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Décisions

TUE, 3e ch. élargie, 22 septembre 2021, n° T-639/14 RENV

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Dimosia Epicheirisi Ilektrismou AE (DEI)

Défendeur :

Commission européenne, Mytilinaios AE – Omilos Epicheiriseon

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. A. M. Collins

Juges :

V. Kreuschitz (rapporteur), Z. Csehi, G. De Baere, Mme G. Steinfatt

Avocats :

Me E. Bourtzalas, Me A. Oikonomou, Me E. Salaka, Me C. Synodinos, Me H. Tagaras, Me D. Waelbroeck, V.-K.-L. Moumoutzi, N. Korogiannakis, N. Keramidas, E. Chrysafis, D. Diakopoulos

TUE n° T-639/14 RENV

22 septembre 2021

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie),

I. Antécédents des litiges et procédures

1 Les présentes affaires relèvent de trois litiges intimement connexes qui se sont succédé et concernent essentiellement le même objet, soit la question de savoir si le tarif de fourniture d’électricité (ci-après le « tarif en cause ») que la requérante, Dimosia Epicheirisi Ilektrismou AE (DEI), un producteur et fournisseur d’électricité établi à Athènes (Grèce) et contrôlé par l’État grec, est obligé de facturer, en vertu d’une sentence arbitrale, à son plus gros client, à savoir l’intervenante, Mytilinaios AE, anciennement Alouminion tis Ellados VEAE, un producteur d’aluminium, implique l’octroi d’une aide d’État.

2 L’affaire T‑639/14 RENV a pour objet une demande de la requérante tendant à l’annulation de la lettre COMP/E3/ΟΝ/AB/ark *2014/61460 de la Commission européenne, du 12 juin 2014, signée par un chef d’unité de la direction générale (DG) de la concurrence (ci-après la « lettre litigieuse »), informant la requérante, en substance, du classement d’une plainte introduite par elle, au motif que le tarif en cause ne constituait pas une aide d’État, les critères d’imputabilité et d’avantage n’étant pas remplis. Dans le cadre de cette plainte, déposée le 23 décembre 2013 (ci-après la « seconde plainte »), la requérante avait contesté la décision no 1/2013, du 31 octobre 2013, du tribunal arbitral spécial (ci-après la « sentence arbitrale ») auquel elle-même et l’intervenante avaient déféré leur différend, en vertu de l’article 37 de la nomos 4001/2011, gia ti leitourgia Energeiakon Agoron Ilektrismou kai Fysikou Aeriou, gia Erevna, Paragogi kai diktya metaforas Ydrogonanthrakon kai alles rythmiseis (loi no 4001/2011, relative à l’opération des marchés énergétiques de l’électricité et du gaz, à la recherche, à la production et aux réseaux de transport d’hydrocarbures et à d’autres réglementations) (FEK A’ 179/22.8.2011, ci-après la « loi no 4001/2011 »), et par laquelle ledit tribunal avait fixé le tarif en cause, pour la période allant du 1er juillet 2010 au 31 décembre 2013 (ci-après la « période en cause »), à un montant brut de 40,7 euros/MWh et à un montant net de 36,6 euros/MWh.

3 L’affaire T‑352/15 a pour objet une demande de la requérante tendant à l’annulation de la décision C(2015) 1942 final, du 25 mars 2015 [affaire SA.38101 (2015/NN) (ex 2013/CP) – Grèce – Aide d’État alléguée en faveur d’Alouminion SA sous la forme de tarifs d’électricité inférieurs aux coûts à la suite d’une sentence arbitrale] (ci-après la « première décision attaquée »), dans laquelle la Commission a, d’une part, procédé au retrait et au remplacement de la lettre litigieuse par ladite décision et, d’autre part, considéré que la sentence arbitrale n’impliquait pas l’octroi d’une aide d’État en faveur de l’intervenante au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, essentiellement au motif que la soumission volontaire par la requérante de son différend avec l’intervenante à l’arbitrage correspondait au comportement d’un investisseur avisé en économie de marché et, partant, ne comportait pas d’avantage.

4 L’affaire T‑740/17 a pour objet une demande de la requérante tendant à l’annulation de la décision C(2017) 5622 final, du 14 août 2017 [affaire SA.38101 (2015/NN) (ex 2013/CP) – Grèce – Aide d’État alléguée en faveur d’Alouminion SA sous la forme de tarifs d’électricité inférieurs aux coûts à la suite d’une sentence arbitrale] (ci-après la « seconde décision attaquée »), dans laquelle la Commission a de nouveau décidé, tout en abrogeant et remplaçant explicitement tant la lettre litigieuse que la première décision attaquée (points 8 et 51 et section 5 de la seconde décision attaquée), que la sentence arbitrale ne comportait pas l’octroi d’une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Les motifs exposés à l’appui de cette conclusion, fondés sur le respect du critère de l’investisseur privé avisé en économie de marché et sur l’absence d’avantage, sont identiques à ceux exposés dans la première décision attaquée.

5 Par la suite, d’une part, les première et seconde décisions attaquées, prises ensemble, seront désignées ci-après par les « décisions attaquées » et, d’autre part, ces décisions, prises ensemble avec la lettre litigieuse, seront désignées ci-après par les « actes attaqués ».

6 Les présents litiges constituent la suite d’un long différend entre la requérante et l’intervenante au sujet du tarif de fourniture d’électricité destiné à remplacer le tarif préférentiel qui résultait d’un accord signé en 1960, mais expiré en 2006.

7 Le 4 août 2010, la requérante et l’intervenante ont signé un accord-cadre concernant le tarif de fourniture d’électricité à appliquer durant la période en cause, ainsi que les modalités du règlement amiable d’une prétendue dette de l’intervenante envers la requérante, qui se serait accumulée durant la période allant du 1er juillet 2008 au 30 juin 2010. Sur le fondement des critères prévus dans ledit accord-cadre, l’intervenante et la requérante ont vainement négocié le contenu d’un projet de contrat de fourniture d’électricité.

8 À la suite de la transmission par la requérante du projet de contrat de fourniture d’électricité à la Rythmistiki Archi Energeias (autorité de régulation de l’énergie hellénique, Grèce, ci-après la « RAE »), celle-ci a adopté la décision no 692/2011 (FEK B’ 2529/7.11.2011) portant sur les « principes fondamentaux de tarification de l’électricité en Grèce ». Cette décision a été ultérieurement intégrée dans le code de l’approvisionnement en électricité hellénique (FEK B’ 832/9.4.2013).

9 Dans le cadre d’un compromis d’arbitrage signé le 16 novembre 2011, l’intervenante et la requérante sont convenues de confier le règlement de leur différend à l’arbitrage permanent de la RAE, conformément à l’article 37 de la loi no 4001/2011. À cet égard, le compromis d’arbitrage prévoit notamment ce qui suit :

« Les parties sont convenues de recourir d’un commun accord à l’arbitrage visé à l’article 37 de la loi no 4001/2011 afin que, en application des principes fondamentaux de tarification pour les clients haute tension, tels que formulés par la RAE dans sa décision no 692[/2011], mais aussi compte tenu [...] de la décision no 798[/2011] et [...] de la sentence no 8/2010 du tribunal arbitral, la RAE met à jour et adapte les conditions de tarification figurant dans le projet de contrat [de fourniture d’électricité] dressé le 5 octobre 2010 en vue de la réalisation de l’accord[-cadre], et qu’elle élabore, dans le cadre des[dites] décisions [...], les conditions contractuelles d’approvisionnement entre les parties applicables à partir du 6 juin 2011, de sorte que ces conditions, d’une part, correspondent au profil de consommation [de l’intervenante] et, d’autre part, couvrent au moins les coûts de [la requérante]. »

10 À la suite d’une plainte déposée par l’intervenante auprès de la RAE, en vertu de l’article 140, paragraphe 6, et de l’article 35 de la loi no 4001/2011, celle-ci a, par décision no 346/2012, du 9 mai 2012, fixé, à titre provisoire, un tarif de fourniture d’électricité de 42 euros/MWh applicable à l’intervenante.

11 Dans le cadre d’une plainte déposée auprès de la Commission, le 15 juin 2012 (ci-après la « première plainte »), la requérante a soutenu, notamment, que ce tarif l’obligeait à fournir à l’intervenante de l’électricité à un prix inférieur à ses coûts et donc au prix du marché et que, partant, la RAE avait octroyé à cette société une aide d’État illégale.

12 Le 31 octobre 2013, par la sentence arbitrale, le tribunal arbitral a fixé le tarif en cause (voir point 2 ci-dessus). À la suite d’un recours formé par la requérante devant l’Efeteio Athinon (cour d’appel d’Athènes, Grèce), celui-ci a, par arrêt no 634/2016, du 18 février 2016, confirmé ladite sentence.

13 Le 18 décembre 2013, l’intervenante a porté plainte auprès de l’Elliniki Epitropi Antagonismou (commission de la concurrence hellénique, Grèce, ci-après l’« EEA »), en soutenant que la requérante avait abusé de sa position dominante en proposant un nouveau tarif, prétendument excessif et discriminatoire à son égard, à partir de 2013. Cette plainte a donné lieu à l’adoption par l’EEA, le 22 juillet 2015, de la décision no 621/2015 (FEK B’ 492/26.2.2016) considérant, à titre provisoire, que la requérante avait abusé de sa position dominante au détriment de l’intervenante, notamment, en refusant, de manière injustifiée, de poursuivre des relations commerciales avec elle et de lui vendre de l’électricité et en ayant envisagé de lui imposer des prix ou d’autres conditions de transaction non raisonnables ou inéquitables. Par décision du 18 janvier 2016, l’EEA a accepté des engagements comportementaux proposés par la requérante ce qui a donné lieu au classement de la plainte.

14 Le 23 décembre 2013, la requérante a déposé la seconde plainte auprès de la Commission en soutenant que la sentence arbitrale était constitutive d’une aide d’État (voir point 2 ci-dessus).

15 Le 6 mai 2014, la Commission a communiqué à la requérante son appréciation préliminaire selon laquelle il n’y avait pas lieu de poursuivre l’instruction de la seconde plainte. Par lettres des 20 mai et 6 juin 2014, la requérante a fait parvenir à la Commission des observations complémentaires.

16 Par la lettre litigieuse (voir point 2 ci-dessus), la Commission a informé la requérante de la clôture de l’instruction de sa plainte essentiellement aux motifs suivants :

« Nous prenons acte du fait que les arguments contenus dans votre lettre du 6 juin 2014 ne sont pas nouveaux et qu’ils ont été pris en considération dans l’appréciation préliminaire exposée dans notre lettre du 6 mai 2014. En effet, par votre lettre du 6 juin 2014, vous n’avez toujours pas démontré que le tribunal arbitral était un organisme exerçant des pouvoirs publics, eu égard en particulier au fait que tant [la requérante que l’intervenante] ont eu recours à l’arbitrage volontairement, sans qu’il y ait eu une obligation légale à cet effet. Vous reconnaissez également que [la requérante] (et partant l’État [grec]) avait à sa disposition plusieurs options pour déterminer le tarif qu’[elle] devrait facturer à l’égard [de l’intervenante] Compte tenu du fait que le tribunal arbitral avait le mandat de fixer un tarif conformément aux principes généraux régissant la procédure d’arbitrage, ainsi que des décisions et des lignes directrices précédemment adoptées par la [RAE] en la matière, l’État [grec] ne semble pas être en mesure d’exercer une influence déterminante sur la sentence arbitrale. Par conséquent, les services de la DG “Concurrence” réitèrent leur position exprimée dans la lettre du 6 mai 2014 s’agissant de l’absence d’imputabilité à l’État [grec] de ladite sentence, dès lors que vous n’avez pas communiqué de preuve suffisante pour remettre en question cette position.

Pour ce qui est de vos allégations selon lesquelles le tarif fixé par le tribunal arbitral est inférieur aux coûts de [la requérante], nous relevons que vos arguments sur la méthodologie des coûts [ne sont] pas compatibles avec ceux des autorités helléniques, de [la] RAE et du tribunal arbitral dans la sentence arbitrale. En effet, le tribunal arbitral avait pour mandat spécifique de fixer un tarif couvrant les coûts de [la requérante] et [celle-ci] a eu l’opportunité de faire valoir ses arguments dans ce contexte. [Ladite sentence] reconnaît explicitement que [c]e tarif [...] couvre les coûts de [la requérante] en sus d’un bénéfice raisonnable, tout en prenant en compte le profil de consommation [de l’intervenante]. Par conséquent, les services de la DG “Concurrence” réitèrent la position qu’ils ont exprimée dans la lettre du 6 mai 2014 sur l’absence d’un avantage sélectif découlant de la mesure en cause, dès lors que vous n’avez pas communiqué de preuve suffisante pour remettre en cause cette position.

À la lumière de ce qui précède, les services de la DG “Concurrence” ont conclu que les informations contenues dans votre lettre du 6 juin [2014] ne fourniss[aient] aucune preuve remettant en cause notre appréciation préliminaire dans notre lettre du 6 mai 2014. Nous prenons également note de ce que vous ne nous fournissez aucune information complémentaire ou nouvelle qui démontrerait l’existence d’une violation du droit des aides d’État.

Par conséquent, les services de la DG “Concurrence” ont conclu que cette information [n’était] pas suffisante pour justifier une nouvelle instruction de votre plainte. »

17 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 août 2014, la requérante a formé le recours enregistré sous le numéro T‑639/14 et tendant à l’annulation de la décision de la Commission de clôturer l’instruction de ses plaintes, telle que contenue dans la lettre litigieuse.

18 Par lettre du 7 octobre 2014 déposée au greffe du Tribunal, la requérante et la Commission ont sollicité conjointement, au titre de l’article 77, sous c), du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, une suspension de la procédure contentieuse pour une période de six mois, soit jusqu’au 7 avril 2015, afin que la Commission puisse réexaminer les questions soulevées dans la requête. Il a été fait droit à cette demande par ordonnance du président de la quatrième chambre du Tribunal du 24 octobre 2014.

19 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 19 décembre 2014, l’intervenante a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission dans l’affaire T‑639/14.

20 Le 25 mars 2015, la Commission a adopté la première décision attaquée (voir point 3 ci-dessus).

21 À l’appui de la première décision attaquée, la Commission a considéré, notamment, à ses points 12 et 13 de cette décision, ce qui suit :

« Dans la [seconde] plainte, [la requérante] fait également référence à [la première plainte]. Dans cette [première] plainte, il est allégué que la décision no 346/2012 de la RAE, qui a fixé un tarif provisoire de l’électricité fournie à [l’intervenante] jusqu’à ce que le différend entre ces deux parties portant sur ledit tarif soit résolu, a obligé [la requérante] à fournir de l’électricité à [l’intervenante] en deçà du prix du marché et, par conséquent, à octroyer une aide d’État à [l’intervenante]. Cependant, dès lors que la sentence arbitrale a intégralement et rétroactivement remplacé le tarif provisoire fixé par la RAE, la Commission considère que la [première] plainte [...] est devenue sans objet.

Dès lors, la présente décision se limite à apprécier la [seconde] plainte [...] relative à la question de savoir si, sur le fondement de la sentence arbitrale, une aide d’État a été octroyée à [l’intervenante] sous forme d’un tarif d’électricité inférieur aux coûts. »

22 Ainsi, dans le cadre de son analyse, la Commission s’est limitée à apprécier la question de savoir si la fixation et la mise en œuvre dudit tarif correspondaient à l’octroi d’un avantage à l’intervenante au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. À cette fin, elle a examiné si, en acceptant de régler le différend avec l’intervenante en ayant recours à la procédure d’arbitrage et en se soumettant à la sentence arbitrale, la requérante, en sa qualité d’entreprise publique, s’était comportée en conformité avec les exigences découlant du critère de l’investisseur privé (points 25 à 47 de la première décision attaquée). Elle a conclu, d’une part, que les conditions d’application de ce critère étaient réunies en l’espèce et que, partant, aucun avantage n’avait été octroyé à l’intervenante et, d’autre part, que, dès lors que la première décision attaquée reflétait sa position définitive à cet égard, la lettre litigieuse devait être considérée comme ayant été remplacée par ladite décision (points 48 et 49 de cette décision).

23 La Commission a donc constaté que la sentence arbitrale ne constituait pas une aide d’État (section 4 de la première décision attaquée).

24 Par lettres des 27 avril et 19 juin 2015 déposées au greffe du Tribunal, la Commission a demandé au Tribunal de constater que, à la suite de la première décision attaquée, le recours dirigé contre la lettre litigieuse était devenu sans objet et qu’il n’y avait plus lieu de statuer à cet égard. La requérante a soumis au Tribunal ses observations sur cette demande par courrier du 3 juillet 2015.

25 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 juin 2015, la requérante a formé le recours enregistré sous le numéro T‑352/15 et tendant à l’annulation de la première décision attaquée.

26 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 16 novembre 2015, l’intervenante a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission dans l’affaire T‑352/15.

27 Par ordonnance du 9 février 2016, DEI/Commission (T‑639/14, non publiée, EU:T:2016:77, points 36 et 37), le Tribunal a décidé qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur le recours dans l’affaire T‑639/14, au motif, notamment, que la première décision attaquée avait formellement remplacé la lettre litigieuse, de sorte que cette dernière « n’appart[enai]t plus à l’ordonnancement juridique de l’Union européenne, en ce qu’[elle] a été abrogé[e] à compter de la[dite] décision ». Il a également décidé que, partant, il n’y avait plus lieu de statuer sur la demande en intervention de l’intervenante.

28 Le 22 avril 2016, la requérante a formé devant la Cour un pourvoi contre cette ordonnance, enregistré sous le numéro C‑228/16 P.

29 Par ordonnance du 8 juin 2016, DEI/Commission (T‑352/15, non publiée, EU:T:2016:386), le Tribunal (quatrième chambre) a fait droit à la demande d’intervention de l’intervenante dans l’affaire T‑352/15. L’intervenante a déposé le mémoire en intervention et les parties principales ont déposé leurs observations sur celui-ci dans les délais impartis.

30 Par arrêt du 31 mai 2017, DEI/Commission (C‑228/16 P, EU:C:2017:409, points 44 et 46), la Cour a annulé l’ordonnance du 9 février 2016, DEI/Commission (T‑639/14, non publiée, EU:T:2016:77), a renvoyé l’affaire devant le Tribunal et a réservé les dépens.

31 À la suite du prononcé de cet arrêt, l’affaire T‑639/14 portant désormais le numéro T‑639/14 RENV a été attribuée à la cinquième chambre du Tribunal à laquelle le juge rapporteur était affecté.

32 Par lettre du 27 juillet 2017 déposée au greffe du Tribunal, la requérante a demandé la jonction des affaires T‑639/14 RENV et T‑352/15 aux fins de la phase orale de la procédure. Par lettre du 21 août 2017, la Commission a consenti à une telle jonction.

33 Le 14 août 2017, la Commission a adopté la seconde décision attaquée (voir point 4 ci-dessus).

34 Par lettres du 24 août 2017 déposées au greffe du Tribunal, soit à la suite de l’adoption de la seconde décision attaquée, la Commission a demandé au Tribunal de constater, en application de l’article 130 du règlement de procédure du Tribunal, que les recours dans les affaires T‑639/14 RENV et T‑352/15 étaient devenus sans objet et qu’il n’y avait plus lieu de statuer. Par lettre du 27 octobre 2017, l’intervenante a déclaré soutenir la demande de non-lieu à statuer de la Commission dans l’affaire T‑352/15. Par lettres du même jour, la requérante a indiqué s’opposer au prononcé d’un non-lieu à statuer dans ces affaires.

35 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 novembre 2017, la requérante a formé un recours enregistré sous le numéro T‑740/17 et tendant à l’annulation de la seconde décision attaquée.

36 Le 21 décembre 2017, le Tribunal a, au titre de mesures d’organisation de la procédure, interrogé les parties sur une éventuelle suspension des affaires T‑639/14 RENV et T‑352/15 dans l’attente de la fin de la phase écrite de la procédure dans l’affaire T‑740/17. Par lettres des 4 et 8 janvier 2018, la Commission et la requérante ont respectivement indiqué ne pas s’opposer à une telle suspension.

37 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 12 mars 2018, l’intervenante a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission dans l’affaire T‑740/17.

38 Par ordonnances du 14 mai 2018, le Tribunal a ordonné la jonction au fond des demandes de non-lieu à statuer de la Commission et a réservé les dépens dans les affaires T‑639/14 RENV et T‑352/15.

39 Par ordonnance du 12 juillet 2018, le président de la cinquième chambre du Tribunal a fait droit à la demande d’intervention de l’intervenante dans l’affaire T‑740/17. L’intervenante a déposé le mémoire en intervention et les parties principales ont déposé leurs observations sur celui-ci dans les délais impartis.

40 Par décision du 13 juillet 2018, seule la procédure dans l’affaire T‑352/15 a été suspendue dans l’attente de la fin de la phase écrite de la procédure dans l’affaire T‑740/17.

41 Par ordonnance du 25 septembre 2018 dans l’affaire T‑639/14 RENV, le président de la cinquième chambre du Tribunal a admis la demande d’intervention introduite par l’intervenante dans l’affaire T‑639/14. L’intervenante a déposé le mémoire en intervention et les parties principales ont déposé leurs observations sur celui-ci dans les délais impartis.

42 Par décision du président du Tribunal du 28 février 2019, en vertu de l’article 27, paragraphe 3, du règlement de procédure, les affaires T‑639/14 RENV, T‑352/15 et T‑740/17 ont été attribuées à un nouveau juge rapporteur, siégeant dans la troisième chambre.

43 Le 28 mars 2019, sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal a invité les parties à se prononcer sur une éventuelle jonction des affaires T‑639/14 RENV, T‑352/15 et T‑740/17 aux fins de la phase orale de la procédure et de la décision mettant fin à l’instance. Par lettres du 4 avril 2019, la Commission a consenti à la jonction desdites affaires, sans demander le traitement confidentiel de certaines pièces des dossiers. Par lettres du 25 avril 2019, la requérante a exprimé son désaccord au sujet de la jonction de l’affaire T‑639/14 RENV avec les affaires T‑352/15 et T‑740/17 et a demandé son traitement séparé, sans pour autant demander le traitement confidentiel de certaines pièces des dossiers.

44 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, le juge rapporteur a été affecté à la troisième chambre, à laquelle les présentes affaires ont, par conséquent, été attribuées.

45 Sur proposition de la troisième chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 du règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

46 Par décision du président de la troisième chambre élargie du Tribunal du 26 février 2020, les affaires T‑639/14 RENV, T‑352/15 et T‑740/17 ont été jointes aux fins de la phase orale de la procédure et de la décision mettant fin à l’instance, conformément à l’article 68 du règlement de procédure.

47 Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure.

48 Par lettre du 3 juin 2020, l’intervenante a soumis des observations sur le rapport d’audience qui ont été versées au dossier et signifiées aux autres parties.

49 À la suite de la demande de la requérante de reporter l’audience initialement fixée au 11 juin 2020, au motif que ses avocats salariés, à savoir Mes Oikonomou, Salaka et Synodinos, seraient empêchés d’y assister en raison de l’interdiction de tout déplacement à l’étranger adressée par l’« autorité hiérarchique de DEI » à ses employés à cause de la crise sanitaire, le Tribunal a, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, posé une question écrite à la requérante au sujet de l’existence d’un éventuel rapport d’emploi entre celle-ci et lesdits avocats salariés et de leur autorisation à la représenter dans le cadre des présentes procédures, en l’invitant à y répondre par écrit. La requérante a répondu à cette question dans le délai imparti.

50 Par lettre du 29 septembre 2020, la requérante a soumis des observations sur le rapport d’audience comportant huit annexes, dont la décision sur leur versement au dossier a été réservée.

51 Par lettre du 5 octobre 2020, l’intervenante a soumis de nouvelles observations sur le rapport d’audience qui ont été versées au dossier et signifiées aux autres parties.

52 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 8 octobre 2020. À l’audience, le président a décidé que les observations de la requérante sur le rapport d’audience devaient être versées au dossier et signifiées aux autres parties et qu’un délai leur devait être fixé pour le dépôt de leurs observations, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal de l’audience.

53 La phase orale de la procédure ayant été laissée ouverte à la suite de l’audience, la Commission et l’intervenante ont soumis leurs observations dans le délai imparti et ont contesté, au regard de l’article 85 du règlement de procédure, la recevabilité des observations de la requérante sur le rapport d’audience, y compris de ses annexes. À la suite de la décision du président de chambre de clôturer la phase orale de la procédure, la requérante a, par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 12 janvier 2021, demandé à ce que le Tribunal rouvre ladite phase orale afin de lui permettre de prendre position sur ces observations de la Commission et de l’intervenante, au titre d’un débat contradictoire.

II. Conclusions des parties

A. Affaire T‑639/14 RENV

54 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la lettre litigieuse en ce qu’elle comporte la décision de rejeter ses plaintes ;

– condamner la Commission aux dépens.

55 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– à titre principal, prononcer un non-lieu à statuer ;

– à titre subsidiaire, rejeter le recours comme irrecevable, sinon comme non fondé ;

– condamner la requérante aux dépens.

56 L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner la requérante aux dépens, y compris à ceux qu’elle a exposés.

B. Affaire T‑352/15

57 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la première décision attaquée ;

– condamner la Commission aux dépens.

58 La Commission et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

– à titre principal, prononcer un non-lieu à statuer ;

– à titre subsidiaire, rejeter le recours comme irrecevable, sinon comme non fondé ;

– condamner la requérante aux dépens.

C. Affaire T‑740/17

59 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la seconde décision attaquée ;

– condamner la Commission aux dépens.

60 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours comme irrecevable, sinon comme non fondé ;

– condamner la requérante aux dépens.

61 L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner la requérante aux dépens, y compris à ceux qu’elle a exposés.

III. En droit

A. Observations liminaires

62 À titre liminaire, il convient de relever que, aux fins de la solution des litiges, il n’y a pas lieu de trancher la question de savoir si les « avocats salariés » de la requérante, à savoir Mes Oikonomou, Salaka et Synodinos, sont, en vertu de la législation hellénique applicable, habilités à la représenter dans le cadre des présentes procédures (voir point 49 ci-dessus), cette représentation étant assurée, à suffisance, par Mes Bourtzalas, Tagaras, Waelbroeck et Moumoutzi.

63 Par ailleurs, il est opportun d’apprécier en premier lieu le recours dans l’affaire T‑740/17, dès lors que son résultat est susceptible d’avoir des incidences sur le maintien de l’objet des litiges et de l’intérêt à agir de la requérante dans les affaires T‑639/14 RENV et T‑352/15.

B. Sur l’affaire T‑740/17

1. Sur la recevabilité

64 La Commission, soutenue par l’intervenante, fait valoir que le recours est irrecevable au motif que, premièrement, la requérante n’est ni directement ni individuellement concernée par la seconde décision attaquée, deuxièmement, en l’absence d’effets juridiques contraignants à l’égard de la requérante, cette décision n’est pas susceptible de recours en annulation, et, troisièmement, la requérante ne justifie pas d’un intérêt à agir.

65 En premier lieu, la Commission soutient, en substance, que la requérante n’a pas la qualité d’« intéressé » au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE ou de « partie intéressée » au sens de l’article 1er, sous h), du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 2015, L 248, p. 9). Ni le fait d’être plaignante ou d’avoir participé à la procédure administrative, ni celui d’être obligée d’octroyer la prétendue aide au moyen de ses fonds propres ne serait suffisant à cet effet, mais la requérante aurait dû démontrer sa qualité de concurrente de l’intervenante, en tant que prétendue entreprise bénéficiaire, ce qu’elle n’aurait pas fait. Il en irait de même du fait d’être le « contenant d’où sont prélevées des ressources pour financer l’aide [...] alléguée », l’économie des coûts d’un État membre ou la sauvegarde de la bonne santé du secteur public n’étant pas, en tant que telles, un objectif poursuivi par les règles en matière d’aides d’État.

66 Selon la Commission, soutenue par l’intervenante, à plus forte raison, la requérante n’a pas démontré l’existence d’une affectation substantielle de sa position de marché par la prétendue aide, de sorte que les moyens visant à remettre en cause le bien-fondé de la seconde décision attaquée sont irrecevables. Elle précise essentiellement que cette prétendue aide porte sur la relation de fourniture d’électricité par la requérante à l’intervenante, à savoir une relation de clientèle et non de concurrence entre ces entreprises. En effet, l’activité économique de l’intervenante et l’effet du tarif en cause sur sa position concurrentielle relèveraient du secteur de la métallurgie, non pertinent en l’espèce, alors que la requérante serait active dans le secteur de la production ou de la fourniture d’électricité. Par ailleurs, ainsi que l’admettrait la requérante, elle-même, les premier, deuxième et quatrième à septième moyens concernant la « violation des articles 107 et 108 TFUE » ne feraient pas référence à d’éventuelles difficultés sérieuses. Enfin, la requérante ne serait pas non plus individualisée en sa qualité de dispensateur de la prétendue aide, en ce qu’elle ne pourrait pas être assimilée à une autorité locale ayant agi dans l’exercice de son autonomie législative et fiscale.

67 En deuxième lieu, la Commission considère que la seconde décision attaquée n’est pas susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation de la part de la requérante, au motif que ladite décision ne produit pas d’effets de droit obligatoires de nature à affecter ses intérêts, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique en tant que dispensateur de facto de la prétendue aide. Cette décision n’engagerait pas l’État grec, étant donné qu’elle conclut que le tarif en cause échappe au champ d’application de l’article 107 TFUE. En revanche, l’obligation de la requérante d’appliquer ce tarif découlerait de son engagement volontaire de respecter la sentence arbitrale et non de la même décision. Selon la Commission, la décision en question donne entièrement satisfaction à l’État grec, en ce que celle-ci garantit aux autorités helléniques la liberté de mettre en œuvre le tarif en cause, sans déclencher la procédure quant aux aides existantes. Or, la requérante, en tant qu’entreprise publique ayant octroyé la prétendue aide, ne ferait pas partie de la catégorie de requérants recevable à former un recours contre une telle décision.

68 En troisième lieu, la Commission, soutenue par l’intervenante, estime que la requérante n’a pas d’intérêt à agir contre la seconde décision attaquée. Cette décision lui donnerait entièrement satisfaction en tant qu’entité octroyant la prétendue aide et l’obligation de l’octroyer à l’intervenante découlerait exclusivement de la sentence arbitrale. Selon elle, l’intérêt que la requérante cherche à voir protéger ne s’inscrit pas dans les objectifs poursuivis par le droit des aides d’État et sa démarche est contraire à la finalité des articles 107 et 108 TFUE, qui reposent sur la logique selon laquelle l’entité qui octroie l’aide souhaite disposer de la plus grande marge de manœuvre à cet égard. Elle compare la stratégie de la requérante avec celle d’une autorité locale qui a signé un contrat estimé comme n’étant plus rentable et le dénonce comme aide d’État afin de se libérer de son engagement. Ce comportement serait contraire, notamment, au principe de droit selon lequel nul ne peut se prévaloir de son propre comportement fautif (nemo auditur propriam turpitudinem allegans ou venire contra factum proprium). L’intervenante précise que la requérante invoque à tort et de manière abusive un intérêt de nature « privée » non protégé par l’article 108 TFUE, soit ses intérêts financiers propres, et non sa qualité d’« État » qui serait seul capable d’accorder une aide d’État illégale. La requérante tenterait de créer la confusion entre, d’une part, son appartenance à l’État grec qui, en tant que son actionnaire majoritaire, approuve régulièrement ses tarifs pour les clients haute tension, et, d’autre part, son intérêt « privé » pour fonder son intérêt à agir tout en maintenant son argument erroné quant à l’existence d’une aide.

69 La requérante conteste les arguments de la Commission et de l’intervenante et considère que le présent recours est recevable.

70 Il est nécessaire d’apprécier, d’abord, la question de savoir si la seconde décision attaquée constitue un acte attaquable, ensuite, celle de savoir si la requérante justifie d’un intérêt à agir, et, enfin, celle de savoir si elle dispose de la qualité pour agir au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

71 En premier lieu, selon une jurisprudence constante, sont considérées comme des « actes attaquables » au sens de l’article 263 TFUE toutes dispositions adoptées par les institutions de l’Union, quelle qu’en soit la forme, qui visent à produire des effets de droit obligatoires. Pour déterminer si un acte attaqué produit de tels effets, il y a lieu de s’attacher à sa substance. Ces effets doivent être appréciés en fonction de critères objectifs, tels que le contenu de cet acte, en tenant compte, le cas échéant, du contexte de l’adoption de ce dernier, ainsi que des pouvoirs de l’institution auteur (voir, en ce sens, arrêts du 13 février 2014, Hongrie/Commission, C‑31/13 P, EU:C:2014:70, points 54 et 55 et jurisprudence citée, et du 25 octobre 2017, Roumanie/Commission, C‑599/15 P, EU:C:2017:801, points 47 et 48). En outre, dans le cas d’un recours en annulation formé par une personne physique ou morale, comme en l’espèce, il est nécessaire que les effets juridiques obligatoires de l’acte attaqué soient de nature à affecter les intérêts de la requérante, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique (voir, en ce sens, arrêt du 13 octobre 2011, Deutsche Post et Allemagne/Commission, C‑463/10 P et C‑475/10 P, EU:C:2011:656, point 37 et jurisprudence citée).

72 En l’occurrence, la seconde décision attaquée constitue une décision constatant l’inexistence d’une aide, au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement 2015/1589, dont le caractère juridiquement contraignant à l’égard de son destinataire, la République hellénique, au sens de l’article 288, quatrième alinéa, TFUE, ne fait pas de doute.

73 À cet égard, la Commission et l’intervenante font valoir vainement que la seconde décision attaquée ne produit pas d’effets juridiquement contraignants à l’égard de la requérante.

74 En effet, il ressort d’une jurisprudence constante que l’article 15, paragraphe 1, du règlement 2015/1589 impose à la Commission, une fois les observations supplémentaires déposées par les intéressés, ou le délai raisonnable expiré, de clôturer la phase préliminaire d’examen par l’adoption d’une décision au titre de l’article 4, paragraphes 2, 3 ou 4, de ce règlement, à savoir soit une décision constatant l’inexistence de l’aide, comme en l’espèce, soit celle de ne pas soulever d’objections, soit celle d’ouvrir la procédure formelle d’examen (voir, en ce sens, arrêts du 17 juillet 2008, Athinaïki Techniki/Commission, C‑521/06 P, EU:C:2008:422, points 37 à 40 ; du 16 décembre 2010, Athinaïki Techniki/Commission, C‑362/09 P, EU:C:2010:783, point 63, et du 31 mai 2017, DEI/Commission, C‑228/16 P, EU:C:2017:409, point 29). Il en découle nécessairement qu’une telle décision comporte des effets juridiques obligatoires au sens de l’article 288, quatrième alinéa, TFUE également à l’égard d’une telle partie intéressée.

75 De surcroît, en appliquant cette jurisprudence aux faits à l’origine de l’affaire T‑639/14 RENV, la Cour a jugé que, par l’adoption de la lettre litigieuse, la Commission avait pris un acte de classement de l’affaire par lequel elle avait décidé de mettre fin à la procédure préliminaire d’examen déclenchée par la plainte de la requérante, avait constaté que l’enquête entamée n’avait pas permis de conclure à l’existence d’une aide au sens de l’article 107 TFUE et avait, dès lors, refusé d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE. Selon elle, la Commission a ainsi adopté une position définitive sur la demande de la requérante tendant à faire constater une violation des articles 107 et 108 TFUE. Elle a précisé que, comme la lettre litigieuse avait empêché la requérante de présenter ses observations dans le cadre d’une procédure formelle d’examen, ladite lettre avait produit des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la requérante. Elle en a conclu que cette décision constituait un acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 31 mai 2017, DEI/Commission, C‑228/16 P, EU:C:2017:409, points 30 et 31 et jurisprudence citée).

76 Force est de constater qu’il en va de même de la seconde décision attaquée qui, selon les propres dires de la Commission, est censée se substituer tant à la lettre litigieuse qu’à la première décision attaquée.

77 Cette appréciation n’est pas remise en cause par les arguments avancés par la Commission et par l’intervenante.

78 D’une part, la Commission n’est pas fondée à invoquer, à l’appui de son argumentation, la jurisprudence selon laquelle le caractère attaquable d’un acte suppose que celui-ci vise à produire des effets de droit obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique (voir arrêt du 17 juillet 2008, Athinaïki Techniki/Commission, C‑521/06 P, EU:C:2008:422, point 29 et jurisprudence citée), cette argumentation méconnaissant la jurisprudence rappelée au point 75 ci-dessus, ainsi que le fait que, aux fins du classement des plaintes de la requérante, la seconde décision attaquée refuse sa demande d’instruire la question de savoir si le tarif en cause comportait l’octroi d’un avantage et, partant, de qualifier le résultat de la procédure d’arbitrage de mesure d’aide.

79 D’autre part, la Commission et l’intervenante ne sauraient valablement faire valoir que la requérante ne serait pas un « intéressé » ou une « partie intéressée » dont la situation juridique ne serait pas affectée, parce que non protégée par le droit des aides d’État, au motif que, notamment, la seconde décision attaquée donnerait, en réalité, entièrement satisfaction à l’État grec avec lequel la requérante se confondrait en raison de sa qualité d’entreprise publique contrôlée par les autorités helléniques.

80 Conformément à la notion de « partie intéressée » visée à l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589, dans son arrêt du 31 mai 2017, DEI/Commission (C‑228/16 P, EU:C:2017:409, points 29 à 31), la Cour est partie d’une notion large d’« intéressé » qui incluait toute personne dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi d’une aide, y compris le plaignant dont la plainte se trouve à l’origine de l’ouverture de la phase d’examen préliminaire. En l’espèce, elle a ainsi souligné que la lettre litigieuse produisait des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la requérante en l’empêchant de présenter ses observations dans le cadre d’une procédure formelle d’examen, au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, ce qui implique nécessairement qu’elle a reconnu son statut d’intéressé au sens de cette même disposition. Cette appréciation s’applique mutatis mutandis à la seconde décision attaquée qui est censée avoir remplacé la lettre litigieuse. Dès lors, il y a lieu d’écarter l’argument selon lequel, dans son arrêt, la Cour n’aurait pas examiné si la requérante était une partie intéressée.

81 Cette appréciation est corroborée par la jurisprudence selon laquelle la notion d’intéressé, au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, est d’interprétation large (arrêt du 14 novembre 1984, Intermills/Commission, 323/82, EU:C:1984:345, point 16). De même, l’emploi de l’expression « en particulier » dans l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589 indique que ladite disposition ne contient qu’une énumération non exhaustive des personnes susceptibles d’être qualifiées de parties intéressées, de sorte que cette notion se réfère à un ensemble indéterminé de destinataires (voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2019, Copebi, C‑505/18, EU:C:2019:500, point 34 et jurisprudence citée). Ainsi, il a été jugé que cette disposition n’excluait pas qu’une entreprise qui n’était pas une concurrente directe de la bénéficiaire de l’aide fût qualifiée de partie intéressée, pour autant qu’elle fit valoir que ses intérêts pourraient être affectés par l’octroi de l’aide, et que, à cette fin, il suffisait qu’elle démontre, à suffisance de droit, que l’aide risquait d’avoir une incidence concrète sur sa situation (voir, en ce sens, arrêt du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, points 63 à 65 et jurisprudence citée).

82 Dès lors, l’argument de la Commission et de l’intervenante selon lequel il convient d’exclure de la notion d’intéressé des personnes ne se trouvant pas dans une relation concurrentielle avec le prétendu bénéficiaire de l’aide en cause doit être rejeté.

83 Au contraire, pour pouvoir être qualifiées de parties intéressées, il suffit que des personnes fassent valoir que leurs intérêts pourraient être affectés par l’octroi de ladite aide (voir point 81 ci-dessus). Tel est le cas en l’espèce, dès lors que, d’une part, selon la requérante, la sentence arbitrale fixant le tarif en cause l’oblige à accorder des aides illégales à l’intervenante tout en lui causant des pertes financières, et, d’autre part, en raison du classement de sa plainte par, notamment, la seconde décision attaquée, elle se voit privée de la possibilité de faire valoir ses observations à cet égard dans le cadre d’une procédure formelle d’examen.

84 Il s’ensuit que, en tant que la requérante allègue, au titre de l’article 24, paragraphe 2, lu conjointement avec l’article 12, paragraphe 1, premier alinéa, et l’article 15, paragraphe 1, du règlement 2015/1589, que le tarif en cause constitue une aide interdite par l’article 107, paragraphe 1, TFUE qui affecte ses intérêts économiques, elle dispose du statut de « partie intéressée » au sens de l’article 1er, sous h), du même règlement, ou d’« intéressé » au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE qui se voit empêché par les actes attaqués classant ses plaintes de soumettre ses observations lors d’une procédure formelle d’examen.

85 Il convient donc de rejeter l’argumentation de la Commission et de l’intervenante selon laquelle la seconde décision attaquée n’affecte ni la situation juridique ni les intérêts de la requérante, en tant que partie intéressée.

86 En deuxième lieu, il ressort d’une jurisprudence constante, y compris en matière d’aides d’État, qu’un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où cette dernière a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. Un tel intérêt suppose que l’annulation de cet acte soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques et que le recours puisse ainsi, par son résultat, procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté. En outre, cet intérêt doit être né et actuel et s’apprécie au jour où le recours est formé (voir, en ce sens, arrêts du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, points 55 et 56, et du 7 novembre 2018, BPC Lux 2 e.a./Commission, C‑544/17 P, EU:C:2018:880, points 28 et 29 et jurisprudence citée).

87 En l’espèce, la Commission et l’intervenante remettent en cause l’existence d’un intérêt à agir de la requérante en avançant essentiellement les mêmes motifs que ceux invoqués à l’appui de leur argument non fondé selon lequel la seconde décision attaquée ne constituerait pas un acte attaquable.

88 Il ressort toutefois des considérations exposées aux points 71 à 85 ci-dessus que le recours de la requérante est dirigé contre un acte qui lui fait grief en affectant sa position juridique et ses intérêts et que, dès lors, son annulation est susceptible de lui procurer un bénéfice, fût-il parce qu’elle est susceptible, en vertu de l’article 266, premier alinéa, TFUE, d’amener la Commission à ouvrir la procédure formelle d’examen au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

89 À cet égard, l’argumentation de la Commission et de l’intervenante, tirée de la confusion entre l’État grec et la requérante pour lui imputer la prétendue satisfaction des autorités helléniques avec le résultat de la procédure d’arbitrage et de la comparaison de la situation de la requérante avec celle d’une autorité locale, ne peut prospérer. En effet, la requérante a exposé, de manière circonstanciée, les raisons pour lesquelles elle considérait que, d’une part, sa situation économique était affectée par la sentence arbitrale en ce qu’elle lui imposait de facturer la fourniture d’électricité à l’intervenante en dessous de ses coûts de production et que, d’autre part, les actes attaqués classant ses plaintes l’empêchaient de faire valoir ses observations au cours d’une procédure formelle d’examen au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE. Eu égard à cette argumentation, il découle de la jurisprudence rappelée aux points 74 et 75 ci-dessus qu’une éventuelle annulation, notamment, de la seconde décision attaquée au motif que la Commission était confrontée à des doutes ou à des difficultés sérieuses quant à l’existence d’une aide d’État est susceptible de procurer un bénéfice à la requérante, précisément parce qu’elle est de nature à contraindre la Commission à ouvrir la procédure formelle d’examen, dans le cadre de laquelle elle pourrait se prévaloir des garanties procédurales qui lui sont conférées au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 20 juin 2019, a&o hostel and hotel Berlin/Commission, T‑578/17, non publié, EU:T:2019:437, point 52).

90 À cet égard, l’argument de la Commission et de l’intervenante selon lequel les effets juridiques obligatoires faisant grief à la requérante ne seraient pas attribuables à la seconde décision attaquée, mais à la sentence arbitrale, ne saurait être accueilli, étant donné que ladite décision refuse la demande de la requérante de qualifier le résultat de la procédure d’arbitrage de mesure d’aide et que la requérante reproche précisément à la Commission d’avoir illégalement omis d’instruire, dans cette décision, la question de savoir si le tarif en cause comportait l’octroi d’un avantage (voir point 78 ci-dessus). Cette appréciation n’est pas infirmée par le fait que la requérante a volontairement soumis le différend avec l’intervenante à l’arbitrage, cette démarche n’impliquant pas nécessairement son accord préalable avec son résultat, comme il est d’ailleurs démontré par le fait qu’elle a contesté ladite sentence, sans succès, devant l’Efeteio Athinon (cour d’appel d’Athènes).

91 La Commission n’est pas non plus fondée à invoquer une violation du principe de droit selon lequel nul ne peut se prévaloir de son propre comportement fautif. Cet argument ne constitue qu’une autre variante de celui destiné à confondre la situation de la requérante avec celle de l’État grec et à lui imputer l’éventuelle satisfaction des autorités helléniques avec le résultat de la procédure d’arbitrage, de sorte qu’il ne saurait non plus prospérer. Pour les mêmes raisons, doit être écarté l’argument de l’intervenante selon lequel la requérante invoquerait à tort et de manière abusive un prétendu « intérêt (financier) privé », non protégé par le droit des aides d’État au motif que ses intérêts se confondent avec ceux de l’État grec qui la contrôle.

92 Par conséquent, il y a lieu de conclure que la requérante justifie d’un intérêt à agir contre la seconde décision attaquée.

93 En troisième lieu, s’agissant de la qualité pour agir de la requérante au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, il convient de rappeler que la Commission, soutenue par l’intervenante, conteste l’affectation tant directe qu’individuelle de la requérante, au sens de cette disposition, par la seconde décision attaquée, notamment au motif que la requérante ne serait ni une « partie intéressée » ni une entreprise concurrente de l’intervenante, dont la position de marché serait susceptible d’être affectée substantiellement par la prétendue aide.

94 Or, pour les motifs exposés aux points 79 à 84 ci-dessus, il y a lieu de rejeter d’emblée l’argumentation de la Commission et de l’intervenante visant à remettre en cause le statut de partie intéressée ou d’intéressé de la requérante. Il convient donc de considérer que la requérante constitue une telle partie intéressée aux fins de la détermination de sa qualité pour agir.

95 En effet, conformément à une jurisprudence constante, pour reconnaître la recevabilité d’un recours dirigé contre une décision adoptée en vertu de l’article 4, paragraphes 2 ou 3, du règlement 2015/1589, il suffit que le requérant soit une « partie intéressée » qui, par son recours, vise à obtenir la sauvegarde de l’exercice de ses droits procéduraux dont il jouirait à la suite de l’ouverture d’une procédure formelle d’examen au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE. Plus précisément, dans le cadre d’un recours dirigé contre une telle décision, sa légalité dépend de l’examen de la question de savoir s’il existe des difficultés sérieuses dans la détermination de l’existence d’une aide ou des doutes quant à la compatibilité d’une telle aide avec le marché intérieur qui doivent donner lieu à l’ouverture d’une procédure formelle d’examen à laquelle peuvent participer les parties intéressées visées à l’article 1er, sous h), dudit règlement. En conséquence, toute partie intéressée au sens de cette disposition est directement et individuellement concernée par une telle décision, au motif que, en tant que bénéficiaire des garanties procédurales prévues à l’article 108, paragraphe 2, TFUE et à l’article 6, paragraphe 1, de ce règlement, elle ne peut en obtenir le respect que si elle a la possibilité de contester ladite décision devant le juge de l’Union. Ainsi, en vertu de cette jurisprudence, la qualité particulière de partie intéressée au sens de l’article 1er, sous h), du même règlement, liée à l’objet spécifique du recours, suffit pour individualiser, aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, le requérant qui conteste une décision adoptée en vertu de l’article 4, paragraphes 2 ou 3, du même règlement (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, points 47 et 48 et jurisprudence citée, et du 20 juin 2019, a&o hostel and hotel Berlin/Commission, T‑578/17, non publié, EU:T:2019:437, point 41).

96 Lorsque, comme en l’occurrence, ces conditions sont remplies, il n’est donc pas nécessaire d’examiner la question très controversée entre les parties de savoir si la requérante est susceptible d’être qualifiée d’entreprise concurrente de l’intervenante pour lui reconnaître la qualité pour agir au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. En effet, ce n’est que dans l’hypothèse où le requérant mettrait en cause le bien-fondé de la décision litigieuse en tant que telle, que le simple fait qu’il puisse être considéré comme « intéressé » au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE ne saurait suffire pour admettre la recevabilité du recours et qu’il doit alors démontrer qu’il a un statut particulier au sens de l’arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, EU:C:1963:17, p. 223), et, notamment, que sa position sur le marché est substantiellement affectée par l’aide faisant l’objet de cette décision (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2005, Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, C‑78/03 P, EU:C:2005:761, point 37).

97 La jurisprudence a encore précisé que, lorsqu’un requérant demande de voir annuler une décision adoptée en vertu de l’article 4, paragraphes 2 ou 3, du règlement 2015/1589, il met en cause essentiellement le fait que cette décision a été adoptée sans que cette institution ouvre la procédure formelle d’examen, violant ce faisant ses droits procéduraux. À l’appui d’un tel recours, le requérant peut invoquer tout moyen de nature à démontrer que l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait ou pouvait disposer, lors de la phase préliminaire d’examen, aurait dû susciter des difficultés sérieuses dans la détermination de l’existence d’une aide d’État ou des doutes quant à la compatibilité d’une telle aide avec le marché intérieur, sans que cela ait pour conséquence de transformer l’objet du recours ou d’en modifier les conditions de recevabilité. Au contraire, selon cette jurisprudence, l’existence de tels doutes est précisément la preuve qui doit être apportée pour démontrer que la Commission était tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE et à l’article 6, paragraphe 1, du règlement 2015/1589 (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 59 et jurisprudence citée ; du 3 septembre 2020, Vereniging tot Behoud van Natuurmonumenten in Nederland e.a./Commission, C‑817/18 P, EU:C:2020:637, point 81, et du 20 juin 2019, a&o hostel and hotel Berlin/Commission, T‑578/17, non publié, EU:T:2019:437, points 45 et 46).

98 Dès lors, s’agissant d’un recours contestant la légalité d’une décision adoptée au titre de l’article 4, paragraphes 2 ou 3, du règlement 2015/1589, sans ouverture de la procédure formelle, il convient, en principe, d’examiner l’ensemble des griefs et des arguments soulevés par le requérant dans le cadre des moyens invoqués, afin d’apprécier la question de savoir s’ils permettent d’identifier des difficultés sérieuses ou des doutes en présence desquelles la Commission aurait été tenue d’ouvrir ladite procédure (voir, en ce sens, arrêt du 20 juin 2019, a&o hostel and hotel Berlin/Commission, T‑578/17, non publié, EU:T:2019:437, points 45, 46 et 49 et jurisprudence citée).

99 En l’espèce, la Commission conteste que le présent recours ne vise qu’à faire valoir des doutes et à sauvegarder les garanties procédurales de la requérante dans le cadre d’une procédure formelle d’examen au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE. Elle précise, en substance, que, en réalité, les moyens d’annulation invoqués à l’appui de ce recours sont destinés à remettre en cause le bien-fondé de la seconde décision attaquée, de sorte que la requérante aurait dû démontrer sa qualité pour agir au sens de l’arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, EU:C:1963:17, p. 223), et, notamment, une affectation substantielle de sa position de marché en tant qu’entreprise concurrente.

100 Certes, à la différence des requêtes dans les affaires T‑639/14 RENV et T‑352/15, la requête dans l’affaire T‑740/17 ne comporte pas de partie introductive séparée précédant les moyens d’annulation précisant l’objet du présent recours qui consisterait à invoquer l’existence de « doutes » ou de « difficultés sérieuses ». Il n’en demeure pas moins que les points 35 et 36 de cette dernière requête font référence à la jurisprudence relative à la notion de « difficultés sérieuses » dans le contexte de la recevabilité. De surcroît, les deuxième et quatrième à septième moyens d’annulation contiennent des références analogues expresses précisant qu’ils sont destinés à démontrer l’existence de « doutes [sérieux] » ou de « difficultés sérieuses » qui auraient dû amener la Commission à ouvrir la procédure formelle d’examen (voir points 65, 91, 116, 129, 143, 148, 163, 187, 205 et 225 de la même requête). Le fait qu’une précision analogue manque dans l’exposé des premier et troisième moyens n’infirme pas cette appréciation, dès lors que ces moyens, à savoir la prétendue méconnaissance, d’une part, des exigences découlant de l’arrêt du 31 mai 2017, DEI/Commission (C‑228/16 P, EU:C:2017:409), et, d’autre part, de l’obligation de motivation et d’examen diligent et complet du cas d’espèce, revêtent un caractère essentiellement formel et procédural et sont précisément liés au devoir de la Commission de motiver l’absence de doutes quant à l’existence d’une aide d’État ou de difficultés sérieuses dans l’instruction du dossier.

101 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de conclure que le présent recours est recevable en ce qu’il tend à obtenir la sauvegarde des garanties procédurales de la requérante dont elle jouirait, en tant que partie intéressée, dans l’hypothèse de l’ouverture de la procédure formelle d’examen au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

102 À cet égard, les moyens d’annulation invoqués doivent être considérés comme visant à faire valoir l’existence de doutes au sens de l’article 4, paragraphes 3 et 4, du règlement 2015/1589 ou de difficultés sérieuses au sens de la jurisprudence (voir, en ce sens, arrêts du 12 février 2008, BUPA e.a./Commission, T‑289/03, EU:T:2008:29, point 328, et du 9 septembre 2020, Kerkosand/Commission, T‑745/17, EU:T:2020:400, point 106) qui auraient dû amener la Commission à ouvrir la procédure formelle d’examen. Dans ce contexte, compte tenu de la jurisprudence rappelée au point 97 ci-dessus, il est sans importance que certains de ces moyens sont formulés en termes de violation (manifeste) d’une règle de droit ou comportent des griefs visant à constater une erreur (manifeste) d’appréciation, la reconnaissance d’une telle violation ou d’une telle erreur impliquant nécessairement celle de l’existence de doutes ou de difficultés sérieuses (voir, en ce sens, arrêt du 22 septembre 2011, Belgique/Deutsche Post et DHL International, C‑148/09 P, EU:C:2011:603, points 58 à 66).

103 Par conséquent, il y a lieu de conclure que la requérante justifie de la qualité pour agir au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE et que le recours doit être déclaré recevable, sans qu’il soit besoin d’examiner si la seconde décision attaquée constitue un « acte réglementaire ».

2. Sur le fond

a) Sur les moyens d’annulation et sur la portée du contrôle de la légalité au fond

104 À l’appui du présent recours, la requérante invoque sept moyens d’annulation.

105 Dans le cadre du premier moyen, la requérante fait grief à la Commission d’avoir mal interprété l’arrêt du 31 mai 2017, DEI/Commission (C‑228/16 P, EU:C:2017:409).

106 Dans le cadre du deuxième moyen, la requérante reproche à la Commission d’avoir mal exécuté les obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2015/1589 et, en particulier, d’avoir violé son droit à être entendue tel que cela est garanti par l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

107 Dans le cadre du troisième moyen, la requérante allègue une insuffisance et une contradiction des motifs ainsi qu’une violation de l’obligation d’examiner les éléments de fait et de droit pertinents s’agissant de l’appréciation selon laquelle, notamment, le compromis d’arbitrage définissait des « paramètres clairs et objectifs ».

108 Par le quatrième moyen, la requérante invoque une erreur de droit « manifeste » dans l’application du critère de l’investisseur privé avisé et dans l’interprétation de l’article 107, paragraphe 1, et de l’article 108, paragraphe 2, TFUE en considérant que le tarif en cause était une « conséquence logique » de ces paramètres.

109 Par le cinquième moyen, la requérante fait valoir, d’une part, une erreur de droit « manifeste » dans l’interprétation et dans l’application des articles 107 et 108 TFUE entachant l’appréciation selon laquelle la Commission n’était pas tenue de procéder à des évaluations économiques complexes et, d’autre part, une erreur de droit « manifeste » et une erreur manifeste d’appréciation des faits en ce qu’elle aurait omis d’examiner les éléments déterminants pour constater l’existence d’une aide d’État.

110 Par le sixième moyen, la requérante soutient que la Commission a violé l’article 107, paragraphe 1, et l’article 108, paragraphe 2, TFUE en commettant des erreurs manifestes d’appréciation des faits relative à l’applicabilité du critère de l’investisseur privé avisé en économie de marché (première branche) et à l’application dudit critère (seconde branche).

111 Par le septième moyen, la requérante reproche à la Commission d’avoir commis une erreur manifeste dans l’interprétation et dans l’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, d’avoir violé son obligation de motivation et d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation des faits en ne donnant pas suite à sa première plainte en vertu de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, au motif que celle-ci était devenue sans objet à la suite de la sentence arbitrale.

112 S’agissant de la portée du contrôle de la légalité que le Tribunal est appelé à exercer à cet égard, il convient de rappeler que l’article 108, paragraphe 3, TFUE et l’article 4 du règlement 2015/1589 instaurent une phase d’examen préliminaire des mesures d’aide notifiées. À l’issue de cette phase, la Commission constate que cette mesure soit ne constitue pas une aide, soit entre dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Dans cette dernière hypothèse, ladite mesure peut ne pas susciter de doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur ou, au contraire, en susciter (voir, en ce sens, arrêt du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 43).

113 Lorsque, à l’issue de la phase d’examen préliminaire, la Commission adopte une décision par laquelle elle constate qu’une mesure étatique ne constitue pas une aide incompatible avec le marché intérieur, elle refuse implicitement d’ouvrir la procédure formelle d’examen. Ce principe s’applique aussi bien dans le cas où la décision est prise au motif que la Commission estime que l’aide est compatible avec le marché intérieur, au titre de l’article 4, paragraphe 3, du règlement 2015/1589, dite « décision de ne pas soulever d’objections », que lorsqu’elle est d’avis, comme en l’espèce, que la mesure n’entre pas dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et ne constitue donc pas une aide d’État, au titre de l’article 4, paragraphe 2, du même règlement (voir, en ce sens, arrêts du 16 mars 2021, Commission/Pologne, C‑562/19 P, EU:C:2021:201, point 50 et jurisprudence citée, et du 19 juin 2019, Ja zum Nürburgring/Commission, T‑373/15, EU:T:2019:432, point 111 et jurisprudence citée).

114 En revanche, il ressort d’une jurisprudence constante que, lorsque la Commission ne peut pas acquérir la conviction, à la suite d’un premier examen mené dans le cadre de la procédure de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, qu’une mesure d’aide d’État soit ne constitue pas une « aide » au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, soit, si elle est qualifiée d’aide, est compatible avec le traité FUE, ou lorsque cette procédure ne lui a pas permis de surmonter les difficultés sérieuses soulevées par l’appréciation de la compatibilité de la mesure considérée, cette institution est dans l’obligation d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, sans disposer d’une marge d’appréciation à cet égard. Cette obligation correspond à celle consacrée par l’article 4, paragraphe 4, du règlement 2015/1589, en vertu duquel la Commission est tenue d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, lorsque la mesure en cause suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, EU:C:2008:757, points 113 et 185 et jurisprudence citée ; ordonnance du 25 juin 2019, Fred Olsen/Naviera Armas, C‑319/18 P, non publiée, EU:C:2019:542, point 30, et arrêt du 20 juin 2019, a&o hostel and hotel Berlin/Commission, T‑578/17, non publié, EU:T:2019:437, point 57).

115 La notion de difficultés sérieuses coïncide avec celle de doutes (voir, en ce sens, arrêts du 12 février 2008, BUPA e.a./Commission, T‑289/03, EU:T:2008:29, point 328, et du 9 septembre 2020, Kerkosand/Commission, T‑745/17, EU:T:2020:400, point 106) et revêt un caractère objectif. L’existence de telles difficultés doit être recherchée non seulement dans les circonstances de l’adoption de la décision de la Commission prise à l’issue de l’examen préliminaire, mais également dans les appréciations sur lesquelles elle s’est fondée. Il s’ensuit que la légalité d’une décision de ne pas soulever d’objections, fondée sur l’article 4, paragraphe 3, du règlement 2015/1589, dépend de la question de savoir si l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait ou pouvait disposer, lors de la phase préliminaire d’examen de la mesure notifiée, aurait dû objectivement susciter des doutes quant à la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur, étant donné que de tels doutes doivent donner lieu à l’ouverture d’une procédure formelle d’examen à laquelle peuvent participer les parties intéressées visées à l’article 1er, sous h), du même règlement (voir, en ce sens, arrêts du 3 septembre 2020, Vereniging tot Behoud van Natuurmonumenten in Nederland e.a./Commission, C‑817/18 P, EU:C:2020:637, points 79 et 80 et jurisprudence citée, et du 20 juin 2019, a&o hostel and hotel Berlin/Commission, T‑578/17, non publié, EU:T:2019:437, point 58 et jurisprudence citée).

116 En effet, la jurisprudence a encore précisé à cet égard que la légalité d’une telle décision devait être appréciée en fonction des éléments d’information dont la Commission pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée, étant entendu que les éléments d’information dont elle « pouvait disposer » étaient ceux qui apparaissaient pertinents pour l’appréciation à effectuer et dont elle aurait pu, sur sa demande, obtenir la production au cours de la phase d’examen préliminaire (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2017, Commission/Frucona Košice, C‑300/16 P, EU:C:2017:706, points 70 et 71).

117 La preuve de l’existence de difficultés sérieuses ou de doutes incombe à la partie requérante que celle-ci peut fournir à partir d’un faisceau d’indices concordants, notamment, en faisant valoir et en établissant le caractère insuffisant ou incomplet de l’examen mené par la Commission lors de la procédure d’examen préliminaire (voir, en ce sens, arrêts du 3 septembre 2020, Vereniging tot Behoud van Natuurmonumenten in Nederland e.a./Commission, C‑817/18 P, EU:C:2020:637, point 82 et jurisprudence citée, et du 20 juin 2019, a&o hostel and hotel Berlin/Commission, T‑578/17, non publié, EU:T:2019:437, points 59 et 60 et jurisprudence citée).

118 À l’aune des notions de doutes ou de difficultés sérieuses au sens de la jurisprudence visée aux points 112 à 116 ci-dessus, il est nécessaire d’examiner conjointement les troisième à cinquième moyens, dans la mesure où ils visent à contester la seconde décision attaquée pour ne pas avoir répondu à suffisance aux plaintes de la requérante, quand bien même celles-ci auraient fait valoir que la sentence arbitrale, en tant qu’elle avait fixé le tarif en cause, octroyait un avantage en faveur de l’intervenante ne correspondant pas aux conditions du marché, et pour avoir néanmoins refusé d’ouvrir la procédure formelle d’examen.

b) Sur lestroisième à cinquième moyens

1) Rappel des arguments essentiels des parties dans le cadre du troisième moyen

119 Au soutien du troisième moyen, tiré d’une insuffisance et d’une contradiction des motifs, ainsi que d’une violation de l’obligation d’examiner les éléments de fait et de droit pertinents, la requérante soutient, en substance, que, au point 48 de la seconde décision attaquée, la Commission a interprété erronément la teneur de la seconde plainte qui ne portait pas sur la question de savoir si son choix de se soumettre à l’arbitrage constituait une aide d’État, mais sur celle de savoir si le tarif en cause imposé par la sentence arbitrale constituait une telle aide. Or, en l’absence d’un exposé suffisant de l’évaluation des éléments de droit et de fait pertinents et les raisons du changement d’approche de la Commission par rapport à celle suivie dans sa décision 2010/460/CE, du 19 novembre 2009, relative aux aides d’État C 38/A/04 (ex NN 58/04) et C 36/B/06 (ex NN 38/06) mises à exécution par l’Italie en faveur d’Alcoa Trasformazioni [notifiée sous le numéro C(2009) 8112] (JO 2010, L 227, p. 62, ci-après la « décision Alcoa »), la seconde décision attaquée serait entachée d’une insuffisance et d’une contradiction de motifs. Selon la requérante, à défaut d’avoir vérifié le bien-fondé du mode de calcul et du montant du tarif en cause et en se limitant à conclure qu’elle avait agi comme un investisseur privé avisé, compte tenu des paramètres l’ayant conduit à se soumettre à l’arbitrage, la Commission s’est substantiellement écartée de son approche adoptée au considérant 154 de la décision Alcoa, sans pour autant motiver ce changement de manière spécifique.

120 Selon la requérante, le point 43 de la seconde décision attaquée indique à tort que le compromis d’arbitrage, sur la base duquel le tribunal arbitral devait procéder à la « mise à jour » et à l’« ajustement » du projet de contrat de fourniture d’électricité et ainsi aboutir aux conditions tarifaires applicables, fixait des « paramètres clairs et objectifs », quand bien même une motivation suffisante aurait supposé une appréciation attentive et sérieuse desdits paramètres. Elle fait observer que le point 42 de ladite décision se limite à faire référence aux « principes fondamentaux de tarification de l’électricité à l’égard des clients haute tension » et au fait que, selon le compromis d’arbitrage, la sentence arbitrale devait garantir que les conditions tarifaires répondaient non seulement aux caractéristiques de la consommation de l’intervenante, mais couvraient également « au moins » ses coûts. Elle conteste le caractère « clair et objectif » de ces paramètres, eu égard, notamment, à la nécessité de déterminer les conditions tarifaires moyennant un calcul arithmétique et à l’expression vague « au moins ». À supposer même que l’interprétation desdits critères ne soit pas ambiguë, la manière dont ils devraient être combinés resterait entièrement floue et subjective. En outre, la requérante souligne que, dans le compromis d’arbitrage, elle et l’intervenante ont manifesté leur désaccord sur la question de savoir si le tribunal arbitral devait ou non prendre en compte la sentence no 8/2010 et s’il devait « mettre à jour », « ajuster » ou « établir » les conditions tarifaires pour la période antérieure ou postérieure au 6 juin 2011. Ainsi, loin d’avoir eu à sa disposition de « paramètres clairs et objectifs », le tribunal arbitral se serait appuyé sur des textes dont l’interprétation laissait une grande incertitude et une marge d’appréciation. Or, la Commission aurait omis de procéder à une analyse diligente de ces paramètres et d’expliquer à suffisance son analyse selon laquelle ils étaient « clairs et objectifs ». À plus forte raison, serait insuffisamment motivée l’allégation selon laquelle lesdits « paramètres clairs et objectifs [...] limitaient le pouvoir d’appréciation laissé au tribunal arbitral » (points 39 et 42 de la seconde décision attaquée). La Commission n’aurait précisé ni si cette « limitation » était la conséquence immédiate de ces paramètres, ni que ceux-ci excluaient l’existence d’un pouvoir d’appréciation du tribunal arbitral, ni en quoi ce pouvoir était limité.

121 Selon la requérante, est viciée d’une absence totale de motivation l’affirmation exposée au point 45 de la seconde décision attaquée selon laquelle le tarif en cause constituait la « conséquence logique » des paramètres en cause. Elle indique qu’une telle affirmation est notamment incompatible avec l’analyse selon laquelle elle a agi comme un investisseur privé avisé en se soumettant à l’arbitrage. Elle estime qu’il est impossible de qualifier d’avisée une décision de recourir à l’arbitrage si son résultat est annoncé à l’avance comme étant défavorable pour celui qui a pris cette décision, à savoir, en l’espèce, la fixation d’un tarif ne couvrant pas ses coûts. La seconde décision attaquée comporterait donc une contradiction patente de motifs mettant davantage en exergue l’obligation pour la Commission d’examiner au fond la question de savoir si le tarif en cause constituait une aide d’État.

122 La Commission, soutenue par l’intervenante, rétorque que la plupart des arguments de la requérante visent à remettre en cause le bien-fondé du raisonnement exposé dans la seconde décision attaquée et sont donc inopérants et voués au rejet. Selon elle, la requérante interprète de façon erronée la décision Alcoa, dans laquelle elle n’a pas retenu la méthode des « prix moyens pondérés dans le temps » comme méthode généralement applicable pour déterminer le prix de marché de la fourniture d’électricité. Elle soutient que, même si elle n’était pas tenue de rendre compatible le raisonnement exposé aux points 23 à 49 de la seconde décision attaquée avec la décision Alcoa, tel est le cas en l’espèce. L’argumentation de la requérante visant à contester, notamment, le caractère clair et objectif des paramètres en cause ne porterait pas sur un défaut de motivation, mais exprimerait le désaccord de celle-ci avec les motifs de la seconde décision attaquée. En tout état de cause, la motivation de cette dernière décision aurait permis à la requérante d’en contester le bien-fondé et au Tribunal d’exercer son contrôle. En effet, aux points 26 à 38 de la même décision, seraient longuement exposées les raisons pour lesquelles la décision de la requérante de recourir à l’arbitrage était rationnelle pour un investisseur privé.

2) Rappel des arguments essentiels des parties dans le cadre du quatrième moyen et des première et deuxième branches du cinquième moyen

123 Par le quatrième moyen, la requérante reproche à la Commission, d’avoir commis une erreur de droit dans l’interprétation et dans l’application du critère de l’investisseur privé avisé, de l’article 107, paragraphe 1, et de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, ainsi que des erreurs manifestes d’appréciation des faits en ayant conclu que le tarif en cause, tel que fixé par la sentence arbitrale, était la « conséquence logique des paramètres correctement définis dans le compromis d’arbitrage ».

124 Selon la requérante, en substance, ni le point 42 de la seconde décision attaquée, ni le compromis d’arbitrage, ni les décisions nos 692/2011 et 798/2011 de la RAE ne précisent des « paramètres clairs et objectifs » limitant le pouvoir d’appréciation des arbitres, ou des éléments permettant de déterminer soit les caractéristiques de la consommation de l’intervenante, y compris le mode de calcul des coûts d’approvisionnement supportés par elle liés à ces caractéristiques, soit ses coûts et les heures de tarification élevée et faible, et moins encore un calcul de l’ensemble des éléments constituant les coûts réels totaux supportés par elle dans le cadre de cet approvisionnement, pour pouvoir en conclure que le tarif en cause était la « conséquence logique » de ces caractéristiques. Elle fait valoir en particulier que la Commission n’explique pas les raisons pour lesquelles ce tarif pourrait découler des « principes fondamentaux de tarification », alors que la méthode et les données utilisées pour le calculer vont au-delà du cadre de la décision no 692/2011 qui ne tient compte que des coûts de production de l’électricité issue du lignite, calculés de manière erronée, sans inclure les coûts résultant de l’approvisionnement en électricité sur le marché de gros obligatoire. Elle précise avoir soumis à la Commission le calcul du tarif résultant de ses coûts réels, à savoir 72,42, 80,55 et 77,33 euros/MWh au titre, respectivement, des années 2011, 2012 et 2013. De même, pour ces années, un calcul effectué, soit selon la méthode suivie par la majorité du tribunal arbitral, à savoir sur la base de coûts de la production au lignite (respectivement 62,06, 61,74 et 71,37 euros/MWh), soit selon la méthode du prix moyen pondéré dans le temps résultant du marché de gros obligatoire (respectivement 69,10, 72,77 et 75,13 euros/MWh), qu’elle estime être la plus appropriée, aboutirait à des tarifs sensiblement supérieurs si les informations correctes relatives à ses coûts étaient utilisées.

125 La requérante en conclut que la Commission a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d’appréciation et, partant, aurait dû rencontrer de sérieuses difficultés lors de son évaluation et ouvrir la procédure formelle d’examen au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

126 Dans le cadre des première et deuxième branches du cinquième moyen, la requérante reproche, en substance, à la Commission d’avoir méconnu le critère de l’investisseur privé en omettant de se substituer au tribunal arbitral et d’effectuer des évaluations économiques complexes aux fins de l’application dudit critère et de la vérification de la question de savoir si le tarif en cause correspondait aux conditions normales du marché.

127 Selon la requérante, la Commission a commis une erreur de droit « manifeste » dans l’interprétation et dans l’application des articles 107 et 108 TFUE en considérant ne pas être tenue de procéder à des évaluations économiques complexes pour déterminer si le tarif en cause impliquait l’octroi d’une aide d’État. Elle estime que c’est à tort que la Commission a estimé ne pas être tenue de vérifier si ledit tarif était « conforme aux conditions du marché », en particulier s’il couvrait ses coûts, et, aux fins de cette appréciation, ne pas pouvoir se substituer au tribunal arbitral.

128 En effet, la Commission aurait commis une erreur de droit « manifeste » en estimant qu’elle ne pouvait « se substituer a posteriori », à l’instar d’une juridiction de dernière instance, à l’appréciation du tribunal arbitral quant au calcul du tarif en cause. Dans la seconde décision attaquée, elle aurait reconnu que le tribunal arbitral était une autorité juridictionnelle, sans pour autant réitérer l’affirmation erronée faite dans la lettre litigieuse selon laquelle la sentence arbitrale n’était pas imputable à l’État grec. Cette appréciation serait confirmée, notamment, par le fait que le tribunal arbitral auprès de la RAE, au titre de l’article 37 de la loi no 4001/2011, devrait être qualifié de juridiction étatique au sens de l’article 267 TFUE. Cette erreur serait d’autant plus manifeste eu égard aux autres voies possibles, à savoir soit le recours aux juridictions ordinaires, soit la tentative de parvenir à un règlement à l’amiable. La requérante estime en effet que, dans chacun de ces cas, la Commission n’aurait pas pu se limiter à examiner la question de savoir si elle avait agi comme un investisseur privé en choisissant l’une de ces voies, mais aurait dû examiner le résultat de la procédure choisie. Par conséquent, elle considère que la Commission aurait également dû éprouver des difficultés sérieuses s’agissant de la question de savoir si le tarif en cause couvrait à tout le moins ses coûts et était conforme aux conditions du marché.

129 Quant au quatrième moyen, la Commission, soutenue par l’intervenante, rétorque, en substance, avoir constaté à juste titre que le compromis d’arbitrage contenait des paramètres clairs et objectifs (points 20 à 22 et 42 de la seconde décision attaquée). Elle conteste que le critère de l’investisseur privé avisé ne puisse être respecté que si les paramètres du compromis d’arbitrage étaient concrétisés à un point tel que le tarif adéquat en découlerait automatiquement. Si tel avait été le cas, la requérante et l’intervenante n’auraient eu aucune raison de recourir à l’arbitrage, mais auraient été capables de se mettre d’accord directement sur ledit tarif. En outre, il serait parfaitement logique et prévisible que des questions soumises à un arbitrage fassent l’objet d’interprétations différentes. La seconde décision attaquée aurait donc conclu à bon droit que, dans le compromis d’arbitrage, la requérante avait accepté des paramètres clairs et objectifs destinés à fixer le tarif exigible de la même façon que l’aurait fait un investisseur privé et que lesdits paramètres avaient pour conséquence logique la fixation du tarif en cause par la sentence arbitrale. Eu égard au litige de longue date entre la requérante et l’intervenante ayant conduit à l’arbitrage sur la base de ces paramètres, la Commission estime donc qu’elle aurait été appelée à apprécier si la requérante avait agi comme un investisseur privé avisé, voire comme un vendeur ou créancier privé (points 34 et 36 à 38 de la seconde décision attaquée), pour conclure à l’absence d’avantage en faveur de l’intervenante en raison de la conformité du tarif en cause aux conditions normales du marché.

130 La requérante se bornerait à lui demander de recalculer le tarif en cause sur la base d’éléments et de méthodes qu’elle juge elle-même corrects, ce qui rendrait le critère de l’investisseur privé caduc. Or, la requérante ayant volontairement accepté, à l’instar d’un investisseur privé, de se soumettre à l’arbitrage et signé le compromis d’arbitrage comportant les paramètres en cause, l’issue dudit arbitrage, soit le tarif en cause, ne pourrait qu’être conforme aux conditions du marché en ce qu’elle découlerait logiquement des paramètres du compromis d’arbitrage. En réalité, la requérante ne demanderait pas d’appliquer le droit des aides d’État, mais de réexaminer l’affaire portée devant le tribunal arbitral, quand bien même elle aurait succombé de la même façon qu’un investisseur privé se trouvant dans la même situation. La Commission soutient donc avoir correctement appliqué le critère de l’investisseur privé avisé, l’article 107, paragraphe 1, et l’article 108, paragraphe 2, TFUE en estimant que l’issue de l’arbitrage, et partant le tarif en cause, étaient conformes aux conditions du marché en tant que conséquence logique des paramètres clairs et objectifs du compromis d’arbitrage.

131 L’intervenante précise, en substance, que le compromis d’arbitrage est le fruit de la volonté libre de la requérante, à la suite de longues négociations avec l’intervenante, et a été approuvé par le service juridique, le conseil d’administration et l’assemblée générale de la requérante, de sorte que ses griefs sont abusifs et contraires au principe général de droit selon lequel nul ne peut tirer argument à son profit de sa propre omission ou illégalité (nemo auditur propriam turpitudinem allegans). Elle indique que ledit compromis comporte des paramètres clairs et objectifs délimitant de manière raisonnable tant l’étendue du pouvoir du tribunal arbitral que les orientations sur lesquelles devait reposer la sentence arbitrale et fait référence à la décision no 692/2011 de la RAE qui définit, de manière complète, exhaustive et contraignante, les principes fondamentaux de tarification, sans que la requérante ait formé de recours à son égard devant les tribunaux helléniques. Elle soutient que le contenu de cette décision a été approuvé par la Commission et par la République hellénique comme base pour l’élaboration des tarifs applicables dans les conditions du marché libéralisé de l’électricité et a été incorporé au code de l’approvisionnement d’électricité sur le fondement duquel la requérante s’est engagée, à l’égard de l’EEA, à négocier avec elle. En outre, l’intervenante affirme que la décision no 798/2011 de la RAE est une décision ad hoc relative au projet de contrat de fourniture d’électricité entre la requérante et elle contenant des instructions détaillées se rapportant aux conditions autorisées dans un tel contrat. Enfin, elle souligne que, conformément à la décision no 692/2011, la requérante et elle sont convenues que les conditions de fourniture d’électricité devaient correspondre à son profil de consommation et couvrir au moins le coût de la requérante. Elle en conclut que le compromis d’arbitrage était suffisamment clair et objectif pour définir les paramètres obligatoires en vue de fixer un prix et des conditions de fourniture raisonnables que tout entrepreneur avisé, en sa qualité de vendeur ou d’acheteur d’électricité, aurait exigés pour garantir une appréciation équitable par le tribunal arbitral. En particulier, la requérante ne saurait prétendre que le tarif en cause était inférieur à ses coûts, alors qu’elle a omis de présenter ses éléments de coûts tant devant le tribunal arbitral, que dans le cadre de ses plaintes, qu’en cours d’instance. En tout état de cause, le tarif en cause aurait été, certes, inférieur à celui demandé par la requérante, mais également plus élevé que celui demandé par l’intervenante, de sorte que les deux parties auraient succombé à égalité. Cela serait corroboré par le fait que, dans le cadre du contrat de fourniture signé pour la période débutant le 1er juillet 2016, la requérante aurait accepté un tarif encore plus bas par rapport à celui fixé par la sentence arbitrale, à savoir à hauteur de 32 euros/MWh.

132 S’agissant des première et deuxième branches du cinquième moyen, la Commission soutient, en substance, ne pas avoir estimé, dans la seconde décision attaquée, qu’elle n’était pas tenue de procéder à des évaluations économiques complexes.

133 Selon la Commission, la règle en vertu de laquelle elle devait apprécier l’existence d’un avantage économique était le critère de l’investisseur privé avisé. La requérante étant convenue de se soumettre à l’arbitrage de la même façon qu’un investisseur privé l’aurait fait dans les circonstances du cas d’espèce, il n’existerait pas d’avantage en faveur de l’intervenante. Dans un tel cas, l’issue de l’arbitrage, à savoir le tarif en cause, aurait été la même pour l’intervenante, même si un investisseur privé avait agi à la place de la requérante, et aurait nécessairement été obtenue dans des conditions normales du marché. Eu égard à son argumentation visée au point 130 ci-dessus, la Commission estime avoir correctement considéré, d’une part, au point 44 de la seconde décision attaquée, qu’il n’était pas nécessaire de constater si le tarif en cause était conforme aux conditions du marché pour conclure que l’intervenante n’avait pas reçu d’avantage, et, d’autre part, au point 45 de ladite décision, qu’il ne fallait pas entrer dans tous les détails du calcul dudit tarif. Selon elle, le fait que la requérante se soit comportée comme un investisseur privé à l’égard de l’intervenante n’a aucun rapport avec la question de savoir si le tribunal arbitral a fixé le tarif en cause selon des éléments et des méthodes que la requérante juge corrects, celle-ci pouvant être en désaccord avec la sentence arbitrale, à l’instar de tout autre investisseur privé ayant succombé. Ce serait de manière contradictoire que la requérante avance qu’un tarif lui a été « imposé » par ladite sentence, quand bien même elle aurait signé le compromis d’arbitrage qui en constitue le fondement de son plein gré, en tant que contractant privé.

134 La Commission estime que l’application du critère de l’investisseur privé ne suppose pas que la requérante décide de recourir à l’arbitrage sur la base d’une étude économique préalable comparant l’avantage économique qui y est associé par rapport à celui qui est lié au recours à d’autres voies disponibles pour résoudre le litige. Nombre de décisions économiques reposeraient pour l’essentiel sur des évaluations qualitatives, comme, en l’espèce, celle de la nécessité de résoudre rapidement le litige, et non sur les évaluations quantitatives d’une étude économique quant à la rentabilité future d’une entreprise à la suite d’un apport en capital. Le critère de l’investisseur privé n’exigerait une telle étude préalable que pour des transactions et des opérations pour la réalisation desquelles les investisseurs privés avisés la réclament normalement, ce qui ne serait pas le cas lors du recours à l’arbitrage comme en l’espèce.

135 Selon la Commission, eu égard au respect du critère de l’investisseur privé et, partant, à l’absence d’avantage en faveur de l’intervenante, elle n’a eu aucune raison de se substituer a posteriori au tribunal arbitral. En revanche, elle estime que, lorsqu’une décision d’un tribunal arbitral ou d’une juridiction ordinaire étatique implique l’octroi d’une aide d’État, elle est compétente pour adopter une décision négative qui prime sur une telle décision. En outre, l’argumentation de la requérante relative à la qualité du tribunal arbitral de juridiction et à l’imputabilité de la sentence arbitrale à l’État grec serait inopérante, la seconde décision attaquée n’étant fondée que sur l’absence d’un avantage. En tout état de cause, la question de savoir si un tribunal arbitral peut être considéré comme étant un tribunal étatique au sens de l’article 267 TFUE n’aurait aucun rapport avec l’existence d’un tel avantage.

136 Selon la Commission, les griefs lui reprochant d’avoir omis d’examiner le cadre réglementaire applicable, l’organisation et le fonctionnement du marché, l’importance du profil de consommation de l’intervenante, les éléments des coûts de DEI et la méthodologie utilisée pour déterminer ses coûts, ainsi que celui reprochant au tribunal arbitral d’avoir calculé erronément le tarif en cause, sont exclusivement dirigés contre la sentence arbitrale, sans toutefois montrer que la requérante n’a pas agi comme un investisseur privé. La seconde décision attaquée serait toutefois fondée sur l’application du critère de l’investisseur privé pour conclure à l’absence d’avantage. En tout état de cause, ladite décision refléterait un examen des éléments pertinents à cet effet en tenant compte, à titre indicatif, premièrement, du cadre réglementaire du marché de l’électricité en Grèce (points 18, 20, 21, 29, 33, 37, 40 et 41 et notes en bas de page nos 5, 6 et 13 à 18), deuxièmement, du profil de consommation de l’intervenante (point 31 et note en bas de page no 3), troisièmement, des caractéristiques de la requérante en tant que producteur et fournisseur d’électricité (point 30 et note en bas de page no 7), et, quatrièmement, des circonstances générales du litige entre la requérante et l’intervenante (sections 2.1 et 2.2 et points 34 à 38 et 42). Or, la requérante n’aurait pas mis en question l’appréciation de ces paramètres dans le cadre de l’application du critère de l’investisseur privé, mais uniquement le tarif en cause. La Commission en conclut avoir examiné l’issue de l’arbitrage sous l’angle de l’ensemble des circonstances de l’espèce.

137 L’intervenante conteste la tentative de transformer la Commission et le Tribunal en instances de contrôle de la sentence arbitrale. La requérante n’aurait pas établi qu’elle ne s’était pas comportée comme un investisseur privé, tant lorsqu’elle a décidé de se soumettre à l’arbitrage, selon les conditions du compromis d’arbitrage, qu’au cours de la procédure d’arbitrage. En outre, ladite sentence aurait fixé un tarif beaucoup plus élevé que celui jugé par l’intervenante comme juste et équitable. Or, étant donné que, en vertu du droit grec, une sentence arbitrale est considérée comme étant équivalente à une décision juridictionnelle et est exécutoire, elle aurait renoncé à contester la sentence arbitrale devant les juridictions compétentes.

3) Appréciation du Tribunal

i) Rappel des considérations pertinentes exposées dans la seconde décision attaquée

138 S’agissant de l’application du principe de l’opérateur privé (voir arrêt du 6 mars 2018, Commission/FIH Holding et FIH Erhvervsbank, C‑579/16 P, EU:C:2018:159, point 45 et jurisprudence citée) et de l’existence d’un avantage faisant l’objet des troisième, quatrième et cinquième moyens, il ressort des points 37 à 48 de la seconde décision attaquée que la Commission a considéré que, eu égard aux circonstances sous-tendant le différend entre la requérante et l’intervenante, à sa longue durée et à l’improbabilité pour la requérante d’obtenir gain de cause devant les juridictions ordinaires dans un laps de temps acceptable, un opérateur avisé en économie de marché aurait, dans la situation de DEI, opté pour l’arbitrage afin de recouvrir à tout le moins une partie de la dette impayée et aurait accepté la fixation du tarif applicable par un tribunal arbitral composé d’experts dont le pouvoir d’appréciation est limité par des paramètres comparables à ceux qui sont contenus dans le compromis d’arbitrage (points 37 à 39 de ladite décision).

139 À cet égard, la Commission a souligné l’expertise et l’indépendance des experts (points 40 et 41 de la seconde décision attaquée), ainsi que les paramètres clairs et objectifs prédéfinis régissant la détermination du tarif en cause et limitant l’exercice du pouvoir d’appréciation des arbitres, soit les principes de tarification applicables pour les clients haute tension sur le marché de l’énergie grec, sur lesquels la RAE se serait également fondée si elle avait dû fixer des tarifs de fourniture d’électricité par la voie réglementaire, ainsi que la nécessité de tenir compte du profil de consommation de l’intervenante et de la structure des coûts de la requérante (point 42 de ladite décision).

140 La Commission en a conclu, en substance, qu’un investisseur privé avisé se trouvant dans la situation de la requérante serait convenu d’un compromis d’arbitrage présentant de telles caractéristiques, de sorte que les critères dudit compromis correspondaient aux conditions du marché et ne pouvaient avoir pour effet l’octroi d’un avantage à l’intervenante (point 43 de la seconde décision attaquée).

141 Aux points 44 à 48 de la seconde décision attaquée, la Commission a précisé que, dans ces circonstances, il n’était pas nécessaire de déterminer si le montant exact du tarif en cause résultant de la sentence arbitrale était conforme aux conditions du marché. En effet, le résultat de l’arbitrage serait conforme au critère de l’investisseur privé lorsque les paramètres convenus pour fixer le tarif étaient prédéterminés sur la base de critères objectifs liés au marché, de sorte qu’un tel investisseur aurait accepté de se soumettre à l’arbitrage dans les circonstances de l’espèce. De même, il ne serait pas non plus nécessaire de procéder à des appréciations économiques complexes relatives au calcul précis du tarif en cause en se substituant au tribunal arbitral, ce tarif étant conforme aux conditions du marché en tant que conséquence logique des paramètres prédéfinis dans le compromis d’arbitrage. À cet égard, la Commission a rappelé que la requérante avait signé ce compromis sans remettre en cause lesdits paramètres comme étant contraires aux conditions du marché. En outre, il y aurait lieu de tenir compte du fait qu’un investisseur privé avisé ne serait pas en mesure d’influencer le résultat d’une procédure d’arbitrage menée sur la base de tels paramètres, hormis la possibilité de contester ladite sentence devant une juridiction ordinaire. Par ailleurs, le tarif en cause serait toujours supérieur à la moyenne des tarifs d’électricité appliqués aux entreprises métallurgiques en Europe en 2013.

142 À l’aune des troisième et quatrième moyens, ainsi que des première et deuxième branches du cinquième moyen, il y a lieu d’apprécier si la Commission était fondée, d’une part, à se limiter à appliquer le principe de l’opérateur privé à la décision de la requérante de se soumettre à l’arbitrage en signant le compromis d’arbitrage et, d’autre part, à renoncer à contrôler si, en fixant le tarif en cause, la sentence arbitrale comportait l’octroi à l’intervenante d’un avantage ne correspondant pas aux conditions normales du marché, sans nourrir des doutes ou des difficultés sérieuses dans l’appréciation de l’existence d’une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. À cette fin, il convient de rappeler, au préalable, la manière dont les compétences et les obligations entre la Commission et les juridictions nationales sont réparties à cet égard, compte tenu de l’éventuel besoin d’assimiler le tribunal arbitral à une telle juridiction.

ii) Sur la répartition des compétences et des obligations entre la Commission et les juridictions nationales

143 La mise en œuvre du système de contrôle des aides d’État incombe, d’une part, à la Commission et, d’autre part, aux juridictions nationales, qui remplissent des rôles complémentaires, mais distincts. Si les juridictions nationales ne sont pas compétentes pour statuer sur la compatibilité d’une aide d’État avec le marché intérieur, ce contrôle relevant de la compétence exclusive de la Commission, elles veillent à la sauvegarde, jusqu’à la décision finale de la Commission, des droits des justiciables en cas de violation de l’obligation de notification préalable à la Commission prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE. À cette fin, les juridictions nationales peuvent être saisies de litiges les obligeant à interpréter et à appliquer la notion d’« aide d’État », visée à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en particulier en vue de déterminer si une mesure instaurée sans tenir compte de la procédure de contrôle préalable prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE devrait ou non y être soumise (voir, en ce sens, arrêts du 15 septembre 2016, PGE, C‑574/14, EU:C:2016:686, points 30 à 32 ; du 26 octobre 2016, DEI et Commission/Alouminion tis Ellados, C‑590/14 P, EU:C:2016:797, points 95 à 98 et jurisprudence citée, et du 23 janvier 2019, Fallimento Traghetti del Mediterraneo, C‑387/17, EU:C:2019:51, points 54 et 55 et jurisprudence citée).

144 Si les juridictions nationales parviennent au constat que la mesure concernée aurait effectivement dû être notifiée à la Commission, elles doivent vérifier si l’État membre concerné s’est conformé à cette obligation et, si tel n’est pas le cas, déclarer cette mesure illégale. En effet, il leur appartient de tirer toutes les conséquences de la violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, conformément à leur droit national, tant en ce qui concerne la validité des actes comportant mise à exécution des mesures d’aide que le recouvrement des soutiens financiers accordés en méconnaissance de cette disposition (voir, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2016, DEI et Commission/Alouminion tis Ellados, C‑590/14 P, EU:C:2016:797, points 99 et 100 et jurisprudence citée).

145 En outre, l’application des règles en matière d’aides d’État repose sur une obligation de coopération loyale entre, d’une part, les juridictions nationales et, d’autre part, la Commission et les juridictions de l’Union, dans le cadre de laquelle chacune agit en fonction du rôle qui lui est assigné par le traité FUE. Dans le cadre de cette coopération, les juridictions nationales doivent prendre toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution des obligations découlant du droit de l’Union et s’abstenir de prendre celles qui sont susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts du traité, ainsi qu’il découle de l’article 4, paragraphe 3, TUE. Ainsi, les juridictions nationales doivent, en particulier, s’abstenir de prendre des décisions allant à l’encontre d’une décision de la Commission (voir, en ce sens, arrêts du 15 septembre 2016, PGE, C‑574/14, EU:C:2016:686, point 33, et du 26 octobre 2016, DEI et Commission/Alouminion tis Ellados, C‑590/14 P, EU:C:2016:797, point 105 et jurisprudence citée).

146 Il en résulte que, sur le fondement de l’effet direct de l’article 108, paragraphe 3, troisième phrase, TFUE, lu conjointement avec la notion d’aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, les juridictions nationales remplissent, aux côtés de la Commission qui agit sous le contrôle du juge de l’Union, un rôle complémentaire aux fins de la mise en œuvre efficace du droit des aides d’État, notamment, en garantissant son respect par les autorités nationales.

147 Inversement, les juridictions nationales sont elles-mêmes susceptibles de méconnaître les obligations leur incombant au titre de l’article 107, paragraphe 1, et de l’article 108, paragraphe 3, TFUE et, ce faisant, rendre possible ou perpétuer l’octroi d’une aide illégale, voire devenir l’instrument à cet effet. C’est ainsi que la Cour a considéré qu’un juge national en référé pouvait violer l’obligation de notification et l’interdiction de mise en œuvre d’une aide, au titre de l’article 108, paragraphe 3, troisième phrase, TFUE, en suspendant à titre provisoire et ex nunc les effets de la résiliation d’un contrat de fourniture d’électricité de longue durée à taux préférentiel (voir, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2016, DEI et Commission/Alouminion tis Ellados, C‑590/14 P, EU:C:2016:797, points 107 et 108). De même, lorsqu’une juridiction nationale perpétue l’octroi d’une aide illégale, voire rend son exécution possible nonobstant l’existence d’une décision définitive de la Commission ayant déclaré cette aide incompatible avec le marché intérieur, doit être écartée, en vertu du principe de primauté, l’application d’une règle visant à consacrer le principe de l’autorité de la chose jugée de la décision juridictionnelle en cause (voir, en ce sens, arrêts du 18 juillet 2007, Lucchini, C‑119/05, EU:C:2007:434, points 61 à 63 ; du 11 novembre 2015, Klausner Holz Niedersachsen, C‑505/14, EU:C:2015:742, points 41 à 45, et du 4 mars 2020, Buonotourist/Commission, C‑586/18 P, EU:C:2020:152, points 94 et 95).

148 La Cour a précisé à cet égard que, dans une situation dans laquelle il existait une décision d’une juridiction nationale relative à une mesure étatique antérieure à la décision de la Commission, cette circonstance ne saurait faire obstacle à ce que celle-ci exerce la compétence exclusive qui lui est assignée par le traité FUE s’agissant de l’appréciation de la compatibilité de mesures d’aides avec le marché intérieur. L’exercice d’une telle compétence implique que la Commission puisse examiner, en vertu de l’article 108 TFUE, si une mesure constitue une aide d’État qui aurait dû lui être notifiée, conformément au paragraphe 3 de cet article, dans une situation où les autorités d’un État membre ont estimé que cette mesure ne remplissait pas les conditions fixées à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, y compris lorsque ces autorités se sont conformées, à cet égard, à l’appréciation d’une juridiction nationale (voir, en ce sens, arrêt du 4 mars 2020, Buonotourist/Commission, C‑586/18 P, EU:C:2020:152, points 92 et 93).

149 Eu égard à ces principes jurisprudentiels, il convient d’examiner si le tribunal arbitral doit être qualifié d’organe qui s’apparente à une juridiction hellénique ordinaire, dont l’appréciation aurait dû être vérifiée par la Commission afin de pouvoir écarter tout doute ou difficulté sérieuse quant à la question de savoir si le tarif en cause comportait un avantage au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

iii) Sur l’existence d’un avantage économique en faveur de l’intervenante

– Sur le caractère étatique du tribunal arbitral

150 Force est de constater que la situation telle que décrite au point 148 ci-dessus correspond à celle du cas d’espèce, hormis le fait que la sentence arbitrale constitue une décision adoptée par un tribunal arbitral et non celle d’une juridiction étatique ordinaire.

151 En effet, d’une part, en l’espèce, par la sentence arbitrale, le tribunal arbitral a pris une décision juridiquement contraignante relative à la fixation du tarif en cause qui était susceptible de procurer un avantage à l’intervenante au cas où il ne correspondait pas aux conditions normales du marché et, partant, de constituer une aide d’État non notifiée par la République hellénique en vertu de l’article 108, paragraphe 3, TFUE. D’autre part, les éléments fournis par la requérante, qui ne sont pas contestés par la Commission, mais seulement, de manière peu circonstanciée, par l’intervenante, établissent que le tribunal arbitral, tel qu’instauré auprès de la RAE au titre de l’article 37 de la loi no 4001/2011, la procédure d’arbitrage se déroulant devant lui, ainsi que ses décisions présentent des caractéristiques analogues à celles des juridictions helléniques ordinaires, du contentieux ayant lieu devant elles, et de leurs décisions.

152 Cela ressort, notamment, des critères suivants.

153 Premièrement, les tribunaux arbitraux établis en vertu de l’article 37 de la loi no 4001/2011 exercent une fonction juridictionnelle identique à celle des juridictions ordinaires, voire remplacent ces dernières en ce que l’ouverture de l’instance arbitrale les prive de leur compétence.

154 Deuxièmement, les juges arbitres, sélectionnés à partir d’une liste établie par décision du président de la RAE, doivent justifier de leur indépendance et impartialité avant leur désignation (article 37, paragraphe 4, de la loi no 4001/2011, et article 6, paragraphes 1 et 2, du règlement d’arbitrage de la RAE).

155 Troisièmement, les procédures devant les tribunaux arbitraux sont régies, notamment, par les dispositions du Kodikas politikis dikonomias (code de procédure civile hellénique) et, à titre complémentaire, par le règlement d’arbitrage de la RAE (décision de la RAE no 261/2012, partie I, préambule).

156 Quatrièmement, les jugements des tribunaux arbitraux sont juridiquement contraignants, investis de l’autorité de la chose jugée (article 14, paragraphe 8, du règlement d’arbitrage de la RAE) et valent titres exécutoires conformément aux dispositions pertinentes du code de procédure civile hellénique (voir notamment articles 896 et 904).

157 Cinquièmement, les jugements des tribunaux arbitraux sont susceptibles de recours devant une juridiction ordinaire, comme le démontre le recours de la requérante contre la sentence arbitrale devant l’Efeteio Athinon (cour d’appel d’Athènes) (voir point 12 ci-dessus).

158 Il s’ensuit que la requérante a démontré à suffisance de droit que les tribunaux arbitraux établis et opérant conformément à l’article 37 de la loi no 4001/2011 faisaient partie intégrante du système juridictionnel étatique grec. En effet, même à la suite d’une question expresse et précise du Tribunal à cet égard à l’audience, la Commission s’est abstenue de se prononcer sur la question de savoir si, en raison de ces caractéristiques, le tribunal arbitral était susceptible d’être assimilé à une juridiction étatique ordinaire, mais s’est limitée à réitérer qu’il suffisait pour elle de se prononcer sur l’absence d’un avantage en faveur de l’intervenante en appliquant le principe de l’opérateur privé à la décision de la requérante de se soumettre à l’arbitrage, ce qu’elle aurait fait dans la seconde décision attaquée.

159 Cependant, contrairement à ce qu’a avancé la Commission à l’audience, au regard de sa nature, du contexte dans lequel son activité s’inscrit, de son objectif ainsi que des règles auxquelles il est soumis, un tribunal arbitral, qui statue en vertu d’une procédure d’arbitrage prévue par la loi et fixe un tarif de l’électricité par une décision juridiquement contraignante, susceptible de recours devant les juridictions étatiques, investie de l’autorité de la chose jugée et valant titre exécutoire, comme la sentence arbitrale (voir points 151 à 157 ci-dessus), doit être qualifié, à l’instar d’une juridiction hellénique ordinaire, d’organe exerçant un pouvoir relevant des prérogatives de la puissance publique.

– Sur le devoir de la Commission de vérifier l’octroi d’un avantage par la sentence arbitrale

160 Il ressort, certes, de la jurisprudence que le principe de l’opérateur privé ne saurait être appliqué à la sentence arbitrale en tant que telle, compte tenu du fait que le tribunal arbitral doit être assimilé à une juridiction étatique ordinaire (voir, en ce sens, arrêt du 11 décembre 2019, Mytilinaios Anonymos Etairia – Omilos Epicheiriseon, C‑332/18 P, EU:C:2019:1065, points 133 et 134) (voir points 150 à 159 ci-dessus). Il n’en demeure pas moins que, en vertu de ses pouvoirs et de ses obligations rappelés au point 148 ci-dessus, afin de pouvoir écarter tout doute au sens de l’article 4, paragraphes 3 et 4, du règlement 2015/1589, la Commission était tenue d’effectuer un contrôle sur la question de savoir si une mesure étatique non notifiée, telle que le tarif en cause fixé par ladite sentence, mais contestée par un plaignant, remplissait la notion d’aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, y compris le critère d’avantage qu’elle prétend pourtant avoir appliqué en l’espèce.

161 En effet, au titre de sa responsabilité centrale et exclusive d’assurer, sous le contrôle du juge de l’Union, le respect de l’article 107 TFUE et la mise en œuvre de l’article 108 TFUE, la Commission est obligée de vérifier, notamment, le cas échéant, avec le concours d’experts, si une mesure étatique comporte un avantage qui ne correspond pas aux conditions normales du marché (voir, en ce sens, arrêts du 16 septembre 2004, Valmont/Commission, T‑274/01, EU:T:2004:266, point 72 et jurisprudence citée ; du 9 décembre 2015, Grèce et Ellinikos Chrysos/Commission, T‑233/11 et T‑262/11, EU:T:2015:948, point 91, et du 16 mars 2016, Frucona Košice/Commission, T‑103/14, EU:T:2016:152, points 164 à 179).

162 En vertu d’une jurisprudence établie, relèvent de la condition de l’octroi d’un avantage économique les interventions qui, sous quelque forme que ce soit, sont susceptibles de favoriser directement ou indirectement des entreprises ou qui doivent être considérées comme un avantage économique que l’entreprise bénéficiaire n’aurait pas obtenu dans des conditions normales du marché. Inversement, tel n’est pas le cas si l’entreprise bénéficiaire pouvait obtenir le même avantage que celui qui a été mis à sa disposition au moyen de ressources d’État dans des circonstances qui correspondent aux conditions normales du marché (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2016, Club Hotel Loutraki e.a./Commission, C‑131/15 P, EU:C:2016:989, points 70 et 71 et jurisprudence citée).

163 En outre, lorsque la Commission est appelée à examiner la question de savoir si certaines mesures peuvent être qualifiées d’aide d’État, en raison du fait que les autorités publiques n’auraient pas agi de la même manière qu’un vendeur privé, elle doit procéder à une appréciation économique complexe, dans le cadre du contrôle de laquelle le juge de l’Union ne saurait substituer son appréciation économique à celle de la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 24 octobre 2013, Land Burgenland e.a./Commission, C‑214/12 P, C‑215/12 P et C‑223/12 P, EU:C:2013:682, points 77 et 78 et jurisprudence citée). Cette appréciation s’applique mutatis mutandis à la vente d’électricité par une entreprise sous le contrôle de l’État, telle que la requérante, qui est susceptible de conférer un avantage économique à l’acheteur qui n’est pas conforme aux conditions normales du marché. En effet, de même que la vente de terres publiques à un prix inférieur à celui du marché peut constituer une aide d’État (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2015, BVVG, C‑39/14, EU:C:2015:470, point 27 et jurisprudence citée), celle de l’électricité par une telle entreprise à un tarif inférieur à celui du marché est susceptible d’accorder à l’acheteur, en sa qualité de bénéficiaire, un avantage qui entraîne, en substance, une diminution du budget étatique consistant en la renonciation par l’État à la différence entre sa valeur marchande et le prix inférieur payé par cet acheteur.

– Sur le devoir de la Commission de procéder à des appréciations économiques et techniques complexes pour déterminer l’existence d’un avantage

164 Eu égard à ces principes jurisprudentiels et aux arguments et griefs avancés par la requérante dans ses plaintes, afin de pouvoir écarter tout doute au sens de l’article 4, paragraphes 3 et 4, du règlement 2015/1589, la Commission n’était pas en droit de renoncer, d’une part, au contrôle de la question de savoir si la sentence arbitrale comportait l’octroi d’un avantage (voir points 160 à 163 ci-dessus) et, d’autre part, de procéder, à cet effet, à des appréciations économiques complexes, notamment, relatives à la conformité du tarif en cause aux conditions normales du marché. En outre, elle ne saurait se soustraire à cette obligation de contrôle au motif que, après un long litige, la requérante et l’intervenante étaient convenues d’un compromis d’arbitrage comportant des critères qui étaient destinés à prédéterminer la fixation dudit tarif et, partant, s’étaient soumises à une procédure d’arbitrage dont l’issue était la « conséquence logique » dudit compromis.

165 Certes, ainsi que l’avance la Commission, la jurisprudence n’a pas consacré une obligation générale pour elle d’effectuer, dans tous les cas de figure, une analyse complexe du prix hypothétique de marché qu’aurait payé le bénéficiaire d’une mesure donnée en l’absence de celle-ci afin de constater l’existence d’un avantage au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Ainsi, dans l’hypothèse de l’existence manifeste d’un avantage découlant d’un mécanisme de remboursement, au moyen d’un prélèvement parafiscal, de la différence entre le tarif d’électricité normalement facturé aux entreprises et le tarif préférentiel accordé, la Cour a exigé la démonstration de l’existence de circonstances particulières rendant une telle analyse nécessaire (voir, en ce sens, ordonnance du 21 janvier 2016, Alcoa Trasformazioni/Commission, C‑604/14 P, non publiée, EU:C:2016:54, points 38 à 40, confirmant l’arrêt du 16 octobre 2014, Alcoa Trasformazioni/Commission, T‑177/10, EU:T:2014:897, points 82 à 84).

166 Force est toutefois de constater que les faits à l’origine de la présente affaire ne sont pas comparables à ceux de l’affaire ayant donné lieu à la jurisprudence citée au point 165 ci-dessus, dans laquelle l’existence d’un avantage ne faisait pas de doute. En effet, en l’espèce, l’existence d’un éventuel avantage lié au tarif en cause était non seulement fort controversée entre les parties, mais également difficile à déterminer, ce dont atteste la motivation détaillée et complexe des votes majoritaire et minoritaire exposée dans la sentence arbitrale, dont le vote minoritaire conteste le bien-fondé de l’appréciation de la majorité des arbitres précisément quant aux points contestés dans le cadre du présent litige. La Commission ne pouvait donc ni conclure à l’absence de circonstances particulières au sens de cette jurisprudence qui lui auraient permis de renoncer à une telle appréciation de l’existence d’un avantage, ni écarter tout doute à cet égard sur le fondement de son appréciation exposée aux points 43 à 48 de la seconde décision attaquée. En particulier, elle n’est pas fondée à arguer que les critères du compromis d’arbitrage, tels que lus à la lumière des éléments vagues énoncés dans les décisions nos 692/2011 et 798/2011 de la RAE, avaient prédéterminé, avec suffisamment de précision, le résultat de la procédure d’arbitrage, de sorte que celui-ci devait être considéré comme étant la « conséquence logique » et prévisible pour la requérante desdits critères. Au contraire, la situation à laquelle la Commission était confrontée par la seconde plainte de la requérante est comparable à celle de la saisine d’une juridiction civile ordinaire aux fins de l’interprétation et de la clarification des dispositions d’un contrat de droit civil dont la portée est contestée entre les parties, et concernant laquelle la Commission estime disposer elle-même d’une compétence de contrôle, comme le démontrent les faits de l’affaire parallèle au présent litige qui se trouvent à l’origine de l’arrêt du 11 décembre 2019, Mytilinaios Anonymos Etairia – Omilos Epicheiriseon (C‑332/18 P, EU:C:2019:1065).

167 En effet, en l’espèce, les circonstances particulières qui auraient dû amener la Commission à examiner, de manière diligente, suffisante et complète (voir la jurisprudence citée aux points 116 et 117 ci-dessus), l’éventuel octroi d’un avantage à l’intervenante par la sentence arbitrale et à effectuer des appréciations économiques et techniques complexes à cet effet, avant d’écarter tout doute ou difficulté sérieuse quant à l’absence de réunion de la notion d’aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, sont les suivantes.

168 En premier lieu, le compromis d’arbitrage se borne à indiquer que l’intervenante et la requérante « sont convenues de recourir d’un commun accord à l’arbitrage visé à l’article 37 de la loi no 4001/2011 afin que, en application des principes fondamentaux de tarification pour les clients haute tension, tels que formulés par la RAE dans sa décision no 692[/2011], mais aussi compte tenu [...] de la décision no 798[/2011] et [...] de la sentence no 8/2010 du tribunal arbitral, la RAE met à jour et adapte les conditions de tarification figurant dans le projet de contrat [de fourniture d’électricité] dressé le 5 octobre 2010 en vue de la réalisation de l’accord[-cadre], et qu’elle élabore, dans le cadre des[dites] décisions [...], les conditions contractuelles d’approvisionnement entre les parties applicables à partir du 6 juin 2011, de sorte que ces conditions, d’une part, correspondent au profil de consommation [de l’intervenante] et, d’autre part, couvrent au moins les coûts de [la requérante]. » Or, contrairement à ce qu’estime la Commission, force est de constater que, en particulier, les critères du « profil de consommation [de l’intervenante] » et des « coûts de [la requérante] » ne permettent pas d’en déduire aisément un montant approprié du tarif de l’électricité recherché, ce qui se voit confirmé par l’analyse détaillée et complexe que le tribunal arbitral était amené à effectuer à cet égard (voir points 171 à 184 ci-après).

169 En deuxième lieu, s’agissant de la méthode de tarification, la décision no 692/2011 de la RAE se limite à énoncer, notamment, que « [l]es prix doivent refléter les coûts réels d’approvisionnement en électricité[...] et couvrir le coût de production tel qu’il apparaît sur le marché de gros [...], le coût de l’activité de commercialisation et de gestion des clients […] et un bénéfice raisonnable ». Concernant les « clients importants », dont « les clients moyenne et haute tension », comme l’intervenante, il est prévu la possibilité « de proposer des tarifications individualisées, adaptées à leurs caractéristiques et aux services proposés et convenus entre le fournisseur et le client ». La facturation de la fourniture en électricité doit être de nature à, notamment, « refléter le plus possible les coûts à court terme et à long terme que génèrent la forme de la courbe de charge et le volume de la consommation des catégories de consommateurs dans le système de production de l’électricité ». En outre, « [l]es prix proposés par catégorie de clients peuvent être différents », en fonction, notamment, de la courbe de charge et du coefficient de charge. Par ailleurs, « [l]a différenciation des tarifs en fonction de l’heure, du jour ou de la saison présuppose l’existence de dispositions de mesures spécifiques » et « les zones et les tarifs fixés correspondants devront prendre en compte la courbe de charge de la catégorie de clients concernée ». Enfin, « [e]n ce qui concerne les consommations très importantes, il convient également de prendre en compte le résultat positif ou négatif que peut avoir l’activité de ces consommateurs très importants dont la consommation, à elle seule, peut affecter le fonctionnement et donc les coûts totaux du système ». Il en résulte que les critères de tarification énoncés par la décision no 692/2011 de la RAE ne prévoient qu’un encadrement méthodologique destiné à déterminer les coûts pertinents et à fixer le tarif de l’électricité, sans pour autant être de nature à prédéterminer à suffisance son montant précis.

170 En troisième lieu, s’agissant des critères applicables afin de résoudre le différend entre la requérante et l’intervenante, la décision no 798/2011 de la RAE ne fournit pas non plus d’indications suffisamment claires et précises à cet effet. Ladite décision indique, premièrement, que « la finalité de la possibilité de conduire des négociations entre les clients [haute tension] et, en particulier, un client présentant le profil de consommation d’électricité d[e l’intervenante] qui représente environ 5 % de la consommation totale du système interconnecté, et le principal fournisseur, à savoir [la requérante], est d’explorer et de quantifier les possibilités d’optimisation du contrat grâce à l’internalisation de tout avantage qui peut apparaître aussi bien dans le cadre du fonctionnement de la programmation journalière des ressources que dans celui de la planification du développement à long terme du système, avantages que peuvent présenter les grandes consommations et, en particulier, celle du volume d[e l’intervenante], dont la consommation, à elle seule, justifie la construction et le fonctionnement rentable d’une unité de production d’électricité de 300 MW, compte tenu également [...] de la combinaison de la taille importante et du coefficient de charge élevé de ce consommateur » et qu’« [i]l va de soi que l’existence ou non d’un consommateur de la taille d[e l’intervenante] exerce une influence déterminante aussi bien sur le plan commercial de [la requérante] que sur l’ensemble du marché de l’électricité ». Deuxièmement, il y est énoncé, notamment, que « le nombre d’heures de faible charge peut [...] constituer un élément de la facturation, à la condition que les parties à la négociation s’accordent sur les conditions réelles de consommation et sur le bouquet énergétique permettant de produire de l’électricité, d’une part, et sur la manière dont cette clause du contrat peut être modifiée, d’autre part ». Troisièmement, il y est relevé que, « dans le cadre du calcul des heures de tarification basse, comme indiqué dans les “[p]rincipes fondamentaux de tarification”, il conviendra de prendre en compte également[, d’une part,] les coûts évités en raison de l’importance de la consommation d[e l’intervenante], en particulier les heures du soir où, si cette consommation n’existait pas, il serait nécessaire de mettre hors tension une unité de base, et[, d’autre part,] la perte de revenu qui pourrait résulter de la diminution à long terme de la consommation, en raison de la perte d’un client qui représente 5 % de la consommation totale dans le système interconnecté ». Il est conclu qu’« il serait opportun de mettre à jour le libellé du projet de contrat [de fourniture d’électricité] proposé sur la base des “[p]rincipes fondamentaux de tarification de l’électricité” (décision no 692/2011 de la RAE), d’une part, et des observations particulières formulées dans le présent document, relatives en particulier aux consommations importantes et stables dans le temps, telles que celles [de l’intervenante], d’autre part ».

171 En quatrième lieu, s’agissant du contenu de la sentence arbitrale, il y a lieu de rappeler que celle-ci se prononce, dans un premier temps, sur le profil de consommation de l’intervenante (voir le vote majoritaire exposé aux points 77 à 99 de ladite sentence), en tant que plus gros consommateur d’énergie, avec une part d’environ 40 % de la consommation totale des clients haute tension en Grèce, qui était dépendante de la requérante, en tant que seul fournisseur en Grèce avec une part de marché qui dépasse 98 % et possédant environ 70 % des centrales de production, dont 100 % des centrales au lignite et des grandes centrales hydroélectriques.

172 Dans un second temps, s’agissant de la détermination des coûts de la requérante et du tarif en cause, il ressort du vote majoritaire, en substance, que, d’une part, le tarif régulé A-150 est devenu inapplicable, à la suite de la libéralisation du marché énergétique grec (points 100 à 112 de la sentence arbitrale) et est incompatible avec le profil de consommation de l’intervenante et, partant, avec le compromis d’arbitrage (points 113 à 118 de ladite sentence), et, d’autre part, qu’un tarif fondé sur le prix marginal du système ne reflète pas les coûts de la requérante (points 119 à 140 de cette sentence).

173 À cet égard, compte tenu de la possibilité d’ajuster le tarif de fourniture, notamment, en fonction du profil de consommation du client, de la structure du marché énergétique grec, de la position dominante de la requérante, ainsi que du bilan de la requérante pour 2011, le tribunal arbitral considère qu’il convient de tenir compte non seulement de ses coûts de fourniture, mais également de ses revenus générés en tant que producteur (points 127 et 128 de la sentence arbitrale). Il précise que ces coûts de fourniture et revenus sont respectivement exposés dans ce bilan comme étant des dépenses (coûts) séparées des activités de fourniture d’énergie et, partant, des revenus séparés desdites activités. En revanche, selon lui, ce qui est désigné, dans le bilan consolidé, comme étant le coût réel de la requérante est la différence entre ces deux flux financiers, ce transfert comptable interne des flux financiers entre les unités de fourniture et de production de la requérante reposant sur ce qui a été désigné comme l’« accord financier bilatéral » (points 123 et 124 de ladite sentence). À cet égard, il rappelle que la décision no 692/2011 de la RAE fait référence aux coûts réels de fourniture d’énergie et les lie, notamment, aux coûts de production d’énergie, à l’instar du marché de « pool » et ses mécanismes individuels (point 125 de cette sentence).

174 Selon le tribunal arbitral, le prix marginal du système ne représente pas les coûts réels de la requérante. En sa qualité d’entreprise verticalement intégrée, ses coûts réels seraient à établir sur une base annuelle, et non horaire, en tenant compte des coûts totaux variables et fixes de toutes les centrales de production d’énergie dont elle dispose, majorés des coûts d’achats effectués par elle auprès de parties tierces par le biais du « système DAS », augmentés par les coûts encourus par les fournisseurs d’énergie en dehors dudit système, conformément aux règles applicables (point 129 de la sentence arbitrale). À cet égard, il rejette la proposition de la requérante de déterminer le tarif en fonction du prix marginal du système sur le fondement d’un rapport établi par un cabinet d’audit (points 131 à 140 de ladite sentence), au motif, notamment, que, conformément à la décision no 692/2011 de la RAE, le prix de la fourniture d’énergie doit être déterminé selon une méthode qui « reflète la courbe de charge et la consommation totale de chaque catégorie de consommateurs et tient compte de la courbe de charge de chaque consommateur ou catégorie de consommateurs [...] au lieu de la courbe de charge du système intégral ». Il en conclut que le tarif proposé par la requérante ne saurait être appliqué à un consommateur comme l’intervenante (points 139 et 140 de cette sentence).

175 S’agissant du tarif proposé par l’intervenante, fondé sur les coûts variables et fixes de l’ensemble des centrales au lignite de la requérante, le tribunal arbitral rappelle, d’une part, que, selon la décision no 692/2011 de la RAE, un tel tarif doit refléter la somme des coûts de production, les coûts de la gestion de la fourniture et une marge bénéficiaire raisonnable (points 141 à 145 de la sentence arbitrale) et, d’autre part, qu’il correspond au « tarif C » décrit par l’expert M. K. qui consiste à refléter le coût minimal à long terme pour chaque consommateur et dont cet expert estime, en substance, qu’il est fondé sur les coûts totaux d’une centrale à charge de base, c’est-à-dire au lignite ou à la houille, à la différence du tarif proposé par la requérante qui repose sur la moyenne pondérée dans le temps du prix marginal du système (points 148 et 149 de ladite sentence). Selon lui, cet avis a été confirmé par d’autres experts, dont le témoignage est résumé aux points 150 à 154 de cette sentence. Il en conclut qu’il correspond à une pratique entièrement appropriée dans le marché énergétique qu’un consommateur comme l’intervenante se voit facturer un tarif fondé sur les coûts totaux d’énergie des centrales à lignite à charge de base et qu’un tel tarif est conforme aux critères établis par la décision no 692/2011 de la RAE (points 155 et 156 de la même sentence).

176 À cet égard, le tribunal arbitral rejette le raisonnement de la requérante visant à remettre en cause cette appréciation, le tarif proposé par celle-ci étant incompatible avec les décisions nos 692/2011 et 798/2011 de la RAE, en ce qu’il implique que les coûts totaux soient attribués de manière égale entre tous les consommateurs, de sorte que chacun d’entre eux se voit facturer le même prix pour chaque heure de la journée. Ce « tarif à distribution horizontale » donnerait lieu à des prix considérablement plus élevés pour des ménages et pour d’autres consommateurs n’ayant pas de profil de consommation typique, soit ceux à charge de pointe (points 156 à 163 et 169 de la sentence arbitrale). Il en est de même de l’argument de la requérante selon lequel les coûts des centrales à lignite à charge de base ne reflètent pas les coûts de fourniture, le litige porté devant lui ne visant pas les coûts de la requérante, mais l’application d’un tarif couvrant ces coûts et tenant compte du profil de consommation de l’intervenante, conformément à la décision no 692/2011 et en tenant compte des décisions nos 798/2011 et 8/2010 de la RAE. Selon ce tribunal, si la tarification proposée par l’intervenante était appliquée séparément à tout consommateur ou à toute catégorie de consommateurs, elle donnerait lieu à la récupération de 100 % des coûts de la requérante durant chaque année, ce qui satisfait aux principes fondamentaux de tarification ainsi qu’aux conditions du compromis d’arbitrage (point 165 de ladite sentence). En outre, il conteste que la tarification proposée par l’intervenante résulte en un subventionnement croisé entre différentes catégories de consommateurs ou puisse fausser la concurrence et rejette les autres arguments de la requérante visant à remettre en cause cette appréciation (points 166 à 183 de cette sentence).

177 Enfin, s’agissant du caractère raisonnable des conditions de fourniture retenues dans le compromis d’arbitrage, le tribunal arbitral expose, aux points 184 à 207 de la sentence arbitrale, essentiellement ce qui suit :

– l’application à l’égard de l’intervenante du tarif fondé sur prix marginal du système, telle que proposée par la requérante, est incompatible avec le compromis d’arbitrage, au motif que ledit tarif ne reflète pas les coûts réels de la requérante (points 185 et 186) ;

– l’application à l’égard de l’intervenante du tarif A-150 est incompatible avec le compromis d’arbitrage (point 187) ;

– parmi toutes les méthodes de tarification proposées, est seule compatible avec le compromis d’arbitrage celle qui impose un tarif forfaitaire à zone unique étalé sur toutes les heures de l’année et fondé sur les coûts des centrales à lignite opérées par la requérante (point 188) ;

– le projet d’accord doit être mis à jour, modifié et configuré en conformité avec ce qui précède ; à cet effet, doit être déterminé le prix découlant dudit tarif, qui correspond aux caractéristiques de consommation de l’intervenante et couvre à tout le moins les coûts de la requérante durant la période en cause (point 189) ;

– la requérante a manqué de fournir suffisamment d’informations établissant le coût réel de ses centrales à lignite durant la période en cause (point 191) ;

– les informations fournies quant aux coûts de production de centrales à houille et à lignite qui auraient pu être ou seront construites à l’avenir ne peuvent être prises en considération, étant donné qu’elles n’ont pas trait aux coûts liés aux centrales existantes durant la période en cause (point 193) ;

– conformément à la déclaration sur l’honneur de M. B. qui fournit des informations circonstanciées, complètes et fiables sur les coûts des centrales à lignite de la requérante durant la période en cause, le coût du lignite combustible se situait en 2009 à 24,5 euros/MWh, alors que le coût d’« énergie », soit le coût fixe augmenté par le coût variable non lié au coût du combustible, plus dépréciation et coût financier de production, était de 12,2 euros/MWh, de sorte que le coût total de production des centrales à lignite était de 36,46 euros/MWh, ajusté à 37,34 euros/MWh en tenant compte du coût raisonnable d’extraction et de commercialisation (point 195) ;

– s’agissant des coûts fixes par unité de la requérante devant être facturés à l’intervenante, le calcul exposé au point 200 de la sentence arbitrale résulte en un montant de 12,1 euros/MWh (point 201) ;

– le tarif correspondant aux caractéristiques de consommation de l’intervenante et couvrant les coûts de la requérante pour la période en cause doit être fixé au montant (net) de 36,6 euros/MWh (24,5 + 12,1) (point 202) ;

– compte tenu du fait, notamment, que, d’une part, en vertu du tarif de janvier 2012, l’intervenante paie à la requérante, au titre de différentes charges, services et coûts, le montant de 4,06 euros/MWh et que, d’autre part, la consommation de l’intervenante reste pratiquement stable durant toute l’année et n’a pas changé durant la période en cause, ce montant présente une estimation raisonnable pour ladite période et fixe le tarif total à 40,66 euros/MWh (36,6 + 4,06) (point 203) ;

– quant aux 4 710 heures, le prix total par unité que la requérante avait consenti de facturer à l’intervenante dans l’accord-cadre était de 40,70 euros/MWh qui incluait toutes les charges exposées au point 1.2 dudit accord-cadre, de sorte qu’il est établi que ce prix couvre tant les coûts de production de la requérante que ces charges (points 204 et 205) ;

– le tarif que la requérante avait consenti à facturer à l’intervenante pour la fourniture d’énergie au titre de l’accord cadre, s’agissant des 4 710 heures de l’année, à savoir 40,7 euros/MWh, s’il est appliqué à la totalité des heures de l’année, couvre les coûts totaux de la requérante, à savoir 36,6 euros/MWh, ce qui est conforme aux caractéristiques de consommation de l’intervenante, au sens du compromis d’arbitrage, si les charges applicables sont ajoutées (40,66 euros/MWh) (point 206).

178 L’appréciation du vote majoritaire de la sentence arbitrale exposée aux points 171 à 177 ci-dessus est contestée par le vote minoritaire de ladite sentence en ses points 217 à 262.

179 S’agissant des coûts de la requérante, le vote minoritaire de la sentence arbitrale soutient, en substance, qu’il ne peut être ignoré le fait que celle-ci opère actuellement, comme durant la période en cause, en tant qu’entreprise verticalement intégrée engagée parallèlement dans la production et dans la fourniture d’énergie. Les coûts réels de la requérante, en cette qualité, sur une base annuelle et non horaire, consisteraient dans les coûts totaux variables et fixes de toutes ses centrales de production d’énergie, durant la période en cause, majorés des coûts d’achats effectués par elle auprès de parties tierces par le biais du « système DAS » et par les coûts encourus par les fournisseurs d’énergie en dehors dudit système, imposés par les règles applicables, y compris les certificats de délivrance d’énergie (PDC), le mécanisme de récupération de coûts variables, le coût d’achat de droits d’émission de CO2, d’autres charges imposées par l’État, telles que les charges de l’usage du système et de réseau, la redevance spéciale grevant les émissions gazeuses polluantes, et toute taxe applicable occasionnellement selon les lois helléniques régissant la fourniture d’électricité. Le niveau de coûts pertinents relevant de la production propre et de la fourniture par des parties tierces variant par jour et par heure, il serait donc raisonnable d’adopter un ratio 70/30 à cet égard. Il serait contraire aux critères du compromis d’arbitrage relatifs aux coûts réels de la requérante, en sa qualité d’entreprise verticalement intégrée, d’isoler ou de se concentrer sur un de ces deux composants, sans tenir compte de l’autre. Pour les mêmes motifs, ces coûts ne sauraient être limités ni aux coûts de production d’énergie ni à une seule catégorie de centrales opérées par la requérante (points 217 à 222 de ladite sentence).

180 Le vote minoritaire de la sentence arbitrale précise les raisons pour lesquelles il estime que le vote majoritaire est fondé sur une méthode erronée de tarification en tenant compte des coûts totaux réels de la requérante (points 227 à 262 de ladite sentence).

181 Selon le vote minoritaire de la sentence arbitrale, d’abord, en substance, le vote majoritaire admet que le prix marginal du système en tant que tel ne reflète pas les coûts réels de la requérante et n’est pas uniquement utilisé aux fins de déterminer ces coûts, mais ledit prix pondéré dans le temps est également un moyen de tarification du volume d’énergie fourni à la requérante par des parties tierces. La méthode proposée par la requérante allouerait le coût de la fourniture aux consommateurs qui est fondé exactement sur les caractéristiques du système, sur la base de la quantité d’énergie consommée par tout consommateur durant chaque heure. Selon cette méthode, les gros consommateurs se verraient facturer un prix moins élevé que les consommateurs de pointe, étant donné que le coût de la fourniture d’énergie serait étalé sur un plus grand nombre d’heures. Cette méthode serait donc pleinement compatible avec les principes établis dans la décision no 692/2011 de la RAE, les critères du compromis d’arbitrage et les intentions des parties contractantes. Il s’agirait d’une méthode fondée sur les coûts qui, premièrement, tient compte du profil de chacun des consommateurs, notamment de leur courbe de consommation et de leur facteur de charge, deuxièmement, reflète de manière plus précise les coûts réels de la fourniture d’énergie (coût de production, coût d’échange, bénéfice raisonnable), troisièmement, ne donne pas lieu à des prix empêchant de nouveaux concurrents d’entrer sur le marché, ce qui serait le cas lorsque la tarification se fonde sur la source d’énergie la moins chère, et, quatrièmement, tient compte du fait que l’intervenante présente, conjointement avec d’autres consommateurs, une demande en énergie durant chaque heure du jour (points 231 et 232 de ladite sentence).

182 Ensuite, le vote minoritaire de la sentence arbitrale rappelle, en substance, les trois rapports techniques d’un cabinet d’audit, aux termes desquels le coût moyen pondéré dans le temps encouru par la requérante concernant la production d’énergie et la fourniture d’électricité par des parties tierces était de 72,42 euros/MWh en 2011 et de 78,53 euros/MWh en 2012. Ces prix devraient être soumis à des remises de volume en conformité avec les exigences du droit de la concurrence (points 233 et 234 de ladite sentence).

183 Par ailleurs, le vote minoritaire de la sentence arbitrale critique le raisonnement relatif à la méthode de tarification, notamment, comme étant incompatible avec les exigences du compromis d’arbitrage et de la décision no 692/2011 de la RAE (points 235 à 249 de ladite sentence). En particulier, la référence forfaitaire aux coûts variables et fixes de la capacité de production la moins chère créerait une image faussée des coûts de la requérante, parce que la combinaison des coûts fixes et variables des centrales de production d’énergie varie selon le nombre d’heures d’activité. Ainsi, la référence à l’énergie produite à base de lignite crée l’impression erronée que le coût sera réduit durant les heures de pointe, étant donné qu’il ne tient compte que des coûts variables d’une catégorie particulière de centrales, et non de la participation de centrales ayant un coût total de production par unité plus élevé durant la même période (point 245 de cette sentence). En outre, la méthode de tarification entérinée par le vote majoritaire ne fournirait pas d’incitants appropriés à un usage plus rationnel de l’énergie, dès lors qu’il limite de manière déraisonnable la capacité des consommateurs à bénéficier de coûts variables plus bas des centrales à lignite (point 246 de la même sentence). Par ailleurs, ladite méthode créerait un risque élevé de barrières d’entrée sur le marché au détriment de nouveaux concurrents tout en renforçant la possibilité de pratiquer le dumping illégal. Il ne serait pas non plus justifié d’établir un lien entre le tarif auquel peut prétendre l’intervenante et les coûts des centrales à lignite, celles-ci injectant toute l’énergie produite dans le « pool », ce qui rendrait impossible de vérifier l’existence d’un tel lien. Ainsi, les consommateurs contribuant à la formation de la totalité de la demande se verraient approvisionner en énergie par un mélange de centrales à coûts bas, intermédiaires ou élevés et variables en fonction des heures de consommation. L’intervenante ne serait pas une exception à cet égard, mais contribuerait à la demande du système durant tant les heures de pointe que les heures creuses, de sorte que le tarif devrait refléter le coût moyen opérationnel de toutes les centrales (points 247 et 248 de la sentence en question).

184 Enfin, le vote minoritaire de la sentence arbitrale conteste la méthode de détermination du prix unitaire qui consiste à lier la charge de base à l’unité de charge de base (points 250 à 262 de ladite sentence). Pour des raisons de logique et de cohérence systémique, une telle méthode devrait être fondée sur les coûts fixes et variables totaux de la centrale à lignite et non sur un mélange d’éléments de coûts découlant de plusieurs approches méthodologiques. En outre, un tel calcul concernerait essentiellement les coûts d’une centrale existante du fournisseur en cause et ne devrait pas tenir compte de modèles hypothétiques (point 251 de cette sentence). S’agissant des coûts variables des centrales à lignite, le vote minoritaire conteste le bien-fondé des conclusions de M. B. (points 252 et 253 de la même sentence). En substance, il considère comme non prouvé que le tarif de 40,7 euros/MWh prévu par l’accord-cadre couvre les coûts de production et les charges de la requérante (points 254 et suivants de la sentence concernée) et estime que le tarif ne saurait en aucun cas être plus bas que 46,08 euros/MWh en tenant compte de 33,98 euros/MWh en tant que coût moyen du lignite, etc. et de 12,1 euros/MWh de coût d’énergie (points 262 et 274 d’une telle sentence). Enfin, il remet en doute les conclusions du vote majoritaire à l’aune des règles en matière d’aides d’État (points 263 à 268 de la sentence en question).

185 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que, sous peine de nourrir des doutes ou des difficultés sérieuses, la Commission n’était pas en droit de refuser de vérifier, sur le fondement d’une analyse complexe des conditions normales du marché, si le tarif en cause, tel que fixé par le vote majoritaire de la sentence arbitrale, était susceptible de conférer à l’intervenante un avantage et, partant, une aide d’État.

186 D’une part, l’exposé détaillé des motifs controversés sous-tendant les votes majoritaire et minoritaire de la sentence arbitrale démontre que la détermination de la méthode de tarification appropriée et, notamment, des coûts « réels » de la requérante implique des appréciations économiques et techniques complexes relatives tant à la structure et au fonctionnement du marché énergétique grec qu’aux situations économiques respectives de l’intervenante et de la requérante, y compris leurs relations transactionnelles, qui sont pertinentes pour déterminer si un tarif de fourniture d’énergie correspond à un « prix du marché ». Or, ainsi qu’il ressort des considérations exposées aux points 164 à 185 ci-dessus, en se limitant à appliquer le principe de l’opérateur privé à la question de savoir si un tel opérateur se serait soumis, à l’instar de la requérante, à l’arbitrage, la Commission a délégué ces appréciations complexes aux instances helléniques tout en méconnaissant son propre devoir de contrôle rappelé aux points 143 à 148 ci-dessus, voire en commettant une erreur de droit et d’appréciation à cet égard.

187 D’autre part, eu égard aux éléments détaillés et contradictoires exposés par les votes majoritaire et minoritaire de la sentence arbitrale, il y a lieu de relever que, à l’aune des éléments d’information soumis par la requérante au cours de la procédure administrative, dont les trois rapports techniques d’un cabinet d’audit, la Commission aurait dû effectuer sa propre analyse de la question de savoir si, notamment, la méthode de détermination des coûts de la requérante, telle qu’appliquée par le tribunal arbitral, était tant appropriée que suffisamment plausible pour établir que le tarif en cause était conforme aux conditions normales du marché, sous peine de nourrir des difficultés sérieuses ou des doutes, au sens de l’article 4, paragraphes 3 et 4, du règlement 2015/1589, quant à son caractère d’aide d’État, qui aurait dû l’amener à décider d’ouvrir la procédure formelle d’examen au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

188 À cet égard, la Commission aurait notamment dû éprouver des doutes eu égard aux éléments controversés suivants :

– la caractérisation des coûts de la requérante en raison de sa qualité d’entreprise verticalement intégrée, dont le bilan consolidé repose sur un transfert comptable interne des flux financiers entre les unités de fourniture et de production de la requérante (sur le fondement du dit « accord financier bilatéral ») (voir point 173 ci-dessus) ;

– la prétendue nécessité d’établir les coûts réels de la requérante sur une base annuelle et non horaire en tenant compte, notamment, des coûts totaux variables et fixes de toutes les centrales de production d’énergie dont elle dispose (voir point 174 ci-dessus) ;

– la pertinence du choix entre le tarif proposé par « DEI/PwC », fondé sur le prix marginal du système et sur la moyenne pondérée dans le temps conduisant à un « tarif à distribution horizontale », d’une part, et le tarif proposé par l’intervenante qui repose sur le coût fixe et variable des centrales de lignite de la requérante, soit sur le coût minimal à long terme pour chaque consommateur, d’autre part (voir point 174 ci-dessus) ;

– le lien de ces tarifs proposés avec le besoin de couvrir les coûts (variables et fixes) réels de la requérante et sa conséquence pour les tarifs à facturer aux différents profils de consommation, soit à charge de base, dont celui de l’intervenante, soit à charge de pointe ou élevée (voir point 174 ci-dessus) ;

– les incidences éventuelles du choix de la méthode de tarification sur la concurrence sur le marché énergétique grec (voir point 176 ci-dessus) ;

– le caractère suffisant des éléments d’information fournis par la requérante afin d’établir ses coûts réels, notamment ceux liés à l’activité de ses centrales de production au lignite (voir point 177 ci-dessus).

189 Force est de constater que, contrairement à ce qu’elle estime, la Commission n’a pas, dans la seconde décision attaquée, satisfait aux exigences de contrôle qui lui incombaient à l’aune de la notion objective de doutes ou de difficultés sérieuses, en tenant compte, à titre seulement « indicatif » selon elle, du cadre réglementaire du marché de l’électricité en Grèce (points 18, 20, 21, 29, 33, 37, 40 et 41 et notes en bas de page nos 5, 6 et 13 à 18), du profil de consommation de l’intervenante (point 31 et note en bas de page no 3), des caractéristiques de la requérante en tant que producteur et fournisseur d’électricité (point 30 et note en bas de page no 7), et des circonstances générales du litige entre la requérante et l’intervenante (sections 2.1 et 2.2 et points 34 à 38 et 42).

190 En outre, eu égard au fait que la Commission a omis d’examiner ces éléments économiques et techniques complexes, le cas échéant à l’aide d’experts internes ou externes, et de motiver la seconde décision attaquée de la sorte, il n’est ni nécessaire ni juridiquement possible pour le Tribunal de substituer son appréciation à celle de la Commission. En effet, à cet égard, il n’appartient pas au juge de l’Union de substituer son appréciation économique à celle de la Commission, ni de combler une éventuelle lacune dans la motivation de la décision litigieuse par des motifs étrangers à celle-ci, sous peine d’excéder les limites de son contrôle de la légalité au titre de l’article 263 TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 24 janvier 2013, Frucona Košice/Commission, C‑73/11 P, EU:C:2013:32, points 75, 88 et 89 ; du 24 octobre 2013, Land Burgenland e.a./Commission, C‑214/12 P, C‑215/12 P et C‑223/12 P, EU:C:2013:682, points 77 et 78 et jurisprudence citée, et du 11 décembre 2019, Mytilinaios Anonymos Etairia – Omilos Epicheiriseon, C‑332/18 P, EU:C:2019:1065, points 128 à 131).

191 Il en résulte que, en l’occurrence, le Tribunal ne saurait apprécier le bien-fondé des différents griefs et arguments de la requérante quant au caractère éventuellement erroné en droit ou en fait de l’appréciation du tribunal arbitral qui sous-tend la détermination du tarif en cause, ni la question de savoir si le cas d’espèce est comparable ou non à la situation à l’origine de la décision Alcoa. En effet, les éléments exposés ci-dessus sont suffisants pour conclure que, en l’absence d’examen plus poussé des éléments d’information pertinents pour l’application du critère d’avantage, en particulier de la question de savoir si le tarif en cause correspondait aux conditions normales du marché, la Commission aurait dû éprouver des difficultés sérieuses ou avoir des doutes au sens de l’article 4, paragraphes 3 et 4, du règlement 2015/1589 exigeant qu’elle ouvre la procédure formelle d’examen.

c) Conclusions sur l’affaire T‑740/17

192 Dès lors, les troisième et quatrième moyens et les première et deuxième branches du cinquième moyen doivent être accueillis, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres branches dudit moyen.

193 Par conséquent, le recours dans l’affaire T‑740/17 doit être accueilli et la seconde décision attaquée être annulée, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur les autres moyens.

194 La seconde décision attaquée étant ainsi déclarée nulle et non avenue, au sens de l’article 264, premier alinéa, TFUE, elle est éliminée rétroactivement de l’ordre juridique et censée n’avoir jamais existé (voir, en ce sens, arrêt du 28 mars 2019, River Kwai International Food Industry/AETMD, C‑144/18 P, non publié, EU:C:2019:266, points 45 à 57). Il en résulte que ladite décision n’était susceptible d’abroger et de remplacer ni la première décision attaquée ni la lettre litigieuse.

195 Dès lors, ainsi que la Commission l’a reconnu à l’audience dans cette hypothèse, les affaires T‑639/14 RENV et T‑352/15 n’ont pas perdu leur objet et il convient de se prononcer sur les recours dans lesdites affaires.

C. Sur l’affaire T‑352/15

196 S’agissant du recours dans l’affaire T‑352/15, il suffit de constater que, premièrement, eu égard à ce qui est exposé aux points 194 et 195 ci-dessus, il conserve son objet, de sorte que la demande de non-lieu à statuer de la Commission doit être rejetée.

197 Deuxièmement, pour les motifs exposés aux points 70 à 103 ci-dessus, qui s’appliquent mutatis mutandis à la première décision attaquée dont le contenu est presque identique à celui de la seconde décision attaquée, il y a lieu de déclarer le recours recevable.

198 En effet, les moyens d’annulation invoqués à l’appui dudit recours sont précédés d’une partie introductive précisant son objet qui consiste à invoquer l’existence de « doutes [sérieux] » ou de « difficultés sérieuses » au sens de la jurisprudence. De même, dans le cadre des premier, troisième, quatrième, cinquième et sixième moyens, il est fait explicitement référence aux notions de « doutes » ou de « difficultés sérieuses » (points 61, 62, 87, 100, 114, 119, 134, 158, 176 et 196 de la requête). S’agissant du deuxième moyen, tiré d’une méconnaissance de l’obligation de motivation et d’examen diligent et complet du cas d’espèce, qui revêt un caractère essentiellement formel et procédural, les considérations exposées au point 100 ci-dessus s’appliquent mutatis mutandis.

199 Troisièmement, eu égard à ce contenu presque identique des décisions attaquées, pour les motifs exposés aux points 138 à 192 ci-dessus, il convient d’accueillir les deuxième et troisième moyens et les première et deuxièmes branches du quatrième moyen qui correspondent aux troisième et quatrième moyens et aux première et deuxième branches du cinquième moyen dans l’affaire T‑740/17.

200 Il s’ensuit que le recours dans l’affaire T‑352/15 doit être accueilli également et la première décision attaquée être annulée, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres branches et les autres moyens présentés par la requérante.

201 Conformément à ce qui est exposé au point 194 ci-dessus, la première décision attaquée étant nulle et non avenue, elle n’était pas de nature à abroger et à remplacer la lettre litigieuse, de sorte que l’affaire T‑639/14 RENV ne pouvait perdre son objet pour ce motif.

202 Dès lors, il y a lieu de se prononcer sur l’affaire T‑639/14 RENV pour cette raison également.

D. Sur l’affaire T‑639/14 RENV

1. Sur la demande de non-lieu à statuer et sur la recevabilité

203 À titre liminaire, il y a lieu de rejeter la demande de non-lieu à statuer de la Commission pour les motifs exposés aux points 194 et 201 ci-dessus.

204 S’agissant de la recevabilité du recours, il suffit de rappeler les motifs exposés aux points 70 à 103 ci-dessus qui s’appliquent mutatis mutandis à la lettre litigieuse et dont il résulte aussi que celle-ci constitue un acte attaquable.

205 À cet égard, la Cour a, en effet, jugé que, par l’adoption de la lettre litigieuse, la Commission avait pris un acte de classement de l’affaire par lequel elle avait décidé de mettre fin à la procédure préliminaire d’examen déclenchée par la plainte de la requérante, avait constaté que l’enquête entamée n’avait pas permis de conclure à l’existence d’une aide au sens de l’article 107 TFUE et avait, dès lors, refusé d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE. Selon elle, la Commission a ainsi adopté une position définitive sur la demande de la requérante tendant à faire constater une violation des articles 107 et 108 TFUE. Elle a précisé que, comme cette lettre avait empêché la requérante de présenter ses observations dans le cadre d’une procédure formelle d’examen, ladite lettre avait produit des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la requérante. Elle en a conclu que cette décision constituait un acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 31 mai 2017, DEI/Commission, C‑228/16 P, EU:C:2017:409, points 30 et 31 et jurisprudence citée).

206 En outre, les moyens soulevés à l’appui du recours sont précédés d’une partie introductive précisant son objet qui consiste à invoquer l’existence de « doutes [sérieux] » ou de « difficultés sérieuses » au sens de la jurisprudence (voir points 51 à 53 de la requête). De même, il est fait expressément référence aux notions de « doutes » ou de « difficultés sérieuses » dans le cadre des deuxième et troisième moyens relatifs aux critères d’imputabilité (points 90 et 128 de la requête) et d’avantage (points 145 et 152 de la requête). S’agissant des premier et quatrième moyens, il suffit de constater qu’ils sont d’ordre formel et procédural et précisément liés à la question de savoir si la Commission a instruit et motivé tous les éléments pertinents et nécessaires pour surmonter les doutes ou les difficultés se présentant dans le cadre de la phase préliminaire d’examen (voir, en ce sens, arrêts du 10 juillet 2012, Smurfit Kappa Group/Commission, T‑304/08, EU:T:2012:351, point 81 ; du 20 juin 2019, a&o hostel and hotel Berlin/Commission, T‑578/17, non publié, EU:T:2019:437, point 59 et jurisprudence citée, et du 12 septembre 2019, Achemos Grupė et Achema/Commission, T‑417/16, non publié, EU:T:2019:597, point 52 et jurisprudence citée).

207 Par conséquent, il y a lieu de déclarer le recours recevable concernant l’ensemble des moyens soulevés à son appui.

2. Sur le fond

a) Sur les moyens d’annulation

208 Au soutien du présent recours, la requérante invoque quatre moyens d’annulation.

209 Par le premier moyen, la requérante fait valoir que la lettre litigieuse est entachée d’une violation d’une forme substantielle, au motif que la Commission n’a pas respecté les conditions procédurales requises pour adopter une décision de classement d’une plainte.

210 Par le deuxième moyen, la requérante soutient que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation « en droit et en fait » en ce qui concerne l’interprétation et l’application des articles 107 et 108 TFUE, en estimant que la mesure en cause n’était pas imputable à l’État grec et, partant, ne constituait pas une aide d’État.

211 Par le troisième moyen, la requérante estime que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation « en droit et en fait » en ce qui concerne l’interprétation et l’application des articles 107 et 108 TFUE, en estimant que la mesure en cause n’avait pas pour effet de procurer un avantage à l’intervenante.

212 Par le quatrième moyen, la requérante soutient que la Commission a violé son obligation de motivation, son obligation d’examiner tous les éléments pertinents de fait et de droit ainsi que le principe de « bonne administration ».

b) Sur le premier moyen, tiré d’une violation d’une forme substantielle

213 La requérante soutient, en substance, que la lettre litigieuse est entachée d’un vice de forme ou de procédure, étant donné que, à la place de ladite lettre, signée par un chef d’unité de la DG « Concurrence » et adressée à elle, la Commission était tenue d’adopter une décision formelle au titre de l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2015/1589 et de l’adresser à la République hellénique.

214 La Commission, soutenue par l’intervenante, rétorque que la première décision attaquée a été adoptée par le collège des commissaires, en vertu de l’article 4 du règlement 2015/1589, de sorte que la lettre litigieuse, telle que complétée par ladite décision, n’est pas entachée d’une violation d’une forme substantielle. Elle précise que la requérante continue de confondre son argumentation principale selon laquelle cette décision a valablement remplacé cette lettre et qu’il convient donc de prononcer un non-lieu à statuer, avec son argumentation subsidiaire selon laquelle ladite décision a remédié aux vices de ladite lettre. Or, les « éléments ajoutés » par la même décision seraient précisément ceux destinés à cet effet.

215 À cet égard, il suffit de constater que, d’une part, la Commission a reconnu, au plus tard par l’adoption de la seconde décision attaquée, que le présent moyen était fondé. En effet, la lettre litigieuse constitue une prise de position définitive des services de la Commission sur les plaintes de la requérante en procédant à leur classement. Or, il résulte d’une jurisprudence constante qu’une telle lettre recèle une décision attaquable, adoptée au terme de la phase d’examen préliminaire, au titre de l’article 4, paragraphes 2 ou 3, du règlement 2015/1589, qui est implicitement adressée à l’État membre concerné et qui doit donc être prise par la Commission en tant qu’organe collégial (voir, en ce sens, arrêts du 17 juillet 2008, Athinaïki Techniki/Commission, C‑521/06 P, EU:C:2008:422, points 37 à 40 ; du 16 décembre 2010, Athinaïki Techniki/Commission, C‑362/09 P, EU:C:2010:783, point 63, et du 31 mai 2017, DEI/Commission, C‑228/16 P, EU:C:2017:409, point 29).

216 D’autre part, la Commission reconnaît que la lettre litigieuse n’a pas été adoptée conformément aux règles de procédure pertinentes à cet effet (voir point 222 ci-après), ce qui constitue précisément la justification invoquée par elle aux points 8 et 51 de la seconde décision attaquée et dans le cadre de sa défense dans l’affaire T‑740/17 aux fins du retrait et du remplacement de ladite lettre par cette décision, conformément aux exigences posées par la Cour dans son arrêt du 31 mai 2017, DEI/Commission (C‑228/16 P, EU:C:2017:409, points 32, 40 et 41).

217 Dès lors, le présent moyen doit être accueilli.

c) Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation « en droit et en fait » en ce qui concerne l’interprétation et l’application des articles 107 et 108 TFUE liée au critère d’imputabilité

218 La requérante soutient, en substance, que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation « en droit et en fait » dans l’interprétation des articles 107 et 108 TFUE en affirmant que la sentence arbitrale ne pouvait constituer une mesure d’aide imputable à l’État grec. Selon elle, le recours à l’arbitrage est un mécanisme alternatif au règlement des différends par les juridictions ordinaires tout en produisant essentiellement les mêmes effets juridiques, notamment quant au caractère obligatoire et exécutoire de la décision finalement rendue. Elle estime que, de par sa nature et de par son objet, ladite sentence est un acte de la puissance publique imputable à l’État grec, qui l’oblige, de manière juridiquement contraignante et avec force exécutoire, de dispenser des ressources d’État. Elle en conclut que le tarif en cause est imputable à l’État grec, de sorte que la Commission aurait dû, à tout le moins, éprouver des « doutes sérieux » et, partant, ouvrir la procédure formelle d’examen pour lui permettre, notamment, de présenter ses observations.

219 La Commission, soutenue par l’intervenante, relève que les deuxième et troisième moyens sont liés aux conditions d’imputabilité et d’avantage. Dans le mémoire en défense, elle se limite à alléguer que, étant donné que les conditions requises pour conclure à l’existence d’une aide d’État sont cumulatives, il suffit que l’absence de réunion d’une de ces deux conditions soit établie pour qu’il puisse être conclu à l’absence d’une aide d’État. Par la suite, elle s’exprime exclusivement sur la question de savoir si l’existence d’un avantage peut être exclue au motif que la requérante a agi comme un investisseur privé avisé.

220 Dans la duplique, la Commission ajoute que les deuxième et troisième moyens sont inopérants, aucun d’entre eux n’étant, à lui seul, de nature à conduire à l’annulation de la lettre litigieuse. Étant donné que ladite lettre est fondée sur l’absence conjointe des conditions d’imputabilité et d’avantage pour conclure à l’absence d’aide d’État, à cet effet, la requérante aurait dû soulever un seul moyen tiré d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE pour cause d’appréciation erronée de l’absence tant d’imputabilité que d’avantage. Or, le deuxième moyen ne serait pas, à lui seul, de nature à conduire à une telle annulation, « puisque l’absence d’avantage échappe à l’argumentation dudit moyen et suffit pour conclure à l’absence d’aide d’État ». Il en irait de même du troisième moyen, « puisque l’absence d’imputabilité échappe à l’argumentation dudit moyen et suffit pour conclure à l’absence d’aide d’État ».

221 La Commission précise, en substance, que l’absence d’imputabilité ne constitue pas la « partie essentielle » de la motivation de la lettre litigieuse. Cet aspect, de même que celui de l’absence d’avantage n’auraient été abordés dans cette lettre que succinctement, et la conclusion relative à l’absence d’aide d’État aurait été fondée sur ces deux éléments de même importance. En revanche, la motivation de la première décision attaquée se serait concentrée sur l’absence d’avantage, celle-ci ayant été suffisante pour conclure à l’absence d’aide d’État. La lettre litigieuse n’aurait donc exposé qu’une conclusion « tout à fait préliminaire » à ce sujet, non structurée aussi clairement que dans une décision formelle de la Commission.

222 La Commission conteste avoir eu l’intention d’éviter un contrôle juridictionnel de la lettre litigieuse. Elle indique que ladite lettre est l’expression purement préliminaire du point de vue de ses services. Elle précise que c’est seulement par erreur et, partant, de manière illégale, que, dans cette lettre, l’agent signataire a formulé de façon définitive le point de vue desdits services. Elle affirme que cette violation d’une forme substantielle a toutefois été régularisée par l’adoption de la seconde décision attaquée exposant sa réponse définitive en bonne et due forme. La requérante ne saurait justifier d’un intérêt légitime à ce que soit examinée une motivation précise de la lettre en question, notamment celle portant sur l’imputabilité, un tel intérêt supposant que le recours soit susceptible, par son résultat, de lui procurer un bénéfice.

223 Il y a lieu de rappeler que, d’une part, dans la lettre litigieuse, s’agissant de la question de savoir si la sentence arbitrale est imputable à l’État grec, il est énoncé, notamment, que la requérante n’a pas démontré que « le tribunal arbitral était un organisme exerçant des pouvoirs publics, eu égard en particulier au fait que tant [la requérante que l’intervenante] ont eu recours à l’arbitrage volontairement, sans qu’il y ait eu une obligation légale à cet effet ». En outre, il y est considéré que, compte tenu du fait que le tribunal arbitral avait le mandat de fixer un tarif conformément aux principes généraux régissant la procédure d’arbitrage, ainsi que des décisions et des lignes directrices précédemment adoptées par la RAE en la matière, « l’État [grec] ne sembl[ait] pas [avoir été] en mesure d’exercer une influence déterminante sur [ladite sentence] ». La Commission a ainsi réitéré sa position « exprimée dans la lettre du 6 mai 2014 s’agissant de l’absence d’imputabilité à l’État [grec] de [cette sentence] ». D’autre part, elle a rejeté les allégations de la requérante selon lesquelles le tarif en cause était inférieur à ses coûts, notamment au motif que la même sentence reconnaissait explicitement que ce tarif couvrait les coûts de la requérante en sus d’un bénéfice raisonnable, tout en prenant en compte le profil de consommation de l’intervenante. Elle a ainsi également réitéré sa position « exprimée dans la lettre du 6 mai 2014 sur l’absence d’un avantage sélectif découlant de la mesure en cause » (voir également au point 16 ci-dessus).

224 Il en ressort que la Commission a effectivement considéré dans la lettre litigieuse, d’une part, que la sentence arbitrale n’était pas imputable à l’État grec et, d’autre part, que la fixation du tarif en cause dans ladite sentence ne comportait pas d’avantage en faveur de l’intervenante. Partant, sa conclusion relative à l’absence d’aide d’État reposait sur ces deux éléments parallèlement.

225 En revanche, dans les décisions attaquées, la Commission ne réitère pas les considérations exposées dans la lettre litigieuse concernant l’absence d’imputabilité de la sentence arbitrale à l’État grec. Au contraire, elle ne fait plus aucune référence à cette appréciation, ni ne se prononce sur une éventuelle qualification du critère d’imputabilité, et ce nonobstant le fait que, d’une part, le résumé des plaintes figurant aux points 11 desdites décisions tient compte de l’argument de la requérante selon lequel ladite sentence était imputable à l’État grec et que, d’autre part, les points 24 de ces décisions mentionnent ce critère en tant que partie intégrante de la notion d’aide.

226 Il convient de préciser que la Commission procède de la même façon dans le cadre de ses écritures en cours d’instance, dans lesquelles elle évite de prendre position sur le critère d’imputabilité et de se défendre spécifiquement contre les griefs invoqués à l’appui du deuxième moyen. En revanche, elle se concentre sur sa réponse au troisième moyen lié à l’existence d’un avantage tout en alléguant qu’il suffit qu’un des critères constitutifs de la notion d’aide ne soit pas rempli pour justifier l’adoption d’une décision au titre de l’article 4, paragraphe 2, du règlement 2015/1589. Enfin, lors de l’audience, même à la suite d’une question précise posée par le Tribunal à cet égard, la Commission a adopté une approche analogue.

227 S’agissant du critère d’imputabilité, il convient de rappeler la jurisprudence constante selon laquelle, pour que des avantages puissent être qualifiés d’« aides » au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, ils doivent, d’une part, être accordés directement ou indirectement au moyen de ressources d’État et, d’autre part, être imputables à l’État. Aux fins de l’appréciation de l’imputabilité d’une mesure à l’État, il importe d’examiner si les autorités publiques ont été impliquées dans l’adoption de cette mesure (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2017, ENEA, C‑329/15, EU:C:2017:671, points 20 et 21 et jurisprudence citée).

228 Ainsi, dans les cas où la législation nationale prescrivait une obligation d’approvisionnement ou d’achat d’électricité ou un mécanisme de soutien et de compensation de coûts de production d’électricité influant sur le montant de son tarif, une jurisprudence constante a reconnu que les obligations correspondantes relevaient d’une mesure imputable à l’État (voir, en ce sens, arrêts du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère! e.a., C‑262/12, EU:C:2013:851, points 16 à 18 ; du 13 septembre 2017, ENEA, C‑329/15, EU:C:2017:671, points 20 à 22, et du 15 mai 2019, Achema e.a., C‑706/17, EU:C:2019:407, points 47 à 49).

229 Or, en l’espèce, seuls les critères de tarification en matière de fourniture d’électricité des clients haute tension, et non le montant précis des tarifs, sont prescrits dans la réglementation hellénique applicable, à savoir, notamment, dans le cadre des « principes fondamentaux de tarification de l’électricité en Grèce » établis dans la décision no 692/2011 de la RAE (voir point 8 ci-dessus). S’agissant de la détermination du montant des tarifs applicables en vertu de ces principes, l’article 37 de la loi no 4001/2011 ne prévoit que la possibilité pour les parties contractantes d’avoir recours à l’arbitrage permanent de la RAE, qui a donné lieu, en l’espèce, à l’adoption de la décision no 346/2012 de la RAE, du 9 mai 2012, fixant un tarif provisoire, et à celle de la sentence arbitrale fixant le tarif en cause, applicable aux relations transactionnelles entre la requérante et l’intervenante (voir points 9 et 12 ci-dessus). L’absence de réglementation contraignante des tarifs de fourniture d’électricité en Grèce se voit confirmée par la procédure entamée devant l’EEA qui a eu pour objet un prétendu abus de position dominante de la part de la requérante visant à facturer des tarifs excessifs et discriminatoires à l’égard de l’intervenante et qui a conduit l’EEA à accepter des engagements comportementaux offerts par la requérante (voir point 13 ci-dessus). Il en résulte que c’est ladite sentence, telle qu’entérinée par l’Efeteio Athinon (cour d’appel d’Athènes), dans son arrêt no 634/2016 du 18 février 2016, qui a imposé, de manière juridiquement contraignante, le tarif en cause à la requérante.

230 S’agissant de la question de savoir si la sentence arbitrale est un acte de puissance publique imputable à l’État grec, il suffit de rappeler les éléments exposés aux points 150 à 158 ci-dessus pour constater que la requérante a démontré à suffisance de droit que tel était le cas.

231 En effet, ces éléments établissent que, de par sa nature et de par ses effets juridiques, la sentence arbitrale est comparable à des jugements d’une juridiction ordinaire hellénique, de sorte qu’elle doit être qualifiée d’acte de puissance publique. Cela est notamment démontré par le fait qu’elle a fait l’objet de recours devant l’Efeteio Athinon (cour d’appel d’Athènes). Il en résulte également que les tribunaux arbitraux établis et opérant conformément à l’article 37 de la loi no 4001/2011 font, à l’instar des juridictions ordinaires helléniques auxquelles ils peuvent se substituer, partie intégrante du système de protection juridictionnelle étatique grec.

232 C’est donc par erreur que la Commission a conclu, dans la lettre litigieuse, d’une part, qu’il n’aurait pas été démontré par la requérante que « le tribunal arbitral était un organisme exerçant des pouvoirs publics, eu égard en particulier au fait que tant [la requérante] que [l’intervenante] ont eu recours à l’arbitrage volontairement, sans qu’il y ait eu une obligation légale à cet effet », et, d’autre part, que « l’État [grec] ne semble pas [avoir été] en mesure d’exercer une influence déterminante sur la sentence arbitrale ». En effet, le fait pour les parties d’avoir saisi un tribunal arbitral volontairement ou en commun accord, comme en l’espèce, ne constitue pas un critère de différenciation pertinent à cet égard, étant donné que même la saisine d’une juridiction ordinaire hellénique aurait été aussi volontaire.

233 Cette conclusion suffit pour considérer que la Commission aurait dû éprouver des difficultés sérieuses ou des doutes quant à l’existence d’une aide d’État ou, à tout le moins, qu’elle n’était pas en droit d’écarter de tels doutes au motif que la sentence arbitrale n’était pas imputable à l’État grec. Cela est d’autant plus vrai qu’une aide d’État peut également être octroyée par le truchement ou à l’aide de l’intervention d’une juridiction étatique qui ne respecte pas ses obligations au titre de l’article 108, paragraphe 3, TFUE (voir la jurisprudence citée au point 147 ci-dessus).

234 Dès lors, le présent moyen doit être accueilli, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs avancés à son appui.

235 Par conséquent, les premier et deuxième moyens devant être accueillis, il y a lieu d’annuler la lettre litigieuse, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les autres moyens.

E. Conclusion sur les affaires jointes T‑639/14 RENV, T‑352/15 et T‑740/17

236 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que les recours dans les affaires jointes T‑639/14 RENV, T‑352/15 et T‑740/17 doivent être accueillis et les actes attaqués être annulés, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des observations de la requérante sur le rapport d’audience, y compris de ses annexes, dans la mesure où celles-ci sont susceptibles de comporter des offres de preuve nouvelles et tardives au sens de l’article 85 du règlement de procédure, ainsi que sur la demande de la requérante de rouvrir la phase orale de la procédure.

IV. Sur les dépens

237 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

238 Aux termes de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut ordonner qu’une partie intervenante autre que celles mentionnées aux paragraphes 1 et 2 de cet article supporte ses propres dépens. En l’espèce, il y a lieu de décider que l’intervenante supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

déclare et arrête :

1) Dans l’affaire T‑639/14 RENV, la lettre COMP/E3/ΟΝ/AB/ark *2014/61460 de la Commission, du 12 juin 2014, informant Dimosia Epicheirisi Ilektrismou AE (DEI) du classement de ses plaintes, est annulée.

2) Dans l’affaire T‑352/15, la décision C(2015) 1942 final de la Commission, du 25 mars 2015 [affaire SA.38101 (2015/NN) (ex 2013/CP) – Grèce – Aide d’État alléguée en faveur d’Alouminion SA sous la forme de tarifs d’électricité inférieurs aux coûts à la suite d’une sentence arbitrale], est annulée.

3) Dans l’affaire T‑740/17, la décision C(2017) 5622 final de la Commission, du 14 août 2017 [affaire SA.38101 (2015/NN) (ex 2013/CP) – Grèce – Aide d’État alléguée en faveur d’Alouminion SA sous la forme de tarifs d’électricité inférieurs aux coûts à la suite d’une sentence arbitrale], est annulée.

4) La Commission européenne supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par DEI dans les affaires jointes T‑639/14 RENV, T‑352/15 et T‑740/17 ainsi que dans l’affaire C‑228/16 P.

5) Mytilinaios AE – Omilos Epicheiriseon supportera ses propres dépens.