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Décisions

Cass. com., 24 octobre 2000, n° 97-20.262

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Arnoux et fils (SA)

Défendeur :

Somolac Sources du Mont Roucous (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

Mme Garnier

Avocat général :

M. Feuillard

Avocats :

Me Ricard, SCP Vier et Barthélémy

Toulouse, 2e ch. civ. du 24 juill. 1997

24 juillet 1997

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches, et le second moyen, les moyens étant réunis :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Toulouse, 24 juillet 1997), que la société Somolac Sources du Mont Roucous (société Somolac) est titulaire de la marque "Montroucous", déposée le 18 décembre 1987, en renouvellement d'un précédent dépôt, enregistrée sous le n° 1 491 551 pour désigner les produits et services des classes 3, 5 et 32, et qui a fait l'objet d'une protection internationale le 15 décembre 1988 sous le n° 532 337 dans la classe 32 ; qu'après saisie-contrefaçon, elle a poursuivi judiciairement en contrefaçon, nullité de marques et concurrence déloyale la société Fontaine de la Reine Frédégonde du Montroucous, actuellement dénommée société Arnoux et fils (société Arnoux), titulaire notamment de la marque "Fontaine de la Reine Frédégonde du Montroucous", déposée le 28 février 1994 ; que la société Arnoux a reconventionnellement sollicité l'annulation de la marque "Montroucous" et de sa protection internationale, ainsi que l'interdiction d'utiliser cette dénomination à quelque titre que ce fût ; que la cour d'appel a fait droit aux demandes de la société Somolac et rejeté celles de la société Arnoux ;

Attendu que la société Arnoux reproche à l'arrêt d'avoir statué comme il l'a fait, alors, selon le pourvoi,

1°) que ne peut être adopté comme marque un signe dont l'utilisation est légalement interdite ;

qu'est interdite toute indication, marque, dénomination ou signe qui, étant appliqué à une eau minérale naturelle, suggère une origine que cette eau ne possède pas ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a elle-même constaté que la source d'eau exploitée par la société Somolac n'était pas située sur le Mont Roucous, ne pouvait déclarer valable la marque déposée pour elle pour l'exploitation de ses eaux, sans violer les articles L. 711-2, L. 711-3-b), L. 714-3 du Code de la propriété intellectuelle, L. 217-1 du Code de la consommation, le décret n° 89.369 du 6 juin 1989 et le décret n° 57.404 du 28 mars 1957 ; alors,

2°) que le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie au regard du produit concerné ; que, s'agissant des eaux minérales ou de source, est dépourvu de signe distinctif et ne peut servir de marque celui qui peut servir à désigner sa provenance géographique ;

qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait valider le dépôt de la marque "Mont Roucous" et l'utilisation sous ce nom de vente de l'eau exploitée par la société Somolac au lieu-dit Puech Del Vert, dès lors qu'il s'agissait d'une dénomination géographique et correspondait au lieu d'exploitation de l'eau de source de la société Arnoux ; que l'arrêt viole les articles L. 711-2, L. 711-3, L. 711-4 du Code de la propriété intellectuelle, L. 213-1, L. 217-1 du Code de la consommation et les décrets n° 57-404 du 28 mars 1957 et n° 89-369 du 6 juin 1989 ; alors,

3°) que ne peut être adopté comme marque, un signe de nature à tromper le public sur la provenance géographique du produit ; qu'en l'espèce, dès lors qu'il est constant qu'à la différence de la source exploitée par la société Somolac, l'eau exploitée par elle a pour origine non le Mont Roucous, mais un lieu-dit Puech Del Vert, la cour d'appel ne pouvait déclarer valable la marque Mont Roucous déposée par la société Somolac et apposée sur les étiquettes de ses bouteilles d'eau en se bornant à énoncer qu'il n'y avait pas tromperie du consommateur sur la qualité du produit ; qu'en ne recherchant pas si le consommateur d'eau était trompé quant à la provenance géographique du produit vendu par la société Somolac, la cour d'appel a entaché son arrêt de manque de base légale au regard des articles L. 711-1, L. 711-2, L. 711-3-c) du Code de la propriété intellectuelle, L. 213-1 et L. 217-1 du Code de la consommation, 11 du décret n° 89.369 du 6 juin 1989 et le décret n° 57.404 du 28 mars 1957 ;

alors, 4 / que l'exploitant d'une eau minérale naturelle étant tenu, de par la loi, de mentionner le nom du lieu géographique d'exploitation, ne commet aucune faute et ne peut être rendu coupable de contrefaçon la société exposante qui exploite une eau de source sur le lieu-dit "Fontaine de la Reine", située sur le Mont Roucous, et qui fait figurer ces mentions sur les étiquettes et les publicités ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 11 et 17 du décret n° 89.369 du 6 juin 1989 et L. 711-2, L. 711-3, L. 714-3 du Code de la propriété intellectuelle et le décret n° 57-404 du 28 mars 1957 ;

Mais attendu que l'arrêt, par motifs propres et adoptés, relève que le Mont Roucous, en tant que lieu géographique, n'était, "en 1977", lors du commencement de l'exploitation des sources par la société Somolac, ni une appellation d'origine, ni un lieu d'exploitation d'eau minérale connu du grand public, de nature à constituer une indication de provenance évoquant une qualité particulière ; qu'il ajoute que la relation que peut faire actuellement le public entre l'eau minérale naturelle distribuée sous l'appellation "Montroucous" et le Mont Roucous résulte de la politique dynamique d'exploitation et de la commercialisation menée par cette société ; qu'il retient que le nom géographique Mont Roucous, n'évoquant aucune qualité particulière et pouvant être qualifiée de neutre, a pu être valablement déposé à titre de marque, sans qu'il en résulte pour le consommateur aucune tromperie sur la qualité du produit mis à sa disposition ; que c'est à bon droit que la cour d'appel, écartant l'application des textes afférents à la protection du consommateur, étrangers au droit des marques, a statué comme elle l'a fait ; que les moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.