ampleur du projet et aux investissements réalisés qui lui est imputable à ce titre et qui a été relevée à juste titre par le tribunal judiciaire.

De même il a choisi avec la même précipitation dès l'année 2015, avant l'obtention du brevet définitif et sur la base d'une courte consultation d'un cabinet d'avocat de ne plus donner aucune chance commerciale au projet de distribution exclusive des préparations alimentaires alors même qu'il a été vu que finalement le périmètre du brevet obtenu lui permettait une distribution protégée à la hauteur du projet initial.

Il reproche encore aux intimés la transmission le 17 octobre 2014 d'un état prévisionnel du chiffre d'affaires relatif à la Suisse établi par la direction de la société les petits plats de France représentée par Monsieur Z qui a été contredit après les versements, en mars 2015 puisque le premier présente avantageusement, pour 2015, un chiffre d'affaires de 4 089 720 euros hors-taxes pour un résultat d'exportation de 770 233 euros, en 2016 un chiffres d'affaires d'un montant de 11 247 154 euros hors-taxes pour un résultat d'exploitation de 2'798 175 euros, et en 2018 un chiffres d'affaires d'un montant de 18 204 734 euros hors-taxes pour un résultat d'exploitation de 4 508 195 euros, alors que le second, présenté par Monsieur Z à la société CREST qui était intéressée par un partenariat sur la Suisse, laisse apparaître un résultat d'exploitation négatif la première année et n'annonce qu'un gain de 3 millions d'euros les deux années suivantes.

Mais il faut constater qu'il ne s'agit dans les deux cas que de prévisionnels portant sur une activité nouvelle sur le développement de laquelle aucun recul n'était possible, que la rupture des relations a empêché la poursuite de l'activité et ne permet pas d'établir le caractère erroné des informations. Dans tous les cas ce prévisionnel annonçait un gain de 3 millions d'euros les deux années suivantes conforme au prévisionnel d'octobre 2014.

En outre l'établissement par M. A en septembre 2014, de son propre prévisionnel de chiffre d'affaires pour la première année d'exploitation pour la Suisse, démontre qu'il était en capacité d'établir des prévisionnels et par voie de conséquence de les lire et il est évident qu'il était dans son intérêt d'apprécier la pertinence de ceux proposés par son partenaire, notamment au regard de critères de lecture liés à différents problèmes de développement qu'il rencontrerait forcément et qui lui avaient été conseillés par Monsieur X lui-même dans son courriel du 22 septembre 2014 en réponse (temps de mise en place de la force de vente, date des salons professionnels ensuite, inertie des groupes hôteliers..).

Dans tous les cas le caractère déterminant du prévisionnel du 17 octobre 2014 dans la décision de M. A de conclure le contrat ne ressort d'aucun élément.

Ainsi le versement de 400 000 euros n'est effectué que 1 mois plus tard soit le 18 novembre 2014.

Il est concomitant au déroulement du salon Equip Hôtel du 16 au 20 novembre 2014.

Or de la lecture des mails échangés et de l'enthousiasme manifesté par l'appelant pour le projet ressort la démonstration que cet événement du mois de novembre a fondé son intention de s'engager plus avant et donc de régler cette seconde redevance.

D'ailleurs les derniers paiements qui visaient à étendre les droits de M. A à l'ensemble des pays européens à l'exception de 3 pays et qui ont été effectués les 19 et 22 décembre 2014 (100 000 et 900 000 euros) ne reposaient sur aucun état prévisionnel.

Il est précisé que les vices extrinsèques ou d'exploitation des brevets qui trouvent leur origine dans l'accueil des biens par les clients ne sont pas de la responsabilité du cédant, que le vice commercial qui désigne l'insuccès économique de l'exploitation d'un brevet et l'absence de valeur commerciale qui résulte de l'inadéquation entre l'exploitation du brevet et le marché ne sont pas garantis par le bailleur de sorte que l'existence d'un vice commercial évalué par M. A fin 2015, avant même l'obtention du brevet en 2016 ne caractérise par le dol de son contractant.

En conséquence l'existence d'un dol commis pour convaincre M. A du versement d'un droit d'entrée et justifiant sa restitution, n'est pas démontrée et la demande en nullité de l'avant contrat sur ce fondement est rejetée.

Sur les conséquences de l'absence de conclusion du contrat de distribution.

La société Mago Invest développe qu'il ne fait absolument aucun doute que le paiement dont M. A s'est acquitté trouvait sa cause dans l'accord de principe convenu entre les parties, savoir déterminer les conditions dans lesquelles interviendraient la distribution exclusive de l'invention dans 35 pays ainsi que le droit d'exploitation subséquent.

En effet l'avant contrat du 5 février 2015 précise expressément « que le document n'a pour objet que de déterminer les conditions dans lesquelles seront conclus un contrat de distribution exclusive et une sous-licence de brevet entre les parties étant précisé que l'ensemble des éléments énumérés ci-après feront l'objet de négociations avant la rédaction du contrat définitif de distribution et de la sous-licence de brevet ».

Mais ainsi la cause du paiement disparaissait avec la disparition de l'accord de principe convenu sur la conclusion des contrats de distribution et de sous-licence dans les conditions déterminées par cet accord et donc à défaut de conclusion de ces contrats.

Or le contrat de distribution contenant l'exclusivité de distribution offerte en contrepartie du paiement de la redevance n'a finalement pas été conclu, les parties n'ayant pas trouvé d'accord sur les éléments qui devaient encore faire l'objet de négociation.

Il en résulte que le paiement d'un droit d'entrée est devenu sans cause même si comme le développent les intimés, il a été fait librement et que l'appelant a eu le temps de mesurer la portée de son engagement.

La société Mago Invest a pris le risque d'encaisser par avance un droit d'entrée dans un contrat de distribution sans conclure préalablement un tel contrat.

Il peut être rajouter que si elle « a été stupéfaite » de constater que le dernier versement de 900 000 euros émanait non de M. A mais d'une société étrangère elle n'a néanmoins jamais remis en cause le fait que ce paiement avait été effectué pour le compte de M. A, que M. A s'est acquitté d'un total de 1 499 953 euros comme elle l'a reconnu en signant l'avant contrat du 5 février 2015

Ainsi l'enthousiasme, l'impatience et l'imprudence de M. A a réglé aussi rapidement son droit d'entrée dans un circuit exclusif de distribution, qui ont été précédemment relevées n'ont d'égales que celles de son contractant qui a encaissé une somme de près de 1,5 millions sans attendre l'existence définitive de la cause du paiement et donc sans attendre la conclusion d'un contrat de distribution dans le cadre de l'accord de principe posé dans l'avant contrat.

En conséquence en l'absence de contrepartie de la société Mago Invest à offrir au paiement du droit d'entrée de M. A, elle doit être condamnée à lui rembourser la somme versée.

Sur la responsabilité des parties dans le défaut de conclusion du contrat de distribution.

L'article 1112 du Code civil pose que l'initiative, le déroulement et la rupture des négociations pré contractuelles sont libres ; que néanmoins ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi.

Il en résulte que n'est pas abusive la rupture de pourparlers lorsque les négociations sont demeurées à un stade peu avancé, que les parties ne sont pas parvenues à un accord sur les points essentiels et que les cédants ont exprimé très rapidement au potentiel cessionnaire leurs réserves quant à la poursuite de l'opération.

En l'espèce il ressort des développements précédents que l'appelant a fait preuve jusqu'au début de l'année 2015 d'une implication totale pour aboutir à un contrat de distribution exclusive des produits sous-licence puisqu'il a versé rapidement et par avance un droit d'entrée de 1,4 millions dès fin 2014, a signé l'avant contrat en février 2015 et a commencé à développer le réseau de distribution en engageant des frais importants.

Les intimés développement eux même que M. A n'a eu de cesse également de solliciter les collaborateurs de M. X  pour réaliser la documentation nécessaire à la commercialisation et les documents administratifs et financiers, qu'il a essayé de maintenir les discussions en proposant de nouveaux rendez-vous dont encore en septembre 2015 en présence d'un associé d'un chef étoilé internationalement connu.

Il ne ressort pas de ces éléments la preuve qu'il a cherché ainsi à gagner du temps et ne souhaitait pas réellement s'investir dont entendent se prévaloir les défenseurs.

Si ils affirment encore « que de plus fort » M. A a tenté de revenir sur les conditions prévues à l'avant contrat force est de constater qu'au contraire l'avant contrat lui-même ouvrait largement la voie aux discussions sur de nombreux points et que la société Mago Invest entendait associer au contrat de distribution un contrat d'approvisionnement exclusif particulièrement exigeant pour le preneur sans avoir fixé préalablement au paiement du droit d'entrée, des éléments déterminants non couverts par la licence tenant notamment à la composition des plats cuisinés ainsi imposés, le prix de ceux-ci et le volume de commandes.

Encore en refusant à M. A l'exploitation propre de la sous-licence et donc un développement en dehors du contrat d'exclusivité de distribution et d'approvisionnement, elle lui faisait perdre l'intérêt du contrat spécifique de sous-licence exclusive.

Lorsque les pourparlers ont été clos par le mail précité du 8 décembre 2015, d'une part la société Mago Invest n'avait pas encore obtenu le brevet pour lequel était déposée une demande depuis 2010 et celui-ci faisait l'objet de discussions avec l'office européen qui laissaient présager une restriction importante du périmètre et d'autre part les discussions ouvertes par l'avant contrat n'avaient abouti sur rien.

Aussi à défaut de démonstration de sa mauvaise foi par son contractant, M. A pouvait, sans faute, refuser de poursuivre plus longtemps des discussions qui étaient bloquées sur des éléments déterminants et essentiels de la conclusion des contrats de distribution et d'approvisionnement.

Après cette rupture à l'initiative de M. A, la SARL Mago Invest était libre d'exploiter sa licence de sorte que le préjudice d'inexploitation qu'elle invoque n'est dû d'une part, en amont, qu'à sa propre impatience à s'engager dans les liens contractuels et à obtenir le paiement d'une redevance d'exploitation de produits partiellement protégés par une licence, et d'autre part, après la rupture, à son incapacité à exploiter par d'autres voies la licence qu'elle détenait.

Il faut préciser encore que la paralysie du compte bancaire luxembourgeois de la société Mago Invest par la saisie du 12 novembre 2015 dont elle se plaint, ne ressort pas des pièces du dossier, que le saisi ne démontre pas le caractère particulièrement préjudiciable de celle-ci ni qu'en tout état de cause la créance saisie était supérieure à sa dette de remboursement.

En outre le préjudice qui aurait résulté de l'impossibilité d'exploiter le brevet dans l'ensemble de l'Europe ne résulte encore que d'allégations puisque aucun élément ne démontre le développement particulièrement exponentiel de la société Mago Invest en raison d'une très large diffusion à l'international en Amérique du Nord, Moyen Orient et en Asie dont elle se prévaut, que celle-ci reconnaît qu'elle a signé le 15 décembre 2015 une convention autorisant la société Mfamily et ses filiales à développer ses activités en Europe et qu'en France la société La société Les petits plats qui conservait la licence sur ce territoire sans être gênée par la position de M. A, a été placée en liquidation judiciaire en 2017.

Aussi l'existence d'un préjudice économique ou d'image qu'aurait subi la société Mago Invest du fait du comportement de M. A n'est pas même démontrée.

En conséquence le jugement est confirmé en ce qu'il déboute la SARL Mago Invest de sa demande en réparation.

M. A réclame quant à lui une somme de 1 427 382 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice distinct subi.

Mais il faut constater que de la manière qu'il a payé un droit d'entrée sans dol ni pression de son contractant, avec légèreté et précipitation sans s'assurer d'un accord de son partenaire sur des conditions contractuelles essentielles tenant notamment au prix des plats cuisinés à distribuer ou le volume d'affaires, il a engagé des frais de développement de son réseau.

La société Magot Invest détenait à cette date les droits d'exploitation du brevet, engageait elle même des frais pour développer son réseau sur les territoires qu'elle avait conservés, qu'ensuite la réduction du périmètre de celui-ci n'avait pas privé M. A de la possibilité de développer le circuit de distribution à hauteur de la commune intention des parties et qu'il a lui-même rompu les pourparlers permettant d'aboutir à la conclusion du contrat de distribution.

En conséquence le préjudice qu'il a subi du fait de l'engagement de frais lui est imputable sans faute de la société Mago Invest de sorte qu'il est débouté de sa demande en réparation à ce titre et que le jugement du tribunal judiciaire est confirmé.

Sur la responsabilité de Maître B

M. A estime que l'avant contrat du 5 février 2015 contient des erreurs et des lacunes qui lui sont préjudiciables.

Il entend engager à ce titre la responsabilité professionnelle de Maître B lui reprochant un manquement à son obligation de conseil dans la mesure où en sa qualité d'avocat rédacteur de ce contrat il lui appartenait d'y apporter toutes diligences pour le rendre équitable.

Mais une intervention de Maître B dans le processus contractuel n'apparait dans les pièces du dossier qu'à une seule occasion constituée d'un courrier électronique envoyé par celui-ci à Monsieur Z le 2 décembre 2014 indiquant « je m'attelle à la rédaction d'un contrat de distribution exclusive afin de monter un partenariat avec le groupe C pour la distribution de vos produits sur le territoire de l'Europe je vous soumettrai un projet sous quinzaine ».

Or ce mail est trop ambigu pour suffire à démontrer un rôle de Maitre G précisément dans l'élaboration de l'avant contrat du 5 février 2015.

Et M. A n'allègue pas même que Maître B était présent au moment de la signature de l'avant-contrat, ni qu'il ait été d'une quelconque manière en contact avec celui-ci.

Et le document querellé qui contient les initiales de la SARL Mago Invest ne porte aucune trace d'une intervention de Maître B

Dans tous les cas le tribunal a observé à juste titre que M. A ne démontrait pas l'existence d'un préjudice qui aurait résulté de la signature d'un contrat qu'il a appelée de toutes ses forces après qu'il ait versé, sans intervention alléguée de Maître B, la somme de 1,4 millions, qui donnait à celui-ci une cause qui ne fait pas débat dans son principe et qui lui offrait le droit d'entrer en pourparlers sur les conditions des contrats de distribution et donc de refuser, sans mauvaise foi, les offres faites.

En conséquence le tribunal judiciaire est confirmé en ce qu'il le déboute de sa demande en réparation d'un préjudice dirigé contre celui-ci

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Troyes en toutes ses dispositions si ce n'est en ce qu'il déboute M. A de sa demande de restitution de la somme de 1,499 953 euros correspondant à la contrepartie d'un droit d'entrée dans un contrat de distribution exclusive qui n'a pas été conclu et le condamne au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau sur ce point et ajoutant,

Condamne la société Mago Invest à payer à M. A la somme de 1 499 953 euros

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure, chacune des parties gardant à sa charge ses frais irrépétibles,

Condamne la société Mago Invest aux dépens.