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Décisions

Cass. com., 9 juillet 2019, n° 18-17.129

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Foussard et Froger, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Piwnica et Molinié

Paris, du 12 avril 2018

12 avril 2018

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 avril 2018), qu'un jugement du 30 novembre 2015 a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la société Groupe O L (la société GBT), la société I, prise en la personne de M. I, étant désignée en qualité d'administrateur judiciaire et la société BTSG, prise en la personne de M. R, en qualité de mandataire judiciaire ; qu'un jugement du 2 décembre 2015 a étendu la procédure de sauvegarde à la société Financière et immobilière O L (la société FIBT) ; qu'un jugement du 6 juin 2017 a arrêté le plan de sauvegarde des sociétés GBT et FIBT, mis fin à la mission de la société I, en sa qualité d'administrateur judiciaire, l'a désignée, en la personne de M. I, commissaire à l'exécution du plan, avec la mission prévue à l'article L. 626-25 du code de commerce, et a maintenu la société BTSG, en la personne de M. R, dans sa mission de mandataire judiciaire, le temps nécessaire à la vérification et à l'établissement définitif de l'état des créances ; que le ministère public a formé appel de cette décision ; que l'affaire, instruite selon les modalités fixées aux articles 905 et suivants du code de procédure civile, a été fixée pour être plaidée à l'audience du 19 septembre 2017 puis renvoyée à celle du 30 janvier 2018 où elle a été retenue ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les sociétés GBT et FIBT font grief à l'arrêt de déclarer recevable l'appel du ministère public du 16 juin 2017 alors, selon le moyen :

1°) que ne peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt que les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité ; qu'en jugeant que l'assignation en intervention forcée de l'administrateur judiciaire, partie en première instance, avait permis de régulariser la procédure bien que cet administrateur n'ait pas été intimée dans le délai d'appel, la cour d'appel a violé les articles 547 et 554 du code de procédure civile, ensemble l'article R. 661-6 du code de commerce ;

2°) qu'en tout état de cause, l'intervention forcée de l'administrateur judiciaire destinée à pallier le fait qu'il n'ait pas été régulièrement intimé ne peut se faire que dans le délai d'appel ; qu'en jugeant que l'intervention forcée de l'administrateur judiciaire régulariserait la procédure « peu important (…) que l'assignation ait été délivrée après l'expiration du délai d'appel, dès lors qu'il résulte de l'article 553 du code de procédure civile, qu'en cas d'indivisibilité entre les parties, comme c'est le cas en l'espèce, l'appel de l'une produit effet à l'égard des autres, dans la mesure où elles ont toutes été appelées à l'instance », la cour d'appel a violé l'article R. 661-6 du code de commerce ;

3°) qu'en tout état de cause, l'administrateur judiciaire n'est en position d'indivisibilité ni avec les autres organes de la procédure collective ni avec le débiteur ; qu'en jugeant que l'intervention forcée de l'administrateur judiciaire régulariserait la procédure « peu important (…) que l'assignation ait été délivrée après l'expiration du délai d'appel, dès lors qu'il résulte de l'article 553 du code de procédure civile, qu'en cas d'indivisibilité entre les parties, comme c'est le cas en l'espèce, l'appel de l'une produit effet à l'égard des autres, dans la mesure où elles ont toutes été appelées à l'instance », la cour d'appel a violé les articles 552 et 553 du code de procédure civile, ensemble l'article R. 661-6 du code de commerce ;

Mais attendu qu'en raison du lien d'indivisibilité existant, dans l'instance en arrêté d'un plan de sauvegarde, entre le débiteur et les mandataires de justice, dont découle l'obligation d'intimer ces derniers imposée par l'article R. 661-6 du code de commerce, le ministère public, appelant du jugement arrêtant un plan de sauvegarde et dont l'appel est recevable à l'égard d'au moins une partie, peut, en application de l'article 552, alinéa 2, du code de procédure civile, appeler les autres parties à la cause en cours d'instance, même après l'expiration du délai pour interjeter appel, sans encourir l'irrecevabilité prévue par l'article 553 du code de procédure civile dès lors que toutes les parties ont été appelées avant que le juge ne statue ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt et du dossier de procédure que si la déclaration d'appel déposée le 16 juin 2017 ne vise que les sociétés débitrices et le mandataire judiciaire, le ministère public, après avoir assigné en intervention forcée ce dernier et l'administrateur judiciaire, a déposé une nouvelle déclaration d'appel le 23 novembre 2017 intimant tant l'un que l'autre ; que fût-elle déposée hors délai, cette dernière déclaration, dont seule l'irrecevabilité et non la caducité était soulevée, a régularisé la situation donnant lieu à la fin de non-recevoir tirée de l'absence d'intimation de l'administrateur judiciaire dans la déclaration d'appel du 16 juin 2017 ; que par ce motif de pur droit, substitué, après avertissement délivré aux parties, à ceux critiqués, la décision se trouve justifiée ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Et sur le second moyen :

Attendu que les sociétés débitrices font grief à l'arrêt de rejeter leur plan de sauvegarde alors, selon le moyen :

1°) que selon l'article L. 621-1 du code de commerce, lorsqu'il existe une possibilité sérieuse pour l'entreprise d'être sauvegardée, le tribunal arrête dans ce but un plan qui met fin à la période d'observation ; que les sociétés GBT et FIBT faisaient valoir, dans leurs écritures, qu'elles disposaient de liquidités productives d'intérêts, pour un montant total de 80 262 460 euros, qui ont fait l'objet de saisies pénales dans le cadre de l'instruction pénale en cours, afin d'assurer aux créanciers parties civiles de GBT une faculté de paiement de leurs créances et que l'autorité judiciaire serait sollicitée pour libérer ces sommes afin de payer les dividendes du plan au profit des créanciers que ces saisies ont vocation à protéger, principalement CDR Créances et CDR Consortium de Réalisation ; qu'en relevant d'office que GBT et FIBT auraient dû demander la levée de la saisie sous condition suspensive de validation du plan de sauvegarde sans inviter les parties à s'expliquer sur la possibilité juridique d'une demande de levée conditionnelle, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°) que selon l'article L. 621-1 du code de commerce, lorsqu'il existe une possibilité sérieuse pour l'entreprise d'être sauvegardée, le tribunal arrête dans ce but un plan qui met fin à la période d'observation ; que les sociétés GBT et FIBT faisaient valoir, dans leurs écritures, qu'elles disposaient de liquidités productives d'intérêts, pour un montant total de 80 262 460 euros, qui ont fait l'objet de saisies pénales dans le cadre de l'instruction pénale en cours, afin d'assurer aux créanciers parties civiles de GBT une faculté de paiement de leurs créances et que l'autorité judiciaire serait sollicitée pour libérer ces sommes afin de payer les dividendes du plan au profit des créanciers que ces saisies ont vocation à protéger, principalement CDR Créances et CDR Consortium de Réalisation ; qu'en se fondant sur l'absence de certitude de l'obtention de la levée de la saisie sans rechercher s'il existait une possibilité sérieuse de l'obtenir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte précité ;

3°) que selon l'article L. 621-1 du code de commerce, lorsqu'il existe une possibilité sérieuse pour l'entreprise d'être sauvegardée, le tribunal arrête dans ce but un plan qui met fin à la période d'observation ; que les sociétés GBT et FIBT se prévalaient d'une créance certaine d'un montant de 5 758 723 euros résultant d'un jugement de condamnation de CDR Créances du 19 juin 2006 passé en force de chose jugée ; qu'en se bornant à affirmer, pour rejeter le plan prenant en compte cette ressource, « que rien ne permet de considérer comme acquise dans le délai de mise en oeuvre de la première annuité du plan une compensation de cette somme avec celle résultant de la condamnation mise à la charge de la société ACT par l'arrêt du 3 décembre 2015 », la cour d'appel s'est fondée sur une exigence de certitude de réalisation du plan au lieu d'une possibilité sérieuse prévue par la loi, violant ainsi le texte précité ;

4°) que selon l'article L. 621-1 du code de commerce, lorsqu'il existe une possibilité sérieuse pour l'entreprise d'être sauvegardée, le tribunal arrête dans ce but un plan qui met fin à la période d'observation ; que les sociétés GBT et FIBT exposaient, dans leurs écritures, qu'en conséquence de l'annulation de l'arbitrage et des remises en état en découlant, elle était créancière des sociétés CDR et CDR Créances pour un montant correspondant au prix actualisé des titres BTF attribués à la banque SDBO par une ordonnance du juge commissaire en date du 25 octobre 1995 ; qu'en refusant de prendre en compte cette créance au motif que « rien ne démontre, que le paiement en est acquis, la cour n'ayant pas dans le cadre de l'examen du projet de plan, à porter une appréciation sur le bien-fondé de cette réclamation, qui s'inscrit dans un contexte juridique complexe » alors qu'il lui appartenait de rechercher s'il existait une possibilité sérieuse de recouvrement de cette créance, la cour d'appel, qui a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, a violé le texte précité ;

5°) que selon l'article L. 621-1 du code de commerce, lorsqu'il existe une possibilité sérieuse pour l'entreprise d'être sauvegardée, le tribunal arrête dans ce but un plan qui met fin à la période d'observation ; que le plan de sauvegarde arrêté par le tribunal de commerce affectait en garantie de son exécution des biens immobiliers dont la villa [], appartenant à la société SREI, le moulin [] et la propriété de [] appartenant à la société de droit anglais Thempark, le capital de l'une et l'autre étant détenu en totalité, directement ou indirectement au travers de sa holding belge, par M. O L qui avait expressément consenti à les affecter en garantie du plan ; qu'en écartant cette garantie motif pris que « tout aléa ne peut être exclu s'agissant de sociétés soumises à des législations étrangères », sans préciser en quoi les lois étrangères éventuellement applicables étaient porteuses d'un aléa, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard du texte précité ;

6°) que selon l'article L. 621-1 du code de commerce, lorsqu'il existe une possibilité sérieuse pour l'entreprise d'être sauvegardée, le tribunal arrête dans ce but un plan qui met fin à la période d'observation ; que le plan de sauvegarde arrêté par le tribunal de commerce affectait en garantie de son exécution des biens immobiliers dont la villa [], appartenant à la société SREI, le moulin [] et la propriété de [] appartenant à la société de droit anglais Thempark, le capital de l'une et l'autre étant détenu en totalité, directement ou indirectement au travers de sa holding belge, par M. O L qui avait expressément consenti à les affecter en garantie du plan ; qu'en écartant cette garantie motif pris que « tout aléa ne peut être exclu s'agissant de sociétés soumises à des législations étrangères », et en exigeant ainsi une certitude de réalisation du plan au lieu d'une possibilité sérieuse, la cour d' appel a violé le texte précité ;

Mais attendu que l'arrêt relève que les deux sociétés débitrices ne disposeront pas de rentrées d'argent pendant toute l'exécution du plan, la première n'ayant pas d'activité et ayant renoncé à faire remonter les dividendes de sa filiale tandis que la seconde, une société civile professionnelle détenant le domicile des époux L, ne génère pas de rentrées d'argent mais des frais ; qu'il relève encore que les liquidités détenues par ces dernières faisaient l'objet de saisie pénales et étaient actuellement indisponibles, sans assurance que ces fonds pourront être mobilisés dans les délais de mise en oeuvre du plan, dès la première annuité ; qu'il relève enfin que, s'agissant des rentrées de fonds au titre de créances détenues contre le CDR, créancier de la procédure, contre l'administration fiscale et celle liée au litige portant sur le prix de cession du navire Le Phocéa appartenant à la société ACT, aucun élément ne permet de considérer qu'elles pourront être payées dans les délais du plan et que, si le plan prévoit l'affectation des biens immobiliers et de valeurs mobilières en garantie, il ne prévoit aucune cession d'actif qui pourrait fournir des liquidités ; que l'arrêt en déduit que les sociétés débitrices ne disposent pas de liquidités disponibles significatives, ni d'un prévisionnel pertinent attestant de rentrées de fonds compatibles avec le délai de mise en oeuvre du plan et suffisantes pour en assurer l'exécution sur la durée, que leur projet de plan souffre d'un défaut de financement et que la probabilité d'exécution du plan n'apparaît pas sérieuse, les garanties proposées ne rendant en rien plus certaine sa mise en oeuvre dans les délais impartis ; qu'en cet état, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer les recherches invoquées par les deuxième, quatrième et cinquième branches et n'a pas méconnu le principe de la contradiction, a retenu que le projet de plan de sauvegarde n'offrait pas une possibilité sérieuse d'apurement du passif, et donc de sauvegarde de l'entreprise ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.