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Décisions

CJUE, 4e ch., 16 septembre 2021, n° C-410/19

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

Question préjudicielle

PARTIES

Demandeur :

The Software Incubator Ltd

Défendeur :

Computer Associates (UK) Ltd

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Vilaras

Juges :

M. Piçarra, M. Šváby, M. Rodin, Mme Jürimäe (rapporteure)

Avocat général :

M. Tanchev

Avocats :

M. Segal, Mme Meleagros, M. Dhillon, M. Heaton, Mme Hopkins, M. Mash

CJUE n° C-410/19

15 septembre 2021

LA COUR (quatrième chambre),

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 86/653/CEE du Conseil, du 18 décembre 1986, relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants (JO 1986, L 382, p. 17).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant The Software Incubator Ltd à Computer Associates (UK) Ltd (ci-après « Computer Associates ») au sujet du paiement d’une indemnité à la suite de la rupture du contrat liant ces deux sociétés.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

L’accord de retrait

3 Par sa décision (UE) 2020/135, du 30 janvier 2020, relative à la conclusion de l’accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (JO 2020, L 29, p. 1, ci-après l’« accord de retrait »), le Conseil de l’Union européenne a approuvé, au nom de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique, l’accord de retrait, qui a été joint à cette décision.

4 L’article 86 de l’accord de retrait, intitulé « Affaires en instance devant la Cour de justice de l’Union européenne », prévoit, à ses paragraphes 2 et 3 :

« 2. La Cour de justice de l’Union européenne demeure compétente pour statuer à titre préjudiciel sur les demandes des juridictions du Royaume-Uni présentées avant la fin de la période de transition.

3. Aux fins du présent chapitre, une procédure est considérée comme ayant été introduite devant la Cour de justice de l’Union européenne, et une demande de décision préjudicielle est considérée comme ayant été présentée, au moment où l’acte introductif d’instance a été enregistré par le greffe de la Cour de justice [...] »

5 Conformément à l’article 126 de l’accord de retrait, la période de transition a commencé à la date d’entrée en vigueur de cet accord et s’est terminée le 31 décembre 2020.

La directive 86/653

6 Les deuxième et troisième considérants de la directive 86/653 énoncent :

« considérant que les différences entre les législations nationales en matière de représentation commerciale affectent sensiblement, à l’intérieur de [l’Union européenne], les conditions de concurrence et l’exercice de la profession et portent atteinte au niveau de protection des agents commerciaux dans leurs relations avec leurs commettants, ainsi qu’à la sécurité des opérations commerciales ; que, par ailleurs, ces différences sont de nature à gêner sensiblement l’établissement et le fonctionnement des contrats de représentation commerciale entre un commettant et un agent commercial établis dans des États membres différents ;

considérant que les échanges de marchandises entre États membres doivent s’effectuer dans des conditions analogues à celles d’un marché unique, ce qui impose le rapprochement des systèmes juridiques des États membres dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement de ce marché commun ; que, à cet égard, les règles de conflit de lois, même unifiées, n’éliminent pas, dans le domaine de la représentation commerciale, les inconvénients relevés ci-dessus et ne dispensent dès lors pas de l’harmonisation proposée. »

7 L’article 1er de cette directive prévoit :

« 1. Les mesures d’harmonisation prescrites par la présente directive s’appliquent aux dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui régissent les relations entre les agents commerciaux et leurs commettants.

2. Aux fins de la présente directive, l’agent commercial est celui qui, en tant qu’intermédiaire indépendant, est chargé de façon permanente, soit de négocier la vente ou l’achat de marchandises pour une autre personne, ci-après dénommée “commettant”, soit de négocier et de conclure ces opérations au nom et pour le compte du commettant.

3. Un agent commercial aux fins de la présente directive ne peut être notamment :

– une personne qui, en qualité d’organe, a le pouvoir d’engager une société ou association,

– un associé qui est légalement habilité à engager les autres associés,

– un administrateur judiciaire, un liquidateur ou un syndic de faillite. »

8 L’article 2, paragraphe 1, de ladite directive dispose :

« La présente directive ne s’applique pas :

– aux agents commerciaux dont l’activité n’est pas rémunérée,

– aux agents commerciaux dans la mesure où ils opèrent dans les bourses de commerce ou sur les marchés de matières premières,

– à l’organisme connu sous l’appellation de “Crown Agents for Overseas Governments and Administrations”, tel qu’il a été institué au Royaume-Uni en vertu de la loi de 1979 relative aux “Crown Agents”, ou à ses filiales. »

9 L’article 3 de la même directive énonce :

« 1. L’agent commercial doit, dans l’exercice de ses activités, veiller aux intérêts du commettant et agir loyalement et de bonne foi.

2. En particulier, l’agent commercial doit :

a) s’employer comme il se doit à la négociation et, le cas échéant, à la conclusion des opérations dont il est chargé ;

b) communiquer au commettant toute information nécessaire dont il dispose ;

c) se conformer aux instructions raisonnables données par le commettant. »

10 L’article 4, paragraphe 2, de la directive 86/653 prévoit :

« En particulier, le commettant doit :

a)  mettre à la disposition de l’agent commercial la documentation nécessaire qui a trait aux marchandises concernées ;

b) procurer à l’agent commercial les informations nécessaires à l’exécution du contrat d’agence, notamment aviser l’agent commercial dans un délai raisonnable dès qu’il prévoit que le volume des opérations commerciales sera sensiblement inférieur à celui auquel l’agent commercial aurait pu normalement s’attendre. »

11 L’article 6, paragraphe 1, de cette directive dispose :

« En l’absence d’accord à ce sujet entre les parties et sans préjudice de l’application des dispositions obligatoires des États membres sur le niveau des rémunérations, l’agent commercial a droit à une rémunération conforme aux usages pratiqués là où il exerce son activité et pour la représentation des marchandises faisant l’objet du contrat d’agence. En l’absence de tels usages, l’agent commercial a droit à une rémunération raisonnable qui tient compte de tous les éléments qui ont trait à l’opération. »

Le droit du Royaume-Uni

12 La directive 86/653 a été transposée dans le droit du Royaume-Uni par les Commercial Agents (Council Directive) Regulations 1993 (Statutory Instruments 1993/3053) [règlement de 1993 relatif aux agents commerciaux (transposant la directive du Conseil) (règlement 1993/3053)]. L’article 2(1) de ce règlement dispose :

« Aux fins du présent règlement, on entend par : agent commercial, celui qui, en tant qu’intermédiaire indépendant, est chargé de façon permanente, soit de négocier la vente ou l’achat de marchandises pour une autre personne (ci–après le “commettant”), soit de négocier et de conclure ces opérations au nom et pour le compte du commettant [...] »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

13 Computer Associates est une société qui commercialise un logiciel d’automatisation d’applications de services, pour le déploiement et la gestion d’applications à travers un centre de données (ci-après le « logiciel en cause »). La finalité de ce logiciel consiste à coordonner et à mettre en œuvre automatiquement le déploiement et les mises à jour d’autres applications, à travers les différents environnements opérationnels de grandes organisations, telles que des banques et des sociétés d’assurance, de telle sorte que les applications sous-jacentes soient pleinement intégrées à l’environnement opérationnel des logiciels.

14 Computer Associates octroyait à ses clients, par voie électronique, des licences d’utilisation du logiciel en cause sur un territoire spécifié pour un nombre autorisé d’utilisateurs finaux.

15 L’octroi de la licence de ce logiciel était subordonné au respect d’obligations en vertu desquelles le client n’était, notamment, pas autorisé à accéder à une partie non autorisée dudit logiciel, à procéder à la décompilation ou à la modification de celui-ci, et à sa location, à sa cession, à son transfert ou à l’octroi d’une sous-licence.

16 Il ressort des indications fournies par la juridiction de renvoi que la licence d’utilisation du logiciel en cause pouvait être octroyée soit à titre perpétuel, soit pour une durée limitée. En cas de résiliation du contrat pour manquement substantiel imputable à l’autre partie ou pour cause d’insolvabilité de cette dernière, ce logiciel devait être restitué à Computer Associates ou être supprimé ou détruit par le client. En pratique, la plupart des licences étaient toutefois octroyées à titre perpétuel. Computer Associates conservait, à cet égard, tous les droits, à savoir, notamment, les droits d’auteur, les titres, les brevets, le droit sur les marques et les autres intérêts patrimoniaux afférents audit logiciel.

17 Le 25 mars 2013, Computer Associates a conclu un contrat avec The Software Incubator. Aux termes de la clause 2.1 de ce contrat, cette dernière société agissait pour le compte de Computer Associates afin d’approcher de potentiels clients au Royaume-Uni et en Irlande, pour les besoins de « la promotion, [de] la commercialisation et [de] la vente du [logiciel en cause] ». Aux termes dudit contrat, les obligations de The Software Incubator se limitaient à la promotion et la commercialisation de ce logiciel. The Software Incubator ne disposait d’aucun pouvoir de transférer la propriété de ce dernier.

18 Par une lettre du 9 octobre 2013, Computer Associates a résilié le contrat conclu avec The Software Incubator.

19 The Software Incubator a introduit un recours en indemnité, sur le fondement des dispositions de la réglementation nationale transposant la directive 86/653, contre Computer Associates devant la High Court of Justice (England & Wales), Queen’s Bench Division [Haute Courte de justice (Angleterre et pays de Galles), division du Queen’s Bench, Royaume-Uni]. Computer Associates a contesté la qualification de sa relation avec The Software Incubator de contrat d’agence commerciale en faisant valoir que la fourniture d’un logiciel informatique à un client par voie électronique, accompagnée de l’octroi d’une licence à titre perpétuel pour l’utilisation dudit logiciel ne constituait pas une « vente de marchandises », au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de cette directive.

20 Par une décision du 1er juillet 2016, la High Court of Justice (England & Wales), Queen’s Bench Division [Haute Courte de justice (Angleterre et pays de Galles), division du Queen’s Bench], a fait droit à la demande de The Software Incubator et a ordonné l’octroi à cette société d’une somme de 475 000 livres sterling (GBP) (environ 531 000 euros) à titre d’indemnisation. Cette juridiction a estimé, dans ce contexte, que la « vente des marchandises », au sens du règlement 1993/3053, renvoyait à une définition autonome devant inclure la fourniture d’un logiciel.

21 Computer Associates a interjeté appel de ce jugement devant la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) [Cour d’appel (Angleterre et pays de Galles) (division civile), Royaume-Uni]. Par une décision du 19 mars 2018, cette juridiction a jugé qu’un logiciel fourni à un client par voie électronique ne constitue pas une « marchandise », au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 86/653, tel qu’interprété par la Cour. Elle a conclu que Software Incubator n’avait pas la qualité d’« agent commercial », au sens de cette disposition, et a rejeté sa demande d’indemnisation.

22 The Software Incubator a contesté cette décision devant la Supreme Court of the United Kingdom (Cour suprême du Royaume-Uni).

23 Cette juridiction sollicite de la Cour une interprétation de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 86/653, laquelle lui est nécessaire pour déterminer si la notion d’« agent commercial » chargé de négocier la « vente de marchandises » s’applique dans le cas d’une fourniture d’un logiciel informatique par voie électronique au client, dont l’utilisation est régie par une licence octroyée à titre perpétuel.

24 Dans ces conditions, la Supreme Court of the United Kingdom (Cour suprême du Royaume-Uni) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Lorsqu’elle est fournie aux clients d’un commettant par voie électronique, et non sur un support physique, la copie d’un logiciel informatique forme-t-elle une “marchandise”, au sens que revêt ce mot dans la définition de l’agent commercial à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 86/653 ? 

2) Lorsqu’un logiciel informatique est fourni aux clients d’un commettant à travers l’octroi, au client, d’une licence perpétuelle d’utilisation d’une copie du logiciel visé, cela constitue-t-il une “vente de marchandises”, au sens que revêt ce terme dans la définition de l’agent commercial à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 86/653 ? »

Sur les questions préjudicielles

25 À titre liminaire, il y a lieu de constater qu’il résulte de l’article 86, paragraphe 2, de l’accord de retrait, lequel est entré en vigueur le 1er février 2020, que la Cour demeure compétente pour statuer à titre préjudiciel sur les demandes des juridictions du Royaume-Uni présentées avant la fin de la période de transition fixée au 31 décembre 2020, ce qui est le cas de la présente demande de décision préjudicielle.

26 Par ses questions, qu’il y a lieu d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la notion de « vente de marchandises », visée à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 86/653, doit être interprétée en ce sens qu’elle peut couvrir la fourniture, moyennant le paiement d’un prix, d’un logiciel informatique à un client par voie électronique, lorsque cette fourniture est accompagnée de l’octroi d’une licence à titre perpétuel pour l’utilisation de ce logiciel.

27 L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 86/653 définit, aux fins de celle-ci, l’« agent commercial » comme étant celui qui, en tant qu’intermédiaire indépendant, est chargé de façon permanente soit de négocier la vente ou l’achat de marchandises pour une autre personne, dénommée le « commettant », soit de négocier et de conclure ces opérations au nom et pour le compte du commettant.

28 Cette disposition énonce trois conditions nécessaires et suffisantes pour qu’une personne puisse être qualifiée d’« agent commercial ». Premièrement, cette personne doit posséder la qualité d’intermédiaire indépendant. Deuxièmement, elle doit être liée contractuellement de façon permanente au commettant. Troisièmement, elle doit exercer une activité consistant soit à négocier la vente ou l’achat de marchandises pour le commettant, soit à négocier et à conclure ces opérations au nom et pour le compte de celui-ci (arrêt du 21 novembre 2018, Zako, C‑452/17, EU:C:2018:935, point 23).

29 En l’occurrence, seule la troisième de ces conditions, en ce qu’elle vise la négociation de la « vente de marchandises » pour le commettant, est en cause. À cet égard, il y a lieu de constater que la directive 86/653 ne définit pas la notion de « vente de marchandises » et n’opère aucun renvoi au droit national en ce qui concerne la signification à retenir de cette notion.

30 Dans ces conditions, la notion de « vente de marchandises » doit trouver, dans toute l’Union européenne, une interprétation autonome et uniforme, eu égard aux exigences de l’application uniforme du droit de l’Union en lien avec le principe d’égalité. Cette notion constitue ainsi une notion autonome du droit de l’Union, dont la portée ne saurait être déterminée par référence aux notions connues du droit des États membres ou des classifications opérées sur le plan national [voir, par analogie, arrêt du 9 juillet 2020, RL (Directive lutte contre le retard de paiement), C‑199/19, EU:C:2020:548, point 27 et jurisprudence citée].

31 À ce titre, il convient de rappeler que la détermination de la signification et de la portée des termes pour lesquels le droit de l’Union ne fournit aucune définition doit être établie conformément au sens habituel de ceux-ci dans le langage courant, tout en tenant compte du contexte dans lequel ils sont utilisés et des objectifs poursuivis par la réglementation dont ils font partie (arrêt du 4 juin 2020, Trendsetteuse, C‑828/18, EU:C:2020:438, point 26 et jurisprudence citée).

32 C’est au regard de ces éléments qu’il y a lieu de déterminer si la notion de « vente de marchandises », figurant à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 86/653, peut couvrir la fourniture, moyennant le paiement d’un prix, d’un logiciel informatique à un client par voie électronique, lorsque cette fourniture est accompagnée de l’octroi d’une licence à titre perpétuel pour l’utilisation de ce logiciel.

33 S’agissant du libellé de cette disposition, il convient de relever que celle-ci renvoie de manière générale à la notion de « vente de marchandises », sans définir les termes « vente » ou « marchandises », ces derniers n’étant d’ailleurs définis dans aucune autre disposition de cette directive.

34 En premier lieu, en ce qui concerne le terme « marchandises », selon une jurisprudence de la Cour, par ce terme, il faut entendre les produits appréciables en argent et susceptibles, comme tels, de former l’objet de transactions commerciales (voir, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2006, Commission/Grèce, C‑65/05, EU:C:2006:673, point 23 et jurisprudence citée).

35 Il en découle que ledit terme, en raison de sa définition générale, peut couvrir un logiciel informatique, tel que le logiciel en cause, dès lors qu’il a une valeur commerciale et qu’il est susceptible de faire l’objet d’une transaction commerciale.

36 En outre, il y a lieu de préciser qu’un logiciel peut être qualifié de « marchandise », indépendamment du fait qu’il est fourni sur un support physique ou, comme en l’occurrence, par voie électronique au moyen d’un téléchargement.

37 En effet, d’une part, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 55 de ses conclusions, l’utilisation du terme « marchandises » dans les diverses versions linguistiques de la directive 86/653 ne révèle aucune distinction en fonction du caractère tangible ou intangible du bien concerné.

38 D’autre part, la Cour a déjà jugé que, d’un point de vue économique, la vente d’un programme d’ordinateur sur CD-ROM ou sur DVD et la vente d’un tel programme par téléchargement au moyen d’Internet sont similaires, le mode de transmission en ligne étant l’équivalent fonctionnel de la remise d’un support matériel (arrêt du 3 juillet 2012, UsedSoft, C‑128/11, EU:C:2012:407, point 61).

39 Partant, le terme « marchandises », au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 86/653, peut couvrir un logiciel informatique, indépendamment du support sur lequel est fourni ce logiciel.

40 En second lieu, selon une définition communément admise, la « vente » est une convention par laquelle une personne cède, moyennant le paiement d’un prix, à une autre personne ses droits de propriété sur un bien corporel ou incorporel lui appartenant (arrêt du 3 juillet 2012, UsedSoft, C‑128/11, EU:C:2012:407, point 42).

41 Dans le cas particulier de la vente d’une copie d’un logiciel informatique, la Cour a jugé que le téléchargement d’une copie d’un programme d’ordinateur et la conclusion d’un contrat de licence d’utilisation se rapportant à celle-ci forment un tout indivisible. En effet, le téléchargement d’une copie d’un tel programme est dépourvu d’utilité si ladite copie ne peut pas être utilisée par son détenteur. Ces deux opérations doivent, dès lors, être examinées dans leur ensemble aux fins de leur qualification juridique (voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 2012, UsedSoft, C‑128/11, EU:C:2012:407, point 44).

42 Ainsi, la Cour a estimé que la mise à disposition d’une copie d’un logiciel informatique, au moyen d’un téléchargement, et la conclusion d’un contrat de licence d’utilisation y afférente, visant à rendre ladite copie utilisable par les clients, de manière permanente, et moyennant le paiement d’un prix destiné à permettre au titulaire du droit d’auteur d’obtenir une rémunération correspondant à la valeur économique de la copie de l’œuvre dont il est propriétaire, impliquent le transfert du droit de propriété de cette copie (voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 2012, UsedSoft, C‑128/11, EU:C:2012:407, points 45 et 46).

43 Par conséquent, eu égard au libellé de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 86/653, il y a lieu de considérer que la fourniture, moyennant le paiement d’un prix, d’un logiciel informatique à un client par voie électronique, lorsque cette fourniture est accompagnée de l’octroi d’une licence à titre perpétuel pour l’utilisation de ce logiciel peut relever de la notion de « vente de marchandises », au sens de cette disposition.

44 Cette interprétation est confortée par le contexte dans lequel s’inscrit cet article.

45 En effet, l’article 1er, paragraphe 3, et l’article 2 de la directive 86/653 prévoient certaines exclusions bien définies, respectivement, de la notion d’« agent commercial » et du champ d’application de cette directive (arrêt du 21 novembre 2018, Zako, C‑452/17, EU:C:2018:935, point 40).

46 Or, aucune de ces exclusions ne concerne la nature de la « vente de marchandises » qui fait l’objet de l’activité d’« agent commercial », visée à l’article 1er, paragraphe 2, de ladite directive.

47 En outre, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé en substance aux points 66 et 67 de ses conclusions, une « vente de marchandises » du type de celle décrite au point 43 du présent arrêt ne fait obstacle ni à ce que les droits et les obligations qui incombent respectivement à l’agent commercial et au commettant soient exécutés conformément aux dispositions des articles 3 à 5 de la directive 86/653 ni à ce que l’agent commercial perçoive une rémunération qui soit conforme aux dispositions de l’article 6 de cette directive.

48 Enfin, ladite interprétation est corroborée par les objectifs de la directive 86/653, laquelle vise, conformément à ses deuxième et troisième considérants, à protéger les agents commerciaux dans leurs relations avec leurs commettants, à promouvoir la sécurité des opérations commerciales et à faciliter les échanges de marchandises entre les États membres en rapprochant les systèmes juridiques de ces derniers dans le domaine de la représentation commerciale (voir, en ce sens, arrêt du 21 novembre 2018, Zako, C‑452/17, EU:C:2018:935, point 26 et jurisprudence citée).

49 À cet égard, l’effet utile de la protection accordée par la directive 86/653 se trouverait compromis si la fourniture d’un logiciel, dans les conditions visées au point 43 du présent arrêt, devait être exclue de la notion de « vente de marchandises », au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de cette directive.

50 En effet, cette interprétation de ladite disposition exclurait du bénéfice de cette protection des personnes exerçant, à l’aide de moyens de technologie modernes, des tâches comparables à celles exercées par des agents commerciaux, dont la tâche consiste dans la vente de marchandises tangibles, notamment par la prospection et le démarchage de la clientèle.

51 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de répondre aux questions posées que la notion de « vente de marchandises », visée à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 86/653, doit être interprétée en ce sens qu’elle peut couvrir la fourniture, moyennant le paiement d’un prix, d’un logiciel informatique à un client par voie électronique, lorsque cette fourniture est accompagnée de l’octroi d’une licence à titre perpétuel pour l’utilisation de ce logiciel.

Sur les dépens

52 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

La notion de « vente de marchandises », visée à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 86/653/CEE du Conseil, du 18 décembre 1986, relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants, doit être interprétée en ce sens qu’elle peut couvrir la fourniture, moyennant le paiement d’un prix, d’un logiciel informatique à un client par voie électronique, lorsque cette fourniture est accompagnée de l’octroi d’une licence à titre perpétuel pour l’utilisation de ce logiciel.