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Décisions

TUE, 10e ch., 22 septembre 2021, n° T-752/16

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Novolipetsk Steel PJSC (NLMK)

Défendeur :

Commission européenne, Eurofer, Association européenne de l’acier, ASBL

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. E. Buttigieg (rapporteur)

Juges :

Mme K. Kowalik Bańczyk, M. G. Hesse

Avocats :

N. Tuominen, M. Krestiyanova, O. Prost, A. Coelho Dias, S. Seeuws

TUE n° T-752/16

22 septembre 2021

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

Antécédents du litige

1 La requérante, Novolipetsk Steel PJSC (NLMK), est une société de droit russe active sur le marché de la fabrication et de la distribution de produits sidérurgiques, notamment, de produits plats laminés à froid en acier (ci-après le « produit concerné »).  

2 À la suite d’une plainte déposée le 1er avril 2015 par Eurofer, Association européenne de l’acier, ASBL (ci-après « Eurofer »), la Commission européenne a publié le 14 mai 2015 un avis d’ouverture d’une procédure antidumping concernant les importations de certains produits plats laminés à froid en acier originaires de la République populaire de Chine et de la Fédération de Russie (JO 2015, C 161, p. 9), conformément au règlement (CE) no 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 2009, L 343, p. 51, rectificatif JO 2010, L 7, p. 22, ci-après le « règlement de base »), remplacé par le règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21).

3 L’enquête relative au dumping et au préjudice a porté sur la période comprise entre le 1er avril 2014 et le 31 mars 2015 (ci-après la « période d’enquête »). L’examen des évolutions pertinentes aux fins de l’évaluation du préjudice a couvert la période allant du 1er janvier 2011 au 31 mars 2015 (ci-après la « période considérée »).

4 Le 25 mai 2015, la requérante a déposé sa réponse au questionnaire d’échantillonnage. Le 12 juin 2015, la Commission a informé la requérante de sa décision de ne pas procéder par échantillonnage et d’enquêter sur tous les exportateurs russes ayant coopéré à la procédure, y compris la requérante.

5 Le 29 juin 2015, la requérante a présenté des observations concernant le préjudice, le lien de causalité entre le préjudice allégué et les importations litigieuses, l’intérêt de l’Union européenne ainsi que la légalité de l’ouverture de la procédure antidumping.

6 Le 27 juillet 2015, la requérante a déposé sa réponse au questionnaire antidumping. Par lettre du 10 septembre 2015, la Commission l’a invitée à pallier à ce qu’elle considérait comme des lacunes dans ses réponses et a indiqué que, sauf accord, aucune nouvelle information ne serait acceptée lors de la visite de vérification. Le 23 septembre 2015, la requérante a transmis à la Commission des informations et des clarifications supplémentaires.

7 Le 24 septembre 2015, la Commission a effectué une visite de vérification sur place dans les locaux de l’un des négociants liés à la requérante établi en Suisse et, entre le 29 septembre et le 2 octobre de la même année, dans les locaux de la requérante à Lipetsk (Russie).

8 Par lettre du 30 octobre 2015, la Commission a informé la requérante de son intention d’appliquer l’article 18 du règlement de base (devenu article 18 du règlement 2016/1036). La Commission a indiqué que l’application de ladite disposition se justifiait, premièrement, par le fait que la requérante n’avait pas fourni les informations nécessaires dans sa réponse au questionnaire antidumping dans les délais prévus, deuxièmement, par le fait qu’elle avait entravé le bon déroulement de la visite de vérification en ne disposant pas dès le début de celle-ci de certains documents demandés à l’avance par la Commission dans la lettre du 10 septembre 2015 mentionnée au point 6 ci-dessus et, troisièmement, par le fait qu’elle avait fourni des informations fausses ou trompeuses.

9 Par lettre du 13 novembre 2015, la requérante a formulé des objections à l’encontre de l’intention de la Commission d’appliquer l’article 18 du règlement de base et lui a demandé de procéder à une seconde visite de vérification au sein de ses locaux, tout en exprimant sa volonté de continuer à coopérer.

10 Le 19 novembre 2015, la requérante a été entendue au cours d’une audition avec les services de la Commission. Le 24 novembre 2015, elle a adressé des observations supplémentaires à la Commission.

11 Le 10 février 2016, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2016/181 instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de certains produits plats laminés à froid en acier originaires de la République populaire de Chine et de la Fédération de Russie (JO 2016, L 37, p. 1, ci-après le « règlement provisoire »). Le règlement provisoire a institué un droit antidumping provisoire de 26,2 % sur les exportations du produit concerné réalisées par la requérante vers l’Union pendant une période de six mois à compter du 12 février 2016.

12 Au considérant 64 du règlement provisoire, la Commission a indiqué que les observations de la requérante du 13 novembre 2015 mentionnées au point 9 ci-dessus ne contenaient aucun nouvel élément vérifiable susceptible de modifier son intention d’utiliser, à ce stade de l’enquête, les données disponibles en vue de déterminer un éventuel dumping pour la société concernée. La Commission a également estimé ne pas avoir imposé une charge déraisonnable à la requérante en insistant sur un rapprochement approprié de ses données de production et de vente, rapprochement nécessaire pour pouvoir vérifier ces données pour le produit concerné. En outre, elle a estimé que, compte tenu des lacunes déjà identifiées dans les informations communiquées par la requérante elle-même, une seconde visite de vérification sur place serait inutile. Ainsi, conformément à l’article 18 du règlement de base, la Commission a provisoirement établi la marge de dumping pour la requérante sur la base des données disponibles.

13 Dans ses observations du 8 mars 2016, la requérante a exprimé son désaccord avec les conclusions figurant dans le règlement provisoire quant à l’application de l’article 18 du règlement de base et a réitéré sa demande à la Commission de procéder à une seconde visite de vérification.

14 Les 7 et 25 avril 2016, la requérante a été de nouveau entendue au cours d’une audition.

15 Le 30 mai 2016, la Commission a émis une communication de ses conclusions définitives relatives au dumping et au préjudice, dans laquelle elle a rejeté l’ensemble des arguments avancés par la requérante, décidé de maintenir l’application de l’article 18 du règlement de base et suggéré l’institution d’un droit antidumping définitif de 36,1 % sur les exportations du produit concerné vers l’Union réalisées par la requérante.

16 Par lettre du 9 juin 2016, la requérante a formulé des objections à l’encontre des conclusions définitives de la Commission.

17 Le 20 juin 2016, la Commission a émis une communication supplémentaire concise de ses conclusions définitives.

18 Le 29 juillet 2016, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2016/1328, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certains produits plats laminés à froid en acier originaires de la République populaire de Chine et de la Fédération de Russie (JO 2016, L 210, p. 1, ci-après le « règlement attaqué »).

Procédure et conclusions des parties

19 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 octobre 2016, la requérante a introduit le présent recours.

20 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 1er mars 2017, Eurofer a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission.

21 Par actes déposés au greffe du Tribunal le 10 mars et le 30 mars 2017 respectivement, la Commission et la requérante ont demandé que certaines informations contenues dans leurs mémoires fassent l’objet d’un traitement confidentiel à l’égard d’Eurofer si celle-ci était admise à intervenir. Elles ont joint une version non confidentielle desdits mémoires auxdites demandes.

22 Par ordonnance du 31 mai 2017, le président de la deuxième chambre a admis l’intervention d’Eurofer et a ordonné la communication à celle-ci des versions non confidentielles des mémoires en cause.

23 Par décision du président de la deuxième chambre du 24 avril 2018, la procédure a été suspendue à la demande de la requérante pour une durée de 18 mois.

24 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure du Tribunal, le juge rapporteur a été affecté à la dixième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée par décision du 16 octobre 2019.

25 Par décision du président de la dixième chambre du 12 novembre 2019, la demande de prolongation de la période de suspension initiale a été rejetée.

26 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler le règlement attaqué dans la mesure où il la concerne ;

– condamner la Commission aux dépens.

27 La requérante demande en outre au Tribunal à ce qu’il exclue expressément la réouverture de l’enquête ou l’ouverture d’une nouvelle enquête par la Commission à la suite de l’annulation du règlement attaqué en raison du caractère profondément erroné de l’enquête en cause à son égard. Les violations du droit à un procès équitable et de ses éléments constitutifs ainsi que de l’article 18 du règlement de base seraient fondamentales et généralisées, de sorte qu’elles entacheraient l’ensemble des conclusions relatives à la requérante concernant la valeur normale, le prix à l’exportation et le niveau d’élimination du préjudice. Dans la mesure où il s’agirait de conditions essentielles aux fins de la détermination du taux de droit antidumping applicable, celles-ci ne sauraient être détachées du reste du règlement attaqué, ce qui justifierait l’annulation intégrale de ce dernier pour autant qu’il concerne la requérante.

28 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours comme non fondé ;

– condamner la requérante aux dépens.

29 Pour autant que les conclusions de la requérante vont au-delà d’une demande d’annulation du règlement attaqué, la Commission rappelle que les juridictions de l’Union n’ont pas le pouvoir d’adresser des injonctions aux institutions de l’Union et qu’il appartient à ces dernières de prendre les mesures nécessaires pour se conformer aux arrêts du Tribunal. La demande tendant à ce que le Tribunal interdise à la Commission de rouvrir l’enquête antidumping serait donc manifestement irrecevable. La Commission ajoute qu’elle est d’accord avec la requérante pour considérer que, en cas d’annulation partielle du règlement attaqué, les effets de ce dernier devraient être maintenus à l’égard de la requérante, par exemple jusqu’à ce que la Commission ait pu adopter les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt.

30 Eurofer n’a pas déposé de mémoire en intervention dans le délai imparti.

En droit

31 À l’appui de son recours, la requérante invoque cinq moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation du droit à un procès équitable, des droits de la défense, du principe d’égalité des armes et du principe de bonne administration. Le deuxième moyen est tiré d’une violation de l’article 18 du règlement de base, de l’article 6.8 de l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (GATT) (JO 1994, L 336, p. 103, ci-après l’« accord antidumping »), figurant à l’annexe 1 A de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) (JO 1994, L 336, p. 3), de l’annexe II de l’accord antidumping et du principe de proportionnalité ainsi que d’une erreur manifeste d’appréciation. Le troisième moyen est tiré d’une violation de l’article 3, paragraphes 2 et 5, du règlement de base (devenu article 3, paragraphes 2 et 5, du règlement 2016/1036), de l’article 3.1 de l’accord antidumping ainsi que d’une dénaturation des éléments de preuve et d’erreurs manifestes d’appréciation. Le quatrième moyen est tiré d’une violation de l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base (devenu article 3, paragraphe 7, du règlement 2016/1036). Le cinquième et dernier moyen est tiré d’une violation de l’article 9, paragraphe 4, et de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base (devenus article 9, paragraphe 4, et article 2, paragraphe 9, du règlement 2016/1036) ainsi que d’erreurs manifestes d’appréciation.

Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 18 du règlement de base, de l’article 6.8 et de l’annexe II de l’accord antidumping, du principe de proportionnalité et d’une erreur manifeste d’appréciation

32 Le deuxième moyen, qu’il y a lieu d’examiner d’abord, s’articule en quatre branches.

Sur la première branche du deuxième moyen

33 À titre liminaire, la requérante observe que l’affirmation de la Commission, selon laquelle l’enquête antidumping en cause concernait un produit « semi-fini » en acier, si bien que les données nécessaires relatives à la production, aux ventes et aux coûts ne pouvaient pas être obtenues et vérifiées par les techniques de vérification habituelles, est incorrecte et prête à confusion.

34 Par la première branche du deuxième moyen, la requérante fait valoir plus particulièrement que les conclusions énoncées aux considérants 60 à 62 du règlement provisoire et confirmées au considérant 31 du règlement attaqué ne sont pas de nature à étayer le statut propre au « défaut complet de coopération » qui lui a été imposé ou sont, pour le moins, insuffisantes à cet effet, dès lors que l’intention de faire obstacle à l’enquête ou la mauvaise foi n’ont pas été établies. Ce faisant, la Commission aurait violé l’article 18, paragraphes 1 à 3, du règlement de base (devenu article 18, paragraphes 1 à 3, du règlement 2016/1036).

35 La requérante relève à cet égard que le « défaut de coopération » d’une partie intéressée au sens de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base ne peut être caractérisé que par le refus d’accès aux informations, la non-communication des informations nécessaires dans les délais, l’entrave significative à l’enquête et la communication de renseignements faux ou trompeurs. L’application des données disponibles en vertu de la disposition susvisée ne saurait dépendre uniquement ou principalement de la qualité des données fournies, mais devrait nécessairement inclure une composante comportementale.

36 Selon la requérante, sa coopération active et la qualité des données fournies au cours de la procédure s’opposaient à ce que la Commission ignore lesdites données et applique automatiquement l’article 18 du règlement de base. Premièrement, elle aurait agi « au mieux de ses possibilités » en fournissant des données abondantes, détaillées et complexes en réponse au questionnaire antidumping et aux demandes de renseignements supplémentaires de la Commission dans les délais prévus et en acceptant de se soumettre aux visites de vérification. En particulier, elle aurait fourni, au cours de la vérification sur place, des informations complètes sur les « ventes » du produit concerné par type de produit et n’aurait pas omis de présenter quelque donnée importante concernant les prix à l’exportation ou le coût de production du produit concerné avant l’expiration d’un délai fixé. Ainsi, les motifs exposés par la Commission au considérant 60 du règlement provisoire ne seraient pas étayés par les faits et ne suffiraient pas à satisfaire aux conditions énoncées à l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base, dès lors que la Commission n’aurait à aucun moment constaté qu’elle n’avait pas agi au mieux de ses possibilités. Deuxièmement, la requérante soutient que, même si ses données présentaient certaines lacunes, imputables en partie à des malentendus, celles-ci n’étaient, en tout état de cause, pas d’une ampleur telle qu’elles avaient créé une difficulté excessive de nature à empêcher la Commission de parvenir à des conclusions raisonnablement correctes concernant la production, la capacité et les coûts de production ainsi que les ventes et, partant, concernant la valeur normale et les prix à l’exportation pour la requérante. Elle soutient par ailleurs que la Commission pouvait s’assurer de l’exactitude des données par d’autres moyens. Troisièmement, la Commission lui aurait imposé une charge excessive au sens de l’article 18, paragraphe 2, du règlement de base et aurait également méconnu le paragraphe 3 de cet article dans la mesure où elle ne lui aurait demandé, pour l’essentiel, que le dernier jour de la visite de vérification de fournir des renseignements complexes sur support informatique. La Commission aurait ensuite considéré que la requérante n’avait pas coopéré, alors qu’elle avait dû faire face à une difficulté objective, consistant à télécharger un volume important de données électroniques depuis son système de comptabilisation informatisé interne SAP ERP (ci-après le « système de comptabilisation SAP ») dans un délai très court, à savoir pendant la durée de la visite. La requérante aurait montré qu’il s’agissait d’une difficulté au moyen d’un élément de preuve transmis à la Commission par un courrier électronique du 17 novembre 2015. Selon la requérante, l’approche de la Commission, qui permet à celle-ci d’appliquer les données disponibles à l’exclusion de toutes les données fournies potentiellement concernées dès lors qu’elle juge que les informations transmises par la partie intéressée sont partiellement inexactes ou déficientes, lui confère un pouvoir d’appréciation excessivement large et rend difficile tout contrôle juridictionnel.

37 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

38 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu’il découle de l’article 6, paragraphe 2, du règlement de base (devenu article 6, paragraphe 2, du règlement 2016/1036) qu’un questionnaire est préparé et transmis aux parties intéressées par les services de la Commission aux fins d’obtenir les renseignements nécessaires à l’enquête antidumping. Lesdites parties sont tenues de fournir à ces services les informations qui lui permettront de mener à bien l’enquête antidumping [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2017, EBMA/Giant (China), C‑61/16 P, EU:C:2017:968, points 50 et 51].

39 Conformément à l’article 6, paragraphe 8, du règlement de base (devenu article 6, paragraphe 8, du règlement 2016/1036), « [s]auf dans les circonstances prévues à l’article 18, l’exactitude des renseignements fournis par des parties intéressées et sur lesquels les conclusions sont fondées doit être vérifiée dans la mesure du possible ». Pareillement, l’article 6.6 de l’accord antidumping prévoit que, « [s]auf dans les circonstances prévues au paragraphe 8, les autorités s’assureront au cours de l’enquête de l’exactitude des renseignements fournis par les parties intéressées sur lesquels leurs constatations sont fondées ». Cette obligation de vérification est l’expression, dans le contexte de l’imposition de mesures antidumping, d’un principe plus général qui impose à toute instance, nonobstant son large pouvoir d’appréciation, d’effectuer un examen précis et de fonder son appréciation sur des preuves d’une qualité suffisante (voir arrêt du 3 décembre 2019, Yieh United Steel/Commission, T‑607/15, sous pourvoi, EU:T:2019:831, point 71 et jurisprudence citée).

40 L’un des instruments dont dispose l’autorité chargée de l’enquête pour s’acquitter de son obligation en vertu de l’article 6, paragraphe 8, du règlement de base est la visite de vérification sur place en application de l’article 16 dudit règlement (devenu article 16 du règlement 2016/1036) si ladite autorité le juge opportun. L’article 6.7 de l’accord antidumping prévoit que, « [p]our vérifier les renseignements fournis ou pour obtenir plus de détails, les autorités pourront, selon qu’il sera nécessaire, procéder à des enquêtes sur le territoire d’autres États membres, à condition d’obtenir l’accord des entreprises concernées et d’en aviser les représentants du gouvernement du membre en question, et sous réserve que ce membre ne s’y oppose pas ».

41 Ainsi, l’article 16, paragraphes 1 et 3, du règlement de base (devenu article 16, paragraphes 1 et 3, du règlement 2016/1036) prévoit, d’une part, que la Commission peut effectuer des visites afin d’examiner, notamment, les livres des producteurs et des exportateurs et de vérifier les renseignements fournis concernant le dumping et le préjudice et, d’autre part, que les entreprises concernées sont informées de la nature des renseignements à vérifier et de tous les autres renseignements à fournir au cours de ces visites, ce qui n’empêche pas de demander sur place d’autres précisions compte tenu des renseignements obtenus.

42 Comme le Tribunal l’a souligné, les réponses des parties au questionnaire prévu à l’article 6, paragraphe 2, du règlement de base ainsi que la vérification postérieure à laquelle la Commission peut procéder sur place, prévue à l’article 16 du même règlement, sont essentielles au déroulement de la procédure antidumping (voir arrêt du 30 avril 2015, VTZ e.a./Conseil, T‑432/12, non publié, EU:T:2015:248, point 29 et jurisprudence citée).

43 Selon l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base, les institutions de l’Union peuvent recourir aux données disponibles afin d’établir des conclusions préliminaires ou finales, positives ou négatives, lorsqu’une partie intéressée refuse l’accès aux informations nécessaires ou ne les fournit pas dans les délais prévus par ledit règlement ou fait obstacle de façon significative à l’enquête. S’il est constaté qu’une partie concernée a fourni un renseignement faux ou trompeur, ce renseignement n’est pas pris en considération et il peut être fait usage des données disponibles. Les parties intéressées doivent être informées des conséquences d’un défaut de coopération.

44 Conformément à l’article 18, paragraphe 3, du règlement de base, « [l]orsque les informations présentées par une partie concernée ne sont pas les meilleures à tous égards, elles ne doivent pas pour autant être ignorées, à condition que les insuffisances éventuelles ne rendent pas excessivement difficile l’établissement de conclusions raisonnablement correctes, que les informations soient fournies en temps utile, qu’elles soient contrôlables et que la partie ait agi au mieux de ses possibilités ».

45 En outre, il découle de l’article 18, paragraphes 3 et 6, du règlement de base (l’article 18, paragraphe 6, étant devenu l’article 18, paragraphe 6, du règlement 2016/1036) que les renseignements que les parties intéressées sont tenues de fournir à la Commission doivent être utilisés par les institutions de l’Union aux fins de l’établissement des conclusions de l’enquête antidumping et que ces mêmes parties ne doivent pas omettre de renseignements pertinents. Le caractère nécessaire d’un élément d’information donné s’apprécie au cas par cas [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2017, EBMA/Giant (China), C‑61/16 P, EU:C:2017:968, point 52].

46 Ainsi que la Cour l’a encore relevé, il incombe à la Commission, en tant qu’autorité investigatrice, d’établir l’existence d’un dumping, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les importations faisant l’objet d’un dumping et le préjudice. Dans la mesure où aucune disposition du règlement de base ne confère à la Commission le pouvoir de contraindre les parties intéressées à participer à l’enquête ou à produire des renseignements, cette institution est tributaire de la coopération volontaire de ces parties pour lui fournir les informations nécessaires. Dans ce contexte, il découle du considérant 27 du règlement de base que le législateur de l’Union a entendu prévoir que, à l’égard de parties qui ne coopèrent pas d’une manière satisfaisante, d’autres renseignements peuvent être utilisés aux fins des déterminations et que ces renseignements peuvent être moins favorables auxdites parties que dans le cas où elles auraient coopéré. Ainsi, l’objectif de l’article 18 du règlement de base est de permettre à la Commission de poursuivre l’enquête quand bien même les parties intéressées refuseraient de coopérer ou coopéreraient de manière insuffisante. Dès lors, étant donné qu’elles sont tenues de coopérer au mieux de leurs possibilités, les parties intéressées doivent fournir toutes les informations dont elles disposent et que les institutions estiment nécessaires afin d’établir leurs conclusions [arrêt du 14 décembre 2017, EBMA/Giant (China), C‑61/16 P, EU:C:2017:968, points 54 à 57].

47 Il résulte des considérations qui précèdent que la vérification a vocation à permettre à la Commission d’accomplir sa mission et, notamment, de comprendre et de vérifier les modalités d’élaboration des données et, de manière plus générale, de s’assurer de l’« exactitude » des renseignements fournis par l’entreprise soumise à vérification, qui doit répondre au mieux de ses possibilités et de manière exhaustive aux questions posées par la Commission et ne doit pas omettre de fournir toutes les données et les explications utiles afin que celle-ci puisse procéder aux recoupements nécessaires pour vérifier l’exactitude des données fournies et parvenir à des conclusions raisonnablement correctes en temps utile et en tout cas avant la fin de la vérification, sous peine de ne plus pouvoir être prises en compte (arrêt du 3 décembre 2019, Yieh United Steel/Commission, T‑607/15, sous pourvoi, EU:T:2019:831, point 78).

48 Enfin, il importe de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, dans le domaine de la politique commerciale commune, et tout particulièrement en matière de mesures de défense commerciale, les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu’elles doivent examiner. Quant au contrôle juridictionnel d’une telle appréciation, il doit ainsi être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir [arrêt du 14 décembre 2017, EBMA/Giant (China), C‑61/16 P, EU:C:2017:968, point 68].

49 Dans ce contexte, le contrôle par le Tribunal des éléments de preuve sur lesquels les institutions de l’Union fondent leurs constatations ne constitue pas une nouvelle appréciation des faits remplaçant celle de ces institutions. Ce contrôle n’empiète pas sur le large pouvoir d’appréciation de ces institutions dans le domaine de la politique commerciale, mais se limite à relever si ces éléments sont de nature à étayer les conclusions tirées par les institutions. Il appartient, dès lors, au Tribunal non seulement de vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également de contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à fonder les conclusions qui en sont tirées [arrêt du 14 décembre 2017, EBMA/Giant (China), C‑61/16 P, EU:C:2017:968, point 69].

50 Comme la Commission l’a relevé à juste titre, alors que la vérification de la rentabilité des ventes du produit concerné sur le marché intérieur du producteur-exportateur est un élément clé de l’enquête antidumping, la vérification de l’exactitude de l’affectation des coûts de production, tels que déclarés dans la réponse au questionnaire antidumping, au produit concerné est d’autant plus complexe lorsque, comme en l’espèce, ledit produit, d’une part, est un produit semi-fini, qui peut être soit vendu à des acheteurs indépendants, soit transformé en interne, et, d’autre part, est fabriqué par un producteur d’acier intégré qui met à disposition lui-même une partie des intrants, en particulier les matières premières nécessaires à la fabrication du produit concerné. Dans un tel cas de figure, il est essentiel, aux fins de la vérification, de disposer d’informations détaillées, notamment, sur les volumes du produit concerné fabriqué au cours de la période d’enquête, y compris celui destiné à un usage captif.

51 Il ressort des énonciations faites au considérant 60 du règlement provisoire, confirmées au considérant 31 du règlement attaqué, que, selon la Commission, la vérification sur place a révélé, premièrement, que la requérante n’avait pas déclaré à la Commission [confidentiel](1), deuxièmement, [confidentiel], de sorte qu’il était impossible pour la Commission de lier les informations sur les ventes par type de produit aux informations sur la production par type de produit, et, troisièmement, que la requérante ne disposait pas d’informations par type de produit facilement accessibles sur les quantités vendues ou utilisées de façon captive dans la poursuite de la production, informations qui auraient permis de vérifier sur place la déduction de l’usage captif à partir du coût total de production déclaré, ainsi que la requérante le prétendait nécessaire pour obtenir le coût de production de la quantité déclarée de produit concerné vendu. Il ressort encore du considérant 60 du règlement provisoire que, selon la Commission, la requérante avait transmis les informations nécessaires au rapprochement de la production, des ventes et de l’usage captif, demandées lors de la vérification, seulement après la visite de vérification de la Commission, que cette dernière a analysé ces nouvelles informations en procédant à un rapprochement des stocks entre les quantités du produit concerné produites, telles que déclarées après la visite de la vérification, et la quantité vendue ou transférée afin de produire d’autres produits et qu’il résultait de ce rapprochement des stocks que la requérante déclarait une quantité vendue globalement supérieure à ce que la production rendait physiquement possible, en tenant compte des variations de stocks, des rejets et des déchets tels qu’elle les avait déclarés.

52 Il y a lieu de constater que le règlement de base ne définit pas ce qu’est une information « nécessaire » au sens de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base. Il convient néanmoins de relever que le groupe spécial établi dans le cadre de l’OMC a considéré, au paragraphe 7.43 du rapport intitulé « Corée – Droits antidumping sur les importations de certains papiers en provenance d’Indonésie » (WT/DS 312/R), adopté le 28 octobre 2005, que la décision de qualifier ou non une information donnée de nécessaire, au sens de l’article 6.8 de l’accord antidumping, devait être prise à la lumière des circonstances spécifiques de chaque enquête, et non dans l’abstrait. En outre, le groupe spécial établi dans le cadre de l’OMC a indiqué, au paragraphe 7.343 de son rapport intitulé « Communautés européennes – Mesure antidumping visant le saumon d’élevage en provenance de Norvège » (WT/DS 337/R), adopté le 15 janvier 2008, que devait être considéré comme nécessaire, au sens de la même disposition, un renseignement particulier détenu par une partie intéressée et requis par l’autorité chargée de l’enquête antidumping afin d’établir ses déterminations (arrêt du 22 mai 2014, Guangdong Kito Ceramics e.a./Conseil, T‑633/11, non publié, EU:T:2014:271, point 46). De même, la Cour a jugé qu’il découlait des termes, du contexte et de la finalité de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base que la notion d’« informations nécessaires » renvoyait aux renseignements détenus par les parties intéressées que les institutions de l’Union leur demandaient de fournir afin d’établir les conclusions qui s’imposaient dans le cadre de l’enquête antidumping [arrêt du 14 décembre 2017, EBMA/Giant (China), C‑61/16 P, EU:C:2017:968, points 54 à 57].

53 Les informations relatives aux volumes de production et aux coûts de fabrication du produit concerné sont manifestement des informations nécessaires au sens de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base.

54 Or, en premier lieu, la requérante n’a pas contesté qu’elle n’avait pas déclaré la totalité du volume de production du produit concerné dans sa réponse au questionnaire antidumping et que l’équipe chargée de l’enquête n’avait pas pu vérifier sur place l’intégralité du coût de production du produit concerné quelle que fût sa destination, à savoir la vente ou l’usage captif, ainsi qu’il ressort encore des observations écrites de la requérante devant le Tribunal selon lesquelles la pièce de vérification no 18 recueillie lors de la vérification sur place avait permis à la Commission de vérifier le coût exact de fabrication pour chaque code de produit fabriqué « et vendu ». L’argument de la requérante selon lequel le questionnaire antidumping n’était pas clair à ce sujet ne saurait être retenu. En effet, au point 2 de la section F.2 du questionnaire antidumping, il était demandé clairement d’indiquer la quantité « produite » du produit concerné dans le tableau F.2 « Aperçu du coût de production », sans aucune distinction quant à la destination de ladite production.

55 Dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante, il y a lieu de considérer que la Commission avait bien demandé à toutes les parties intéressées de déclarer la totalité de la production et de la capacité pour la totalité du produit concerné, et non uniquement pour le produit fini à l’exclusion de celui destiné à un usage captif. À cela s’ajoute que, ainsi qu’il ressort des points 73 à 82 ci-après, les informations collectées à la fin de la visite de vérification, en tant que pièce de vérification no 34, ainsi que celles fournies par la suite, n’ont pas remédié à cette lacune, mais ont permis à la Commission d’établir l’incohérence des données de production déclarées par la requérante, car elles établissaient que celle-ci déclarait une quantité vendue globalement supérieure à ce que la production rendait possible, compte tenu des variations de stocks, des rejets et des déchets tels qu’elle les avait déclarés.

56 En deuxième lieu, il ressort du considérant 60 du règlement provisoire que la Commission a constaté lors de la vérification sur place que la requérante n’avait pas non plus présenté des informations complètes sur le système de codage de produit qu’elle utilisait pour la production et la vente du produit concerné, de sorte qu’elle ne pouvait pas lier les informations sur les ventes par type de produit aux informations sur la production par type de produit. Selon la Commission, l’ensemble des coûts de production ne pouvait pas être entièrement retracé jusqu’aux matières premières de départ à l’aide des seuls [confidentiel] utilisés pour les produits finis en acier plats laminés à froid. La Commission a découvert lors de la visite de vérification sur place que la requérante avait des codes de production distincts, à savoir les [confidentiel], pour le produit concerné utilisé à des fins captives, que la requérante n’avait pas déclarés dans sa réponse au questionnaire antidumping, ni dans sa lettre du 23 septembre 2015 en réponse à la lettre de la Commission l’invitant à pallier certaines lacunes. Lors de cette visite, la requérante a informé la Commission que [confidentiel]. Ainsi que la Commission l’a relevé à juste titre, pareille information était essentielle dans le contexte de l’enquête sur un produit semi-fini et elle n’a pas pu rapprocher le coût complet de la production du produit concerné en utilisant les [confidentiel].

57 En troisième lieu, en ce qui concerne le reproche formulé au considérant 60 du règlement provisoire selon lequel la requérante ne disposait pas, lors de la vérification sur place, d’informations par type et par code de produit facilement accessibles sur les quantités vendues « ou utilisées de façon captive dans la poursuite de la production », il ressort, notamment, de la lettre de la requérante du 8 mars 2016 que les rapports de production n’étaient pas facilement disponibles sous forme de feuilles de calcul lors de ladite vérification. Or, la requérante est restée en défaut d’étayer ses affirmations selon lesquelles la Commission, d’une part, lui aurait imposé « une charge ou des coûts supplémentaires excessifs » au sens de l’article 18, paragraphe 2, du règlement de base en lui demandant de télécharger le volume important de données sollicitées lors de la visite de vérification et, d’autre part, aurait méconnu l’article 18, paragraphe 3, du règlement de base en ne tenant pas compte de la circonstance que [confidentiel] alors pourtant qu’elle avait agi « au mieux de ses possibilités ». Cette constatation s’impose d’autant plus que, d’une part, comme il ressort de l’article 18, paragraphe 2, susmentionné, il appartient à la partie concernée de démontrer que la présentation des données sollicitées dans les formes requises pourrait entraîner une charge ou des coûts supplémentaires excessifs et, d’autre part, aucune explication quant aux raisons de la survenance des [confidentiel] n’avait été donnée au cours de celle-ci par la requérante, qui s’est limitée à informer la Commission, par un courrier électronique du 17 novembre 2015, que [confidentiel].

58 En quatrième lieu, selon le considérant 60, dernière phrase, du règlement provisoire, les informations nécessaires au rapprochement de la production, des ventes et de l’usage captif demandées lors de la vérification, qui ont été fournies après la visite de vérification, ont été analysées en procédant à un rapprochement des stocks entre les quantités du produit concerné produites, telles que déclarées après ladite visite, et la quantité vendue ou transférée en vue de produire d’autres produits. Ce rapprochement a révélé que la requérante déclarait une quantité vendue globalement supérieure à ce que la production rendait physiquement possible. Ainsi qu’il a été relevé au point 55 ci-dessus, il ressort des points 73 à 82 ci-après que la requérante n’a pas démontré que cette conclusion était entachée d’erreur manifeste.

59 Sur la base de ces constatations, la Commission a conclu au considérant 61 du règlement provisoire que, pour les raisons énoncées au considérant 60, les informations communiquées par la requérante, à la fois avant et après la visite de vérification sur place, ne lui permettaient pas de vérifier l’exactitude et la fiabilité des informations relatives aux volumes de vente et aux coûts du produit concerné. Elle en a conclu que la requérante n’avait pas coopéré dans la mesure où elle n’avait pas fourni les informations qu’elle demandait afin d’évaluer et de vérifier le volume de vente et le coût de production du produit concerné, de sorte qu’elle n’a pas pu établir avec fiabilité le prix à l’exportation et la valeur normale. En outre, étant donné que le manque de fiabilité affectait la totalité de l’ensemble de données transmis à diverses étapes par la requérante, la Commission a conclu qu’elle n’était pas en mesure de s’appuyer sur les sous-ensembles de données spécifiques relatifs aux différents éléments de la marge de dumping ainsi communiqués, de sorte qu’elle devait déterminer la marge de dumping de la requérante sur la base des données disponibles et devait ignorer les informations communiquées par le producteur-exportateur, étant donné qu’elle ne pouvait pas autrement établir des conclusions raisonnablement correctes et que les informations n’étaient pas vérifiables. Les conclusions provisoires formulées aux considérants 60 et 61 du règlement provisoire ont été confirmées au point 31 du règlement attaqué.

60 Par la première branche du présent moyen, la requérante soutient en substance que l’application des données disponibles au titre de l’article 18 du règlement de base suppose l’intention de la partie intéressée de faire obstacle à l’enquête ou sa mauvaise foi. Or, la Commission n’aurait pas démontré l’existence de pareille intention de sa part ni sa mauvaise foi, de sorte qu’elle aurait violé ladite disposition.

61 Cette argumentation doit être rejetée.

62 En effet, le recours à l’article 18 du règlement de base, qui constitue la transposition en droit de l’Union du contenu du point 6.8 ainsi que de l’annexe II de l’accord antidumping, à la lumière desquels il doit être interprété dans la mesure du possible, n’est pas exclu en l’absence de comportement intentionnel (voir, en ce sens, arrêt du 4 mars 2010, Sun Sang Kong Yuen Shoes Factory/Conseil, T‑409/06, EU:T:2010:69, points 103 et 104).

63 Ainsi qu’il ressort de la même jurisprudence (arrêt du 4 mars 2010, Sun Sang Kong Yuen Shoes Factory/Conseil, T‑409/06, EU:T:2010:69, point 104), l’ampleur des efforts déployés par une partie intéressée pour communiquer certains renseignements n’a pas nécessairement de rapport avec la qualité intrinsèque des renseignements communiqués et n’en est, de toute façon, pas le seul élément déterminant. Ainsi, si les renseignements demandés ne sont finalement pas obtenus, la Commission est en droit de recourir aux données disponibles s’agissant desdits renseignements (voir, en ce qui concerne le point 6.8 de l’accord antidumping, rapport du groupe spécial établi dans le cadre de l’OMC intitulé « Égypte – Mesures antidumping définitives à l’importation de barres d’armature en acier en provenance de Turquie », adopté le 1er octobre 2002, paragraphe 7.242).

64 Cette appréciation est confortée par l’article 18, paragraphe 3, du règlement de base, selon lequel, lorsque les informations fournies ne sont pas les meilleures à tous égards, elles ne doivent pas pour autant être ignorées, à condition qu’elles ne rendent pas excessivement difficile l’établissement des conclusions raisonnablement correctes, qu’elles soient fournies en temps utile, qu’elles soient contrôlables et que la partie ait agi au mieux de ses possibilités. Le fait d’avoir agi au mieux de ses possibilités constitue donc une des conditions qui doivent être remplies afin que la Commission soit tenue de prendre en compte des informations déficientes. Or, il ressort de l’examen des première et quatrième branches du présent moyen que, en dépit du fait que la requérante était en possession de toutes les données nécessaires, celles qu’elle a communiquées à la Commission au cours de la procédure administrative concernant la production et les ventes du produit concerné l’ont été tardivement et sont demeurées incomplètes, contradictoires et, partant, non fiables, de sorte que la requérante ne saurait être considérée comme ayant agi au mieux de ses possibilités (voir, en ce sens, arrêt du 4 mars 2010, Sun Sang Kong Yuen Shoes Factory/Conseil, T‑409/06, EU:T:2010:69, point 105).

65 Quant à l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait dû soulever le caractère incomplet des informations relatives à la production du produit concerné dès sa lettre du 10 septembre 2015, envoyée avant la visite de vérification et invitant la requérante à pallier certaines lacunes, il ne saurait remettre en cause la conclusion à laquelle est parvenue la Commission, ne serait-ce que dans la mesure où, comme celle-ci l’a expliqué, ce n’était qu’au cours de la visite de vérification qu’elle avait découvert que les informations essentielles relatives aux produits fabriqués et destinés à un usage captif n’avaient pas été présentées dans la réponse au questionnaire antidumping.

66 Dans ces conditions, la Commission n’avait pas l’obligation et n’était pas en mesure de tenir compte, aux fins du calcul du prix à l’exportation et de la valeur normale, des données fournies par la requérante, étant donné que, comme elle a pu le relever à juste titre au considérant 61 du règlement provisoire, le manque de fiabilité affectait la totalité de l’ensemble de données transmis à diverses étapes par la requérante, de sorte qu’elle n’était pas en mesure de s’appuyer sur les sous-ensembles de données spécifiques relatifs aux différents éléments de la marge de dumping ainsi communiqués. La Commission a pu conclure de ces considérations qu’elle devait ainsi déterminer la marge de dumping de la requérante sur la base des données disponibles et ignorer les informations communiquées par celle-ci, étant donné qu’elle ne pouvait pas autrement établir des conclusions raisonnablement correctes et que les informations n’étaient pas vérifiables.

67 En effet, l’argument de la requérante selon lequel, même si les données fournies dans les réponses au questionnaire et vérifiées sur place présentaient certaines lacunes, celles-ci n’étaient pas d’une ampleur telle qu’elles créaient une difficulté excessive de nature à empêcher la Commission de parvenir à des conclusions raisonnablement correctes concernant la production, la capacité, les ventes et les coûts de production, de sorte que, en recourant à l’article 18 du règlement de base pour l’ensemble des données, la Commission aurait violé l’article 18, paragraphe 3, dudit règlement, doit être rejeté.

68 Outre les considérations qui précèdent et les incohérences relevées aux points 73 à 82 ci-après, qui affectaient la fiabilité des informations relatives aux volumes de vente et aux coûts du produit concerné transmises par la requérante et qui justifiaient ainsi le recours aux données disponibles conformément à l’article 18 du règlement de base, ainsi que la Commission l’a relevé au considérant 60 du règlement provisoire, il y a lieu de rappeler que, contrairement à ce qu’allègue la requérante, l’ensemble des coûts de production ne pouvait pas être entièrement retracé jusqu’aux matières premières de départ à l’aide des seuls [confidentiel]. Ainsi qu’il a été relevé au point 56 ci-dessus, le produit concerné utilisé à des fins captives dans la production d’autres produits n’avait pas un [confidentiel], mais un [confidentiel], ce qui empêchait la Commission d’utiliser les [confidentiel] pour rapprocher le coût complet de la production du produit concerné. Il n’est pas contesté que le fichier électronique, identifié en tant que pièce de vérification no 7, présenté lors de la vérification sur place était une base de données sur les seules « ventes » et [confidentiel]. De même, comme la requérante semble également l’admettre dans sa réponse écrite à une question posée par le Tribunal, la [confidentiel] dans le tableau F.2, intitulé « Aperçu du coût de production », de la réponse au questionnaire antidumping et [confidentiel], d’une part, et les comptes de la requérante, d’autre part, n’était pas possible à l’aide des [confidentiel]. Dans sa réponse écrite à une question posée par le Tribunal, la Commission ajoute notamment [confidentiel]. Enfin, il convient de relever que la pièce de vérification no 34, mentionnée au point 55 ci-dessus à propos de la tentative de rapprochement des ventes et de la production du produit concerné, a été produite tardivement et n’a pas pu être vérifiée après la visite sur place et que, par ailleurs, ainsi que la Commission l’a réitéré lors de l’audience, ladite pièce, recueillie à la fin de la visite de vérification, n’est pas, contrairement à ce qu’affirme la requérante, une « simple ventilation par codes de production des informations fournies » dans la pièce de vérification no 23, laquelle a été vérifiée, mais présentée dans un contexte différent afin de réconcilier les déductions de coût pour les variations des stocks dues aux produits en cours de fabrication, telles que déclarées dans le tableau F.2 susvisé.

69 À cela s’ajoute que, en tout état de cause, il résulte des considérations exposées aux points 62 à 64 ci-dessus que la présente branche du deuxième moyen, par laquelle la requérante reproche en substance à la Commission d’avoir méconnu l’article 18 du règlement de base en lui imposant le statut propre au « défaut complet de coopération » sans avoir établi au préalable sa « mauvaise foi » ou son « intention » de s’opposer à l’enquête, manque en droit.

70 La première branche du deuxième moyen doit dès lors être rejetée.

Sur la quatrième branche du deuxième moyen

71 Par la quatrième branche du deuxième moyen, qu’il y a lieu d’examiner avant les deuxième et troisième branches, la requérante soutient que la Commission a commis des erreurs manifestes d’appréciation des éléments de preuve fournis dans les réponses au questionnaire antidumping et lors de la vérification sur place concernant le rapprochement des stocks. D’une part, la Commission aurait procédé à une double déduction du volume des déchets et des rejets déclarés du volume des intrants aux fins du rapprochement des volumes de production et de vente. D’autre part, elle aurait choisi un ensemble de données erroné aux fins du rapprochement des produits en cours de fabrication en utilisant la pièce de vérification no 28 plutôt que la pièce de vérification no 34. Ces deux erreurs manifestes auraient amené la Commission à conclure erronément, au considérant 60 du règlement provisoire et au considérant 31 du règlement attaqué, que la requérante avait déclaré une quantité vendue globalement supérieure à ce que la production rendait physiquement possible.

72 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

73 Ainsi qu’il a été relevé dans le cadre de la réponse à la première branche du présent moyen, il est constant que la requérante n’a pas fourni les informations demandées sur la totalité du volume de production du produit concerné dans sa réponse au questionnaire antidumping. En vue de remédier à cette lacune, la requérante a présenté, à la fin de la vérification sur place, la pièce de vérification no 34, contenant des informations sur la « production » du produit concerné destiné à produire d’autres produits, non vendu et stocké ou consommé en tant qu’usage captif. Afin d’évaluer le volume total des « ventes » du produit concerné, la Commission a utilisé les réponses de la requérante au questionnaire antidumping et les informations collectées lors de la visite, y compris la pièce de vérification no 34, et après ladite visite, pour réconcilier le volume total de production avec le volume des ventes, de l’usage captif et des variations des stocks, en procédant au rapprochement des stocks entre les quantités « produites » et la quantité « vendue ou transférée afin de produire d’autres produits », ainsi qu’il est indiqué au considérant 60 du règlement provisoire. La Commission a conclu de ce rapprochement que les informations fournies étaient incohérentes dans la mesure où, selon elle, la requérante déclarait une quantité vendue globalement supérieure à ce que la production rendait physiquement possible, en tenant compte des variations de stocks, des rejets et des déchets tels que déclarés par la requérante. La Commission en a déduit qu’elle ne pouvait pas confirmer la fiabilité du volume des ventes tel que communiqué par la requérante. À la suite de la publication des conclusions provisoires, la requérante a présenté dans sa lettre du 8 mars 2016, mentionnée au point 13 ci-dessus, une nouvelle réconciliation entre la production et la consommation sous forme de vente et d’usage captif, variation des stocks incluse. Or, la Commission est parvenue à la conclusion que la réconciliation était contradictoire.

74 D’abord, dans la pièce de vérification no 34, qui, comme il a été relevé au point 68 ci-dessus, n’a pas pu être vérifiée ni réconciliée avec les données comptables de la requérante dans la mesure où elle n’a été présentée qu’à la fin de la visite de vérification, la Commission a constaté que les rejets et les déchets (ou les « pertes matérielles ») étaient déduits des coûts, mais non de la quantité produite. Selon la Commission, cette question de la déduction des pertes matérielles des coûts n’est pas claire, et si celles-ci ont généré un revenu, par exemple sous forme de rebuts recyclés dans la production d’un autre produit, la quantité produite ne peut pas, dans ce cas, être la même que la quantité de matière consommée dans le processus de production. Or, la même pièce de vérification no 34 affichait une quantité totale d’intrants identique à la production d’extrants, à savoir [confidentiel] pour l’année 2014, alors que la requérante avait affiché des pertes matérielles de l’ordre de [confidentiel]. En ajoutant ces pertes à l’intrant, à savoir les bobines laminées à chaud consommées dans le processus de production du produit concerné, la production dépassait la capacité de [confidentiel] de la requérante, et en soustrayant ces pertes des extrants, la quantité obtenue ne suffisait pas à couvrir les ventes et la consommation captive du produit concerné, de sorte que les données en cause présentaient des incohérences.

75 Ensuite, en guise d’explication, la requérante a produit, dans sa lettre du 8 mars 2016, de nouvelles informations visant à montrer que les rejets et les déchets d’un volume de [confidentiel] pour l’année 2014, dont les [confidentiel] susmentionnées, étaient déduits de la quantité de l’intrant brut produit (bobines laminées à chaud), s’élevant en fin de compte à [confidentiel], et elle a confirmé que la production nette de bobines laminées à chaud utilisées comme intrant pour la production du produit concerné était de [confidentiel], dont le montant équivalait au volume de production du produit concerné. Selon la Commission, cette nouvelle affirmation n’explique pas pourquoi les pertes matérielles déclarées impliquées dans la production de l’intrant devraient éliminer, ainsi qu’il a été relevé au point 74 ci-dessus, les pertes matérielles résultant de la production du produit concerné, comme il est déclaré dans la pièce de vérification no 34.

76 À cela la Commission ajoute que, en haut du tableau de la pièce de vérification no 25, intitulée « Ventilation des coûts de production des rouleaux laminés à chaud » et présentée lors de la visite de vérification à la demande de la Commission en vue de constater la consommation réelle de l’intrant constitué de bobines laminées à chaud qui ont été converties en bobines laminées à froid, le coût de la consommation de matières premières pour les bobines laminées à chaud indiquait le « volume » de production total de l’intrant ([confidentiel]), de sorte que, dans sa réconciliation, la Commission a considéré que les pertes devaient être déduites de la quantité de cet intrant qui a été utilisé dans la production du produit concerné afin d’arriver au volume total de la production du produit concerné. Or, dans sa lettre du 8 mars 2016, la requérante prétend que ladite quantité est la même que pour le produit concerné fabriqué à partir de cette matière première, alors que, en même temps, elle maintient la déduction de la valeur obtenue à partir de ces pertes. Selon la Commission, si la consommation de matières premières nécessaire pour fabriquer le produit net concerné est présentée déduction faite des pertes matérielles, toute nouvelle déduction de son coût de la valeur ainsi obtenue constituerait une double déduction.

77 Par ailleurs, l’argument mis en avant par la requérante selon lequel la Commission aurait été au courant du fait que [confidentiel], en raison d’une [confidentiel] sur la pièce de vérification no 25, ne saurait être retenu, dès lors notamment que, d’une part, cette pièce a été produite dans un contexte différent, à savoir aux fins de la vérification, et du rapprochement avec les comptes de la requérante, des éléments de coût qui composaient le coût total déclaré des rouleaux laminés à chaud rapporté dans la réponse au questionnaire, alors que la question des quantités de rouleaux laminés à chaud utilisées n’a pas, ainsi que la Commission l’a réitéré dans sa réponse écrite à une question posée par le Tribunal, fait l’objet d’une vérification lors de la visite sur place, et que, d’autre part, [confidentiel] ne saurait, en tout état de cause, être regardée comme une preuve suffisante de la prise de connaissance effective par la Commission de l’information en cause.

78 La Commission a dès lors pu conclure sans commettre d’erreur manifeste que les nouvelles informations fournies après la publication des conclusions provisoires, eu égard aux pertes matérielles, étaient en contradiction avec les informations fournies par la requérante lors de la visite de vérification et ne permettaient pas de contester la conclusion provisoire selon laquelle les données de la requérante ne pouvaient pas être considérées comme fiables.

79 S’agissant, par ailleurs, du grief de la requérante selon lequel la Commission aurait choisi un ensemble de données erroné aux fins du rapprochement des produits en cours de fabrication en utilisant celles de la pièce de vérification no 28 au lieu des données figurant dans la pièce de vérification no 34, qui, comme il a été relevé au point 68 ci-dessus, ne pouvait plus être vérifiée, car produite tardivement, la Commission observe plus particulièrement que, au cours de la vérification sur place, la requérante a présenté, à sa demande expresse, les stocks des produits en cours de fabrication et des produits semi-finis pour les exercices 2013 et 2014 (pièce de vérification no 28). La Commission a dès lors pu utiliser ces stocks dans sa tentative de réconcilier la production totale du produit concerné avec ses ventes et ses usages captifs, en tenant compte des variations des stocks. Or, après la visite de vérification, la requérante a présenté, le 13 novembre 2015, une nouvelle version de cette pièce de vérification no 28 comprenant plus d’informations que l’original remis lors de la visite sur place, sans que, selon la Commission, la requérante ne fournisse une explication pour cette soumission tardive d’une information essentielle. Par la suite, après la publication des conclusions provisoires, dans sa lettre du 8 mars 2016, la requérante a modifié sa position et soutenu que cette pièce de vérification no 28 ne pouvait pas être utilisée pour la réconciliation, au motif que son propre groupe de produits [confidentiel] (utilisé dans cette pièce) comprenait aussi des produits qui n’étaient pas couverts par la définition du produit concerné et que certains produits appartenant à son groupe de produits [confidentiel] devraient être ajoutés.

80 La Commission observe que, à cette incohérence de la position de la requérante eu égard à la définition du produit dans la pièce de vérification no 28, s’ajoute le fait que la première version de ladite pièce mentionnait les produits en cours de fabrication ainsi que les produits semi-finis, alors que la nouvelle version de cette pièce ne mentionnait que les produits en cours de fabrication. Par ailleurs, la Commission fait valoir que le chiffre correspondant aux produits en cours de fabrication dans la version révisée est resté exactement le même, alors que, au cours de la visite de vérification, la requérante avait indiqué que certains produits en cours de fabrication avaient dû être passés en produits semi-finis, les vérificateurs ayant constaté que ces produits en cours de fabrication étaient déjà emballés. En l’absence d’informations sur les produits semi-finis dans la version révisée de la pièce de vérification no 28, la Commission a estimé qu’il était impossible d’évaluer si la lacune avait été corrigée ou non, lacune qui jetait un doute supplémentaire sur la fiabilité de la nouvelle pièce présentée par la requérante et sur le fait qu’elle fût en effet liée aux informations collectées lors de la vérification sur place ou qu’il s’agît d’une tentative d’introduire de nouvelles informations à un stade où une vérification était impossible.

81 Or, la requérante est restée en défaut d’apporter des éléments de nature à priver de plausibilité les appréciations des faits concernant le manque de fiabilité des informations en cause et, partant, de démontrer que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 11 septembre 2014, Gold East Paper et Gold Huasheng Paper/Conseil, T‑444/11, EU:T:2014:773, point 62) en formulant, sur la base des considérations qui précèdent, dans la dernière phrase du considérant 60 du règlement provisoire telle que confirmée au considérant 31 du règlement attaqué, la conclusion selon laquelle les informations fournies par la requérante étaient contradictoires et ne pouvaient pas être considérées comme fiables.

82 Plus particulièrement, la circonstance alléguée par la requérante selon laquelle la prétendue incohérence relevée au point 78 ci-dessus ne pouvait, de toute façon, affecter que [confidentiel] % des intrants, taux équivalant à la quantité de rejets et de déchets dont la Commission a jugé qu’ils auraient été à tort inclus dans le volume net des intrants, n’est, en tout état de cause, pas de nature à remettre en cause la conclusion à laquelle elle est parvenue, à savoir que, au vu de tous les développements qui précèdent, les informations fournies présentaient des incohérences et n’étaient dès lors pas fiables.

83 Par conséquent, la quatrième branche du deuxième moyen doit être rejetée.

Sur la deuxième branche du deuxième moyen

84 Par la deuxième branche du deuxième moyen, la requérante soutient que les dispositions de l’article 18, paragraphes 1 et 3, du règlement de base étaient destinées à assurer l’exécution des obligations particulières énoncées à l’article 6.8 et à l’annexe II, paragraphes 2, 3, 5 et 7, de l’accord antidumping, de sorte qu’une violation des premières entraînerait automatiquement une violation des secondes. Par ailleurs, la Commission n’aurait pas respecté le critère de « coopération » établi par l’accord antidumping et aurait ainsi violé l’article 6.8 et l’annexe II de cet accord. En particulier, la Commission, tout en reconnaissant que la requérante avait coopéré, lui aurait imposé une charge excessive au sens de l’annexe II, paragraphe 2, de l’accord antidumping en concluant qu’elle ne lui avait pas fourni les renseignements demandés dans les délais prévus, alors qu’elle lui avait demandé de fournir des réponses sur support informatique très détaillées fondées sur son système complexe de codage des produits. De même, la Commission n’aurait pas établi qu’elle n’avait pas agi au mieux de ses possibilités au sens de l’annexe II, paragraphe 5, de l’accord antidumping. En définitive, la Commission aurait violé les obligations relatives au défaut de coopération énoncées à l’article 6.8 et à l’annexe II de l’accord antidumping et lui aurait imposé un critère de coopération plus strict que celui fixé par l’accord antidumping pour caractériser le défaut de coopération.

85 En réponse à ce grief, il suffit de relever, d’une part, qu’il résulte de l’examen des première et quatrième branches du présent moyen que la requérante n’a pas démontré que la Commission avait violé l’article 18 du règlement de base en recourant aux données disponibles en raison du manque de fiabilité des données fournies par l’intéressée, qui n’avait de plus pas agi au mieux de ses possibilités, et, d’autre part, que, dans la mesure où l’article 6.8 et l’annexe II de l’accord antidumping s’attachent également à la fiabilité des données fournies sans donner une importance décisive au comportement de la partie intéressée (voir, en ce sens, arrêt du 4 mars 2010, Sun Sang Kong Yuen Shoes Factory/Conseil, T‑409/06, EU:T:2010:69, points 103 et 104), rien ne permet de considérer qu’il y ait lieu d’aboutir à une conclusion différente au regard des dispositions de l’accord antidumping.

86 Par conséquent, la deuxième branche du deuxième moyen doit également être rejetée.

Sur la troisième branche du deuxième moyen

87 Par la troisième branche du deuxième moyen, d’une part, la requérante fait valoir que la Commission a violé le principe de proportionnalité en lui appliquant, à tort, le traitement propre à un défaut « complet » de coopération d’une partie intéressée, la plaçant ainsi dans la situation d’une société qui oppose un refus total de coopérer ou qui fait preuve de mauvaise foi, ce qui a eu des conséquences manifestement inappropriées et disproportionnées. Ainsi, l’ensemble des données fournies par la requérante auraient été écartées et remplacées par des données particulièrement défavorables à son égard, entraînant l’application du taux de droit antidumping excessif de 36,1 %. D’autre part, la requérante soutient que le statut de défaut « complet » de coopération qui lui a été appliqué était également inapproprié compte tenu des objectifs poursuivis par l’article 18 du règlement de base, à savoir, en premier lieu, protéger l’industrie de l’Union contre les pratiques de dumping sans bloquer, comme en l’occurrence, toutes les ventes à l’exportation de la requérante en instituant un taux prohibitif et, en second lieu, favoriser la coopération dans les procédures antidumping.

88 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

89 Ainsi qu’il résulte de l’examen des première et quatrième branches du présent moyen, la Commission n’a pas méconnu l’article 18 du règlement de base en concluant que les données fournies par la requérante n’étaient pas fiables et qu’elle devait remplacer l’ensemble de celles-ci par les données disponibles, en application dudit article, afin de parvenir à des conclusions fondées sur des faits exacts (voir, en ce qui concerne l’accord antidumping, rapport du groupe spécial établi dans le cadre de l’OMC dans l’affaire WT/DS 206/R, intitulé « États-Unis – Mesures antidumping et compensatoires appliquées aux tôles en acier en provenance de l’Inde », du 28 juin 2002, paragraphe 7.60). À cet égard, il découle du considérant 27 du règlement de base que le législateur de l’Union a entendu prévoir que, à l’égard de parties qui ne coopèrent pas d’une manière satisfaisante, comme c’est manifestement le cas en l’espèce, d’autres renseignements peuvent être utilisés aux fins des déterminations et que ces renseignements peuvent être moins favorables auxdites parties que dans le cas où elles auraient coopéré. Ainsi, l’objectif de l’article 18 du règlement de base est de permettre à la Commission de poursuivre l’enquête quand bien même les parties intéressées refuseraient de coopérer ou coopéreraient de manière insuffisante [arrêt du 14 décembre 2017, EBMA/Giant (China), C‑61/16 P, EU:C:2017:968, points 54 et 55].

90 Or, la requérante n’a pas non plus démontré que la Commission, en recourant en l’espèce aux données disponibles, avait méconnu le principe de proportionnalité ou les objectifs poursuivis par l’article 18 du règlement de base, de sorte que la troisième branche du présent moyen est également non fondée.

91 Eu égard à toutes les considérations qui précèdent, il convient de conclure que la Commission n’a pas commis d’erreur de droit ou d’erreurs manifestes d’appréciation en décidant de faire usage des données disponibles en application de l’article 18 du règlement de base, de sorte qu’il y a lieu de rejeter le deuxième moyen dans son ensemble.

Sur le premier moyen, tiré d’une violation du droit à un procès équitable, des droits de la défense, du principe d’égalité des armes et du principe de bonne administration

92 Le premier moyen s’articule en quatre branches.

Sur la première branche du premier moyen

93 Par la première branche du premier moyen, la requérante fait valoir que la Commission a méconnu le droit à un procès équitable, en tant que principe général du droit de l’Union applicable aux enquêtes antidumping et garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), au motif qu’elle ne lui avait communiqué, dans un premier temps, par la lettre du 30 octobre 2015, qu’une partie des motifs sur lesquels elle fondait sa décision d’appliquer l’article 18 du règlement de base à son égard et que ce n’est qu’après l’adoption du règlement provisoire, qui confirmait cette décision, que la Commission lui a communiqué l’ensemble des motifs de la décision. Selon la requérante, ladite conclusion étant devenue de facto irrévocable par l’adoption du règlement provisoire, elle n’a pas été en mesure de défendre utilement son point de vue à l’égard des nouveaux motifs contenus dans ledit règlement. Ce faisant, la Commission n’aurait pas non plus tenu compte de son obligation, au titre de l’article 18, paragraphe 4, du règlement de base (devenu article 18, paragraphe 4, du règlement 2016/1036), de l’informer spécifiquement et immédiatement des raisons l’ayant conduite à l’application du paragraphe 1 de cette disposition.

94 La requérante observe à cet égard que la lettre de la Commission du 30 octobre 2015 mentionnée au point 93 ci-dessus énonçait, à titre de conclusion générale, que [confidentiel]. À l’appui de, et en complément à, cette conclusion générale, la Commission aurait énoncé huit problèmes spécifiques. Or, les considérants 60 à 62 du règlement provisoire auraient ajouté un nouveau motif en vue de justifier l’application de l’article 18 du règlement de base, en ce que la Commission aurait indiqué pour la première fois, au considérant 60 du règlement provisoire, que le rapprochement des stocks sur la base des données fournies par la requérante après la visite de vérification avait prouvé que celle-ci déclarait une quantité vendue globalement supérieure à ce que la production rendait physiquement possible. Par la suite, la Commission aurait élargi la portée et l’effet de l’application de l’article 18 du règlement de base en énonçant, au considérant 61 du règlement provisoire, qu’elle n’était pas satisfaite des données relatives aux coûts de production et au volume des ventes de la requérante, ce qui l’aurait conduite à ne pas tenir compte de toutes les données relatives à l’établissement du prix à l’exportation et, partant, à exclure toutes les données qui servent de base au calcul du droit antidumping. Selon la requérante, rien n’empêchait la Commission de communiquer tous les motifs dans la lettre du 30 octobre 2015 ou dès que possible par la suite et avant l’adoption du règlement provisoire. Cela aurait manifestement pu faire aboutir toute la procédure d’enquête à un résultat très différent pour la requérante, le cas échéant, à la suite d’une seconde visite de vérification.

95 Enfin, contrairement à ce qu’allègue la Commission, la requérante soutient qu’elle a bien fait intervenir, au cours de l’enquête, le conseiller-auditeur institué par la décision 2012/199/UE du président de la Commission, du 29 février 2012, relative à la fonction et au mandat du conseiller-auditeur dans le cadre de certaines procédures commerciales (JO 2012, L 107, p. 5) (ci-après le « conseiller-auditeur »), même si l’invocation du droit à un procès équitable n’est pas subordonnée à l’intervention préalable du conseiller-auditeur.

96 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

97 D’emblée, il y a lieu d’écarter l’argument de la Commission selon lequel la circonstance, d’ailleurs contestée par la requérante, que celle-ci n’aurait pas sollicité l’intervention du conseiller-auditeur devrait influencer l’examen du moyen tiré du non-respect des droits de la défense. En effet, il y a lieu de relever à cet égard que, comme il ressort notamment des considérants 3, 4 et 8 de la décision 2012/199, l’intervention du conseiller-auditeur vise à renforcer les garanties procédurales pour l’exercice des droits procéduraux des parties concernées. Cette intervention reste néanmoins purement facultative, ainsi qu’il est énoncé également au point 7 de l’avis d’ouverture de la Commission du 14 mai 2015 (voir point 2 ci-dessus) ou encore dans la lettre de la Commission du 30 octobre 2015 mentionnée au point 93 ci-dessus, de sorte que l’absence de saisine du conseiller-auditeur, à la supposer établie, n’est pas de nature à influer sur l’appréciation, par le juge de l’Union, d’une allégation de violation des droits de la défense.

98 S’agissant des principes et des garanties procédurales que les institutions sont tenues de respecter lorsque les parties intéressées à une enquête antidumping souhaitent exercer leurs droits de la défense en accédant à des informations concernant des faits ou des considérations susceptibles de former la base de mesures antidumping, il y a lieu de relever qu’il résulte d’une jurisprudence constante que les exigences découlant du respect des droits de la défense s’imposent non seulement dans le cadre de procédures susceptibles d’aboutir à des sanctions, mais également dans celui des procédures d’enquête précédant l’adoption de règlements antidumping qui peuvent affecter les entreprises concernées de manière directe et individuelle et comporter pour elles des conséquences défavorables. En particulier, dans le cadre de la communication des informations aux entreprises intéressées au cours de la procédure d’enquête, le respect de leurs droits de la défense implique que ces entreprises doivent avoir été mises en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués et sur les éléments de preuve retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une pratique de dumping et du préjudice qui en résulterait (voir arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil, T‑424/13, EU:T:2016:378, points 91 et 92 et jurisprudence citée).

99 Par ailleurs, dans le cadre des enquêtes antidumping, il appartient aux institutions de veiller au respect du principe de bonne administration consacré par l’article 41, paragraphes 1 et 2, de la Charte, en vertu duquel toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l’Union. En effet, c’est cet article de la Charte, et non son article 47, qui régit la procédure administrative devant la Commission et le Conseil de l’Union européenne en matière de défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union [voir arrêt du 12 décembre 2014, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil, T‑643/11, EU:T:2014:1076, point 45 et jurisprudence citée]. Le droit à une bonne administration comporte, notamment, en vertu de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard (arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil, T‑424/13, EU:T:2016:378, point 95).

100 Ces principes sont mis en œuvre dans le règlement de base par un système complet de garanties procédurales visant, notamment, à permettre aux parties intéressées de défendre utilement leurs intérêts. Ainsi, l’article 20 du règlement de base (devenu article 20 du règlement 2016/1036), qui correspond, en substance, aux dispositions de l’article 6.9 de l’accord antidumping, prévoit notamment, en son paragraphe 1, que les parties intéressées ont le droit d’être informées des détails sous-tendant les faits et considérations essentiels fondant des mesures provisoires après l’institution de ces mesures (voir, en ce sens, arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil, T‑424/13, EU:T:2016:378, points 96, 97 et 99).

101 En l’espèce, la requérante ne met pas en cause le règlement provisoire et il n’est pas reproché à la Commission de ne pas avoir communiqué ses conclusions provisoires en temps utile. En effet, par la présente branche du premier moyen, la requérante ne met pas en doute qu’elle a été informée des détails sous-tendant les faits et les considérations essentiels sur la base desquels la Commission a adopté les mesures provisoires le 10 février 2016. La requérante admet en particulier que l’ensemble des motifs relatifs à l’application de l’article 18 du règlement de base a été communiqué dans le règlement provisoire et dans l’information effectuée sur le fondement de l’article 20, paragraphe 1, du règlement de base (devenu article 20, paragraphe 1, du règlement 2016/1036) à la suite de l’adoption du règlement provisoire. Il est constant que la Commission a expliqué, aux considérants 60 et 61 du règlement provisoire, les raisons de son recours aux données disponibles, puis résumé, aux considérants 62 à 64 dudit règlement, les échanges des 30 octobre et 13 novembre 2015 entre elle et la requérante sur les raisons du recours aux données disponibles en remplacement des données jugées non fiables de la requérante.

102 Par la présente branche, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir divulgué ses conclusions initiales relatives à l’application de l’article 18 du règlement de base dans leur intégralité préalablement à l’adoption du règlement provisoire. Plus particulièrement, la Commission aurait dû informer la requérante avant l’adoption de ce règlement qu’elle avait procédé à un rapprochement des stocks entre les quantités du produit fabriqué, telles que déclarées par la requérante après la visite de vérification, et la quantité vendue ou transférée afin de produire d’autres produits et qu’elle en avait déduit que la requérante « déclarait une quantité vendue globalement supérieure à ce que la production rendait physiquement possible, en tenant compte des variations de stocks, des rejets et des déchets tels que déclarés ». Selon la requérante, cela lui aurait permis de se défendre de manière sensiblement meilleure, par exemple en expliquant et en étayant les erreurs commises dans le rapprochement effectué par la Commission, et elle aurait pu présenter un rapprochement alternatif où les ventes correspondaient à ses chiffres de production.

103 Mais, ainsi que la Commission l’a relevé à juste titre, les différents échanges destinés à collecter des éléments de preuve et à apprécier leur qualité, y compris les demandes adressées aux parties pour corriger les erreurs ou remédier à certaines incohérences, sont des mesures préparatoires en vue de l’adoption des mesures provisoires et de l’information provisoire au titre de l’article 20, paragraphe 1, du règlement de base. Contrairement à ce que laisse entendre la requérante, l’autorité chargée de l’enquête n’est pas, par principe, empêchée d’identifier pour la première fois dans le règlement provisoire des inexactitudes ou des incohérences affectant les données soumises, dès lors surtout que, en l’espèce, certaines incohérences et lacunes ne sont apparues que lors de la visite de vérification ou à la suite de celle-ci, comme il est rappelé au point 111 ci-dessous.

104 Il convient de rappeler dans ce contexte que, contrairement à ce qu’allègue la requérante, les conclusions énoncées dans le règlement provisoire en ce qui concerne l’application de l’article 18 du règlement de base ne sont pas irréversibles, dans la mesure où la requérante peut soumettre, comme elle l’a d’ailleurs fait, des observations en vue de remettre en cause lesdites conclusions postérieurement à l’adoption du règlement provisoire.

105 Dans ces conditions et eu égard également aux considérations développées au point 111 ci-dessus, il ne saurait être reproché en l’espèce à la Commission d’avoir communiqué, au mépris des droits de la défense de la requérante, l’ensemble des raisons expliquant le recours aux données disponibles seulement dans le règlement provisoire, alors que par ailleurs les conclusions provisoires énoncées dans ce dernier ont pu être contestées par la suite par la requérante.

106 Le reproche de la requérante selon lequel le refus de la Commission d’effectuer une seconde visite de vérification aurait contribué à la violation de ses droits procéduraux doit également être écarté.

107 Aux termes de l’article 16, paragraphe 1, du règlement de base, « [l]orsqu’elle l’estime opportun, la Commission effectue des visites afin d’examiner les livres des importateurs, exportateurs, opérateurs commerciaux, agents, producteurs, associations et organisations professionnelles et de vérifier les renseignements fournis concernant le dumping et le préjudice. En l’absence d’une réponse en temps utile, la Commission peut choisir de ne pas effectuer de visite de vérification ». Pareillement, l’article 6.7 de l’accord antidumping prévoit que, « [p]our vérifier les renseignements fournis ou pour obtenir plus de détails, les autorités pourront, selon qu’il sera nécessaire, procéder à des enquêtes sur le territoire d’autres membres, à condition d’obtenir l’accord des entreprises concernées et d’en aviser les représentants du gouvernement du membre en question, et sous réserve que ce membre ne s’y oppose pas ».

108 Il résulte de ces dispositions que les visites de vérification relèvent du pouvoir d’appréciation de l’autorité chargée de l’enquête (voir aussi, notamment, rapport du groupe spécial établi dans le cadre de l’OMC dans l’affaire WT/DS 211/R, intitulé « Égypte – Barres d’armature en acier », du 8 août 2002, paragraphes 7.349 et 7.350), à plus forte raison lorsqu’il s’agit d’une seconde visite de vérification (voir, en ce sens, arrêt du 4 mars 2010, Sun Sang Kong Yuen Shoes Factory/Conseil, T‑409/06, EU:T:2010:69, point 107). Or, ainsi qu’il a été relevé aux points 38 à 40 ci-dessus, les parties intéressées sont tenues de fournir des réponses exactes et complètes au questionnaire antidumping et la Commission a conclu, au considérant 64 du règlement provisoire, que, compte tenu des lacunes identifiées dans les informations communiquées par la société elle-même, une seconde visite de vérification sur place aurait été inutile. Par ailleurs, obliger l’autorité chargée de l’enquête à organiser une visite sur place chaque fois qu’une partie intéressée déciderait qu’elle est disposée à fournir des informations à ladite autorité inciterait les parties intéressées à ne pas respecter leur obligation de coopérer pleinement dès le début de la procédure, et notamment dans le cadre des réponses au questionnaire prévu à l’article 6, paragraphe 2, du règlement de base, entravant ainsi la bonne conduite des enquêtes antidumping au risque d’empêcher la Commission de mener à bien celles-ci.

109 Pour le surplus, comme le relève encore la Commission, la requérante a bien été informée, par la lettre de la Commission du 30 octobre 2015, de l’intention de celle-ci d’appliquer l’article 18 du règlement de base et elle a pu faire part de ses commentaires relatifs à cette lettre dans sa lettre du 13 novembre 2015, lors d’une audition qui s’est tenue le 19 novembre 2015 et dans sa lettre du 24 novembre 2015, préalablement à l’adoption du règlement provisoire le 10 février 2016. Pour autant que la requérante invoque dans ce contexte, au soutien de la communication tardive de l’intégralité des motifs d’application de l’article 18 du règlement de base, le non-respect par la Commission de l’article 18, paragraphe 4, du règlement de base, bien que cette disposition ne soit pas directement visée par le présent moyen, ce grief doit, en tout état de cause, également être rejeté.

110 Conformément à cette disposition, lorsque des éléments de preuve ou des renseignements ne sont pas acceptés, la partie qui les a communiqués est informée immédiatement des raisons de leur rejet et doit avoir la possibilité de fournir des explications complémentaires dans le délai fixé. Si ces explications ne sont pas jugées satisfaisantes, les raisons du rejet des éléments de preuve ou des renseignements en question sont communiquées et indiquées dans les conclusions rendues publiques.

111 En l’espèce, il ressort des considérants 60 et 61 du règlement provisoire que la requérante n’avait transmis les informations nécessaires au rapprochement de la production, des ventes et de l’usage captif, demandées lors de la vérification, qu’après la visite de vérification de la Commission et que celle-ci a analysé par la suite ces nouvelles informations pour conclure que les informations communiquées par la requérante à la fois avant et après ladite visite ne lui permettaient pas de vérifier l’exactitude et la fiabilité des informations transmises relatives aux volumes de vente et aux coûts du produit. Ainsi que la Commission l’a observé au cours de l’audience en réponse à une question du Tribunal, le reproche qui lui est adressé (voir points 94 et 102 ci-dessus) de ne pas avoir indiqué toutes les raisons de l’application de l’article 18 du règlement de base dans sa lettre du 30 octobre 2015, envoyée peu de temps après la visite de vérification, qui s’est terminée le 2 octobre précédent, peut s’expliquer par la circonstance qu’elle n’avait identifié le problème découlant du rapprochement des stocks sur la base des données fournies par la requérante après la visite de vérification en ce qui concerne sa déclaration des ventes que postérieurement à l’envoi de ladite lettre. Par ailleurs, il ressort des considérants 29 à 31 du règlement attaqué que la requérante a eu l’occasion de s’exprimer et d’expliquer ses objections lors de deux auditions organisées par la Commission à la suite de la communication des conclusions provisoires et, ainsi qu’il a été relevé aux points 13 et 16 ci-dessus, notamment, dans ses lettres des 8 mars et 9 juin 2016.

112 À la lumière des considérations qui précèdent, il convient de conclure que la requérante n’a pas démontré l’existence d’une irrégularité se rapportant à ses droits de la défense en ce que la Commission n’a pas en l’espèce communiqué l’intégralité des motifs justifiant le recours à l’article 18 du règlement de base avant la communication des conclusions provisoires et que, dès lors, la première branche du premier moyen doit être rejetée.

Sur la quatrième branche du premier moyen

113 Par la quatrième branche du premier moyen, qu’il y a lieu d’examiner avant les deuxième et troisième branches, la requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation et, ou à titre subsidiaire, méconnu l’obligation de motivation, par son refus, au considérant 31 du règlement attaqué, d’examiner les renseignements supplémentaires qu’elle lui avait communiqués après l’adoption du règlement provisoire, sous prétexte qu’il s’agissait de « nouvelles » données sans relation avec les informations contenues dans son formulaire de réponse au questionnaire antidumping ou recueillies lors de la visite de vérification. En effet, la requérante aurait fourni des renseignements connexes reposant sur des pièces recueillies et numérotées en tant que telles par la Commission et qui auraient visé à éclairer ou à corriger des erreurs dans les calculs de la Commission. Ainsi, la Commission aurait commis une erreur manifeste en ne les prenant pas en compte ou elle n’aurait pas suffisamment motivé son appréciation quant au caractère entièrement nouveau desdits renseignements.

114 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

115 Il convient de relever d’emblée que la requérante ne conteste pas que, comme il a été relevé au considérant 31 du règlement attaqué, toute observation ou explication formulée après la vérification ne pouvait être acceptée que si les données servant de fondement à l’observation ou à l’explication avaient déjà été présentées ou pouvaient être mises en relation avec des informations communiquées dans la réponse au questionnaire ou, au plus tard, durant la visite de vérification. En revanche, la requérante conteste que les données en cause ne remplissaient pas les conditions pour être acceptées. En effet, selon la requérante, ces données se rapportaient, d’une part, à la contestation de la double déduction des déchets et des rejets opérée par la Commission et, d’autre part, à la contestation des calculs de la Commission concernant les produits en cours de fabrication, ces deux éléments étant pertinents aux fins d’établir que le volume de production de la requérante correspondait aux ventes déclarées. S’agissant du premier élément, la requérante fait valoir qu’elle a fourni toutes les captures d’écran de son système de comptabilisation SAP dans l’annexe 3 de ses observations du 8 mars 2016 sur les conclusions provisoires de la Commission, données complètes sur les coûts qui représenteraient l’extraction détaillée des informations agrégées contenues dans les pièces de vérification nos 23 et 34 fournies dans le cadre de la visite de vérification, de sorte qu’elle aurait clairement démontré la relation entre ces données complètes et les renseignements fournis dans le cadre de la vérification sur place. S’agissant du second élément, la requérante fait valoir qu’elle a fourni des renseignements supplémentaires justifiant l’utilisation de la pièce de vérification no 34 plutôt que de la pièce de vérification no 28 aux fins du rapprochement opéré par la Commission entre les volumes des ventes et de la production, de sorte qu’elle aurait également démontré le lien entre ces données et les renseignements fournis lors de la vérification sur place.

116 À cela, d’une part, la Commission répond que l’annexe 3 des observations de la requérante du 8 mars 2016 contenait de nouvelles informations sur les quantités de rejets et de déchets qui contredisaient les données sur les rejets et les déchets déclarées dans la réponse au questionnaire et dans la pièce de vérification no 34 reçue après la visite sur place. Ainsi, le tableau F.2 (Aperçu du coût de production) de la réponse au questionnaire antidumping et la pièce de vérification no 34 font apparaître que la requérante avait déclaré des rejets et des déchets correspondant à un volume de [confidentiel] pour la période d’enquête, alors que, dans l’annexe 3 susmentionnée, le volume des rejets et des déchets pour la même période correspondait à [confidentiel]. D’autre part, la Commission relève que les captures d’écran mentionnées au point 115 ci-dessus étaient montrées dans un contexte totalement différent, à savoir lorsque les enquêteurs de la Commission s’efforçaient de déterminer le niveau de la production du produit concerné utilisée ultérieurement à des fins captives, que la requérante n’avait pas déclaré dans le tableau F.2, et, plus important encore, que lesdites captures ne contenaient pas d’information sur les rejets et les déchets. La Commission fait valoir qu’elle pouvait valablement ne pas tenir compte de ces nouvelles données contradictoires et incomplètes fournies après l’information provisoire.

117 Il suffit de relever à cet égard qu’il ressort des points 73 à 82 ci-dessus que la Commission a pu considérer sans commettre d’erreur manifeste que les données supplémentaires présentées après l’information provisoire étaient en contradiction avec les preuves collectées jusqu’à la visite de vérification et immédiatement après celles-ci, tant à l’égard de la double déduction des déchets et des rejets que du calcul relatif aux produits en cours de fabrication, et qu’elles ne pouvaient invalider la décision de la Commission de se fonder sur les données disponibles en application de l’article 18 du règlement de base afin de présenter des conclusions exactes. Dès lors, la seule circonstance alléguée par la requérante selon laquelle lesdites données supplémentaires communiquées après l’adoption du règlement provisoire ne devaient pas être considérées comme des données nouvelles, mais comme des informations reliées à celles déjà collectées par la Commission en tant que pièces de vérification nos 23, 28 et 34, n’est, en tout état de cause, pas de nature à infirmer la conclusion à laquelle la Commission est parvenue quant au caractère non fiable des informations fournies par la requérante.

118 Dans ces conditions, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir manqué à son obligation de motivation ou commis une erreur manifeste d’appréciation en concluant, au considérant 31 du règlement attaqué, que la requérante n’avait pas été en mesure d’étayer les arguments avancés après la communication des conclusions provisoires par des informations déjà contenues dans son formulaire de réponse au questionnaire ou celles figurant dans les pièces recueillies sur place.

119 Par conséquent, la quatrième branche du premier moyen doit être rejetée.

Sur la deuxième branche du premier moyen

120 Par la deuxième branche du premier moyen, la requérante soutient que la Commission a violé ses droits de la défense ainsi que le principe de bonne administration en ce que, comme il ressort des considérants 61 et 64 du règlement provisoire et du considérant 31 du règlement attaqué, cette dernière aurait rejeté ou ignoré tout élément de preuve, argument ou information supplémentaire relatif tant à l’application de l’article 18 du règlement de base qu’à ses marges de dumping et de préjudice présenté après l’adoption du règlement provisoire. Par ailleurs, l’organisation d’auditions par la Commission aurait visé uniquement à créer une apparence de respect des droits de la défense et du droit d’être entendu, alors que, dans les faits, les arguments de la requérante n’auraient pas été pris en considération par la Commission. Enfin, la requérante soulève que, comme elle l’avait indiqué dans sa réponse du 13 novembre 2015 à la lettre de la Commission du 30 octobre 2015, cette dernière a adopté une approche sélective de la collecte des pièces lors de la visite de vérification en refusant notamment de recueillir un certain nombre de pièces et d’explications proposées par la requérante.

121 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

122 Pour autant que, par ce grief, la requérante vise à faire constater le non-respect de ses droits procéduraux tels que visés par le présent moyen, il convient de rappeler d’abord que, selon le considérant 29 du règlement attaqué, après la communication des conclusions provisoires, la requérante a contesté l’application de l’article 18 du règlement de base et a produit de nouvelles données en vue de réfuter les conclusions exposées au considérant 60 du règlement provisoire. À la suite de ces objections, la Commission a organisé deux auditions afin de permettre à la requérante de s’exprimer et d’expliquer ses objections.

123 Ensuite, selon les énonciations figurant au considérant 31 du règlement attaqué, qui, comme il ressort des points 117 et 118 ci-dessus, ne sont pas entachées d’erreur manifeste d’appréciation, la requérante n’a pas été en mesure d’étayer ses arguments par les informations déjà contenues dans son formulaire de réponse au questionnaire, ni par celles figurant dans les pièces recueillies sur place. Dans ces conditions, la Commission a décidé que les conclusions formulées au stade provisoire qui l’avaient conduite à appliquer l’article 18 du règlement de base et qui sont énoncées aux considérants 60 et 61 du règlement provisoire étaient confirmées, après avoir relevé au considérant 31 du règlement attaqué que toute observation ou explication formulée après la vérification ne pouvait être acceptée que si les données servant de fondement à l’observation ou à l’explication avaient déjà été présentées ou pouvaient être mises en relation avec des informations communiquées dans la réponse au questionnaire ou, au plus tard, durant la visite de vérification.

124 À cet égard, il convient d’ajouter que, comme la Commission l’a relevé à juste titre, la phase contradictoire de la procédure administrative qui suit l’adoption du règlement provisoire permet précisément à la requérante de faire examiner l’appréciation des données disponibles collectées par la Commission et d’apporter de nouveaux éléments factuels dès lors qu’ils sont soutenus par des éléments de preuve vérifiés ou liés à des données déjà présentées. Ladite phase de la procédure ne saurait pour autant être détournée par les parties intéressées pour présenter de toutes nouvelles données qui auraient dû être présentées dans les délais précédemment fixés par la Commission, mais ne l’ont pas été, ainsi qu’il a été relevé au point 115 ci-dessus (voir également, en ce sens, rapport du groupe spécial établi dans le cadre de l’OMC dans l’affaire WT/DS 312/R, intitulé « Corée – Droits antidumping sur les importations de certains papiers en provenance d’Indonésie », du 28 octobre 2005, paragraphe 7.85).

125 Par ailleurs, les allégations de la requérante selon lesquelles l’organisation d’auditions à la suite de l’adoption du règlement provisoire et de l’information provisoire n’aurait créé que l’apparence que le droit de la requérante à être entendue avait été respecté, alors que la Commission avait d’ores et déjà décidé de manière irréversible qu’elle appliquerait l’article 18 du règlement de base, en ce qu’elles ne sont étayées par aucun élément de preuve, doivent être rejetées.

126 Enfin, ainsi qu’il ressort des termes même de l’article 16, paragraphe 1, du règlement de base, les visites de vérification, dont la Commission décide l’opportunité, ont pour but de « vérifier les renseignements fournis » concernant le dumping et le préjudice. Dans ces conditions, le refus par la Commission de collecter certains documents présentés par la requérante lors d’une telle visite ne saurait, en soi, constituer une violation des droits de la défense, alors que la conduite des visites de vérification relève de la responsabilité des enquêteurs de la Commission. Pour le surplus, pour autant que la requérante met en cause le prétendu refus arbitraire de la Commission de collecter [confidentiel], celle-ci n’a pas démontré que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation en expliquant son refus, notamment, par la circonstance que l’extraction du système de comptabilisation SAP n’apparaissait pas établir, contrairement à la thèse défendue par la requérante, que [confidentiel], dans la mesure où, [confidentiel], ladite extraction indiquait seulement que [confidentiel].

127 Par conséquent, il y a lieu de rejeter la deuxième branche du premier moyen.

Sur la troisième branche du premier moyen

128 Par la troisième branche du premier moyen, la requérante fait valoir que la Commission a violé le principe d’égalité procédurale ou d’égalité des armes en ce qu’elle a refusé d’accepter tout nouvel élément de preuve ou renseignement de sa part ainsi qu’une seconde visite de vérification dans ses locaux, alors pourtant qu’elle a accepté de prendre en considération de nouvelles informations sur la rentabilité de l’industrie de l’Union soumises par les producteurs de l’Union et leur a également accordé une seconde visite de vérification en vue de vérifier les nouvelles données quant à la détermination de la marge bénéficiaire cible de ladite industrie, ainsi qu’il ressortirait notamment des considérants 8, 9 et 154 à 156 du règlement attaqué. La requérante soutient que le principe d’égalité procédurale est un principe général du droit qui s’applique également aux parties qui s’opposent dans le cadre d’une enquête antidumping et qu’il incombait à la Commission de démontrer que la discrimination et l’inégalité procédurale étaient objectivement justifiées, ce qu’elle n’a pas fait.

129 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

130 Il apparaît que, en décidant, dans l’exercice de son large pouvoir d’appréciation, de ne pas organiser une seconde visite de vérification dans les locaux de la requérante, la Commission n’a pas contrevenu au principe d’égalité de traitement tel qu’il est consacré notamment à l’article 20 de la Charte.

131 En effet, ainsi qu’il ressort des considérants 8 et 155 du règlement attaqué, la Commission s’est aperçue, au vu des commentaires reçus après la publication des conclusions provisoires, liés à la jurisprudence du Tribunal, et plus particulièrement à l’arrêt du 28 octobre 1999, EFMA/Conseil (T‑210/95, EU:T:1999:273), qu’elle avait besoin d’un nombre limité de données supplémentaires qui n’avaient pas été demandées aux producteurs de l’Union dans le questionnaire antidumping, à savoir les données de rentabilité, pour les exercices 2005 à 2010, relatives aux ventes dans l’Union du produit concerné. La Commission a jugé approprié de vérifier ensuite l’exactitude de ces nouvelles données dans le cadre d’une visite de vérification dans les locaux des producteurs de l’Union, comme il est indiqué au considérant 8 du même règlement. La requérante ne conteste pas que cette dernière visite n’avait pas pour objet de procéder à une vérification des mêmes données que celles qui avaient été demandées dans le questionnaire initial, lesquelles avaient été communiquées par les producteurs de l’Union et jugées fiables.

132 En revanche, la seconde visite sollicitée par la requérante avait pour objet d’examiner à nouveau les données qui devaient être communiquées et que la Commission avait estimées non fiables et incohérentes. Les situations en comparaison étant objectivement différentes, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir méconnu le principe de non-discrimination au détriment de la requérante en refusant, dans le cadre de son large pouvoir d’appréciation, une seconde visite de vérification dans les locaux de celle-ci tout en accordant une seconde visite dans les locaux des producteurs de l’Union.

133 Dans ces conditions, la troisième branche du premier moyen doit être rejetée également et, partant, le premier moyen dans son ensemble.

Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 3, paragraphes 2 et 5, du règlement de base, de l’article 3.1 de l’accord antidumping, d’une dénaturation des éléments de preuve et d’erreurs manifestes d’appréciation

134 Le troisième moyen s’articule en deux branches.

Sur la première branche du troisième moyen

135 Par la première branche du troisième moyen, la requérante fait valoir que la Commission n’a pas procédé à un examen objectif de la situation de l’industrie de l’Union, violant ainsi l’article 3, paragraphes 2 et 5, du règlement de base et l’article 3.1 de l’accord antidumping, et qu’elle a commis une erreur manifeste en concluant à l’existence d’un préjudice important. En effet, la Commission n’aurait pas pris en considération des indicateurs économiques qui auraient révélé une situation plus positive de l’industrie de l’Union ou, du moins, ne leur aurait pas donné toute l’importance requise. À l’appui de ce grief, la requérante soutient que la Commission a fondé sa conclusion établissant l’existence d’un préjudice important principalement sur la baisse du volume des ventes, la réduction de la part de marché, la rentabilité négative et la diminution du niveau d’emploi de l’industrie de l’Union, alors que certaines de ses conclusions sont inexactes et erronées. D’abord, la majeure partie de la baisse des ventes sur le marché libre serait due à la diminution de la consommation et le reste de cette baisse s’expliquerait par l’évolution plus générale du marché. Ensuite, la baisse de la part de marché de l’industrie de l’Union ne saurait non plus être un indice de l’existence d’un préjudice important alors que la Commission affirmerait parallèlement que la part de marché des importations en provenance d’autres pays tiers, de l’ordre de 5,4 %, ne serait pas de nature à briser le lien de causalité entre le préjudice allégué et les importations en provenance des pays concernés. En outre, l’évolution négative de la rentabilité et l’incapacité de l’industrie de l’Union à se remettre de la crise de 2012 seraient le résultat de la faible consommation du produit concerné. Enfin, la baisse du niveau de l’emploi au cours de la période considérée, visant à réduire les coûts de production de l’industrie de l’Union, ne serait pas non plus un indice de l’existence d’un préjudice important lié aux importations en provenance des pays concernés.

136 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

137 Il convient de rappeler, à titre liminaire, que, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base, la détermination de l’existence d’un préjudice se fonde sur des éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif, d’une part, du volume des importations faisant l’objet d’un dumping et de l’effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union et, d’autre part, de l’incidence de ces importations sur l’industrie de l’Union.

138 Selon une jurisprudence bien établie, la détermination de l’existence du préjudice suppose l’appréciation de questions économiques complexes. Dans cet exercice, les institutions de l’Union disposent d’une large marge d’appréciation. Le juge de l’Union doit donc limiter son contrôle à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits et de l’absence de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêts du 10 juillet 2019, Caviro Distillerie e.a./Commission, C‑345/18 P, non publié, EU:C:2019:589, point 15, et du 20 mai 2015, Yuanping Changyuan Chemicals/Conseil, T‑310/12, non publié, EU:T:2015:295, points 127 et 128 et jurisprudence citée).

139 Par ailleurs, il appartient à la requérante de produire les éléments de preuve permettant au Tribunal de constater que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’évaluation du préjudice (voir, en ce sens, arrêt du 20 mai 2015, Yuanping Changyuan Chemicals/Conseil, T‑310/12, non publié, EU:T:2015:295, point 129).

140 Il convient de relever en outre que l’énumération des facteurs à prendre en considération en vertu de l’article 3, paragraphes 3 et 5, du règlement de base (l’article 3, paragraphe 3, étant devenu l’article 3, paragraphe 3, du règlement 2016/1036) n’est pas exhaustive et qu’un ou plusieurs facteurs ne constituent pas nécessairement une base de jugement déterminante (voir arrêt du 15 décembre 2016, Gul Ahmed Textile Mills/Conseil, T‑199/04 RENV, non publié, EU:T:2016:740, point 138 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2019, Caviro Distillerie e.a./Commission, C‑345/18 P, non publié, EU:C:2019:589, points 20 et 21).

141 Ainsi, si l’examen des institutions doit mener à la conclusion que le préjudice causé à l’industrie de l’Union est important, il n’est pas exigé que tous les facteurs et indices économiques pertinents démontrent une tendance négative (arrêt du 25 octobre 2011, CHEMK et KF/Conseil, T‑190/08, EU:T:2011:618, point 114) et la seule circonstance que certains facteurs de préjudice se soient améliorés durant la période considérée ne signifie pas pour autant que l’industrie de l’Union ne subit pas un préjudice important (voir, en ce sens, arrêt du 30 mars 2000, Miwon/Conseil, T‑51/96, EU:T:2000:92, point 105).

142 Dans le cadre de l’OMC, le groupe spécial a précisé dans son rapport intitulé « Thaïlande – Droits antidumping sur les profilés en fer ou en aciers non alliés et les poutres en H en provenance de Pologne », adopté le 28 septembre 2000 (WT/DS 122/R, paragraphes 7.245 à 7.256), que la conclusion de l’existence d’un préjudice important n’était pas forcément incompatible avec le fait que certains, voire plusieurs des facteurs prévus à l’article 3.4 de l’accord antidumping et qui étaient repris dans l’article 3, paragraphe 5, du règlement de base, témoignaient d’une tendance positive. Toutefois, dans un tel cas de figure, l’autorité chargée de l’enquête doit effectuer une analyse convaincante qui démontre que le développement positif de certains facteurs est contrebalancé par un développement négatif d’autres facteurs. L’autorité chargée de l’enquête ne peut pas simplement ignorer un facteur indiquant une tendance positive, mais doit expliquer l’absence de pertinence ou d’importance d’un tel facteur. Il en est de même dans le cadre de l’examen établi par le règlement de base (arrêt du 15 décembre 2016, Gul Ahmed Textile Mills/Conseil, T‑199/04 RENV, non publié, EU:T:2016:740, point 139).

143 C’est à la lumière de ces considérations que doivent être analysés les griefs de la requérante relatifs aux prétendues erreurs manifestes d’appréciation commises par la Commission dans l’évaluation du préjudice important subi par l’industrie de l’Union.

144 En l’occurrence, il ressort des considérants 94 à 155 du règlement provisoire et des considérants 73 à 117 du règlement attaqué que la Commission a procédé à un examen détaillé des facteurs pertinents énumérés à l’article 3, paragraphe 5, du règlement de base et que, dans le cadre d’une évaluation globale de la situation de l’industrie de l’Union, elle a conclu que les facteurs indiquant un développement négatif de l’industrie de l’Union l’emportaient sur les facteurs positifs et que les éléments de preuve établissaient l’existence d’un préjudice important.

145 Au considérant 152 du règlement provisoire, la Commission a conclu que l’industrie de l’Union dans son ensemble avait pu légèrement augmenter ses volumes de production et améliorer son taux d’utilisation des capacités du fait de la forte augmentation de la consommation captive. Selon la Commission, des mesures concrètes ont également été nécessaires pour améliorer l’efficacité en réduisant la main-d’œuvre et la capacité de production et en maîtrisant les coûts de fabrication.

146 Au considérant 153 du règlement provisoire, la Commission a conclu que, malgré ces actions concrètes prises par l’industrie de l’Union durant la période considérée pour améliorer sa performance globale, sa situation sur le marché libre s’était nettement détériorée pendant ladite période alors que les pertes avaient commencé à s’accumuler à partir de 2012. Selon la Commission, les volumes de vente sur le marché libre de l’Union avaient diminué de 14 %, les prix de vente unitaires avaient chuté de 19 % et le coût de production n’avait baissé que de 16 %. De plus, l’industrie de l’Union avait perdu des parts de marché au bénéfice des importations en provenance des pays concernés et avait dû réduire les investissements compte tenu d’un rendement des investissements négatif.

147 La Commission a conclu au considérant 155 du règlement provisoire que l’industrie de l’Union, analysée dans ses deux segments, à savoir les marchés libre et captif, et dans son ensemble, avait subi un préjudice important en ce qui concerne les principaux indicateurs de préjudice, tels que la rentabilité négative et la perte de volume de vente et de part de marché.

148 Au considérant 115 du règlement attaqué, la Commission a relevé qu’elle n’avait pas limité son analyse au marché libre uniquement et que, lorsqu’il y avait lieu, elle avait aussi examiné l’évolution de la situation économique de l’industrie de l’Union dans son ensemble et du marché captif en particulier, et avait formulé ensuite ses conclusions à ce sujet.

149 Au considérant 116 du règlement attaqué, la Commission a souligné, en outre, que la conclusion selon laquelle l’industrie de l’Union avait subi un préjudice important ne se fondait pas uniquement sur l’évolution négative des indicateurs micro- et macroéconomiques sur le marché libre. Si certains de ces indicateurs montraient, en effet, une évolution négative sur le marché libre, d’autres indicateurs couvrant les performances globales de l’industrie de l’Union – tels que l’emploi, le coût de la main-d’œuvre par équivalent temps plein, les investissements et le rendement des investissements – révélaient aussi une détérioration de la situation de cette industrie. La Commission a noté que, compte tenu de la taille respective des marchés libre et captif, l’évolution positive des performances de l’industrie de l’Union sur le marché captif (au regard de certains indicateurs) n’était pas suffisante pour compenser les performances négatives sur le marché libre, comme en attestait l’évolution négative des indicateurs susmentionnés relatifs à l’activité dans son ensemble.

150 Au considérant 117 du règlement attaqué, la Commission a conclu que les conclusions énoncées aux considérants 152 à 155 du règlement provisoire étaient confirmées.

151 Au titre de la première branche du troisième moyen, la requérante soutient que la constatation de la Commission portant sur l’existence d’un préjudice est viciée en ce qu’elle n’est pas le résultat de la mise en balance de l’évolution, aussi bien positive que négative, des facteurs considérés comme pertinents. Plus particulièrement, plusieurs facteurs de l’examen du préjudice témoigneraient d’une évolution favorable de la situation de l’industrie de l’Union et ne permettraient pas, dès lors, de conclure à l’existence d’un préjudice. Premièrement, alors que le volume de production de l’industrie de l’Union aurait progressé de 1 %, la majeure partie de la baisse de 14 % du volume des ventes sur le marché libre, à savoir 9 % de ladite baisse, serait due à la diminution de la consommation. Le reste de cette baisse s’expliquerait par différents facteurs, parmi lesquels la chute des cours mondiaux des matières premières et le volume croissant d’importations en provenance de pays tiers qui ne sont pas visés par l’enquête. Deuxièmement, il serait difficile de comprendre comment la Commission peut considérer la baisse modérée de la part de marché de l’industrie de l’Union (de 74,8 % en 2011 à 70,8 % au cours de la période considérée) comme un indice de l’existence d’un préjudice important et affirmer en parallèle que la part de marché de 5,4 % détenue par les importations en provenance de l’Inde, de l’Iran et de l’Ukraine ne serait pas de nature à briser le lien de causalité entre le préjudice allégué et les importations en provenance des pays concernés. Troisièmement, l’évolution négative de la rentabilité et l’incapacité de l’industrie de l’Union à se remettre de la crise de 2012 seraient le résultat de la faible consommation du produit concerné. Quatrièmement, la baisse du niveau de l’emploi de 10 % au cours de la période considérée, visant à réduire les coûts de production de l’industrie de l’Union, ne serait pas non plus un indice de l’existence d’un préjudice important lié aux importations en provenance des pays concernés, mais devrait être associée à la situation de l’industrie de l’Union à la suite de la crise financière mondiale de 2012.

152 Ainsi que la Commission l’a relevé à juste titre, l’argumentation de la requérante n’a pas pour objet de contester les constatations factuelles ou chiffrées énoncées dans le règlement provisoire et confirmées dans le règlement attaqué. En effet, par son argumentation, la requérante ne met pas en cause la réalité des énonciations relatives aux indicateurs de préjudice en cause, à savoir la diminution de 14 % des ventes de l’industrie de l’Union, la baisse de 4 % de la part de marché de l’industrie de l’Union, la situation déficitaire de ladite industrie, enregistrant une rentabilité négative de 2,7 %, et la diminution de 10 % des effectifs au cours de la période considérée, qui constituent manifestement des facteurs de préjudice négatifs aux fins de l’article 3, paragraphes 2 et 5, du règlement de base.

153 Pour autant que l’argumentation, résumée au point 151 ci-dessus, au soutien de la première branche du troisième moyen, qui est tirée d’une violation de l’article 3, paragraphes 2 et 5, du règlement de base, puisse ainsi être interprétée comme ne portant pas sur l’existence même d’un préjudice important au sens de ces dispositions, mais sur le lien de causalité au sens de l’article 3, paragraphes 6 et 7, du même règlement (l’article 3, paragraphe 6, étant devenu l’article 3, paragraphe 6, du règlement 2016/1036), ces dernières dispositions n’étant pas visées par le présent moyen, elle doit être rejetée comme étant inopérante (voir, en ce qui concerne l’accord antidumping, rapport du groupe spécial établi dans le cadre de l’OMC dans l’affaire WT/DS 211/R, intitulé « Égypte – Barres d’armature en acier », du 8 août 2002, paragraphes 7.62 à 7.65, ou encore rapport du groupe spécial établi dans le cadre de l’OMC dans l’affaire WT/DS 483/R, intitulé « Chine – Mesures antidumping visant les importations de pâte de cellulose en provenance du Canada », du 25 avril 2017, paragraphe 7.38).

154 Pour le surplus, la requérante n’a ni démontré que l’appréciation de la Commission relative à l’existence d’un préjudice important, à la suite d’une évaluation globale des facteurs et des indices économiques pertinents qui influent sur la situation de l’industrie de l’Union, était entachée d’erreur manifeste, à supposer même que l’un des facteurs du préjudice fût entaché d’erreur, ni étayé par le moindre élément son affirmation selon laquelle la majorité des autres indicateurs montraient des tendances positives pour l’industrie de l’Union.

155 Dans ces conditions, la première branche du troisième moyen doit être rejetée.

Sur la seconde branche du troisième moyen

156 S’agissant de la seconde branche du troisième moyen, la requérante soutient que la Commission a adopté une approche partiale favorable à ses conclusions en matière de préjudice et a dénaturé les éléments de preuve dont elle disposait en n’examinant pas les marchés libre et captif du produit concerné dans leur ensemble et que cette analyse séparée desdits marchés contrevenait à l’obligation visée à l’article 3, paragraphes 1 et 2, du règlement de base (l’article 3, paragraphe 1, étant devenu l’article 3, paragraphe 1, du règlement 2016/1036) et à l’article 3.1 de l’accord antidumping, imposant de procéder à une évaluation objective. En outre, elle fait valoir que la Commission n’a pas analysé de manière similaire les marchés libre et captif, ce qui est également contraire à son obligation d’appréciation objective, dans la mesure où elle a examiné essentiellement et principalement le marché libre et a en grande partie ignoré le marché captif dans l’Union, alors qu’il représentait 82 % de la production totale et qu’il présentait des tendances positives. L’affirmation de la Commission, aux considérants 100 et 101 du règlement provisoire, selon laquelle l’examen de l’industrie de l’Union dans son ensemble n’était pas nécessaire, car elle était verticalement intégrée et les importations n’étaient pas en concurrence avec les produits destinés à un usage captif dans la mesure où il ne serait pas judicieux, du point de vue économique, que des producteurs intégrés achètent à des concurrents des produits destinés à la production en aval s’ils ont la capacité requise pour fabriquer les produits en question (considérant 79 du règlement attaqué), serait, d’une part, erronée, car le produit concerné en provenance de Russie et de Chine aurait bien été acheté par les producteurs de l’Union (considérants 104 et 130 du règlement attaqué), et, d’autre part, non pertinente aux fins de l’obligation d’examiner toutes les parties du marché de manière égale et le marché de l’Union dans son ensemble.

157 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

158 En réponse au grief de la requérante selon lequel la Commission n’aurait pas jugé nécessaire d’examiner l’industrie de l’Union dans son ensemble après avoir examiné séparément le marché captif et le marché libre du produit concerné, il convient de relever qu’il ressort du considérant 115 du règlement attaqué et du considérant 155 du règlement provisoire, confirmé par le considérant 117 du règlement attaqué, que la Commission a effectué une analyse globale couvrant l’ensemble de l’industrie de l’Union, en ce qu’elle a conclu que ladite industrie, analysée dans ses deux segments « et dans son ensemble », avait subi un préjudice important au niveau des principaux indicateurs de préjudice.

159 D’abord, il ressort du considérant 100 du règlement provisoire, confirmé par le considérant 81 du règlement attaqué, que la Commission a estimé que, dans la mesure où l’industrie de l’Union était majoritairement verticalement intégrée et où le produit concerné était considéré comme une matière première pour la production de divers produits en aval à valeur ajoutée, il y avait lieu d’analyser séparément les consommations du marché captif et celles du marché libre. Selon le considérant 101 du règlement provisoire, également confirmé par le considérant 81 du règlement attaqué, la distinction entre marché captif et marché libre est pertinente pour l’analyse du préjudice, parce que les produits destinés à un usage captif ne sont pas exposés à la concurrence directe des importations et que les prix de transfert sont définis au sein des groupes en fonction de diverses politiques tarifaires, et ne sont donc pas fiables. Au contraire, la production destinée au marché libre est en concurrence directe avec les importations du produit concerné et les prix sont ceux du marché libre.

160 Au considérant 90 du règlement attaqué, la Commission relève que, comme cela est expliqué au considérant 123 du règlement provisoire, elle a analysé séparément les données relatives au marché captif et celles relatives au marché libre ainsi que les résultats globaux de l’industrie de l’Union, lorsqu’il y avait lieu. Selon le même considérant, la majeure partie du marché captif concerne des transferts captifs effectués au sein d’une même entité juridique, de sorte qu’aucune facture n’est émise et, partant, aucun prix de vente n’est établi. Pour la Commission, dans le cas des ventes captives entre entités liées, il est patent, à la lumière des différentes politiques de prix de transfert applicables parmi les divers producteurs retenus dans l’échantillon, qu’aucune analyse pertinente du prix et des indicateurs de rentabilité n’était envisageable, mais, étant donné que le volume de la consommation captive était néanmoins susceptible de fluctuer, son évolution a été soumise à analyse. Selon le même considérant, pour ce qui est du marché libre, le coût unitaire de production, le prix de vente, le volume des ventes et la rentabilité ont été analysés ; quant à l’activité globale couvrant les marchés captif et libre, qui sont étroitement liés, l’analyse a porté, notamment, sur les indicateurs suivants : volume et capacités de production, utilisation des capacités, emploi, productivité, stocks, coût de la main-d’œuvre, flux de liquidités, investissements et rendement des investissements.

161 Dès lors, comme il a été relevé au considérant 91 du règlement attaqué, il y a lieu de rejeter l’argument selon lequel l’analyse de la situation économique de l’industrie de l’Union se fonde uniquement sur le marché libre et aurait dû inclure une analyse des activités sur le marché captif ainsi que des activités globales. Tous les aspects pertinents concernant l’évolution de la situation économique sur ces marchés ont été analysés dans la mesure du possible, qu’ils aient été pris en considération séparément ou de manière agrégée, et la requérante n’a pas pu démontrer que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation dans son analyse.

162 Ainsi qu’il ressort du point 160 ci-dessus, lorsqu’une analyse pertinente n’était pas envisageable concernant certains indicateurs, comme le prix de vente ou la rentabilité du marché captif, la Commission en a donné les raisons, de sorte que la requérante n’a pas démontré que la Commission n’avait pas analysé les marchés libre et captif en toute objectivité et, dans toute la mesure du possible, de la même manière pour intégrer ensuite son analyse dans l’évaluation globale, conformément à l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base et à l’article 3.1 de l’accord antidumping [voir, en ce sens, rapport de l’organe d’appel de l’OMC intitulé « États-Unis – mesures antidumping appliquées à certains produits en acier laminés à chaud en provenance du Japon », adopté le 23 août 2001 (WT/DS 184/AB/R), point 204].

163 Enfin, il convient de répondre à l’argumentation de la requérante selon laquelle la Commission a jugé à tort, aux considérants 100 et 101 du règlement provisoire, que l’examen de l’industrie de l’Union « dans son ensemble » n’était pas nécessaire dans la mesure où l’industrie de l’Union était verticalement intégrée et où, partant, les importations du produit concerné n’étaient pas en concurrence avec les produits destinés à un usage captif que l’industrie de l’Union aurait la capacité de fabriquer elle-même. Au soutien de son argumentation, la requérante fait valoir plus précisément que le produit concerné en provenance de Russie et de Chine a bel et bien été acheté par les producteurs de l’Union, de sorte que l’argument de la Commission, énoncé au considérant 79 du règlement attaqué, selon lequel il ne serait « pas judicieux, du point de vue économique », que l’industrie de l’Union achète des produits semi-finis laminés à froid en acier à des concurrents est entaché d’erreur. À cet égard, il suffit de relever que la requérante n’a pas démontré que la réponse apportée par la Commission aux considérants 191 et 192 du règlement provisoire et confirmée au considérant 130 du règlement attaqué, selon laquelle l’achat par l’industrie de l’Union du produit concerné en provenance, notamment, de Russie et de Chine représentait moins de 1 % du chiffre d’affaires total des ventes de ladite industrie et était le fait de sociétés qui fonctionnaient indépendamment des sociétés productrices et qui étaient contraintes de satisfaire à une partie très limitée de leurs besoins à partir de telles importations sous la pression occasionnelle de clients voulant obtenir le matériau le moins cher possible, était entachée d’erreur manifeste.

164 En conclusion, la requérante n’a pas démontré que la Commission avait violé l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base et l’article 3.1 de l’accord antidumping ou commis des erreurs manifestes d’appréciation dans le cadre de l’appréciation de l’existence du préjudice, ni qu’elle avait suivi une approche partiale dans le cadre de cette analyse.

165 Pour toutes ces raisons, il y a lieu de rejeter le troisième moyen dans son ensemble.

Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base

166 Par son quatrième moyen, la requérante fait valoir que la Commission a méconnu l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base en attribuant aux importations en provenance des pays concernés le préjudice porté à l’industrie de l’Union. Ce préjudice serait le résultat d’autres facteurs, pris individuellement, et, en tout état de cause, considérés collectivement, à savoir la crise économique de 2012, les mauvaises décisions commerciales prises par l’industrie de l’Union, la chute des prix du produit concerné en raison de la baisse des prix des matières premières, les achats par l’industrie de l’Union des importations en provenance des pays concernés, l’incidence des importations en provenance d’Iran, d’Inde et d’Ukraine et l’existence d’un accord international précédemment applicable relatif au commerce de certains produits sidérurgiques entre la Russie et l’Union. La requérante estime qu’il y avait en l’occurrence des circonstances exceptionnelles, à savoir la crise de l’industrie sidérurgique mondiale, suivie d’une dépression des prix de l’acier accompagnée de prix élevés de l’industrie énergétique, et un marché captif très important, obligeant la Commission à effectuer une analyse collective de ces autres facteurs de causalité.

167 S’agissant, premièrement, de la contraction de la demande due à la crise économique mondiale de 2012, la Commission aurait déclaré à tort au point 163 du règlement provisoire que les producteurs de l’Union n’avaient pas bénéficié d’une reprise alléguée entre 2012 et 2013 en raison des importations russes ou chinoises, cette absence de reprise étant due à la contraction persistante de la demande du produit concerné. S’agissant, deuxièmement, des décisions commerciales malencontreuses prises par l’industrie de l’Union, la Commission aurait rejeté à tort cet argument au considérant 169 du règlement provisoire et aux considérants 121 et 122 du règlement attaqué, le moment choisi par l’industrie de l’Union pour procéder à des investissements coûteux en 2011 et en 2012 ainsi que l’augmentation des capacités intervenue en 2011 ayant été particulièrement préjudiciables à ladite industrie. S’agissant, troisièmement, de la chute des prix du produit concerné en raison de la baisse des prix des matières premières, la Commission l’aurait également écartée à tort comme un facteur du préjudice au considérant 171 du règlement provisoire et au considérant 127 du règlement attaqué. S’agissant, quatrièmement, de la circonstance que l’industrie de l’Union aurait acheté elle-même le produit concerné en provenance de Chine et de Russie, la Commission l’aurait aussi appréciée de manière incomplète et inexacte aux fins de l’analyse des causes du préjudice au considérant 192 du règlement provisoire et au considérant 131 du règlement attaqué, alors que lesdites importations n’étaient pas négligeables. S’agissant, cinquièmement, des importations en provenance de l’Inde, de l’Iran et de l’Ukraine, leur part de marché cumulée de 5,4 % était suffisamment élevée pour constituer la principale raison de la réduction de la part de marché de l’industrie de l’Union de 4 %, contrairement à ce qui ressortirait du considérant 180 du règlement provisoire et du considérant 141 du règlement attaqué, et la Commission aurait jugé à tort que les importations en provenance de Russie causaient un préjudice alors que celles de volumes similaires, et parfois à des prix plus bas, en provenance des autres pays tiers n’y auraient pas contribué. S’agissant, sixièmement, de l’accord international précédemment applicable relatif au commerce de certains produits sidérurgiques entre l’Union et la Russie et prévoyant, année par année, des quotas d’importation qui ne seraient pas préjudiciables à l’industrie de l’Union, la Commission n’aurait pas dûment pris en considération cette circonstance lors de son appréciation de la situation.

168 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

169 À titre liminaire, il convient de relever que, conformément à l’article 3, paragraphe 6, du règlement de base, il doit être démontré à l’aide de tous les éléments de preuve pertinents présentés en relation avec l’article 3, paragraphe 2, du même règlement que les importations faisant l’objet d’un dumping causent un préjudice au sens de ce règlement. Cela implique la démonstration que le volume ou les niveaux des prix visés à l’article 3, paragraphe 3, de ce règlement ont un impact sur l’industrie de l’Union au sens de l’article 3, paragraphe 5, de ce même règlement et que cet impact est tel qu’il puisse être considéré comme important (voir arrêt du 10 juillet 2019, Caviro Distillerie e.a./Commission, C‑345/18 P, non publié, EU:C:2019:589, point 22 et jurisprudence citée).

170 De plus, il y a lieu de rappeler que l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base prévoit que les facteurs connus, autres que les importations faisant l’objet d’un dumping, qui causent au même moment un préjudice à l’industrie de l’Union sont examinés de manière à ce que le préjudice causé par ces autres facteurs ne soit pas attribué aux importations faisant l’objet d’un dumping au sens de l’article 3, paragraphe 6, de ce même règlement.

171 Par ailleurs, ainsi qu’il a été relevé précédemment, il est de jurisprudence constante que la détermination de l’existence d’un préjudice causé à l’industrie de l’Union suppose l’appréciation de situations économiques complexes et que le contrôle juridictionnel d’une telle appréciation doit ainsi être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir. Tel est notamment le cas de la détermination des facteurs qui causent un préjudice à l’industrie de l’Union dans le cadre d’une enquête antidumping (voir arrêt du 10 juillet 2019, Caviro Distillerie e.a./Commission, C‑345/18 P, non publié, EU:C:2019:589, point 15 et jurisprudence citée).

172 Lors de sa détermination, les institutions de l’Union ont l’obligation d’examiner si le préjudice qu’elles entendent retenir découle effectivement des importations qui ont fait l’objet d’un dumping et d’écarter tout préjudice découlant d’autres facteurs, notamment celui qui aurait sa cause dans le comportement propre des producteurs de l’Union. À cette fin, il appartient aux institutions de vérifier si les effets de ces autres facteurs n’ont pas été de nature à rompre le lien de causalité entre, d’une part, les importations concernées et, d’autre part, le préjudice subi par l’industrie de l’Union. Il leur appartient également de vérifier si le préjudice imputable à ces autres facteurs n’entre pas en ligne de compte dans la détermination du préjudice. Toutefois, si les institutions de l’Union constatent que, en dépit de tels facteurs, le préjudice causé par lesdites importations est important, le lien de causalité entre ces importations et le préjudice subi par l’industrie de l’Union peut, en conséquence, être établi (voir, en ce sens, arrêts du 19 décembre 2013, Transnational Company « Kazchrome » et ENRC Marketing/Conseil, C‑10/12 P, non publié, EU:C:2013:865, points 23 à 25, et du 16 avril 2015, TMK Europe, C‑143/14, EU:C:2015:236, points 35 à 37).

173 Enfin, il appartient aux parties invoquant l’illégalité d’un règlement tel que le règlement attaqué de présenter les éléments de preuve de nature à démontrer l’incidence des facteurs susceptibles d’avoir un effet sur le préjudice causé à l’industrie de l’Union. Ces parties doivent notamment démontrer que lesdits facteurs ont pu avoir une incidence d’une telle importance que l’existence d’un préjudice causé à l’industrie de l’Union et celle du lien de causalité entre ce préjudice et les importations faisant l’objet d’un dumping n’étaient plus fiables (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2013, Transnational Company « Kazchrome » et ENRC Marketing/Conseil, C‑10/12 P, non publié, EU:C:2013:865, point 28).

174 Par le présent moyen, tiré d’une violation de l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base, la requérante ne vise pas la conclusion provisoire de la Commission, au titre de l’article 3, paragraphe 6, du règlement de base, telle que formulée au considérant 159 du règlement provisoire, reprise au considérant 202 du même règlement et confirmée au considérant 143 du règlement attaqué, selon laquelle, au vu de la coïncidence clairement établie entre, d’une part, le niveau toujours croissant des importations faisant l’objet d’un dumping à des prix continuellement en baisse et, d’autre part, la perte de volume de ventes de l’industrie de l’Union ainsi que la dépression des prix entraînant une situation déficitaire, les importations faisant l’objet d’un dumping étaient responsables de la situation préjudiciable de l’industrie de l’Union.

175 De même, la requérante ne conteste pas que, comme il est rappelé au considérant 82 du règlement attaqué, les effets des importations en provenance de Russie et de Chine faisant l’objet d’un dumping avaient fait l’objet d’une évaluation cumulative au sens de l’article 3, paragraphe 4, du règlement de base (devenu article 3, paragraphe 4, du règlement 2016/1036), pour les raisons mentionnées aux considérants 107 à 111 du règlement provisoire.

176 En revanche, la requérante conteste la seconde étape de l’examen du lien de causalité entre le préjudice et les importations en provenance des pays concernés, effectuée en application de l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base, unique objet du présent moyen.

177 Selon la Commission, les conclusions du règlement attaqué relatives à l’existence d’un lien de causalité entre les importations faisant l’objet d’un dumping en provenance de Chine et de Russie et le préjudice important subi par l’industrie de l’Union, y compris en prenant en compte la question de savoir si d’autres facteurs étaient en mesure de briser tout lien entre ces importations et ledit préjudice, étaient devenues définitives dès lors qu’aucun producteur-exportateur chinois n’avait introduit un recours en annulation contre le règlement attaqué et que la requérante n’avait pas contesté la décision de la Commission de procéder à une évaluation cumulative des effets de ces importations en application de l’article 3, paragraphe 4, du règlement de base. Cet argument de la Commission doit être rejeté. En effet, rien n’empêche la requérante d’apporter la démonstration que l’effet de ces autres facteurs a été de nature à rompre le lien de causalité entre les importations en provenance de Chine et de Russie, qui ont fait l’objet d’une évaluation cumulative, et le préjudice important subi par l’industrie de l’Union.

178 Il convient dès lors de vérifier si, comme le soutient la requérante, d’autres facteurs, pris individuellement ou collectivement, étaient à l’origine du préjudice important subi par l’industrie de l’Union et brisaient ainsi le lien de causalité entre le préjudice et les importations litigieuses.

179 S’agissant, en premier lieu, de la contraction de la demande due à la crise économique, la Commission a relevé, au considérant 120 du règlement attaqué, que, dans un contexte de lente reprise de la demande à partir de 2012, à savoir de 4,4 % entre 2012 et la période d’enquête, la part de marché des importations en provenance des pays concernés était passée de 13,5 % en 2012 à 18,7 % en 2013, et même à 20,1 % au cours de la période d’enquête. Parallèlement, ainsi qu’il ressort des considérants 127 et 129 du règlement provisoire et du considérant 105 du règlement attaqué, la part de marché de l’Union est passée de 74,8 à 70,8 % au cours de la période considérée et, pour éviter une contraction encore plus forte, l’industrie de l’Union a été contrainte de baisser les prix (considérant 140 du règlement provisoire). C’est sans commettre une erreur manifeste d’appréciation que la Commission a pu en déduire que la circonstance que les importations faisant l’objet d’un dumping en provenance des pays concernés n’avaient pas été, contrairement à l’industrie de l’Union, négativement affectées par la légère reprise de la consommation à partir de 2012 démontrait que ce facteur n’était pas de nature à briser le lien de causalité entre les importations litigieuses et le préjudice important causé à l’industrie de l’Union.

180 Par conséquent, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission a tenu compte de l’effet de la contraction de la demande sur la situation de l’industrie de l’Union et la requérante est restée en défaut de démontrer que cette contraction avait eu une incidence d’une importance telle que l’existence d’un préjudice important causé à l’industrie de l’Union ainsi que celle du lien de causalité entre ce préjudice et les importations faisant l’objet d’un dumping n’étaient plus fiables.

181 Il ressort de ce qui précède que le grief de la requérante selon lequel la Commission a commis des erreurs manifestes d’appréciation lors de l’évaluation de l’incidence éventuelle de la contraction de la demande due à la crise économique sur le préjudice causé à l’industrie de l’Union doit être rejeté.

182 S’agissant, en deuxième lieu, des prétendues mauvaises décisions commerciales prises par l’industrie de l’Union en matière d’investissement et d’augmentation des capacités, à savoir la réalisation de prétendus investissements « coûteux » en 2011 et en 2012 ainsi que l’augmentation des capacités en 2011, la Commission a relevé, au considérant 122 du règlement attaqué, que, dans la mesure où l’enquête avait eu pour objectif d’analyser l’évolution de la situation économique de l’industrie de l’Union durant la période allant de 2011 à la période d’enquête, l’accroissement des capacités qui avait eu lieu au cours des années 2010 et 2011 ne pouvait pas être considéré comme faisant partie du champ de l’analyse. De plus, l’affirmation selon laquelle l’industrie de l’Union avait effectué des investissements coûteux en 2011 et en 2012 ne serait étayée par aucun élément de fait et les investissements consentis par les producteurs de l’Union inclus dans l’échantillon au cours de la période considérée auraient représenté moins de 2,5 % de leur actif net et auraient consisté principalement en des investissements de remplacement et de rationalisation. La Commission en a déduit au même considérant que, compte tenu du niveau des investissements et de leur nature, ceux-ci ne pouvaient pas être considérés comme suffisamment importants pour avoir une incidence sur la performance économique de l’industrie de l’Union.

183 Il y a lieu de constater que la requérante n’a apporté aucun élément à l’appui de son allégation selon laquelle l’industrie de l’Union avait consenti des investissements coûteux qui auraient été à l’origine du préjudice important qu’elle subissait. Par ailleurs, celle-ci a effectivement diminué le niveau de ses investissements de 14 % sur l’ensemble de la période considérée, ainsi qu’il ressort du tableau 16 du règlement provisoire.

184 Par conséquent, la requérante est restée en défaut de démontrer que les décisions en matière d’investissement et de capacité de l’industrie de l’Union avaient eu une importance telle que l’existence d’un préjudice important causé à ladite industrie ainsi que celle du lien de causalité entre ce préjudice et les importations faisant l’objet d’un dumping n’étaient plus fiables.

185 Il ressort de ce qui précède que le grief de la requérante selon lequel la Commission a commis des erreurs manifestes d’appréciation lors de l’évaluation de l’incidence éventuelle des décisions en matière d’investissement et de capacité de l’industrie de l’Union sur le préjudice causé à celle-ci doit être rejeté.

186 S’agissant, en troisième lieu, de l’incidence de la diminution des prix des matières premières sur les prix du produit concerné appliqués par l’industrie de l’Union, la Commission a indiqué, d’une part, au considérant 126 du règlement attaqué, que les prix des importations en provenance des pays concernés avaient baissé en moyenne de 20 %, alors que la diminution des prix des matières premières ne pouvait induire qu’une baisse des prix inférieure à 11 % environ, et, d’autre part, au considérant 127 du règlement attaqué, que la baisse des prix de vente dans l’Union, de l’ordre de 19 %, ainsi qu’il est relevé notamment aux considérants 140 et 153 du règlement provisoire, était plus prononcée que la baisse des prix des matières premières.

187 La Commission a dès lors pu considérer sans commettre une erreur manifeste d’appréciation que la baisse des prix de vente dans l’Union était due, du moins partiellement, à la pression sur les prix exercée par les importations faisant l’objet d’un dumping en provenance des pays concernés.

188 Par conséquent, la requérante est restée en défaut de démontrer que la baisse des prix des matières premières avait eu une incidence telle que l’existence d’un préjudice important causé à l’industrie de l’Union ainsi que celle du lien de causalité entre ce préjudice et les importations faisant l’objet d’un dumping n’étaient plus fiables.

189 Il ressort de ce qui précède que le grief de la requérante selon lequel la Commission a commis des erreurs manifestes d’appréciation lors de l’évaluation de l’incidence éventuelle des prix des matières premières sur le préjudice causé à l’industrie de l’Union doit être rejeté.

190 S’agissant, en quatrième lieu, des importations du produit concerné par l’industrie de l’Union elle-même, la Commission a indiqué, au considérant 130 du règlement attaqué, que ces importations avaient représenté moins de 1 % du chiffre d’affaires total des ventes de l’industrie de l’Union. Compte tenu des faibles volumes concernés et du fait que ceux-ci n’avaient pas augmenté pendant la période considérée, alors que la part de marché des importations faisant l’objet d’un dumping en provenance des pays concernés s’élevait à 20,1 %, c’est sans commettre une erreur manifeste d’appréciation que la Commission a pu conclure que ces achats ne pouvaient rompre le lien de causalité entre les importations litigieuses et le préjudice important causé à l’industrie de l’Union.

191 En l’absence d’éléments concrets de nature à étayer son grief, la requérante est restée en défaut de démontrer que les importations du produit concerné réalisées par l’industrie de l’Union avaient pu avoir une importance telle que l’existence d’un préjudice important causé à ladite industrie ainsi que celle du lien de causalité entre ce préjudice et les importations faisant l’objet d’un dumping n’étaient plus fiables.

192 Il ressort de ce qui précède que le grief de la requérante selon lequel la Commission a commis des erreurs manifestes d’appréciation lors de l’évaluation de l’incidence éventuelle des importations réalisées par l’industrie de l’Union sur le préjudice causé à celle-ci doit être rejeté.

193 S’agissant, en cinquième lieu, des importations du produit concerné en provenance des autres pays tiers, il ressort du tableau 27 et du considérant 177 du règlement provisoire ainsi que du considérant 139 du règlement attaqué que, au cours de la période considérée, le volume des importations de ces autres pays tiers avait diminué de 24 % et que leur part de marché était passée de 10,9 à 9,1 %, alors que le volume des importations en provenance des pays concernés avait augmenté de 28 % et que la part de marché des importations en provenance de Russie avait progressé, passant de 5,9 à 9,8 %. En outre, la part de marché cumulée des pays concernés était passée de 14,3 % en 2011 à 20,1 % durant la période d’enquête. La Commission en a conclu que les importations en provenance de Russie et celles en provenance des autres pays tiers avaient suivi des tendances opposées.

194 C’est sans commettre une erreur manifeste d’appréciation que la Commission a pu en déduire que les importations en provenance des autres pays tiers, dont la part de marché était restée relativement stable, ne sauraient aboutir à briser le lien de causalité entre les importations en provenance des pays concernés, qui connaissaient une croissance rapide et enregistraient une part de marché de 20,1 %, et le préjudice subi par l’industrie de l’Union. Il en est d’autant plus ainsi que, comme la Commission l’a relevé aux considérants 140 et 141 du règlement attaqué, même s’il n’était nullement contesté que les prix moyens des importations en provenance de l’Iran et de l’Ukraine étaient effectivement inférieurs à ceux des pays concernés, la politique des prix de l’Iran et de l’Ukraine n’a pas connu de changement notable au cours de la période considérée, contrairement aux prix des importations litigieuses, qui ont baissé de 20 % au cours de la même période, et que la circonstance que la part de marché des importations en provenance de ces deux pays tiers avait légèrement augmenté (passant de 2,9 à 3,4 %, et de 4 à 5,4 % en incluant l’Inde) n’était pas de nature à rompre le lien de causalité entre les importations en provenance des pays concernés et le préjudice important causé à l’industrie de l’Union.

195 Eu égard à cette évolution des tendances, la requérante est restée en défaut de démontrer que les importations en provenance de pays tiers avaient eu une importance telle que l’existence d’un préjudice important causé à l’industrie de l’Union ainsi que celle du lien de causalité entre ce préjudice et les importations faisant l’objet d’un dumping n’étaient plus fiables.

196 Il ressort de ce qui précède que le grief de la requérante selon lequel la Commission a commis des erreurs manifestes d’appréciation lors de l’évaluation de l’incidence éventuelle des importations de pays tiers sur le préjudice causé à l’industrie de l’Union doit être rejeté.

197 S’agissant, en sixième et dernier lieu, de l’existence d’un accord précédemment applicable relatif au commerce de certains produits sidérurgiques entre la Russie et l’Union, il convient de relever d’emblée que des mesures qui facilitent et favorisent les importations sont uniquement des causes indirectes et ne peuvent pas être considérées comme d’« autres facteurs » au sens de l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base (voir, en ce sens, arrêt du 14 novembre 2013, Conseil/Gul Ahmed Textile Mills, C‑638/11 P, EU:C:2013:732, point 31).

198 Pour autant que l’argument de la requérante puisse être compris en ce sens que, dans la mesure où les importations russes sont restées dans les limites des quotas prétendument « non préjudiciables » définis dans l’accord précédemment applicable relatif au commerce de certains produits sidérurgiques entre la Russie et l’Union, ces importations seraient exonérées de toute détermination de lien de causalité et qu’il en résulterait la reconnaissance que les importations au titre du quota prévu ne seraient pas préjudiciables, ledit argument doit être rejeté.

199 À cet égard il suffit de relever, premièrement, qu’il ressort du considérant 133 du règlement attaqué que l’accord susmentionné est arrivé à terme le 22 août 2012, soit avant la période d’enquête, à la suite de l’adhésion de la Russie à l’OMC, deuxièmement, que ledit accord ne prévoyait aucune exonération des règles du règlement de base et se référait uniquement à des restrictions quantitatives sans évoquer une obligation de respecter des niveaux de prix non préjudiciables et, troisièmement, qu’il ressort du considérant 135 du règlement attaqué que le champ d’application matériel de l’accord était différent de la définition du produit concerné.

200 Par conséquent, la requérante n’a pas démontré que la Commission avait commis des erreurs manifestes d’appréciation en évaluant l’importance des différents facteurs examinés précédemment et en concluant qu’ils n’étaient pas suffisants pour briser le lien de causalité entre les importations en provenance des pays concernés et le préjudice causé à l’industrie de l’Union et que ces facteurs n’avaient pas eu une importance telle que l’existence d’un préjudice important causé à l’industrie de l’Union ainsi que celle du lien de causalité entre ce préjudice et les importations faisant l’objet d’un dumping n’étaient plus fiables.

201 L’argumentation de la requérante selon laquelle, en tout état de cause, les différents facteurs examinés précédemment, considérés collectivement, auraient dû être considérés comme suffisants pour briser le lien de causalité entre les importations en provenance des pays concernés et le préjudice causé à l’industrie de l’Union ne saurait pas non plus être retenue.

202 À cet égard, il convient de relever que l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base ainsi que l’article 3.5 de l’accord antidumping exigent que les effets des autres facteurs de causalité soient dissociés et distingués de ceux des importations faisant l’objet d’un dumping afin que les dommages causés par les importations faisant l’objet d’un dumping et ceux causés par les autres facteurs ne soient pas amalgamés et non distinguables. Ces dispositions ne prescrivent toutefois pas la méthode par laquelle les autorités chargées de l’enquête doivent éviter d’imputer les dommages causés par les autres facteurs de causalité aux importations faisant l’objet d’un dumping (arrêt du 15 décembre 2016, Gul Ahmed Textile Mills/Conseil, T‑199/04 RENV, non publié, EU:T:2016:740, point 178).

203 Ainsi, ces dispositions ne contiennent pas une obligation générale pour les autorités chargées de l’enquête d’examiner les effets des autres facteurs de causalité collectivement après les avoir examinés individuellement. Si, ainsi que l’organe d’appel de l’OMC l’a relevé, il n’est dans l’absolu pas exclu que, dans certains cas, et en raison des circonstances factuelles qui leur sont spécifiques, l’autorité chargée de l’enquête, en n’effectuant pas d’examen de l’incidence collective des autres facteurs de causalité, attribue à tort les effets des autres facteurs de causalité aux importations faisant l’objet d’un dumping, l’article 3.5 de l’accord antidumping doit être interprété comme n’obligeant pas les autorités chargées de l’enquête à examiner l’incidence collective des autres facteurs de causalité lorsqu’elles s’acquittent de leur obligation de ne pas imputer aux importations faisant l’objet d’un dumping les dommages causés par les autres facteurs de causalité (voir, en ce sens, arrêt du 15 décembre 2016, Gul Ahmed Textile Mills/Conseil, T‑199/04 RENV, non publié, EU:T:2016:740, point 179).

204 En l’espèce, il ressort des considérants 203 et 204 du règlement provisoire que la Commission a tenu compte de l’effet combiné potentiel de ces facteurs.

205 Ainsi, au considérant 203 du règlement provisoire, la Commission a énoncé qu’elle avait opéré une distinction entre les effets de tous les facteurs connus sur la situation de l’industrie de l’Union et les effets préjudiciables des importations faisant l’objet d’un dumping et que les autres facteurs identifiés n’avaient provisoirement pas été considérés comme brisant le lien de causalité établi ci-dessus, même en tenant compte de leur effet combiné potentiel. Selon la Commission, la crise et le déclin de la consommation ainsi que la rationalisation de l’industrie de l’Union ont pu contribuer au préjudice dans une certaine mesure, mais, en l’absence de réductions continues des prix des importations faisant l’objet d’un dumping, la situation de l’industrie de l’Union ne se serait certainement pas autant détériorée. En particulier, les prix de vente n’auraient pas baissé à des niveaux aussi bas et la rentabilité aurait été meilleure. La Commission a, dès lors, conclu, au considérant 204 du règlement provisoire, que le préjudice important subi par l’industrie de l’Union avait été causé par les importations faisant l’objet d’un dumping originaires des pays concernés et qu’aucun autre facteur considéré « individuellement ou collectivement » n’avait brisé ce lien de causalité. Ces constatations ont été confirmées au considérant 143 du règlement attaqué.

206 Dès lors, contrairement à ce qu’allègue la requérante, la Commission a tenu compte de l’effet combiné potentiel de ces facteurs et la requérante est restée en défaut d’établir que lesdites conclusions étaient entachées d’erreurs manifestes d’appréciation.

207 Eu égard à toutes les considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen dans son ensemble.

Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’article 9, paragraphe 4, et de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de baseainsi que d’erreurs manifestes d’appréciation

208 Par son cinquième moyen, articulé en deux branches, la requérante fait valoir que la Commission a commis des erreurs de droit et des erreurs manifestes d’appréciation lors de la détermination du niveau d’élimination du préjudice.

Sur la première branche du cinquième moyen

209 S’agissant de la première branche du cinquième moyen, la requérante soutient que la Commission a méconnu l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base et a commis une erreur manifeste d’appréciation, dans la mesure où elle a fixé, aux considérants 152 à 161 du règlement attaqué, une marge bénéficiaire déraisonnable et excessive pour l’industrie de l’Union, à savoir une marge de 9,9 %, aux fins du calcul du prix cible et de la marge de sous-cotation, en considérant à tort que les années qui ont suivi le début de la crise financière en 2009 n’étaient pas représentatives de l’industrie de l’Union pour le calcul de la marge bénéficiaire cible.

210 La requérante fait valoir que, en choisissant comme année de référence l’année 2008, la Commission a violé les limites temporelles de l’appréciation de la situation de l’industrie de l’Union qu’elle s’était elle-même fixées de manière objective et impartiale, en élargissant rétroactivement celles-ci, le début de la « période considérée » ayant été fixé par la Commission à l’année 2011. Un tel pouvoir discrétionnaire illimité serait également contraire au principe de bonne administration. En définitive, la Commission aurait retenu une année de référence trop ancienne, au cours de laquelle les bénéfices étaient à un niveau que l’industrie de l’Union ne pouvait plus raisonnablement s’attendre à atteindre.

211 La requérante conteste qu’il résulterait de l’arrêt du 28 octobre 1999, EFMA/Conseil (T‑210/95, EU:T:1999:273), que la période considérée ne pouvait pas être retenue pour déterminer la marge bénéficiaire cible en raison, d’une part, des importations en provenance de Chine et de Russie tout au long de la période considérée et, d’autre part, de la « crise économique », qui, de l’avis de la Commission, serait difficile à concilier avec le concept de conditions normales de concurrence au sens de cet arrêt. D’une part, à tout le moins du 1er janvier 2011 au 1er avril 2014, période non couverte par les conclusions relatives au dumping, la Commission n’aurait pas eu de preuve d’importations faisant l’objet de dumping. D’autre part, ledit arrêt devrait être interprété à la lumière des limites temporelles que la Commission se serait fixées elle-même et ne saurait aboutir à déterminer une marge bénéficiaire que l’industrie de l’Union n’aurait pu escompter en l’absence de dumping.

212 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

213 Conformément à l’article 9, paragraphe 4, troisième phrase, du règlement de base (devenu article 9, paragraphe 4, deuxième alinéa, du règlement 2016/1036), le montant du droit antidumping ne doit pas excéder la marge de dumping établie et devrait être inférieur à cette marge, si ce droit moindre suffit à éliminer le préjudice causé à l’industrie de l’Union. Ainsi qu’il est relevé au considérant 166 du règlement attaqué, le calcul de la marge de préjudice a ainsi pour but de déterminer si le fait d’appliquer un taux de droit inférieur à celui qui est établi sur la marge de dumping est suffisant pour l’élimination de ce préjudice.

214 Or, comme la Commission l’a relevé, en l’absence d’autres précisions, la méthode de calcul généralement utilisée, et non contestée en l’espèce, est fondée sur la marge de sous-cotation des « prix indicatifs », qui tient compte de la pression à la baisse exercée par les importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix de vente de l’industrie de l’Union. Cette méthode ne se limite dès lors pas à comparer les prix de ces importations et les prix réels des ventes de l’industrie de l’Union, ces derniers étant remplacés par un prix de vente hypothétique tel qu’il existerait en l’absence des importations faisant l’objet d’un dumping. Ce prix est calculé en ajoutant un bénéfice cible au coût de production de l’industrie de l’Union ou aux prix de vente de celle-ci, ajustés au seuil de rentabilité.

215 À cet égard, il a été jugé que la marge bénéficiaire devant être retenue pour calculer le prix indicatif de nature à éliminer le préjudice devait être limitée à la marge bénéficiaire que l’industrie de l’Union pourrait raisonnablement escompter dans des « conditions normales de concurrence, en l’absence des importations faisant l’objet du dumping » (arrêt du 28 octobre 1999, EFMA/Conseil, T‑210/95, EU:T:1999:273, point 60).

216 En l’espèce, il ressort des considérants 238 et 239 du règlement provisoire que la Commission avait calculé provisoirement un prix non préjudiciable du produit concerné pour l’industrie de l’Union en ajoutant une marge bénéficiaire de 5 %, considérée comme le niveau que l’industrie de l’Union pourrait normalement atteindre en l’absence de dumping préjudiciable, au coût de production des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon pendant la période d’enquête.

217 Contrairement à ce qu’allègue la requérante, la Commission n’était pas liée par les limites temporelles de la période considérée, allant du 1er janvier 2011 au 31 mars 2015, pour le choix de l’année représentative la plus récente aux fins de l’établissement du bénéfice cible de l’industrie de l’Union.

218 En effet, dès lors que, conformément à la jurisprudence citée au point 215 ci-dessus, la marge bénéficiaire devant être retenue pour calculer le prix indicatif de nature à éliminer le préjudice doit être limitée à la marge bénéficiaire que l’industrie de l’Union pourrait raisonnablement escompter dans des « conditions normales de concurrence, en l’absence des importations faisant l’objet du dumping », la Commission, dans le cadre de son large pouvoir d’appréciation, peut valablement arriver à la conclusion selon laquelle l’année représentative la plus récente se situe, le cas échéant, en dehors de la période considérée, sans violer le principe de bonne administration ni le règlement de base, qui ne prévoit pas que la détermination de la marge bénéficiaire cible doit être nécessairement fondée sur la même période que celle qui sert de référence en vue de la détermination du préjudice et du lien de causalité conformément à l’article 6, paragraphe 1, du règlement de base (devenu article 6, paragraphe 1, du règlement 2016/1036) (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 11 septembre 2014, Gold East Paper et Gold Huasheng Paper/Conseil, T‑444/11, EU:T:2014:773, points 308 à 313).

219 En l’espèce, il est énoncé au considérant 236 du règlement provisoire, confirmé par le considérant 154 du règlement attaqué, que l’enquête avait établi la présence de volumes significatifs d’importations à faibles prix en provenance des pays concernés durant toute la période considérée ayant eu des conséquences négatives sur la rentabilité de l’industrie de l’Union et que, ainsi qu’il ressort notamment du tableau 16 du considérant 145 du règlement provisoire, ladite rentabilité était restée négative durant toute cette période, à l’exception de l’année 2011, appréciations dont la requérante n’a pas démontré qu’elles étaient entachées d’erreur manifeste. Dans le cadre de son large pouvoir d’appréciation, la Commission a pu déduire de cette situation, sans commettre d’erreur de droit ni d’erreur manifeste d’appréciation, qu’aucune des années de la période considérée, y compris l’année 2011, encore durement affectée par la crise économique de 2009, ne convenait comme référence pour établir le bénéfice susceptible d’être raisonnablement atteint dans des conditions normales de concurrence au sens de la jurisprudence citée au point 215 ci-dessus.

220 Au considérant 155 du règlement attaqué, la Commission explique, en outre, qu’elle a invité les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon à fournir des données de rentabilité concernant le produit similaire vendu sur le marché de l’Union au cours des années 2005 à 2010 et que la rentabilité moyenne pondérée pour les années 2005 à 2008 qui a pu être calculée sur la base de ces données était comprise, pour chacune de ces années, entre 9 et 15 %. Selon la Commission, les années 2005 à 2008 étaient représentatives pour l’établissement du bénéfice cible, car elles n’avaient pas été touchées par la crise économique mondiale, qui a durement frappé le secteur à partir de 2009, et n’avaient pas été caractérisées par des conditions de marché exceptionnellement favorables. De plus, le volume des importations en provenance des pays concernés et d’autres pays au cours de ces années était révélateur d’une forte concurrence.

221 Il convient de relever à cet égard que, si la requérante conteste que la notion de crise économique soit difficilement conciliable avec le concept de conditions normales de concurrence au sens de l’arrêt du 28 octobre 1999, EFMA/Conseil (T‑210/95, EU:T:1999:273, point 60), elle est restée en défaut d’étayer son reproche selon lequel la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant en l’espèce que la crise économique, qualifiée par la requérante elle-même de circonstance exceptionnelle, ainsi qu’il a été relevé au point 166 ci-dessus, avait durement frappé le secteur à partir de 2009 pour en déduire que les années 2009 et 2010 pouvaient ne pas être considérées comme reflétant des conditions normales de concurrence au sens de l’arrêt susmentionné, contrairement aux années 2005 à 2008, qui étaient marquées par une « forte concurrence » sans être caractérisées par des conditions de marché exceptionnellement favorables, ce qui n’a pas été contesté par la requérante.

222 Eu égard aux considérations qui précèdent, la Commission a conclu, au considérant 156 du règlement attaqué, que la marge bénéficiaire atteinte par l’industrie de l’Union durant l’année représentative la plus récente, à savoir l’année 2008, constituait une base plus appropriée pour l’établissement du bénéfice cible de cette industrie, à hauteur de 9,9 %, que le bénéfice cible de 5 % provisoirement utilisé.

223 À défaut pour la requérante d’avoir démontré que la Commission avait en l’espèce commis une erreur de droit ou une erreur manifeste d’appréciation dans la détermination de l’année de référence pour le calcul du bénéfice cible, la première branche du cinquième moyen doit être rejetée.

Sur la seconde branche du cinquième moyen

224 Par la seconde branche du cinquième moyen, la requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d’appréciation en appliquant par analogie, aux fins du calcul du niveau d’élimination du préjudice et de la marge de préjudice, l’ajustement à la baisse, pour les frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux (ci-après les « frais VAG ») et le bénéfice raisonnables d’un importateur indépendant, prévu à l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base, au prix à l’exportation coût, assurance, fret (caf) frontière de l’Union pour la Russie, y compris pour la requérante. Le prix en libre pratique devrait être établi sur la base du prix réellement facturé par les importateurs liés dans l’Union au premier client indépendant dans celle-ci. En effet, l’application de cet ajustement, prévu dans le contexte de la détermination du dumping, au calcul de la marge de préjudice ne serait pas justifiée, car les circonstances spécifiques énoncées à l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base dans lesquelles ledit ajustement doit être appliqué au prix sur le marché libre n’incluraient pas la comparaison aux fins du calcul de la marge de préjudice. L’ajustement litigieux conduirait à établir une marge artificielle et à un prix à l’exportation ajusté et non réel et ne serait pas approprié aux fins de l’établissement du niveau d’élimination du préjudice. De plus, ledit ajustement serait déraisonnable en ce que la détermination du prix à l’exportation, pour être raisonnable, ne devrait prendre en considération que le prix caf frontière de l’Union effectif des importations faisant prétendument l’objet d’un dumping sur le marché libre à l’entrée sur le marché de l’Union afin de refléter la concurrence directe en matière de prix entre ces importations et le produit similaire de l’industrie de l’Union. Enfin, contrairement à ce qui serait énoncé au considérant 167 du règlement attaqué, le principe d’égalité de traitement ne pourrait pas non plus justifier cet ajustement, car les producteurs-exportateurs qui vendraient par l’intermédiaire de négociants-importateurs liés et ceux qui vendraient à des importateurs indépendants se trouveraient dans des circonstances individuelles différentes.

225 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

226 Il y a lieu de relever, à titre liminaire, que, aux fins de la détermination de l’existence d’un « dumping », l’article 2, paragraphe 8, du règlement de base (devenu article 2, paragraphe 8, du règlement 2016/1036) énonce que le prix à l’exportation est le prix réellement payé ou à payer pour le produit vendu à l’exportation vers l’Union, alors que l’article 2, paragraphe 9, du même règlement indique que, lorsque, comme en l’espèce, le producteur-exportateur vend le produit concerné dans l’Union par l’intermédiaire de sociétés liées, ces ventes sont effectuées à des prix de transfert non fiables, de sorte qu’un prix à l’exportation fiable doit être construit conformément à ladite disposition.

227 Il y a lieu de relever, en outre, que, au considérant 166 du règlement attaqué, la Commission explique que l’évaluation de la marge de « préjudice » causé par les importations devrait être fondée sur le prix à l’exportation frontière de l’Union, qui est considéré comme étant d’un niveau comparable au prix départ usine de l’industrie de l’Union, et que, dans le cas de ventes à l’exportation par l’intermédiaire d’importateurs liés, le prix à l’exportation, par analogie avec l’approche adoptée aux fins du calcul de la marge de « dumping », est construit sur la base du prix de revente au premier client indépendant, dûment ajusté, conformément à l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base. En effet, selon la Commission, étant donné que le prix à l’exportation constitue un élément indispensable pour le calcul de la marge de préjudice et que ledit article est la seule disposition du règlement de base à fournir des indications sur la construction du prix à l’exportation, l’application dudit article par analogie est justifiée dans ce cas.

228 Ainsi, aux termes du considérant 240 du règlement provisoire, la Commission a, en l’espèce, « déterminé le niveau d’élimination du préjudice sur la base d’une comparaison entre le prix à l’importation moyen pondéré des producteurs-exportateurs dans les pays concernés ayant coopéré, dûment ajusté pour tenir compte des coûts d’importation et des droits de douane, utilisé pour établir la sous-cotation des prix, et le prix non préjudiciable moyen pondéré du produit similaire vendu par les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon sur le marché de l’Union au cours de la période d’enquête. Les éventuelles différences résultant de cette comparaison ont été exprimées en pourcentage de la valeur moyenne pondérée caf à l’importation ».

229 Ainsi qu’il ressort du considérant 174 du règlement attaqué, la marge de préjudice définitive applicable aux producteurs-exportateurs n’ayant pas coopéré a été établie sur la base de la marge de préjudice déterminée pour un type de produit représentatif des producteurs-exportateurs ayant coopéré. Cette marge s’applique à la requérante, car, comme il a été relevé notamment au point 66 ci-dessus, son absence de coopération concernait aussi son prix à l’exportation et, partant, sa marge de préjudice.

230 En conséquence, la Commission a ajusté à la baisse le prix à l’exportation pour la requérante en appliquant un ajustement pour les frais VAG et le bénéfice raisonnable d’un importateur indépendant aux fins du calcul du niveau d’élimination du préjudice. Ainsi qu’il ressort du tableau 4 du règlement attaqué, il en est résulté pour la requérante un taux de droit antidumping définitif de 36,1 %, correspondant à la marge de préjudice définitive, alors que la marge de dumping définitive s’établissait à 38,9 %.

231 En premier lieu, contrairement à ce qu’allègue la requérante, l’application par analogie de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base en l’espèce n’est pas entachée d’erreur.

232 En effet, il convient de rappeler que le calcul de la sous-cotation du prix des importations en cause est réalisé, conformément à l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base, aux fins de la détermination de l’existence d’un préjudice subi par l’industrie de l’Union du fait de ces importations et qu’il est utilisé, plus largement, en vue d’évaluer ce préjudice et de déterminer la marge de préjudice, à savoir le niveau d’élimination dudit préjudice (arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑301/16, EU:T:2019:234, point 176). Or, le règlement de base ne contient pas de définition de la notion de sous-cotation du prix et ne prévoit pas de méthode pour le calcul de cette dernière (arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑301/16, EU:T:2019:234, point 175), ni ne prévoit de règles spécifiques de calcul du prix à l’exportation aux fins du calcul de la marge de préjudice au sens de l’article 9, paragraphe 4, troisième phrase, du règlement de base, selon lequel le montant du droit provisoire ou définitif devrait être inférieur à la marge de dumping établie si ce droit moindre suffit à « éliminer le préjudice » causé à l’industrie de l’Union.

233 Dans ces conditions, la Commission a relevé à bon escient que l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base était la seule disposition dudit règlement à fournir des orientations pour le calcul d’un prix à l’exportation fiable lorsque les ventes à l’exportation avaient lieu par l’intermédiaire d’importateurs liés. Ainsi que la Commission l’a également observé à juste titre, cette disposition reflète le principe de non-fiabilité des prix de transfert, qui est susceptible d’être appliqué tant à la détermination de la marge de préjudice qu’au calcul de la marge de dumping, alors qu’il est constant, en l’espèce, que les ventes en cause ont été effectuées par l’intermédiaire d’importateurs liés à des prix de transfert non fiables.

234 Par conséquent, la Commission a pu considérer, dans le cadre de son large pouvoir d’appréciation, que, aux fins du calcul de la marge de sous-cotation des prix indicatifs, il y avait lieu, en l’espèce, de déterminer un prix à l’exportation fiable en appliquant par analogie l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base en présence de ventes réalisées par l’intermédiaire d’importateurs liés.

235 En deuxième lieu, dès lors que la Commission a utilisé les prix des ventes « départ de l’usine » pour le produit similaire de l’industrie de l’Union, l’exigence de comparer les prix au même stade commercial lui imposait de les comparer également, s’agissant du produit concerné des producteurs-exportateurs ayant collaboré, avec les prix des ventes aux premiers acheteurs indépendants, dûment ajustés pour arriver au prix caf frontière de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑301/16, EU:T:2019:234, points 183, 188 et 189). En effet, afin de garantir le caractère « équitable » de cette comparaison, les prix doivent être comparés au même stade commercial, dans la mesure où une comparaison effectuée entre des prix obtenus à des stades commerciaux différents, c’est-à-dire sans inclure l’ensemble des coûts afférents au stade commercial dont il y a lieu de tenir compte, donnera nécessairement lieu à des résultats artificiels ne permettant pas une appréciation correcte du préjudice causé à l’industrie de l’Union. Une telle comparaison équitable constitue une condition de la légalité du calcul du préjudice causé à cette industrie (arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑301/16, EU:T:2019:234, point 176).

236 Dans ces conditions, ainsi qu’il est relevé au considérant 166 du règlement attaqué, il est justifié de fonder, en l’espèce, l’évaluation du caractère suffisant d’un taux de droit moindre, aux fins de l’élimination du préjudice causé par les importations, sur le prix à l’exportation « frontière de l’Union », qui est considéré d’un niveau comparable au prix « départ de l’usine » de l’Union, à savoir, comme la Commission l’a expliqué à l’audience, le prix de vente indicatif de l’industrie de l’Union au premier client indépendant diminué des différents coûts qui sont intervenus depuis la sortie de l’usine, tels que les coûts de transports ou d’assurance, pour aboutir au niveau du prix du produit concerné à la sortie de l’usine.

237 À l’instar de la Commission, il y a lieu d’observer que l’utilisation en l’espèce du stade commercial « frontière de l’Union », plutôt que de celui de la revente au premier acheteur indépendant, comme point de référence aux fins du calcul de la marge de préjudice peut se justifier tant au regard de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement de base (devenu article 1er, paragraphe 1, du règlement 2016/1036), qui permet de soumettre à un droit antidumping tout produit faisant l’objet d’un dumping dès lors que sa « mise en libre pratique dans l’Union », et non sa revente ultérieure au premier client indépendant dans l’Union, cause un préjudice, qu’au regard de l’article 3, paragraphe 3, du même règlement, selon lequel la sous-cotation notable des prix vise les « importations » faisant l’objet d’un dumping.

238 En troisième lieu, l’argument de la requérante selon lequel la méthode de calcul préconisée par la Commission contrevient au principe d’égalité de traitement en ce qu’elle distingue selon que le producteur-exportateur vend, comme elle, à des opérateurs liés ou à des importateurs indépendants, comme c’est le cas d’autres producteurs-exportateurs inclus dans l’échantillon, pour lesquels la méthode utilisée était fondée sur un prix à l’exportation au niveau caf frontière de l’Union, doit être rejeté également. L’article 9, paragraphe 4, du règlement base a pour objet d’évaluer si un niveau de droit moindre que celui résultant de la marge de dumping suffit à éliminer le préjudice causé à l’industrie de l’Union. Or, ainsi qu’il a été relevé au considérant 167 du règlement attaqué, pour ladite industrie, l’établissement du prix à l’importation pertinent aux fins du calcul de la sous-cotation des prix et des prix indicatifs ne doit pas être influencé par le fait que les exportations sont destinées à des opérateurs liés ou indépendants dans l’Union, et la méthode de calcul retenue permet précisément de garantir l’égalité de traitement dans les deux cas de figure, dans la mesure où la méthode utilisée pour les autres producteurs-exportateurs, qui vendent à des importateurs indépendants, est fondée sur un prix à l’exportation au niveau caf qui exclut les frais VAG et les bénéfices dégagés lors de la revente dans l’Union après dédouanement.

239 Par conséquent, la requérante n’a pas démontré que la Commission avait commis une erreur de droit ou une erreur manifeste d’appréciation en appliquant, dans les circonstances de l’espèce, par analogie, l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base aux fins du calcul de la marge de préjudice applicable à la requérante, établie, ainsi qu’il est relevé au considérant 174 du règlement attaqué, sur la base de la marge de préjudice des producteurs-exportateurs ayant coopéré. La seconde branche du cinquième moyen doit, dès lors, être rejetée ainsi que, partant, le cinquième moyen dans son ensemble.

240 Eu égard à toutes les considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble.

Sur les dépens

241 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de celle-ci. Eurofer, qui n’a pas conclu sur les dépens, supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) Novolipetsk Steel PJSC (NLMK) supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.

3) Eurofer, Association européenne de l’acier, ASBL, supportera ses propres dépens.