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Décisions

Cass. com., 7 mai 2019, n° 17-13.602

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riffault-Silk

Avocats :

Me Bertrand, SCP Monod, Colin et Stoclet, SCP Ohl et Vexliard, SCP Piwnica et Molinié

Paris, du 29 nov. 2016

29 novembre 2016

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par M. V et les sociétés Lovat, Véronèse et Bush holding que sur le pourvoi incident relevé par les sociétés Didier Ricaud conseil et Didari ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 novembre 2016, RG n° 15/22561), que M. V conçoit et commercialise des sacs et accessoires de mode ; qu'il anime la société Lovat, qui opère sous le nom commercial et l'enseigne V, ainsi que la société Véronèse et la société Bush holding, qui contribuent au développement de ses activités ; que cette dernière est titulaire de la marque verbale de l'Union européenne "V" n° 1 145 648, enregistrée pour désigner des sacs, sacs de voyage, sacs de plage et sacs à main, de la marque verbale française "V" n° 95573046, de la marque verbale de l'Union européenne "E V" n° 676320 et de la marque verbale française "E V" n° 1169462, renouvelée sous le n° 1652670, toutes déposées afin de désigner de tels produits ; que la société Spartoo a pour activité la vente d'articles de chaussures et de mode sur les sites internet spartoo.com et sacby.com ; qu'elle a été en relations commerciales avec la société Didier Ricaud conseil, qui a des activités de conseil et d'agence commerciale, et qui est liée à la société Didari ; qu'après avoir fait pratiquer des saisies-contrefaçon, M. V et les sociétés Lovat, Véronèse et Bush holding, reprochant à ces diverses parties de faire commerce de produits dénommés "US Polo ASSN. Life is Color Medium V ", les ont assignées en contrefaçon de marques, concurrence déloyale, atteinte à leur nom commercial et à leur enseigne, ainsi que pour atteinte aux droits de la personnalité de M. V ; que la société Tichebox a été appelée en garantie ; que les demandeurs ont étendu leur action à cette société ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que M. V et les sociétés Lovat, Véronèse et Bush holding font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en contrefaçon alors, selon le moyen :

1°) que la société Bush holding faisait notamment valoir, dans ses conclusions d'appel, que la société Tichebox avait reproduit ou imité ses marques dans son catalogue ; qu'en se bornant, pour rejeter ses demandes en contrefaçon, à examiner l'usage du signe "V" sur les sites internet spartoo.com et sacby.com exploités par la société Spartoo et sur les étiquettes des sacs livrés, sans répondre à ce chef de conclusions pertinent, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) que le titulaire d'une marque peut interdire à un tiers l'usage de sa marque, s'il a lieu dans la vie des affaires, est fait sans le consentement du titulaire de la marque, pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque a été enregistrée et s'il porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir aux consommateurs la provenance des produits ou des services, en raison d'un risque de confusion dans l'esprit du public ; que l'usage pour désigner des produits ou services est indépendant du risque de confusion ; qu'en énonçant, pour conclure à l'absence d'usage des marques de la société Bush holding pour désigner les produits visés au dépôt, que l'utilisation qui avait été faite du signe "V" sur les sites internet spartoo.com et sacby.com et sur les étiquettes des sacs livrés n'engendrait pas de risque de confusion et n'était donc pas de nature à porter atteinte à la fonction essentielle des marques invoquées, la cour d'appel, qui a confondu usage à titre de marque et risque de confusion, a violé l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l'article 5 de la directive n° 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques, et l'article 9 du règlement (CE) n° 207/2009 du

Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire ;

3°) qu'un signe est utilisé pour désigner des produits ou services dès lors que l'usage qui en est fait conduit le consommateur à établir un lien entre le signe et le produit ou le service ; qu'il n'est pas nécessaire que le signe soit utilisé pour indiquer l'origine commerciale du produit ou du service ; qu'ayant constaté que le signe "V" avait été utilisé au sein de la dénomination des sacs litigieux, sur les sites internet spartoo.com et sacby.com et sur les étiquettes des sacs livrés, la cour d'appel a néanmoins affirmé qu'il ne s'agissait pas d'un usage pour désigner des produits, dès lors que le signe "V" avait été utilisé à titre de référence pour identifier les sacs au sein d'une gamme, et non pour indiquer leur origine commerciale ; qu'en énonçant ce motif inopérant, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, dont il s'évinçait que le consommateur était nécessairement conduit à établir un lien entre les sacs et le terme "V", en sorte qu'il s'agissait bien d'un usage à titre de marque, et a violé l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l'article 5 de la directive n° 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques, et l'article 9 du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire ;

4°) qu'en affirmant, pour conclure à l'absence d'usage des marques de la société Bush holding pour désigner les produits visés au dépôt, que le signe "V" avait été utilisé à titre purement descriptif, sans expliquer en quoi le terme "V" était susceptible de décrire une ou des caractéristiques des sacs litigieux, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard des articles L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l'article 5 de la directive n° 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques, et de l'article 9 du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur

la marque communautaire ;

5°) qu'en matière d'imitation de marque, le risque de confusion s'apprécie globalement, en tenant compte de l'ensemble des facteurs pertinents du cas d'espèce, et notamment du caractère distinctif de la marque antérieure ; qu'en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle, l'appréciation globale doit être fondée sur l'impression d'ensemble produite par les signes en présence, indépendamment des conditions d'exploitation des marques ou de commercialisation des produits ; qu'en retenant, pour écarter tout risque de confusion à raison de l'usage du signe "V" dans la dénomination des sacs litigieux, d'une part, que, sur les sites spartoo.com et sacby.com, le consommateur n'avait accès au mot "V" qu'après avoir cliqué sur la marque "US Polo ASSN" et, d'autre part, que les étiquettes sur lesquelles il était apposé mentionnaient également la marque "US Polo ASSN" et étaient en outre destinées à être jetées, sans procéder à la comparaison de l'impression d'ensemble produite par les signes en présence, en tenant compte de tous les facteurs d'appréciation pertinents, et notamment de la notoriété des marques "V" et "E V", la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à exclure le risque de confusion, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l'article 5 de la directive n° 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques, et de l'article 9 du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire ;

6°) que la présence d'une autre marque aux côtés du signe imitant n'est pas de nature à exclure le risque de confusion sur l'origine commerciale du produit ; qu'en énonçant, pour écarter tout risque de confusion à raison de l'usage du signe "V" dans la dénomination des sacs litigieux, qu'il était toujours utilisé aux côtés de la marque "US Polo ASSN", la cour d'appel a statué par des motifs impropres à exclure le risque de confusion et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l'article 5 de la directive n° 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques, et de l'article 9 du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant annulé les opérations de saisie-contrefaçon pratiquées le 15 mars 2013 dans les locaux de la société Spartoo, qui avaient conduit à la découverte des catalogues visés à la première branche, la cour d'appel n'avait pas à examiner ces documents, lesquels étaient exclus des débats ;

Attendu, en deuxième lieu, qu'après avoir exactement rappelé que la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit (12 juin 2008, C-533/06, O2 Holdings) que le titulaire d'une marque enregistrée ne peut interdire à un tiers l'usage d'un signe similaire à la marque qu'à condition, tout à la fois, qu'il en soit fait usage dans la vie des affaires sans le consentement du titulaire de la marque pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée et que cet usage porte atteinte, ou soit susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir au consommateur la provenance des produits ou services, en raison d'un risque de confusion dans l'esprit du public, l'arrêt constate que le consommateur n'a accès au mot "V" qu'en cliquant sur la marque "US Polo ASSN" et que les sacs qu'il voit apparaître sur le site concerné sont ceux de cette marque ; qu'il relève, par motifs propres et adoptés, que le signe V a toujours été utilisé dans des locutions en langue anglaise, noyé dans une suite de mots, qu'il n'a pas été apposé sur les sacs litigieux qui portent exclusivement la marque "US Polo ASSN" et qu'il apparaît sur une étiquette cartonnée mobile accrochée au sac, faisant elle-même apparaître cette marque en plus gros caractères, ainsi que sur une autre étiquette, toutes étant destinées à être jetées, de sorte que ce signe n'a pas été utilisé pour distinguer les produits de ceux d'une autre entreprise ; qu'en l'état de ces énonciations, constatations et appréciations, c'est sans commettre d'erreur de droit, puisqu'elle n'a pas érigé l'existence d'un risque de confusion en critère de l'usage d'un signe à titre de marque, ni retenir que l'apposition d'une marque différente aux côtés du signe incriminé exclurait, en elle-même, tout risque de confusion, que la cour d'appel a retenu que ce signe n'avait pas été utilisé à titre de marque et que son usage n'était donc pas susceptible de porter atteinte à la fonction d'origine des marques fondant l'action en contrefaçon ;

Attendu, en troisième lieu, que le moyen, en ce qu'il porte, en sa quatrième branche, sur la fonction descriptive de cet usage, critique un motif surabondant ;

Et attendu, enfin, qu'ayant retenu que le signe n'avait pas été utilisé afin de désigner l'origine des produits, la cour d'appel n'avait pas à procéder à l'examen visé à la cinquième branche ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur les deuxième et troisième moyens de ce pourvoi :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident, qui est éventuel ;

REJETTE le pourvoi principal.