CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 10 septembre 2021, n° 20/15513
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Triangle 35 (SAS)
Défendeur :
Adequat 223 (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Chokron
Conseillers :
Mme Lehmann, Mme Marcade
Avocats :
Me Baechlin, Me Lussault
Arrêt :
Par défaut
Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Brigitte CHOKRON, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu l'ordonnance contradictoire rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Sens le 7 octobre 2020 qui a notamment :
- déclaré incompétent le tribunal judiciaire pour statuer sur les demandes de la société Triangle 35,
- renvoyé la société Triangle 35 et Mme X devant le conseil des prud'hommes de Sens,
- renvoyé la société Triangle 35 et la société Adequat 223 devant le tribunal de commerce de Sens,
- dit qu'à défaut d'appel, le dossier de la présente affaire sera transmis aux juridictions désignées,
- condamné la société Triangle 35 à payer les sommes de 1.000 euros à Mme X et de 1.000 euros à la société Adequat 223 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Triangle 35 aux dépens,
Vu l'appel interjeté le 30 octobre 2020 par la société Triangle 35,
Vu l'ordonnance rendue le 9 novembre 2020 par le magistrat délégataire de M. le président de la cour d'appel de Paris autorisant l'assignation à jour fixe pour l'audience du 2 juin 2021 et l'audience tenue à cette date,
Vu l'assignation délivrée les 26 novembre 2020 à «personne» à la société Adequat 223 et le procèsverbal de vaines recherches au dernier domicile connu de Mme X établi par huissier de justice le 27 novembre 2020, et remis au greffe le 7 décembre 2020,
Vu l'absence de constitution d'avocat de la société Adequat 223 et de Mme Y
SUR CE, LA COUR,
La société Triangle 35 demande à la cour d'infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise, de constater que les faits de concurrence déloyale sont reprochés à une société commerciale mais également à une personne physique non commerçante et que le litige présente un caractère indivisible et en conséquence de juger le tribunal judiciaire de Sens compétent pour statuer sur les demandes formées devant lui. Elle sollicite également la condamnation solidaire de la société Adequat 223 et de Mme X à lui payer la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Selon les articles L. 1411-1 et L. 1411-4 du code du travail, le conseil des Prud'hommes est seul compétent pour connaître des litiges, quel que soit le montant de la demande, pouvant s'élever à l'occasion de tout contrat de travail entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient, toute convention contraire étant réputée non écrite.
Selon l'article L. 721-3 du code de commerce, la juridiction compétente pour statuer sur l'action en concurrence déloyale engagée entre deux sociétés commerciales est le tribunal de commerce, sans que cette compétence d'attribution soit d'ordre public.
L'article 51 du code de procédure civile dispose que le tribunal judiciaire connaît de toutes les demandes incidentes qui ne relèvent pas de la compétence exclusive d'une autre juridiction et que sauf disposition particulière, les autres juridictions ne connaissent que des demandes incidentes qui entrent dans leur compétence d'attribution.
Ainsi, soit les faits de concurrence déloyale reprochés ont été commis pendant l'exécution du contrat de travail, ou postérieurement mais en violation d'obligations contractuelles notamment de non concurrence et la juridiction prud'homale est compétente pour en connaître, en vertu de l'article L. 1411-4 du code du Travail, soit les faits ont été commis postérieurement à la rupture du contrat de travail, et alors le tribunal judiciaire est compétent, pour connaître des actes détachables d'un contrat de travail reprochés à une personne physique, non commerçante.
Aux termes de l'assignation introductive d'instance et de conclusions au fond notifiées pour une audience du 2 septembre 2020 devant le tribunal judiciaire, communiquées à la cour, la société Triangle 35 expose que :
- elle exerce son activité dans le domaine du travail temporaire et exploite une agence située à Sens,
- Mme X est entrée au sein du groupe Triangle en 2003 et a été au sein de l'agence de Sens successivement assistante d'agence, attachée commerciale puis responsable d'agence à compter du 1er février 2017 jusqu'à son départ effectif le 21 septembre 2017, suivant lettre de démission adressée le 1er juin 2017.
- son contrat de travail et ses avenants contenaient une clause de non concurrence d'une durée de 24 mois après la fin de son contrat et une clause de confidentialité et de secret professionnel.
- au départ de Mme X, la société Triangle 35 a renoncé à la clause de non concurrence induite en erreur par les déclarations mensongères de sa salariée lui indiquant avoir trouvé du travail dans une entreprise non concurrente.
- la société Adequat 223, qui exploitait également un agence de travail temporaire à Sens, a décidé en décembre 2017 d'ouvrir une seconde agence dans la ville et la société Triangle 35 a appris que son ancienne salariée Mme X y travaillait.
- la société Triangle 35 a sollicité et obtenu, le 12 mars 2018, du président du tribunal de commerce de Sens que soit opéré par huissier de justice, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, un constat par huissier de justice dans les locaux de la société Adequat 223 afin de connaître les fonctions de Mme X au sein de l'agence et les données commerciales, fichiers clients et intérimaires de l'agence qui seraient communs avec les siens dont la liste avait été appréhendée par un constat établi par huissier de justice le 19 décembre 2017.
- les opérations de constat sur requête se sont déroulées le 19 décembre 2017. La société Adequat a tenté, en vain, d'obtenir la rétractation de l'ordonnance ayant autorisé les opérations de constat.
- la société Triangle 35 prétend avoir subi un détournement de clientèle opéré au bénéfice de la société Adequat 223 entraînant une perte de son chiffre d'affaires lui causant un préjudice dont elle demande réparation sur le fondement de la concurrence déloyale au visa de l'article 1240 du code civil et sollicite à ce titre, la condamnation solidaire de la société Adequat 223 et de Mme X à lui verser la somme de 100.000 euros de dommages et intérêts.
La société Triangle 35 définit par ses écritures devant le tribunal judiciaire les agissements fautifs qu'elle reproche à Mme X comme étant doubles, «tout, d'abord elle a obtenu frauduleusement la levée de sa clause de non concurrence et elle a manqué à l'obligation de confidentialité et de loyauté qui lui a pourtant été rappelée à l'issue de son contrat de travail». Le débat portait essentiellement sur la validité de ces deux clauses, sur le fait que l'employeur n'aurait pas de manière éclairée renoncé à la première et que la seconde restait en tout état de cause en vigueur après le départ de la salariée.
La société Triangle 35 reproche à la société Adequat 223 d'avoir débauché Mme X et de s'être ainsi approprié les connaissances et informations acquises par celle-ci chez son ancien employeur et ce en violation des obligations du contrat de travail qui la liait à la société Triangle 35.
Dès lors, les reproches formulés à l'encontre de Mme X sont exclusivement des faits de concurrence déloyale commis concomitamment à sa démission et postérieurement mais en violation d'obligations qu'elle tenait aux dires de la société Triangle 35 de son contrat de travail.
Ainsi, c'est à juste titre que l'ordonnance attaquée a retenu que ni le caractère postérieur des faits reprochés à Mme X à la rupture de son contrat de travail, ni la prétendue indivisibilité du litige ne permettent de faire échec à la compétence exclusive du conseil des prud'hommes pour y statuer et que par suite le litige portant sur la participation prétendue de la société Adequat 223 aux actes de concurrence déloyale relève du tribunal de commerce dans la mesure où il met en cause deux sociétés commerciales.
En conséquence, l'ordonnance entreprise sera confirmée en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
Confirme l'ordonnance entreprise du 7 octobre 2020 du juge de la mise en état en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Renvoie la procédure au conseil des prud'hommes de Sens s'agissant des demandes formées à l'encontre de Mme X et devant le tribunal de commerce de Sens pour celles formées à l'encontre de la société Adequat 223 conformément à l'article 86 alinéa 1 du code de procédure civile,
Laisse les dépens et les frais irrépétibles de la procédure d'appel à la charge de la société Triangle 35.
La Greffière La Présidente
Composition de la juridiction : Brigitte CHOKRON, Laurence LEHMANN, Carole TREJAUT, Jeanne BAECHLIN, SCP Jeanne BAECHLIN, SELARL CL
Décision attaquée : C. Prud. Sens 2018-03-12
Copyright 2021 - Dalloz - Tous droits réservés.