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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 21 septembre 2006, n° 05/03773

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Nouveau jour (SARL), Select & Perfect (Sté)

Défendeur :

Etam (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Laporte

Conseillers :

M. Fedou, M. Coupin

Avoués :

SCP Bommart Minault, SCP Lefevre Tardy & Hongre Boyeldieu, SC Fievet-Lafon

Avocats :

Me Lefort, Me Darmon, Me Neri

TGI Nanterre, du 7 mars 2005

7 mars 2005

FAITS ET PROCEDURE :

Mademoiselle Déborah K. et Monsieur Arnaud DARMON ont déposé, le 10 avril 2002, la marque française nominale SPEED DATING, enregistrée à l'Institut National de la Propriété Intellectuelle -INPI- sous le numéro 023158550 pour désigner les produits et services des classes 35, 38 et 45.

Afin de développer leur activité d'organisation d'évènements relationnels, Mademoiselle K. et Monsieur DARMON ont créé la SARL SELECT & PERFECT, le 02 mai 2002, dont le nom commercial est, outre, SELECT & PERFECT, SPEED DATING.

Ils ont aussi concédé, le 24 juin 2002, à la société SELECT & PERFECT une licence d'exploitation de la marque SPEED DATING complétée par avenant, du 28 juin 2004 et publiée au Registre National des marques le 28 juin 2004.

En outre, la société SELECT & PERFECT est titulaire depuis le 11 juillet 2002 du nom de domaine Speeddating.fr.

La SA ETAM, qui exploite un réseau de boutiques de vêtements et d'accessoires féminins, a fait paraître dans le magazine hebdomadaire ZURBAN de la semaine du 11 au 17 juin 2003, un encart publicitaire sous la forme d'un supplément de couverture reproduisant le signe SPEED DATING pour promouvoir deux soirées 7 minutes pour séduire organisée dans son magasin de la Rue de Rivoli à Paris sur la proposition de l'agence de communication, la SARL NOUVEAU JOUR qu'elle avait contactée à cette fin.

Arguant de la reproduction à l'identique de la marque SPEED DATING dans le numéro 146 du magazine ZURBAN par la société ETAM et de l'association de cette marque au site internet de la société NOUVEAU JOUR, son principal concurrente, constitutif de contrefaçon et de parasitisme, Mademoiselle K., Monsieur DARMON et la société SELECT & PERFECT ont assigné la société ETAM devant le tribunal de grande instance de NANTERRE en réparation de leur préjudice.

La société ETAM s'est opposée à ses prétentions et a appelé en garantie la société NOUVEAU JOUR.

Par décision rendue le 07 mars 2005, cette juridiction a déclaré la société NOUVEAU JOUR

irrecevable en sa fin de non-recevoir de la demande de contrefaçon de la société SELECT & PERFECT, irrecevable l'action en contrefaçon de la société SELECT & PERFECT et régulier l'enregistrement de la marque SPEED DATING , rejeté les demandes en nullité et déchéance de cette marque des sociétés ETAM et NOUVEAU JOUR, dit que la société ETAM s'était rendue coupable de contrefaçon de la marque SPEED DATING et avait commis des actes de concurrence déloyale au détriment de la société SELECT & PERFECT, débouté Mademoiselle K. et Monsieur DARMON de leur demande sur le fondement de la concurrence déloyale, condamné la société ETAM à verser des dommages et intérêts de 2.500 euros à Mademoiselle K. et à Monsieur DARMON, et de 5.000 euros à la société SELECT & PERFECT en réparation des préjudices résultant respectivement de la contrefaçon et de la concurrence déloyale, alloué à chacun des demandeurs une indemnité de 1.000 euros en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, dit que la société NOUVEAU JOUR devrait garantir entièrement la société ETAM, l'a condamnée à régler à la société ETAM 28.894,34 euros de dommages et intérêts et à lui payer la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, dit n'y avoir lieu à exécution provisoire, et condamné les sociétés ETAM et NOUVEAU JOUR aux dépens.

Appelante de cette décision, la société NOUVEAU JOUR expose avoir été créée au début de l'année 1998 et avoir déposé la marque 7 MINUTES, le 07 mars 2002, sous le numéro 023152193 en classes 41 et 45.

Elle affirme que l'agence de communication pour l'opération litigieuse était CMP PRESSE, elle-même n'étant intervenue qu'en tant que partenaire pour fournir du personnel formé à l'animation de soirées SPEED DATING.

Elle indique que c'est ETAM et/ou son agence CMP PRESSE qui ont choisi d'utiliser le terme SPEED DATING comme accroche des deux soirées en cause.

Elle allègue l'irrégularité de la demande d'enregistrement de la marque SPEED DATING effectuée au nom de Monsieur DARMON et de Mademoiselle K. mais signée uniquement par celui-ci.

Elle soutient que la marque SPEED DATING est dépourvue de caractère distinctif dès lors qu'à la date son dépôt, le 10 avril 2002, l'expression SPEED DATING désignait des services de rencontres rapides depuis au moins 1999 et était utilisée dans le monde entier pour les qualifier et notamment en France à partir de janvier 2001.

Elle en déduit que la marque est nulle pour l'organisation d'évènements relationnels (classe 35) et agences matrimoniales, organisation de rencontres rapides pour les particuliers et les professionnels (classe 45).

Elle estime qu'en toute hypothèse, la marque encourt la déchéance pour dégénérescence.

Elle conteste devoir garantir la société ETAM en faisant valoir que seule l'agence CMP PRESSE

était chargée d'organiser pour cette dernière l'opération un été en couleur comprenant les deux soirées SPEED DATING et que la société ETAM ne l a pas avisée de la réclamation de la société SELECT & PERFECTantérieure à sa procédure, ni de l'instance introduire par cette dernière.

Elle ajoute que la campagne de la société ETAM s'est régulièrement déroulée.

Elle considère que l'action de la société SELECT & PERFECT relève plus d'une tactique commerciale abusive que du droit des marques, puisque celle-ci a voulu la décrédibiliser et l'évincer en tant que concurrent le plus direct.

Elle prétend que c'est la société SELECT & PERFECT qui entretient la confusion avec elle par l'utilisation abusive du terme 7 minutes.

La société NOUVEAU JOUR demande, en conséquence, à la cour d'annuler la marque SPEED DATING en application des articles L. 711-2 et L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle et subsidiairement, de prononcer sa déchéance conformément à l'article L. 714-6 du même code en ordonnant l'inscription d'office de l'arrêt à intervenir au registre national des marques aux frais avancés de Monsieur DARMON, de Mademoiselle K. et de la société SELECT & PERFECT en l'autorisant à la solliciter sur simple réquisition.

Elle réclame la condamnation solidaire de Monsieur DARMON, Mademoiselle K. et de la société SELECT & PERFECT au paiement de 30.000 euros pour action et procédure abusives, la publication de la présente décision dans 5 journaux ou périodiques de son choix à leurs frais solidaires et avancés dans la limite d'un budget total de 20.000 euros HT et une indemnité de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elle sollicite subsidiairement d'être déchargée de la garantie envers la société ETAM et le paiement de la même somme au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile par cette société.

La société ETAM objecte l'irrecevabilité de la société SELECT & PERFECT à agir dès lors que sa licence de marque lui est inopposable à défaut d'inscription au registre national des marques antérieure aux faits incriminés et qu'en tout cas seuls les titulaires de la marque SPEED DATING , Monsieur DARMON et Mademoiselle K. sont recevables à agir en contrefaçon en vertu de l'article L 716-5 du code de la propriété intellectuelle, en soulignant que celle-ci ne démontre pas l'usage de son nom de domaine speeddating.fr.

Elle pense qu'en tout état de cause, elle n'a pas de rapport de concurrence avec la société SELECT & PERFECT.

Elle oppose la nullité de la marque SPEED DATING qui revêt un caractère usuel, cette expression étant entrée dans le langage pour désigner une soirée de rencontres rapide entre célibataires, en déniant avoir admis d'une manière quelconque sa distinctivité.

Elle remarque que celle-ci encourt, en tout cas, la déchéance pour dégénérescence puisqu'elle est couramment utilisée dans la presse et sur internet pour désigner des manifestations permettant de rencontrer successivement dans une même soirée plusieurs célibataires en un temps chronométré et que les intimés y ont concouru par leur passivité.

Elle dénie encore plus subsidiairement avoir commis un acte de contrefaçon en faisant valoir qu'elle n'a pas exploité la marque SPEED DATING, la manifestation ne s'étant pas déroulée sous cette appellation et que l'agence NOUVEAU JOUR est seule responsable de la campagne incriminée en tant qu'organisateur ayant manqué à son obligation de conseil et de surveillance.

Elle soutient que la société SELECT & PERFECT n'a subi aucun préjudice causé notamment par une exploitation illicite de la marque et que les consorts KOPANIAK et DARMON ne démontrent aucun préjudice qui leur serait propre en relevant que l'usage de la marque litigieuse a été très limité sur un seul support distribué durant la semaine du 11 au 17 juin 2003.

Elle estime que la société NOUVEAU JOUR a manqué à son obligation de conseil à son égard en précisant que l'agence a validé l'encart publicitaire et avait une mission beaucoup plus large que celle prétendue.

Elle affirme avoir subi un préjudice en raison de la faute délibérément commise par la société NOUVEAU JOUR dans la mesure où elle a dû réimprimer le matériel promotionnel pour un coût de 6.119 euros et n'a pu tirer les bénéfices attendus de la campagne dont le montant (28.894,37 euros) doit lui être remboursé.

Elle invoque également un trouble commercial et un préjudice d'image.

Elle se considère aussi fondée à revendiquer, en tout état de cause, la garantie de la société NOUVEAU JOUR.

La société ETAM soulève donc l'irrecevabilité de la société SELECT & PERFECT à agir en contrefaçon et en atteinte à son nom de domaine speed dating.fr.

Elle réclame la nullité de la marque SPEED DATING pour défaut de distinctivité sur le fondement des articles L. 714.3 et 711-2 du code de la propriété intellectuelle en demandant l'autorisation de faire inscrire le jugement à intervenir au registre national des marques et subsidiairement sa déchéance conformément à l'article L. 714-6 du même code.

Elle sollicite encore plus subsidiairement sa mise hors de cause et une indemnité de 10.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile à la charge des consorts K. et de la société SELECT & PERFECT.

Elle demande reconventionnellement la condamnation de la société NOUVEAU JOUR au paiement des sommes de 6.119 euros et de 28.894,37 euros en remboursement des frais engagés

respectivement en vue du remplacement du matériel incriminé et de la campagne publicitaire incriminée et de 20.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son trouble commercial et de son préjudice d'image.

Elle conclut, en tout état de cause, à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a condamné la société NOUVEAU JOUR à la garantir intégralement et demande une indemnité de 10.000 euros à cette société en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Mademoiselle K., Monsieur DARMON et la société SELECT & PERFECT approuvent le tribunal d'avoir déclaré la société NOUVEAU JOUR, appelée en garantie par la société ETAM, irrecevable à soulever l'irrecevabilité de la demande principale formée par la société SELECT & PERFECT au titre de la violation de la marque SPEED DATING.

Ils font, en revanche, grief aux premiers juges d'avoir estimé la société SELECT & PERFECT irrecevable à agir sur le même fondement alors que son contrat de licence a bien été enregistré à l'INPI, le 28 juin 2004, et publié au registre national des marques en sorte que sa situation était régularisée au moment où ils ont statué.

Ils soutiennent que Monsieur DARMON, signataire de la demande d'enregistrement de la marque SPEED DATING a été le mandataire de Mademoiselle K., co-déposante.

Ils opposent qu'avant le 10 avril 2002, SPEED DATING était une marque américaine qui désignait une activité uniquement développée aux ETATS-UNIS mais inconnue en FRANCE.

Ils prétendent que l'exploitation en France de ce terme provient de l'activité et du service développé par leurs soins.

Ils précisent que les services de rencontres rapides développés par la suite en France y sont communément désignés sous le vocable rencontres express et que les appelantes ont elles-mêmes reconnu la distinctivité du sigle SPEED DATING.

Ils contestent l'utilisation soi-disant pléthorique de l'expression SPEED DATING alléguée par la société ETAM en considérant que les résultats de recherche sur google.fr communiqués par celle-ci n'ont pas de valeur et que les pièces relatives au marché français n'ont aucune portée.

Ils font état des actions menées pour défendre leur marque contre un usage générique en soulignant admettre que celle-ci est faiblement distinctive en sorte qu'ils tolèrent des dépôts ou usages non identiques ou quasiment.

Ils indiquent que l'encart publié par la société ETAM dans le magazine ZURBAN, sans leur consentement, est constitutif d'une contrefaçon.

Les consorts K. s'estiment fondés à réitérer leurs demandes indemnitaires.

La société SELECT & PERFECT invoque un manque à gagner par l'usage illicite de la marque par la société ETAM, outre une atteinte à son image.

Elle se prévaut aussi d'une atteinte à son nom de domaine speed dating.fr enregistré en juillet 2002 constitutif de parasitisme en se référant aux motifs des premiers juges, en spécifiant que sa mention sur l'encart publicitaire renvoyait au site internet de la société concurrente NOUVEAU JOUR.

Formant appels incident et provoqué, ils demandent respectivement, la SELECT & PERFECT d'être déclarée recevable en ses demandes fondées sur l'atteinte de la marque SPEED DATING et la condamnation de la société ETAM à lui régler deux fois 15.000 euros de dommages et intérêts au titre du manque à gagner et du préjudice commercial d'une part et de l'utilisation irrégulière de son nom de domaine outre de la confusion avec le site www.7minutes.com/etam de la société NOUVEAU JOUR d'autre.

Mademoiselle K. et Monsieur DARMON réclament chacun 5.000 euros de dommages et intérêts pour atteinte à leur marque outre avec la société SELECT & PERFECT une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur les fins de non recevoir :

Considérant que la société NOUVEAU JOUR ne discute plus être irrecevable à soulever l'irrecevabilité de la demande en contrefaçon de la société SELECT & PERFECT, en tant qu'appelée en garantie par la société ETAM sans lien juridique avec le demandeur à l'action ainsi que l'a estimé, à juste titre, le tribunal ;

considérant que la société ETAM invoque aussi cette fin de non recevoir;

considérant que l'instance a été initiée par les consorts K., co-titulaires de la marque SPEED DATING , mais également par la société SELECT & PERFECT en se prévalant d'une licence d'exploitation exclusive de cette marque qui lui a été concédée par ces derniers, à titre gracieux, le 24 juin 2002 ;

considérant que cette licence a été inscrite au registre national des marques seulement, le 28 juin 2004, près de 10 mois après l'assignation du 04 septembre 2003 et plus d'un an après la sortie du supplément de couverture incriminée qui a eu lieu durant la semaine du 11 au 17 juin 2003 ;

or, considérant qu'en vertu de l'article L. 714-7 du code de la propriété intellectuelle, l'opposabilité aux tiers d'une modification ou d'une transmission des droits attachés à une marque enregistrée est subordonnée à son inscription au registre national des marques et n'est effective qu'à compter de la date à laquelle cette formalité est réalisée.

Considérant que la société SELECT & PERFECT ne peut donc invoquer, en l'espèce, une prétendue régularisation au sens de l'article 126 du nouveau code de procédure civile consécutivement à la publication du contrat de licence, le 28 juin 2004, après les faits incriminés ;

considérant, en effet, que la société SELECT & PERFECT n'aurait été recevable à agir en contrefaçon que pour des faits qui, en raison de leur date ou de leurs effets, auraient été de nature à préjudicier à ses droits de licence opposables ;

qu'à défaut de qualité, elle est irrecevable à agir sur ce fondement.

Sur la régularité de la demande d'enregistrement de la marque litigieuse :

Considérant que le tribunal a relevé, à bon escient, que la demande d'enregistrement de la marque SPEED DATING, le 10 avril 2002, mentionne deux déposants Mademoiselle Déborah K. et Monsieur Arnaud DARMON et que le second est également mandataire ;

considérant que la circonstance qu'un seul des déposants ait signé la demande n'a pas d'incidence sur sa régularité ;

qu'en effet, aucun texte ne prévoit, à peine de nullité, que la demande d'enregistrement doive comporter la signature de tous les déposants dont les noms sont spécifiés tandis que Monsieur DARMON, en tant que mandataire, pouvait l'apposer en ces deux qualités ;

considérant, de surcroît, que ce document fait clairement état des deux déposants, tout comme la publication du bulletin officiel de la Propriété Intellectuelle en sorte que la demande d'enregistrement a été déclarée, à bon droit, régulière par les premiers juges.

Sur la demande de nullité de l'enregistrement de la marque SPEED DATING pour défaut de distinctivité :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie à l'égard des produits et services désignés, sont dépourvus de caractère distinctif (notamment) :

a) les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou service,

b) les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service et, notamment, l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service ;

Considérant que l'article L. 714-3 du même code prévoit que l'enregistrement d'une marque qui n'est pas conforme aux dispositions des articles L. 711-1 à L. 711-4 de ce code est déclaré nul par décision

de justice ;

considérant que le caractère distinctif d'une marque s'apprécie au jour du dépôt, par rapport aux produits et services désignés ;

considérant que la marque SPEED DATING a été déposée, le 10 avril 2002, dans les classes 35, 38 et 45, visant notamment l’organisation d évènementiels relationnels les agences matrimoniales , l’organisation de rencontres rapides pour les particuliers et les professionnels ;

considérant que les pièces produites par les sociétés ETAM et NOUVEAU JOUR démontrent qu'à cette date, l'expression SPEED DATING désignait déjà des services de rencontres rapides entre célibataires depuis au moins 1999, date de la création du concept par le rabbin américain DEYO et était très largement utilisée pour qualifier ce type de services, spécialement en France par la presse et les grands hebdomadaires généralistes français depuis janvier 2001 ;

que des articles ont été ainsi notamment publiés dans le Point, le 08 juin 2001, dans la revue Biba d'octobre 2001 et dans l'Express, le 21 février 2002, pour traiter du phénomène en présentant d'abord le SPEED DATING à l’étranger quand il  n’était pas encore pratiqué en France, puis dans ce pays, notamment dans le guide des tentations de Libération du 05 avril 2002 ;

considérant que l'émission Envoyé Spécial diffusée sur la chaîne de télévision Nationale France 2, le 28 février 2002, a consacré un reportage aux différents modes de rencontres des célibataires et annoncé l'arrivée en provenance des Etats-Unis de cette technique de rencontres dénommée SPEED DATING' ;

que cette émission est regardée par plusieurs millions de téléspectateurs sans qu'il ne soit contesté que la moyenne est de l'ordre de 5 millions de personnes ;

considérant que l'importante couverture médiatique de cette activité a permis au public français de la découvrir, puis de bien la connaître et enfin de se l'approprier, en 2001 et début 2002 ;

que le terme SPEED DATING a, dans un premier temps, été traduit en français en rencontres express' pour définir ce thème lorsqu'il n'était pas encore pratiqué en France, mais que très vite, et antérieurement au dépôt, il ne l'a plus été puisque le concept est devenu très rapidement un phénomène de société à la mode dont l'appellation anglo-saxonne, elle-même à la mode, en tant que telle, n'avait plus lieu de l'être ;

considérant ainsi que le vocable SPEED DATING était, avant le dépôt de la marque en cause, la désignation usuelle et générique, non seulement pour la presse mais aussi dans le langage courant français, d'un service de rencontres rapides entre célibataires ;

Considérant, par conséquent, que l'enregistrement de la marque SPEED DATING n° 023158550 dépourvu de caractère distinctif pour les services de l'organisation d évènements relationnels (cl.35)

et de l’organisation de rencontres rapides pour les particuliers et les professionnels (cl 45) doit être déclaré nul en réformant le jugement déféré de ce chef, étant de surcroît observé que les simples mesures de prudence adoptées par la société ETAM sont inopérantes à constituer une reconnaissance non équivoque d'une prétendue distinctivité.

Sur les prétentions de Mademoiselle K. et de Monsieur DARMON au titre de la contrefaçon :

Considérant qu'eu égard à l'annulation prononcée, celles-ci sont devenues sans objet.

Sur les demandes de la société SELECT & PERFECT sur le fondement de la concurrence déloyale :

Considérant que les prétentions de cette société sont dirigées exclusivement à l'encontre de la société ETAM ;

considérant que l'expression SPEED DATING figure sur l'extrait kbis de la société SELECT & PERFECT comme nom commercial au même titre que SELECT & PERFECT lui-même ;

considérant toutefois, que ce signe n'est aucunement utilisé à titre de nom commercial ;

qu'en effet, il ne figure sur aucune en-tête de document émanant de cette société qui ne peut donc valablement invoquer une atteinte à cet égard ;

considérant qu'il en est de même relativement à son nom de domaine speeddating.fr ;

considérant, en effet, qu'outre que la société SELECT & PERFECT ne démontre pas avoir exploité son nom de domaine à l'époque des faits litigieux s'étant déroulés durant la semaine du 11 au 17 juin 2003, elle ne se trouve pas, en toute hypothèse, dans un rapport de concurrence commerciale avec la société ETAM, laquelle ne saurait donc être condamnée sur ce fondement contrairement à ce qu'a retenu le tribunal ;

que la société SELECT & PERFECT sera dès lors déboutée de toutes ses prétentions indemnitaires.

Sur l'appel en garantie de la société ETAM envers la société NOUVEAU JOUR :

Considérant que la société ETAM étant déchargée des condamnations prononcées à son encontre, son appel en garantie est devenu sans objet.

Sur la demande reconventionnelle de la société ETAM dirigée à l'encontre de la société NOUVEAU JOUR :

Considérant qu'eu égard à l'annulation de l'enregistrement de la marque SPEED DATING , la

société ETAM ne démontre pas un manquement de la société NOUVEAU JOUR à son obligation de conseil ;

que, par conséquent, elle n'est pas fondée à revendiquer le remboursement des frais qu'elle a engagés pour remplacer du matériel publicitaire dont elle décide unilatéralement la destruction en estimant devoir éviter toute prise de risque selon ses propres dires ;

considérant qu'elle ne saurait davantage demander le remboursement des frais de sa campagne à la société NOUVEAU JOUR dont elle n'établit pas le comportement fautif alors même que ladite campagne a été diffusée dans le magazine ZURBAN et que les soirées Etam by night des 18 et 19 juin 2003 se sont normalement déroulées.

Sur la demande reconventionnelle de la société NOUVEAU JOUR :

Considérant que la société NOUVEAU JOUR ne démontre pas que l'action de la société SELECT & PERFECT, son concurrent direct, relèverait d'une tactique commerciale abusive alors qu'elle a pu se méprendre sur l'étendue de ses droits tirés d'une marque déposée en sorte que sa demande en dommages et intérêts sera rejetée ;

considérant, en revanche, qu'il apparaît que la société SELECT & PERFECT a cru devoir diffuser très largement le jugement déféré du 07 mars 2005 pour conforter ses droits prétendus sur la marque SPEED DATING et obtenir une reconnaissance de ceux-ci de ses interlocuteurs dont beaucoup était persuadés du sens usuel de cette expression, alors même que cette décision non assortie de l'exécution provisoire était frappée d'appel, et sans davantage préciser l'existence de ce recours ;

considérant qu'eu égard à cette diffusion illégitime à son détriment, la société SELECT & PERFECT est fondée à obtenir la publication du présent arrêt dans cinq journaux de son choix dans la limite totale de 15.000 euros HT.

Sur les prétentions accessoires :

Considérant que l'équité commande d'accorder à la société ETAM et à la société NOUVEAU JOUR, chacune une indemnité de 4.000 euros en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

que les consorts D. et la société SELECT & PERFECT qui succombent en leurs prétentions et supporteront les dépens des deux instances ne sont pas fondés en leurs demandes au même titre.

PAR CES MOTIFS

Statuant en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré sous réserve de ses dispositions concernant le rejet de la fin de non

recevoir soulevée par la SARL NOUVEAU JOUR, l'irrecevabilité de l'action en contrefaçon de la SARL SELECT & PERFECT et de la régularité de la demande d'enregistrement de la marque,

Et statuant à nouveau des autres chefs,

Déclare nul l'enregistrement de la marque SPEED DATING déposée, le 10 avril 2002, sous le numéro 23158550 pour défaut de distinctivité, en application des articles L. 711-2 et L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle pour désigner les services organisations d évènementiels relationnels , et organisation de rencontres rapides pour les particuliers et les professionnels ,

Ordonne l'inscription de cette décision au Registre National des marques et autorise la SA ETAM à y procéder,

Dit sans objet les demandes de Mademoiselle Déborah K. et de Monsieur Arnaud DARMON en contrefaçon de ladite marque,

Rejette toutes les demandes de la SARL SELECT & PERFECT dirigées à l'encontre de la SA ETAM sur le fondement de la concurrence déloyale,

Déclare sans objet l'appel en garantie de la SA ETAM envers la SARL

SELECT & PERFECT,

Déboute la SA ETAM de sa demande en dommages et intérêts à l'encontre de la SARL NOUVEAU JOUR,

Rejette la demande en dommages et intérêts de la SARL NOUVEAU JOUR,

Ordonne la publication du présent arrêt dans cinq journaux ou périodiques au choix de la SARL NOUVEAU JOUR, aux frais avancés de la SARL SELECT & PERFECT dans la limite totale de 15.000 euros HT,

Condamne Mademoiselle Déborah K., Monsieur Arnaud DARMON et la SARL SELECT & PERFECT in solidum à verser à la SA ETAM et à la SARL NOUVEAU JOUR une indemnité de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

Rejette leur demande au même titre,

Les condamne, sous la même solidarité, aux dépens des deux instances et autorise les SCP BOMMART-MINAULT et FIEVET-LAFON, avoués, à recouvrer ceux d'appel conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.