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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 15 septembre 2021, n° 20/07218

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Itm Alimentaire International (Sasu)

Défendeur :

Lidl (S.N.C)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

M. Gilles, Mme Depelley

T. com. Paris, du 29 avr. 2020

29 avril 2020

ARRÊT :

-  Contradictoire,

-  par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

-  signé par Mme Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre et par Mme Sihème MASKAR, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La société ITM alimentaire international (ci-après « ITM ») est en charge de la stratégie et de la politique commerciale des enseignes de distribution alimentaire du groupement des Mousquetaires, notamment l'enseigne Intermarché, ayant des points de vente indépendants.

La société Lidl, filiale du groupe allemand Schwarz, est une enseigne de grande distribution à prédominance alimentaire qui exploite sur tout le territoire français une chaîne de supermarchés (environ 1500).

La société Lidl, forte de sa récompense obtenue dans un concours « Meilleure Chaîne de Magasins » a utilisé ce label sur un certain nombre de supports.

La société ITM, ayant contesté l'objectivité de concours pour l'année 2015/2016 a obtenu un jugement du tribunal de commerce d'Evry en date du 5 juillet 2017 disant que Lidl s'est rendue coupable de pratiques commerciales trompeuses en faisant croire qu'elle a été « élue pour la quatrième fois meilleure chaîne de magasins de l'année ». Ce jugement a été confirmé par la cour d'appel de Paris suivant arrêt du 24 avril 2019. La Cour a retenu que l'utilisation de ce label dans différentes publicités était trompeuse et ainsi, constitutive d'une pratique commerciale trompeuse et qu'elle « induit une comparaison avec d'autres enseignes dont aucun élément du dossier ne permet d'attester la véracité ». La cessation de cette utilisation n'a pas été ordonnée au motif qu'il n'était pas établi que les comportements fautifs étaient toujours en cours.

Depuis, le 9 octobre 2019, la société Lidl a obtenu cette récompense pour la huitième année consécutive et selon ITM, la société Lidl a continué à utiliser ce label.

C'est dans ces conditions que la société ITM a intenté une action en référé le 4 juillet 2019 devant le tribunal de commerce de Nanterre pour demander l'interdiction de son utilisation sur différents supports. Le juge des référés ayant dit qu'il n'y avait lieu à référé, la société ITM a introduit l'affaire au fond devant le tribunal de commerce de Paris, par assignation à bref délai en date du 27 décembre 2019, après y avoir été autorisée sur requête.

Par jugement du 29 avril 2020, le tribunal de commerce de Paris a :

Débouté ITM de toutes ses demandes,

Condamné ITM à payer à Lidl la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du CPC,

Ordonné l'exécution provisoire,

Condamné ITM aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 euros dont 12,20 euros de TVA.

Par déclaration du 11 juin 2020, la société ITM a interjeté appel de ce jugement.

Vu les dernières conclusions de la société ITM déposées et notifiées le 23 avril 2021, par lesquelles il est demandé à la cour d'appel de Paris de :

vu l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 24 avril 2019, RG n° 17/15667,

vu les articles L. 121-2, L. 121-4 et L. 122-1 du Code de la consommation,

vu l'article 1240 du Code civil,

RECEVOIR la société ITM alimentaire international en ses demandes et les déclarer bien fondées,

INFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 29 avril 2020, en toutes ses dispositions

Et statuant à nouveau :

DIRE ET JUGER que l'utilisation des termes « Meilleure Chaîne de magasins » et « Meilleure Chaîne de Magasins de l'Année », en association ou pas avec le terme « élue », est trompeuse car reposant « sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur » au sens de l'article L. 121-2, I, 2°, b du code de la consommation,

DIRE ET JUGER que l'utilisation par Lidl des termes « Meilleure Chaîne » est constitutive d'une publicité comparative trompeuse au sens de l'article L. 122-1 du code de la consommation,

DIRE ET JUGER que l'utilisation par Lidl d'un logo affirmant à tort que la récompense est le résultat d'une certification par un organisme privé ou public est trompeuse au sens de l'article L. 121-4, 4° du code de la consommation,

DIRE ET JUGER que les dépens incluront le coût des constats d'huissier réalisés par ITM dans le cadre de cette procédure,

FAIRE INTERDICTION à la société Lidl d'utiliser les termes « Meilleure Chaîne de magasins » et « Meilleure Chaîne de magasins de l'Année », en association ou non avec le terme « élue », sur quelque support que ce soit sous astreinte de 50.000 ' par infraction constatée, chaque utilisation et/ou diffusion de cette mention sur quelque support que ce soit constituant une infraction distincte pour les besoins de la liquidation de l'astreinte,

DIRE ET JUGER que cette astreinte commencera à courir un mois après la signification de l'ordonnance à intervenir,

CONDAMNER la société Lidl à régler à la société Intermarché alimentaire international la somme de 1.500.000 ' à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice résultant de l'utilisation des termes « Meilleure Chaîne de magasins » ou « Meilleure Chaîne de magasins de l'Année » dans tous les points de vente Lidl depuis le 24 avril 2019,

CONDAMNER la société Lidl à régler à la société Intermarché alimentaire international la somme de 1.000.000 euros, sauf à parfaire, à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice résultant de l'utilisation de des termes « Meilleure Chaîne de magasins » ou « Meilleure Chaîne de magasins de l'Année » sur tous les catalogues promotionnels de Lidl depuis le 24 avril 2019,

CONDAMNER la société Lidl à régler à la société Intermarché alimentaire international la somme de 460.000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice résultant de l'utilisation des termes « élue », « Meilleure Chaîne de magasins » ou « Meilleure Chaîne de magasins de l'Année » sur les réseaux sociaux et sur le site internet www.Lidl.fr depuis le 24 avril 2019,

CONDAMNER la société Lidl à régler à la société Intermarché alimentaire international la somme de 2.000.000 euros, sauf à parfaire, à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi résultant de l'utilisation des termes « Meilleure Chaîne de magasins » ou « Meilleure Chaîne de magasins de l'Année » sur l'ensemble des spots publicitaires diffusés par LIDL à la télévision depuis le 24 avril 2019,

CONDAMNER la société Lidl à régler à la société Intermarché alimentaire international la somme de 2.099.600 euros, sauf à parfaire, à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi résultant de l'utilisation des termes « Meilleure Chaîne de magasins » ou « Meilleure Chaîne de magasins de l'Année » sur dans ses spots publicitaires diffusés à la radio depuis le 24 avril 2019,

ORDONNER la publication du dispositif du jugement à intervenir dans un délai d'un mois suivant la signification du jugement dans cinq revues au choix de la demanderesse et aux frais de la société Lidl dans la limite de 20.000 euros par insertion, ainsi que sur le site internet www.lidl.fr, en première page d'accueil du site Lidl.fr visible dès l'arrivée sur le site en police de caractère ARIAL 12 pendant une durée de deux mois,

CONDAMNER la société Lidl au paiement de la somme de 70.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions de la société Lidl déposées et notifiées le 30 avril 2021, par lesquelles il est demandé à la cour d'appel de Paris de :

vu les articles 5 et 1355 du Code civil,

vu l'article L. 121-2, 2°, b) du Code de la consommation,

vu les articles 564 et 910-4 du Code de procédure civile,

CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a :

-  débouté la SAS ITM alimentaire international de toutes ses demandes,

-  condamné la SAS ITM alimentaire international à payer à la SNC Lidl la somme de 10.000 euros au titrer de l'article 700 du CPC,

-  ordonné l'exécution provisoire,

-  condamné la SAS ITM alimentaire international aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 euros dont 12,20 euros de TVA.

Par conséquent :

DECLARER irrecevable la demande de la SAS ITM alimentaire international tendant à voir juger que l'utilisation par LIDL du logo « Customer Expérience / Retail Certification » est trompeuse au sens de l'article L. 121-4, 4° du Code de la consommation, en ce qu'une telle demande caractérise une demande nouvelle prohibée en cause d'appel ;

DECLARER mal fondé l'appel de la SAS ITM alimentaire international, l'en débouter,

Y ajoutant :

CONDAMNER la SAS ITM alimentaire international à payer à la SNC Lidl la somme de 40.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la Selarl Lexavoue Paris Versailles.

SUR CE, LA COUR

-  Sur la pratique commerciale trompeuse

Sur le caractère trompeur du concours « Meilleure Chaîne de Magasins »

La société ITM soutient que le concours « Meilleure Chaîne de Magasins » est trompeur au sens de l'article L. 121-2 du Code de la consommation.

Tout d'abord, la société appelante affirme que le concours « Meilleure Chaîne de Magasins » repose sur un processus d'achat de voix des consommateurs, indépendamment de toute comparaison objective entre différentes enseignes.

En premier lieu, la société appelante soutient que ce concours n'est pas comparable aux autres classements présents sur le marché, comme ceux de l'institut Kantar Media, d'IFOP et du Journal du Dimanche, dans la mesure où ces classements sont réalisés par des instituts indépendants chaque année des classements des entreprises selon des critères objectifs et/ou fondés sur une méthode scientifique et/ou sociologique, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisqu'il s'agit d'un processus d'appel au vote financé par les enseignes participantes elles-mêmes à l'attention de leurs clients, afin que ceux-ci votent pour elles et qu'elles puissent ainsi récolter le plus de voix possibles. A cet égard, la société appelante reproche au jugement de première instance d'avoir considéré que « NEWIM s'appuie désormais sur l'enquête de la société KHEOLIA pour les concours 2018/2019 » et que ce concours serait désormais organisé par un tiers indépendant selon une méthodologie objective.

En second lieu, la société appelante allègue que la société intimée procède à l'achat de voix des consommateurs par l'intermédiaire de jeux-concours, en les incitant à voter pour elle en échange de l'espérance d'un gain sur tous ses supports. De plus, la société appelante fait valoir que les enseignes participantes font la promotion d'un jeu concours organisé par Newim, organisateur du concours Meilleure Chaîne. En conséquence, l'utilisation des termes « élue » et « de l'Année » suivie de l'année d'édition (2019/2020 ou 2020/2021), laisse entendre que ce prix serait le résultat d'une élection objective année après année ce qui trompe le consommateur.

En troisième lieu, la société appelante soutient que la méthodologie du concours « Meilleure Chaîne » autorise les participants à inviter les consommateurs à voter pour eux grâce à des liens personnalisés et préprogrammés, ces derniers étant destinés à les faire voter automatiquement pour elles, supprimant ainsi toute possibilité de choix de vote du consommateur.

En quatrième lieu, la société appelante affirme que l'issue du concours ne dépend pas d'un comparatif objectif entre les enseignes participantes mais seulement du nombre de clients ayant été incités à évaluer telle ou telle enseigne dans la mesure où la méthodologie 2019/2020 donne un poids considérable à la quantité des votes au détriment de leur qualité et de leur objectivité, d'où la nécessité pour l'enseigne d'inviter par tous moyens le plus grand nombre de consommateurs à voter pour elle.

En cinquième lieu, la société appelante affirme que l'argumentation développée par Lidl, selon laquelle le titre relèverait de l'emphase publicitaire, est contradictoire avec le résultat d'une prétendue élection. La société ITM considère que l'usage de cette distinction a bien pour objet de tromper le consommateur sur les qualités de Lidl en la présentant « Meilleure » que ses concurrentes en vertu d'une prétendue élection entre différentes enseignes ne reposant que sur un achat de voix et non sur des critères objectifs.

Ensuite, la société ITM allègue que cette publicité contrevient aux principes régissant les publicités comparatives dans la mesure où la société Lidl trompe le consommateur en se prétendant « Meilleure » que ses concurrentes, dont Intermarché, grâce au résultat d'une enquête de consommateurs dont les notes sont dénuées de toute objectivité. La société ITM relève que la cour d'appel dans son arrêt du 24 avril 2019 avait considéré que « ce titre induit en effet également une comparaison avec d'autres enseignes dont aucun élément du dossier ne permet d'attester de la véracité. »

Enfin, la société ITM soutient que la Cour d'appel de Paris a déjà reconnu l'absence d'objectivité du concours « Meilleure chaîne de magasins » dans son arrêt du 24 avril 2019 en relevant que le processus d'attribution de la récompense n'est pas objectif et consiste seulement en un achat de voix par Lidl auprès de ses clients et que rien ne permet de démontrer en quoi Lidl pourrait se présenter comme la « Meilleure chaîne de magasins » par rapport à ses concurrents, que ce soit en association ou pas avec le terme « élue ». La société appelante allègue que cet arrêt, en ce qu'il confirme le caractère trompeur de l'emploi du terme « élue » et en ce qu'il a dans son dispositif « dit qu'en employant le terme « Meilleure chaîne de magasins », Lidl s'est rendue responsable d'une pratique commerciale déloyale », est à la fois revêtu de l'autorité de la chose jugée et est passé en force de chose jugée au regard de l'article 500 du CPC, dès lors qu'il n'est plus susceptible de voie de recours ordinaire. Ainsi, si la Cour a refusé d'ordonner la cessation de cette pratique, c'est aux motifs que « il n'était pas établi que les comportements de la société Lidl seraient toujours en cours », à la date à laquelle la Cour statuait mais il est désormais établi que Lidl a poursuivi ses agissements postérieurement à l'arrêt rendu le 24 avril 2019.

La société Lidl rétorque tout d'abord qu'alors que la société ITM considère que le concours « Meilleure Chaîne de Magasins » serait trompeur, elle ne prend à aucun moment la peine de mettre la société organisatrice dans la cause et que, afin d'imputer à Lidl un délit, il est indispensable de démontrer d'abord que la société organisatrice a elle aussi commis un délit, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

De plus, la société Lidl affirme que l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 24 février 2019 ne peut valoir pour le futur conformément au principe de l'autorité de la chose jugée, reconnu dans l'article 1355 du Code civil. En effet, la société intimée relève que la société appelante n'a pas tenu compte non seulement du principe de prohibition des arrêts de règlement, mais surtout de l'évolution de la méthodologie du concours alors que c'est uniquement au regard de la méthodologie utilisée pour l'édition 2015/2016, du nombre de participations pour cette édition (seuls Lidl et Carrefour y ont participé pour leur catégorie contre 32 enseignes pour l'édition 2018/2019 pour la même catégorie), du nombre de votes des consommateurs pour l'édition 2015/2016 et de l'information apportée par Lidl au sujet de cette élection 2015/2016 dans le cadre des spots TV litigieux que la Cour a été amenée à se prononcer et que l'arrêt précisait que cette dernière ne saurait se prononcer sur des pratiques futures. En conséquence, la société Lidl estime qu'il est impossible de déduire de cet arrêt une présomption d'illicéité pour des faits ultérieurs qui ne lui ont pas été soumis et qu'ainsi, la société ITM ne peut pas s'appuyer sur cet arrêt qui se prononce sur l'édition 2015/2016 pour estimer que l'utilisation de la récompense « Meilleure Chaîne de Magasins » des éditions ultérieures et notamment des éditions 2018/2019,2019/2020, 2020/2021 et 2021/2022 serait ipso facto illicite.

En outre, la société Lidl affirme que la société ITM ne démontre pas l'existence d'une pratique commerciale trompeuse. La société intimée relève qu'elle ne fait plus usage du terme « élu » dans ses communications nationales récentes, se contentant de communiquer sur une récompense obtenue légitimement en apposant le logo « Meilleure Chaîne de Magasins de l'année » suivi de l'année de l'édition remportée.

D'une part, la société Lidl soutient que la société ITM ne démontre pas le caractère trompeur du concours « Meilleure Chaîne de Magasins », auquel elle participe d'ailleurs régulièrement. La société intimée souligne que ce concours est la seule élection de consommateurs dans le secteur du « retail » français qui fait appel aux votes des consommateurs, qu'il existe une méthodologie qui régit l'organisation des élections et que l'organisation des Trophées a fait appel à des partenaires indépendants (Kheolia puis Qualimetrie) afin de comptabiliser et analyser le vote des consommateurs. Ces votes suivent une méthodologie spécifique, à la suite de laquelle le classement des résultats est établi avec précision par une note générale de chaque enseigne, obtenue par la moyenne des notes données aux critères de satisfaction évalués. La société Lidl précise que toutes ces informations sont accessibles aux consommateurs sur le site internet de l'opération et qu'ainsi, la méthodologie telle que présentée par la société organisatrice est objective, les résultats examinés de façon indépendante et impartiale, et l'élection doit être regardée comme intelligible et transparente. En outre, la société intimée soutient que l'appel aux votes qui lui est reproché n'est qu'une modalité du concours et est identique pour tous les participants, libres de communiquer ou non sur ce concours. En conséquence, la société Lidl affirme que ce n'est pas elle qui décide du fonctionnement de la récompense « Meilleure Chaîne de Magasins », qu'il s'agit tout simplement de « la méthodologie du concours et que la même logique existe pour les liens personnalisés et préprogrammés. Enfin, la société Lidl estime que la société ITM fait preuve de mauvaise foi dans la mesure où cette dernière a également participé à l'élection « Meilleure Chaîne de Magasins » lors de précédentes éditions.

D'autre part, la société Lidl soutient que la société ITM ne démontre pas le caractère trompeur de l'utilisation de la mention « Meilleure Chaîne de Magasins ». La société intimée affirme qu'elle utilise cette récompense comme elle y est autorisée par la société organisatrice en renvoyant expressément à la période concernée, à la catégorie concernée ainsi qu'à l'enquête consommateurs qui a été réalisée par Kheolia ou Qualimetrie dans le cadre de ce concours, comme le font d'autres enseignes notamment Carrefour. Ainsi, selon Lidl, la publicité est objective et vérifiable puisque le consommateur est en mesure d'apprécier la provenance de ces informations, de connaître les critères utilisés et d'en apprécier la portée. Enfin, la société intimée allègue qu'aucun caractère trompeur ne peut être reproché aux publicités litigieuses dès lors que l'utilisation du titre « Meilleure Chaîne de Magasins » relève de l'emphase publicitaire.

Sur l'évolution du concours « Meilleure Chaîne de Magasins »

La société ITM affirme que le concours « Meilleure Chaîne de Magasins » dans ses éditions récentes repose sur la même méthodologie que les éditions antérieures ayant donné lieu a la décision de la cour d'appel de Paris, ne lui enlevant ainsi pas son caractère trompeur. En effet, le comparatif complet des règlements 2015 et 2019/2020 démontre que la récompense « Meilleure Chaîne » est, année après année, attribuée sur des critères absolument identiques et repose toujours sur un système d'achat de voix, mettant en avant la nécessité pour chaque enseigne participante de motiver ses clients à voter pour elle, indépendamment de tout critère de comparaison entre les différentes enseignes. Selon la société appelante, l'organisateur du concours, NEWIM, reste inchangé et les lauréats du concours doivent obtenir de sa part une licence payante pour se revendiquer « Meilleure Chaîne » ce qui démontre bien que NEWIM est propriétaire de ce logo qu'elle exploite à ce titre. En outre, NEWIM, ne s'appuie pas sur une enquête des organismes de sondage Kheolia et Qualimétrie, qui auraient eu pour mission de désigner impartialement la meilleure enseigne dans la mesure où ces derniers se contentent de fournir aux enseignes participantes une compilation des données recueillies par l'organisateur selon ses propres critères et sa propre méthodologie.

Par ailleurs, la société appelante allègue que, pour inciter encore davantage les consommateurs à voter pour elle, la société intimée organise désormais un jeu concours appelé Lidl Academy parallèlement au concours « Meilleure Chaîne de Magasins », et en lien direct avec celui-ci. Selon la société appelante, le vote du consommateur est nécessairement attribué à Lidl grâce à un lien automatique personnalisé et préprogrammé et l'espoir de gagner 500 euros de bons cadeaux, conduisant ainsi à un vote biaisé et le résultat du concours ne saurait permettre au lauréat de se prétendre « Meilleure » que ses concurrents.

La société Lidl rétorque que la licéité du concours « Meilleure Chaîne de Magasins » ne peut être appréciée qu'au regard de la nouvelle méthodologie des éditions du concours « Meilleure Chaîne de Magasins » puisqu'édition après édition, ce concours a été modifié et a évolué. En effet, la société intimée affirme que l'organisateur de la récompense a changé (passant de la société Q&A Research and Consultancy à NEWIM de 2017 à 2021 qui gérait et était responsable de l'élection en recourant à des prestataires indépendants, à l'instar de l'institut d'études marketing Kheolia pour les enquêtes auprès des consommateurs), que les partenaires en charge des études sont indépendants (comme l'institut d'études marketing Kheolia ou encore Qualimetrie SAS), que la méthodologie a été refondue avec une présentation et un nombre de critères différents, que le niveau d'information donné aux consommateurs et participants a été renforcé dans un souci de transparence, que le nombre de participants dans les catégories dans lesquelles Lidl est présente a sensiblement augmenté et que ce n'est plus Q&A qui est propriétaire des marques et logos mais la société espagnole Davos innova SL d'abord, puis Gabaon conseil SL aujourd'hui.

S'agissant du concours Lidl Academy, la société Lidl affirme que le fait qu'elle appelle aux votes des consommateurs via des influenceurs et la « Lidl Academy Meilleure Chaine » n'est qu'une des modalités du jeu-concours, et que les autres enseignes peuvent décider de faire de même.

***

L'article L. 121-2 du code de la consommation dispose:

« Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes : (...)

2°/ Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications, présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants : (...)

b/ Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service ; ».

Aux termes de son arrêt du 24 avril 2019, cette cour a notamment dit qu'en employant les termes « Meilleure chaîne de magasins » la société Lildl s'est rendue coupable d'une pratique commerciale déloyale.

Le litige portait sur le concours 2015/2016.

Le pourvoi formé contre cet arrêt a été rejeté par arrêt de la Cour de cassation du 16 décembre 2020.

Dans la présente affaire, ITM reproche à Lidl d'avoir continué à se prévaloir des termes « élue » et « Meilleure chaîne de magasins » sur tous les supports de communication en dépit de la signification le 6 juin 2019 de l'arrêt de cette Cour et soutient que contrairement à ce qu'a retenu le tribunal de commerce, l'évolution entre le concours 2015/2016 et le concours 2018/2019, n'a été que cosmétique et qu'il en a été de même des concours suivants 2019/2020, 2020/2021 ainsi que 2021/20222.

L'autorité de la chose jugée comme la force de chose jugée ne peuvent s'appliquer qu'aux faits jugés et non à des faits futurs.

Il convient donc de rechercher si ITM démontre concours après concours que l'usage par la société Lidl des termes « Meilleure chaîne de magasins » est constitutive d'une pratique commerciale trompeuse.

L'organisation du concours ne peut être reprochée à Lidl, simple participante avec d'autres enseignes dans sa catégorie (32 enseignes pour l'édition 2018/2019), étant observé que ITM et d'autres enseignes de son groupe (NETTO, Roady) ont participé à plusieurs éditions de ce concours dans différentes catégories.

Certes, la méthodologie 2017/2018 et des années suivantes, comme celle de 2015/2016, permet toujours aux enseignes participantes de faire voter automatiquement pour elles, sans possibilité de choix de vote (notamment pièce ITM 20 pour 2019/2020). A cet égard, le dossier de présentation 2019-2020 de la « Meilleure chaîne de magasins de l'année » (pièce 17 Lidl) indique dans sa partie « communication » :

« Pour faciliter les démarches auprès des clients, l'organisateur a mis au point plusieurs outils qu'il met à la disposition des enseignes :

-  une bannière web possédant un lien direct vers le formulaire qui évalue l'enseigne sans que le consommateur ait besoin d'entrer le nom de son magasin préféré. L'évaluation peut commencer de façon immédiate. (...) ».

Cependant, cette faculté est la même pour toute les enseignes, lesquelles sont toutes inciter à motiver leurs clients à voter pour elles. De plus, le consommateur répond ensuite comme il l'entend au questionnaire qui s'ouvre à lui.

Le nombre de participants minimum est de 30, contrairement à l'édition 2015/2016 sanctionnée pas cette Cour qui n'en comptait que deux.

Par ailleurs, si le questionnaire qui s'est enrichi par rapport à l'édition 2015/2016, est toujours élaboré par la société organisatrice, celle-ci recourt depuis les éditions 2017/2018 à des prestataires indépendants tels que l'institut d'études marketing Kheolia et Qualimetrie, prestataires en charge de comptabiliser les retours des consommateurs et d'élaborer des rapports sectoriels présentant les résultats de la satisfaction des clients et les modes de consommation actuels (pièce 17 Lidl).

S'agissant de l'organisation de jeux concours, il résulte notamment du dossier de présentation 2019-2020 (pièce Lidl 17) que l'organisateur du concours proposait aux participants de remplir un questionnaire complémentaire, offrant une possibilité de gagner un séjour à New-York.

L'organisateur du concours finance les lots, de sorte que tous les votants peuvent participer à ce tirage et pas seulement ceux qui votent pour Lidl (Pièce 25 Lidl organisation d’un concours 2021/2022).

Le seul fait de mettre en avant les lots ainsi mis en jeu ne peut être imputé à tort aux participants au concours, notamment à Lidl, dès lors que l'obtention du lot n'est pas conditionnée au vote pour l'enseigne (pièce 9 page 4 ITM).

Certes, lors de l'édition 2020/2021, Lidl a elle-même organisé au même moment que ce concours, un jeu-concours nommé « Lidl Facebook « Lidl Academy », Lidl France Meilleure Chaîne de Magasins » sur le site « http://www.jesoutiens mon enseigne.fr », recourant à des influenceurs (pièces ITM 36 et 37) . Sur ce dernier site, le consommateur était automatiquement redirigé vers une page 'vote' du concours « Meilleure Chaîne de Magasins »

Mais, cette seule circonstance - en tout état de cause limitée à cette seule édition du concours- ne saurait suffire à établir que le vote du consommateur en faveur de Lidl a été biaisé par l'espoir de gagner un cadeau financé par l'enseigne elle-même alors que, outre que les autres enseignes participantes sont libres d'en faire de même, ce jeu-concours repose sur des « instants gagnants », ce qui signifie qu'au moment de sa participation, le client sait immédiatement s'il a perdu ou gagné ( pièce ITM 36) et qu'il est libre de poursuivre ou non par un vote.

En outre, le fait que la méthodologie du concours indique que la note générale de chaque enseigne est une moyenne des notes données aux critères de satisfaction évalués, pondérée par le nombre de votants, n'apparaît pas anormale, étant observé que, ainsi que l'a relevé le tribunal, l'impact du nombre de votants reste marginal.

Ainsi, une rupture de l'égalité dans les moyens mis en œuvre par Lidl n'est pas démontrée concours après concours.

ITM échoue à établir que Lidl s'est rendue coupable d'une pratique commerciale trompeuse, et que son titre ne résulte pas d'une comparaison objective entre les différentes enseignes.

Il sera ajouté que Lidl a cessé d'insérer dans ses logos le terme « élue » en association avec l'usage « Meilleure chaîne de magasins ».

L'existence d'une pratique déloyale de Lidl n'est pas établie et ITM est déboutée de ses demandes.

-  De la même manière, ITM soutient à tort que la publicité faite par Lidl contrevient aux principes régissant les publicités comparatives en ce qu'elle se prétend « Meilleure » que ses concurrentes en l'absence d'éléments de comparaison objectifs avec d'autres enseignes.

En effet, l'article L. 122-1 du code de la consommation dispose que :

« Toute publicité qui met en comparaison des biens ou services en identifiant, implicitement ou explicitement, un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent n'est licite que si :

1° Elle n'est pas trompeuse ou de nature à induire en erreur ; (...)

3° Elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinents, vérifiables et représentatives de ces biens ou services, dont le prix peut faire partie.

En l'espèce, il a été dit que l'existence d'une pratique commerciale trompeuse de la part de Lidl n'était pas établie. L'usage du titre qui lui a été attribué ne peut résulter d'un manquement aux dispositions de l'article L. 122-1 du code précité alors qu'elle mentionne clairement dans sa publicité l'origine de cette distinction.

-  Enfin, s'agissant du caractère trompeur résultant de l'apposition d'un faux certificat sur le fondement de l'article L. 121-4 du code de la consommation, ITM fait grief à Lidl d'utiliser depuis le concours 2021 un nouveau logo « Meilleur Chaîne de Magasins de l'année » sur lequel apparaît un certificat sous forme d'un tampon mentionnant : »Customer Expérience / Retail Certification » ( expérience client /certification de vente).,

Contrairement à ce que soutient Lidl, une telle demande n'est pas irrecevable comme nouvelle en cause d'appel.

En effet, il résulte de l'article 565 du code de procédure civile que ne sont pas nouvelles en cause d'appel les prétentions qui tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

Or, la demande tend aux mêmes fins que celle tendant à voir dire trompeuse l'utilisation par Lidl de la formule « Meilleure chaîne de magasins » et en constitue le complément.

Elle est en outre justifiée par la survenance d'un fait, la pratique litigieuse étant intervenue avec la remise du prix 'Meilleure Chaîne de Magasins de l'année 2021 ' en octobre 2020, postérieurement au jugement entrepris.

Sont réputées trompeuses au sens des articles L. 121-2 et L. 121-3 du code de la consommation, les pratiques commerciales qui ont pour objet notamment :

« 2° D'afficher un certificat, un label de qualité ou un équivalent sans avoir obtenu l'autorisation nécessaire,

(...)

4° d'affirmer qu'un professionnel, y compris à travers ses pratiques commerciales ou qu'un produit ou service a été agréé, approuvé ou autorisé par un organisme public ou privé alors que ce n'est pas le cas ou de ne pas respecter les conditions de l'agrément, de l'approbation ou de l'autorisation reçue ».

Mais, ainsi que le soutient Lidl, cette certification est attachée au logo « Meilleure Chaîne de Magasins », qui fait l'objet d'une cession de licence aux enseignes lauréates et que le logo « Customer Expérience / Retail Certification » est intégré directement dans le logo « Meilleure Chaîne de Magasins » fourni par l'organisation du concours.

En tout état de cause, pour l'élection 2021/2022, le macaron a été modifié portant la mention « Consumer VOICE Ecosystem ».

Dans ces conditions, ITM échoue à démontrer que Lidl s'est donc rendue coupable d'une pratique commerciale trompeuse.

- Ainsi, la société ITM ne peut être suivie lorsqu'elle soutient que l'usage par Lidl des termes « élue » et/ou « meilleure chaîne » lui confère un avantage déloyal sur ses concurrents et notamment sur elle, étant rappelé que Lidl n'utilise plus le terme « élue » dans ses logos.

L'existence d'une tromperie par Lidl du consommateur sur les qualités essentielles de son service de distribution, au sens de l'article L. 121-2, 2° b) du Code de la consommation, ainsi que sur ses qualités, aptitudes et droits au sens de l'article L. 121-2, 2° f) du même code en faisant état de cette récompense sur ses différents supports de communication, n'est pas établie.

Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté ITM de ses demandes.

Sur les autres demandes

Le sens de l'arrêt conduit à condamner ITM aux dépens d'appel et à débouter celle-ci de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

ITM est en outre condamnée à payer à Lidl sur ce dernier fondement la somme de 20 000 euros

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement,

Y ajoutant

Déclare recevable mais non fondée la demande de la société ITM tendant à voir dire que l'utilisation par la société Lidl du logo « Customer Expérience / Retail Certification » est trompeuse au sens de l'article L. 121-4, 4° du code de la consommation ;

L'en déboute ;

Déboute la société ITM de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société ITM aux dépens d'appel et à payer à la société Lidl la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande.