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Décisions

Cass. com., 18 septembre 2019, n° 17-26.274

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Orsini

Avocat :

SCP Spinosi et Sureau

Paris, du 25 avr. 2017

25 avril 2017

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société August Storck KG (la société August Storck), titulaire de la marque communautaire verbale « Merci » n° 3 858 231, déposée le 27 mai 2004 et régulièrement renouvelée, pour désigner les sucreries, chocolat et produits à base de chocolat, pâte pour gâteaux en classe 30, a fait opposition à la demande d'enregistrement n° 15 4 163 735 de la marque verbale « Merci Quercy », déposée par M. H le 11 mars 2015 à l'Institut national de la propriété industrielle (l'INPI) pour désigner divers produits et services en classes 29, 30, 31, 32, 33 et 35 ; que, par décision du 3 décembre 2015, le directeur général de l'INPI a rejeté l'opposition ; que la société August Storck a formé un recours contre cette décision ;

Sur le moyen unique, pris en ses troisième et quatrième branches :

Attendu que la société August Storck fait grief à l'arrêt du rejet de son recours alors, selon le moyen :

1°) que l'absence d'effet dévolutif de l'appel contre les décisions du directeur général de l'INPI dans le cadre d'une procédure d'opposition exclut que puisse être invoqué, devant la cour d'appel, un moyen non soulevé devant l'INPI au cours de la procédure d'opposition et partant, les pièces communiquées à l'appui de ce moyen nouveau mais n'interdit pas de soumettre de nouvelles pièces visant à appuyer un argument dont l'importance a été révélée après la procédure d'opposition ; qu'en l'espèce, la décision Iron Smith/Unilever rendue par la Cour de justice de l'Union européenne n'est intervenue qu'en septembre 2015, soit postérieurement au dépôt de l'acte d'opposition fondé sur la marque renommée « Merci », opéré le 3 juin 2015 et que c'est dans le contexte de cette décision que la société August Storck a commandé un sondage d'opinion visant à établir la connaissance de sa marque en France et que la production dudit sondage ne pouvait donc intervenir au stade de l'opposition ; qu'en jugeant ce sondage irrecevable car non soumis au directeur général de l'INPI sans tenir compte du changement de circonstances intervenues après la procédure d'opposition, la cour d'appel a violé l'article L. 411-4 du code de la propriété intellectuelle, ensemble les articles R. 411-21 à R. 411-25 du code de la propriété intellectuelle ;

2°) que le droit à la preuve est un droit fondamental qui découle du droit d'accès au juge ; qu'en décidant que le sondage produit par la société August Storck, visant à appuyer la notoriété de sa marque dans le contexte des éléments d'interprétation nouveaux résultant de la décision rendue le 3 septembre 2015 par la Cour de justice de l'Union européenne, était irrecevable lorsque la pièce en cause était pourtant indispensable pour établir la condition de connaissance de la marque par le public français telle que prescrite par la Cour de justice de l'Union, la cour d'appel n'a pas permis à la société August Storck d'exercer son droit à la preuve et a, ce faisant, violé l'article 9 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu qu'ayant rappelé que le recours formé devant elle n'avait pas d'effet dévolutif et qu'elle ne pouvait statuer qu'au vu des moyens et des pièces présentées au soutien de la procédure d'opposition devant le directeur général de l'INPI, puis relevé que l'étude réalisée en janvier 2016 par l'institut de sondage Ipsos était postérieure à la décision faisant l'objet du recours et n'avait donc pas été soumise à l'appréciation du directeur général de l'INPI lors de la procédure d'opposition, c'est à bon droit et sans méconnaître les exigences de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au regard du droit à la preuve que la cour d'appel a écarté cette pièce nouvelle, produite devant elle par la société August Storck ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu‘il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en sa première branche, en tant qu'il fait grief à l'arrêt du rejet du recours formé contre la décision du directeur général de l'INPI pour les produits et services non similaires aux produits désignés à la marque « Merci », et en sa deuxième branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen, pris en sa première branche, en tant qu'il critique le rejet du recours formé contre la décision du directeur général de l'INPI, s'agissant des produits et services identiques ou similaires aux produits désignés à la marque « Merci » :

Vu les articles L. 711-4, L. 712-4 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle, ensemble les articles 4, § 1, b) de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 et 9, § 1, b) du règlement (CE) n° 207/2009 du 26 février 2009 sur la marque communautaire ;

Attendu que pour rejeter le recours formé par la société August Storck contre la décision du directeur général de l'INPI pour les produits et services identiques ou similaires aux produits désignés à la marque communautaire « Merci », l'arrêt retient qu'il ressort des pièces fournies qu'il n'est pas démontré que cette marque serait connue d'une partie significative du public pertinent de l'État membre, en l'occurrence la France, dans lequel l'enregistrement de la marque nationale postérieure a été demandé ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, selon la Cour de justice de l'Union européenne (arrêts du 6 octobre 2009, Pago, C-301/07, points 27 et 29, et du 3 septembre 2015, Iron & Smith, C-125/14, points 19 et 20), dès lors que la renommée d'une marque communautaire antérieure est établie sur une partie substantielle du territoire de l'Union, pouvant, le cas échéant, coïncider avec le territoire d'un seul État membre, il y a lieu de considérer que cette marque jouit d'une renommée dans l'Union et il ne saurait être exigé du titulaire de cette marque qu'il apporte la preuve de cette renommée sur le territoire de l'État membre où la demande d'enregistrement de la marque nationale postérieure, faisant l'objet d'une opposition, a été déposée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu, qu'en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation des articles 4, § 1, b), et 4, § 3, de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, ainsi que des articles 9, § 1, b), et 9, § 1, c) du règlement (CE) n° 207/2009 du 26 février 2009 sur la marque communautaire, et leur application respective aux faits de l'espèce, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne des questions préjudicielles posées par la société August Storck ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette le recours formé par la société August Storck KG contre la décision rendue le 3 décembre 2015 par le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle ayant rejeté l'opposition qu'elle avait formée contre la demande d'enregistrement de la marque verbale « Merci Quercy » en ce qui concerne les gelées, confitures, compotes, cacao, sucre, pâtisseries et confiseries, glaces alimentaires, miel, sirop de mélasse, crêpes (alimentation), biscuits, gâteaux, biscottes, sucreries, chocolat et boissons à base de cacao, de chocolat des classes 29 et 30, l'arrêt rendu le 25 avril 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.