CA Rennes, 4e ch., 9 septembre 2021, n° 19/04474
RENNES
Arrêt
Infirmation partielle
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Rauline
Avocats :
Me Baron, Me Bettini Malecot
Exposé du litige :
Le 14 avril 2018, Mme A Z a conclu avec M. B C un contrat relatif à la rénovation de la façade de sa maison, moyennant la somme de 11 000 euros dont 1 800 euros d'acompte versé lors de la signature du contrat.
Les travaux ont été réalisés. Mme Z n'a pas réglé le solde des travaux. Elle a également fait opposition à l'encaissement du chèque d'acompte de 1 800 euros.
Par acte d'huissier du 18 octobre 2018, M. C a fait assigner Mme Z devant le tribunal de grande instance de Saint Brieuc en paiement du montant des travaux.
Par un jugement réputé contradictoire, assorti de l'exécution provisoire, du 29 avril 2019, le tribunal de grande instance de Saint Brieuc a :
- condamné Mme Z à payer 11 000 euros à M. C ;
- condamné Mme Z à payer 500 euros à M. C en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;
- rejeté toute autre demande.
Mme Z a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 4 juillet 2019.
Dans ses dernières conclusions du 25 février 2020, Mme Z au visa des articles L. 221-5, L. 221-10, L. 221-18 et L. 221-25 du code de la consommation, ainsi que des articles 1178, 1352 et 1352-9 du code civil, demande à la cour de :
- infirmer le jugement dont appel ;
- prononcer la nullité du contrat conclu entre Mme Z et M. C ;
- débouter M. C de sa demande de paiement et de sa demande de dommages intérêts ;
- condamner M. C à payer à Mme Z la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Mme Z soutient que le contrat, conclu hors établissement dans le cadre d'un démarchage à domicile et par suite soumis aux dispositions du code de la consommation, est nul. Elle fait observer que l'article L. 221-5 de ce code impose la communication au consommateur, quand existe un droit à rétractation, des conditions, du délai et des modalités d'exercice de ce droit, ainsi que d'un formulaire type de rétractation ; que par ailleurs le consommateur dispose d'un délai de 14 jours pour se rétracter pendant lequel la prestation ne doit pas être exécutée sauf accord d'exprès du consommateur ; que de même aucun paiement ou contrepartie ne peut être exigée par le professionnel avant l'expiration d'un délai de 7 jours à compter de la conclusion du contrat. Elle relève qu'en l'espèce, l'intimé a méconnu l'ensemble de ces dispositions ayant exécuté immédiatement les travaux et perçu un acompte sans obtenir son accord exprès et sans qu'elle ait été informée de son droit à rétractation dans les conditions prévues par le code.
Elle estime que M. C ne peut invoquer les exceptions posées par l'article L. 221-10 du code de la consommation à l'interdiction de paiement ou de toute contrepartie avant l'expiration d'un délai de 7 jours, dont les conditions ne sont pas réunies. Elle fait observer qu'aucune réunion ne s'était déroulée avec son accord à son domicile pour vendre une prestation quelle qu'elle soit et que les travaux de ravalement en cause ne présentaient aucun caractère d'urgence.
Elle en déduit que ce contrat est nul, étant censé n'avoir jamais existé, que les prestations exécutées doivent être restituées, conformément aux dispositions des articles 1352 à 1352-9 du code civil, qu'en l'espèce, elle est fondée pour refuser toute restitution à invoquer l'exception d'inexécution en raison de la mauvaise qualité des travaux attestée par le procès-verbal de constat dressé en 2019.
Estimant que l'intimé à abuser de sa faiblesse et n'a pas respecté ses obligations, elle s'oppose à la demande de dommages et intérêts de M. D
Dans ses dernières conclusions du 9 avril 2020, M. C au visa des articles L. 221-5 et suivants du code de la consommation, 1103, 1104 et 1231-1 du code civil, demande à la cour de
A titre principal,
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :
- condamné Mme Z à payer 11 000 euros à M. C ;
- condamné Mme Z à payer 500 euros à M. C en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;
A titre subsidiaire, si la nullité du contrat était prononcée,
- ordonner la restitution par Mme Z à M. C de la somme de 11 000 euros correspondant à la valeur de la prestation de service qu'il a effectuée, évaluée à la date à laquelle cette prestation a été fournie ;
- dire et juger que M. C n'est tenu de restituer aucune somme à Mme Z ;
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'i l a débouté M. C de sa demande de dommages intérêts ;
Statuant à nouveau de ce chef,
- condamner Mme Z à payer à M. C de la somme de 2 000 euros en raison de son inexécution contractuelle fautive ;
Y ajoutant,
- débouter Mme Z de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner Mme Z à payer à M. C de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement des entiers dépens d'appel.
M. C fait observer que l'appelante se borne à affirmer que les dispositions de l'article L. 221-5 du code de la consommation n'ont pas été respectées sans en apporter la preuve. Il relève au contraire que les pièces qu'elle verse aux débats démontrent que les prescriptions légales et réglementaires ont été respectées, le contrat contenant un formulaire détachable.
Il ajoute que l'interdiction de recevoir paiement ou toute autre contrepartie imposée par l'article L. 221-10 du code de la consommation n'a pas vocation à s'appliquer puisque le contrat conclu relève des exceptions prévues par les 3° et 4° de ce texte, Mme Z ayant expressément accepté que les travaux se déroulent à son domicile, lesquels présentaient un réel caractère d'urgence. Il fait de plus observer que la sanction de l'inobservation de cet article n'est pas la nullité du contrat, laquelle concerne les cas prévus aux articles L. 242-1 à L. 242-3 du code.
Il en déduit que le jugement qui a condamné Mme Z à régler la prestation exécutée doit être confirmé, l'appelante ayant attesté de la qualité du travail effectué du 14 au 25 avril 2018 et n'ayant jamais sollicité la reprise de défauts d'exécution, ce qui aurait été le cas en présence de malfaçons.
A titre subsidiaire, en cas de nullité du contrat, il observe que l'article 1352-8 du code civil impose la restitution de la prestation de service en valeur, appréciée à la date à laquelle elle a été fournie; qu'en application de ce texte, Mme Z doit lui verser la somme de 11000 euros.
Alléguant la malignité de Mme Z qui est restée à ses côtés pendant les travaux et a vanté la qualité de son travail, tout en déposant plainte dans le même temps au motif qu'il ne lui avait pas été remis de justificatif d'assurance, il soutient qu'elle doit l'indemniser du préjudice subi en raison d'un manque de trésorerie depuis avril 2018.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère aux écritures visées ci-dessus.
L'instruction a été clôturée le 11 mai 2021.
Motifs :
- Sur la nullité du contrat:
A soutien de sa demande de nullité du contrat conclu le 14 avril 2018, Mme Z se prévaut des dispositions protectrices applicables aux conventions conclues hors établissement. M. C ne discute pas que le contrat portant sur les travaux de peinture, lesquels s'analysent en une prestation de service, a été conclu hors établissement dans le cadre d'un démarchage au domicile de l'appelante. Cette convention est en conséquence soumise aux dispositions des articles L. 221-1et suivants du code de la consommation.
Le contrat versé aux débats, intitulé « Devis/facture » énonce la désignation des travaux à réaliser, soit le décapage des pignons, façades et boiseries, leur peinture après réparation des façades, ainsi que l'application d'un traitement antimousse, fongicide et imperméabilisant sur la toiture et la réparation de la cheminée moyennant un prix forfaitaire de 11000 euros TTC. Il prévoit un début des travaux le jour même de la signature du contrat et un paiement le 25 avril 2018, en 5 fois sans frais, avec remise d'un acompte de 1800 euros à la signature. Ce document contient en bas de page un formulaire détachable d'annulation de la commande.
Il n'est pas discuté que les travaux ont été réalisés à la suite de la signature du contrat.
Comme le relève Mme Z, l'article L. 221-5 du code de la consommation met à la charge du professionnel avant la conclusion du contrat une obligation d'information précontractuelle qui impose la fourniture au consommateur d'informations sur la prestation, son prix, son délai d'exécution, les coordonnées du professionnel et notamment quand le droit à rétractation existe, ses conditions, son délai et ses modalités d'exercice et quand il ne peut être exercé en application de l'article L. 221-28 du même code, une information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation. Ces informations doivent être fournies de manière lisible et compréhensible.
Or, M. C ne démontre pas avoir fourni ces informations à Mme Z avant la signature du contrat, comme le prévoit l'article L. 221-7 du code de la consommation, qui met expressément cette preuve à la charge du professionnel.
Par ailleurs, l'article L. 221-9 du code de la consommation, impose également à ce dernier de faire figurer dans le contrat les informations prévues à l'article L. 221-5 du même code. Or, sur ce point, force est de constater que si le contrat produit mentionne les coordonnées de M. C et détaille les travaux à réaliser et leur prix, ainsi que la date de début des travaux, il ne contient aucune information sur le droit à rétractation de Mme Z et ses modalités d'exercice, prévus par l'article L. 221-18 et ne dispose pas d'un formulaire de rétractation conforme au modèle prévu par l'article R. 221-1 du code de la consommation, comme le relève l'appelante.
A cet égard, il convient d'observer qu'il n'est pas démontré par l'intimé que le contrat a été conclu dans le cadre de l'un des cas prévus par l'article L. 221-28 du code de la consommation excluant le droit à rétractation et plus particulièrement en application de son 8° qui concerne les travaux d'entretien ou de réparation à réaliser en urgence au domicile du consommateur et expressément sollicités par lui, dans la limite des pièces de rechange et travaux strictement nécessaires pour répondre à l'urgence. Les photographies versées aux débats par M. C révèlent effectivement une peinture extérieure de la maison dégradée, sans toutefois que cette situation ne caractérise une urgence particulière à en réaliser la réfection, faute de justification que cette peinture avait une fonction autre qu'esthétique et que son état était notamment susceptible d'affecter les conditions d'habitation de l'immeuble. En tout état de cause, le contrat ne mentionne pas non plus les cas dans lesquels le consommateur ne dispose pas de ce droit ou en perd l'exercice.
En l'absence d'urgence démontrée à réaliser ces travaux, M. C ne pouvait pas non plus obtenir un chèque d'acompte avant l'expiration d'un délai de 7 jours à compter de signature du contrat, conformément aux dispositions de l'article L. 221-10 du code de la consommation, peu important que Mme Z ait formé opposition sur le chèque remis le jour de la signature du contrat. L'intimé ne peut se prévaloir de l'exception prévue par le 3° de cet article qui concerne les contrats conclus au cours de réunions organisées par le vendeur à son domicile ou au domicile d'un consommateur ayant préalablement et expressément accepté que cette opération se déroule à son domicile. Il n'est en effet justifié d'aucune réunion organisée au domicile de Mme Z avec son accord pour vendre une quelconque prestation.
De la même façon, il ne pouvait commencer les travaux avant l'expiration du délai de rétractation de 14 jours, sauf à recueillir la demande expresse de Mme Z sur ce point après la délivrance d'une information complète, demande qui n'apparaît pas sur le contrat.
Il s'en déduit que le contrat litigieux ne respecte pas les dispositions protectrices d'ordre public des articles L. 221-9, L. 221-10 et L. 221-25 du code de la consommation et est en conséquence nul en application de l'article L. 242-1 du code la consommation qui prévoit expressément cette sanction dès lors que l'article L. 221-9 est méconnu. Le jugement sera réformé de ce chef.
- Sur les conséquences de la nullité :
Conformément à l'article 1178 du code civil le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé. Les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.
Mme Z qui de fait n'a jamais payé les travaux ne peut invoquer pour s'opposer à toute restitution en valeur du travail accompli l'exception d'inexécution au sens de l'article 1217 du code civil, laquelle suppose un contrat valablement formé.
Dans le cadre des restitutions réciproques entraînées par l'annulation du contrat, M. C qui n'a perçu aucune somme et n'a donc aucune restitution à effectuer, est fondé à obtenir de Mme Z la valeur de la prestation de service accomplie, appréciée à la date à laquelle elle a été fournie en application de l'article 1352-8 du code civil.
Il évalue cette valeur à la somme de 11000 euros TTC, ce qui correspond au coût forfaitaire des travaux prévus au contrat. Or, Mme Z verse aux débats un constat d'huissier du 5 août 2019, qui met en évidence une prestation de ravalement affectée de plusieurs défauts esthétiques . Ainsi apparaissent un manque d'égalisation de diverses reprises d'enduits visibles sous la peinture, des rebouchages au mortier non repeints, des décollements importants sur l'arrière de la maison, des différences de teintes et plus globalement une absence générale de soin dans la finition de la prestation (tâches de peinture sur les entourages de fenêtres et les gouttières qui n'ont pas été ôtées, trous de crépis non rebouchés). Par ailleurs, la toiture présente du lichen sur les deux pans et la faîtière, ce qui témoigne également d'une prestation incomplète et peu soignée.
M. C ne produit pas de pièce remettant en cause ce constat et se prévaut d'un document de recommandation rédigé par Mme Z et de l'absence de réserve à la réception. Or, outre qu'aucune réception des travaux n'a été formalisée, la satisfaction de la prestation énoncée dans le document rédigé par Mme Z dans des conditions qui ne sont pas établies, est manifestement démentie par le fait qu'elle a fait opposition au chèque d'acompte versé et n'a pas réglé le solde.
Au regard des pièces produites aux débats, la cour dispose des éléments pour évaluer à 3000 euros TTC, la prestation accomplie par M. C en avril 2018. Mme Z sera condamnée à lui verser cette somme. Le jugement sera réformé en ce sens.
- Sur la demande indemnitaire de M. C :
M. C impute à Mme Z une intention maligne afin de se soustraire à ses obligations et invoque des difficultés de trésorerie.
Toutefois, il est établi que M. C a manqué à son obligation, en sa qualité de professionnel agissant dans le cadre d'une opération de démarchage à domicile chez une personne âgée de 72 ans à l'époque des travaux, de l'informer de l'intégralité de ses droits et plus particulièrement des modalités d'exercice de son droit à rétractation lui permettant de renoncer à cette prestation. Il apparaît en outre qu'il s'est fait remettre immédiatement une contrepartie hors des cas prévus par le code de la consommation, manquement sanctionné par des dispositions pénales.
S'il soutient que Mme Z a de façon déloyale laissé exécuter les travaux en portant plainte de le même temps au motif qu'il n'avait pas fourni d'assurance, cette démarche n'est corroborée par aucune pièce et il n'est pas démontré que Mme Z savait qu'elle pouvait différer l'exécution des travaux à l'expiration du délai de rétractation, information que ne justifie pas lui avoir fourni M D
Par ailleurs, ce dernier évoque des difficultés de trésorerie sans produire aucun élément comptable au soutien de cette affirmation. Dès lors, le jugement qui a rejeté cette demande est confirmé.
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles sont infirmés.
M. C qui succombe sur l'essentiel de ses demandes sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
Il sera condamné à verser à Mme Z une indemnité de 2000' au titre des frais irrépétibles.
Par ces motifs
La cour,
Statuant publiquement, contradictoirement en dernier ressort,
Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de M. C,
Infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Annule le contrat du 14 avril 2018 conclu entre M. C et Mme Z,
Condamne Mme Z à verser à M. C la somme de 3000' au titre de la restitution de la valeur de la prestation accomplie,
Condamne M. C à verser à Mme Z une indemnité de 2000' au titre des frais irrépétibles,
Condamne M. C aux dépens de première instance et d'appel.
Le Greffier, Le Président,
Composition de la juridiction : Hélène RAULINE, Nathalie MALARDEL, Françoise BERNARD, Me Florence BETTINI MALECOT, SCP BARON WEEGER
Décision attaquée : Tribunal de grande instance St-Brieuc 2019-04-29
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