Cass. com., 4 juillet 2018, n° 16-25.542
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rémery
Avocats :
SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Spinosi et Sureau
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Générale d'importation (la société Gisa), détenue par une société holding la société Finercom, et par MM. Z, B, et Jean-François Y, Jean Y et Mmes A et C, a été mise en redressement judiciaire le 18 août 1994, M. D étant désigné représentant des créanciers ; qu'un plan de cession totale des actifs de la société Gisa a été arrêté le 3 août 1995 et la procédure de redressement judiciaire clôturée par un jugement du 17 décembre 2001 ; que la société Finercom, détenue par M. Jean-François Y et Mme A, a été mise en liquidation judiciaire le 18 août 1994, M. D étant désigné liquidateur ; que cette procédure a été clôturée pour insuffisance d'actif le 26 mars 1998 ; que sur requête présentée le 29 juillet 2004 par la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (la Coface), qui détenait des fonds pour le compte de la société Gisa à la suite d'un accord de consolidation de dette entre les gouvernements français et nigérien, le président du tribunal de commerce a, par une ordonnance du 29 avril 2005, désigné M. D en qualité de mandataire ad hoc de la société Gisa avec pour mission de rouvrir la procédure collective de cette dernière, recevoir les fonds et procéder à leur répartition entre les créanciers ; que sur requête de M. D du 21 novembre 2005, le président du tribunal de commerce a, par une ordonnance du 25 juillet 2006, rétracté celle du 29 avril 2005 et désigné à nouveau M. D avec pour mission de recevoir les fonds et les répartir entre les créanciers, sans réouverture de la procédure collective ; que M. D a reçu la somme de 14 622 611,26 euros, l'a répartie entre les créanciers et, détenteur d'un solde après cette distribution, a saisi le président du tribunal d'une requête pour faire désigner M. Jean-François Y en qualité de liquidateur amiable de la société Gisa afin que celui-ci reçoive ce solde et le répartisse entre les associés ; que l'ordonnance du 30 janvier 2007 faisant droit à cette demande a été rétractée par une ordonnance du juge des référés du 12 juin 2007, lequel a désigné un huissier de justice en qualité de séquestre ; qu'un arrêt du 1er février 2008 a annulé cette ordonnance du 12 juin 2007, rétracté celle du 25 juillet 2006 ayant désigné M. D pour recevoir et répartir les fonds et celle du 30 janvier 2007 ayant désigné M. Y pour recevoir et répartir le solde restant après distribution, et a déclaré irrecevables les demandes tendant à la désignation d'un séquestre ; que Jean Y, époux de Mme A, est décédé le [] ; que reprochant à M. D d'avoir commis une faute en se faisant désigner administrateur ad hoc de la société Gisa pour distribuer les fonds aux créanciers de cette dernière alors que sa procédure collective avait été clôturée, MM. Z, B et Y, et Mmes A et C ont assigné, le 13 novembre 2012, M. D et la Caisse de garantie des administrateurs et mandataires judiciaires en paiement de dommages-intérêts et ont appelé en intervention forcée et en garantie la société Covea Risks, assureur de M. D ;
Sur le second moyen, pris en sa troisième branche, qui est préalable :
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil, ensemble l'article 90 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Attendu que pour écarter toute faute de la part de M. D, l'arrêt retient que ce n'est pas sur requête de ce dernier que le président du tribunal de commerce a décidé de lui demander de répartir, entre les créanciers de la société Gisa, les fonds versés par la Coface mais sur requête de l'avocat de celle-ci ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que M. D avait lui-même demandé au président du tribunal, compte tenu de l'impossibilité de rouvrir la procédure collective, à être désigné administrateur ad hoc pour répartir les fonds entre les créanciers de la société Gisa en dépit de la clôture de la procédure de redressement judiciaire de cette dernière, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur le même moyen, pris en sa cinquième branche, qui est également préalable :
Vu l'article 90 de la loi du 25 janvier 1985, ensemble l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;
Attendu que la clôture de la procédure de redressement judiciaire prononcée après exécution d'un plan de cession totale de l'entreprise ne fait recouvrer aux créanciers leur droit de poursuite individuelle que dans les limites de l'article 169 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Attendu que pour écarter toute faute de M. D, l'arrêt retient qu'il n'est pas établi, qu'en l'absence de saisine du tribunal, les sommes versées par la Coface auraient dû être réparties entre les associés de la société Gisa et non entre ses créanciers ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les créanciers de la société Gisa ne pouvaient plus prétendre, postérieurement à la clôture de la procédure collective de celle-ci, au paiement de leur créance, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur la recevabilité du premier moyen, contestée par la défense :
Attendu que les défendeurs au pourvoi soutiennent que Mme A est sans intérêt à critiquer le chef de dispositif l'ayant déclarée irrecevable à agir dès lors que les demandes des autres associés, identiques à celles qu'elle avait formées, ont été rejetées ;
Mais attendu que la cassation du chef de dispositif ayant rejeté les demandes au fond rend recevable Mme A à critiquer l'arrêt qui l'a déclarée irrecevable à agir ;
Et sur ce moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 724 du code civil ;
Attendu, selon ce texte, que les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt ;
Attendu que pour déclarer Mme A irrecevable à agir en qualité d'ayant droit de son époux Jean Y, l'arrêt retient qu'aucune pièce n'est produite dans la présente instance qui établirait qu'elle vient seule aux droits de son époux et qu'elle a donc qualité à agir sur ce fondement ;
Qu'en statuant ainsi, alors que Mme A, saisie de plein droit des biens, droits et actions du défunt, avait qualité pour exercer, sans le concours des autres héritiers, une action tendant à obtenir, au bénéfice de la succession, l'indemnisation du préjudice subi par le défunt, la cour d'appel a violé le texte susvisé, par refus d'application ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'action engagée par MM. Z, B et Y, Mmes C et A, prise en son nom personnel, l'arrêt rendu le 30 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.