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Décisions

CA Poitiers, 2e ch. civ., 14 septembre 2021, n° 20/01017

POITIERS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Ciel d'Azur Labs (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Franco

Conseillers :

Mme Brieu, M. Vetu

Avocat :

Me Khayat

T. com. La Roche-sur-Yon, du 10 mars 202…

10 mars 2020

EXPOSE DU LITIGE:

La société par actions simplifiée Ciel d'Azur Lab's (ci-après désignée la société Ciel d'Azur) ayant son siège social à Mane (04300) a pour activité la fabrication et la distribution de produits cosmétique et compléments alimentaires naturels, notamment à base d'aloé vera et d'argile.

La société à responsabilité limitée X (ci-après désignée société X) ayant son siège social à Chantonnay (85100) a pour activité l'achat, la vente et la commercialisation de produits d'hygiène, de cosmétiques et de produits de parapharmacie.

Suivant contrat en date du 29 juillet 2011, la société Ciel d'Azur a confié à la société X la commercialisation de ses produits auprès des pharmacies et parapharmacies dans les départements 85, 79, 49 et 44; et ceci pour une durée initiale d'un an, renouvelable par tacite reconduction pour des périodes de trois ans sauf dénonciation par l'une des parties, avec un préavis de trois mois.

Suivant contrat en date du 17 août 2011, assorti d'une clause d'exclusivité, la société Ciel d'Azur a en outre confié à la société X un mandat d'agent commercial sur le même secteur géographique, auprès des pharmacies et parapharmacies, pour une durée indéterminée et avec effet rétroactif au 18 juillet 2011, moyennant une commission égale à 20 % du montant hors taxes des factures et des produits Puraloé et de 15 % pour la gamme argile et plantes à brûler.

Par acte extrajudiciaire en date du 19 avril 2018, la société Ciel d'Azur a signifié à la société X une lettre recommandée avec avis de réception datée du 29 mars 2018, portant dénonciation du contrat de distribution au 29 juillet 2011, à effet au 29 juillet 2018, en indiquant avoir constaté que les ventes ne progressaient pas de manière significative sur son secteur, à l'inverse de ce qui se passait sur le reste de la France.

Exposant qu'elle se trouvait dans l'impossibilité de poursuivre son activité d'agent commercial, et qu'elle subissait sur son secteur géographique la concurrence déloyale de la société Pharm Up, mandatée par la société Ciel d'Azur, la société X a fait assigner cette dernière par acte du 23 mai 2019 devant le tribunal de commerce de la Roche-sur-Yon en paiement de diverses sommes, au titre de l'indemnité de préavis, et de dommages et intérêts pour rupture injustifiée et abusive du contrat d'agent commercial.

Par jugement en date du 10 mars 2020, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de la Roche-sur-Yon a, pour l'essentiel :

- dit que le contrat d'agent commercial signé en septembre 2011 (sic) n'est pas nul et a été valablement exécuté,

- dit que la société Ciel d'Azur a dénoncé unilatéralement ce contrat d'agent commercial sans préavis,

- condamné la société Ciel d'Azur à payer à la société X les sommes suivantes:

6 064,71 euros au titre du préavis de trois mois,

50 000 euros à titre de dommages et intérêts (indemnité compensatrice de rupture),

un euro pour mauvaise foi et résistance abusive,

- rejeté la demande de la société X en paiement d'une indemnité pour rupture abusive,

- rejeté les demandes reconventionnelles de la société Ciel d'Azur,

- condamné la société Ciel d'Azur à payer à la société X une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné la capitalisation annuelle des intérêts à compter de l'assignation,

- condamné la société Ciel d'Azur aux dépens.

Par déclaration en date du 4 juin 2020, la société Ciel d'Azur a relevé appel de ce jugement en visant les chefs expressément critiqués.

La société Ciel d'Azur a formé appel incident.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 avril 2021 avant clôture, la société Ciel d'Azur demande à la cour :

Vu le jugement déféré à l'examen de la cour ;

Vu les articles L. 134-1 et suivants du code de commerce,

Vu l'article L. 143-10 du code de commerce,

Vu les articles 1302 et suivants du code civil,

Vu l'article 1352-6 du code civil,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

- de déclarer la société Ciel d'Azur Labs recevable et bien fondée en son appel du jugement rendu par le tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon le 10 mars 2020 ;

- en conséquence, d'infirmer le jugement dont appel,

Statuant à nouveau :

A titre principal,

- de dire et juger que la société X n'a exécuté qu'une activité de distributeur des produits Ciel d'Azur à l'exclusion de toute activité d'agent commercial ;

En conséquence :

- de dire et juger que la société X n'était pas fondée à invoquer le bénéfice du statut des agents commerciaux ;

- de dire et juger que le contrat d'agent commercial a été valablement dénoncé lors de la dénonciation du contrat de distributeur ;

- de dire et juger que la société X n'était pas fondée à obtenir le paiement d'indemnité de préavis ou de rupture au titre de la résiliation du contrat d'agent commercial ;

- de condamner la société X au paiement de la somme de 4 210,96 euros à Ciel d'Azur, correspondant à la facture n° 180 293 en date du 2 juillet 2018 ;

- de débouter la société X de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire,

Dans l'hypothèse où la Cour considérerait que la relation contractuelle doit s'analyser en une relation d'agence commerciale :

- de dire et juger que l'indemnité de fin de contrat d'agent commercial doit être fixée à 25 295,56 euros correspondant à deux ans de commissions calculée sur la moyenne des commissions des trois dernières années du contrat d'agent commercial ;

A titre infiniment subsidiaire,

- de débouter la société X de sa demande de dommages et intérêts pour perte de chance, pour défaut de fondement ;

En tout état de cause,

- de débouter la société X de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- de la condamner la société X à lui payer la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Ciel d'Azur critique le jugement en faisant valoir que l'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée ; que la société X a exercé uniquement une activité d'achat pour revente à destination de sa propre clientèle de pharmacie et parapharmacie, et en son seul nom et à son seul bénéfice, en qualité de distributeur indépendant, et non dans le cadre d'un mandat d'intérêt commun ; que le contrat dénommé 'contrat d'agent commercial' avait pour seul objectif d'assurer au distributeur une réduction de prix complémentaire sur ses prix d'achat, sous forme d'une commission calculée sur son propre chiffre d'affaires (ainsi que M. X l'aurait lui-même reconnu dans ses écritures).

Elle ajoute que les commissions ne représentaient pas la rémunération d'une activité d'agent commercial mais l'octroi d'une seconde "remise distributeur" spécifique aux produits Pur Aloé et/ou argile et plantes à brûler, afin de remédier à l'absence de rentabilité dans la distribution de ces produits (en raison des coûts logistiques élevés et du faible volume des commandes par les parapharmacies et pharmacies); que la société X était parfaitement libre de fixer ses prix en qualité de distributeur indépendant et n'a jamais reçu de la société Ciel d'Azur une grille de prix de vente des produits à destination des pharmacies et parapharmacies; et que les prétentions de la société Ciel d'Azur ne peuvent être remises en cause sur la base du principe de l'estoppel, contrairement à ce que soutient la société intimée.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 23 avril 2021, la société X demande à la cour :

Vu le contrat d'agent commercial conclu le 17 août 2011,

- de sommer la société Ciel d'Azur de verser aux débats le contrat de distribution conclu avec la société Pharm'Up ainsi que le contrat d'agent commercial conclu avec cette même société ou ses représentants.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 14 avril 2021,

Vu les conclusions n° 3 signifiées le 13 avril 2021,

- de reporter l'ordonnance de clôture,

- d'écarter des débats les dernières conclusions du 13 avril 2021 développées par la société Ciel d'Azur,

- de les dire tardives et en tout état de cause irrecevables et à tout le moins mal fondées.

- de débouter la société Ciel d'Azur de l'intégralité de ses demandes, fins et contestations.

- de dire et juger l'appel de la société Ciel d'Azur autant mal fondé qu'injustifié.

- de confirmer le jugement du 10 mars 2020 en ses dispositions suivantes ;

- dit et juge que le contrat d'agent commercial signé en Septembre 2011 I entre la Société X et la société Ciel d'Azur Labs n'est pas nul et a été valablement exécuté.

- dit et juge que la société Ciel d'Azur Labs a dénoncé unilatéralement ledit contrat d'agent commercial sans préavis,

- condamne au titre du préavis la société Ciel d'Azur Labs à payer à la société X une indemnité de six mille soixante quatre euros et soixante et onze centimes au titre du préavis de trois mois,

- déboute la société Ciel d'Azur Labs de ses demandes reconventionnelles.

- condamne la société Ciel d'Azur Labs à payer à la société X une indemnité de 3000 euros sur le fondement de I`article 700 du code de procédure civile.

- de la recevoir en son appel incident.

- de réformer le jugement du 10 mars 2020 en ce qu'il a :

- limité la condamnation de la société Ciel d'Azur à la somme de 50 000 euros,

- condamné la société Ciel d'Azur Labs à lui payer une indemnité complémentaire d’UN EURO (1,00 euros) à titre de dommages et intérêt pour mauvaise foi et résistance abusive.

- rejeté sa demande indemnitaire relative à une rupture abusive du contrat.

En conséquence, de condamner la société Ciel d'Azur à lui payer :

- sur le fondement de l'art. L 134-12 du Code de commerce au titre de la rupture une indemnité de 70 000 euros à titre de dommages et intérêts, ou à titre subsidiaire la somme de 46 000 euros correspondant à l'année 2015 X 3,

ou à titre infiniment subsidiaire à la somme de 34 000 euros correspondant à deux années de commissions calculée sur la moyenne des 3 dernières années de commission.

En tout état de cause :

- de condamner la société Ciel d'Azur à payer à la société X une indemnité complémentaire de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du caractère manifestement abusif de la rupture,

- de débouter la sociétéCiel d'Azur de l'intégralité de ses demandes au titre de la facture et enfin à titre indemnitaire et notamment de sa demande au titre de l'art 700 du code de procédure civile;

A titre infiniment subsidiaire,

Pour le cas où la cour viendrait retenir par impossible une absence d'exécution,

Vu l'attitude déloyale et le manquement à l'exécution de bonne foi du contrat d'agent commercial.

Vu l'art 1147 suivants du code civil dans sa rédaction au jour du contrat,

- de condamner la société Ciel d'Azur à payer à la société X une indemnité de 50 000 euros qui correspond en fait en une perte de chance.

- de la condamner en outre au paiement d'une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

La société X soutient que le montage juridique de la relation contractuelle a été élaboré par la société Ciel d'Azur, qui souhaitait ne pas intervenir dans la livraison des produits ni assumer la gestion des stocks et pour compenser la faiblesse de la marge du distributeur, qui ne disposait pas d'une clientèle dans les départements visés au contrat; qu'après la résiliation du contrat de distribution, la société Ciel d'Azur a fait obstacle à la poursuite du contrat d'agent commercial en cessant la livraison de ses produits, et en s'abstenant de lui communiquer toute grille de revente, alors que jusqu'à présent, elle avait toujours appliqué les tarifs résultant de la grille Ciel d'Azur (les prix de revente n'étant pas libres).

Elle fait valoir que conformément au principe de l'estoppel, la société Ciel d'Azur ne peut aujourd'hui contester l'existence de deux contrats distincts, dont le principe était pourtant expressément admis dans un courrier de son propre conseil en date du 24 septembre 2015, que la société X a bien créé une clientèle pour le compte de la société Ciel d'Azur, ainsi que cela résulte des différentes attestations de pharmaciens,

L'ordonnance de clôture datée du 14 avril 2021 a été notifiée aux parties le 23 avril 2021.

Par dernières conclusions après clôture, remises au greffe et notifiées par voie électronique le 10 mai 2021, la société Ciel d'Azur reprend ses précédentes écritures, en y ajoutant une demande de rejet de la prétention adverse, tendant à voir déclarer irrecevables ses écritures du 13 avril 2021.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

1- Sur la demande du rabat de l'ordonnance de clôture

La notification tardive de l'ordonnance de clôture datée du 14 avril 2021 justifie qu'il soit fait droit à la demande de révocation de la clôture,et que celle-ci soit prononcée à la date de l'audience, le 12 mai 2021, de sorte que l'ensemble des conclusions des parties soient recevables.

2- sur la demande de communication de pièces :

Il convient de rejeter la demande de production de pièces à ce stade de la procédure, alors que le conseiller de la mise en état n'a pas été saisi, et qu'au surplus, la communication du contrat de distribution conclu avec la société Pharm'Up et celle du contrat d'agent commercial qui aurait été conclu avec cette même société ou ses représentants n'apparaît pas à la cour indispensable à la solution du litige.

3- Sur la qualification des relations contractuelles entre les parties.

3.1- La société X soutient, en invoquant le principe de l'estoppel, que l'appelante ne peut plaider aujourd'hui contre ses propres écrits, puisque dans son courrier du 24 septembre 2015, son conseil avait admis l'existence de deux contrats commerciaux distincts, à savoir un contrat de distribution pour la distribution des produits de la société Ciel d'Azur, et un contrat d'agent commercial fixant une commission sur la vente des produits Puraloe et de la gamme Argile et Plantes à brûler.

Il sera d'abord relevé que l'appelante ne précise pas quelle conséquence elle entend tirer de la règle de l'estoppel, sur la recevabilité ou le bien-fondé des prétentions adverses.

En outre, il sera rappelé que le principe de l'estoppel se définit comme le comportement procédural d'une partie constitutif d'un changement de position en droit, de nature à induire l'autre partie en erreur sur ses intentions et qu'il ne peut être sanctionné que si la contradiction porte sur des prétentions et s'opère au sein de la même instance.

En l'espèce, ce principe ne peut donc être utilement invoqué dès lors qu'il se fonde uniquement sur une correspondance du 24 septembre 2015, antérieure à l'introduction de l'instance, et qu'au surplus, le conseil de la société Ciel d'Azur se borne dans cet écrit à reprendre l'objet des deux contrats, tel que libellé dans les actes, sans nullement en tirer de conséquences juridiques en ce qui concerne l'exigibilité d'une indemnité de rupture au titre du contrat d'agent commercial.

L'argument tiré d'une méconnaissance du principe de l'estoppel doit donc être écarté.

3.2- Selon les dispositions de l'article 12 alinéa 2 du code de procédure civile, le juge doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.

Selon les dispositions de l'article L. 134-1 du code de commerce, l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestations de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux.

Il résulte de ces textes que l'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leurs conventions mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée ; le juge doit donc rechercher suivant quelles modalités précises l'intéressée a exercé ses fonctions.

Selon les stipulations du contrat de commercialisation conclue le 19 juillet 2011 entre les parties, "la société ciel d'Azur confie la commercialisation de sa production à la société X auprès des pharmacies et parapharmacies des départements 85, 79, 49 et 44.

La société X effectuera cette commercialisation sous sa seule responsabilité.

(...)

La société Ciel d'Azur est libre d'établir ses tarifs comme elle l'entend, mais devra informer la société X des modifications tarifaires au moins six mois à l'avance pour permettre à la société X d'en informer les vendeurs et clients.

La société X sera facturée selon un tarif détaillant en bénéficiant des remises suivantes :

- 35 % de remise fixe du tarif détaillant pour les produits Pur'aloé,

- 20 % de remise fixe du tarif détaillant pour les produits de la gamme argile et plantes à brûler".

Dans ses dispositions générales (dernière page), le contrat stipule en outre que « les parties agiront à tout moment en toute indépendance l'une de l'autre, sans que le contrat ne puisse être réputé créer une quelconque filiale ou entreprise commune ni un quelconque lien de subordination ou de représentation, mandat, agence ou analogues entre elles. »

Il ressort des pièces 18 à 21 communiquées par l'appelante (dont les parties ne contestent pas la valeur d'exemples transposables aux autres commandes) que la société Ciel d'Azur facturait à la société X, après livraison, les produits cosmétiques de la gamme Pur'Aloe en pratiquant une remise de 35 % sur le prix de vente figurant à la grille tarifaire de l'année; de sorte que l'intimée bénéficiait ainsi d'un tarif professionnel.

La société X devenait donc propriétaire des produits livrés et en assurait la conservation et le stockage.

Elle revendait et livrait ensuite ces mêmes produits à des pharmacies et parapharmacies de son secteur géographique en dressant des factures à son en-tête SARL X, sans aucune référence à la société Ciel d'Azur ; les produits n'étant mentionnés que sous leur référence commerciale (Gel Pur'Aloe Cosmebio Tube, Jus à boire Pur'Aloe bouteille, gel à boire bouteille, La société X intervenait donc comme intermédiaire acquéreur et revendeur en son nom de marchandises fournies par la société Ciel d'Azur.

Elle verse certes au débat trois attestations délivrées par A, B, C et D, pharmaciennes, qui indiquant avoir découvert les produits de la gamme Ciel d'Azur de la société Ciel d'Azur grâce à la présentation qui leur en a été faite en leur officine par M. X.

Toutefois, ces attestations ne démontrent pas que lors des ventes des produits, la société X ait agi à l'égard de la clientèle des pharmacies, au nom et pour le compte d'un mandant.

Il ne ressort pas davantage des pièces produites que les parties aient échangé régulièrement entre elles, concernant les volumes de ventes, ni que la société Ciel d'Azur ait assuré un contrôle quelconque de l'activité commerciale de la société X, et elle ne lui a notifié qu'un reproche écrit dans la lettre de résiliation du contrat de distribution, et ceci à titre surabondant dès lors que la résiliation de ce contrat de distribution ne nécessitait pas l'articulation de griefs précis.

Par ailleurs, la société X fait valoir qu'elle utilisait les grilles tarifaires et catalogues, et qu'elle vendait les produits selon les tarifs de l'appelante.

Mais, ainsi que le souligne à juste titre la société appelante, l'utilisation par un diffuseur de supports commerciaux édités par le producteur n'est pas la caractéristique exclusive d'un contrat d'agent commercial, et peut être également observé dans l'exécution d'autres contrats de distribution.

En outre, s'il est exact, au vu des factures et grilles tarifaires versées au débat, que la société X vendait aux pharmacies les produits Pur'Aloe, dans la majorité des cas selon les tarifs des grilles tarifaires, il n'en était pas toujours ainsi:

Le 19 janvier 2018, la société X a ainsi vendu à la société Pharmacie Blohorn Mouvier (Hyper U de Chantonnay - pièce 34) des gels Pur'Aloe Cosmebio Tube 125 ml au prix unitaire de 7,60 euros HT alors que le prix public était de 7,11 euros HT.

De même, le gel à boire bouteille de 1 litre était vendu en 2016 par la société X au prix unitaire de 13.41 euros (facture Parapharmacie Oceane du 15 février 2016 - pièce 41) alors que selon la grille tarifaire 2016 de Ciel d'Azur (pièce 30 feuillet 2) ce produit était en tarif public de 13 euros à l'unité.

L'argument tiré de l'application pure et simple des tarifs fixés par le producteur est donc erronné, en fait, et sans incidence sur le plan juridique, puisqu'il ne peut, à lui seul, servir à distinguer un contrat d'agent commercial d'un autre contrat de distribution.

Par ailleurs, il apparaît, ainsi que le reconnaît expressément la société intimée, que la signature du contrat d'agent commercial avait pour objectif de compenser le manque de rentabilité du contrat de distribution, puisque la société X avait à sa charge le coût du conditionnement, des transports et livraisons, de l'émission des factures, pour des commandes relativement modiques en quantité de la part des pharmacies, donnant lieu à une faible marge.

Il sera observé par ailleurs que le montant des commissions, au titre du contrat qualifié d'agent commercial, n'était pas calculé à partir du volume des ventes effectivement réalisées par la société X auprès des pharmacies, dans le cadre d'une activité de développement de clientèle, mais sur le prix de revente théorique des produits par la société X.

La société appelante est donc fondée à soutenir que les commissions ne correspondaient en réalité qu'à une forme de réduction supplémentaire sur le prix de vente, et se trouvaient d'ailleurs déduites par la société X avec les sommes qu'elle devait au titre de ses achats de produits.

Il en résulte que le calcul et le versement d'une rémunération complémentaire à la société X, improprement qualifiées de commissions, ne pouvait constituer la preuve de l'exécution d'un contrat d'agent commercial, quand bien même cette situation aurait perduré plusieurs années.

Il s'en évince que la société X a exécuté le contrat de distribution en achetant des produits à la société Ciel d'Azur et en les revendant pour son compte et en son nom à sa clientèle de pharmacies et parapharmacies, sans avoir d'activité distincte d'agent commercial; le contrat du 17 aout 2011 n'ayant été conclu que pour assurer un complément de revenu dans le cadre de l'exécution du contrat de distribution.

La résiliation du contrat de distribution a donc emporté celle, accessoire, du contrat qualifié à tort d'agent commercial.

La société X ne pouvait donc prétendre à l'application du statut des agents commerciaux, ni solliciter utilement le versement d'une indemnité compensatrice prévue par l'article L. 134-12 du code de commerce.

Le jugement entrepris devra donc être infirmé de ce chef, et la société X sera donc déboutée de ses demandes en paiement de la somme principale de 70 000 euros, formée sur le fondement de l'article L. 134-12 du code de commerce, et de celles subsidiaires (sur le même fondement) en paiement des sommes de 46 000 euros ou 34 000 euros.

Elle sera pareillement déboutée de sa demande en paiement au titre du préavis de trois mois prévue par l'article L. 134-11 du code de commerce ; s'agissant de dispositions propres au statut des agents commerciaux.

Dans le cadre de son appel incident, la société X sollicite paiement d'une somme de 10'000 euros à titre de dommages-intérêts, en raison de l'attitude malveillante de l'appelante, et de sa mauvaise foi.

Toutefois, eu égard à la solution donnée au litige, il n'est nullement démontré que la société Ciel d'Azur ait commis un abus de droit en procédant à la résiliation du contrat de distribution, ni qu'elle ait agi en justice de manière malveillante.

Il convient donc d'infirmer le jugement en ce qu'il avait alloué à la société X une indemnité de un euro pour mauvaise foi et résistance abusive, et statuant à nouveau, la cour rejettera la demande formée de ce chef par la société X.

Sur la demande subsidiaire en indemnisation pour perte de chance :

La société X sollicite subsidiairement paiement d'une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation d'une perte de chance de faire normalement valoir ses droits dans le cadre d'une procédure d'indemnisation, du fait du montage de deux contrats interdépendants, ayant permis à la société Ciel d'Azur de contester l'existence d'un contrat d'agent commercial.

Il sera relevé en premier lieu que rien ne démontre une quelconque pression exercée par la société Ciel d'Azur à l'occasion de la signature du contrat qualifié d'agence commerciale, qui assurait une rémunération complémentaire à la société X.

En second lieu, il sera rappelé que la croyance infondée ou erronée en une qualification juridique n'est pas créatrice de droits.

En outre, la cour relève qu'il n'est pas allégué ni justifié par la sociétéGaborieau que mieux informée sur les particularités de ce ensemble contractuel et sur ses conséquences, elle aurait pu contracter à de meilleures conditions et qu'elle subit une perte de chance à ce titre.

Sa demande à ce titre sera donc rejetée.

Sur le paiement de la facture de 4210.96 euros de la sociétéCiel d'Azur.

La société Ciel d'Azur réclame paiement de la somme de 4210.96 euros, au titre d'une facture N° 180 293 concernant des produits Puraloé du 2 juillet 2018.

A l'appui de sa demande, l'appelante produit en pièce 19 un bon de livraison en date du 25 juin 2018 et une lettre de voiture en date du 27 juin 2018 soit à une date antérieure la date d'effet de la résiliation du contrat de distribution.

Dans ses écritures la société X reconnait être en possession desdits produits et indique être disposée à restituer les produits Puraloé à la société Ciel d'Azur conformément aux engagements contractuels. Toutefois, la vente est effective, et la société Ciel d'Azur est fondée à solliciter le paiement du prix.

La société X devra donc être condamné à payer la somme de 4210,96 euros à la société Ciel d'Azur ;

Sur les demandes accessoires :

La société X échoue en ses prétentions aux termes de l'instance ; elle supportera donc les dépens de première instance et d'appel ainsi que ses frais irrépétibles.

Il est équitable d'allouer à la société Ciel d'Azur Lab's une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Ordonne la révocation de l 'ordonnance de clôture datée du 14 avril 2021, notifiée le 23 avril 2021,

Ordonne la clôture de l'instruction à la date de l'audience, le 12 mai 2021, avant les plaidoiries,

Déclare recevables les conclusions de la société Ciel d'Azur, notifiées le 10 mai 2021, et celles de la société X, notifiées le 23 avril 2021.

Statuant dans les limites de l'appel

Infirme le jugement, sauf en ce qu'il a débouté la société X de sa demande indemnitaire relative à une rupture abusive du contrat,

Statuant à nouveau,

Dit que la société X n'a exécuté qu'un contrat de distribution des produits de la société Ciel d'Azur,

Dit que la société X ne peut se prévaloir de la qualité d'agent commercial de la société Ciel d'Azur,

Rejette les demandes de la société X,

Condamne la société X à payer à la société Ciel d'Azur la somme de 4 210,96 euros au titre de la facture n° 180 293 du 2 juillet 2018,

Y ajoutant,

Condamne la société X à payer à la société Ciel d'Azur la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société X à payer les entiers dépens de première instance et d'appel, et autorise la SELARL Lexavou2 avocats à recouvrer directement ceux dont elle aurait fait l'avance sans recevoir provision, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.