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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 9, 16 septembre 2021, n° 20/01779

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

BNP Paribas Personal Finance (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Grandjean

Conseillers :

Mme Trouiller, Mme Bisch

Avocat :

Seleurl Heracles

TI Raincy, du 7 nov. 2019

7 novembre 2019

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 14 janvier 2014, M. Damien N. a signé un bon de commande établi par la société Climaciel, portant sur la fourniture et la pose d'un ensemble de panneaux photovoltaïques avec onduleur. Le même jour, afin de financer cette acquisition, il a souscrit avec Mme Anaïs B., épouse N., un crédit auprès de la société Sygma Banque, aux droits de laquelle vient la société BNP Paribas Personal Finance (BNPPPF), d'un montant de 22 500 euros, remboursable en 132 mensualités de 237,93 euros, incluant les intérêts au taux nominal annuel de 5,76 % l'an.

Le 26 janvier 2014, M. N. a signé un certificat de livraison aux termes duquel il atteste que les travaux sont terminés et il accepte le déblocage des fonds au profit du vendeur.

Une facture n° FC 841 a été établie le 27 janvier 2014 pour la somme de 22 500 euros, portant sur le kit solaire, le forfait pose et des démarches administratives.

Le 24/02/2014, la société Sygma Banque a adressé les fonds à la société Climaciel et les mensualités ont été prélevées à compter du 4 avril 2014.

Par décision du tribunal de commerce de Bobigny en date du 13 mai 2014, la société Climaciel a été placée en liquidation judiciaire et Maître B. Jeanne nommé mandataire liquidateur.

L'installation a été raccordée le 15 mai 2015.

Saisi le 23 novembre 2018 par M. et Mme N. d'une action tendant principalement à l'annulation des contrats de vente et de crédit, le tribunal d'instance du Raincy, par un jugement réputé contradictoire rendu le 7 novembre 2019, auquel il convient de se reporter, a :

- déclaré recevable la demande de nullité du contrat de vente,

- prononcé la nullité du bon de commande,

- constaté la nullité de plein droit du contrat de crédit affecté,

- condamné la société BNPPPF venant aux droits de la société Sygma Banque à rembourser à M. et Mme N. l'intégralité des sommes perçues au titre du remboursement du prêt susvisé,

- débouté la société BNPPPF de sa demande de restitution du capital prêté,

- débouté M. et Mme N. de leurs demandes tendant à voir ordonner à la société BNPPPF de produire un état des sommes remboursées par eux et la copie du contrat de crédit signé à leur domicile,

- débouté M. et Mme N. de leurs demandes de dommages et intérêts,

- débouté la société BNPPPF de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts, de sa demande d'injonction de faire et de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société BNPPPF au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Après avoir vérifié la recevabilité de l'action, le tribunal a principalement retenu que le bon de commande n'était pas conforme aux dispositions d'ordre public du code de la consommation, encourant ainsi la nullité, en l'absence de confirmation par les acquéreurs.

Considérant que le bon de commande et le contrat de crédit affecté formaient une opération commerciale unique, le tribunal a constaté la nullité subséquente du second contrat.

Il a ensuite débouté les parties de leurs demandes indemnitaires respectives, relevant la défaillance des acquéreurs à rapporter la preuve d'un préjudice au sens de l'article 1382 ancien du code civil et l'absence de lien entre une légèreté blâmable de ceux-ci et la faute commise par la banque dans la vérification de la régularité du bon de commande.

Par une déclaration en date du 17 janvier 2020, la société BNPPPF a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 10 mai 2021, l'appelante demande à la cour :

- d'infirmer le jugement dont appel, en ce qu'il a déclaré recevable les demandes de nullité des contrats formées par M. et Mme N. et y a fait droit, l'a condamnée à leur rembourser l'intégralité des sommes perçues au titre du remboursement du prêt annulé, l'a déboutée de ses demandes et l'a condamnée aux frais irrépétibles et aux dépens,

- à titre principal, de déclarer irrecevable ou à tout le moins non fondées les demandes de M. et Mme N. en nullité du contrat conclu avec la société Climaciel et en nullité du contrat de crédit conclu avec la société Sygma Banque, et les en débouter,

- de prononcer la résiliation du contrat de crédit du fait des impayés avec effet au 13 janvier 2020,

- de condamner M. et Mme N. à lui payer la somme de 16 778,11 euros avec les intérêts au taux contractuel de 5,76 % l'an à compter du 4 décembre 2019 sur la somme de 15 535,29 euros et au taux légal pour le surplus en remboursement du crédit, outre la restitution des sommes versées M. et Mme N. en exécution du jugement au titre des mensualités précédemment payées, soit la somme de 15 883,05 euros, et de les condamner solidairement, en tant que de besoin, à lui restituer cette somme de 15 883,05 euros,

- subsidiairement, de les condamner à lui payer les mensualités échues impayées au jour où la cour statue et de leur enjoindre de reprendre le remboursement des mensualités à peine de déchéance du terme,

- subsidiairement, en cas de nullité des contrats, de déclarer irrecevable la demande de M. et Mme N. visant à être déchargés de l'obligation de restituer le capital prêté, à tout le moins de les en débouter et de les condamner, en conséquence, in solidum à lui payer la somme de 22 500 euros en restitution du capital prêté,

- en tout état de cause, de déclarer irrecevable la demande de M. et Mme N. visant à la priver de sa créance, à tout le moins, de les en débouter,

- en tout état de cause, de déclarer irrecevable, à tout le moins, non fondée, la demande de dommages et intérêts formée par M. et Mme N., et de les en débouter,

- très subsidiairement, de limiter la réparation qui serait due eu égard au préjudice effectivement subi par les emprunteurs et la décharge à concurrence du préjudice subi à charge pour M. et Mme N. d'en justifier,

- en cas de réparation par voie de dommages et intérêts, de limiter la réparation à hauteur du préjudice subi, et de maintenir l'obligation de M. et Mme N. de restituer l'entier capital à hauteur de 22 500 euros,

- à titre infiniment subsidiaire, en cas de décharge de l'obligation de l'emprunteur, de condamner in solidum M. et Mme N. à lui payer la somme de 22 500 euros correspondant au capital perdu à titre de dommages et intérêts en réparation de leur légèreté blâmable, de leur enjoindre de restituer, à leurs frais, le matériel installé chez eux à la société MJS Partners, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Climaciel, dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l'arrêt, ainsi que les revenus perçus au titre de la revente d'électricité, et de les condamner, à défaut de restitution, au remboursement du capital prêté, subsidiairement, de priver M. et Mme N. de leur créance en restitution des sommes réglées du fait de leur légèreté blâmable,

- de débouter M. et Mme N. de toutes autres demandes, fins et conclusions,

- d'ordonner le cas échéant la compensation des créances réciproques à due concurrence,

- de condamner in solidum M. et Mme N. à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante expose que l'installation des intimés fonctionne, qu'elle a été raccordée au réseau ERDF seize mois après la conclusion des contrats et qu'elle leur procure des revenus par la revente de l'électricité à EDF.

Elle relève que M. et Mme N. qui ne font état d'aucune réclamation adressée à la venderesse, ont fait délivrer l'assignation un mois et demi avant le terme du délai de prescription, qu'ils ne justifient pas de la pertinence des griefs qu'ils allèguent en termes de rentabilité et de performance de l'installation ou de crédit d'impôt, se contentant d'argumenter par voie de généralisation en faisant référence à des décisions concernant d'autres entreprises ou d'autres affaires sans rapporter la preuve de leurs allégations concernant leur cocontractant et leur propre dossier.

En réponse à ces arguments, elle dénonce les pratiques de démarchage effectuées par des associations de consommateurs incitant des emprunteurs à initier des actions en justice, même lorsqu'ils n'avaient initialement pas envisagé de le faire, en vue de conserver des installations gratuites.

À titre principal, l'appelante soulève l'irrecevabilité de l'action en nullité du contrat de vente en application de l'article L. 622-21 du code de commerce dès lors qu'elle tend indirectement à faire supporter une condamnation pécuniaire à la société Climaciel en liquidation judiciaire.

Soulignant le caractère exceptionnel de l'annulation d'un contrat, elle invoque subsidiairement un détournement de droit motivé par l'impossibilité d'agir utilement à l'encontre de la société venderesse, conteste les griefs émis à l'encontre du libellé du bon de commande, rappelle le caractère strict de l'interprétation de l'article L. 121-23 du code de la consommation et souligne que M. et Mme N., qui se privent de toute preuve d'une irrégularité formelle, vont au-delà des exigences prévues par les textes.

Elle indique que les acquéreurs sont irrecevables à solliciter la nullité du bon de commande alors que les pratiques commerciales trompeuses visées par l'article L. 121-2 du code de la consommation ne peuvent fonder qu'une demande de dommages et intérêts, laquelle est impossible eu égard à la procédure collective de la société Climaciel et l'absence de déclaration de créance des intimés à cette procédure.

L'appelante note que toutes les mentions obligatoires sont présentes, souligne que les mentions exigées par l'article L. 121-23 du code précité sont incluses dans l'offre de crédit régularisée dans le cadre du démarchage à domicile, et relève que les acquéreurs, qui ont attesté de la fin des travaux et exécuté le contrat sans former de contestations pendant 5 ans, n'allèguent aucun préjudice pouvant résulter d'une éventuelle irrégularité formelle du bon de commande.

À titre subsidiaire, elle fait valoir que les acquéreurs ont confirmé le contrat et renoncé à se prévaloir d'une nullité - qu'elle précise être relative - du bon de commande en attestant de l'exécution conforme des travaux, en ordonnant le paiement du prix puis en contractant avec la société EDF et en vendant l'électricité produite par l'équipement.

Elle note que les allégations de dol et d'absence de cause au sens des anciens articles 1109, 1116 et 1118 du code civil ne sont aucunement étayées et relève qu'aucun élément n'est fourni sur la réalité d'une promesse d'autofinancement ou sur la rentabilité de l'installation.

À titre subsidiaire, l'appelante fait valoir que la nullité du contrat de crédit emporterait obligation pour M. et Mme N. de restituer le capital emprunté.

Elle conteste toute obligation de contrôler la validité du bon de commande, toute faute dans la vérification du bon de commande ou dans la délivrance des fonds sur la base d'un mandat de payer donné par les clients et souligne que toutes les demandes de M. et Mme N. à son encontre sont vaines dès lors que les intéressés ne justifient pas du moindre préjudice ni d'un lien causal entre celui-ci et un fait imputable à la banque.

Elle note que l'évaluation d'un éventuel préjudice doit prendre en compte la valeur du bien que les acquéreurs conservent et souligne que la légèreté blâmable avec laquelle M. et Mme N. ont signé l'attestation de fin de travaux constitue une faute occasionnant un préjudice correspondant au capital prêté dont la banque serait privée, formulant donc à titre très subsidiaire, en cas de décharge des emprunteurs, une demande indemnitaire de ce chef.

Elle qualifie de mandat l'ordre de libérer les fonds mentionnés dans l'attestation de fin de travaux et renvoie aux articles 1991 et 1799-1 du code civil.

L'appelante soutient qu'elle n'a pas d'obligation au regard des articles L. 311-8 et L. 311-10 du code de la consommation et que les dispositions du même code qui prévoient la déchéance du droit aux intérêts contractuels sont d'interprétation stricte, qu'elle n'était point débitrice d'une obligation de mise en garde en l'absence de risque d'endettement excessif, n'a commis aucun manquement à son devoir d'information, et que les allégations de sa participation au dol de la société venderesse sont infondées.

Elle dénonce l'irrecevabilité, en l'absence de mention dans le dispositif, et la redondance des demandes indemnitaires présentées par M. et Mme N..

Par leurs dernières conclusions remises le 14 juin 2021, M. et Mme N. demandent à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable leur demande de nullité du contrat, prononcé la nullité du bon de commande, constaté la nullité de plein droit du contrat de crédit affecté, condamné la société BNPPPF à leur rembourser l'intégralité des sommes perçues au titre du remboursement du prêt susvisé, débouté la société BNPPPF de sa demande de restitution du capital prêté, de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts et de sa demande d'injonction de faire et de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la société BNPPPF au paiement des dépens et des frais irrépétibles.

Les intimés évoquent les poursuites pénales engagées contre des sociétés procédant au démarchage à domicile pour vendre des équipements photovoltaïques à crédit et dénoncent l'approche malicieuse du démarcheur. Ils décrivent les étapes nécessaires à la mise en œuvre d'un équipement fonctionnel et indiquent que leur équipement n'a été raccordé au réseau ERDF que le 15 mai 2015, soit seize mois après l'installation et qu'ils n'ont perçu les revenus de la vente d'électricité qu'à compter du mois de mai de l'année suivante. Ils précisent avoir tenté en vain de résoudre le litige de manière amiable.

À titre liminaire, au visa de l'article L. 621-40-1 du code de commerce, ils indiquent que leur action tend à l'annulation du contrat conclu avec la société Climaciel, et non pas à la condamnation de celle-ci à quelque somme que ce soit, de sorte qu'elle est recevable.

À titre principal, ils allèguent au visa de l'article L. 121-23 du code de la consommation des violations de dispositions impératives régissant le bon de commande, qu'ils qualifient de pratiques commerciales trompeuses au sens des articles L. 121-2 à L. 121-4 du même code, notamment en ce qui concerne la description du matériel promis, les conditions et délais d'exécution des prestations, les éléments relatifs au paiement, les ambiguïtés et la mauvaise lisibilité du bon de commande, les dispositions relatives aux garanties, le nom du démarcheur ou encore le droit de rétractation.

Ils dénoncent des abstentions malicieuses, la référence mensongère à un partenariat avec la société EDF, une présentation fallacieuse de la rentabilité prévisible de l'installation et une dénomination trompeuse de l'acte qui ont affecté la validité de leur consentement au sens des anciens articles 1109 et 1116 du code civil.

M. et Mme N. rappellent que l'annulation du contrat de vente emporte de plein droit la nullité du contrat de crédit en vertu de l'article L. 311-32 du code de la consommation et contestent avoir renoncé à se prévaloir des causes de nullité du contrat de vente, soulignant n'avoir été informés des modalités de financement de leur achat que postérieurement à l'exécution des travaux.

Les intimés imputent au prêteur une faute dans l'octroi d'un crédit pour financer une commande atteinte de nullité et soutiennent que la société Sygma banque a participé au dol de la société Climaciel en accordant son concours à des opérations ruineuses pour les consommateurs sans réclamer le moindre apport mais au contraire en reportant de plusieurs mois la première échéance du crédit.

Ils dénoncent des manquements de la société Sygma banque à ses devoirs de surveillance, vigilance, conseil et mise en garde et aux obligations résultant des articles L. 311-8 et L. 311-6 du code de la consommation et L. 546-1 du code monétaire et financier, ainsi qu'une faute dans la libération des fonds avant l'achèvement de l'installation, et en concluent que la banque doit être privée de sa créance de restitution.

Ils reprochent à la banque d'avoir libéré les fonds avant l'achèvement de l'installation qui incluait la mise en service et le raccordement et indiquent à cet égard que l'attestation de fin de travaux ne saurait exonérer la banque de ses obligations propres.

M. et Mme N. contestent avoir fait preuve d'une légèreté blâmable et critiquent la demande reconventionnelle indemnitaire formulée par l'appelante.

Ils estiment qu'en conséquence de la nullité des contrats et la mise en jeu de la responsabilité de l'appelante, ils seront fondés à bénéficier de la restitution par le prêteur des sommes versées au titre du remboursement du contrat de crédit, ou subsidiairement, de dommages et intérêts.

Se prévalant de l'article 1382 ancien du code civil, ils font valoir qu'ils ont nécessairement subi un préjudice par les fautes commises par la banque et analysent ce préjudice comme une perte de chance de ne pas contracter, ils détaillent les conséquences financières de l'annulation des contrats et des fautes de la banque, en particulier le coût de la dépose de l'installation et de la remise en état de la toiture de l'immeuble et la charge financière liée à une opération ruineuse, puis invoquent un trouble de jouissance et un préjudice moral.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties constituées, il est renvoyé aux écritures de celles-ci, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

La SELAS MJS Partners, prise en la personne de Me B. Jeanne, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Climaciel n'a pas constitué avocat, bien que la déclaration d'appel et les conclusions appelantes lui aient été régulièrement signifiées à Étude puis à personne morale, le 31 mars, le 4 mai puis le 7 octobre 2020.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 juin 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il est rappelé qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions mentionnées au dispositif, peu important que la prétention figure dans les motifs. Ainsi, la cour n'est pas tenue de répondre à l'argumentation invoquée à l'appui du moyen d'une partie si celle-ci n'est pas formulée à l'appui d'une prétention.

En l'espèce, les intimés ont réclamé la confirmation du jugement et n'ont formulé, dans le dispositif, aucun appel incident concernant le rejet de leurs demandes de dommages intérêts. Il ne sera par conséquent pas répondu aux arguments développés dans leurs conclusions écrites relatifs aux demandes de dommages intérêts à l'encontre de la banque, considérées comme définitivement rejetées.

Le contrat de vente conclu entre M. et Mme N. et la société Climaciel, après démarchage à domicile, est soumis aux dispositions des articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction issue de la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993, et le contrat de crédit conclu entre M. et Mme N. et la société Sygma Banque est un contrat affecté au sens de l'article L. 311-19 du code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010.

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des demandes

En application des articles L. 622-21 I et L. 641-3 du code de commerce, le jugement qui ouvre la liquidation judiciaire, interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

Il résulte de l'article L. 622-22 du même code que les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de créance et qu'elles sont alors reprises de plein droit en présence du mandataire judiciaire mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.

En l'espèce, par jugement du tribunal de commerce de Bogigny en date du 13 mai 2014, la société Climaciel a été placée en liquidation judiciaire. L'action des époux N., introduite par assignation du 23 novembre 2018, vise à la nullité du contrat de vente signé avec cette société et, de manière subséquente, à celle du contrat de crédit.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, cette action ne vise pas au paiement d'une somme d'argent et elle ne tend pas non plus en elle-même à l'exécution d'une obligation de faire par Me B. Jeanne, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Climaciel.

En outre, à hauteur d'appel, les époux N., qui ne justifient pas d'une déclaration de créance, ne demandent pas à Me B. Jeanne ès-qualités de reprendre les matériels même s'ils n'ont pas proposé de restituer les panneaux.

Dès lors, leurs demandes, qui, en l'espèce, n'auront aucune conséquence sur le passif de la liquidation, ne se heurtent pas au principe de l'arrêt des poursuites. Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de déclaration de créance.

Sur l'annulation des contrats de vente et de crédit

Il est rappelé que le 14 janvier 2014, M. et Mme N. ont signé auprès de la société Climaciel, un bon de commande portant sur l'installation de douze panneaux photovoltaïques, d'un montant de 22 500 euros, financé par un contrat de crédit conclu le même jour et accepté par la banque le 21 janvier 2014.

Les travaux ont été effectués le 26 janvier 2014, date à laquelle M. N. a signé, sans réserve, une attestation de fin de travaux, et demandé au prêteur de procéder au déblocage de la somme de 22 500 euros au profit du vendeur.

Les fonds ont été débloqués au profit du vendeur, l'installation a été raccordée le 15 mai 2015, et les intimés ont signé un contrat d'achat le 18 juin 2013 à effet du 15 mai 2015 et ont perçu leurs premiers revenus énergétiques à compter de cette date.

L'article L. 311-32 du code de la consommation prévoit que le contrat de crédit est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.

Les intimés réclament en premier lieu la nullité du contrat de vente en invoquant l'usage de pratiques commerciales trompeuses par les démarcheurs tout en rappelant que ces pratiques sont sanctionnées pénalement.

Il est néanmoins rappelé que ces pratiques ne sont nullement sanctionnées par la nullité et que ce moyen ne saurait fonder une telle demande. Il sera par conséquent écarté, d'autant qu'il ne fonde aucune demande à l'encontre du vendeur.

Dans sa rédaction applicable au litige, l'article L. 311-1 du code de la consommation dispose que : « tout professionnel vendeur de biens doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien (…) » et que : « en cas de litige portant sur l'application des I et II, il appartient au vendeur de prouver qu'il a exécuté ses obligations ».

En application de l'article L. 121-23 du code de la consommation, les opérations visées à l'article L. 121-21 doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :

1°) nom du fournisseur et du démarcheur ;

2°) adresse du fournisseur ;

3°) adresse du lieu de conclusion du contrat ;

4°) désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des prestations de services proposés ;

5°) conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d'exécution de la prestation de services ;

6°) prix global à payer et modalités de paiement ; en cas de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, ainsi que le taux nominal de l'intérêt et le taux effectif global de l'intérêt déterminé dans les conditions prévues à l'article L. 313-1 ;

7°) faculté de renonciation prévue à l'article L. 121-25, ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26.

En l'espèce, M. et Mme N. soutiennent que le bon de commande signé le 14 janvier 2014 est irrégulier pour ne pas comporter la désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens vendus, pour ne pas indiquer les conditions d'exécution du contrat et les délais de livraison, pas plus que le détail du coût de l'installation, la fiche technique, la marque, la dimension, le poids, l'aspect des panneaux et de l'onduleur, ils ajoutent que l'offre de financement n'est pas renseignée de manière complète, que le nom du démarcheur manque, que le bon de commande est illisible en même temps qu'ambigu, qu'il est mensonger concernant les garanties et que les dispositions concernant le droit de rétractation ne sont pas respectées.

Le bon de commande mentionne que son objet est une installation solaire photovoltaïque France Solaire d'une puissance globale de 3 000 Wc comprenant douze panneaux photovoltaïques certifiés NF EN 61215 Classe II, un système intégré au bâti, un onduleur, un coffret de protection, un disjoncteur, un parafoudre, un forfait d'installation de l'ensemble (à l'exclusion d'éventuelles tranchées), les démarches administratives (Mairie, Région, EDF, ERDF, Consuel), la mise en service, le Consuel et le tirage des câbles entre le compteur et l'onduleur, les frais de raccordement au réseau ERDF étant pris en charge à hauteur de 500 euros.

Comme le relève à juste titre le premier juge, cette description est incomplète au regard du texte précité en ce qu'elle ne mentionne pas la date de livraison. Le nom du conseiller est indiqué mais de façon illisible.

Dès lors, sans qu'il y ait lieu à statuer sur les autres griefs, le juge a donc retenu à bon droit que le bon de commande étant irrégulier. La nullité du contrat de vente est encourue.

L'article 1338 devenu 1182 du code civil, alinéas 2 et 3 dispose que : « A défaut d'acte de confirmation ou ratification, il suffit que l'obligation soit exécutée volontairement après l'époque à laquelle l'obligation pourrait être valablement confirmée ou ratifiée. La confirmation, ratification, ou exécution volontaire dans les formes et à l'époque déterminées par la loi, emporte la renonciation aux moyens et exceptions que l'on pouvait opposer contre cet acte, sans préjudice néanmoins du droit des tiers ».

Il est admis que la nullité sanctionnant le non-respect des obligations prescrites au vendeur par les articles précités, est une nullité relative qui peut être couverte par le consommateur qui, en toute connaissance des irrégularités affectant le contrat, entend néanmoins en poursuivre l'exécution et s'en prévaloir. Il incombe à celui qui s'oppose à l'annulation du contrat d'établir que le consommateur avait connaissance des irrégularités du contrat et qu'il a renoncé à s'en prévaloir par des actes non équivoques.

En l'espèce, le contrat versé aux débats par M. et Mme N. reproduit in extenso les dispositions des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26 du code de la consommation dont la simple lecture ne pouvait qu'alerter un profane sur les omissions du bon de commande.

Le contrat de vente est assorti d'un formulaire d'annulation de la commande dont M. et Mme N. n'ont pas souhaité user.

En outre, M. et Mme N. ont manifesté leur renoncement à se prévaloir de la nullité du contrat de vente, par l'exploitation qu'ils ont faite de leur installation durant six années, sans émettre aucune critique sur la qualité de l'installation photovoltaïque et sur son fonctionnement et en réglant pendant quatre ans son financement, par le paiement des échéances mensuelles de remboursement du crédit.

Ce renoncement est encore patent par la vente par M. et Mme N. de l'électricité produite par leur installation raccordée à la société EDF encore postérieurement à l'introduction de leur action en justice, ce qui n'est pas contesté.

En conséquence, M. et Mme N. ne peuvent se prévaloir, près de cinq ans après la signature du bon de commande, de la nullité formelle du bon de commande.

L'article 1116 devenu 1137 du code civil prévoit que : « Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas, et doit être prouvé ».

En l'espèce, M. et Mme N. soutiennent également avoir été victimes d'un dol parce qu'ils n'étaient pas suffisamment renseignés sur les caractéristiques essentielles des biens vendus ni sur les modalités d'installation de la centrale solaire. Ils font également grief à la société venderesse d'avoir égaré leur consentement en leur présentant la plaquette publicitaire, produite aux débats, en reprenant le slogan de la société EDF : « L'énergie est notre avenir, économisons-la » alors que la société Climaciel n'a jamais été mandatée par la société EDF, tout en faisant état d'un partenariat avec cette société, figurant sur le bon de commande. Ils ajoutent avoir été victimes d'une présentation fallacieuse sur la rentabilité de l'installation et du caractère définitif de leur engagement, alors qu'ils pensaient présenter uniquement une candidature.

Cependant, l'information insuffisante sur les mentions prévues à peine de nullité et sur laquelle M. et Mme N. ont décidé de passer outre ne saurait constituer une manœuvre dolosive en elle-même.

De même, un simple slogan publicitaire sans valeur aucune pour une personne normalement avisée ne saurait caractériser une manœuvre frauduleuse.

M. et Mme N. ne démontrent pas, par ailleurs, que l'existence d'un partenariat avec la société EDF était un élément déterminant de leur consentement, étant observé qu'aucun partenariat n'est mentionné sur le bon de commande qui ne comporte aucune mention de « candidature ».

Enfin, les appelants ne peuvent faire accroire qu'ils ne comprenaient pas la portée de leur engagement et le réduire à une simple « candidature », alors que concomitamment au contrat de vente, ils ont signé le contrat de crédit affecté pour financer l'installation commandée, étant rappelé que le bon de commande, qui s'intitule comme tel sur le document y afférent, précise le mode de règlement du financement par crédit.

M. et Mme N. ne prouvent pas, par conséquent, un comportement malicieux de la part du représentant de la société Climaciel, qui aurait égaré leur connaissance de la portée de leur engagement, et partant, leur consentement.

Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. et Mme N. sont mal fondés en leur demande d'annulation du contrat de vente.

Par application des dispositions de l'article susmentionné, L. 311-32 du code de la consommation, le contrat de crédit n'est donc pas non plus annulé et le jugement est infirmé.

En l'absence d'annulation du contrat de vente et de crédit qui lui est affecté, la demande en dispense de restitution du capital emprunté est sans objet.

Sur la demande de résolution judiciaire du contrat de crédit et en restitution des sommes versées en exécution du jugement

L'appelante fait valoir qu'eu égard à l'exécution provisoire prononcée par le premier juge à la demande des époux N., elle a dû leur rembourser les sommes versées au titre des mensualités réglées avant le jugement et que les intimés ont par la suite cessé de régler les échéances du crédit. Elle réclame par conséquent la résiliation judiciaire du contrat de crédit avec effet au 13 janvier 2020.

Aux termes de l'article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté ou l'a été imparfaitement, peut notamment provoquer la résolution du contrat et l'article 1224 du même code précise que la résolution peut résulter, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une décision de justice.

Il ressort néanmoins des pièces produites que la société BNPPPF ne justifie pas avoir prononcé la déchéance du terme et que la cessation des paiements fait suite à l'exécution provisoire d'une décision de justice qui ne peut être qualifiée de manquement suffisamment grave pour justifier la résiliation demandée.

La solution adoptée impose de plein droit la restitution des sommes versées en exécution du jugement infirmé, soit la somme de 15 883,05 euros et les époux N. devront reprendre l'exécution du contrat de crédit à compter du présent arrêt, après s'être acquitté du montant des mensualités échues au 16 septembre 2021, déduction faite de celles déjà acquittées.

Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile

M. et Mme N., parties perdantes, sont condamnés aux dépens de première instance et d'appel et au paiement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt rendu par défaut mis à disposition au greffe,

- Infirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de déclaration de créance et en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages-intérêts des époux N. ;

Statuant de nouveau,

- Déboute M. Damien N. et Mme Anaïs B. épouse N. de leur demande d'annulation des contrats de vente et de crédit souscrits le 14 janvier 2014 ;

- Rejette la demande de résiliation du contrat de crédit du fait des impayés ;

- Dit que le contrat de crédit se poursuit et que M. Damien N. et Mme Anaïs B. épouse N. devront s'acquitter du paiement des échéances échues impayées au titre du crédit jusqu'au 16 septembre 2021 et reprendre le remboursement du crédit sous peine de déchéance du terme ;

- Condamne in solidum M. Damien N. et Mme Anaïs B. épouse N. à payer à la société BNP Paribas Personal Finance une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne in solidum M. Damien N. et Mme Anaïs B. épouse N. aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers pouvant être directement recouvrés par la SELAS C. & M.-G., avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.