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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 15 septembre 2021, n° 19/19543

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Euro Castor Green (SARL)

Défendeur :

Castorama France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

M. Gilles, Mme Depelley

T. com. Lille-Métropole, du 19 sept. 201…

19 septembre 2019

La société Castorama France (ci-après « Castorama ») est une chaîne française de grande distribution de bricolage, de décoration et d'aménagement de la maison.

La société Euro Castor Green (ci-après « ECG ») a pour activité la vente de produits de jardinage. Elle fait fabriquer en Chine les produits qui lui sont commandés par les distributeurs.

En 2003, la société ECG a commencé à fournir la société Castorama, à raison de deux familles de produits : les haies artificielles et occultants d'une part, les gazons synthétiques d'autre part. Deux produits de gazon synthétique étaient vendus par Castorama sous sa propre marque (produits MDD).

Il n'existait pas d'obligation d'exclusivité entre Castorama et ECG.

Par lettre recommandée datée du 20 mars 2017, avisée le 21 avril 2017 et que la société ECG indique avoir reçu le 25 avril 2017, la société Castorama a déréférencé la première famille de produits (haies artificielles et occultants), avec un préavis à effet au 1er mars 2018. Ces produits représentent 65 % du courant d'affaires.

Par lettre recommandée datée du 11 décembre 2017, Castorama a déréférencé la totalité des produits restant, moyennant un préavis allant jusqu'au 31 janvier 2019.

Par acte extrajudiciaire du 15 mai 2018, la société ECG a assigné la société Castorama devant le tribunal de commerce de Lille-Métropole, en réparation notamment d'un préjudice résultant de la rupture brutale de leurs relations commerciales.

C'est dans ces conditions que, par jugement du 19 septembre 2019, le tribunal de commerce de Lille-Métropole a :

- débouté ECG de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société Castorama de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné la société ECG à payer à la société Castorama la somme de 236 124,07 euros au titre des factures du plan de communication 2017 assortie des intérêts au taux légal à compter de leur échéance avec anatocisme,

- condamné la société ECG à payer la société Castorama la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société ECG aux dépens,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes.

Par déclaration au greffe de la Cour du 18 octobre 2019, la société ECG a interjeté appel de ce jugement.

Vu les dernières conclusions de la société ECG, déposées et notifiées le 10 mai 2021, demandant à la Cour de :

- déclarer son appel recevable et bien fondé,

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- statuer de nouveau,

- dire que la société Castorama a rompu brutalement les relations commerciales établies qu'elle entretenait avec la société Euro Castor Green,

- dire que la société Euro Castor Green aurait dû bénéficier d'un préavis effectif de 36 mois à compter des notifications des 25 avril 2017 et 11 décembre 2017 ;

- en conséquence :

- condamner la société Castorama à payer à la société Euro Castor Green, toutes causes de préjudices confondues, une somme globale de 2 903 871,70 euros.

- dire que le non-respect des délais de paiement et l'envoi de factures indues constituent des pratiques abusives ;

- en conséquence :

- condamner la société Castorama à payer à la société Euro Castor Green une somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- dire que la société Castorama a menti sur l'état du stock en sa possession à la fin de l'année 2017 et n'a pas réglé :

128 pièces au titre du stock non déclaré pour la référence Ecran de verdure L.3XH. 1,50M,

75 pièces au titre du stock non déclaré pour la référence Treillis fleuri 1X2M,

799 pièces au titre du stock non déclaré pour la référence Haie éternelle brins,

405 pièces au titre du stock non déclaré pour la référence Ecran haie bambou feuille

- en conséquence :

- condamner la société Castorama à payer à la société Euro Castor Green la somme de 55 721,84 euros TTC correspondant aux quantités restant dues au titre des références en stock et non payées lors du rachat de stock ;

- assortir cette somme des intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 2018 ;

- débouter la société Castorama de l'intégralité de ses demandes ;

- condamner la société Castorama à payer à la société Euro Castor Green la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en sus des dépens de première instance et d'appel ;

- condamner la société Castorama à prendre à sa charge le coût des frais de l'exécution forcée de la décision à intervenir, en ce inclus les droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement (ancien article 10 du décret n°96-1080 du 12 décembre 1996).

Vu les dernières conclusions de la société Castorama, déposées et notifiées le 28 avril 2021, demandant à la cour d'appel de Paris de :

- sur l'absence de faute sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales,

- constater que l'article L. 442-1 II du code de commerce issu de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, qui remplace l'ancien article L. 442-6 I 5° du code de commerce, est immédiatement applicable à la présente instance eu égard à la volonté du législateur, dans un souci impératif d'efficience économique, de remédier aux effets néfastes qui résultent de l'application de l'ancien article L. 442-6 I 5° du Code de commerce,

- constater que ce nouveau texte a plafonné le délai du préavis à 18 mois,

- constater que le doublement du préavis en cas de produits MDD a été supprimé par ce texte,

- infirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que l'ordonnance n° 2019-359 modifiant l'article L. 442-6 du code de commerce n'était pas applicable au présent litige,

- et statuant à nouveau :

- constater que la société ECG n'est pas fondée à prétendre bénéficier d'un préavis de 36 mois et la débouter de ses demandes à ce titre,

- constater qu'elle a notifié à la société ECG un préavis écrit de 11 mois pour les haies artificielles et produits d'occultation et un préavis de 13,5 mois pour les gazons artificiels,

- constater que le préavis qu'elle a octroyé à la société ECG est conforme aux usages en la matière et en particulier au code de bonne conduite des pratiques commerciales entre professionnels du jardin et à l'accord FMB-UNIBAL invoqué par la société ECG,

- confirmer, par conséquent, le jugement entrepris en ce qu'il a jugé qu'elle n'a commis aucune rupture brutale à l'égard de la société ECG eu égard à la durée des préavis octroyés,

- constater qu'elle a respecté le premier préavis qu'elle a octroyé à La société ECG en augmentant de 40 % le montant de ses achats auprès de cette dernière en 2017,

- constater qu'elle a bien respecté le second préavis qu'elle a octroyé à la société ECG en passant des commandes à la société ECG mais que le préavis de 13,5 mois a été unilatéralement réduit à 1 mois par le fournisseur qui a mis fin sans préavis à ses relations avec elle pour les gazons artificiels,

- constater que cet arrêt des relations en janvier 2018, c'est-à-dire avant la fin du préavis qui devait se terminer le 31 janvier 2019, résulte de la seule décision de la société ECG qui a modifié substantiellement les conditions des relations commerciales avec elle et qui a refusé toutes ses commandes,

- par conséquent, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé qu'elle n'a commis aucune faute à l'égard de la société ECG et a en conséquence débouté cette dernière de ses demandes au titre de la rupture brutale des relations commerciales,

- sur le rejet des demandes de la société ECG au titre du paiement du solde du stock,

- constater qu'elle a réglé à la société ECG la somme de 293 046,53 euros correspondant au solde du stock de produits que lui a adressé la société ECG et qu'elle a accepté,

- constater qu'elle apporte la preuve qu'elle ne détient plus aucun produit de la société ECG en consignation,

- constater en conséquence que la demande de la société ECG au titre du paiement du solde du stock est mal fondée,

- par conséquent, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société ECG de ses demandes à ce titre ;

- sur l'absence de faute de sa part sur le fondement des autres pratiques restrictives de concurrence de l'article L. 442-6 du code de commerce,

- constater que la vente en consignation est licite,

- constater que la société ECG a donné son accord pour qu'elle réalise des opérations publicitaires sur ses produits,

- constater qu'elle a effectivement mis en avant les produits de la société ECG dans les catalogues publicitaires,

- par conséquent, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé qu'elle n'a commis aucune pratique abusive à l'égard de la société ECG et a en conséquence débouté celle-ci de ses demandes à ce titre,

- à titre subsidiaire, sur le rejet des demandes d'indemnisation de la société ECG,

- constater que la demande d'indemnisation de la société ECG au titre de la rupture des relations commerciales est totalement fantaisiste,

- constater que la demande d'indemnisation de la société ECG au titre des coûts de licenciement prétendument supportés par elle est infondée et dénuée de tout caractère sérieux,

- constater que la demande d'indemnisation de la société ECG au titre d'abus dans la relation commerciale est infondée,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société ECG de l'ensemble de ses demandes d'indemnisation ;

- débouter en conséquence la société ECG de l'ensemble de ses demandes ;

- en tout état de cause ;

- constater que la société ECG n'a pas payé des factures émises au titre de la participation publicitaire pour l'année 2017 représentant un montant total de 236 124,07 euros,

- confirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société ECG à lui payer une somme de 236 124,07 euros, augmentée des intérêts, équivalents à trois fois le taux d'intérêt légal, dus à compter de leur échéance, avec anatocisme,

- constater que la société ECG a monté un dossier de toutes pièces, en travestissant les faits et en faisant une présentation trompeuse de la situation à la Cour,

- constater en conséquence que le droit d'agir en justice de la société ECG a dégénéré en abus,

- infirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle au titre de la procédure abusive,

- et statuant à nouveau :

- condamner la société ECG à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- condamner la société ECG à lui payer la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société ECG aux entiers dépens.

SUR CE

LA COUR

S'agissant de l'applicabilité au litige de l'ordonnance du 24 avril 2019, qui est soutenue par la société Castorama aux termes de son appel incident, les premiers juges doivent être approuvés d'avoir rejeté les moyens de celle-ci et d'avoir dit que cette ordonnance n'était pas applicable au litige.

La Cour précisera cependant, eu égard à la motivation du jugement entrepris et à la discussion des parties devant la Cour, qu'en droit interne la rupture brutale des relations commerciales établies est un délit civil, ce à quoi ne préjudicie pas l'arrêt Granarolo de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, 14 juillet 2016, C-196/15), dont la solution concerne le droit international privé applicable à la compétence juridictionnelle dans un contexte d'extranéité.

Si l'article L442-1 du code de commerce issu de l'ordonnance du 24 avril 2019 se trouve inapplicable en l'espèce, c'est parce que nulle disposition de celle-ci ne lui confère d'effet rétroactif et qu'il est constant que le fait générateur de la responsabilité recherchée, à savoir la rupture des relations commerciales établies, s'est produit avant le 26 avril 2019, date entrée en vigueur de cette ordonnance. En effet, le premier déréférencement a été notifié par lettre datée du 20 mars 2017 à effet au 1er mars 2018 et le second par lettre du 11 décembre 2017 à effet au 31 janvier 2019.

Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

Alors qu'il est constant que les parties ont eu des relations commerciales établies, et s'agissant de l'existence d'une rupture brutale de ces relations, les moyens soutenus par la société ECG au soutien de son appel principal, ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont le premier juge a connu et auxquels il a répondu par des motifs exacts que la Cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.

A ces justes moyens il sera ajouté ce qui suit.

La société ECG soutient, à l'appui de son appel visant à faire reconnaître son état de dépendance économique au moment de la rupture, que :

- la part de son chiffre d'affaires avec la société Castorama était très importante ;

- la rupture a été suivie pour elle d'une baisse de chiffre d'affaires de l'ordre de 80 % sur le premier trimestre 2018 ;

- elle a perdu ses concours bancaires pour 2018 à la suite de l'annonce de la rupture ;

- le groupe Kingfisher auquel appartient la société Castorama détient une part de marché prépondérante sur le marché français du bricolage/jardinage.

Toutefois, la Cour estime qu'il n'est nullement démontré en l'espèce que la taille du groupe auquel appartient la société Castorama ait concrètement empêché la société ECG de veiller à la diversification de ses distributeurs, ce qui aurait pu la conduire à ne pas accepter le niveau plus élevé que d'habitude des commandes pour 2017, fait non établi qu'elle prend cependant pour preuve de la préméditation avec laquelle la société Castorama aurait opéré la rupture des relations commerciales avec elle.

Le reste des conséquences négatives pour sa gestion découlant, selon elle, de la décision de la société Castorama sont en réalité la conséquence de son choix de réaliser 75 % de son chiffre d'affaires avec cette enseigne. Or, ce choix n'est nullement imputable à ce distributeur, d'autant qu'elle disposait déjà de contacts avec d'autres enseignes concurrentes - telles M. Bricolage, La Redoute et La Maison de Catherine - et que rien ne démontre en quoi l'importance relative de l'enseigne Castorama l'a gênée pour démarcher utilement d'autres prospects. La Cour ne saurait supposer que l'échec éventuel de ses démarches de prospection envers Truffault (datant de 2008), Jardi Leclerc, Jardiland, M. Bricolage et Leroy Merlin, attestées par les courriels produits, s'expliquent par l'importance relative de Castorama sur le marché du jardinage et de l'aménagement de la maison.

Si la société ECG affirme encore que ce fut le système des achats en régie voulu par la société Castorama, l'obligeant selon elle à avancer de la trésorerie à son distributeur, qui l'a gênée dans la conquête de ses nouveaux marchés, rien de concret ne le démontre ; ce d'autant qu'elle est présumée avoir accepté librement de souscrire au mécanisme contractuel de l'achat en régie et qu'elle n'apporte pas la preuve ni qu'elle y aurait été soumise par suite d'un rapport de forces, ni que la pratique suivie par les parties a été modifiée par le contrat du 25 septembre 2009 qu'elle affirme sans preuve constituer une fraude à la loi "LME" (la société ECG fait référence à loi du 4 août 2008 dite loi de modernisation de l'économie).

Par conséquent le jugement sera entrepris en ce qu'il a écarté la circonstance de dépendance économique.

S'agissant de la durée et du respect du préavis, s'il est certain que l'existence d'un accord professionnel prévoyant, comme en l'espèce, la durée d'un préavis ne dispense pas d'examiner si la durée de celui-ci, même respectée, a été suffisante compte tenu de la durée de la relation commerciale et des autres circonstances de l'espèce, la société ECG, faisant valoir que la durée des relations commerciales établies a été de 14 ans, considère essentiellement que :

- concernant le préavis écrit daté du 20 mars 2017, posté en recommandé le 21 avril et que le destinataire explique avoir reçu le 25 avril 2017 (les haies artificielles et occultants), dont le tribunal a retenu qu'il avait duré plus de 10 mois, excédant les prévisions de l'accord interprofessionnel prévoyant 9 mois et qu'il avait été suffisant, ce préavis aurait en réalité duré seulement deux mois et serait très insuffisant, au moyen que les commandes passées sur l'année 2017 avaient déjà été convenues sur la base du prévisionnel défini en septembre 2016 ; la société ECG explique même que ce préavis de deux mois n'a pas été respecté en ce que nulle commande n'a été passée en 2018 ;

- concernant le préavis notifié le 11 décembre 2017 (les gazons artificiels) à effet du 31 janvier 2019, les commandes de l'année 2017 ont aussi été prises dès la fin 2016 soit avant la notification, de sorte qu'il n'aurait pu concerner que l'année 2018 alors que, faute de toute commande pour cette dernière année, le préavis a été inexistant.

Toutefois, la Cour retiendra ce qui suit.

Alors, d'une part, que nulle disposition contractuelle applicable entre les parties ne rend opposable à la société Castorama les contraintes de la société ECG liées à son activité d'achat pour revente et si, pendant la durée du préavis, les conditions de la relation commerciale établie doivent par principe être maintenue, l'analyse du courriel échangé entre les parties ne démontre pas pour autant que la société Castorama qui, pour 2017, avait accepté d'envoyer le 15 septembre 2016 un cadencier de commande pour 2017, pour des commandes livrées en dépôt entre janvier et avril ou mai 2017, ce sans connaissance du tarif définitif qui ne lui a été envoyé que le 6 décembre 2006, devait nécessairement adresser son préavis avant le mois de septembre de chaque année pour que le point de départ de celui-ci soit opposable à son fournisseur. La Cour ne peut admettre que le préavis dont la notification a été reçue le 25 avril 2017 au plus tard n'a pas couru à compter de cette date. Au contraire, rien ne prouve que la société ECG n'a pas été disponible pour chercher à réorienter son activité dès réception du préavis.

La saisonnalité alléguée ne résulte pas nécessairement de la nature des produits en cause qui ne sont pas des produits végétaux mais des produits artificiels qui se stockent sans dommage. Si la société Castorama a pu effectuer ses achats livrés en dépôt entre janvier et avril ou mai, ce qui s'est avéré compatible avec le cycle d'achats de la société ECG, laquelle explique se rendre à l'automne en Chine pour négocier avec ses fournisseurs, ce qui ne lui permet pas de connaître ses prix pour une année donnée avant la fin d'année précédente, ceci ne constitue pas une caractéristique de la relation commerciale établie en cause qui soit opposable à la société Castorama. En l'espèce, le cycle des achats de la société ECG s'est trouvé mis à l'épreuve à l'occasion de l'intégration de la fonction achat de la société Castorama au sein du groupe dont elle dépend, mais cela ne permet pas pour autant à la société ECG de reprocher au distributeur la modification de son organisation ou de lui imposer, comme elle le demande, un préavis de la durée de « deux saisons », soit 24 mois.

La société ECG est par conséquent mal fondée à soutenir que le préavis notifié le 25 avril 2017 n'a pas été utile à compter de sa réception.

En outre, c'est par des motifs pertinents que la Cour adopte que, sur le fondement de l'accord signé le 24 juin 2014 par la FMB et UNIBAL, auquel se réfère la société ECG dans sa lettre du 25 avril 2017 et qui a été produit est débattu en première instance, ainsi que le jugement entrepris en fait foi - et contre la réalité et l'applicabilité duquel aucun moyen n'est valablement soutenu en cause d'appel -, les premiers juges ont exactement retenu que le préavis de plus de 10 mois notifié le 21 avril 2017 (en réalité le 25 avril 2017, cette inexactitude étant sans portée) était suffisant s'agissant d'une relation commerciale de plus de 5 années, ce en fonction de la part du chiffre d'affaires déréférencé dans le total de celui réalisé entre le distributeur et le fournisseur concernés.

Eu égard à cet accord, le délai de préavis de plus de 10 mois n'est insuffisant au regard ni de la durée des relations commerciales établie, fût-elle de 14 années, ni du mode de commandes prétendu, ni - en l'absence de dépendance économique justifiant d'une difficulté à trouver d'autres partenaires - au regard des contraintes liées à la consignation ou aux délais de paiement en vigueur entre les parties ou à l'importance du chiffre d'affaires déréférencé dans le chiffre d'affaires total de la concluante.

Concernant le second déréférencement pour le reste des produits (gazons artificiels), opéré par lettre du 11 décembre 2017 et à effet du 31 janvier 2019, alors que rien n'imposait à la société Castorama de soumettre ses commandes avant d'être en possession des prix, la société ECG soutient vainement que le préavis n'a pas été réalisé, au motif que nulle commande n'a été passée par le distributeur, alors que, selon le courrier éléctronique échangé entre les parties :

- le 11 août 2017, une commande a été passée par la société Castorama avec livraison début 2018 ;

- le 6 septembre 2017, la société ECG a refusé de la confirmer au motif, notamment, que les tarifs n'étaient pas arrêtés pour 2018 ;

- la société ECG a exigé un prévisionnel des commandes avant d'émettre ses propositions de tarif, ce qu'elle a prévu pour la fin de l'année ;

- le 28 septembre 2017, la société Castorama a donné ses besoins pour 2018 ; la société ECG déplore une baisse de 40 % en volume alors qu'elle fait également grief au distributeur du fait que 2017 avait été de 40 % plus important que 2016 ; la société ECG fait valoir que la commande du mois d'août a été annulée, mais elle avait refusé de la confirmer ;

- le 19 octobre 2017, la société Castorama a passé une commande pour mi-décembre 2017 et janvier et février 2018 ; la société ECG expose que le délai était trop court et qu'elle était basée sur le tarif 2017 et non le tarif 2018 ; elle ne l'a pas acceptée ;

- la société ECG a annoncé le 23 octobre 2017 qu'elle reviendrait des sites de production le 15 novembre 2017 et que les tarifs ne pourraient pas faire l'objet d'un accord de sa part avant cette date ;

- le 11 décembre 2017, la société Castorama a passé une commande sous condition de prix ; la société ECG déplore la diminution en volume et explique que celui-ci a été divisé par deux depuis le prévisionnel pour 2018 donné le 28 septembre ; la société ECG explique que compte tenu de cette baisse, les concours bancaires n'ont pas été accordés ;

- le 11 janvier 2018, la société ECG a indiqué qu'elle ne pouvait pas confirmer les commandes passées le 9 janvier 2018 qui étaient incohérentes.

Il résulte de ces échanges qu'alors que la société ECG soutient que nulle commande n'a été passée, en réalité, nul accord de prix n'a pu être réalisé à temps, pour des motifs qui ne peuvent être imputés à la responsabilité du distributeur auquel il ne peut être reproché, compte tenu de cette indétermination, d'avoir évolué dans ses demandes ni d'avoir réduit le volume de ses commandes.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a dit que le préavis n'avait pas été effectif du fait de la société ECG.

Il sera précisé que rien n'obligeait la société Castorama à acheter la référence Gazon Prestige en 2018, ce produit ne donnant pas lieu à lui seul à une relation commerciale établie.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société ECG de son action en rupture brutale des relations commerciales établies, retenant que ce second préavis avait été d'une durée suffisante et qu'il n'avait pas été violé par le distributeur.

S'agissant de la licéité contestée du contrat de consignation, la société ECG affirme sans le démontrer que la signature de ce contrat, signé en 2009, a été signé par fraude, pour que le distributeur s'affranchisse des délais de paiement instaurés par la loi du 4 août 2008 dite loi de modernisation de l'économie (LME) à dater de l'émission de la facture. En particulier, l'état des délais de paiement en vigueur entre les parties avant la l'entrée en vigueur de la loi n'est nullement prouvé.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté ce moyen et la demande en dommages-intérêts qu'il soutient.

S'agissant des factures prétendûment indues au titre d'actions publicitaires de 2017, la société ECG reprend en appel le moyen soutenu en première instance pris du défaut de signature d'un contrat d'application pour l'année 2017 et maintient contester devoir les sommes réclamées, alors que la preuve du caractère exigible de ces factures résulte :

- des trois factures elles-mêmes datée du 12 janvier 2018, établies au titre de la participation publicitaire 2017 pour les montants et prestations suivants : 8 555,22 euros HT pour le treillis fleuris dans le Guide aménagement extérieur dans le cadre d'une opération de mars à mai, 102 662,64 euros HT pour des écrans de verdure pour la même opération et 85 552,20 euros HT pour le treillis fleuris dans le cadre d'une opération Un projet salle de bain en juin et pour le treillis fleuri et des écrans de verdure en mars pour une opération "aména extérieur et chantier réno" ;

- du courriel du 19 janvier 2017 adressé à la société ECG par la société Castorama, faisant référence expresse notamment à des opérations de tract prévues aux dates visées par les opérations des factures pour des produits identiquement dénommés et contenant le plan de communication pour les produits de la société ECG ;

- de la convention commerciale complétée par le contrat de "services propres à favoriser la commercialisation des produits" visée par le tribunal de commerce, dont il n'est pas contesté qu'elle prévoit la rémunération pour les frais de participation publicitaire ;

- des courriels de la société ECG visés par le tribunal de commerce en non contestés qui ont réclamé des actions complémentaires ;

- de l'extrait du Guide 2017 mentionnant l'écran de verdure et le treillis fleuri de la société ECG, et des tracts afférents aux opérations Spécial Jardin de mars 2017, représentant les écrans de verdure ainsi que du tract spécial salle de bain de juin 2017 faisant figurer le treillis extensible, tous produits de la société RCG, l'ensemble de ces documents matérialisant les actions visées aux factures.

Les premiers juges doivent donc être approuvés d'avoir condamné la société ECG au paiement de ces trois factures pour leur entier montant, étant observé que la société ECG n'invoque valablement ni la tardiveté de ces factures ni l'impossibilité pour elle de les régler par compensation, pour se soustraire au devoir de les payer.

S'agissant du prétendu mensonge de la société Castorama France sur les quantités stockées dans ses entrepôts par l'effet du contrat de consignation, appartenant à la société ECG et que le distributeur lui a rachetées, il y a lieu de confirmer par motifs adoptés le jugement entrepris qui a exactement relevé que dans un courriel du 6 décembre 2017 le fournisseur avait accepté l'état du stock à racheter, étant observé que, contrairement à l'affirmation du fournisseur, le mensonge prétendu n'est pas avoué dans les écritures du distributeur. En outre, le fournisseur qui avait la possibilité d'après le contrat de consignation de procéder à un état des lieux contradictoire s'en est délibérément abstenu avant d'accepter l'état de stocks.

S'agissant de la demande reconventionnelle en procédure abusive, bien que la société ECG se soit méprise sur l'étendue de ses droits son action en justice n'a pas dégénéré en abus ni en première instance ni en appel.

La demande en dommages-intérêts de la société Castorama sera donc rejetée, le jugement entrepris étant confirmé sur ce point.

Le jugement entrepris sera donc entièrement confirmé.

S'agissant des frais d'appel, la société ECG qui succombe sera condamnée en équité à payer à la société Castorama une somme dont le montant sera précisé au dispositif de la présente décision.

La société ECG sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Déboute la société ECG de ses demandes,

Déboute la société Castorama de sa demande reconventionnelle pour abus de droit,

Condamne la société ECG à payer à la société Castorama une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel,

Condamne la société ECG aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.