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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 2, 16 septembre 2021, n° 20/13203

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Peugeot (SA), Automobiles Citroën (SA), Automobiles Peugeot (SA), Commerciale de Distribution Pièces de Rechange et Service (SAS), Société de Pièces et Services Automobiles de l'Ouest (Sté), Société Pièces et Entretien Automobile Bordelais (Sté), Lilloise de Services et de Distribution de Pièces de Rechange (SAS), Lyonnaise de Pièces et Services Automobile (SAS), Est PR (SAS)

Défendeur :

Midi Auto (SA), Euromotor (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Guillou

Conseillers :

M. Rondeau, Mme Chopin

Avocats :

Me Teytaud, Me Kouchnir Cargill, Me Grappotte Benetreau, Me Bertin

T. com. Paris, prés., du 4 sept. 2020

4 septembre 2020

Exposé du litige

Le groupe PSA, désormais Stellantis, est composé de sa société holding Peugeot SA, devenue la société Stellantis, contrôlant les sociétés Automobiles Peugeot, Automobiles Citroën et PSA Retail.

Les sociétés Automobiles Citröen et Automobiles Peugeot ont pour activité la distribution de biens et services des marques Peugeot, Citroën, DS et Eurorepar.

Les sociétés SCDPRS, SPSAO, PEAB, SLSDPR, SLPSA et Est PR sont des filiales de la société PSA Retail et exercent une activité rattachée aux pièces de rechange automobiles des marques Peugeot et Citröen.

Le groupe Midi Auto est composé de sa société holding, la société Holding Midi Auto et de plusieurs filiales, à savoir notamment la société Ma Pièce Auto Bretagne et la société Autopuzz.

Les sociétés Peugeot, Automobile Citroën et Automobiles Peugeot, membres du groupe PSA, ont organisé un réseau de plates formes régionales de distribution de pièces de rechange. Dans ce cadre elles signent avec des distributeurs agréés des contrats de distributeur officiel de pièces de rechange, équipements et accessoires (DOPRA), portant sur la distribution des pièces de rechange de marque Peugeot, Citroën et DS.

Ces contrats contiennent une clause d'étanchéité qui interdit au distributeur agréé de revendre à des personnes « qui ont une activité de revente » et qui ne sont pas membres du réseau de distribution des produits de marques Peugeot, Citroën, DS. En revanche sont autorisées les ventes de pièces d'origine de rechange à des réparateurs agréés ou indépendants, c'est à dire à des garagistes ayant besoin de pièces pour exercer leur activité de réparation ou d'entretien des véhicules, le modèle de contrat à utiliser entre le distributeur agréé et le réparateur agréé ou indépendant prévoyant que le réparateur n'a pas le droit de revendre ces produits d'origine PSA uniquement destinés à la réparation et à l'entretien des véhicules.

Les sociétés Automobiles Citröen et Automobiles Peugeot sont liées par un contrat de DOPRA avec la société Ma Pièce Auto Bretagne (la société MPAB), distributeur agréé, créée à cet effet par le groupe Midi Auto, acteur majeur dans l'Ouest de la France de la distribution de véhicules de marque Peugeot et Citroën.

La société Autopuzz n'est pas membre du réseau. Elle exerce une activité de commerce de pièces de rechanges automobiles. Sa qualité de réparateur est débattue.

Reprochant à la société MPAB de vendre des pièces à la société Autopuzz dont l'activité consiste en la revente de pièces de rechange, notamment sur internet, qui appartient également au groupe Midi Auto et qui revend lesdites pièces en dehors du réseau PSA, en violation des stipulations du contrat, les sociétés Peugeot, Automobile Citroën et Automobiles Peugeot, faisant application de la clause résolutoire insérée au contrat, ont résilié son contrat DOPRA, à effet immédiat, le 14 novembre 2018. Par arrêt du 20 février 2019, ayant fait l'objet d'un pourvoi qui a été rejeté, la cour d'appel de Paris a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de rétablissement du contrat.

Une procédure est en cours devant les juges du fond visant à rétablir le contrat.

Soutenant que le groupe PSA laisse sa filiale PSA Retail et ses propres filiales développer une activité organisée de revente de pièces de rechange à des revendeurs non autorisés en violation de la clause d'étanchéité de leur contrat de DOPRA, tout en sanctionnant dans le même temps tout DOPRA indépendant au titre d'agissements identiques, réservant ainsi le monopole de l'approvisionnement du marché parallèle en pièces de rechange d'origine de ses marques à sa seule filiale, la société Midi Auto et la société Euromotor ont déposé une requête devant le président du tribunal de commerce de Paris pour voir ordonner une mesure d'instruction sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, en vue d'un futur procès pour violation du contrat de distribution DOPRA et violation de l'article L. 442-2 du code de commerce, pratiques restrictives de concurrence et concurrence déloyale à l'encontre de sociétés du groupe PSA.

Par ordonnance du 7 novembre 2019, il a été fait droit à cette demande. La mesure consistait à faire intervenir un huissier dans les locaux des sociétés SCDPRS, SPSAO, PEAB, SLSDPR, SLPSA et Est PR pour se faire remettre des listes de clients et de factures sur la base de mots clefs précisément énumérés par le juge.

Le 28 novembre 2019, l'huissier a procédé à une saisie de plus de 2,6 millions de factures de vente de pièces de rechange des filiales de PSA Retail à leurs clients.

Par acte du 26 décembre 2019, la société Peugeot, la société Automobiles Citröen, la société Automobiles Peugeot, la société SCDPRS, la société SPSAO, la société PEAB, la société SLSDPR, la société SLPSA et la société Est PR ont fait assigner la société Holding Midi Auto et la société Euromotor devant le président du tribunal de commerce de Paris aux fins de :

- à titre principal, dire que les sociétés Holding Midi Auto et Euromotor n'avait ni qualité, ni intérêt à agir, que leur requête était donc irrecevable et que l'ordonnance du 7 novembre 2019 doit être annulée,

- à titre subsidiaire, dire que ni la requête, ni l'ordonnance, ne contiennent de motif légitime permettant de déroger au contradictoire, que l'ordonnance du 7 novembre 2019 doit être rétractée,

- en tout état de cause, déclarer nulles et de nul effet toutes les conséquences attachées à l'exécution de l'ordonnance du 7 novembre 2019,

Par ordonnance de référé collégiale rendue le 4 septembre 2020, la juridiction saisie a :

- débouté les demanderesses de toutes leurs demandes,

- confirmé l'ordonnance du 7 novembre 2019 en toutes ses dispositions,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné les demanderesses aux dépens.

Le premier juge a fondé cette décision notamment sur les motifs suivants :

- en raison du nombre trop important de pièces saisies, le groupe PSA a refusé de procéder à la levée du séquestre desdites pièces,

- la société Midi Auto avait qualité à agir : en effet, elle envisage d'introduire une action sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle et en tant que holding, elle est caution de ses filiales,

- la société Midi Auto et la société Euromotor ont intérêt à agir dès lors que, si les faits délictueux de concurrence déloyale et d'atteinte à la libre concurrence sont avérés, tout opérateur économique évoluant sur le marché des pièces détachées des marques Peugeot et Citröen est susceptible de subir un préjudice financier,

- il existe un motif suffisant pour déroger au contradictoire puisque la nature même d'un litige en « concurrence déloyale » induit des risques d'actes de dissimulation de pièces compromettantes et nécessaires à la manifestation de la vérité, seul l'effet de surprise permettant de l'éviter. Des demandes de communication amiable de pièces avaient déjà été formées mais se sont soldées par un échec ; le principe du contradictoire sera de toute façon rétabli lorsqu'il faudra analyser les pièces saisies,

- la notion de « procès en cours » de l'article 145 du code de procédure civile ne concerne que les procès entre les mêmes personnes et pour les mêmes faits. En conséquence, l'article 145 du code de procédure civile est applicable car le procès au fond en cours porte sur la résiliation du contrat DOPRA entre une filiale de la société Midi Auto et le groupe PSA et ne concerne pas les mêmes parties,

- le motif légitime à procéder à une mesure d'instruction in futurum est caractérisé. En effet, le groupe PSA réfute toutes accusations faites contre lui, mais refuse aussi de procéder à la levée du séquestre qui pourrait pourtant servir à prouver son absence de responsabilité. Ce comportement contradictoire couplé de la production de quelques pièces compromettantes détenues par les sociétés Midi Auto et Euromotor suffisent à caractériser un motif légitime,

- la mesure d'instruction est proportionnée. En effet le marché des pièces automobiles est particulièrement vaste et la preuve de l'infraction au droit de la concurrence nécessite d'être le plus exhaustif possible. La concurrence est l'enjeu de ce litige et la mesure d'instruction reste raisonnable en ce qu'elle est limitée dans son objet et dans sa durée.

Par déclaration en date du 18 septembre 2020, la société Peugeot, la société Automobiles Citröen, la société Automobiles Peugeot, la société SCDPRS, la société SPSAO, la société PEAB, la société SLSDPR, la société SLPSA et la société Est PR ont interjeté appel de cette ordonnance, à l'encontre de tous les chefs de son dispositif.

Au terme de leurs conclusions remises au greffe le 12 mars 2021, la société Peugeot, la société Automobiles Citröen, la société Automobiles Peugeot, la société SCDPRS, la société SPSAO, la société PEAB, la société SLSDPR, la société SLPSA, la société Est PR et la société Stellantis NV, venant aux droits de la société Peugeot SA, demandent à la cour, sur le fondement des articles 145, 146, 493 et suivants et 874 et suivants du code de procédure civile, de :

A titre principal

- infirmer l'ordonnance du 4 septembre 2020 en toutes ses dispositions,

Et, statuant à nouveau

- dire et juger que les sociétés Holding Midi Auto et Euromotor n'avaient ni qualité ni intérêt à agir et que leur requête était donc irrecevable,

En conséquence

- annuler l'ordonnance rendue sur requête le 7 novembre 2019 en toutes ses dispositions,

A titre subsidiaire

- infirmer l'ordonnance du 4 septembre 2020 en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau

- dire et juger que ni la requête, ni l'ordonnance, ne contiennent de motifs justifiant de déroger au principe du contradictoire,

- dire et juger que ni la requête, ni l'ordonnance, ne remplissent les conditions de l'article 145 du code de procédure civile,

En conséquence

- rétracter l'ordonnance rendue sur requête le 7 novembre 2019 en toutes ses dispositions,

En tout état de cause

- déclarer nulles et de nul effet toutes les conséquences attachées à l'exécution de l'ordonnance rendue sur requête le 7 novembre 2019,

- ordonner la restitution de l'ensemble des éléments issus de la mesure d'instruction,

- condamner in solidum les sociétés Holding Midi Auto et Euromotor à payer à chacune des sociétés appelantes la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les sociétés Holding Midi Auto et Euromotor aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître François Teytaud, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société Peugeot, la société Automobiles Citröen, la société Automobiles Peugeot, la société SCDPRS, la société SPSAO, la société PEAB, la société SLSDPR, la société SLPSA et la société Est PR font valoir en substance les éléments suivants :

- le premier juge a confondu deux instances en faisant référence à la facture isolée de quatorze euros ; les sociétés du groupe PSA arguaient simplement que le groupe a dû mettre en place une police du réseau pour contrer les rares violations de son étanchéité,

- le fait que le premier juge insinue qu'en refusant la levée des séquestres, que les sociétés du groupe PSA cherchent à cacher quelque chose, est un raisonnement contraire aux principes juridiques élémentaires,

Sur l'absence d'intérêt à agir des sociétés Midi Auto et Euromotor emportant irrecevabilité de la requête

- s'agissant de la société Midi Auto, elle n'a pas qualité ni intérêt à agir, elle est en effet une holding et ce sont ses filiales, qui ont une personnalité morale propre, qui ont conclu des contrats de distribution avec le groupe PSA de sorte que seules les filiales de la société Midi Auto peuvent agir en justice pour solliciter une mesure d'instruction.

Le préjudice dont se prévaut la société Midi Auto du fait de la prétendue violation du réseau par des sociétés du groupe PSA lui-même, résulte en réalité de la violation du réseau résulte des agissements de sa filiale Ma Pièce Auto Bretagne,

- s'agissant de la société Euromotor, elle n'a pas intérêt à agir puisqu'elle ne prouve pas être concernée par les quelques factures émanant de la société SCDPRS.

En outre cette société est un distributeur parallèle hors réseau dont l'approvisionnement est, jusqu'à preuve du contraire, présumé illicite et faite en violation du réseau de distribution sélective. En conséquence la société Euromotor n'est pas légitime à demander une mesure d'instruction in futurum pour vérifier si les sociétés du groupe PSA violent ou non l'étanchéité du réseau alors qu'elle procède elle-même à la violation de cette étanchéité.

- les sociétés Midi Auto et Euromotor, dont les intérêts sont a priori contraires, ont décidé de formuler une requête commune contre des sociétés du groupe PSA, dans le seul objectif d'influer sur le litige relatif à la résiliation du contrat de DOPRA de la société Ma Pièce Auto Bretagne,

Sur l'absence de motifs suffisants pour déroger au contradictoire

- en application des articles 875 et 493 du code de procédure civile, et de la jurisprudence de la Cour de cassation, il peut être dérogé au principe du contradictoire et provoquer la surprise afin d'éviter la disparition de preuves, or en l'espèce ce risque est inexistant,

- en effet, déjà plusieurs mois avant le prononcé des mesures d'instruction in futurum, la société Ma Pièces Auto Bretagne avait annoncé par voie de presse qu'elle ferait procéder à des investigations auprès de sociétés du groupe PSA,

- en outre, les pièces saisies sont exclusivement des factures qui, selon la jurisprudence, ne sont pas des pièces qui ont peuvent être modifiées ou supprimées, d'autant plus dans un groupe comme PSA qui est contrôlé par des commissaires aux comptes, dont les factures sont enregistrées dans des systèmes informatiques sécurisés et intangibles, et qui est soumis à un système d'éthique et de conformité strict,

- enfin, les accusations de « manœuvres » sur les « témoins » sont mensongères et ont fait l'objet d'une plainte pour « dénonciation calomnieuse, fausses attestations, abus de confiance et/ou vol, complicité et recel de ces infractions ». Ces éléments ne pouvaient pas valablement être retenus par le premier juge pour justifier la violation du principe du contradictoire,

Sur l'existence d'un procès au fond

- l'absence de procès en cours est l'une des conditions d'application de l'article 145 du code de procédure civile,

- or, les sociétés Midi Auto et Euromotor ont volontairement trompé le juge des requêtes sur l'existence d'un procès au fond pour détourner l'article 145 du code de procédure civile et obtenir des éléments destinés au procès en cours portant sur la résiliation du contrat de DOPRA liant la société Ma Pièce Auto Bretagne et les sociétés Automobiles Peugeot et Automobiles Citröen,

Sur l'absence de motif légitime

- en application de l'article 145 du code de procédure civile et de la jurisprudence, celui qui demande une mesure d'instruction in futurum doit justifier d'éléments rendant plausibles ses suppositions, et étayer que les preuves obtenues pourraient être utiles dans un procès à venir

Les « intérêts de la justice économique » et « la sauvegarde de l'ordre économique » ne sont pas des arguments valables,

- les soixante factures dont se targuent les intimés et qui auraient été émises par la société PSA Retail ne sont pas pertinentes car elles ne concernent pas des pièces de rechanges dont la revente est interdite, ou elles ont été émises à l'égard de réparateurs indépendants,

- il est aussi possible de douter de la loyauté de la preuve quant à l'obtention de ses factures.

- la société B exerce aussi une activité de réparateur et il est donc normal que le groupe PSA lui ait fourni des pièces de rechange d'origine,

- la mention « Gge » sur certaines factures émises par PSA Retail ne vise pas à faire croire que ses clients seraient des réparateurs indépendants, mais est juste un paramètre standard d'enregistrements de nouveaux comptes clients dans le serveur de comptabilité, ce dont on ne peut déduire aucune intention maligne,

- en conséquence, aucun élément ne permet de soupçonner le groupe PSA d'alimenter un réseau parallèle de pièces de rechange,

Sur la disproportion des mesures autorisées

- les mesures de saisies autorisées sont des mesures d'investigations générales disproportionnées au but recherché en ce qu'elles ont porté sur 2,6 millions de factures au sein des locaux des filiales de PSA Retail, sans distinction entre des factures sous distribution sélective ou non,

- le premier juge n'a pas pour rôle de se substituer à l'Autorité de la concurrence ou à la DGCCRF pour protéger une prétendue atteinte au droit de la concurrence et ne peut pas autoriser des saisies aussi vastes,

- les mots clefs utilisés ne sont en grande partie pas pertinents, sont très génériques, ne justifient pas les circonstances de la cause, concernent des centaines de clients réparateurs indépendants, et vont permettre aux sociétés Midi Auto et Euromotor d'accéder à la majorité des fichiers clients des sociétés du groupe PSA,

- les mesures de saisies vont donner lieu à la communication d'éléments sensibles à un concurrent et à un distributeur parallèle hors réseau, ce qui porte atteinte au secret des affaires et pourrait avoir un effet anticoncurrentiel, ce qui n'est pas légalement admissible au sens de l'article 145 du code de procédure civile.

La société Holding Midi Auto et la société Euromotor, par conclusions transmises par voie électronique le 12 janvier 2021, demandent à la cour, sur le fondement des articles L. 420-1 et suivants, L. 442-1, L. 442-22, L. 153-1 et suivants, et R. 153-1 à R. 153-8 du code de commerce, de l'article 101 du TFUE, et des articles 490, 493, 874, 875, 145 et 249 du code de procédure civile, de :

- juger les sociétés Automobiles Citröen, Automobiles Peugeot, Peugeot, SCDPRS, SPSAO, PEAB, SLSDPR et SAS Est PR mal fondées en leur appel,

- les débouter de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

- confirmer l'ordonnance dont appel du 4 septembre 2020 dans l'intégralité de ses dispositions,

- condamner solidairement les sociétés Automobiles Citröen, Automobiles Peugeot, Peugeot, SCDPRS, SPSAO, PEAB, SLSDPR et Et Pr à chacune des sociétés Holding Midi Auto et Euromotor, une somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens sachant qu'elles ont elles mêmes évalué leurs frais irrépétibles non compris dans les dépens à 45 000 euros.

- les condamner aux entiers frais et dépens d'instance et d'appel.

La société Holding Midi Auto et la société Euromotor exposent en résumé ce qui suit :

Sur les observations liminaires

- la levée des éléments séquestrés permettrait aux sociétés du groupe PSA de prouver qu'il n'existe pas d'activité parallèle organisée à grande échelle de revente de pièces de rechange en violation du réseau étanche ce qu'elles refusent pourtant,

- le premier juge ne s'est pas « trompé » en évoquant la facture de quatorze euros qui a bien été débattue oralement à l'audience,

- la décision du premier juge de ne pas rétracter son ordonnance initiale est fondée sur les éléments qui lui ont été soumis et non sur le refus des sociétés du groupe PSA de lever les séquestres,

Sur la qualité et l'intérêt à agir

- en application de l'arrêt d'assemblée plénière de la Cour de cassation du 6 octobre 2006, il est admis qu'un tiers à un contrat peut invoquer un manquement contractuel et agir sur le fondement de la responsabilité délictuelle, lorsque ce manquement lui a causé un dommage,

- la société Midi Auto a intérêt et qualité à agir car si elle est tiers aux contrats de DOPRA, elle peut agir sur le fondement de la responsabilité délictuelle contre les sociétés du groupe PSA en ce qu'elle éprouve des préjudices financiers personnels,

- la société Euromotor a intérêt à agir puisqu'elle est agent commercial de la société Schäferbarthold qui est grossiste dans la commercialisation des pièces de rechanges d'origine PSA en Europe. En tant qu'agent commercial, la société Euromotor ne peut pas se voir reprocher des griefs sur le fondement d'un approvisionnement illicite, car seule la société Schäferbarthold, non partie à la procédure, fait l'objet d'approvisionnements dont il n'est aucunement prouvé qu'ils soient illicites.

- en outre, s'il est avéré que les sociétés du groupe PSA violent l'étanchéité du réseau, alors les tiers pourront être approvisionnés auprès de distributeurs agréés sans violer la moindre interdiction qui leur serait alors inopposable,

- enfin, le groupe PSA ruine l'économie du contrat de la société Euromotor lorsqu'il interdit aux distributeurs indépendants de s'approvisionner sur un marché parallèle, tout en l'alimentant lui-même,

Sur la dérogation au principe du contradictoire

- il n'a pas été possible d'obtenir contradictoirement les éléments de preuve sollicités malgré deux demandes amiables faites au groupe PSA par une société du groupe Midi Auto,

- les sociétés du groupe PSA veulent en réalité dissimuler l'ampleur de leurs pratiques illicites visant à réserver au groupe PSA le monopole du marché parallèle de revente de pièces de rechange d'origine PSA. Un faisceau d'indices permet déjà d'affirmer cette volonté de dissimulation. En effet, la SCDPRS a identifié certains de ses clients par la mention « Gge » alors qu'il ne s'agit pas de réparateurs mais bien de revendeurs non autorisés,

- des sociétés du groupe PSA ont procédé à la suppression de comptes clients revendeurs hors réseau et à des pressions sur des témoins de leurs pratiques illicites,

- il y avait un risque réel de modification des éléments de preuve en cas de respect du principe du contradictoire. La jurisprudence citée par les appelantes indiquant que des documents comptables n'encourent pas de risque de disparition ne correspond pas aux circonstances d'espèce, alors qu'il a déjà été jugé en sens contraire que des factures pouvaient faire l'objet de mesures d'instruction in futurum prises non contradictoirement lorsque les circonstances l'exigent,

- l'effet de surprise dans l'appréhension des factures a bien joué. En effet les sociétés du groupe PSA ne pouvaient pas présager que les sociétés Midi Auto et Euromotor allaient solliciter une mesure d'instruction in futurum par voie de requête alors même qu'elles étaient étrangères à la conférence de presse ayant fait suite à une audience ne les concernant pas,

- en outre, les mesures prises par surprise ont permis de saisir toutes les factures recherchées dont celles du plus gros grossiste français de pièces de rechange, B,

Sur la dissimulation d'un procès en cours

- dans l'affaire opposant les sociétés Automobiles Peugeot et Automobiles Citröen à la société Autopuzz (RG 20/13805), les deux sociétés du groupe PSA ont communiqué au juge une liste incomplète des distributeurs agréés du réseau PSA, en retirant les DOPRA contrôlés par la société PSA Retail. Les sociétés Euromotor et Midi Auto ont donc été contraintes à leur tour de saisir le juge des requêtes pour faire une mesure d'instruction contre les DOPRA de la société PSA Retail,

- dans leur requête, les sociétés Midi Auto et Euromotor ont fait preuve de transparence en mentionnant l'existence d'un procès en cours lié à la résiliation du contrat de DOPRA de la société Ma Pièces Auto Bretagne alors que les sociétés Automobiles Peugeot et Automobiles Citröen ne peuvent pas se targuer d'une telle transparence dans l'affaire les opposant à la société Autopuzz et sont donc malvenues de se plaindre de l'existence d'un procès déjà en cours,

- le procès envisagé par les sociétés Midi Auto et Euromotor ne concerne pas les mêmes parties que le procès déjà en cours relatif à la résiliation du contrat de DOPRA de la société Ma Pièces Auto Bretagne, et n'aura pas non plus le même objet,

Sur le motif légitime

- l'article 146 du code de procédure civile interdisant au juge d'ordonner une mesure d'instruction pour suppléer la carence d'une partie dans l'apport de la preuve ne s'applique pas aux mesures d'instruction in futurum,

- un ensemble de commencement de preuve existe déjà pour fonder les soupçons d'une activité de revente illicite de la part du groupe PSA,

Sur l'admissibilité des mesures ordonnées

- les sociétés Automobiles Peugeot et Automobiles Citroën ont demandé exactement les mêmes mesures à l'encontre de la société Autopuzz dans l'affaire RG n° 20/13805,

- les mesures demandées par les sociétés Midi Auto et Euromotor sont circonscrites à ce qui est nécessaire pour connaître l'importance des reventes illicites opérées : la recherche par mots clefs ne vise que l'activité de revendeurs de pièces de rechange de chaque département où sont implantées les plate formes contrôlées par la société PSA Retail,

Il sera renvoyé aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé. L'article 493 du même code prévoit que l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse.

Il résulte des articles 497 et 561 du code de procédure civile que la cour d'appel, saisie de l'appel d'une ordonnance de référé statuant sur une demande en rétractation d'une ordonnance sur requête prescrivant des mesures d'instruction destinées à conserver ou à établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, est investie des attributions du juge qui l'a rendue devant lequel le contradictoire est rétabli.

Cette voie de contestation n'étant que le prolongement de la procédure antérieure, le juge doit apprécier l'existence du motif légitime au jour du dépôt de la requête, à la lumière des éléments de preuve produits à l'appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui. Il doit à cet égard constater qu'il existe un procès en germe possible et non manifestement voué à l'échec au regard des moyens soulevés, sur la base d'un fondement juridique suffisamment déterminé, sans qu'il revienne au juge des référés de se prononcer sur le fond, et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée, celle-ci ne devant pas porter une atteinte illégitime aux droits et libertés fondamentaux d'autrui. Il doit encore rechercher si la mesure sollicitée exigeait une dérogation au principe du contradictoire. Les circonstances justifiant cette dérogation doivent être caractérisées dans la requête ou l'ordonnance qui y fait droit.

Au cas d'espèce, la mesure sollicitée par requête avait pour objectif de démontrer que, tout en prétendant faire scrupuleusement respecter la clause d'étanchéité de l'article VI du contrat DOPRA, le groupe PSA laisse impunément ses filiales développer une activité organisée de revente de pièces de rechange à des revendeurs non autorisés, en violation de leur contrat, tout en sanctionnant les cocontractants indépendants au titre d'agissements identiques.

Il est soutenu qu'une telle attitude contreviendrait gravement au droit de la concurrence interne et européen et pourrait justifier des procès en responsabilité de la part des distributeurs agréés qui ont investi dans un réseau de distribution sélective faussement étanche, et de tout intéressé qui subirait les conséquences de ces pratiques.

Le groupe PSA réplique qu'il n'a aucun intérêt à mettre en péril ses propres systèmes de distribution en laissant perdurer un marché parallèle contraire à ses intérêts.

Sur l'intérêt et la qualité à agir des requérantes :

Les réquerantes sont la société Holding midi auto (HMA) et Euromotor.

La première est la holding du groupe Midi Auto, composée de plusieurs filiales dont Ma Pièce Auto Bretagne, en litige avec le groupe PSA pour la résiliation de son contrat de DOPRA, et la société Autopuzz.

Il sera d'abord relevé qu'aucun des moyens développés ne porte sur la qualité à agir des personnes dont il n'est pas contesté qu'elles sont représentées par une personne physique qui justifie d'un mandat légal, les moyens développés étant relatifs à l'intérêt à agir.

Sur l'intérêt à agir de la société HMA :

Le groupe PSA soutient que n'ayant pas d'autre activité que la gestion d'actions et de droits sociaux et le contrôle de ses filiales, qui disposent de personnalité morale propre et autonome et qui ont seules conclu des contrats de DOPRA, n'a pas d'intérêt à agir si ce n'est pour soutenir le procès au fond opposant le groupe PSA à la société MPAB.

La société HMA réplique que même non liée par un contrat, la société HMA subit un préjudice si les faits sont avérés, puisqu'elle est caution de ses filiales et que celles-ci lui versent des dividendes, qu'elle peut, sur le fondement délictuel, invoquer le manquement d'un tiers à ses obligations contractuelles.

Le litige entre les parties doit être suffisamment déterminable, pour justifier l'intérêt à agir en référé.

En l'espèce la société HMA soutient qu'elle aurait intérêt à agir sur le fondement délictuel en se prévalant du manquement contractuel du groupe PSA.

En effet, un tiers au contrat peut se prévaloir, sur le fondement délictuel, d'un manquement contractuel qui lui a causé un préjudice. L'effet relatif des contrats n'interdit pas aux tiers d'invoquer la situation de fait créée par les conventions auxquelles ils n'ont pas été parties, si cette situation de fait leur cause un préjudice de nature à fonder une action en responsabilité délictuelle.

Dès lors, un éventuel manquement du groupe PSA à la surveillance de l'étanchéité de son réseau en favorisant ses propres filiales au détriment des distributeurs agréés, pourrait donner lieu, à le supposer établi, à une action de la part d'une holding se prévalant du préjudice en résultant, via ses filiales, pour elle-même, du fait des garanties mises en oeuvre à son égard ou de la défaillance de ses filiales ayant des conséquences financières sur sa propre situation.

Son intérêt à agir, distinct du bien fondé de l'action, est donc suffisamment caractérisé.

Sur l'intérêt à agir de la société Euromotor:

Cette société se présente comme l'agent commercial de la société allemande Schäferbarthold, grossiste dans la commercialisation des pièces de rechanges Peugeot et Citroën.

Le groupe PSA réplique que ce distributeur parallèle hors réseau de pièces d'origine PSA d'origine couvertes par son système de distribution sélective est présumé illicite, que d'ailleurs les mises en demeure d'avoir à cesser les reventes illicites concernaient notamment les pièces vendues à la société allemande Schäferbarthold.

Le bien fondé des demandes qui seront le cas échéant formées par la société Euromotor contre les sociétés du groupe Peugeot si la mesure d'instruction établissait des fautes de leur part ne peut être apprécié à ce stade de la procédure la cour n'étant pas saisie du caractère licite ou illicite de l'approvisionnement de la société Schäferbarthold. La participation de la société Euromotor à la violation du réseau de distribution illicite ne peut être présumée et dès lors les éventuelles reventes dans des conditions illicites de pièces qu'elle même revend en tant qu'agent commercial suffisent à caractériser un intérêt à agir sans aucun préjugement de son bien fondé, les critiques faites par le groupe PSA à l'alliance entre HMA et un revendeur hors réseau relevant du juge du fond.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu l'intérêt à agir des sociétés Euromotor et HMA.

Sur la dérogation au principe du contradictoire :

Ainsi qu'il a été rappelé, une mesure d'instruction "in futurum" peut être ordonnée sur requête ou en référé. Elle ne peut être ordonnée sur requête que lorsque les circonstances exigent qu'elle ne le soit pas contradictoirement.

La requête versée aux débats comporte un paragraphe sur la nécessité au principe du contradictoire et le jugement est également motivé sur ce point.

Pour apprécier le caractère nécessairement non contradictoire de la mesure, il convient de rappeler que la mesure d'instruction demandée consistait à saisir simultanément chez six sociétés filiales de la société PSA retail des listes de clients ainsi que « la totalité des factures de vente à ce client depuis 2017 de pièces de rechanges et accessoires d'origine Peugeot Citröen DS ou de pièces de rechange et accessoires commercialisées sous le label Eurorepar ».

- Les sociétés Euromotor et HMA soutiennent en premier lieu que l'effet de surprise était nécessaire à la réussite de la saisie.

Or par un courrier du 26 juillet 2019, répondant à un courrier du groupe PSA du 24 juillet 2019 concernant les sources d'approvisionnement de la société MPAB, cette dernière écrit "vous auriez pu avoir la décence de ne pas nous écrire à ce sujet et de ne pas à nouveau nous menacer quand on sait que votre société PSA Retail approvisionne en toute illégalité et massivement des revendeurs hors réseau qui n'exercent aucune activité de réparateur indépendant. Nous en avons la preuve formelle et nous profitons de l'occasion que vous nous donnez pour vous dire qu'il est inutile de clôturer en toute hâte les comptes de ces clients. Le mal est fait et nous vous mettons en demeure de nous communiquer toutes les factures et le nom de tous vos clients revendeurs hors réseau non réparateurs indépendants depuis le 1er janvier 2018 jusqu'au 30 juin 2019, le chiffre d'affaires total réalisé par ces clients et les taux de remise pratiqués pour chacun d'eux et ce dans un délai de 8 jours", ce à quoi la société PSA répondait que le ton du courrier était inadmissible et qu'elle ne déférerait pas à la sommation.

Dans un courrier adressé le 20 août suivant, la même société refusait de donner l'origine des PDR (pièces de rechange) PSA vendues par MPAB dans les termes suivants « ce qui est inadmissible c'est votre attitude personnellement malveillante à l'égard du groupe Midi auto et de la société MPAB en particulier », ajoutant « votre demande suppose que le groupe PSA entreprenne tout son possible pour assurer l'étanchéité de la distribution de ses PDR ». Nous réitérons notre mise en demeure de communication de ces éléments sous huitaine(...) En effet les avertissements que vous venez de notifier à certains de vos vendeurs PSA Retail Ile de France n'est pas de nature à remettre en cause la responsabilité de la mise en vente massive de PDR d'origine par PSA sur le marché parallèle avec de tels taux de remise que la revente par ces revendeurs non autorisés s'effectue à des conditions plus avantageuses que celles consenties par PSA à ses propres DOPRA ».

Il sera également relevé qu'au sortir d'une audience le conseil de la société MPAB a indiqué qu'il allait « demander des audits pour obtenir des factures de tous les points de vente de PSA Retail et avertir la DGCCRF en vue de diligenter une enquête pour pratique discriminatoire en matière de fixation des prix ».

Les sociétés HMA et Euromotor produisent d'ailleurs un mail de M. X, inspecteur à la DGCCRF qui indique être très intéressé par les documents que lui aurait promis Maître Bertin au cours d'un entretien en novembre 2020.

La recherche de preuves supplémentaires pour étayer les premiers éléments déjà récupérés a donc été publiquement annoncée et même discutée entre les parties.

- Les sociétés Euromotor et HMA soutiennent en second lieu que le dépérissement des preuves était à craindre.

Les sociétés Euromotor et HMA produisent un courriel de M. A, directeur de la plateforme DOPRA de Gonesse qui fait état de la nécessité de fermer de nombreux comptes ne respectant pas la règle interdisant « dans le cadre d'un contrat de distribution sélective, de vendre des pièces à des sociétés dont le Kbis est celui d'un revendeur, et ce quelque soit la typologie des pièces sauf index 12 équipementier ».

Dans ce mail M. A rappelle que de nombreux comptes sont fermés depuis le dernier trimestre 2018 ainsi que le litige opposant PSA à la société MPAB et expose qu'il convient d'être extrêmement vigilant "lors d'appel du call sur des comptes que nous aurions oublié de fermer".

Sont également produits des attestations de salariés qui confirment :

- que PSA Retail avait toujours autorisé et validé ces ventes 'et semblait vouloir les interdire tout à coup' (attestation de M. B)

- que M. Y, ayant exercé la fonction de chef de secteur chez PSA Retail France du 2 janvier 2017 au 4 mars 2020, atteste avoir été témoin et avoir participé à la revente de pièces et produits à des revendeurs hors réseau PSA pratique pourtant vraisemblablement interdite. Cette attestation ajoute que « les quelques comptes fermés encore une fois sont symboliques en considération du volume de nos ventes aux grossistes de pièces dont la plupart n'avaient aucune activité de réparateur et ressemblaient plus à des quincailleries automobiles qu'à des garages » (attestation de M. Z),

- que "l'activité la plus rentable chez PSA Retail dans sa plaque DOPRA de Gonesse était la vente de pièces d'origine à nos clients revendeurs non distributeurs du réseau et qui n'avaient aucun atelier mais qui étaient très nombreux sur notre zone (...) Quand l'affaire D a démarré fin 2018 c'était la panique chez nous et nos directeurs nous ont demandé de fermer certains clients revendeurs extérieurs au réseau pour l'exemple pour montrer qu'on respectait le contrat ce qui est faux. Ceux qu'on a fermé fin 2018 c'était une goutte d'eau dans la mer et quand l'affaire D a rebondi été 2019 M. A a balancé une circulaire par mail à tous les commerciaux pour annoncer qu'il fermait encore une dizaine de comptes de revendeurs indépendants. « Ça nous a fait rire car PSA Retail perdrait beaucoup d'argent si on ne devait revendre qu'aux concessionnaires ou réparateur de PSA ou aux petits MRA » (attestation de M. C).

Il en résulte que l'affaire ayant opposé la société MPAB au groupe PSA a donné lieu à diverses actions dans le groupe tant vis à vis des distributeurs agréés que dans le groupe PSA et notamment au sein de PSA Retail et que certaines sociétés du groupe PSA Retail ont pris des mesures pour fermer des comptes de clients méconnaissant manifestement les contrats DOPRA.

Mais il en résulte aussi qu'aucune confidentialité ne s'imposait, la recherche de preuves étant ouvertement revendiquée.

En effet la requête ne porte sur la saisie de factures de ventes et des listes de client qui figurent dans les comptes de sociétés du groupe PSA et qui ne peuvent être éliminées ou disparaître des comptes certifiés par des commissaires aux comptes, informatisés et strictement verrouillés et contrôlés et devant être conservés en vue de contrôles ou de justifications.

Quant aux fermetures de comptes qui ont été ordonnées à la suite du contentieux MPAB elles peuvent être également aisément mises en évidence et la mission de l'huissier aurait pu porter sur leur nombre et les chiffres réalisés antérieurement à leur fermeture.

Il n'est donc justifié d'aucun risque de déperdition des preuves.

L'absence de nécessité de recourir à une mesure non contradictoire ressort d'ailleurs de la requête qui comporte la motivation suivante: "il est pleinement justifié que les sociétés Midi autos et Euromotor se trouvent placées dans l'impossibilité indiscutable d'obtenir les éléments de preuve déjà mais vainement sollicités contradictoirement" et que "les sociétés du groupe PSA ont intérêt à tenter de dissimuler les informations recherchées qu'elles n'ont pas daigné communiquer suite aux mises en demeure précitées.

La dissimulation des flux commerciaux, comptable et financier internes au groupe PSA n'est nullement à exclure compte tenu de l'imbrication des relations entre lesdites sociétés. Le risque de déperdition des preuves recherchées dès que le groupe PSA aurait connaissance d'une assignation en référé est bien réel".

Or la société MPAB faisant partie du groupe midi Auto a fait sommation au groupe PSA de fournir les pièces que sa société holding HMA a ensuite demandé par ordonnance sur requête.

En outre la réticence du groupe PSA à produire spontanément ces pièces pouvait être contournée de la même manière par une mesure d'instruction débattue contradictoirement et confiée à un officier ministériel qui se serait de la même manière rendu sur place et aurait pu saisir les mêmes éléments comptables.

Enfin le respect du contradictoire aurait permis de discuter des mots clés pertinents, de cantonner la mesure au strict nécessaire, et d'éviter la saisie de millions de pièces dont le seul nombre est impuissant à caractériser la pertinence.

En conséquence, et sans qu'il y soit nécessaire d'examiner les autres moyens, l'ordonnance qui a rejeté la demande de rétractation sera infirmée en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance du 4 septembre 2020 sauf en ce qu'elle a déclaré recevable l'action de la société Holding Midi Auto et de la société Euromotor, et, statuant à nouveau ;

Rétracte l'ordonnance sur requête rendue le 7 novembre 2019 par le président du tribunal de commerce de Paris,

Ordonne à l'huissier ayant procédé à l'exécution des mesures d'instruction le sur le fondement de cette ordonnance de restituer aux sociétés saisies l'intégralité des documents et copies des documents saisis,

Constate la nullité du procès verbal de constat dressé le 28 novembre 2019 sur le fondement de l'ordonnance du 7 novembre 2019,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne les sociétés Holding Midi auto et Euromotor aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers étant distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.