CJUE, 6e ch., 9 septembre 2021, n° C-208/20
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
« Toplofikatsia Sofia » EAD, « CHEZ Elektro Bulgaria » AD, « Agentsia za control na prosrocheni zadalzhenia » EOOD, « Toplofikatsia Sofia » EAD
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. L. Bay Larsen
Vice-président :
Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteure)
Juge :
M. M. Safjan
Avocat général :
M. M. Bobek
LA COUR (sixième chambre),
1 Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 20, paragraphe 2, sous a), TFUE, lu en combinaison avec l’article 47, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), de l’article 1er, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 1206/2001 du Conseil, du 28 mai 2001, relatif à la coopération entre les juridictions des États membres dans le domaine de l’obtention des preuves en matière civile ou commerciale (JO 2001 L 174, p. 1), ainsi que de l’article 5, paragraphe 1, du règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2012, L 351, p. 1).
2 Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant, dans l’affaire C‑208/20, « Toplofikatsia Sofia » EAD, « CHEZ Elektro Bulgaria » AD et « Agentsia za control na prosrocheni zadalzhenia » EOOD ainsi que, dans l’affaire C‑256/20, Toplofikatsia Sofia à des personnes physiques, non constituées parties à la procédure, au sujet du recouvrement de créances impayées.
Le cadre juridique
Le règlement no 1206/2001
3 Aux termes de l’article 1er du règlement no 1206/2001 :
« 1. Le présent règlement est applicable en matière civile ou commerciale, lorsqu’une juridiction d’un État membre, conformément aux dispositions de sa législation, demande :
a) à la juridiction compétente d’un autre État membre de procéder à un acte d’instruction ou
b) à procéder directement à un acte d’instruction dans un autre État membre.
2. La demande ne doit pas viser à obtenir des moyens de preuve qui ne sont pas destinés à être utilisés dans une procédure judiciaire qui est engagée ou envisagée.
[...] »
4 L’article 4, paragraphe 1, sous b), de ce règlement énonce :
« La demande est établie au moyen du formulaire type A ou, le cas échéant, du formulaire type I figurant en annexe. Elle contient les indications suivantes :
[...]
b) les nom et adresse des parties et, le cas échéant, de leurs représentants ».
Le règlement no 1215/2012
5 L’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012 dispose :
« Le présent règlement s’applique en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction. Il ne s’applique notamment ni aux matières fiscales, douanières ou administratives, ni à la responsabilité de l’État pour des actes ou des omissions commis dans l’exercice de la puissance publique (acta jure imperii). »
6 L’article 4, paragraphe 1, de ce règlement prévoit :
« Sous réserve du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre. »
7 L’article 5, paragraphe 1, dudit règlement est libellé comme suit :
« Les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre ne peuvent être attraites devant les juridictions d’un autre État membre qu’en vertu des règles énoncées aux sections 2 à 7 du présent chapitre. »
Les litiges au principal et les questions préjudicielles
L’affaire C‑208/20
8 La juridiction de renvoi, le Sofiyski Rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia, Bulgarie), est saisie de trois litiges.
9 Le premier litige concerne un recours introduit par Toplofikatsia Sofia en vue de faire établir l’existence d’une créance relative à la fourniture d’énergie thermique dans un immeuble situé à Sofia (Bulgarie) à l’égard d’une personne physique, après que, dans le cadre d’une procédure de délivrance d’une injonction de payer contre cette personne, cette dernière n’a pas été trouvée à l’adresse indiquée dans la requête. Les recherches effectuées par cette juridiction ont confirmé que cette adresse était son adresse permanente et actuelle, telle qu’enregistrée dans le registre national de la population. Cependant, selon un voisin, ladite personne vit en France depuis sept ans.
10 Dans le deuxième litige, ladite juridiction a, à la demande de CHEZ Elektro Bulgaria, un fournisseur d’électricité, délivré une injonction de payer contre une personne physique pour des factures impayées relatives à la fourniture d’électricité dans un immeuble situé à Sofia et ordonné que celle-ci lui soit signifiée à l’adresse indiquée par CHEZ Elektro Bulgaria, qui correspond à l’adresse permanente et actuelle de cette personne, telle que figurant au registre national de la population. Il a toutefois été impossible d’y trouver ladite personne, qui, selon les informations fournies par un voisin, vit en Allemagne depuis un an.
11 Dans le troisième litige, la juridiction de renvoi a, à la demande d’une société de recouvrement de créances, Agentsia za control na prosrocheni zadalzhenia, délivré une injonction de payer contre une personne physique, qui n’a pas remboursé son emprunt auprès d’un établissement de crédit établi à Sofia, et ordonné qu’elle lui soit signifiée à l’adresse indiquée par cette société, qui correspond à l’adresse permanente et actuelle de cette personne, telle que figurant au registre national de la population. Il a toutefois été impossible d’y trouver ladite personne, qui, selon les informations fournies par sa mère, vit en Allemagne depuis trois ans.
12 La juridiction de renvoi se pose la question de savoir si, de la même manière que, en vertu du droit bulgare, elle est tenue d’effectuer des vérifications d’office concernant l’adresse en Bulgarie des personnes auxquelles un acte judiciaire doit être signifié, elle est également tenue d’effectuer de telles vérifications auprès des autorités compétentes d’un autre État membre, lorsqu’il apparaît que le destinataire d’une décision judiciaire telle que celles en cause au principal vit dans ce dernier État membre.
13 Par ailleurs, cette juridiction s’interroge sur l’interprétation de l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012. À cet égard, elle se demande, en substance, si cette disposition doit être interprétée en ce sens que, dans l’hypothèse où il apparaît probable ou certain qu’un débiteur n’a pas sa résidence habituelle dans son ressort, elle s’oppose à ce qu’elle émette une injonction de payer à l’égard de ce débiteur ou à ce que cette injonction acquière force exécutoire. Elle se demande également si, dans cette hypothèse, ladite disposition lui impose d’invalider d’office une telle injonction.
14 C’est dans ces conditions que le Sofiyski Rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) L’article 20, paragraphe 2, sous a), [TFUE], lu en combinaison avec l’article 47, paragraphe 2, de la Charte, les principes d’interdiction des discriminations et d’équivalence des mesures procédurales dans les procédures judiciaires nationales ainsi que l’article 1er, [paragraphe 1], sous a), du règlement [no 1206/2001] doivent-ils être interprétés en ce sens que, lorsque le droit national de la juridiction saisie prévoit que celle‑ci recherche d’office dans son propre pays l’adresse de la partie défenderesse et qu’elle constate que cette partie défenderesse se trouve dans un autre État membre de l’Union européenne, la juridiction nationale saisie est tenue de rechercher l’adresse de la partie défenderesse également auprès des organes compétents dans l’État où cette dernière réside ?
2) L’article 5, paragraphe 1, du règlement [no 1215/2012], lu en combinaison avec le principe de garantie, par la juridiction nationale, de voies procédurales assurant une protection effective des droits résultant du droit de l’Union, doit-il être interprété en ce sens que, lors de la détermination de la résidence habituelle du débiteur, comme exigence préalable du droit national pour mener une procédure formelle unilatérale sans recherche de preuves, telle que l’émission d’une injonction d’exécution, la juridiction nationale est tenue d’interpréter tout doute raisonnable quant au fait que le débiteur a sa résidence habituelle dans un autre État membre de l’Union, comme une absence de fondement juridique pour l’émission d’une telle injonction, respectivement comme fondement pour empêcher l’injonction d’acquérir force exécutoire ?
3) L’article 5, paragraphe 1, du règlement [no 1215/2012], lu en combinaison avec le principe de garantie, par la juridiction nationale, de voies procédurales assurant une protection effective des droits résultant du droit de l’Union, doit-il être interprété en ce sens qu’il impose à la juridiction nationale qui, après avoir émis une injonction de faire à l’encontre d’un débiteur, a constaté que ce débiteur n’a probablement pas sa résidence habituelle dans l’État de la juridiction, et dans le cas où cela représente un obstacle à la délivrance de l’injonction de faire à l’encontre d’un tel débiteur en droit national, d’invalider d’office l’injonction de faire délivrée malgré l’absence de disposition légale explicite en ce sens ?
4) Si la réponse à la troisième question est négative, les dispositions mentionnées dans cette même question doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles contraignent la juridiction nationale à invalider l’injonction de faire délivrée, si elle a cherché et constaté avec certitude que le débiteur n’a pas sa résidence habituelle dans l’État de la juridiction saisie ? »
L’affaire C‑256/20
15 Dans cette affaire, la juridiction de renvoi, le Sofiyski Rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia), a, à la demande de Toplofikatsia Sofia, délivré une injonction de payer contre une personne physique pour des factures impayées relatives à la fourniture d’énergie thermique dans un immeuble situé à Sofia et ordonné qu’elle lui soit signifiée à son adresse permanente et actuelle. Après deux tentatives, il n’a cependant pas été possible d’y trouver cette personne, qui, selon les informations fournies par le syndic de cet immeuble, vit en Allemagne et est rarement présente à ladite adresse.
16 C’est dans ces conditions que le Sofiyski Rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour trois questions préjudicielles, libellées en des termes identiques à ceux des deuxième à quatrième questions posées dans l’affaire C‑208/20.
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question dans l’affaire C‑208/20
17 Par sa première question dans l’affaire C‑208/20, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 20, paragraphe 2, sous a), TFUE, lu en combinaison avec l’article 47, paragraphe 2, de la Charte, les principes de non-discrimination et d’équivalence ainsi que l’article 1er, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1206/2001 doivent être interprétés en ce sens que, dans l’hypothèse où, en vertu de la réglementation d’un État membre, les juridictions de celui-ci sont tenues de rechercher d’office l’adresse, dans cet État membre, des personnes auxquelles un acte judiciaire doit être signifié, ces juridictions sont également tenues, lorsqu’il apparaît qu’une personne à laquelle une décision de justice doit être signifiée réside dans un autre État membre, de rechercher l’adresse de cette personne auprès des autorités compétentes de ce dernier État membre.
18 En ce qui concerne, en premier lieu, l’interprétation sollicitée de l’article 20, paragraphe 2, sous a), TFUE, lu en combinaison avec l’article 47, paragraphe 2, de la Charte, ainsi que des principes de non-discrimination et d’équivalence, il convient de rappeler d’emblée que, dans le cadre de la procédure préjudicielle prévue à l’article 267 TFUE, il doit exister entre le litige dont la juridiction de renvoi est saisie et les dispositions du droit de l’Union dont l’interprétation est sollicitée un lien de rattachement tel que cette interprétation réponde à un besoin objectif pour la décision que cette juridiction doit prendre (ordonnance du 20 janvier 2021, Bezirkshauptmannschaft Kirchdorf, C‑293/20, non publiée, EU:C:2021:44, point 23 et jurisprudence citée).
19 Par ailleurs, la Cour insiste sur l’importance de l’indication, par le juge national, des raisons précises qui l’ont conduit à s’interroger sur l’interprétation du droit de l’Union et à estimer nécessaire de poser des questions préjudicielles à la Cour. À cet égard, il est indispensable que, dans la décision de renvoi elle-même, le juge national donne un minimum d’explications sur les raisons du choix des dispositions du droit de l’Union dont il demande l’interprétation ainsi que sur le lien qu’il établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige qui lui est soumis (arrêt du 16 juillet 2020, Adusbef e.a., C‑686/18, EU:C:2020:567, point 37 ainsi que jurisprudence citée).
20 Ces exigences concernant le contenu d’une demande de décision préjudicielle figurent de manière explicite à l’article 94 du règlement de procédure de la Cour, dont la juridiction de renvoi est censée, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instaurée à l’article 267 TFUE, avoir connaissance et qu’elle est tenue de respecter scrupuleusement. Elles sont rappelées au point 15 des recommandations de la Cour de justice de l’Union européenne à l’attention des juridictions nationales, relatives à l’introduction de procédures préjudicielles (JO 2019, C 380, p. 1) (arrêt du 16 juillet 2020, Adusbef e.a., C‑686/18, EU:C:2020:567, point 38 ainsi que jurisprudence citée).
21 Or, en l’occurrence, d’une part, il ne ressort nullement de la décision de renvoi dans l’affaire C‑208/20 que les litiges au principal présentent un quelconque lien de rattachement avec l’article 20, paragraphe 2, sous a), TFUE, lu en combinaison avec l’article 47, paragraphe 2, de la Charte, ainsi qu’avec les principes de non-discrimination et d’équivalence.
22 D’autre part, la juridiction de renvoi n’indique pas les raisons pour lesquelles, selon elle, une interprétation de ces dispositions et de ces principes serait nécessaire aux fins de la solution de ces litiges ni n’explique le lien qu’elle établit entre ceux-ci et la réglementation nationale en cause au principal.
23 Par conséquent, la première question est irrecevable en ce qu’elle porte sur l’interprétation desdites dispositions et desdits principes.
24 S’agissant, en second lieu, de l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1206/2001, il convient de rappeler que, selon cette disposition, ce règlement est applicable en matière civile ou commerciale, lorsqu’une juridiction d’un État membre, conformément aux dispositions de sa législation, demande à la juridiction compétente d’un autre État membre de procéder à un acte d’instruction.
25 Or, la recherche de l’adresse d’une personne à laquelle une décision de justice doit être signifiée ne constitue pas un « acte d’instruction », au sens de ladite disposition, relevant du champ d’application dudit règlement.
26 À cet égard, il convient de relever que, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du même règlement, une telle demande doit, notamment, indiquer les nom et adresse des parties.
27 Il s’ensuit qu’une demande d’une juridiction d’un État membre ayant pour objet la recherche, dans un autre État membre, de l’adresse d’une personne à laquelle une décision de justice doit être signifiée n’est pas régie par le règlement no 1206/2001, de telle sorte que ce dernier n’est pas applicable à une situation telle que celle en cause au principal.
28 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question dans l’affaire C‑208/20 que l’article 1er, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1206/2001 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’applique pas à une situation dans laquelle une juridiction d’un État membre recherche l’adresse, dans un autre État membre, d’une personne à laquelle une décision de justice doit être signifiée.
Sur les deuxième à quatrième questions dans l’affaire C‑208/20 et sur les trois questions dans l’affaire C‑256/20
29 Par ses deuxième à quatrième questions dans l’affaire C‑208/20 et ses trois questions dans l’affaire C‑256/20, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’une juridiction d’un État membre émette une injonction de faire à l’égard d’un débiteur et, le cas échéant, à ce que cette injonction acquière force exécutoire ou qu’il lui impose d’invalider ladite injonction, lorsqu’il apparaît probable ou certain que ce débiteur n’a pas sa résidence habituelle dans le ressort de cette juridiction.
30 En vertu de cette disposition, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre ne peuvent être attraites devant les juridictions d’un autre État membre qu’en vertu des règles énoncées aux sections 2 à 7 du chapitre II de ce règlement.
31 À titre liminaire, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort des termes mêmes de l’article 267 TFUE, la décision préjudicielle sollicitée doit être « nécessaire » pour permettre à la juridiction de renvoi de « rendre son jugement » dans l’affaire dont elle se trouve saisie. Ainsi, la procédure préjudicielle présuppose, notamment, qu’un litige soit effectivement pendant devant les juridictions nationales, dans le cadre duquel elles sont appelées à rendre une décision susceptible de prendre en considération l’arrêt préjudiciel [arrêt du 24 novembre 2020, Openbaar Ministerie (Faux en écritures), C‑510/19, EU:C:2020:953, point 27 et jurisprudence citée].
32 Or, en l’occurrence, il ressort des demandes de décision préjudicielle que la juridiction de renvoi a déjà émis des injonctions de payer à l’égard des défendeurs au principal et que ce n’est qu’au stade de la signification de ces injonctions à ces défendeurs que cette juridiction a constaté que ceux-ci ne résidaient plus dans son ressort, mais probablement dans un autre État membre, à des adresses inconnues.
33 Par conséquent, dans ces circonstances, une interprétation de l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012 n’apparaît manifestement pas nécessaire aux fins de permettre à la juridiction de renvoi de fonder sa compétence pour émettre lesdites injonctions, puisque cette juridiction a déjà émis ces dernières et que, dès lors, elle a, avant d’émettre celles-ci, nécessairement reconnu cette compétence.
34 Il s’ensuit que la deuxième question dans l’affaire C‑208/20 et la première question dans l’affaire C‑256/20 sont irrecevables en ce qu’elles portent sur le point de savoir si cette disposition s’oppose à ce que, dans de telles circonstances, une juridiction d’un État membre émette une injonction de faire à l’égard d’un débiteur, lorsqu’il apparaît probable ou certain que ce débiteur n’a pas sa résidence habituelle dans le ressort de cette juridiction.
35 En ce qui concerne les questions de savoir si, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que les injonctions de payer émises par la juridiction concernée acquièrent force exécutoire ou qu’il impose à cette juridiction d’invalider ces injonctions, il suffit de constater que cette disposition n’a aucun rapport avec les règles de procédure des États membres régissant, d’une part, les conditions dans lesquelles les décisions judiciaires acquièrent force exécutoire et, d’autre part, la validité de ces décisions.
36 À cet égard, il convient de rappeler que le règlement no 1215/2012 a pour objet non pas d’unifier les règles de procédure des États membres, mais de régler les compétences juridictionnelles pour la solution des litiges en matière civile et commerciale dans les relations entre ces États et de faciliter l’exécution des décisions juridictionnelles (arrêt du 31 mai 2018, Nothartová, C‑306/17, EU:C:2018:360, point 28 et jurisprudence citée).
37 Ce règlement ne déterminant ni les conditions dans lesquelles les décisions judiciaires acquièrent force exécutoire ni celles régissant la validité de ces décisions, ces conditions relèvent, partant, de l’autonomie procédurale des États membres (voir, en ce sens, arrêt du 31 mai 2018, Nothartová, C‑306/17, EU:C:2018:360, point 28 et jurisprudence citée).
38 En outre, dès lors que l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012 n’est pas applicable à une situation telle que celle en cause au principal, il ne saurait être considéré que la solution que sera appelée à retenir la juridiction de renvoi quant à l’acquisition de force exécutoire d’une injonction de faire ou quant à la validité d’une telle injonction dans une telle situation est susceptible de priver l’application de cette disposition de toute effectivité.
39 Dans ces conditions, il y a lieu de répondre aux deuxième à quatrième questions dans l’affaire C‑208/20 et aux trois questions dans l’affaire C‑256/20 que l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’une injonction de faire à l’égard d’un débiteur acquière force exécutoire et qu’il n’impose pas d’invalider une telle injonction.
Sur les dépens
40 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :
1) L’article 1er, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 1206/2001 du Conseil, du 28 mai 2001, relatif à la coopération entre les juridictions des États membres dans le domaine de l’obtention des preuves en matière civile ou commerciale, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’applique pas à une situation dans laquelle une juridiction d’un État membre recherche l’adresse, dans un autre État membre, d’une personne à laquelle une décision de justice doit être signifiée.
2) L’article 5, paragraphe 1, du règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’une injonction de faire à l’égard d’un débiteur acquière force exécutoire et qu’il n’impose pas d’invalider une telle injonction.