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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 8 septembre 2021, n° 20/09996

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Réside Etudes Seniors (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

M. Gilles, Mme Depelley

T. com. Rennes, du 19 mai 2020

19 mai 2020

La société SLEMJ & Associés (ci-après « SLEMJ ») intervient en tant que mandataire liquidataire de la société X, ayant pour activité la fabrication et la commercialisation de meubles en bois massif.

La société Réside études seniors (ci-après « RES »), provenant de la fusion de plusieurs sociétés du groupe La Girandière, est promoteur et gestionnaire-exploitant de résidences services.

En mai 2009, les sociétés X et La Girandière sont entrées en contact pour confier à la société X l'ameublement d'une résidence sénior.

Entre 2012 et 2016, la société La Girandière, devenue par la suite la société RES, a ouvert 19 résidences, toutes meublées par la société X. La dernière livraison a eu lieu en septembre 2016. Depuis, la société RES a continué à ouvrir des résidences séniors, faisant appel à d'autres fournisseurs.

Par jugement du tribunal de commerce de Laval du 5 février 2014, la société X a été placée en redressement judiciaire. Un plan de redressement a été décidé par jugement du 14 janvier 2015, puis la liquidation judiciaire a été ordonnée par jugement du 14 juin 2017. Un plan de cession est intervenu le 14 décembre 2017.

Par lettre du 26 novembre 2018, la SELARL Y, administrateur judiciaire désigné en qualité de liquidateur de la société X, a mis en demeure la société RES d'indemniser la débitrice pour rupture brutale des relations commerciales établies.

Par acte extrajudiciaire du 19 février 2019, la SELARL Y a assigné la société RES devant le tribunal de commerce de Rennes afin de la voir condamner au paiement de sommes à titre de dommages-intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies, correspondant à la marge non réalisée pendant le préavis d'un an qui selon le liquidateur aurait dû être appliqué.

C'est dans ces conditions que par jugement du 19 mai 2020, le tribunal de commerce de Rennes a :

Dit qu'il n'y a pas eu de relations commerciales entre la société La girandière et la société X entre les années 2009 et 2012,

Dit qu'il y a eu une relation commerciale établie entre les deux sociétés entre les années 2012 et 2016, soit pendant 5 années,

Dit que cette relation commerciale établie a été rompue par la société Réside études seniors en septembre 2016,

Dit que la rupture intervenue ne présente aucun caractère de brutalité, que cette rupture n'est pas constitutive d'une faute à l'égard de la société X,

Dit que les dispositions de l'ancien article L. 442-6-I 5° du code de commerce en vigueur à l'époque des faits n'ont pas vocation à s'appliquer au présent litige,

En conséquence :

Débouté la SELARL Y, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société X, de ses demandes formées sur ce chef,

Débouté la SELARL Y ès qualités de sa demande indemnitaire au titre d'un préjudice subi,

Débouté les parties de leurs autres demandes, plus amples ou contraires,

Condamné la SELARL Y ès qualités à payer à la société Réside étude seniors la somme de 7 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Par ordonnance du 15 octobre 2020, la SELARL SLEMJ & Associés, administrateur judiciaire a été désignée liquidateur de la société X en remplacement de la SELARL Y.

Vu les dernières conclusions de la société SLEMJ, mandataire liquidateur de la société X, déposées et notifiées le 24 mars 2021, demandant à la cour d'appel de Paris de :

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

dit qu'il n'y a pas eu de relations commerciales entre la société La Girandière et la société X entre les années 2009 et 2012 ;

dit que la rupture intervenue ne présente aucun caractère de brutalité, que cette rupture n'est pas constitutive d'une faute à l'égard de la société X ;

dit que les dispositions de l'ancien article L. 442-6-I-5° du code de commerce en vigueur à l'époque des faits n'ont pas vocation à s'appliquer au présent litige ;

débouté la SELARL Y, ès qualités, de ses demandes formées sur ce chef ;

débouté la SELARL Y, ès qualités, de sa demande indemnitaire au titre d'un préjudice subi ;

débouté la SELARL Y, ès qualités, de toutes ses autres demandes, plus amples ou contraires ;

condamné la SELARL Y, ès qualités, à payer à la société Réside études seniors la somme de 7.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ;

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

dit qu'il y a eu une relation commerciale établie entre les deux sociétés entre les années 2012 et 2016 ;

dit que cette relation commerciale établie a été rompue par la société Réside études seniors en septembre 2016 ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

dire et juger qu'il y a eu une relation commerciale établie entre la société Réside études seniors et la société X entre les années 2009 et 2017, soit durant 9 ans ;

dire et juger que cette relation commerciale établie, d'une durée de 9 ans, a été rompue par la société Réside études seniors en septembre 2016, de manière brutale, et comme étant constitutive d'une faute à l'égard de la société X ;

dire et juger que la société Réside études seniors aurait dû laisser à la société X un délai de préavis de 12 mois minimum compte tenu de cette durée, de l'importance du chiffre d'affaires généré par ces 9 ans de relations commerciales continues, de l'importance du chiffre d'affaires des marchés « La Girandière » dans le chiffre d'affaires global de la société X, et enfin de la difficulté, voire l'impossibilité, à trouver un autre partenaire de rang équivalent sur le marché ;

En conséquence,

Condamner la société Réside études seniors à verser à la société SLEMJ & Associés, ès qualités, la somme de 431.125,92 euros en réparation du préjudice causé à la société X correspondant à la perte de marge brute sur 12 mois, assortie des intérêts au taux d'intérêt légal à compter du 19 février 2019, date de l'assignation ;

Si par extraordinaire la cour ne devait pas faire droit à cette demande, condamner la société Réside études seniors à verser à la société SLEMJ & Associés, ès qualités, la somme de 185.241,60 euros en réparation du préjudice causé à la société X correspondant à la perte de marge sur coûts variables sur 12 mois, assortie des intérêts au taux d'intérêt légal à compter du 19 février 2019, date de l'assignation ;

Condamner la société Réside études séniors à verser à la société SLEMJ & Associés, ès qualités, la somme de 100.000,00 euros en réparation du préjudice résultant de la mise en liquidation judiciaire de la société X causé par la brutalité de la rupture de la relation commerciale établie, assortie des intérêts au taux d'intérêt légal à compter du 19 février 2019, date de l'assignation ;

Débouter la société Réside études seniors de l'ensemble de ses demandes ;

Condamner la société Réside études seniors à verser à la société SLEMJ & Associés, ès qualités, la somme de 7.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile s'agissant des frais irrépétibles de première instance ;

Condamner la société Réside études seniors aux entiers frais et dépens de première instance ;

Condamner la société Réside études seniors à verser à la société SLEMJ & Associés, ès qualités, la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile s'agissant des frais irrépétibles d'appel ;

Condamner la société Réside études seniors aux entiers frais et dépens d'appel.

Vu les dernières conclusions de la société Réside études seniors déposées et notifiées le 19 janvier 2021, demandant à la cour d'appel de Paris de :

Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Rennes en date du 19 mai 2020 en ce qu'il a :

dit qu'il n'y a pas eu de relations commerciales entre la société La girandière, devenue la société Réside études seniors, et la société X entre les années 2009 et 2012 ;

dit que la rupture intervenue ne présente aucun caractère de brutalité, que cette rupture n'est pas constitutive d'une faute à l'égard de la société X ;

dit que les dispositions de l'ancien article L. 442-6-1-5° du code de commerce en vigueur à l'époque des faits n'ont pas vocation à s'appliquer au présent litige ;

débouté la SELARL Y, devenue la société SLEMJ & Associés, ès qualités, de ses demandes formées sur ce chef ;

débouté la SELARL Y, devenue la société SLEMJ & Associés, ès qualités, de sa demande indemnitaire au titre d'un préjudice subi ;

débouté la SELARL Y, devenue la société SLEMJ & Associés, ès qualités, de toutes ses autres demandes, plus amples ou contraires ;

condamné la SELARL Y, devenue la société SLEMJ & Associés, ès qualités, à payer à la société Réside études seniors la somme de 7.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ;

Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Rennes en date du 19 mai 2020 en ce qu'il a :

Dit qu'il y a eu une relation commerciale établie entre les deux sociétés entre les années 2012 et 2016 ;

dit que cette relation commerciale établie a été rompue par la société Résides études seniors en septembre 2016.

Et statuant à nouveau :

dire et juger que les relations commerciales entre la société Réside études seniors et la société X n'ont pas eu de caractère établi ;

dire et juger que les relations commerciales entre la société Réside études seniors et la société X n'ont pas eu de caractère continu ;

En tout état de cause :

débouter la société SLEMJ & Associés, en sa qualité de mandataire liquidateur de la société X, de l'intégralité de ses demandes ;

condamner la société SLEMJ & Associés, ès qualités, à payer à la société Réside études seniors la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ainsi que les entiers dépens.

SUR CE

LA COUR

Le liquidateur ès qualités fait grief à la société RES d'une brusque rupture caractérisée par l'absence de toute commande après celles de février et juin 2016 afférentes aux résidences d'Isle-d'Abeau (ouverte en juillet 2016), de Mulhouse (ouverte en septembre 2016), de Volgesheim (pour un renouvellement de collection en septembre 2016) et de Dinan (ouverte en septembre 2016).

Le liquidateur ès qualités fait valoir que la société RES n'a pour autant pas cessé d'ouvrir des résidences, puisque 13 nouveaux établissements ont été ouverts jusqu'à la fin 2018 et d'autres encore en 2019 et 2020, avec programmation d'autres ouvertures à fin 2020 et 2021.

Si la société RES demande l'infirmation du jugement entrepris au moyen qu'il n'y a jamais eu en l'espèce de relation commerciale établie eu égard à l'aléa ayant présidé à la souscription de chaque commande de meubles et résultant de la mise en compétition systématique de concurrents préalablement à la passation des commandes, la Cour retiendra ce qui suit.

Il doit être rappelé que l'existence de relations commerciales établies entre partenaires n'est pas subordonnée à l'établissement d'un contrat cadre, qui n'existe pas en l'espèce.

En outre, la société RES ne rapporte pas davantage la preuve devant la Cour que devant les premiers juges de la mise en concurrence systématique de prestataires ni pour les résidences dont la réalisation de l'ameublement avait été confiée à la société X ni pour celles qu'elle a ouvertes après avoir cessé le partenariat avec elle.

Dans des tabeaux produits en pièce n° 3, la société RES dresse des comparatifs de prix établis par elle-même entre la société X et un seul concurrent, SERTIM, qui font état du fait que pour les mêmes catégories de meubles, celui-ci est sensiblement moins cher.

Cependant, la société X a néanmoins été sollicitée pour L'Isle-d'Abeau et Mulhouse (résidences ouvertes en juillet et septembre 2016), ce qui fait douter de l'élément déterminant de la différence de prix dans le choix du fournisseur.

Surtout, ce n'est pas avant juin 2017 que la société RES, en la personne de Mme Z, la nouvelle acheteuse, a fait état d'un appel d'offres, s'agissant de la résidence de Nantes. Dans la réponse à ce courriel M. X se plaint sans être valablement contredit dans la procédure du fait que son entreprise n'avait pas été sollicitée pour les appels d'offres des résidences de Saint Malo (tout près du siège de l'entreprise), Villeurbanne, Hem ou Bourgoin-Jallieu.

En outre, contrairement à ce qu'affirme la société RES, il n'est pas établi que, par nature, les opérations de promotion immobilière ne permettent pas d'offrir aux prestataires une quelconque visibilité, certitude ou prévisibilité quant aux commandes à venir eu égard aux nombreux aléas qui entourent l'opération de construction elle-même, s'agissant de la recherche et de la faisabilité foncière ou d'obtention de permis de construire, ni eu égard aux délais de réalisation d'une résidence dont les commandes des équipements sont passées généralement au lancement de la construction.

En réalité, il est démontré que la société RES avait choisi la société X comme partenaire privilégié sinon exclusif pour la réalisation de 19 résidences La Girandière entre 2012 et 2016.

Le caractère établi de la relation commerciale est donc prouvé à compter de 2012.

Auparavant, seule la résidence de Volgesheim avait été confiée, en 2009, à la société X, si bien que les premiers juges doivent être approuvés d'avoir retenu que la réalisation de cette première résidence, 3 ans avant une nouvelle collaboration, ne marquait pas le début des relations commerciales établies, ce en l'absence de tout autre élément permettant de s'assurer que, dès 2009, la société X pouvait compter qu'elle serait à nouveau sollicitée.

Le moyen du liquidateur visant à faire reconnaître que la relation commerciale établie date de 2009 doit donc être rejeté.

S'agissant de l'existence d'une brusque rupture, la Cour relève qu'il est constant que la société X n'a adressé aucun préavis à la société RES et que la société X n'a reçu aucune commande ni consultation après la livraison de la commande de Dinan en septembre 2016.

Les premiers juges ont retenu que la rupture n'avait pas été brutale aux motifs essentiels que :

-  la société X faisait l'objet d'une procédure collective, puisqu'elle avait été placée en redressement judiciaire le 5 février 2014, que sa période d'observation avait été renouvelée trois fois, que par jugement du 14 janvier 2015, le plan de redressement sur 10 ans présenté par l'entreprise avait été accepté, mais que, le 14 juin 2017, le fournisseur avait été placé en liquidation judiciaire seulement deux ans et demi après le plan d'apurement des dettes et que, depuis cette date, elle ne pouvait plus faire grief à la société RES de ne plus lui passer de commandes ;

-  la société X ne pouvait ignorer ni qu'elle était en procédure collective ni que la société La Girandière avait été absorbée par la société RES, ni que les acheteurs avaient été remplacés, ni qu'un audit défavorable de ses prix avait été réalisé en 2015 par la société RES.

La société RES expose quant à elle dans ses conclusions (p. 15) qu’"aucune commande de meubles n'a été livrée par la société RES que ce soit avec la société X ou tout autre fournisseur - pour ses résidences entre le mois de juin 2016 [...] et de juin 2017 [...] date de la mise en liquidation de la société X".

La société RES affirme encore (page 16 de ses conclusions) qu'au premier semestre 2017 elle n'a passé aucune commande auprès de quelconques fournisseurs.

La société RES affirme enfin que la société X était consciente que le planning prévisionnel des résidences n'occasionnerait aucune livraison ou commande entre la fin du 1er semestre 2016 et le début du 2ème semestre 2017.

Toutefois, la société RES ne justifie curieusement pas de cette dernière affirmation, ni du calendrier des commandes des meubles afférentes à la construction des résidences de Saint Malo, Villeurbanne ou Hem dont M. X a fait mention expresse dans son courriel de juin 2017, ou encore de Marseille (dont la société d'exploitation a été immatriculée au RCS le 21 mars 2017) ou de Nice (dont la société d'exploitation a été immatriculée au RCS le 25 avril 2017).

La société RES se contredit elle-même lorsqu'elle affirme, d'une part, qu'elle passait commande auprès de ses fournisseurs 18 à 24 mois avant la livraison des résidences et, d'autre part, qu'elle a cessé de solliciter la société X en juin 2017 seulement alors que celle-ci venait d'être placée en liquidation judiciaire de sorte que cette rupture ne lui serait pas imputable.

En effet, il est établi que l'ouverture de la résidence de Saint Malo a été annoncée par le groupe en mai 2017, que l'ouverture de la résidence de Villeurbanne a eu lieu en novembre 2017 (pièce du liquidateur n° 30), comme celle de Hem (pièces n° 2 du liquidateur) tandis que celle de Nantes a été ouverte en mars 2018.

Non seulement la Cour ne peut retenir que nulle commande de meubles n'a été passée auprès de quelque fournisseur que ce soit au premier semestre 2017 (ni le devis Burie ni les conclusions adverses dont se prévaut la société RES ne prouvent le fait affirmé), mais encore doit-il être retenu, en raison de l'absence de toute commande ou consultation pour les résidences de Saint Malo -particulièrement proche du siège du fournisseur -, Villeurbanne, Hem ou Nice que, contrairement à ce qu'affirme la société RES, la rupture n'a pas coïncidé avec la liquidation judiciaire du fournisseur mais qu'elle lui était antérieure.

En réalité, dès avant la livraison de la résidence de Dinan en septembre 2016, la société RES, qui n'avait pourtant aucun manquement contractuel à reprocher au fournisseur, a décidé de rompre les relations commerciales établies en s'abstenant de toute commande et de toute sollicitation pour les nombreuses résidences en préparation, alors que la société X était en redressement judiciaire.

Or, les risques liés à cette situation n'étaient pourtant pas de nature à la dispenser d'observer le préavis prévu par la loi, étant observé que la liquidation judiciaire n'est intervenue que le 14 juin 2017.

En outre, les courriels produits aux débats démontrent que M. X n'a pas manqué de pugnacité commerciale pour poursuivre les relations commerciales établies au travers des changements d'acheteurs, en dernier lieu avec Mme Z, ce nonobstant la procédure collective.

Si la société RES se prévaut d'un audit pour affirmer que le fournisseur était trop cher, nul autre "audit" des prix n'est produit que le tableau déjà mentionné établi par la société RES elle-même, document qui n'est pas opposable au fournisseur en l'absence de preuve de toute procédure d'appel d'offres.

Par conséquent, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a dit que la rupture n'avait pas été brutale.

La rupture est d'autant plus brutale que, le 19 septembre 2016, Mme Z offrait un rendez-vous à M. X pour notamment parler des opérations de 2017 qu'elle souhaitait lui confier et que cela n'a été suivi d'aucun effet.

S'agissant de la durée du préavis qui aurait dû être observé et du préjudice indemnisable, la Cour estime que ce préavis aurait dû être de six mois en l'espèce.

Il convient d'évaluer le préjudice découlant de la brutalité de la rupture des relations commerciales établies par la marge sur coûts variables perdue par suite de l'inobservation du préavis.

La marge sur coûts variables est constituée du chiffre d'affaires perdu diminué des charges économisées.

Par référence d'une part au calcul de marge sur coût variable effectué par l'expert-comptable du fournisseur et d'autre part au chiffre d'affaires réalisé avec la société RES entre le 1er avril 2012 et le 31 décembre 2016 :

-  le chiffre d'affaires moyen mensuel a été de 60 018,65 euros ;

-  le taux de marge sur coûts variables moyen s'établit à 25,72 % ;

-  la marge sur coûts variables mensuelle moyenne avec la société RES s'établit à : 60 018,65 x 25,72 % = 15 436,80 euros ;

-  le préjudice sur 6 mois s'établit donc à : 15 436,80 x 6 = 96 620,80 euros.

Cette dernière somme sera allouée au liquidateur ès qualités à titre de dommages-intérêts.

Le surplus de la demande du liquidateur ès qualités, fondée sur le calcul de marge brute ou sur une durée plus importante de préavis sera donc rejeté.

La loi ne répare que le préjudice découlant directement de la brutalité de la rupture et qui s'évalue à la marge sur coûts variables perdue à raison de l'inobservation du préavis.

C'est donc vainement que le liquidateur demande en outre l'indemnisation d’un préjudice découlant de la liquidation judiciaire résultant indirectement de la brutalité de la rupture. Une telle demande sera donc rejetée.

En équité, le liquidateur ès qualités recevra au titre de l'article 700 du code de procédure civile de la société RES une somme globale qui sera précisée au dispositif du présent arrêt et qui correspondra aux frais de première instance et d'appel.

La société RES qui succombe sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a retenu que la société X et la société RES avaient été en relation commerciale établie depuis 2012,

Statuant de nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Condamne la société RES à payer au liquidateur ès qualités une somme de 96 620,80 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies,

Condamne la société RES à payer au liquidateur une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel,

Condamne la société RES aux entiers dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande.