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Décisions

CA Angers, ch. civ. a, 14 septembre 2021, n° 17/00687

ANGERS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Bmw France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Thouzeau

Conseillers :

Mme Muller, Mme Reuflet

TGI Angers, du 13 mars 2017

13 mars 2017

FAITS ET PROCÉDURE

Le 1er avril 2011, M. Tony D. et Mme Nathalie B. épouse D. (les époux D.) ont acquis le véhicule BMW modèle X5 affichant un kilométrage de 81.500 km de M. Benjamin B. moyennant la cession de leur propre véhicule BMW de modèle Z4 et le versement d'une somme de 20.000 euros.

Le 3 novembre 2011, le véhicule BMW modèle X5 des époux D. est tombé en panne.

A la suite de la réalisation d'une expertise amiable, faisant état d'une modification du kilométrage du compteur et de la rupture de la chaîne de distribution, ils ont saisi en référé le président du tribunal de grande instance d'Angers qui, par ordonnance du 27 septembre 2012, a ordonné une expertise sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile.

L'expert a déposé son rapport le 16 août 2013.

Les époux D. ont alors assigné M. Benjamin B. et la S. A. BMW France devant le tribunal de grande instance.

Aux termes de leurs dernières conclusions de première instance, les époux D. ont demandé au tribunal, au visa des articles 1604 et suivants et 1641 et suivants du code civil, de :

- condamner in solidum M. Benjamin B. et la S. A. BMW France à leur restituer la somme de 43.000 ' assortie des intérêts légaux à compter du 1er avril 2011, date d'acquisition du véhicule,

- condamner M. Benjamin B. et à défaut la S. A. BMW France à reprendre à ses frais la possession du véhicule dans le délai de quinze jours à compter de la signification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard pendant le délai de deux mois après quoi il sera à nouveau fait droit,

- condamner in solidum M. Benjamin B. et la S. A. BMW France à leur verser la somme de 4.115 euros en réparation de leur trouble de jouissance,

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,

- condamner in solidum M. Benjamin B. et la S. A. BMW France à leur verser la somme de 3.000 ' au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum M. Benjamin B. et la S. A. BMW France en tous les dépens qui comprendront ceux de la procédure de référé ainsi que les frais d'expertise dont distraction au profit de la SCP D.-M.-Le T., avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

En réplique, M. Benjamin B. a demandé de :

A titre principal,

- Dire et juger que M. et Mme D. ne rapportent pas la preuve d'un versement d'un prix à hauteur de 43 000 euros et de ce qui ils ne contestent pas l'échange de véhicules,

- Dire et juger que M. et Mme D. ne rapportent pas la preuve de spécifications particulières liées au kilométrage du véhicule lors de l'échange invoqué,

- Dire et juger qu'il n'est pas rapporté que M. Benjamin B. avait connaissance du rajeunissement du compteur kilométrique,

- Dire et juger que les calculs effectués pendant l'expertise ne sont que théoriques et ne démontrent pas le kilométrage réel que devrait présenter le véhicule litigieux à ce jour. Qu'à tout le moins il est impossible de fixer aujourd'hui le kilométrage réel et de lui imputer le défaut de kilométrage,

- Dire et juger que M. Benjamin B. n'est pas un professionnel de la vente automobile et ne peut garantir le kilométrage en tant que simple profane,

- A tout le moins dire et juger qu'il n'est pas spécifié dans le rapport d'expertise dans quelles conditions un simple profane, non professionnel de la vente automobile, pourrait modifier les spécifications techniques d'un compteur kilométrique électronique,

- Dire et juger que la preuve d'un défaut de délivrance conforme de la chose n'est pas rapportée au sens des dispositions de l'article 1604 du code civil,

- Dire et juger en conséquence qu'il ne peut être prononcé de résolution de la vente à l'égard de M. Benjamin B.,

- A tout le moins, dire et juger qu'il n'est pas démontré que M. Benjamin B. serait à l'origine de la modification du compteur électronique, si modification il y a eu,

- Dire et juger que M. et Mme D. ne rapportent pas la preuve d'une défectuosité intrinsèque compromettant l'usage normal du véhicule (pour le kilométrage) ou son bon fonctionnement au regard du kilométrage prétendu, ce d'autant qu'ils ont utilisé ledit véhicule durant six mois sans invoquer le moindre souci au regard du compteur kilométrique,

- En conséquence, dire et juger qu'il ne peut être invoqué de vice caché, sur le problème lié au kilométrage, à l'égard de M. Benjamin B. et sur le fondement des dispositions de l'article 1641 du code civil,

- Débouter les époux D. de leurs demandes pour vice caché,

- Dire et juger qu'il existe un vice de conception à l'origine du sinistre subi par M. et Mme D., que le rapport d'expertise précise qu'il s'agit d'un vice qui a été constaté en quantité 'impressionnante' sur de nombreux autres véhicules du même style, qu'à l'évidence la casse du moteur a pour origine une insuffisance de la chaîne de distribution et qu'il s'agit d'un vice caché, que l'expert judiciaire a démontré un défaut technique dont l'origine relève du fabriquant BMW GROUP France et non du propriétaire précédent du véhicule,

- A tout le moins dire et juger que le 'rajeunissement' invoqué du compteur reste totalement étranger à la problématique majeure du moteur dont BMW reste l'unique concepteur,

A titre subsidiaire,

- Condamner la société BMW GROUP France à garantir M. Benjamin B. de toutes condamnations qui seraient prononcées tant en principal qu'en intérêts, frais et accessoires, la garantie des vices cachés bénéficiant également au précédent propriétaire,

- Débouter M. et Mme D. de leur demande de restitution du véhicule litigieux au profit de M. Benjamin B. pour les causes sus énoncées et notamment puisqu'il n'est pas contesté l'échange de véhicules,

- A tout le moins dire et juger que M. Benjamin B. ne peut être condamné à restituer plus que ce qu'il a reçu et qu'il n'est pas rapporté la preuve des valeurs des véhicules échangés,

- Débouter M. et Mme D. de leur demande de réparation du préjudice invoqué pour trouble de jouissance pour les causes sus énoncées et en raison de la nature même du désordre invoqué lié à la conception du véhicule et non à son kilométrage et en raison de l'absence de preuve ou de tout justificatif utile,

- Débouter M. et Mme D. de leurs autres demandes, fins et conclusions dirigées contre M. Benjamin B.,

- Les condamner à payer une indemnité de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, à tout le moins condamner la société BMW GROUP France à lui payer ladite somme,

- Les condamner aux dépens lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile et comprendront les frais d'expertise sauf à mettre à la charge de la société BMW GROUP France la charge des dépens et des frais d'expertise pour les causes sus énoncées.

La S. A. BMW France, en réplique et sur le fondement des articles 31 et suivants du Code de procédure civile, 122 du Code de procédure civile, 1604 et suivants du Code civil, a sollicité :

- Dire et juger que Mme D. ne dispose pas de la qualité à agir, la déclaration de cession du véhicule litigieux étant intervenue entre M. Benjamin B. et M. D. seul,

En conséquence,

- Déclarer irrecevable l'action de Mme D.,

- La débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de BMW France,

- Constater que l'objet social de BMW France se limite à l'importation en France des véhicules neufs et pièces détachées de ladite marque,

- Dire et juger que la falsification du kilométrage est nécessairement intervenue postérieurement à la première mise en circulation du véhicule litigieux, et que BMW France au regard, notamment, de son objet social y est totalement étrangère,

- Dire et juger que la falsification du kilométrage constitue un manquement à l'obligation de délivrance d'une chose conforme aux spécifications convenues entre les parties, auquel BMW France se trouve étrangère,

- Constater que M. et Mme D. forment à ce titre leurs demandes à l'encontre de M. Benjamin B. seul,

- En prendre acte,

En conséquence,

- Débouter M. et Mme D. de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de BMW France,

- Débouter M. Benjamin B. de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de BMW France,

- Dire et juger que M. et Mme D. ne rapportent pas la preuve de l'existence d'un prétendu défaut caché, précis et déterminé, en l'état d'un rapport d'expertise judiciaire hypothétique, péremptoire et insuffisant, et faisant fi d'éléments objectifs pourtant incontestables, susceptibles d'expliquer la survenance du désordre dont il s'agit,

A titre subsidiaire,

- Dire et juger que M. et Mme D. ne rapportent pas la preuve de l'existence d'un prétendu défaut existant antérieurement à la première mise en circulation du véhicule alors même que le désordre survenu se serait manifesté trois ans et demi après la première mise en circulation de celui-ci et après avoir parcouru au moins 170.000 Km,

A titre très subsidiaire,

- Dire et juger que le désordre survenu ne présente pas une gravité extrême dans la mesure ou le véhicule est réparable,

- En conséquence,

- Dire et juger que les conditions de la résolution de la vente tirée de la garantie légale des vices cachés ne sont manifestement pas réunies en l'espèce,

- Déclarer mal fondée l'action de M. et Mme D.,

- Débouter M. et Mme D. de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de BMW France,

- Débouter M. Benjamin B. de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de BMW France,

A titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où la résolution de la vente serait ordonnée,

- Dire et juger que M. et Mme D. ne sauraient réclamer la condamnation in solidum des défenderesses, au surplus sur la base de deux fondements juridiques distincts,

- Dire et juger que M. et Mme D. ne justifient pas de la somme dont ils se seraient prétendument acquittés pour acquérir le véhicule litigieux,

- Dire et juger, s'agissant des effets de la résolution attachée à la vente du véhicule, qu'il devra être tenu compte des bénéfices retirés de l'usage du véhicule et de sa dépréciation, le tout pouvant être évalué à la somme de 30.000 euros,

- Dire et juger qu'il y aura donc lieu de déduire du prix de vente à restituer et des dommages et intérêts réclamés, la somme totale de 30.000 euros,

- Dire et juger que M. et Mme D. ne rapportent pas la preuve de la réalité des préjudices qu'ils invoquent et/ou qu'il n'existe aucun lien de causalité direct et immédiat entre l'immobilisation du véhicule et les divers postes de préjudices prétendument subis,

- Constater que M. et Mme D. bénéficient dans le cadre de la présente procédure d'une assurance protection juridique souscrite auprès de la MACIF, laquelle prend en charge l'ensemble des frais et dépens inhérents à la présente affaire,

- Dire et juger que M. et Mme D. ne peuvent solliciter l'allocation de sommes qu'ils n'ont en réalité pas engagées, sauf à encourir à un enrichissement sans cause,

En conséquence,

- Débouter M. et Mme D. de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à rencontre de BMW France,

- Dire et juger que M. Benjamin B. ne peut solliciter d'être relevé et garanti par BMW France d'une demande principale, formée par M. et Mme D., de résolution de la vente,

En conséquence,

- Débouter M. Benjamin B. de son appel en garantie dirigé à l'encontre de BMW France,

- Débouter M. Benjamin B. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de BMW France,

En toute hypothèse,

- Dire et juger que BMW France a été contrainte d'engager des frais irrépétibles qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge,

En conséquence,

- condamner M. et Mme D., et le cas échéant tout succombant, à lui verser la somme de 4.000 ' au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

Par jugement en date du 13 mars 2017, le tribunal de grande instance d'Angers, au bénéfice de l'exécution provisoire, a :

- déclaré Mme Nathalie D. recevable en son action à l'encontre de la S. A. BMW France,

- prononcé la résolution de l'échange intervenu entre M. Tony D. et Mme Nathalie D. et M. Benjamin B. le 1er avril 2011,

- débouté M. Tony D. et Mme Nathalie D. de leur demande de reprise du véhicule BMW X5 à l'encontre de M. Benjamin B. et de la S. A. BMW France,

- débouté M. Tony D. et Mme Nathalie D. de leur demande en restitution de la somme de 43.000 euros par M. Benjamin B. et/ou par la S. A. BMW France,

- condamné in solidum M. Benjamin B. et la S. A. BMW France à payer à M.Tony D. et Mme Nathalie D. les sommes de :

* 4.115 euros à titre de dommages et intérêts,

* 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum M. Benjamin B. et la SA BMW France aux dépens,

- dit qu'il pourra être fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi, il a considéré que :

- le manquement à l'obligation de délivrance conforme était établi par la preuve de la falsification du kilométrage du véhicule, quand bien même M. Benjamin B. n'aurait pas eu connaissance de cette falsification justifiant la résolution de l'échange ;

- l'existence d'un vice caché était également établie de sorte que la résolution de l'échange devait être ordonnée ;

- il appartenait aux époux D. de démontrer que la restitution en nature du véhicule Z4 était impossible ;

- aucun élément ne permettait de démontrer que l'échange s'était fait sur la base d'une valeur de 43.000 euros de sorte que la restitution en valeur ne pouvait être ordonnée ;

- les demandeurs démontraient un préjudice de jouissance outre les frais de mutation de la carte grise ce qui justifiait la condamnation indemnitaire.

Par déclaration du 3 avril 2017, les époux D. ont interjeté appel total de ce jugement.

M. Benjamin B. a formé appel incident.

La S. A. BMW France, qui a constitué avocat, a également formé appel incident.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 mai 2019.

Par arrêt du 18 décembre 2020, la cour d'appel d'Angers a ordonné la réouverture des débats et renvoyé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 12 avril 2021 à 14h, la cour n'ayant pas été en mesure de délibérer dans la composition qui était prévue lors de la procédure sans audience.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans leurs dernières conclusions du 23 mai 2019, les époux D. demandent à la cour, sur le fondement des articles 1604 et suivants et 1641 et suivants du code civil, de :

- les recevoir en leur appel, les déclarer recevables et bien fondés,

- dire la S. A. BMW France et M. Benjamin B. non fondés en leur appel incident et non recevables, en tout cas non fondés en leurs demandes, fins et conclusions et les en débouter,

- déclarer irrecevable la demande de M. Benjamin B. tendant à obtenir une indemnité de dépréciation du véhicule en vertu des dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile et subsidiairement la déclarer mal fondée,

- confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente du véhicule de marque BMW modèle X5 intervenue entre eux et M. Benjamin B. le 1er avril 2011,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné in solidum M. Benjamin B. et la S. A. BMW France à leur verser la somme de 4.115 euros à titre de dommages intérêts en réparation de leurs préjudices,

- infirmer le jugement pour le surplus,

- dire et juger que la condamnation à restituer le prix de vente sera prononcée in solidum entre M. Benjamin B. et la S. A. BMW France à hauteur de la somme de 43.000 euros assortie des intérêts légaux à compter du 1er avril 2011, date d'acquisition du véhicule, dans la limite pour cette dernière société du prix effectivement reçu par elle lors de la première vente,

- subsidiairement, dire et juger que la condamnation à restituer le prix de vente sera prononcée in solidum entre M. Benjamin B. et la S. A. BMW France à hauteur de la somme de 20.000 euros assortie des intérêts légaux à compter du 1er avril 2011, date d'acquisition du véhicule, dans la limite pour cette dernière société du prix effectivement reçu par elle lors de la première vente,

- Condamner dans cette dernière hypothèse M. Benjamin B. à restituer le véhicule de marque BMW modèle Z4 qu'il avait reçu en paiement partie du prix et ce, dans le délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé le délai de deux mois après quoi il sera à nouveau fait droit,

- Dire et juger que M. et Mme D. restitueront le véhicule à celui des codébiteurs l'ayant désintéressé et ce au frais de ce dernier,

- Condamner in solidum M. Benjamin B. et la société BMW GROUP France à verser à M et Mme D. la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner in solidum M. Benjamin B. et la société BMW GROUP France en tous les dépens qui comprendront ceux de la procédure de référé ainsi que les frais d'expertise dont distraction au profit de la SCP DMT, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

A l'appui, ils font valoir que s'agissant d'un contrat de vente de véhicule avec dation en paiement, M. Benjamin B. a manqué à son obligation de délivrance en vendant un véhicule avec un kilométrage dont la falsification, loin d'être anodine, est établie par le rapport d'expertise. Et ce, même si aucune garantie n'a été expressément donnée à ce sujet par le vendeur. Sur ce point, ils relèvent que le kilométrage était certifié dans l'annonce avant que M. B. ajoute la mention 'non garanti' sur le certificat de cession après l'accord intervenu entre les parties sur la base de l'annonce. Par ailleurs, la mauvaise foi du vendeur n'ayant pas à être rapportée pour engager sa responsabilité sur le fondement du défaut de conformité, il importe peu que celui-ci ait été l'auteur de cette falsification ou même qu'il en ait eu connaissance. De même, ils rappellent que la contribution à la réalisation d'un même préjudice générant l'obligation in solidum, deux personnes différentes peuvent donc être déclarées, sur des fondements juridiques différents, responsables in solidum et condamnées in solidum à réparer le préjudice subi par la victime. Ainsi, l'ensemble des vendeurs y compris les vendeurs antérieurs de la chose, en plus du vendeur immédiat, étant chacun tenus à garantie envers l'acquéreur final, ils sont bien fondés à solliciter la résolution de la vente à l'encontre tant du vendeur immédiat M. Benjamin B. que du vendeur initial la société BMW France. Il s'agit de l'effet de la transmission aux ayants cause à titre particulier des garanties attachées à la chose. Et, en matière de biens meubles, c'est le fabricant, le constructeur ou le distributeur qui a vocation à supporter la charge finale de la garantie. Dans le cas présent, ils estiment que l'existence du vice caché du véhicule acheté par eux, c'est à dire le défaut que le rend impropre à l'usage auquel on le destine ou en diminue tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, est établi par l'expert qui relève que les désordres, qui affectent le moteur du véhicule en cause, proviennent d'un défaut de conception de la chaîne de distribution puisque 'ses caractéristiques dimensionnelles sont insuffisantes pour faire face à toutes les contraintes auxquelles elle est exposée'. Ce dernier indiquant expressément, contrairement aux affirmations dénuées d'argument technique ou de pièce justificative de la société BMW France, qu'un défaut d'entretien n'est en aucun cas à l'origine de la rupture de la chaîne et que le nombre de kilomètres indiqué au compteur importe peu. Ce vice, qui empêche l'utilisation normale du véhicule compte tenu de l'avarie subie par le moteur, est suffisant pour engager la garantie des vices cachés, la loi n'imposant pas que la chose vendue soit irréparable. En outre, le caractère caché du vice est également confirmé par l'expert dès lors qu'il s'agit d'un défaut du constructeur impossible à déceler par un non professionnel. Enfin, dès lors que le vice provient selon l'expert judiciaire d'un défaut de construction, l'antériorité du vice par rapport à l'acquisition du véhicule par eux n'est pas davantage discutable. Compte tenu à la fois du défaut de délivrance conforme imputable à M. Benjamin B. et du vice caché affectant le véhicule imputable à la société BMW GROUP France, ils sont bien fondés à solliciter leur condamnation in solidum à leur restituer le prix du véhicule mais également l'allocation de dommages et intérêts complémentaires au titre de la perte de jouissance de leur véhicule. Par ailleurs, la demande de M. Benjamin B., pour la première fois dans ses dernières conclusions, de les condamner à lui verser une somme à titre d'indemnité de dépréciation du véhicule litigieux, est irrecevable. En tout état de cause, elle est mal fondée, d'une part, car du fait de l'effet rétroactif de la résolution de la vente, le vendeur n 'est pas fondé à obtenir une indemnité correspondant à la seule utilisation de la chose, et, d'autre part, en l'absence de preuve de l'existence et de l'étendue de la dépréciation alléguée.

Aux termes de ses dernières écritures du 27 mai 2019, M. Benjamin B., qui forme appel incident, demande à la cour, sur le fondement des articles 1604 et suivants, 1641 et suivants du code civil, d'infirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance d'ANGERS du 13 mars 2017 sauf en ce qu'il a débouté les époux D. de leurs demandes de reprise du véhicule litigieux et de restitution de la somme de 43.000 euros, et, statuant à nouveau, de :

- débouter les époux D. de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre lui.

* Subsidiairement,

- Sur le vice caché invoqué, condamner la société BMW GROUP France à le garantir des éventuelles condamnations qui seraient prononcées à son encontre,

- Sur la non-conformité invoquée, condamner les époux D. à lui verser la somme de 13.610 euros à titre d'indemnité de dépréciation du véhicule litigieux qui viendra se compenser avec les sommes qui leur seraient éventuellement allouées,

* En toute hypothèse,

- débouter toutes demandes dirigées contre lui,

- condamner la partie succombante à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens, recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

A l'appui, il fait valoir qu'il appartient aux époux D. de choisir le fondement juridique sur lequel ils soutiennent leur action en résolution, leur régime étant différent. L'action en garantie des vices cachés est exclusive de l'action fondée sur le défaut de conformité. Sur le vice caché lié à un défaut de construction, outre que c'est à la société BMW GROUP France de s'expliquer sur ce point, si un tel vice de conception entraîne la résolution de la vente, elle devra le garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre. Sur la non-conformité invoquée, il relève que les parties ayant expressément convenu sur l'acte de vente que le kilométrage n'était pas garanti, les époux D. ne peuvent pas affirmer que celui-ci était une condition essentielle de leur consentement. Dès lors, l'inexactitude du kilométrage ne peut pas constituer un manquement du vendeur à son obligation de délivrer un véhicule conforme aux spécifications convenues par les parties. Si tel était le cas, il n'en demeure pas moins que ces derniers ont utilisé le véhicule, parcourant plus de 20.000 kilomètres depuis la vente litigieuse, lui ouvrant ainsi le droit à obtenir une indemnité liée à sa dépréciation en cas de résolution de la vente qui peut être calculée grâce au barème fiscal.

Cette somme devra être déduite des dommages et intérêts éventuellement alloués aux époux D.. Enfin, cette demande, qui tend aux mêmes fins, à savoir le débouté ou à tout le moins la diminution des demandes des époux D., n'est pas une demande nouvelle.

Aux termes de leurs dernières écritures du 27 mai 2019, la société BMW France demande à la cour, au visa des articles 1604 et suivants et 1641 et suivants du code civil, d'infirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance d'ANGERS du 13 mars 2017 sauf en ce qu'il a débouté les époux D. de leurs demandes de reprise du véhicule litigieux et de restitution de la somme de 43.000 euros, et, statuant à nouveau, de :

- constater que I'objet social de BMW France se limite à l'importation en France des véhicules neufs et pièces détachées de ladite marque,

- considérer que la falsification du kilométrage est nécessairement intervenue postérieurement à la première mise en circulation du véhicule litigieux, et que BMW France au regard, notamment, de son objet social y est totalement étrangère,

- considérer que la falsification du kilométrage constitue un manquement à l'obligation de délivrance d'une chose conforme aux spécifications convenues entre les parties, auquel BMW France se trouve étrangère, n'étant pas au surplus redevable d'un tel fondement à l'égard des époux D.,

-constater que les époux D. forment à ce titre leurs demandes à l'encontre de M. Benjamin B. seul,

En conséquence,

- débouter les époux D. de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de BMW France,

- débouter M. Benjamin B. de ses éventuelles demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de BMW France, notamment au titre de l'obligation pour défaut de délivrance d'une chose conforme au visa des articles 1604 et suivants du Code Civil,

- considérer que les époux D. ne rapportent pas la preuve de l'existence d'un prétendu défaut caché, précis et déterminé, en l'état d'un rapport d'expertise judiciaire hypothétique, péremptoire et insuffisant, et faisant fi d'éléments objectifs pourtant incontestables, susceptibles d'expliquer la survenance du désordre dont il s'agit,

* A titre subsidiaire,

- considérer que les époux D. ne rapportent pas la preuve de l'existence d'un prétendu défaut existant antérieurement à la première mise en circulation du véhicule alors même que le désordre survenu se serait manifesté 3 ans et demi après la première mise en circulation de celui-ci et après avoir parcouru au moins 170.000 kilomètres,

* A titre très subsidiaire,

- considérer que le désordre survenu ne présente pas une gravité extrême dans la mesure où le véhicule est réparable,

En conséquence,

- considérer que les conditions de la résolution de la vente tirée de la garantie légale des vices cachés ne sont manifestement pas réunies en l'espèce,

- débouter les époux D. de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de BMW France,

- débouter M. Benjamin B. de ses éventuelles demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de BMW France,

* A titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où la résolution de la vente serait ordonnée,

- considérer que les époux D. ne sauraient réclamer la condamnation in solidum des défenderesses, au surplus sur la base de deux fondements juridiques distincts,

- considérer que les époux D. ne justifient pas de la valeur du véhicule échangé,

- considérer, s'agissant des effets de la résolution attachée à la vente du véhicule, qu'il devra être tenu compte des bénéfices retirés de l'usage du véhicule et de sa dépréciation, le tout pouvant être évalué à la somme de 30.000 euros,

- considérer qu'il y aura donc lieu de déduire du prix de vente à restituer (20.000 euros) et des dommages et intérêts réclamés, la somme totale de 30.000 euros,

- considérer que les époux D. ne rapportent pas la preuve de la réalité des préjudices qu`ils invoquent et/ou qu'il n'existe aucun lien de causalité direct et immédiat entre l'immobilisation du véhicule et les divers postes de préjudices prétendument subis,

- constater que les époux D. bénéficient dans le cadre de la présente procédure d'une Assurance Protection Juridique souscrite auprès de la MACIF, laquelle prend en charge |'ensemble des frais et dépens inhérents à la présente affaire,

- considérer que les époux D. ne peuvent solliciter l'allocation de sommes qu'ils n'ont en réalité pas engagées, sauf à encourir à un enrichissement sans cause,

En conséquence,

- débouter les époux D. de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de BMW France,

- considérer que M. Benjamin B. ne peut solliciter d'être relevé et garanti par BMW France d'une demande principale, formée par les époux D., de résolution de la vente,

En conséquence,

- débouter M. Benjamin B. de son appel en garantie dirigé à l'encontre de BMW France,

- débouter M. Benjamin B. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de BMW France,

* En toute hypothèse,

- dire et juger que BMW France a été contrainte d'engager des frais irrépétibles qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge,

En conséquence,

- condamner les époux D., et le cas échéant tout succombant, à lui verser la somme de 4.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi que les entiers dépens.

A l'appui, elle fait valoir, à titre liminaire, que son objet social consistant uniquement à importer en France certains véhicules neufs et pièces détachées de la marque BMW, elle n'est à ce titre, ni constructeur/fabricant, ni réparateur de véhicules de ladite marque. Son rôle s'est donc limité à importer en France le véhicule litigieux neuf et en parfait état de fonctionnement au début de l'année 2008. De même, si l'action en garantie des vices cachés est exclusive de l'action fondée sur le défaut de délivrance d'une chose conforme, cette jurisprudence n'est pas transposable au cas d'espèce puisque les époux D. font état de deux griefs bien distincts, l'un relevant du fondement tiré de l'obligation de délivrance d'une chose conforme (falsification du kilométrage) et ce à l'égard de leur propre et seul vendeur, l'autre de la garantie légale des vices cachés (panne moteur).Ces deux griefs relèvent de deux fondements juridiques différents, dont I'un ne l'emporte pas sur l'autre. Si les opérations expertales ont caractérisé un kilométrage erroné du véhicule, et par là même un manquement à l'obligation de délivrance d'une chose conforme aux spécifications convenues par les parties justifiant la résolution de la vente à l'encontre du seul vendeur cocontractant, M. Benjamin B., auquel BMW France se trouve totalement étrangère, il n'en va pas de même s'agissant de la garantie légale des vices cachés en l'absence de preuve incontestable de l'existence d'un défaut précis et déterminé, antérieur à la première mise en circulation dans le cas d'espèce, et suffisamment grave, le rapport d'expertise judiciaire étant insuffisant et critiquable. En effet, outre que ce rapport ne permet pas de se positionner précisément sur l'origine du désordre, puisqu'il se limite à un simple examen visuel sans tirer les conséquences de la falsification du kilométrage et de l'absence d'entretien du véhicule conforme aux prescriptions du constructeur pourtant en lien avec l'avarie survenue, il est inconsistant d'un point de vue technique.

Par ailleurs, à titre subsidiaire, les époux D., et partant M. Benjamin B., sont également défaillants à rapporter la preuve de l'existence d'un défaut antérieur, s'agissant de BMW France, à la première mise en circulation du véhicule. De même, à titre très subsidiaire, les époux D., et partant M. Benjamin B., ne rapportent pas la preuve du caractère irréparable du prétendu vice qui justifierait l'action rédhibitoire engagée. A titre infiniment subsidiaire, les demandes de condamnation des époux D. ne peuvent être dirigées in solidum car si la résolution venait à être prononcée, la restitution du véhicule ne pourrait pas se faire indivisiblement entre les mains de BMW France et de M. Benjamin B., un véhicule n'étant pas divisible. Par ailleurs, outre qu'ils ne justifient pas que la valeur de l'échange s'élève à la somme de 43 000 euros, ils ne peuvent lui réclamer cette somme dans la mesure où elle intègre un véhicule Z4 sans lien avec le litige dont il n'est pas démontré que BMW France l'ait un jour vendu. A titre plus subsidiaire, s'il était fait droit à la demande de résolution de la vente, telle que formulée par les époux D., et ce en dépit des obstacles juridiques majeurs précités, celle-ci devra nécessairement être assortie d'une réduction de prix importante tenant compte de la dépréciation du véhicule due au temps et à son usage. De même, le prétendu préjudice de jouissance des époux D. n'est pas justifié en l'absence de preuve d'engagement de frais pour pallier l'immobilisation du véhicule litigieux. Tout comme les frais de carte grise et de taxe engagés lors de l'acquisition de ce véhicule ne présentent aucun lien de causalité direct et immédiat avec la panne. Enfin, l'ensemble de leurs frais et dépens sont déjà pris en charge par leur assurance protection juridique. Enfin, l'appel en garantie de M. Benjamin B. à son encontre ne saurait prospérer en cas de résolution de la vente du véhicule litigieux. Il ne peut obtenir la garantie d'un prix auquel, du fait de la résolution de la vente et de la remise consécutive de la chose, il n'avait plus droit, et dont la restitution ne constituait pas pour lui un préjudice indemnisable.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le défaut de conformité

Aux termes de l'article 1604 du code civil, le vendeur est tenu de délivrer une chose conforme aux spécifications convenues entre les parties.

Il résulte de l'article 1707 du même code que les règles relatives à l'obligation de délivrance en matière de vente sont applicables également à l'échange.

En matière de vente de véhicule automobile, le kilométrage erroné, si son importance est significative, caractérise un manquement à l'obligation de délivrer une chose conforme aux caractéristiques convenues entre les parties dans le cadre de la vente d'une voiture d'occasion, et ce même si aucune garantie n'a été expressément donnée à ce sujet par le vendeur.

De même, il importe peu qu'il ne soit pas établi que le vendeur ait été l'auteur de la falsification du compteur kilométrique ou même qu'il en ait eu connaissance pour engager sa responsabilité sur le défaut de conformité qui ne nécessite pas la preuve de son intention dolosive.

En l'espèce, il résulte des attestations de maintenance et des factures d'intervention pour son entretien que le kilométrage du véhicule BMW X5 est incontestablement erroné.

En effet, après une première mise en circulation le 9 avril 2008, un kilométrage de 30 015 est relevé le 22 septembre 2008, puis 63 235 le 28 mai 2009, 93 984 le 5 janvier 2010 et 122 395 le 27 août 2010 peu de temps avant sa vente à M. Benjamin B. par la SARL Jalainco, qui intervient le 20 septembre 2010.

Le kilométrage de 81 500 dans la déclaration de cession du 1er avril 2011 (datée par erreur au 1er avril 2010) puis de 86 043 lors du premier entretien par les époux D. ne peut s'expliquer que par une modification du compteur du véhicule vendu par M. B..

Compte tenu de l'ampleur du rajeunissement opéré, estimé aux environs de 70 000 kilomètres par l'expert, rendant impossible de déterminer avec certitude le kilométrage réel parcouru par le véhicule, cette modification compteur peut sans conteste être qualifiée de significative.

Le manquement à l'obligation de délivrer une chose conforme aux caractéristiques convenues entre les parties est donc caractérisé, le fait que M. Benjamin B. ait été l'auteur de la falsification ou même qu'il en ait eu connaissance étant sans incidence pour engager sa responsabilité sur le défaut de conformité qui ne nécessite pas la preuve de son intention dolosive.

Par ailleurs, il résulte des pièces produites (pièce 13 époux D.) que le kilométrage était bien certifié par le vendeur dans l'annonce sur la base de laquelle l'accord est intervenu entre les parties. Peu importe la mention ajoutée ensuite sur le certificat de cession

En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris sur ce point.

Sur le vice caché

L'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage à laquelle on la destine, ou qui en diminue tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Il résulte des dispositions de l'article 1707 du Code civil que les règles relatives à la garantie à raison des vices cachés sont applicables à l'échange.

Par ailleurs, il appartient à celui qui entend se prévaloir de la garantie des vices cachés de rapporter la preuve de l'existence d'un défaut caché précis, déterminé, antérieur et présentant un caractère de gravité suffisant pour rendre la chose impropre à l'usage à laquelle on la destine.

En l'espèce, il résulte des constatations tant de l'expert judiciaire que celles de l'expert amiable que la casse moteur du véhicule en cause est le résultat d'une rupture de la chaîne de distribution qui doit pourtant selon eux faire la vie du moteur.

Le désordre, qui affecte la chaîne de distribution, n'est à l'évidence pas décelable par un acheteur non professionnel, rend impropre le véhicule à l'usage auquel on le destine puisqu'il entraîne des dégâts dont la gravité entraîne l'immobilisation de celui-ci.

S'agissant de l'antériorité du défaut affectant la chaîne de distribution, il apparaît utile de rappeler que pour rechercher la garantie de la S. A. BMW France sur le fondement de la garantie des vices cachés, il faut que le défaut soit antérieur à l'importation du véhicule pas seulement à la vente aux époux D.. Or, force est de constater que l'expert judiciaire se contente, sur un simple examen visuel même s'il est effectué avec une caméra microscope, d'affirmer qu'il s'agit d'un défaut de conception sans plus d'explication. Il est à tout le moins surprenant que l'expert ne soit pas en mesure d'étayer ce qu'il présente comme une difficulté récurrente de la marque par une documentation technique précise et sérieuse. Sur ce point, le document recherché sur internet par les époux D. est inopérant à apporter la preuve de ce qui reste une simple affirmation.

Cette affirmation est d'autant plus sujette à caution que l'expert ne tient aucun compte du kilométrage erroné et de son propre constat de l'absence d'entretien préventif du véhicule conforme aux prescriptions du constructeur. En effet, si une chaîne de distribution doit faire toute la vie du moteur, il est tout aussi indéniable que cela suppose des opérations d'entretien pour maintenir la durée de vie des organes du véhicule qui s'usent nécessairement au fur et à mesure des sollicitations au cours des kilomètres parcouru par celui-ci.

Or, si le véhicule en cause fait l'objet d'un entretien régulier par la SARL Jalainco, environ tous les 30 000 kilomètres, entre sa première mise en circulation, le 9 avril 2008, et sa vente à M. Benjamin B., le 20 septembre 2010, il n'en est plus de même après cette première vente.

A partir de cette date et jusqu'à l'immatriculation au nom de M. Tony D., le 15 avril 2011, non seulement il n'y a aucune preuve d'entretien du véhicule par M. Benjamin B. mais c'est également dans cette période que la modification compteur est effectuée rendant impossible de déterminer le kilométrage réel parcouru par ce dernier.

L'entretien du véhicule sera repris par M. Tony D., le 29 avril 2011, peu de temps avant la survenance de la panne, le 24 octobre 2011.

Il n'est pas inutile de relever que M. Benjamin B. est étrangement taisant sur ces points dans ses écritures.

Dans ce contexte, et compte tenu du kilométrage peu significatif pour un véhicule diesel de cette catégorie effectué par les époux D. entre l'achat et la panne, 18 332 kilomètres, le vice de la chaîne de distribution était en germe avant la transaction intervenue le 1er avril 2011.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il constate l'existence d'un vice caché antérieur à la transaction entre M. Benjamin B. et les époux D..

En revanche, l'existence du vice caché antérieur à l'importation du véhicule par la S. A. BMW France n'étant pas démontrée, il y a lieu d'infirmer le jugement attaqué de ce chef et de débouter tant les époux D. de la totalité des demandes formées à son encontre que M. Benjamin B. de son appel en garantie à son encontre.

Sur la résolution

L'article 1644 du code civil dispose que, dans le cas de l'article 1641, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.

Ce texte ne conditionne pas le choix de l'action rédhibitoire sur l'action estimatoire à la gravité des défauts, à l'importance des réparations ou à leur coût. Au contraire, l'acheteur qui a agi en garantie contre son vendeur, en raison des vices cachés de la chose vendue, dispose de la liberté de choix entre les deux actions, rédhibitoire et estimatoire.

Il n'existe pas de disposition particulière dans le cas où une des choses objet de l'échange présente un vice caché, ce dont il résulte que les dispositions de l'article 1644 du Code civil, qui offre à l'acheteur le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix, sont applicables à l'échange.

En l'espèce, les parties s'accordent sur le fait que la volonté des parties était d'échanger leurs véhicules, le véhicule BMW Z4 des époux D. en échange de la BMW X5 appartenant à M. Benjamin B., moyennant une soulte de 20 000 euros à la charge des époux D..

En conséquence, il convient de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a prononcé la résolution de cet échange intervenu le 1er avril 2011 sur ce fondement.

La résolution de cette transaction a pour conséquence de remettre les parties en l'état où elles se trouvaient antérieurement à l'opération, c'est-à-dire M. Benjamin B. en possession du véhicule BMW X5 et les époux D. en possession de leur BMW Z4 et de la somme de 20 000 euros versée par eux à titre de soulte.

S'agissant de la demande de restitution de la somme de 43 000 euros, force est de constater qu'aucun élément ne permet de conclure que cette valeur dont les époux D. prétendent qu'elle correspond à la valeur totale de l'échange, ce que conteste M. Benjamin B., rend compte de la valeur du véhicule BMW Z4 reçu en échange augmentée de la soulte de 20 000 euros.

De même, il n'est produit par aucune des parties des éléments permettant de supposer que la restitution du véhicule BMW Z4 est matériellement impossible. Du reste cette impossibilité n'est même pas alléguée par M. Benjamin B. lui-même.

En conséquence, il convient, par la voie de l'infirmation, de :

- dire que les époux D. rendront à M. Benjamin B. le véhicule BMW modèle X5 actuellement immatriculé BA-059-ES, et ce aux frais avancés de M. Benjamin B.,

- dire que M. Benjamin B. rendra aux époux D. le véhicule BMW modèle Z4 qu'il avait reçu en échange et ce aux frais avancés de M. Benjamin B., dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard passé ce délai, et pour une durée de six mois,

- condamner M. Benjamin B. à payer aux époux D. la somme de 20 000 euros au titre de la restitution de la soulte versée par eux lors de l'échange du 1er avril 2011.

Sur la demande de dommages et intérêts

* le préjudice de jouissance

Il n'est pas contesté qu'entre le 3 novembre 2011 et le 11 avril 2012, date à laquelle ils ont acheté un nouveau véhicule, les époux D. ont subi un trouble de jouissance compte tenu de l'immobilisation de leur véhicule au regard de la nature utilitaire de celui-ci pour eux.

Cependant, en droit, le vendeur ne peut être tenu au paiement de dommages et intérêts résultant du vice caché que s'il en avait connaissance.

Or, s'il est évident, au regard de la chronologie mise en évidence dans l'historique de l'entretien du véhicule, que M. Benjamin B. ne peut pas sérieusement prétendre ignorer qu'une modification est intervenue sur le compteur de celui-ci, il est tout aussi manifeste que ce n'est pas la cause de son immobilisation.

En effet, celle-ci est la conséquence de la casse moteur du véhicule due à la rupture de la chaîne de distribution défaillante.

Sur ce point, il n'est pas démontré, ni même allégué du reste, que M. Benjamin B. avait connaissance du vice affectant la chaîne de distribution. Au contraire, l'expert indique que ce désordre n'est pas décelable par un acheteur non professionnel.

La mauvaise foi de M. Benjamin B. n'étant pas établie, la demande de dommages et intérêts sur ce point ne peut qu'être rejetée.

En conséquence, il convient d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. Benjamin B. à payer à M.Tony D. et Mme Nathalie D. la somme de 3 200 de dommages et intérêts en réparation de leur trouble de jouissance.

* les frais de carte grise

S'agissant des frais exposés inutilement par les époux D. pour l'établissement de la carte grise, remboursables quel que soit le fondement de la résolution de la vente, ils s'élèvent à la somme de 915 euros que le premier juge a, à bon droit, alloué à titre de dommages et intérêts à ceux-ci.

Il convient donc, par infirmation de la décision entreprise, de condamner M. Benjamin B. seul, à l'exclusion de la S.A. BMW France, à payer à M.Tony D. et Mme Nathalie D. cette seule somme de 915 euros de dommages et intérêts.

Sur la demande en indemnité de dépréciation du véhicule de M. Benjamin B.

A titre liminaire, il convient de relever que l'article 910-4 du code de procédure civile, dont l'entrée en vigueur est intervenue le 1er septembre 2017, n'est pas applicable au présent litige, l'appel ayant été interjeté le 3 avril 2017.

De même, en application de l'article 565 du même code, cette demande tendant aux mêmes fins, la demande subsidiaire de diminution des prétentions financières des époux D., même si le fondement juridique est différent, n'est pas nouvelle.

Au fond, il convient de rappeler qu'en matière de garantie des vices cachés, lorsque l'acquéreur exerce l'action rédhibitoire prévue par l'article 1644, le vendeur, tenu de restituer le prix reçu, n'est pas fondé à obtenir une indemnité liée à l'utilisation de la chose vendue ou à l'usure résultant de son utilisation (Civ 1ère, 21 mars 2006 n° 03-16.075 P. Civ 1ère, 30 sept. 2008 n° 07-16.876 P).

En l'espèce, les époux D. ont opté pour l'action rédhibitoire.

En conséquence, il convient de débouter M. Benjamin B. de sa demande en indemnité au titre de la dépréciation du véhicule.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Les dispositions du jugement entrepris sur les frais irrépétibles et les dépens relatives à M. Benjamin B. sont confirmées.

En revanche, les dispositions du jugement entrepris sur les frais irrépétibles et les dépens relatives la S. A. BMW France sont infirmées.

M. Benjamin B., partie perdante, devra supporter les dépens d'appel qui comprendront ceux de la procédure de référé ainsi que les frais d'expertise dont distraction au profit de la SCP D.-M.-Le T., avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par ailleurs, il est équitable que M. Benjamin B. soit condamné à verser à M.Tony D. et Mme Nathalie D. la somme de 4000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. En revanche, il convient de le débouter de sa propre demande de ce chef. De même, il ne paraît pas inéquitable de débouter la S. A. BMW France à ce titre.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement entrepris en ses dispositions relatives au prononcé de la résolution de l'échange intervenu entre M. Tony D. et Mme Nathalie D., d'une part, et M. Benjamin B., d'autre part, le 1er avril 2011 et en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens mis à la charge de M. Benjamin B. ;

INFIRME le jugement entrepris pour le surplus ;

Et statuant à nouveau,

DÉBOUTE M.Tony D. et Mme Nathalie D. de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de la S. A. BMW France ;

DÉBOUTE M. Benjamin B. de son appel en garantie et de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la S. A. BMW France ;

DIT que les époux D. rendront à M. Benjamin B. le véhicule BMW modèle X5 actuellement immatriculé BA-059-ES, et ce aux frais avancés de M. Benjamin B. ;

DIT que M. Benjamin B. rendra aux époux D. le véhicule BMW modèle Z4 qu'il avait reçu en échange, et ce aux frais avancés de M. Benjamin B., dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard passé ce délai, et pour une durée de six mois ;

CONDAMNE M. Benjamin B. à payer aux époux D. la somme de 20 000 euros au titre de la restitution de la soulte versée par eux lors de l'échange du 1er avril 2011 ;

DÉBOUTE M.Tony D. et Mme Nathalie D. de leur demande de dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance ;

Y ajoutant,

CONDAMNE M. Benjamin B. à payer aux époux D. la somme de 915 euros de dommages et intérêts au titre des frais d'établissement de carte grise ;

DÉCLARE recevable la demande indemnitaire de M. Benjamin B. au titre de la dépréciation du véhicule ;

DÉBOUTE M. Benjamin B. de sa demande indemnitaire au titre de la dépréciation du véhicule ;

CONDAMNE M. Benjamin B. à verser aux époux D. la somme de 4000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE M. Benjamin B. de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la S. A. BMW France de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. Benjamin B. aux entiers dépens d'appel, comprenant ceux de la procédure de référé ainsi que les frais d'expertise, qui seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

C. LEVEUF M.C. THOUZEAU

Décision(s) antérieure(s)

  • Tribunal de Grande Instance ANGERS 13 Mars 2017 13/04730