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Décisions

Cass. com., 22 septembre 2021, n° 18-21.436

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Chronopost (SAS), DPD France (SAS), La Poste (Sté), Fedex express FR (SAS), TNT express NV (SAS), DHL express (France) (SAS), DHL holding (France) (SAS), Deutsche Post AG (Sté), XPO distribution France (SAS), XPO Logistics Europe (Sté), Dachser France (Sté), Dachser Group SE & Co. KG (Sté), BMVirolle (SA), Schenker France (Sté), Deutsche Bahn AG (Sté), Gefco (SA), Peugeot (SA), General Logistics Systems France (SAS), General Logistics Systems BV (Sté), Royal Mail Group Ltd (Sté), Geodis (SA), SNCF (SA), Normatrans (Sté), Lotra Limited (Sté), Alloin Holding (SAS), Kuehne+Nagel Road (SAS), Kuehne+Nagel International AG (Sté), TNT express France (SAS), TNT express NV (SAS), Overland holding (SAS)

Défendeur :

Présidente de l'Autorité de la concurrence, Ministre chargé de l'Economie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Champalaune

Avocat général :

Mme Beaudonnet

Avocats :

SCP Piwnica et Molinié, SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Ortscheidt, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix

Cass. com. n° 18-21.436

22 septembre 2021

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° X 18-21.436, Y 18-21.437, A 18-21.485, J 18-21-493, D 18-21.580, R 18-21.591, E 18-21.719, C 18.21.763, Y 18-21.805 sont joints.

Désistement partiel

2. Il est donné acte aux sociétés Alloin Holding devenue Overland holding (la société Overland), Kuehne+Nagel Road et Kuehne+Nagel International AG (la société Kuehne+Nagel International) du désistement de leur pourvoi n° D 18-21.580 en ce qu'il est dirigé contre les sociétés Dachser France, Dachser Group SE & CO. KG, Schenker France, DHL holding (France), en ce qu'elle viendrait aux droits de la société DHL express (France), Deutsche Bahn AG (la société Deutsche Bahn), la société DHL holding (France), Deutsche Post AG (la société Deutsche Post), General Logistics Systems France, General Logistics Systems BV, Royal Mail Group Limited, Geodis, l'Etablissement public à caractère industriel et commercial SNCF mobilités aux droits duquel vient la société SNCF (la SNCF), les sociétés Normatrans, Lotra Limited, TNT express France aux droits de laquelle vient la société Fedex express FR et TNT Express NV (la société TNT Express).

3. Il est donné acte aux sociétés XPO distribution France (la société XPO anciennement Norbert Dentressangle distribution ) et XPO Logistics Europe (anciennement Norbert Dentressangle) du désistement de leur pourvoi n° J 18-21.493 en ce qu'il est dirigé contre les sociétés Dachser France, Schenker France et General Logistics Systems France.

Faits et procédure

4. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 juillet 2018) et les productions, à la suite de deux demandes de clémence formées par la société Deutsche Bahn et ses filiales, l'Autorité de la concurrence (l'Autorité) s'est, sur la proposition d'un rapporteur général adjoint, saisie d'office successivement de pratiques mises en oeuvre, d'une part, dans le secteur de la messagerie classique et, d'autre part, dans celui de la messagerie express. Après la jonction des deux procédures, deux griefs ont été notifiés à différentes entreprises.

5. Par décision du 15 décembre 2015, l'Autorité a, sur le premier grief, dit établi que les sociétés Schenker France, Deutsche Bahn, Alloin holding (la société Overland), Chronopost, La Poste, DPD France, Gefco, Peugeot, DHL express (France), DHL holding (France), Deutsche Post, TNT express France (la société Fedex express FR), et TNT Express, notamment, ainsi que l'Union des Entreprises de Transport et de Logistique de France (la fédération TLF), avaient enfreint les dispositions de l'article 101 § 1 du Traité 10 664 sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) et de l'article L. 420-1 du code de commerce, en participant à une entente sur le marché français de la messagerie et de la messagerie express, visant à la mise en place, selon une méthodologie commune, d'une « surcharge gazole » et leur a infligé des sanctions pécuniaires, sauf aux sociétés Schenker France et Deutsche Bahn en leur qualité de demandeurs de clémence.

6. Par cette même décision, l'Autorité, a, sur le second grief, dit établi que les sociétés Schenker France, Deutsche Bahn, Alloin holding (la société Overland), Kuehne+Nagel Road, Kuehne+Nagel International, Geodis, l'EPIC SNCF Mobilités (la SNCF), BMVirolle, Chronopost, DPD France, La Poste, Gefco, Peugeot, DHL express (France), DHL holding (France), Deutsche Post, TNT express France ( la société Fedex express FR), TNT Express, Norbert Dentressangle distribution (la société XPO), et Norbert Dentressangle (la société XPO Logistics Europe), notamment, ainsi que la fédération TLF avaient enfreint ces mêmes dispositions, en participant, en particulier au cours de réunions d'un « conseil de métiers » organisée sous l'égide de la fédération TLF, à une entente sur le marché français de la messagerie et de la messagerie express, visant à la mise en place d'une concertation sur les hausses tarifaires annuelles et leur a infligé des sanctions pécuniaires, y compris aux sociétés Schenker France et Deutsche Bahn, mais, s'agissant de celles-ci, pour avoir méconnu leurs obligations au titre de la procédure de clémence.

7. Saisie de recours, la cour d'appel a, pour le premier grief, annulé partiellement la décision en ce qu'elle avait condamné les sociétés DHL express (France), DHL holding (France) et Deutsche Post à une sanction de 200 000 euros, et, statuant à nouveau, a infligé à ces sociétés une sanction d'un même montant, et, pour le second, a annulé partiellement la décision en ce qu'elle avait retenu la participation des sociétés DHL express (France), DHL holding (France), Deutsche Post, Geodis et l'EPIC SNCF mobilités (la SNCF) à l'entente visée par ce grief pour une certaine période, et, statuant à nouveau, a dit qu'il était établi que les sociétés DHL express (France), DHL holding (France), Deutsche Post et Geodis avaient participé à cetteentente pour une autre période, comprenant, pour la société Geodis, les campagnes tarifaires 2009/2010 et 2010/2011, et leur a infligé, ainsi qu'à la SNCF, en conséquence, une sanction pécuniaire, a réformé les montants des sanctions pécuniaires infligées, au titre de ce grief, aux sociétés Chronopost, DPD France, La Poste, DHL express (France), DHL holding (France), Deutsche Post, Geodis, XPO distribution France, anciennement Norbert Dentressangle distribution (la société XPO), XPO Logistics Europe anciennement Norbert Dentressangle, TNT express France (la société Fedex express FR) et TNT Express, qu'elle a réduits, rejetant le surplus des recours de ces sociétés. Elle a rejeté le recours des sociétés Alloin holding 11 664 (la société Overland), Kuehne+Nagel Road, Kuehne+Nagel International et BMVirolle.

Examen des moyens Sur les premier et second moyens, pris en leur première branche, du pourvoi n° X 18-21.436, le premier moyen, pris en sa première branche, et le second moyen du pourvoi n° Y 18-21.437, les premier, deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième, septième, huitième moyens et le neuvième moyen, pris en ses onzième, douzième, treizième, quatorzième et quinzième branches du pourvoi n° A 18-21.485, le deuxième moyen du pourvoi n° J 18-21.493, les deuxième et troisième moyens du pourvoi n° R 18-21.591, le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche, les troisième et cinquième moyens, le septième moyen, pris en ses première, deuxième, sixième, huitième, neuvième, dixième et onzième branches, du pourvoi n° E 18-21.719, et le second moyen du pourvoi n° C 18-21.763

8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

9. Et en l'absence de doute raisonnable sur l'interprétation des articles 47 de la Charte des droits fondamentaux et 101§1 du TFUE, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur les questions posées par le pourvoi n° A 18-21.485.

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° E 18-21.719

Enoncé du moyen

10. La société Geodis et la SNCF font grief à l'arrêt de n'annuler que partiellement l'article 2 de la décision n° 15-D-19 en ce qu'il a dit établi que la société Geodis avait enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 § 1 du TFUE, en participant, entre le 17 octobre 2005 et le 27 septembre 2006, à une entente sur le marché français de la messagerie et de la messagerie express, qui visait à la mise en place d'une concertation sur les hausses tarifaires annuelles et de rejeter tous autres moyens d'annulation ou de réformation de la décision n° 15-D-19, en ce compris le moyen tiré de l'irrégularité de l'auto-saisine de l'Autorité de la concurrence faute de proposition de son rapporteur général, alors « que le principe du contradictoire, comme l'égalité des armes, imposent qu'un moyen qui ne pouvait être soulevé, conformément aux dispositions de l'article R. 464-12 du code de commerce, dans le délai de deux mois à 12 664 compter de la déclaration d'appel, soit examiné quand bien même il aurait été produit postérieurement si bien qu'en refusant d'examiner le moyen tiré de la violation de l'article L. 462-5 III du code de commerce au motif qu'il avait été invoqué par la société Geodis postérieurement à ce délai de deux mois, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le moyen tiré de l'absence d'auto-saisine régulière de l'Autorité en raison de l'illégalité de la délégation dont bénéficiait le rapporteur général adjoint, n'était pas recevable dès lors qu'il ne pouvait pas être invoqué avant que ne soit communiquée, le 1 er mars 2017, près d'un an après l'expiration du délai précité, la décision portant attribution de fonctions de l'intéressé, la cour a privé sa décision de base légale au regard des stipulations de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. »

Réponse de la Cour

11. L'arrêt constate que les sociétés XPO et XPO Logistics Europe ont soulevé un moyen de légalité externe de la décision de l'Autorité, pris de l'absence de justification de l'existence d'une proposition de saisine d'office par le rapporteur général, et relève que la société Geodis a développé le même moyen d'annulation, pris de la violation de l'article L. 462-5 III du code de commerce, dans ses observations complémentaires déposées au greffe  de la cour d’appel, le 18 janvier 2017, postérieurement au délai de deux mois résultant de l'article R. 464-12 de ce même code.

12. En l'état de ces constatations, faisant ressortir qu'aucun obstacle à l'expression du moyen en cause, dans le délai de deux mois prévu à l'article R. 464-12 du code de commerce à peine d'irrecevabilité des moyens nouveaux invoqués dans des mémoires ultérieurs, ne pouvait être invoqué par la société Geodis, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a justifié légalement sa décision.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le premier moyen du pourvoi n° J 18-21.493 et le deuxième moyen, pris en ses troisième à huitième branches, du pourvoi n° E 18-21.719 rédigés dans des termes similaires, réunis

Enoncé des moyens

14. Par leur premier moyen, les sociétés XPO et XPO Logistics Europe font grief à l'arrêt de confirmer la décision de l'Autorité ayant dit qu'il est établi qu'elles ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 § 1 du TFUE, en participant, entre le 30 septembre 2004 13 664 et le 29 septembre 2010, dans la seule mesure indiquée aux paragraphes 870 et suivants de la décision, à une entente sur le marché français de la messagerie et de la messagerie express, qui visait à la mise en place d'une concertation sur les hausses tarifaires annuelles et d'infliger à la société XPO, solidairement avec la société Lotra Limited, une sanction de 9 628 000 euros, dont 2 849 000 solidairement avec la société XPO Logistics Europe et de rejeter leurs moyens d'annulation et de réformation, alors :

« 1°) que selon l'article L. 462-5 du code de commerce, seul le rapporteur général peut proposer à l'Autorité de se saisir d'office des pratiques ; qu'en relevant que les deux saisines d'office successives, qui sont à l'origine de la présente procédure ayant abouti à la décision attaquée, ont été faites sur proposition du rapporteur général adjoint, M. Cuziat, et non à l'initiative de l'Autorité, lequel disposait d’une délégation de fonctions en cas d’absence ou d’empêchement, consentie par la rapporteure générale par la décision du 9 mars 2009, quand seul le rapporteur général est investi légalement d'un tel pouvoir qu'il ne peut déléguer, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

2°) qu'en ajoutant qu'à partir du moment où la loi prévoit la désignation d'adjoints au rapporteur général et en fixe les modalités (article L. 461-4 du code de commerce), l'article R. 461-3 alinéa 5 du code de commerce constitue une disposition normative de niveau approprié pour conférer au rapporteur général la possibilité de déléguer à un rapporteur général adjoint tout ou partie de ses attributions, fussent-elles attribuées au rapporteur général par un texte de loi, quand ce texte ne contient aucune disposition spéciale conforme à l'article L. 462-5 du code de commerce, la cour d'appel a violé ce texte ensemble l'article R. 461-3 du code de commerce ;

3°) qu'enfin en retenant, à supposer que la délégation de fonctions du 9 mars 2009 fût irrégulière, M. Cuziat n'en disposait pas moins, en l'espèce, du pouvoir de proposer à l'Autorité de se saisir d'office, qu'il avait en effet vocation, tant par la place qu'il occupait dans la hiérarchie des services d'instruction de l'Autorité que par le rôle qu'il assumait dans ces services, à assurer d'office, faute de dispositions législatives ou réglementaires organisant la suppléance de la rapporteure générale, une telle suppléance, en cas d'absence ou d'empêchement de cette dernière, dans les dossiers ouverts à la suite des demandes de clémence présentées les 10 octobre 2008 et le 12 avril 2010 par les sociétés Deustche Bahn et ses filiales, la cour d'appel, qui constate qu'aucun texte ne prévoit la suppléance du rapporteur général, n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses propres constatations dont il s'évinçait que le rapporteur adjoint n'avait pas compétence pour suppléer le rapporteur général et qu'elle a violé l'article L. 462-5 du code de commerce ensemble l'article R. 461-3 du code de commerce. »14 664

15. Par leur deuxième moyen, pris en leurs troisième à huitième branches, la société Geodis et la SNCF font le même grief à l'arrêt du rejet de leur moyen d'annulation pris des modalités de saisine de l'Autorité, alors :

« 3°) que le juge civil ne peut, sauf en l'absence de difficultés sérieuses, apprécier la légalité d'un acte administratif si bien qu'en rejetant les moyens contestant la légalité de la délégation de fonctions accordées au rapporteur général par décision du 9 mars 2009 qui posaient des difficultés sérieuses quant à la possibilité même d'une telle délégation et à la régularité formelle de la délégation, la cour a empiété sur la séparation des autorités administratives et judiciaire et violé, par refus d'application, la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

4°) qu'une délégation de fonctions s'assimile à un transfert de compétences qui ne peut être autorisé que par l'autorité qui dispose du pouvoir d'attribuer la compétence en cause de sorte que la compétence conférée par l'article L. 462-5 III du code de commerce au rapporteur général pour proposer à l'Autorité de s'auto-saisir de pratiques restrictives de concurrence n'a pu être déléguée au rapporteur général adjoint par un texte réglementaire ; qu'en jugeant au contraire que l'article R. 461-3 alinéa 5 du code de commerce qui autorise le rapporteur général à déléguer ses attributions avait pu constituer le fondement d'une délégation autorisant le rapporteur général adjoint à émettre, en lieu et place du rapporteur général, la proposition d'auto-saisine de l'Autorité, la cour d'appel a violé l'article L. 462-5 III du code de commerce ;

5°) que l'article R. 461-3 alinéa 5 du code de commerce qui figure dans la partie réglementaire du code de commerce qui suit sa partie législative distincte, n'a, en prévoyant la possibilité pour le rapporteur général de déléguer les attributions prévues au "présent titre", pu viser que les attributions figurant dans le titre VI de la partie réglementaire du code de commerce, de sorte qu'en se fondant sur cette disposition pour admettre que le rapporteur général avait pu déléguer à un rapporteur général adjoint le pouvoir qu'il tient de l'article L. 462-5 III du code de commerce, d'émettre une proposition permettant à l'Autorité à de pratiques anticoncurrentielles, la cour a violé, par fausse application, l'article R. 461-3 alinéa 5 du code de commerce ;

6°) que l'Autorité ne peut s'auto-saisir des pratiques mentionnées aux I et II de l'article L. 430-8 du code de commerce que sur proposition de son rapporteur général ; qu'une délégation de pouvoir n'est légale qu'à condition d'être suffisamment précise, si bien qu'en rejetant le moyen tiré de l'irrégularité de cette délégation, sans se prononcer sur la précision suffisante de cet acte, qui était contestée, la cour d'appel a privé sa décision 15 664 de base légale au regard des dispositions de l'article L. 462-5 III du code de commerce ;

7°) que par exception au principe selon lequel la suppléance doit être prévue par un texte, celui qui a vocation par la place qu'il occupe dans la hiérarchie, à assurer la vacance de la personne compétente peut le faire d'office, et sans texte lorsqu'il est établi par les pièces du dossier que la continuité du service public était effectivement mise en cause par l'absence établie de l'autorité compétente de sorte qu'en admettant la suppléance du rapporteur général sans caractériser son absence effectivement ou son empêchement, la cour a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 462-5 III du code de commerce ;

8°) que par exception au principe selon lequel la suppléance doit être prévue par un texte, celui qui a vocation par la place qu'il occupe dans la hiérarchie, à assurer la vacance de la personne compétente peut le faire d'office, et sans texte lorsqu'il est établi par les pièces du dossier que la continuité du service public était effectivement mise en cause par l'absence établie de l'autorité compétente de sorte qu'en retenant la suppléance de M. Cuziat, sans rechercher, ainsi qu'elle était invitée à le faire, si le rapporteur général adjoint le plus ancien dans la fonction n'avait pas plus vocation à assurer cette suppléance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 462-5 III du code de commerce. »

Réponse de la Cour

16. L'arrêt retient d'abord, qu'une autorité publique investie d'une compétence ne peut s'en déposséder que si la possibilité lui en a été expressément conférée par une disposition normative d'un niveau approprié. Il retient qu'aucun texte ni principe n'exigent que la possibilité de déléguer des compétences attribuées par un texte de valeur législative soit prévue par un texte de même valeur. Il retient que l'article L. 461-4 du code de commerce prévoit la désignation d'adjoints au rapporteur général et que l'article R. 461-3 alinéa 5 de ce code constitue une disposition normative de niveau approprié pour conférer au rapporteur général la possibilité de déléguer à un rapporteur général adjoint tout ou partie de ses attributions, lui seraient-elles attribuées par la loi. Il retient encore que ce même article R. 461-3 alinéa 5, qui figure au titre VI du livre IV du code de commerce, prévoit que le rapporteur général « peut déléguer à un ou plusieurs rapporteurs généraux adjoints tout ou partie des attributions qu'il détient conformément au présent titre ». Il en déduit que, l'article L. 462-5 du code de commerce, qui donne pouvoir au rapporteur général de proposer au collège de l'Autorité de se saisir d'office, figurant dans ce même titre VI, il résulte de l'article R. 461-3 alinéa 5 précité que le rapporteur général peut 16 664 déléguer à un rapporteur général adjoint le pouvoir de proposer à l'Autorité de se saisir d'office.

17. L'arrêt relève, ensuite, que le rapporteur général adjoint, auteur de la proposition de saisine d'office, disposait d'une délégation de fonctions, en cas d'absence ou d'empêchement, consentie par la rapporteure générale par une décision du 9 mars 2009, pour « exercer, en cas d'absence ou d'empêchement de la rapporteure générale, les attributions que cette dernière détient directement du livre IV du code de commerce ». Il en déduit que les décisions de saisine d'office contestées, prises sur la proposition de ce rapporteur général adjoint, sont régulières.

18. En l'état de ces énonciations, constatations et appréciations, faisant ressortir que l'article R. 461-3 alinéa 5 renvoyait nécessairement au titre VI de la partie législative du code de commerce, dès lors que le titre VI de la partie réglementaire du même code ne mentionne aucun pouvoir du rapporteur général susceptible d'être délégué, et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la troisième branche du premier moyen du pourvoi n° J 18-21.493 et par les septième et huitième branches du deuxième moyen du pourvoi n° E 18-21.719, la cour d'appel, qui n'a pas méconnu le principe de la séparation des pouvoirs dès lors que la délégation en cause n'était pas détachable de la procédure contestée, dont l'appréciation de la légalité appartient à l'autorité judiciaire, et qui n'avait pas à se prononcer sur la précision de cet acte qui ressortait suffisamment de la citation de ses termes, a statué à bon droit et a légalement justifié sa décision.

19. Les moyens, pour partie inopérants, ne sont donc pas fondés pour le surplus.

Sur le premier moyen du pourvoi n° E 18-21.719

Enoncé du moyen

20. La société Geodis et la SNCF font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à constater que l'intervention de l'Autorité devant la cour d'appel constituait, eu égard à ses conditions, une violation du droit à un procès équitable alors, selon le moyen :

« 1°) que l'égalité des armes implique l'obligation d'offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire et ce, au niveau de chaque instance prise isolément si bien qu'en se fondant sur la situation de cette Autorité par rapport à elles, prises dans leur globalité, et non individuellement, pour considérer que les conditions 17 664 d'intervention de l'Autorité ne méconnaissaient pas, en l'espèce, ce principe, la cour a violé, par fausse interprétation les stipulations de l'article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

2°) que l'égalité des armes implique l'obligation d'offrir à chaque partie, et à tous les stades de la procédure, une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire de sorte qu'en se fondant, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'égalité des armes en raison des délais asymétriques dont disposent les requérants et l'Autorité pour produire leur argumentation devant la cour sur la circonstance inopérante que ce recours faisait suite à une longue procédure devant l'Autorité pendant laquelle le requérant avait pu "appréhender le dossier", quand, au demeurant, c'est aussi le cas de l'Autorité et que de nombreux moyens peuvent résulter de la décision de l'Autorité et n'avoir jamais été envisagés auparavant, la cour a violé les stipulations de l'article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

3°) que l'égalité des armes implique l'obligation d'offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire si bien qu'en se fondant, pour écarter le moyen tiré de l'inconventionnalité, au regard de ce principe, des dispositions des articles R. 464-12 et R. 464-13 du code de commerce, en tant qu'ils créent une asymétrie entre le requérant et l'Autorité dans la possibilité de formuler des moyens et de produire des pièces, sur le caractère théorique de la critique et l'absence de démonstration d'un grief en l'espèce, la cour, qui s'est bornée à procéder à un contrôle in concreto de l'application des textes, et non à un contrôle de conventionnalité in abstracto de ces textes auquel elle était pourtant invitée, a privé sa décision de base légale au regard des stipulations de l'article 6§1 de la Convention des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

4°) l'égalité des armes implique l'obligation d'offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire de sorte qu'en rejetant le moyen tiré de l'atteinte à ce principe en l'espèce, tout en jugeant irrecevable un des moyens d'annulation proposé au motif qu'il était tardif, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les stipulations de l'article 6§1 18 664 de la Convention des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. »

Réponse de la Cour

21. L'arrêt énonce que l'article R. 464-12 du code de commerce impose au demandeur au recours, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, de déposer l'exposé de ses moyens au greffe de la cour dans les deux mois qui suivent la notification de la décision attaquée et qu'aux termes de l'article R. 464-18 du même code, le premier président ou son délégué fixe, par une décision d'administration judiciaire, « les délais dans lesquels les parties à l'instance doivent se communiquer leurs observations écrites et en déposer copie au greffe de la cour », « les délais dans lesquels l'Autorité de la concurrence et le ministre chargé de l'économie, lorsqu'il n'est pas partie à l'instance, peuvent produire des observations écrites » et « la date des débats. ». Il estime que le fait que, dans la procédure en cause, l'Autorité a disposé d'un délai de sept mois pour déposer ses observations en réponse se justifiait par la nécessité où elle s'est trouvée de répondre aux dix-sept exposés des moyens – dont celui de la société Geodis, qui compte 182 pages –, déposés par les vingt-sept requérantes et observe que le délégué du premier président leur a accordé un délai de deux mois et demi pour déposer leurs mémoires en réplique aux observations de l'Autorité et du ministre chargé de l'économie. Il constate que le moyen de la société Geodis, pris de l'irrégularité de la saisine d'office de l'Autorité, a été invoqué pour la première fois, par cette société, dans ses observations complémentaires, postérieurement à l'expiration du délai prévu à l'article R. 464-12 du code de commerce.

22. En l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que si, par application des dispositions réglementaires applicables, les parties disposent, lorsqu'elles forment un recours contre une décision de l'Autorité, d'un délai de deux mois pour exposer leurs moyens à l'appui de ce recours, tandis que les parties défenderesses peuvent disposer d'un délai supérieur en raison des nécessités de leur défense appréciées par le premier président ou son délégué, la possibilité de cette différence de délai étant en rapport avec l'objectif de respect de l'égalité des armes dans des procédures où plusieurs demandeurs peuvent être opposés à un seul défendeur, la cour d'appel, qui a ainsi apprécié in abstracto la conformité de ce texte aux exigences de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qui a relevé qu'en l'espèce, la différence de délais concrètement observée était en rapport avec le nombre de parties demanderesses et la volumétrie de leurs moyens, en s'attachant au propre mémoire de la société Geodis et à son ampleur, et qui en a déduit qu'un des moyens formés par la société Geodis après l'expiration du délai légal était irrecevable, a, abstraction faite des motifs surabondants, critiqués 19 664 par la deuxième branche, fait l'exacte application du principe de l'égalité des armes.

23. Partiellement inopérant, le moyen n'est donc pas fondé pour le surplus.

24. Et en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle.

Sur le troisième moyen du pourvoi n° J 18-21.493

Enoncé du moyen

25. Les sociétés XPO et XPO Logistics Europe font le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°) que la société XPO faisait valoir que les clients choisissent le mode de transport en fonction de l'objet à transporter, que si leur organisation logistique repose sur des palettes, ils ne peuvent pas choisir un messager, que ce soit un messager traditionnel ou express, qu'inversement, si leur organisation logistique ne repose pas sur des palettes, ils ne peuvent pas utiliser le transport palettisé car c'est le chargeur, et non le transporteur, qui gère les palettes, qu'en outre le choix de l'organisation logistique par palettes n'est pas lié au transport, mais à la logistique d'entreposage : pour utiliser des palettes le client doit acheter ou louer des palettes auprès d'un tiers (qui n'est pas le transporteur) et organiser son entrepôt et la manutention dans son entrepôt autour des palettes (avec tout ce que cela suppose en termes de rayonnages, de matériel de manutention, de tri et d'organisation), aussi bien au point de départ qu'au point d'arrivée cependant que celui qui veut transporter des colis ne va pas simplement empiler des colis sur une palette dans un entrepôt et demander à un transporteur palettisée de venir la chercher ; qu'en relevant que le critère déterminant de la délimitation du secteur de la messagerie de colis ne consiste pas dans le mode de conditionnement des colis (présence/absence de palettes), mais bien dans le poids total des colis transportés (inférieur à trois tonnes), pour décider que la société XPO, quoique n'offrant que des services de transport palettisé, n'en est pas moins dans une situation de concurrence avec les autres entreprises du secteur de la messagerie, sans procéder à la recherche qui lui était demandée, de nature à établir l'absence de substituabilité et partant de concurrence, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du TFUE ;

2°) que la société XPO faisait valoir que non seulement le poids moyen du transport par palettes est plus élevé mais que la logique financière qui sous-tend les deux types de prestations est différente, l'usage de la palette 20 664 n'ayant de sens qu'à partir d'un certain poids, alors que la messagerie devient trop chère, les bases de comparaison tarifaires pour les clients étant trop complexes pour que les deux services soient envisagés de façon alternative, l'usage de la palette ne se réduisant pas à la question du transport mais impliquant des coûts supplémentaires liés à la palette et difficiles à appréhender ; qu'en relevant que le critère déterminant de la délimitation du secteur de la messagerie de colis ne consiste pas dans le mode de conditionnement des colis (présence/absence de palettes), mais bien dans le poids total des colis transportés (inférieur à trois tonnes), pour décider que la société XPO, quoique n'offrant que des services de transport palettisé, n'en est pas moins dans une situation de concurrence avec les autres entreprises du secteur de la messagerie, sans procéder à la recherche qui lui était demandée, de nature à établir l'absence de substituabilité et partant de concurrence, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du TFUE ;

3°) que la société XPO faisait valoir que l'Autorité s'est fondée sur l'étude datée de 2008 du SETRA, sans avoir procédé à la moindre instruction concrète, qu'en outre il ressort de cette étude que le transport palettisé est un nouveau segment répondant à la demande spécifique des clients, qu'en page 24 il est écrit "le chargeur recherche en somme un service sur mesure [...] l'assurance d'une livraison dans les délais imposés. [...] Avoir recours à un service de transport industrialisé apporte un gage de confiance dans la durée", que ce service est une offre complémentaire qui "s'insère entre l'offre  'messagerie classique' (envois de colis jusqu'à 500 kgs) et l'offre 'transport de lot' (envois de palettes de plus de 1 tonne" (page 31), que "le fret palettisé nécessite une organisation spécifique encore différente de la messagerie (adaptation aux nouvelles données de poids et de volume) s'appuyant sur : un réseau de plateformes (un problème pour les lotiers), un nouveau système de suivi, dont l'unité de compte est la palette et non plus le colis (problème pour les messagers), un plan de transport spécifique ; des moyens de manutention et du personnel ; des poids lourds de grande taille pour la traction entre les plateformes et des camions spécifiques (petite taille, hayon ...) pour la distribution" (page 23), que la clientèle palette ne peut recourir au transport en messagerie classique car le coût serait très élevé" ; qu'en ne prenant nullement en compte ces éléments établissant l'absence de situation de concurrence, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du TFUE ;

4°) qu'enfin les sociétés XPO et XPO Logistics Europe faisaient valoir que la preuve n'a pas été rapportée que les sociétés Schenker Joyau et Mory avaient, au moment des faits, une offre palette, le seul document visé par 21 664 l'autorité datant de 2011 ; qu'en délaissant ce moyen pertinent, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

26. L'arrêt constate que, si la société XPO n'offre que des services de transport par palettes, nombre d'entreprises de messagerie proposent des transports par palettes dans le cadre de leur offre de messagerie et qu'il en est ainsi des sociétés Ducros, Schenker-Joyau, Mory, comme, avant 2008, la société Dachser France.

27. Par ce seul constat de l'existence d'une pluralité d'opérateurs, exerçant la même activité que celle dans laquelle la société XPO indiquait s'être spécialisée, dont elle a déduit que cette société était en concurrence avec ceux-ci, la cour d'appel, qui ne s'est pas appuyée sur les pièces visées par la quatrième branche mais sur d'autres pièces du dossier dont elle a souverainement apprécié la portée, et qui n'avait, ni à procéder aux recherches invoquées aux première et deuxième branches, ni à se prononcer sur les éléments invoqués par la troisième branche, que ses constatations rendaient inopérants, a légalement justifié sa décision.

28. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le quatrième moyen du pourvoi n° E 18-21.719

Enoncé du moyen

29. La société Geodis et la SNCF font grief à l'arrêt de n'annuler que partiellement l'article 2 de la décision n° 15-D-19 en ce qu'il a dit établi que la société Geodis avait enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 § 1 du TFUE en participant, entre le 17 octobre 2005 et le 27 septembre 2006, à une entente sur le marché français de la messagerie et de la messagerie express, qui visait à la mise en place d'une concertation sur les hausses tarifaires annuelles et de rejeter tous autres moyens d'annulation ou de réformation de la décision n° 15-D-19 en ce y compris le moyen tiré de l'absence de participation de Geodis à la pratique concertée reprochée pour les campagnes 2009-2010 :

« 1°) qu'en matière d'entente, une personne morale ne peut être tenue pour responsable des agissements d'une personne physique qui n'est pas son salarié que si la personne physique et la personne morale forment entre elles une unité économique ou que la personne morale entend contribuer, par l'intermédiaire de cette personne physique, à une pratique concertée dont elle a connaissance, en divulguant ou en laissant divulguer des informations commerciales sensibles si bien qu'en considérant que les 22 664 agissements de M. Depraeter, dont elle constatait qu'il n'était plus le salarié de Geodis, pouvaient être imputés à cette dernière, sans avoir caractérisé l'unité économique qui les relierait, ni l'intention de la société Geodis de participer à une pratique anticoncurrentielle par le biais de M. Depraeter et d'en assumer les risques, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-1 du code de commerce, 101 du TFUE, ensemble les principes de présomption d'innocence et de responsabilité personnelle ;

2°) que conformément à la présomption d'innocence, il appartient à l'autorité de poursuite d'établir la réalité de la concertation entre entreprises, si bien qu'en se fondant, pour imputer la présence de M. Depraeter à la société Geodis, sur la circonstance que les comptes rendus mentionnant l'intéressé comme représentant de Géodis après son départ à la retraite sans réaction de Geodis, lui avaient été nécessairement communiqués, sans établir la réception de ces comptes rendus par Geodis qui la contestait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-1 du code de commerce, 101 du TFUE et de la présomption d'innocence ;

3°) que conformément à la présomption d'innocence, il appartient à l'autorité de poursuite d'établir la réalité de la concertation entre entreprises ; que lorsque ne peut être rapportée la preuve directe de la délivrance illicite d'informations, la preuve indirecte ne peut être rapportée que si des informations dont la seule source peut être l'entreprise incriminée ont été communiquées de façon illicite, de sorte qu'en se fondant, pour considérer que les informations relatives à Geodis provenaient de Geodis, sur leur seule nature et en considérant comme inopérante la question de leur fiabilité qui seule permet pourtant de l'imputer de façon certaine à l'entreprise en cause, la cour a violé les articles L. 420-1 du code de commerce, 101 du TFUE, ensemble la présomption d'innocence ;

4°) que conformément à la présomption d'innocence, il appartient à l'autorité de poursuite d'établir la réalité de la concertation entre entreprises ; que lorsque ne peut être rapportée la preuve directe de la délivrance illicite d'informations, la preuve indirecte ne peut en être rapportée que si des informations dont la seule source peut être l'entreprise incriminée ont été communiquées de façon illicite, de sorte qu'en se fondant, pour caractériser la délivrance d'informations à Geodis à ses concurrentes, sur la formulation d'un courriel de la société Dachser mentionnant "une pêche aux informations chez nos confrères" et visant des informations relatives à Geodis, sans même rechercher si, comme le soutenait Geodis, les informations y figurant avaient été communiquées auprès de ses clientes, dont faisait partie la société Dachser, ce dont il résultait que les informations en cause pouvaient avoir été communiquées de façon licite et ne résultaient pas nécessairement 23 664 d'une communication illicite, la cour a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-1 du code de commerce, 101 du TFUE et de la présomption d'innocence ;

5°) que conformément à la présomption d'innocence, il appartient à l'autorité de poursuite d'établir la réalité de la concertation entre entreprises ; que lorsque ne peut être rapportée la preuve directe de la délivrance illicite d'informations, la preuve indirecte ne peut en être rapportée que si des informations dont la seule source peut être l'entreprise incriminée ont été communiquées de façon illicite ; qu'en se fondant, pour caractériser la délivrance d'informations par Geodis à ses concurrents, sur la circonstance que dans les notes relatives à la réunion du conseil de métiers du 16 septembre 2010, la hausse tarifaire concernant Geodis était accompagnée d'informations portant sur l'activité de cette société, lesquelles n'avaient pu être communiquées que par elle, quand seule était en cause l'information relative à la hausse tarifaire dont la société Geodis avait établie qu'elle était déjà connue d'un certain nombre de personnes présentes lors de la réunion, la cour, qui n'a pas caractérisé que la communication de la hausse tarifaire était imputable à la société Geodis au cours de la réunion, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-1 du code de commerce, 101 du TFUE et de la présomption d'innocence. »

Réponse de la Cour

30. L'arrêt retient, d'abord, que la représentation d'une société à une réunion anticoncurrentielle s'apprécie de façon purement factuelle, de sorte que le fait que M. Depraeter, ancien salarié de la société Geodis, a pris sa retraite au mois de mars 2009 ne permet pas d'exclure qu'il la représentait encore, après cette date, lors des réunions du conseil de métiers des 17 septembre 2009, 28 janvier, 20 mai et 16 septembre 2010. Il constate que le nom de M. Depraeter figurait en qualité de représentant de la société Geodis sur les comptes rendus de ces réunions. Il retient que cette mention ne pouvait, comme l'invoquait la société Geodis, résulter d'une erreur ou d'une habitude, dès lors que la société Geodis, membre de la fédération TLF, était nécessairement destinataire de ces comptes rendus ainsi que de tous les documents relatant les travaux du conseil de métiers sur lesquels M. Depraeter était mentionné comme la représentant et qu'il eût été inconcevable qu'elle n'ait pas réagi à l'époque des faits en faisant savoir à la fédération TLF et à ses membres que M. Depraeter ne la représentait pas, si tel avait été le cas. Il constate, par motifs adoptés, que contrairement à ce qu'affirme la société Geodis qui soutient que le départ d'un salarié entraîne automatiquement la désactivation de ses comptes, le dossier révèle également que M. Depraeter avait conservé, après son départ à la retraite, son adresse de messagerie électronique Geodis et qu'il a correspondu en 24 664 février 2010 avec le représentant d'une autre société, en utilisant cette messagerie professionnelle. Il relève, par motifs adoptés, que la société Geodis n'a pas nommé, après le départ à la retraite de M. Depraeter, de nouveau représentant au conseil de métiers, tout en continuant à régler ses cotisations à la fédération TLF, et que cette absence de nomination d'un nouveau représentant de la société Geodis à compter du mois de mars 2009 peut aisément s'expliquer si M. Depraeter a continué de représenter l'entreprise après son départ à la retraite.

31. L'arrêt retient ensuite, s'agissant des informations échangées au cours des réunions litigieuses que leur caractère éventuellement erroné ne peut infirmer le constat, tiré de leur nature, qu'elles ont été communiquées par la société Geodis. Il retient également, après avoir analysé les termes d'un courrier électronique, que les informations en cause portaient notamment sur une hausse tarifaire associée à la société Geodis et qu'elles ont été recueillies et fournies dans le cadre d'un échange bilatéral entre concurrents et non dans une relation de clientèle. Il retient, enfin, qu'il résulte d'un compte rendu manuscrit, saisi au cours de l'enquête, de la réunion du 16 septembre 2010 du conseil de métiers que n'y figuraient pas seulement, pour les informations relatives à la société Geodis, un taux de hausse annoncé précédemment dans une circulaire diffusée par cette société, mais également d'autres éléments relatifs à son activité qui ne pouvaient être qu'en possession de la société Geodis elle-même.

32. En l'état de ces énonciations, constatations et appréciations souveraines vainement contestées, sous couvert de manque de base légale, par les quatrième et cinquième branches du moyen, c'est sans méconnaître la présomption d'innocence, eu égard au faisceau d'indices retenu pour déterminer en quelle qualité M. Depraeter avait participé aux réunions litigieuses et à l'analyse des pièces qu'elle a effectuée que la cour d'appel a estimé que la société Geodis était, s'agissant des campagnes tarifaires 2009/2010 et 2010/2011, représentée par ce dernier aux réunions en cause et qu'avaient eu lieu, au cours de celles-ci ou au cours d'échanges bilatéraux, des échanges d'information prohibés portant notamment sur des éléments dont elle était à l'origine et qui ne pouvaient avoir été communiqués que par son représentant, justifiant ainsi légalement sa décision.

33. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le cinquième moyen du pourvoi n° J 18-21.493, pris en ses première, deuxième et troisième branches, cette dernière étant la reproduction à l'identique de la deuxième branche 25 664

Enoncé du moyen

34. Les sociétés XPO et XPO Logistics Europe font grief à l'arrêt de n'accueillir que partiellement leur recours, alors :

« 1°) que la société XPO faisait valoir qu'il appartient à l'Autorité de rapporter la preuve des effets dans le temps de la pratique, le seul constat que plusieurs opérateurs aient indiqué que les négociations tarifaires pouvaient durer jusqu'en mars étant insuffisants, la société XPO invitant la cour d'appel à constater que ne figurait au dossier aucun élément établissant qu'elle menait encore des négociations tarifaires en février, janvier 2008 etc. ; qu'en décidant que l'Autorité ayant établi à suffisance de droit, en se fondant sur les déclarations concordantes des entreprises en cause et de l'Association nationale des utilisateurs de transport de fret (décision de l'Autorité § 790 à 793), que la pratique suivie dans le secteur de la messagerie consiste, pour chaque campagne tarifaire annuelle, à négocier les hausses tarifaires avec la clientèle entre septembre et mars de l'année suivante - constat dont, au demeurant, la société XPO ne conteste pas l'exactitude -, il appartenait à cette dernière, qui était seule à même de pouvoir le faire, de rapporter la preuve qu'en ce qui la concerne, et pour la campagne 2007-2008, les négociations avec sa clientèle s'étaient achevées avant le mois de mars, que force est de constater que la requérante n'allègue pas, et a fortiori ne démontre pas, que tel aurait été le cas, la cour d'appel a dénaturé les écritures de la société XPO et méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

2°) que la société XPO faisait valoir qu'il appartient à l'autorité de la concurrence de rapporter la preuve des effets dans le temps de la pratique, le seul constat que plusieurs opérateurs aient indiqué que les négociations tarifaires pouvaient durer jusqu'en mars étant insuffisants, la société XPO invitant la cour d'appel à constater que ne figurait au dossier aucun élément établissant qu'elle menait encore des négociations tarifaires en février, janvier 2008 etc. ; qu'en décidant que l'Autorité ayant établi à suffisance de droit, en se fondant sur les déclarations concordantes des entreprises en cause et de l'Association nationale des utilisateurs de transport de fret (décision de l'Autorité, § 790 à 793), que la pratique suivie dans le secteur de la messagerie consiste, pour chaque campagne tarifaire annuelle, à négocier les hausses tarifaires avec la clientèle entre septembre et mars de l'année suivante - constat dont, au demeurant, la société XPO ne conteste pas l'exactitude - il appartenait à cette dernière, qui était seule à même de pouvoir le faire, de rapporter la preuve qu'en ce qui la concerne, et pour la campagne 2007-2008, les négociations avec sa clientèle s'étaient achevées avant le mois de mars, que force est de constater que la requérante 26 664 n'allègue pas, et a fortiori ne démontre pas, que tel aurait été le cas, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et violé les articles L. 420-1 et suivants du code de commerce, ensemble l'article 1315 du code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce. »

Réponse de la Cour

35. L'arrêt retient d'abord, après avoir reproduit les termes du grief n° 2 tel que notifié, que l'utilisation des informations recueillies lors des réunions anticoncurrentielles fait partie intégrante des comportements poursuivis et que chacune des entreprises ayant pris part aux échanges d'informations se trouvait en mesure d'exploiter celles-ci dans le cadre de ses négociations avec ses clients. Il relève que la date de fin des pratiques ne correspond donc pas à la date de la dernière réunion à laquelle a participé une entreprise, mais coïncide avec la fin du cycle annuel de négociations, à l'issue duquel elle a cessé d'exploiter les informations obtenues lors de cette dernière réunion. Il retient encore que l'Autorité a établi à suffisance de droit, en se fondant sur les déclarations concordantes des entreprises en cause et de l'Association nationale des utilisateurs de transport de fret, que la pratique suivie dans le secteur de la messagerie consiste, pour chaque campagne tarifaire annuelle, à négocier les hausses tarifaires avec la clientèle entre les mois de septembre et de mai de l'année suivante, constat dont au demeurant la société XPO ne conteste pas l'exactitude.

36. En l'état de ces appréciations, et dès lors que c'est à tort que la société XPO soutenait, dans ses écritures d'appel dès lors inopérantes, qu'il revenait à l'Autorité d'établir les effets de la pratique, cependant que celle-ci avait été qualifiée de pratique anticoncurrentielle par objet, la cour d'appel, qui a estimé, dans le cadre de son pouvoir souverain d'appréciation des preuves, que la période de négociation tarifaire annuelle dans le secteur de la messagerie couvrait la période entre les mois de septembre et de mars de l'année suivante, ce dont elle a déduit que la durée des pratiques s'étendait jusqu'à la fin de chaque cycle de négociation, de sorte qu'il revenait à la société XPO de démontrer sa situation particulière, a pu statuer comme elle a fait.

37. Inopérant en sa première branche, le moyen n'est pas fondé pour le surplus.

Sur le sixième moyen du pourvoi n° E 18-21.719

Enoncé du moyen

38. La société Geodis et la SNCF font grief à l'arrêt de n'annuler que partiellement l'article 2 de la décision n° 15-D-19 en ce qu'il a dit établi que la société Geodis avait enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 § 1 du TFUE, en participant, entre le 17 octobre 2005 et le 27 septembre 2006, à une entente sur le marché français de la messagerie et de la messagerie express, qui visait à la mise en place d'une concertation sur les hausses tarifaires annuelles et de rejeter tous autres moyens d'annulation ou de réformation de la décision n° 15-D-19 en ce compris le moyen tiré de l'absence d'imputabilité du grief n° 2 à la SNCF faute d'influence déterminante sur sa filiale Geodis pendant la période concernée par les pratiques, alors :

« 1°) que la présomption d'influence déterminante de la société mère sur la filiale qu'elle détient à 100 % est une présomption simple, qui peut être renversée en apportant des éléments de preuve de nature à démontrer que la filiale se comporte de façon autonome sur le marché, si bien qu'en jugeant qu'aucun des éléments avancés par la SNCF ne suffisait à renverser la présomption selon laquelle il exerçait une influence déterminante sur sa filiale Geodis, pour la période postérieure à l'OPA de 2008, sans mieux s'en expliquer, quand la SNCF avait invoqué de nombreux éléments tendant à démontrer l'autonomie de Geodis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des article L. 420-1 du code de commerce et 101 du TFUE ;

2°) que la présomption d'influence déterminante de la société mère sur la filiale qu'elle détient à 100 % est une présomption simple, qui peut être renversée en apportant des éléments de preuve de nature à démontrer que la filiale se comporte de façon autonome sur le marché, si bien qu'en jugeant que l'Autorité avait caractérisé une influence déterminante en relevant la mise en place de procédures de contrôle, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la SNCF n'était pas insuffisamment informée pour pouvoir exercer une quelconque capacité d'influence ou un quelconque contrôle sur Geodis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du TFUE ; 28 664

3°) que la présomption d'influence déterminante de la société mère sur la filiale qu'elle détient à 100 % est une présomption simple, qui peut être renversée en apportant des éléments de preuve de nature à démontrer que la filiale se comporte de façon autonome sur le marché, si bien qu'en jugeant que l'Autorité avait caractérisé une influence déterminante en relevant la composition du conseil d'administration sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette circonstance n'était pas inopérante dès lors que la composition du conseil d'administration n'avait pas été modifiée postérieurement à l'OPA et que les décisions de nature commerciale étaient prises non par ce conseil, mais par le comité exécutif et le comité des opérations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du TFUE ;

4°) que la présomption d'influence déterminante de la société mère sur la filiale qu'elle détient à 100 % est une présomption simple, qui peut être renversée en apportant des éléments de preuve de nature à démontrer que la filiale se comporte de façon autonome sur le marché, si bien qu'en jugeant que l'Autorité avait caractérisé une influence déterminante en relevant les intentions synergétiques de la SNCF au moment de l'OPA, sans rechercher, comme elle était invitée à le faire, si les synergies ainsi projetées ne visaient pas une échéance à long terme, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du TFUE. »

Réponse de la Cour

39. L'arrêt rappelle d'abord qu'ayant établi la participation de la société Geodis aux pratiques faisant l'objet du grief n° 2, l'Autorité, eu égard à la détention, depuis juillet 2008, de la totalité du capital de cette société par la SNCF, a considéré qu'aucun élément du dossier ne permettait d'écarter la présomption selon laquelle la SNCF exerçait une influence déterminante sur sa filiale dont l'autonomie commerciale alléguée n'était pas démontrée et qui lui était unie par des liens organisationnels, juridiques et économiques, et a, en conséquence, retenu que la sanction pécuniaire prononcée contre la société Geodis, auteur des faits, serait supportée solidairement par la SNCF à hauteur d'un montant calculé prorata temporis, compte tenu de la date à partir de laquelle elle en a détenu l'intégralité du capital. Il relève ensuite que la prise de contrôle par la SNCF a entraîné la mise en place de procédures visant à la surveillance des engagements de la société Geodis présentant 29 664 des enjeux financiers importants et au suivi de ses performances financières. Il observe encore que la SNCF entretenait avec sa filiale des liens de gouvernance, dont témoigne, notamment, la composition du conseil d'administration de celle-ci. Il estime enfin que la SNCF échoue, eu égard à l'ensemble des liens organisationnels, économiques et juridiques existant entre cette entreprise et sa filiale, à renverser la présomption, résultant de sa détention de la totalité du capital de la société Geodis, qu'elle exerçait sur celle-ci une influence déterminante.

40. En l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que l'imputabilité des pratiques à la SNCF en sa qualité de société mère de la société Geodis, était fondée, non seulement sur la détention de 100 % du capital de cette dernière, mais aussi sur l'existence de liens organisationnels et de gouvernance entre la mère et sa fille, la cour d'appel, qui n'avait pas, dès lors, à faire les recherches que ses constatations relatives à l'organisation d'un contrôle financier étroit de sa filiale par la société mère et celles relatives à l'existence de liens de gouvernance, peu important que ceux-ci n'affectent pas la stratégie commerciale de la société Geodis, rendaient inopérantes, a, par cette appréciation globale et abstraction faite  des motifs inopérants mais surabondants, critiqués par la quatrième branche, légalement justifié sa décision.

41. Pour partie inopérant, le moyen n'est pas donc fondé pour le surplus.

Sur les premier et second moyens, pris en leur deuxième à treizième branches, du pourvoi n° X 18-21.436, le premier moyen, pris en ses deuxième à dixième branches, du pourvoi n° Y 18-21.437, le neuvième moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième, septième, huitième et neuvième branches, du pourvoi n° A 18-21.485, le premier moyen du pourvoi n° D 18-21.580, le premier moyen du pourvoi n° R 18-21.591, le septième moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, du pourvoi n° E 18-21.719, et le premier moyen du pourvoi n° C 18-21.763, rédigés en des termes identiques ou similaires, réunis

Enoncé du moyen

42. Par leur premier moyen, pris en ses deuxième à treizième branches, les sociétés Chronopost, DPD France et La Poste font grief à l'arrêt de 30 664 condamner les sociétés Chronopost et La Poste solidairement à une sanction pécuniaire d'un certain montant, au titre des pratiques visées à l'article 2 de la décision n° 15-D-19 de l'Autorité, alors :

« 2°) que si la valeur des ventes est appréciée sur le marché concerné par l'infraction, la délimitation de celui-ci doit à ce stade de la procédure, être aussi étroite que possible ; qu'il existe un marché distinct pour chaque segment de clientèle dont les besoins et les attentes de services ne sont pas identiques ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

3°) que la valeur des ventes est déterminée à partir du marché affecté par les pratiques en cause : qu'en affirmant au contraire qu'"il ne découle ni du communiqué sanctions ni de la pratique décisionnelle antérieure de l'Autorité que les ventes de produits ou services devraient être "affectées" par l'infraction pour que leur valeur soit prise en compte pour le calcul du montant de base de la sanction" ou encore qu'en décidant de prendre en compte la valeur des ventes de produits ou services "en relation avec l'infraction", l'Autorité aurait exactement fait le choix de ne pas prendre en compte le critère de l'affectation des ventes par l'infraction, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

4°) que la valeur des ventes est une notion économique objective permettant de proportionner au cas par cas l'assiette de la sanction à l'ampleur économique de l'infraction et au poids relatif sur le secteur ou le marché concerné de l'entreprise qui y a participé ; qu'en se bornant à expliquer le refus de l'Autorité de déterminer la valeur des ventes à partir de ce critère d'affectation par la prétendue difficulté pour les services d'instruction de procéder à de telles vérifications ou encore par le caractère dissuasif de la sanction, la cour d'appel qui a statué par des motifs impropres à justifier l'exclusion du critère d'affectation pour déterminer la valeur des ventes, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce et du communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ; 31 664

5°) que la partie du chiffre d'affaires global provenant de la vente des produits qui font l'objet de l'infraction n'est la mieux à même de refléter l'importance économique de cette infraction que si les différentes catégories de clients se trouvent dans une situation comparable ; qu'en refusant de tenir compte des spécificités de chaque segment de clientèle, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

6°) qu'en considérant que, pour déterminer la valeur des ventes, l'Autorité a exactement retenu le chiffre d'affaires réalisé par chaque entreprise participante sur le marché domestique de la messagerie classique et express quand il ressort des constatations propres et adoptées de l'arrêt attaqué que l'Autorité a déduit de cette valeur des ventes les ventes intra-groupes, la sous-traitance et les ventes internationales, ce qui suffit à démontrer que la référence à ce marché ne correspond pas à la réalité économique de l'infraction, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

7°) que la valeur des ventes est une notion économique objective permettant de proportionner au cas par cas l'assiette de la sanction à l'ampleur économique de l'infraction et au poids relatif sur le secteur ou le marché concerné de l'entreprise qui y a participé ; qu'en considérant, pour refuser d'exclure les ventes au comptant ou aux nouveaux clients du montant de base de la sanction, que la seule référence à un environnement marqué par une hausse des prix pouvant être de nature à leur faire accepter un prix plus élevé que ce qu'il aurait été sans les pratiques, suffit à établir une relation de ces ventes avec l'infraction quand le juge de la concurrence était tenu de se livrer à un contrôle concret du lien existant entre les hausses des prix constatés sur chacune de ces ventes et l'infraction, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

8°) qu'en se bornant à retenir que l'environnement marqué par une hausse des prix était propice à une hausse des prix des ventes au comptant ou aux nouveaux clients, sans vérifier, comme elle y avait été invitée, si les variations des prix de ces ventes n'étaient pas totalement décorrélées des 32 664 hausses pratiquées sur les segments de clientèle concernés par l'entente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce et du communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

9°) qu'en se bornant à retenir que la renégociation des contrats pluriannuels est intervenue au cours et sous l'influence des pratiques en cause, sans vérifier, comme elle y avait été invitée, si cette renégociation n'avait pas lieu selon des modalités prédéterminées, étrangères à la pratique en cause, prenant en considération des coûts, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce et du communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

10°) que la valeur des ventes correspond, en principe, à la valeur de l'ensemble des catégories de produits ou de services en relation avec l'infraction vendus par l'entreprise concernée durant son dernier exercice comptable complet de participation à celle-ci ; qu'il doit donc exister un lien de causalité actuel entre l'infraction et les catégories de produits ou services pris en compte ; qu'en considérant, pour refuser d'exclure de la valeur des ventes les contrats pluriannuels mais aussi les clients n'ayant fait l'objet d'aucune hausse au cours de la durée de participation de l'entreprise à l'entente, que les pratiques se seraient prolongées si les demandeurs en clémence n'avaient pas informé l'Autorité de l'existence de cette entente, la cour d'appel qui s'est fondée sur une circonstance hypothétique future sans lien avec la durée de participation effective de chaque entreprise à l'infraction, a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

11°) qu'en considérant, pour refuser d'exclure de la valeur des ventes les clients n'ayant fait l'objet d'aucune hausse au cours de la durée de participation de l'entreprise à l'entente, qu'il "ne peut être exclu que, sans les pratiques, certains de ces clients, dotés d'un fort pouvoir de négociation, auraient pu obtenir des baisses de tarifs, le contexte de hausse les ayant seulement dissuadés d'exiger une baisse", la cour d'appel qui a statué par un motif hypothétique, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; 33 664

12°) qu'en se bornant à justifier le refus de l'Autorité d'écarter de la valeur des ventes les options et frais supplémentaires ainsi que la surcharge gazole, par "la nécessité de garantir l'efficacité de l'action de l'Autorité, et notamment de ses services d'instruction, ainsi que la prévisibilité et le caractère dissuasif des sanctions qu'elle prononce", la cour d'appel qui a statué par des motifs impropres à justifier une telle exclusion de la valeur des ventes, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce et du communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

13°) qu'en justifiant le refus de l'Autorité d'écarter de la valeur des ventes certaines catégories de ventes ou de frais par "la nécessité de garantir l'efficacité de l'action de l'Autorité, et notamment de ses services d'instruction, ainsi que la prévisibilité et le caractère dissuasif des sanctions qu'elle prononce", tout en constatant que le montant de base peut aussi "faire l'objet d'une individualisation en fonction des circonstances aggravantes et atténuantes propres à chaque entreprise, et d'ajustements finaux pour tenir compte de ses éventuelles difficultés", ce dont il résulte que le montant de base n'est pas le seul élément de la sanction permettant de rendre celle-ci efficace et dissuasive, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé l'article L. 464-2 du code de commerce, ainsi que le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires. »

43. Par leur second moyen, pris en ses deuxième à treizième branches, les sociétés Chronopost, DPD France et La Poste font grief à l'arrêt de condamner la société DPD France à une sanction pécuniaire d'un certain montant, au titre des pratiques visées à l'article 2 de la décision n° 15-D-19 de l'Autorité, alors :

« 2°) que si la valeur des ventes est appréciée sur le marché concerné par l'infraction, la délimitation de celui-ci doit à ce stade de la procédure, être aussi étroite que possible ; qu'il existe un marché distinct pour chaque segment de clientèle dont les besoins et les attentes de services ne sont pas identiques ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ; 34 664

3°) que si la valeur des ventes est déterminée à partir du marché affecté par les pratiques en cause ; qu'en affirmant au contraire que ?il ne découle ni du  communiqué sanctions ni de la pratique décisionnelle antérieure de l'Autorité que les ventes de produits ou services devraient être <affectées’ par l'infraction pour que leur valeur soit prise en compte pour le calcul du montant de base de la sanction ou encore qu'en décidant de prendre en compte la valeur des ventes de produits ou services en relation avec l'infraction”, l'Autorité aurait exactement fait le choix de ne pas prendre en compte le critère de l'affectation des ventes par l'infraction, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

4°) que la valeur des ventes est une notion économique objective permettant de proportionner au cas par cas l'assiette de la sanction à l'ampleur économique de l'infraction et au poids relatif sur le secteur ou le marché concerné de l'entreprise qui y a participé ; qu'en se bornant à expliquer le refus de l'Autorité de déterminer la valeur des ventes à partir de ce critère d'affectation par la prétendue difficulté pour les services d'instruction de procéder à de telles vérifications ou encore par le caractère dissuasif de la sanction, la cour d'appel qui a statué par des motifs impropres à justifier l'exclusion du critère d'affectation pour déterminer la valeur des ventes, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

5°) que la partie du chiffre d'affaires global provenant de la vente des produits qui font l'objet de l'infraction n'est la mieux à même de refléter l'importance économique de cette infraction que si les différentes catégories de clients se trouvent dans une situation comparable ; qu'en refusant de tenir compte des spécificités de chaque segment de clientèle, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

6°) qu'en considérant que, pour déterminer la valeur des ventes, l'Autorité a exactement retenu le chiffre d'affaires réalisé par chaque entreprise participante sur le marché domestique de la messagerie classique et express quand il ressort des constatations propres et adoptées de l'arrêt que l'Autorité a déduit de cette valeur des ventes les ventes intra-groupes, la 35 664 sous-traitance et les ventes internationales, ce qui suffit à démontrer que la référence à ce marché ne correspond pas à la réalité économique de l'infraction, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

7°) que la valeur des ventes est une notion économique objective permettant de proportionner au cas par cas l'assiette de la sanction à l'ampleur économique de l'infraction et au poids relatif sur le secteur ou le marché concerné de l'entreprise qui y a participé ; qu'en considérant, pour refuser d'exclure les ventes au comptant ou aux nouveaux clients du montant de base de la sanction, que la seule référence à un environnement marqué par une hausse des prix pouvant être de nature à leur faire accepter un prix plus élevé que ce qu'il aurait été sans les pratiques, suffit à établir une relation de ces ventes avec l'infraction quand le juge de la concurrence était tenu de se livrer à un contrôle concret du lien existant entre les hausses des prix constatés sur chacune de ces ventes et l'infraction, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

8°) qu'en se bornant à retenir que l'environnement marqué par une hausse des prix était propice à une hausse des prix des ventes au comptant ou aux nouveaux clients, sans vérifier, comme elle y avait été invitée, si les variations des prix de ces ventes n'étaient pas totalement décorrélées des hausses pratiquées sur les segments de clientèle concernés par l'entente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce et du communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

9°) qu’en se bornant à retenir que la renégociation des contrats pluriannuels est intervenue au cours et sous l'influence des pratiques en cause, sans vérifier, comme elle y avait été invitée, si cette renégociation n'avait pas lieu selon des modalités prédéterminées, étrangères à la pratique en cause, prenant en considération des coûts, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce et du communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

10°) que la valeur des ventes correspond, en principe, à la valeur de l'ensemble des catégories de produits ou de services en relation avec l'infraction vendues par l'entreprise concernée durant son dernier exercice comptable complet de participation à celle-ci ; qu'il doit donc exister un lien de causalité actuel entre l'infraction et les catégories de produits ou services pris en compte ; qu'en considérant, pour refuser d'exclure de la valeur des 36 664 ventes les contrats pluriannuels mais aussi les clients n'ayant fait l'objet d'aucune hausse au cours de la durée de participation de l'entreprise à l'entente, que les pratiques se seraient prolongées si les demandeurs en clémence n'avaient pas informé l'Autorité de l'existence de cette entente, la cour d'appel qui s'est fondée sur une circonstance hypothétique future sans lien avec la durée de participation effective de chaque entreprise à l'infraction, a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et du communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

11°) qu’en considérant, pour refuser d'exclure de la valeur des ventes les clients n'ayant fait l'objet d'aucune hausse au cours de la durée de participation de l'entreprise à l'entente, qu'il "ne peut être exclu que, sans les pratiques, certains de ces clients, dotés d'un fort pouvoir de négociation, auraient pu obtenir des baisses de tarifs, le contexte de hausse les ayant seulement dissuadés d'exiger une baisse", la cour d'appel qui a statué par un motif hypothétique, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

12°) qu'en se bornant à justifier le refus de l'Autorité d'écarter de la valeur des ventes les options et frais supplémentaires ainsi que la surcharge gazole, par "la nécessité de garantir l'efficacité de l'action de l'Autorité, et notamment de ses services d'instruction, ainsi que la prévisibilité et le caractère dissuasif des sanctions qu'elle prononce", la cour d'appel qui a statué par des motifs impropres à justifier une telle exclusion de la valeur des ventes, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce et du communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

13°) qu'en justifiant le refus de l'Autorité d'écarter de la valeur des ventes certaines catégories de ventes ou de frais par "la nécessité de garantir l'efficacité de l'action de l'Autorité, et notamment de ses services d'instruction, ainsi que la prévisibilité et le caractère dissuasif des sanctions qu'elle prononce", tout en constatant que le montant de base peut aussi "faire l'objet d'une individualisation en fonction des circonstances aggravantes et atténuantes propres à chaque entreprise, et d'ajustements finaux pour tenir compte de ses éventuelles difficultés", ce dont il résulte que le montant de base n'est pas le seul élément de la sanction permettant de rendre celle-ci efficace et dissuasive, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé l'article L. 464-2 du code de commerce, ainsi que le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires. »

44. Par leur premier moyen, pris en ses deuxième à dixième branches, les sociétés Fedex express FR et TNT Express font grief à l'arrêt de les 37 664 condamner solidairement à une sanction pécuniaire d'un certain montant, au titre des pratiques visées à l'article 2 de la décision n° 15-D-19 de l'Autorité, alors :

« 2°) que si la valeur des ventes est appréciée sur le marché concerné par l'infraction, la délimitation de celui-ci doit, à ce stade de la procédure, être aussi étroite que possible ; qu'il existe un marché distinct pour chaque segment de clientèle dont les besoins et les attentes de services ne sont pas identiques ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

3°) que la valeur des ventes est déterminée à partir du marché affecté par les pratiques en cause ; qu'en affirmant au contraire qu'" il ne découle ni du communiqué sanctions ni de la pratique décisionnelle antérieure de l'Autorité que les ventes de produits ou services devraient être "affectées" par l'infraction pour que leur valeur soit prise en compte pour le calcul du montant de base de la sanction" ou encore qu'en décidant de prendre en compte la valeur des ventes de produits ou services "en relation avec l'infraction", l'Autorité aurait exactement fait le choix de ne pas prendre en compte le critère de l'affectation des ventes par l'infraction, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

4°) que la valeur des ventes est une notion économique objective permettant de proportionner au cas par cas l'assiette de la sanction à l'ampleur économique de l'infraction et au poids relatif sur le secteur ou le marché concerné de l'entreprise qui y a participé ; qu'en se bornant à expliquer le refus de l'Autorité de déterminer la valeur des ventes à partir de ce critère d'affectation par la prétendue difficulté pour les services d'instruction de procéder à de telles vérifications ou encore par le caractère dissuasif de la sanction, la cour d'appel qui a statué par des motifs impropres à justifier l'exclusion du critère d'affectation pour déterminer la valeur des ventes, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

5°) que la partie du chiffre d'affaires global provenant de la vente des produits qui font l'objet de l'infraction n'est la mieux à même de refléter l'importance économique de cette infraction que si les différentes catégories de clients se trouvent dans une situation comparable ; qu'en refusant de tenir compte des spécificités de chaque segment de clientèle, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 38 664 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

6°) qu'en considérant que, pour déterminer la valeur des ventes, l'Autorité de la concurrence a exactement retenu le chiffre d'affaires réalisé par chaque entreprise participante sur le marché domestique de la messagerie classique et express quand il ressort des constatations propres et adoptées de l'arrêt que l'Autorité a déduit de cette valeur des ventes les ventes intra-groupes, la sous-traitance et les ventes internationales, ce qui suffit à démontrer que la référence à ce marché ne correspond pas à la réalité économique de l'infraction, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

7°) que la valeur des ventes est une notion économique objective permettant de proportionner au cas par cas l'assiette de la sanction à l'ampleur économique de l'infraction et au poids relatif sur le secteur ou le marché concerné de l'entreprise qui y a participé ; qu'en se bornant, pour refuser d'exclure de la valeur des ventes, les comptes des petits clients, à affirmer de manière générale que les demanderesses devant la cour d'appel s'accordent généralement sur le fait que les hausses figurant dans les circulaires s'appliquaient sans négociation aux petits clients, si bien que ces ventes ont bien été en relation avec l'infraction, sans rechercher si la situation individuelle de la société Fedex express FR ne devait pas être distinguée de celle de la majorité des autres entreprises, dans la mesure où les hausses tarifaires appliquées par cette société aux petits clients sans négociation entraient en vigueur avant les réunions de la fédération TLF, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce et du communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

8°) que la valeur des ventes est une notion économique objective permettant de proportionner au cas par cas l'assiette de la sanction à l'ampleur économique de l'infraction et au poids relatif sur le secteur ou le marché concerné de l'entreprise qui y a participé ; qu'en considérant, pour refuser d'exclure les ventes au comptant ou au comptoir ainsi que les ventes "clients grand compte" du montant de base de la sanction, que la seule référence à un environnement marqué par une hausse des prix pouvant être de nature à leur faire accepter un prix plus élevé que ce qu'il aurait été sans les pratiques, suffit à établir une relation des ventes au comptant avec l'infraction quand le juge de la concurrence était tenu de se livrer à un contrôle concret du lien existant entre les hausses des prix constatés sur chacune de ces ventes et l'infraction, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

9°) qu'en se bornant à justifier le refus de l'Autorité d'écarter de la valeur des ventes les options et frais supplémentaires ainsi que la surcharge gazole, par "la nécessité de garantir l'efficacité de l'action de l'Autorité, et notamment de ses services d'instruction, ainsi que la prévisibilité et le caractère dissuasif des sanctions qu'elle prononce", la cour d'appel qui a statué par des motifs impropres à justifier une telle exclusion de la valeur des ventes, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

10°) qu'en justifiant le refus de l'Autorité d'écarter de la valeur des ventes certaines catégories de ventes ou de frais par "la nécessité de garantir l'efficacité de l'action de l'Autorité, et notamment de ses services d'instruction, ainsi que la prévisibilité et le caractère dissuasif des sanctions qu'elle prononce", tout en constatant que le montant de base peut aussi "faire l'objet d'une individualisation en fonction des circonstances aggravantes et atténuantes propres à chaque entreprise, et d'ajustements finaux pour tenir compte de ses éventuelles difficultés", ce dont il résulte que le montant de base n'est pas le seul élément de la sanction permettant de rendre celle-ci efficace et dissuasive, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé l'article L. 464-2 du code de commerce, ainsi que le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires. »

45. Par leur neuvième moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième, septième, huitième et neuvième branches, les sociétés DHL express (France), DHL holding France et Deutsche Post font grief à l'arrêt d'infliger à la société DHL express (France), solidairement avec les sociétés DHL holding (France) et Deutsche Post, une sanction pécuniaire d'un certain montant, alors :

« 2°) que les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme et de façon motivée pour chaque sanction ; qu'en écartant les moyens relatifs à l'assiette de la sanction, tirés de ce que seule la valeur des ventes affectées par l'infraction devait être prise en considération, motif pris que l'exigence induite par ces moyens obligerait les services d'enquête de l'Autorité à consacrer "un temps important à de telles vérifications" et limiterait l'efficacité de son action, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce ;

3°) que l'Autorité est soumise au principe général de droit de l'Union de bonne administration, en vertu duquel il lui appartient d'examiner avec soin 40 664 tous les éléments pertinents d'une affaire ; qu'en écartant les moyens relatifs à l'assiette de la sanction, tirés de ce que seule la valeur des ventes affectées par l'infraction devait être prise en considération, motif pris que l'exigence induite par ces moyens obligerait les services d'enquête de l'Autorité à consacrer "un temps important à de telles vérifications" et limiterait l'efficacité de son action, la cour d'appel a violé le principe général de droit de l'Union de bonne administration ;

4°) que les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme et de façon motivée pour chaque sanction ; qu'en écartant les moyens relatifs à l'assiette de la sanction, tirés de ce que seule la valeur des ventes affectées par l'infraction devait être prise en considération, motif pris que l'obligation induite par ces moyens "priverait largement d'effet dissuasif les sanctions que prononce l'Autorité" et que l'approche retenue par l'Autorité serait plus conforme "à l'exigence de prévisibilité de la sanction, et donc à son caractère dissuasif", la cour d'appel a derechef violé l'article L. 464-2 du code de commerce ;

5°) qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a transformé la présomption simple de ce que la valeur des ventes en relation avec l'infraction comprendrait l'ensemble des ventes réalisées sur le marché concerné en présomption irréfragable, dès lors qu'elle ne peut plus être renversée par la preuve contraire, et a violé l'article L. 464-2 du code de commerce ;

6°) que le montant de base de la sanction pécuniaire est déterminé à partir de la valeur des ventes des produits ou services en relation avec l'infraction, valeur qui permet de proportionner l'assiette de la sanction à l'ampleur économique de l'infraction et au poids de l'entreprise en cause sur le marché et à laquelle il est ensuite appliqué un coefficient relatif à la gravité des faits et au dommage à l'économie ; qu'en estimant que la prise en compte, comme assiette de la sanction, de la totalité du chiffre d'affaires réalisé par une entreprise sur le marché concerné ne contrevient pas au principe de proportionnalité des peines, parce qu'il est appliqué à la valeur des ventes ainsi retenue un coefficient fonction de la gravité des faits et du dommage causé à l'économie et un coefficient de durée, et que ce montant peut faire l'objet d'une individualisation selon des circonstances atténuantes ou aggravantes, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce ;

7°) que la notion de valeur des ventes de produits ou services en relation avec l'infraction ne peut englober des ventes ne relevant pas du champ d'application de l'infraction ; qu'en considérant que c'est à juste titre que l'Autorité a retenu, au titre de la valeur des ventes, le chiffre d'affaires lié aux prestations de messagerie et de messagerie express sur le territoire français, déduction faite, uniquement, du chiffre d'affaires réalisé lors de prestations internationales, du chiffre d'affaires réalisé lorsque les entreprises ont agi exclusivement comme sous-traitant d'un autre transporteur et du chiffre d'affaires réalisé lors de prestations intergroupe, sans déduire, comme elle y était invitée, le chiffre d'affaires réalisé par la société DHL express (France) au profit des clients TOP 1000 et celui généré par des "options ou frais supplémentaires", sans relation avec l'infraction, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce ;

8°) que la notion de valeur des ventes de produits ou services en relation avec l'infraction ne peut englober des ventes ne relevant pas du champ d'application de l'infraction ; qu'en relevant, pour considérer que c'est à juste titre que l'Autorité avait retenu, au titre de la valeur des ventes, le chiffre d'affaire lié aux prestations de messagerie classique et express sur le territoire français sans distinguer selon les clients et/ou les contrats, que les informations échangées concernaient un aspect de la politique tarifaire générale qu'entendaient suivre les entreprises participantes - le taux de hausse qu'elles souhaitaient obtenir -, sans distinction selon la nature des services ou selon les caractéristiques des clients, sans rechercher, concrètement, le champ d'application des pratiques en cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce ;

9°) que les sanctions pécuniaires sont proportionnées, notamment, à la gravité effective des faits reprochés et à l'importance du dommage réellement causé à l'économie ; qu'en relevant, pour considérer que c'est à juste titre que l'Autorité avait retenu, au titre de la valeur des ventes, le chiffre d'affaires lié aux prestations de messagerie classique et express sur le territoire français sans distinguer selon les clients et/ou les contrats, que les pratiques litigieuses étaient de nature à entraîner des hausses supérieures à ce qu'elles auraient été sans l'entente et ont eu pour effet, réellement ou potentiellement, de favoriser les entreprises dans leurs négociations avec leurs plus grands clients, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants, privant sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce. »

46. Par leur premier moyen, les sociétés Overland, Kuehne+Nagel Road et Kuehne+Nagel International font grief à l'arrêt de rejeter tous leurs moyens d'annulation ou de réformation et, en conséquence, de rejeter leur recours contre la décision n° 15-D-19 de l'Autorité qui a notamment infligé, au titre du grief n° 2, une sanction d'un certain montant à la société Overland, dont une partie solidairement avec la société Kuehne+Nagel Road et une autre solidairement avec la société Kuehne+Nagel International, alors :

« 1°) que les sanctions pécuniaires des pratiques anticoncurrentielles doivent être proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération des pratiques prohibées ; qu'elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ; que le communiqué de l'Autorité en date du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires, qui constitue une directive au sens administratif du terme, prévoit que le montant de base de la sanction pécuniaire est représenté par une proportion de la valeur des ventes réalisées par chaque entreprise en cause des produits ou services en relation avec l'infraction considérée (point 23) ; que le point 33 du communiqué précise que "la référence prise par l'Autorité pour donner une traduction chiffrée à son appréciation de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie est la valeur de l'ensemble des catégories de produits ou de services en relation avec l'infraction, ou s'il y a lieu avec les infractions, vendues par l'entreprise ou l'organisme concerné durant son dernier exercice comptable complet de participation à celle(s)-ci (…)" ; que ne sont pas "en relation" avec l'infraction, au sens du communiqué précité, les ventes de produits ou services qui n'ont pas été affectées par la pratique anticoncurrentielle en cause ; qu'au cas d'espèce, en retenant que par principe, il n'était pas nécessaire, pour être considérées comme "en relation avec l'infraction" et donc être prises en compte dans la valeur des ventes servant d'assiette au calcul du montant de base de la sanction, que les ventes de produits ou services aient été affectées par l'infraction, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2, I du code de commerce, ensemble les points 23 et 33 du communiqué de l'Autorité en date du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

2°) que les sanctions pécuniaires des pratiques anticoncurrentielles doivent être proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération des pratiques prohibées ; qu'elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ; que le communiqué de l'Autorité de la concurrence en date du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires, qui constitue une directive au sens administratif du terme, prévoit que le montant de base de la sanction pécuniaire est représenté par une proportion de la valeur des ventes, "qui constitue en effet une référence appropriée et objective pour déterminer le montant de base de la sanction pécuniaire, dans la mesure où elle permet d'en proportionner au cas par cas l'assiette à l'ampleur économique de l'infraction ou des infractions en cause, d'une part, et au poids relatif, sur le(s) secteur(s) ou 43 664 marché(s) concerné(s), de chaque entreprise ou organisme qui y a participé, d'autre part" (point. 23 du communiqué) ; qu'au cas d'espèce, les sociétés Overland, Kuehne+Nagel Road et Kuehne+Nagel International soutenaient que pour refléter correctement l'ampleur économique de l'infraction, devaient être retranchées du périmètre de la valeur des ventes celles réalisées avec des clients qui n'avaient pas été destinataires des circulaires adressées par les entreprises ayant participé à l'entente consécutivement aux concertations annuelles sur les hausses tarifaires ; qu'en se bornant à énoncer, pour rejeter le moyen, que "le périmètre des ventes retenu pour déterminer le montant de base des sanctions reflète exactement l'ampleur économique de l'infraction", sans donner aucune explication à l'appui de cette affirmation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 464-3, I du code de commerce, ensemble le point 23 du communiqué de l'Autorité en date du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ».

47. Par leur premier moyen, les sociétés Gefco et Peugeot font grief à l'arrêt de rejeter leur recours, alors :

« 1°) que le communiqué de l'Autorité du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires énonce que l'assiette de calcul de la sanction pécuniaire infligée à l'auteur d'une pratique anticoncurrentielle est constituée de "la valeur des ventes, réalisées par chaque entreprise ou organisme en cause, de produits ou de services en relation avec l'infraction", et précise (points 33, 23 et 24) que ce critère a été jugé plus pertinent que celui du chiffre d'affaires réalisé par l'entreprise poursuivie pour "donner une traduction chiffrée à [l'] appréciation de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie" ; qu'il suit de là que seules les catégories de ventes affectées par les pratiques dénoncées doivent concourir à la détermination de l'assiette de la sanction pécuniaire et qu'il appartient en toute hypothèse à l'Autorité d'exclure de cette assiette les catégories de vente dont il est démontré qu'elles n'ont pas été affectées ou qu'elles n'étaient pas concernées par les pratiques ; qu'en l'espèce, les sociétés Gefco et Peugeot reprochaient à l'Autorité d'avoir intégré en bloc dans l'assiette de calcul de la sanction pécuniaire qui leur avait été infligée la quasi-totalité du chiffre d'affaires réalisé par la société Gefco sur le marché français de la messagerie et d'y avoir artificiellement intégré le chiffre d'affaires correspondant aux catégories de clients qui n'avaient pas été affectées par l'infraction ou qui n'étaient, par hypothèse, pas concernées par les pratiques dénoncées (ventes réalisées auprès des clients "Grands Comptes" par exemple, qui bénéficiaient de contrats pluriannuels ou de contrats assortis d'une clause ferme de révision des prix, d'une clause d'indexation ou d'une clause de prix décroissant), sachant que ces ventes représentaient près de 50 % de la valeur des ventes réalisées par la société Gefco sur le marché français de la messagerie ; qu'en rejetant ce moyen au 44 664 motif que le communiqué sanction ne faisait aucune référence à une "nécessaire affectation des ventes [des] catégories de produits ou services par l'infraction pour pouvoir en prendre en compte la valeur ", la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, le communiqué de l'Autorité du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

2°) que selon l'article L. 464-2 du code de commerce, la sanction pécuniaire infligée par l'Autorité à l'auteur d'une pratique anticoncurrentielle doit être proportionnée à la gravité des faits et au dommage causé à l'économie ; que la circonstance que certaines catégories de vente réalisées par l'entreprise poursuivie sur le marché pertinent n'avaient pas été affectées par les pratiques dénoncées ou n'étaient pas concernées par celles-ci constitue nécessairement un élément d'individualisation de la sanction dont l'Autorité ne peut refuser de tenir compte par principe ; qu'en retenant que la démonstration par laquelle les sociétés Gefco et Peugeot entendaient établir que certaines catégories de clients n'avaient pas été affectées par les pratiques dénoncées ou n'étaient pas concernées par celles-ci était "inopérante" , que le principe de proportionnalité des peines n'imposait pas la prise en considération d'une telle démonstration et que c'était en vain que "les entreprises requérantes cherchaient à démontrer que telle ou telle catégorie de contrat n'avaient pas pu être affectées par l'entente", la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce ;

3°) que si l'Autorité ne peut se voir imposer la charge d'établir que chaque vente individuelle retenue pour le calcul de la sanction infligée à l'auteur d'une pratique anticoncurrentielle a été effectivement affectée par la pratique dénoncée, l'Autorité doit tenir compte, dans la fixation du quantum de cette sanction, de la circonstance que certaines catégories de ventes n'ont pas été affectées ou n'étaient pas concernées par l'infraction lorsque les parties poursuivies en font la démonstration ; qu'en jugeant que l'Autorité n'avait pas à répondre à une telle argumentation compte tenu de la charge probatoire prétendument excessive que cette obligation représenterait pour celle-ci, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce ;

4°) que toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ; que pour justifier en toute hypothèse le choix de l'Autorité d'inclure dans l'assiette de calcul de la sanction pécuniaire infligée aux sociétés Gefco et Peugeot la valeur des ventes réalisées en exécution de contrats pluriannuels ainsi que la valeur des ventes réalisées en exécution de contrats dont il était démontré qu'ils n'avaient subi aucune hausse pendant la période concernée par les pratiques, la cour d'appel a relevé qu'en toute hypothèse, il "convenait de constater que, si la société Deutsche Bahn et ses filiales n'avaient pas informé l'Autorité de l'existence de cette entente, dans le cadre d'une 45 664 demande de clémence, celle-ci se serait poursuivie, de sorte que l'exclusion desdits contrats ne permettrait pas de tenir compte de l'ampleur des pratiques, et notamment de leur vocation à se prolonger" ; qu'en statuant ainsi la cour d'appel a méconnu le principe de la présomption d'innocence et violé l'article 6 § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme et de sauvegarde des libertés fondamentales. »

48. Par leur septième moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, la société Geodis et la SNCF font grief à l'arrêt d'infliger à la société Geodis au titre des pratiques visées à l'article 2 de la décision n° 15-D-19 de l'Autorité une sanction d'un certain montant dont une partie solidairement avec la SNCF, alors :

« 3°) que les sanctions pécuniaires encourues par les auteurs de pratiques anticoncurrentielles doivent notamment être fixées à proportion du dommage qu'elles ont causé à l'économie et qu'à cette fin, l'assiette de la sanction est en principe constituée de la valeur des produits ou services en cause réalisés en France en lien avec l'infraction de sorte qu'en jugeant que l'Autorité avait pu prendre en considération, pour déterminer l'assiette de la sanction, l'ensemble des prestations de messagerie classique et express réalisées sur le marché français, et non les seuls échanges susceptibles d'être impactés par la pratique, au motif, impropre à le justifier, que circonscrire plus précisément l'assiette conduirait à diminuer l'effet dissuasif de la sanction, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 464-2 I du code de commerce ;

4°) que les sanctions pécuniaires encourues par les auteurs de pratiques anticoncurrentielles doivent notamment être fixées à proportion du dommage qu'elles ont causé à l'économie et qu'à cette fin, l'assiette de la sanction est en principe constituée de la valeur des produits ou services en cause réalisés en France en lien avec l'infraction si bien qu'en refusant d'examiner, comme elle était invitée à le faire, si les options et frais supplémentaires, auxquels les hausses tarifaires en cause ne s'appliquaient pas, ne devaient pas être exclus de l'assiette au motif impropre à justifier sa décision de la difficulté à procéder à cette extraction non prévue par le communiqué sanctions, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 I du code de commerce. »

49. Par son premier moyen, la société BMVirolle fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors :

« 1°) que selon son communiqué sanctions du 16 mai 2011, pour donner une traduction chiffrée à l'appréciation de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie, l'Autorité retient comme montant de base de la sanction une proportion de la valeur des ventes, réalisées par chaque entreprise, de produits ou de services en relation avec l'infraction, cette 46 664 catégorie de produits ou de services étant déterminée par la qualification de l'infraction au regard de son objet ou de son effet anticoncurrentiel ; que les ventes de produits et services qui n'ont pas été affectées par l'infraction n'étant pas en relation avec celle-ci ne doivent donc pas être prises en compte dans le calcul de la valeur des ventes servant d'assiette à la sanction ; qu'en retenant au contraire qu'il importait peu que telle ou telle catégorie de contrats ou de prestations ait ou non été affectée par l'entente, un tel critère étant inopérant, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué de l'Autorité du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

2°) que pour la détermination de la valeur des ventes, qui est destinée à donner une traduction chiffrée à l'appréciation de la gravité des faits et de l'importance du dommage à l'économie, ne doivent être prises en compte que les ventes en relation avec l'infraction ; qu'en retenant que la détermination de la valeur des ventes de produits ou services, en relation avec l'infraction, servant d'assiette à la sanction, n'avait pas à prendre en compte le critère de l'affectation des ventes par l'infraction, dès lors qu'un tel critère limiterait l'efficacité de la sanction, en obligeant les services d'enquête de l'Autorité à consacrer un temps important à de telles vérifications, ou encore son effet dissuasif et sa prévisibilité, considérations étrangères à l'appréciation de la relation des ventes avec l'infraction, de la gravité des faits ou de l'importance du dommage à l'économie, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à justifier sa décision, a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué de l'Autorité du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

3°) qu'il est reproché aux entreprises d'avoir participé à une entente sur le marché français de la messagerie et de la messagerie express, qui visait à la mise en place d'une concertation sur les hausses tarifaires annuelles ; qu'en retenant que l'ensemble des prestations réalisées sur ce marché était en relation avec ce grief et que le chiffre d'affaires réalisé par chaque entreprise participante sur ce marché devait être retenu pour servir de base au montant de la sanction sans distinction selon les clients et/ou les contrats aux motifs que les hausses tarifaires envisagées et échangées par les entreprises de messagerie concernaient un aspect de la politique tarifaire générale qu'entendaient suivre les entreprises sans distinction selon la nature des services ou selon les caractéristiques des clients et ne concernaient ainsi aucun type de contrat particulier ni aucune prestation de messagerie particulière mais l'ensemble du marché domestique de la messagerie classique et express quand le marché concerné par l'entente devait être délimité par référence à la catégorie de clients et/ou aux prestations concernées par les hausses tarifaires annuelles, objet de la concertation incriminée, la cour d'appel a encore violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué de l'Autorité du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires ;

4°) qu'en retenant que la facilitation des hausses de prix par les pratiques objet du grief n° 2 s'est nécessairement fait sentir sur l'ensemble des ventes réalisées sur le marché de la messagerie classique et express et qu'à tout le moins, les requérantes sont impuissantes à rapporter la preuve contraire aux motifs hypothétiques, s'agissant des clients liés à un opérateur de messagerie par des contrats pluriannuels, d'une part qu'un nombre certainement important de ces contrats n'a pas pu manquer d'arriver à échéance au cours des six années qu'ont duré les pratiques, de sorte que leur renégociation est intervenue au cours et sous l'influence des pratiques et d'autre part, qu'à supposer même que, pour certains de ces contrats pluriannuels, aucune échéance ne soit intervenue pendant la durée de la participation aux pratiques, celles-ci se seraient poursuivies et avaient vocation à se prolonger si la société Deutsche Bahn et ses filiales ne les avaient pas dénoncées à l'Autorité, sans répondre aux conclusions de la société BMVirolle - dont la participation aux pratiques n'a été constatée qu'au cours seulement de deux périodes courant du 28 septembre 2006 au 1er mars 2007 et du 18 septembre 2008 au 1er mars 2010 (cf. décision de l'Autorité p. 207 et 208) et a ainsi cessé avant que les pratiques prennent fin le 29 septembre 2010 à la suite de leur dénonciation à l'Autorité - qui, justifiant avoir produit différents contrats pluriannuels, conclus avec ses clients Grands Comptes représentant la part la plus importante de sa clientèle, faisait valoir que ceux-ci encadraient les révisions tarifaires en prévoyant l'indexation des hausses sur l'indice CNR, ce qui excluait que ces contrats soient concernés par les hausses tarifaires annuelles, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°) qu'en retenant que la circonstance que leur montant soit déterminé indépendamment des circulaires de hausses tarifaires ne justifierait pas d'écarter de la valeur des ventes, les options et frais supplémentaires aux motifs qu'une telle exigence ne trouverait pas de fondement dans le communiqué sanctions et dans la pratique de l'Autorité et qu'elle obligerait l'Autorité "pour chaque vente de produit ou service appartenant à une catégorie de produits ou services en relation avec l'infraction, à distinguer ceux des éléments constitutifs du prix global de vente qui ont été affectés (…) de ceux qui ne l'ont pas été", si bien que la nécessité de garantir l'efficacité de l'action de l'Autorité, et notamment des services d'instruction, ainsi que la prévisibilité et le caractère dissuasif des sanctions s'opposerait à une telle exigence, quand les options et frais supplémentaires n'étant pas concernés par les hausses tarifaires annuelles objet de la pratique concertée 48 664 incriminée, constituaient des ventes de produits ou services sans relation avec l'infraction, qui ne pouvaient donc pas être prises en compte dans la valeur des ventes dont la détermination a pour objet une traduction chiffrée  de l'appréciation de la gravité des faits et du dommage à l'économie, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à justifier sa décision, a violé l'article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué de l'Autorité du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires. »

Réponse de la Cour

50. L'arrêt relève, d'abord, qu'après avoir décidé de faire application du communiqué relatif aux sanctions pécuniaires (le communiqué), l'Autorité a considéré que, pour les pratiques poursuivies concernant les prestations de messagerie et de messagerie express domestique sur le territoire français, il y avait lieu de retenir le chiffre d'affaires lié à ces activités au titre de la valeur des ventes servant d'assiette à la sanction. Il retient qu'il ne résulte ni de ce communiqué, ni de la pratique antérieure de l'Autorité, qui a retenu la valeur des ventes des produits et des services réalisées sur le marché concerné par l'entente sans qu'il fût vérifié qu'elles étaient affectées par cette pratique, que les ventes de produits ou services devraient être affectées par l'infraction pour être prises en compte pour le calcul du montant de base de la sanction, dès lors que le communiqué fait état des ventes en relation avec l'infraction. Il énonce qu'il ressort du communiqué que, dès l'instant où une catégorie de produits ou services est « en relation avec l'infraction », la valeur des ventes de cette catégorie de produits ou de services doit être prise en compte et qu'ainsi que le précise son point 33, c'est la qualification de l'infraction, effectuée au regard de son objet ou de ses effets, qui permet de déterminer les catégories de produits ou de services en relation avec l'infraction, cependant qu'il n'est fait aucune référence à une nécessaire affectation des ventes de ces catégories de produits ou services par l'infraction pour pouvoir prendre en compte leur valeur.

51. L'arrêt retient, ensuite, que c'est à juste titre que l'Autorité a décidé que l'ensemble des prestations de messagerie classique et express réalisées sur le marché français étaient en relation avec le grief n° 2, dès lors que les informations échangées concernaient un aspect de la politique tarifaire générale qu'entendaient suivre les entreprises participantes, soit le taux de hausse qu'elles souhaitaient obtenir, sans distinction selon la nature des services ou selon les caractéristiques des clients. Il retient également, que, dès lors que les hausses tarifaires envisagées et échangées par les entreprises ne concernaient ni un type de contrat ni une prestation de messagerie particuliers mais l'ensemble du marché domestique de la 49 664 messagerie classique et express, la totalité des prestations réalisées sur ce marché était en relation avec l'infraction au sens du communiqué relatif aux sanctions pécuniaires, à l'exception du chiffre d'affaires réalisé en sous-traitance, de celui réalisé pour des prestations intra-groupe et de celui réalisé lors de prestations internationales, dont la comptabilisation aurait conduit, pour les deux premiers, à une double prise en compte et, pour le dernier, à retenir des ventes n'appartenant pas au marché considéré, constitué du seul marché domestique en raison de la dimension exclusivement nationale des pratiques.

52. L'arrêt retient, encore, que l'exclusion de l'assiette des ventes des options et frais supplémentaires et de la surcharge gazole, revendiquée par les entreprises demanderesses au recours au motif que leur montant aurait été déterminé indépendamment des circulaires de hausses tarifaires, ne trouve aucun fondement dans le communiqué.

53. L'arrêt retient, enfin, que la prise en compte, comme assiette des sanctions, de la valeur de l'ensemble des ventes des produits et services en relation avec l'infraction n'est pas contraire au principe de proportionnalité des peines, dès lors que sont appliqués à la valeur retenue un coefficient fixé en fonction de la gravité des faits et du dommage causé à l'économie ainsi qu'un coefficient traduisant la durée de l'infraction et de la participation individuelle de chaque entreprise à l'entente et que le montant de base ainsi obtenu peut encore faire l'objet d'une individualisation en fonction des circonstances aggravantes et atténuantes propres à chaque entreprise, et d'ajustement finaux pour tenir compte de ses éventuelles difficultés.

54. Ayant ainsi à bon droit énoncé que les ventes en relation avec l'infraction, au sens du communiqué, sont les ventes réalisées sur le marché sur lequel les pratiques en cause, constituées d'échanges d'informations sur des taux de hausse de tarif portant de façon générale sur les prestations réalisées par les entreprises participant à ces échanges, et qualifiées de pratiques anticoncurrentielles par objet, ont été établies, affectant ainsi le fonctionnement de la concurrence sur ce marché, sans qu'il y ait lieu ni d'établir les effets des pratiques retenues sur ces prestations ni de retirer de la valeur des ventes ainsi définies des éléments constitutifs du prix final facturé aux clients, la cour d'appel, qui a fait l’exacte interprétation des termes du communiqué et de leur portée visant à prendre en considération l'ampleur économique de l'infraction, qui n'avait ni à délimiter un autre marché que celui sur lequel les pratiques ayant eu pour objet de fausser la concurrence avaient été commises, qui était le marché affecté par les pratiques, ni à faire la recherche invoquée par la huitième branche du neuvième moyen du pourvoi n° 18-21-485, que ses constatations sur les 50 664 prestations concernées par les échanges d'informations rendaient inopérante, ni à répondre aux conclusions inopérantes invoquées par la deuxième branche du premier moyen du pourvoi n° C 18-21.763 a, sans établir une présomption irréfragable, ni méconnu la présomption d'innocence, et abstraction faite des motifs surabondants relatifs aux charges des services d'enquête de l'Autorité et à l'effet dissuasif des sanctions, ainsi que de ceux, également surabondants et relatifs à la particularité de certains contrats ou clients, légalement justifié sa décision.

55. Pour partie inopérants, les moyens ne sont donc pas fondés pour le surplus.

Sur le deuxième moyen du pourvoi n° D 18-21.580

Enoncé du moyen

56. Les sociétés Overland, Kuehne+Nagel Road et Kuehne+Nagel International font encore le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°) que le juge doit respecter l'objet du litige tel qu'il est exprimé par les prétentions des parties exposées dans leurs conclusions des parties ; qu'au cas d'espèce, les sociétés Overland, Kuehne+Nagel Road et Kuehne+Nagel International faisaient valoir, données chiffrées à l'appui, qu'à l'époque des faits, elles étaient des entreprises "mono-produit" dès lors qu'entre 2004 et 2009, le chiffre d'affaires réalisé dans le secteur de la messagerie nationale représentait une part de 76 % à 85 % du chiffre d'affaires consolidé du groupe et que ce n'est que pendant une période de 65 jours, par rapport à une durée totale de participation à l'infraction de 1 624 jours (soit 4 % de la période), que le caractère "mono-produit" de l'activité n'était plus vérifié ; qu'en affirmant qu'"il appartenait donc aux requérantes d'établir que ces entités, ou l'une d'entre elles, avait le caractère d'entreprise mono-produit" et que "force est de constater qu'elles ne soutiennent pas, et a fortiori ne démontrent pas, que tel aurait été le cas", la cour d'appel, qui a méconnu l'objet du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°) que les sanctions pécuniaires des pratiques anticoncurrentielles doivent être proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération des pratiques prohibées ; qu'elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ; que le communiqué de l'Autorité en date du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions 51 664 pécuniaires, qui constitue une directive au sens administratif du terme, prévoit que le montant de base de la sanction pécuniaire est représenté par une proportion de la valeur des ventes qui "constitue en effet une référence appropriée et objective pour déterminer le montant de base de la sanction pécuniaire, dans la mesure où elle permet d'en proportionner au cas par cas l'assiette à l'ampleur économique de l'infraction ou des infractions en cause, d'une part, et au poids relatif, sur le(s) secteur(s) ou marché(s) concerné(s), de chaque entreprise ou organisme qui y a participé, d'autre part" (point 23) ; que les points 47 et 48 du communiqué précisent toutefois que "l'Autorité peut ensuite adapter, à la baisse ou à la hausse, le montant de base en considération d'autres éléments objectifs propres à la situation de l'entreprise ou de l'organisme concerné" et qu'"en particulier, elle peut l'adapter à la baisse pour tenir compte du fait que : - l'entreprise concernée mène l'essentiel de son activité sur le secteur ou marché en relation avec l'infraction (entreprise "monoproduit")" ; qu'en cas de succession d'entités auxquelles est imputée la pratique anticoncurrentielle, à supposer que la notion d'"entreprise concernée" doive s'entendre de l'ensemble de ces entités, le caractère "mono-produit" de l'entreprise doit être apprécié à la date des faits sanctionnés ; qu'au cas d'espèce, en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée , si la circonstance que l'"entreprise" constituée par les sociétés Alloin/Kuehne+Nagel ait réalisé entre 76 % et 85 % de son chiffre d'affaires dans le secteur de la messagerie nationale entre 2004 et 2009, et ce pendant une période de 1 559 jours sur les 1 624 jours qu'avait duré l'infraction, ne révélait pas qu'elle pouvait revendiquer la qualité d'entreprise "mono-produit", et donc bénéficier de la faculté que soit adapté à la baisse le montant de base de la sanction, la cour d'appel n'a en toute hypothèse pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 464-2, I du code de commerce, ensemble les points 23, 47 et 48 du communiqué de l'Autorité de la concurrence en date du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires, ensemble les principes de proportionnalité et d'individualisation de la sanction. »

Réponse de la Cour

57. Après avoir rappelé que les sociétés Overland, Kuehne+Nagel Road et Kuehne+Nagel International faisaient valoir que l'entreprise Alloin n'avait été acquise par le groupe Kuehne+Nagel qu'en janvier 2009, soit trois mois avant la fin des pratiques, lesquelles ont duré quatre ans et cinq mois, et qu'il convenait d'apprécier le caractère mono-produit de la société Alloin transports, devenue Kuehne+Nagel Road, au regard de son seul chiffre d'affaires et non au regard du chiffre d'affaires du groupe, l'arrêt relève que l'Autorité a retenu, pour la période du 30 septembre 2004 au 30 juin 2007, 52 664 la responsabilité de la société Alloin holding (la société Overland), à la fois en tant que successeur juridique et société mère de la société Alloin transports, auteur de la pratique pendant cette même période, puis celle, pour la période du 1 er juillet 2007 au 29 septembre 2010, de la société Kuehne + Nagel Road, anciennement dénommée Alloin transports, en tant qu'auteur de la pratique ainsi que celle des sociétés Alloin holding (la société Overland) et Kuehne+Nagel international, sociétés mère et grand-mère de la société Kuehne+Nagel Road pour la période pendant laquelle elles ont détenu cette filiale, soit du 1er juillet 2007 au 29 septembre 2010, pour la société Alloin holding (société Overland), et du 6 janvier 2009 au 29 septembre 2010, pour la société Kuehne+Nagel International. Il constate que les sociétés en cause n'ont pas contesté cette analyse. Il en déduit que l'entreprise, au sens tant de l'article L. 464-2 du code de commerce que du communiqué, notamment son point 48, a été successivement constituée, du 30 septembre 2004 au 30 juin 2007, de l'entité formée par la société Alloin transports et sa société mère Alloin holding (la société Overland), puis, du 1er juillet 2007 au 5 janvier 2009, par l'entité formée de la société Alloin transports, devenue Kuehne+Nagel Road, et de sa société mère Alloin holding (la société Overland), et, enfin, du 6 janvier 2009 au 29 septembre 2010, de la société Kuehne+Nagel Road et de ses sociétés mère Alloin holding (la société Overland) et grand-mère Kuehne+Nagel International. Il énonce qu'il appartenait aux sociétés requérantes d'établir que ces entités, ou l'une d'entre elles, avait le caractère mono-produit et estime que cette preuve n'est pas rapportée, la circonstance que la société Kuehne+ Nagel Road ait pu avoir ce caractère étant insuffisante à cet égard.

58. En l'état de ces constatations et appréciations, et des conclusions des sociétés Overland, Kuehne+Nagel Road et Kuehne+Nagel International, qui se bornaient à faire valoir que seule la situation de la société Transports Alloin devenue Kuehne+Nagel Road devait être analysée pour apprécier le caractère mono-produit, sans produire le chiffre d'affaires des entités successivement identifiées par la cour d'appel seules pertinentes à cette fin, c'est sans méconnaître l'objet du litige que la cour d'appel a retenu qu'il n'était ni soutenu ni démontré que l'une des entités pertinentes pour analyser son caractère mono-produit présentait cette caractéristique, justifiant ainsi légalement sa décision.

59. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen du pourvoi n° D 18-21.580

Enoncé du moyen

60. Les sociétés Overland, Kuehne Nagel Road et Kuehne+Kuehne Nagel International font encore le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°) que les sanctions pécuniaires des pratiques anticoncurrentielles doivent être proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération des pratiques prohibées ; qu'elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ; que le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en oeuvre, sachant que si les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés, le chiffre d'affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ; qu'il appartient au juge d'apprécier si, concrètement, dans l'affaire qui lui est soumise, la mise en oeuvre des règles légales respecte le principe de proportionnalité, notamment au regard du droit au respect des biens, et le principe d'individualisation des sanctions, en contemplation du but poursuivi par la loi et en vérifiant si un juste équilibre est ménagé entre les intérêts publics et privés concurrents en jeu ; qu'au cas d'espèce, en se bornant à considérer, de manière abstraite, que la prise en considération, pour fixer l'assiette de la sanction, du chiffre d'affaires global du groupe auquel appartient l'entreprise à laquelle est imputée la pratique anticoncurrentielle, sans qu'importe le point de savoir si cette entreprise appartenait ou non au groupe au moment des faits, non plus que la durée de cette appartenance, était justifiée dès lors que l'article L. 464-2, I du code de commerce poursuivait un but légitime (effet dissuasif de la sanction et prévention de toute tentative de s'y soustraire frauduleusement par manipulation comptable au sein du groupe) et qu'il avait été jugé conforme aux principes constitutionnels d'individualisation et de proportionnalité des peines par le Conseil constitutionnel, quand il lui appartenait de procéder à un contrôle concret de l'individualisation et de la proportionnalité de la sanction au regard de la situation particulière des sociétés du groupe Kuehne+Nagel, spécialement en tant que l'entreprise auteur de l'infraction n'en avait fait partie que durant une infime période (du 1er janvier au 6 mars 2009 puis du 16 au 29 septembre 2010) relativement à la durée totale de l'infraction (du 30 septembre 2004 au 29 septembre 2010), la cour 54 664 d'appel, qui a commis une erreur méthodologique de principe quant à son office, a violé l'article L. 464-2, I du code de commerce, ensemble les principes d'individualisation et de proportionnalité des sanctions, ensemble les articles 1 er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 49.3 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

2°) qu'en s'abstenant de rechercher si, dans les circonstances particulières précitées, l'infliction aux sociétés du groupe Kuehne+Nagel d'une sanction calculée à partir du chiffre d'affaires global du groupe ne méconnaissait pas les principes d'individualisation et de proportionnalité de la sanction mis en oeuvre de manière concrète, notamment au regard du droit au respect des biens, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 464-2, I du code de commerce, ensemble les principes d'individualisation et de proportionnalité des sanctions, ensemble les articles 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 49.3 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. »

Réponse de la Cour

61. L'arrêt énonce qu'il résulte de la dernière phrase de l'article L. 464-2-I quatrième alinéa du code de commerce que, lorsque les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en considération pour le calcul du plafond légal est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante. Il ajoute que le quatrième alinéa du texte précité n'exige pas que l'entreprise sanctionnée ait été, au moment des pratiques anticoncurrentielles, filiale de l'entreprise consolidante ou combinante, seul important le fait que ses comptes ont été consolidés ou combinés au titre de l'exercice au cours duquel a été réalisé le chiffre d'affaires retenu pour le calcul du plafond légal. Il retient que dans sa décision n° 2015-489 QPC du 14 octobre 2015 (considérants 9 à 22), le Conseil constitutionnel a dit que les deuxième et troisième phrases du quatrième alinéa de l'article L. 464-2 I du code de commerce ne méconnaissait ni les principes de nécessité et de proportionnalité des peines, ni le principe selon lequel nul n'est punissable que de son propre fait, ni le principe d'individualisation des peines, cependant que l'auteur de la question faisait valoir que « dans la mesure où [l]es dispositions [de l'article L. 464-2 I du code de commerce] permettent de prendre en 55 664 considération le chiffre d'affaires consolidé d'un groupe alors même qu'il est étranger à l'infraction commise par l'entreprise, soit qu'aucune autre entreprise de ce groupe n'a contribué à l'infraction, soit que l'entreprise ayant commis l'infraction a intégré le groupe postérieurement à la commission de celle-ci, elles méconnaîtraient également les principes d'individualisation et de personnalisation des peines. »

62. En l'état de ces énonciations et dès lors que la proportionnalité de la sanction a été vérifiée concrètement par la cour d'appel au terme d'une méthode de fixation appliquant, à la valeur de l'ensemble des ventes des produits et services en relation avec l'infraction, un coefficient fixé en fonction de la gravité des faits et du dommage causé à l'économie ainsi qu'un coefficient traduisant la durée de l'infraction et de la participation individuelle de chaque entreprise à l'entente et individualisant la sanction en fonction des circonstances aggravantes et atténuantes propres à chaque entreprise et d'ajustement finaux en cas d'éventuelles difficultés de celle-ci, c'est à bon droit, cependant que la règle légale en cause fixe seulement un plafond de sanction, dont le respect a été vérifié, que l'arrêt en a déduit que rien ne s'opposait à ce que ce plafond ait été calculé par référence au chiffre d'affaires mondial consolidé hors taxe du groupe Kuehne +Nagel, y compris pour la partie de la sanction correspondant à la participation à la pratique antérieurement au 6 janvier 2009, date d'acquisition par ce groupe du groupe Alloin, auteur de la pratique, justifiant légalement sa décision.

63. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le neuvième moyen, pris en sa dixième branche, du pourvoi n° A 18-21.485 et le septième moyen, pris en sa septième branche, du pourvoi n° E 18-21.719, réunis

Enoncé du moyen

64. Par leur neuvième moyen, pris en sa dixième branche les sociétés DHL express (France), DHL holding France et Deutsche Post font encore le même grief à l'arrêt, alors : « qu'en considérant, d'une part, que les pratiques relevant du grief n° 2 ont consisté en des échanges annuels d'informations commerciales sur les hausses de tarifs, avant le début des négociations tarifaires menées avec les clients et, en cours de campagne tarifaire, en des échanges sur le résultat de ces négociations qui ont permis un suivi des informations échangées précédemment et, enfin, en un rappel à l'ordre, lors 56 664 de la campagne tarifaire 2004-2005, d'une entreprise déviante, pour ne pas avoir circularisé le taux de hausse qu'elle avait annoncé à ses concurrents, d'autre part que c'était à juste titre que l'Autorité avait qualifié ces pratiques d'entente horizontale portant sur la fixation de prix futurs, la cour d'appel s'est contredite, en violation de l'article 455 du code de procédure civile. »

65. Par leur septième moyen, pris en sa septième branche, la société Geodis et la SNCF font le même grief à l'arrêt, alors « que les sanctions pécuniaires encourues par les auteurs de pratiques anticoncurrentielles doivent notamment être proportionnées à la gravité des faits ; que constituent des infractions particulièrement graves et sévèrement réprimées les ententes horizontales tendant à la fixation des prix futurs ; qu'en assimilant les échanges d'information sur des hausses tarifaires envisagées à de telles infractions, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 464-2 I du code de commerce. »

Réponse de la Cour

66. L'arrêt retient que les pratiques relevant du grief n° 2 ont consisté pour les entreprises mises en cause, durant la période écoulée entre le 30 septembre 2004 et le 29 septembre 2010, d'une part, en des échanges annuels d'informations commerciales sur les hausses de tarifs qu'elles projetaient d'appliquer à leurs clients, avant le début des négociations tarifaires menées avec eux, d'autre part, en cours de campagne tarifaire, en des échanges sur le résultat de ces négociations qui ont permis un suivi des informations échangées précédemment et, enfin, en un rappel à l'ordre, lors de la campagne tarifaire 2004-2005, d'une entreprise déviante, pour ne pas avoir diffusé à ses clients le taux de hausse qu'elle avait annoncé à ses concurrents. Après avoir relevé qu'il ne ressortait pas du dossier que les pratiques allaient jusqu'à arrêter en commun un même taux de hausse tarifaire, ce que démontrent les divergences de taux entre entreprises pour une même campagne tarifaire, il retient que l'entente a néanmoins apportéà chacun des participants une certitude quant aux intentions de ces derniers en matière de fixation des prix, grâce à laquelle chacun d'entre eux pouvait être certain, sinon du niveau exact des prix des autres participants, du moins, d'une part, de leur volonté de maintenir une stratégie commune visant à la fixation de prix plus élevés, d'autre part, du taux de hausse – ou de la fourchette dans laquelle ce taux se situerait - réclamé par leurs concurrents à leur clientèle et que de ce fait, ils n'avaient plus à craindre d'agressions concurrentielles ou de rupture de contrat de la part de leurs 57 664 clients. Il en déduit que l'entente en cause a consisté en une stratégie de collaboration destinée à neutraliser le contre-pouvoir des clients en vue de la fixation de prix plus élevés que si le libre jeu de la concurrence s'était pleinement exercé. Il observe, enfin, qu'il existe des degrés de gravité différents au sein de cette catégorie d'infractions aux règles de concurrence.

67. En l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que bien que ne constituant pas une entente entre concurrents ayant pour objet de fixer directement en commun leurs prix futurs, les échanges d'informations en cause tendaient à la hausse de prix futurs et contribuaient ainsi indirectement à leur fixation à un niveau supra concurrentiel, la cour d'appel, qui ne s'est pas contredite, a pu statuer comme elle a fait.

68. Les moyens ne sont donc pas fondés.

Sur le septième moyen, pris en sa cinquième branche, du pourvoi n° E 18-21.719

Enoncé du moyen

69. La société Geodis et la SNCF font encore le même grief à l'arrêt, alors « que les sanctions pécuniaires encourues par les auteurs de pratiques anticoncurrentielles doivent notamment être proportionnées à la gravité des faits ; qu'en refusant de faire bénéficier Geodis de l'abattement de 10 % accordé aux opérateurs n'ayant pas directement pris part à des échanges bilatéraux, en se fondant, pour caractériser la délivrance d'informations par Geodis à ses concurrents, sur la formulation d'un courriel de la société Dachser mentionnant une « pêche aux informations chez nos confrères » et visant des informations relatives à Geodis, sans même rechercher si, comme le soutenait Geodis, les informations y figurant avaient été communiquées auprès de ses clientes, dont faisait partie la société Dachser, ce dont il résultait que les informations en cause pouvaient avoir été communiquées de façon licite et ne résultaient donc pas nécessairement d'une communication illicite, la cour a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 464-2 I du code de commerce. »

Réponse de la Cour

70. Ayant retenu, par les motifs vainement critiqués par la quatrième branche du quatrième moyen du pourvoi n° E 18-21.719, que la société Geodis avait participé à des échanges d'informations bilatéraux avec la société Dachser France, à laquelle elle a communiqué la hausse tarifaire projetée pour la campagne 2010-2011, l'arrêt en déduit exactement que cette circonstance est suffisante pour constater que la participation de la société Geodis ne s'est pas limitée à sa participation aux réunions du conseil de métiers et que c'est à juste titre que l'Autorité l'a exclue du bénéfice de l'abattement de 10 % accordé aux entreprises n'ayant pas participé à des échanges bilatéraux, justifiant légalement sa décision.

71. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le premier moyen du pourvoi n° Y 18-21.805

Enoncé du moyen

72. Les sociétés Deutsche Bahn et Schenker France font grief à l'arrêt de rejeter leur recours, alors :

« 1°) que la présomption d'innocence, applicable en matière de sanction de la violation des règles de concurrence, prohibe toute condamnation si, en dépit des éléments de preuve soumis et au regard des circonstances précises du litige, un doute peut subsister dans l'esprit du juge ; que dans leur mémoire, les sociétés Deutsche Bahn et Schenker France rappelaient que M. Guenec avait toujours indiqué n'avoir assisté à aucun échange anticoncurrentiel lors de la réunion tenue au sein de la fédération TLF le 16 septembre 2010, réunion de laquelle il était sorti pendant une quinzaine de minutes pour téléphoner ; qu'elles observaient encore qu'elles étaient à l'origine de la procédure, ayant dénoncé les ententes existantes tant dans le secteur de la messagerie classique que dans le secteur de la messagerie express, dont l' Autorité n'avait pas connaissance, qu'elles avaient transmis l'ensemble des éléments de preuve dont elles disposaient, coopéré spontanément et sans aucune restriction tout au long de l'enquête, que M. Guenec, puis la société Schenker, avait averti les services d'instruction de la participation du dirigeant aux réunions organisées par la fédération TLF et que, bénéficiant de deux avis de clémence avec exonération totale de sanction pécuniaire, elles n'avaient aucun intérêt à dissimuler l'existence 59 664 d'un échange anticoncurrentiel auquel le dirigeant aurait assisté ; que le rapport relevait que "la demande de clémence des société du groupe Deutsche Bahn a revêtu une importance déterminante dans l'ouverture de la présente procédure", que "le procès-verbal d'audition du 12 avril 2010 montre que M. Patrick Guénec a informé la rapporteure qu'il se rendait à des réunions de l'organisation professionnelle TLF", qu'"en tant que demandeur d'immunité et détenteur de deux avis de clémence, Schenker-Joyau n'avait aucun intérêt à dissimuler l'existence de cette réunion" et que "la coopération des sociétés du groupe Deutsche Bahn tout au long de la présente procédure, peut être considérée, jusqu'à l'envoi de la notification de griefs, comme satisfaisante" (rapport, points 680, 1627, 1629 et 1630) ; qu'en se bornant cependant, pour retenir la connaissance par la société Schenker-Joyau des échanges anticoncurrentiels tenus lors de la réunion du 16 septembre 2010, partant l'existence d'un manquement au devoir de coopération, à affirmer que "dès lors que les services d'instruction ont établi la participation de la société Schenker-Joyau à cette réunion, c'est aux requérantes de démontrer que M. Guenec aurait été absent de la salle de réunion dès avant et pendant toute la durée des échanges litigieux, ce qu'elles ne font pas", sans rechercher si, au regard des circonstances précises de l'espèce, et, notamment, de ce que les sociétés requérantes avaient coopéré de manière satisfaisante tout au long de l'enquête et qu'elles n'avaient aucun intérêt à dissimuler les échanges anticoncurrentiels litigieux, le fait que M. Guénec se soit absenté lors de cette réunion et n'ait pas assisté à ces échanges, était effectivement plausible, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 464-2 IV du code de commerce, ensemble l'article 6, § 2, de la Convention européenne des droits de l'homme et de sauvegarde des libertés fondamentales et l'article 48 § 1 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

2°) que le manquement au devoir de coopération, auquel est tenu le bénéficiaire de la clémence conditionnelle, suppose que ce dernier se soit, en pleine connaissance de cause, abstenu d'apporter spontanément son concours aux services de l'Autorité ; que, dans leur mémoire, les sociétés Deutsche Bahn et Schenker France faisaient valoir qu'à supposer même que M. Guénec ait assisté aux échanges anticoncurrentiels litigieux, il ne pouvait leur être reproché de ne pas en avoir fait état spontanément, alors que le dirigeant, qui n'était en poste que depuis un an et n'avait jamais assisté à un échange d'informations sensibles, avait pu se méprendre sur la portée de cet 60 664 échange et sur son obligation d'en faire état immédiatement auprès des services de l'Autorité ; qu'elles rappelaient, en ce sens, les énonciations du rapport, relevant qu'il était probable que M. Guenec "n'ait pas perçu la nécessité impérieuse d'informer l'Autorité de la tenue de cette réunion" ; qu'en se bornant cependant, pour retenir l'existence d'un manquement au devoir de coopération, à affirmer, par pure pétition, que l'hypothèse d'une méprise du dirigeant est, "eu égard à la teneur des informations échangées", "manifestement erronée" et que la société Deutsche Bahn et ses filiales ont dénoncé l'existence d'échanges identiques dans le cadre de leurs demandes de clémence, sans rechercher, concrètement, au regard des circonstances de l'espèce, si M. Guénec, nouveau dirigeant de la société Schenker-Joyau, avait pu se méprendre sur la portée des propos échangés et sur la nécessité de les rapporter sans attendre aux services de l'instruction de l'Autorité, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 464-2 IV du code de commerce ; 3°) que le manquement au devoir de coopération, auquel est tenu le bénéficiaire de la clémence conditionnelle, suppose que ce dernier se soit, en pleine connaissance de cause, abstenu d’apporter spontanément son concours aux services de l’Autorité de concurrence ; qu’en affirmant, par motifs et propres et adoptés de la décision entreprise, qu’il est indifférent que le manquement des requérantes aux engagements qu’elles avaient pris, aux fins de l’octroi du bénéfice conditionnel de la clémence procède, ainsi qu’il est vraisemblable, davantage d’une négligence que d’une volonté de se soustraire auxdits engagements, quand la volonté de se soustraire aux devoirs du bénéficiaire de la clémence est un élément constitutif du manquement, la cour d’appel a encore violé l’article L. 464-2 IV du code de commerce. »

Réponse de la Cour

73. L'arrêt énonce qu'aux termes de l'article L. 464-2 IV du code de commerce, l'exonération totale de sanction est subordonnée au respect, par le demandeur de clémence de premier rang, des conditions énoncées dans l'avis de clémence et constate qu'il est constant que le bénéfice conditionnel de la clémence accordé, le 13 juillet 2010, à la société Deutsche Bahn et ses filiales, dont la société Schenker-Joyau, était subordonné à quatre conditions, dont la première consistait dans l'engagement de ces sociétés 61 664 à apporter à l'Autorité une coopération totale, permanente et rapide tout au long de la procédure d'enquête et d'instruction et à lui fournir tout élément de preuve qui viendrait en leur possession ou dont elles disposeraient sur les infractions suspectées. Il relève qu'il est établi que la société Schenker-Joyau, représentée par M. Guénec, son président, a assisté à la réunion du conseil de métiers du 16 septembre 2010, que des échanges anticoncurrentiels ont eu lieu au cours de cette réunion, ce dont la société n'a pas informé l'Autorité, et retient qu'il appartenait à cette société de démontrer que, comme elle le prétend, M. Guénec aurait été absent de la salle de réunion dès avant et pendant toute la durée des échanges litigieux, ce qu'elle ne fait pas. Il estime qu'au regard de l'avantage exorbitant d'échapper aux lourdes sanctions qui est octroyé au demandeur de clémence, il pèse sur lui une obligation de vigilance particulièrement forte, de sorte que, dans ce contexte, toute négligence de l'intéressé est fautive et en déduit qu'il est indifférent au cas d'espèce que le manquement aux engagements pris aux fins de l'octroi du bénéfice conditionnel de la clémence procède, ainsi qu'il est vraisemblable, davantage d'une négligence que d'une volonté de s'y soustraire.

74. En l'état de ces énonciations, constatations et appréciations, et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la deuxième branche, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder aux recherches invoquées par les premières et troisièmes branches que ses constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision.

75. Pour partie inopérant, le moyen n'est donc pas fondé pour le surplus.

Sur le second moyen du pourvoi n° Y 18-21.805

Enoncé du moyen

76. Les sociétés Deutsche Bahn et Schenker France font encore le mêmegrief à l'arrêt, alors :

« 1°) que les sanctions prononcées par l'Autorité doivent faire l'objet d'une décision motivée ; qu'il en va de même de l'étendue de l'exonération à accorder au demandeur de clémence, qui doit être déterminée sur la base de critères objectifs liés à la nature et à l'importance de la contribution 62 664 apportée par celui-ci à l'établissement de l'infraction et en considération des données individuelles propres à chaque entreprise ; que, dans leur mémoire, les sociétés Deutsche Bahn et Schenker France faisaient valoir que l'Autorité avait fixé, sans aucun motif justifiant ce montant, à trois millions d'euros la sanction prononcée à leur encontre ; qu'en affirmant cependant, que l'Autorité "a motivé sa décision à suffisance de droit", dès lors qu'elle asouligné que le manquement n'avait pas empêché, retardé ou rendu plus difficiles l'établissement ou la caractérisation des faits et des responsabilités puis, "tenant compte de ce constat", qu'elle "a accordé aux requérantes une réduction de 95,63 % - qu'il était facile aux requérantes de calculer au regard de l'ensemble des données figurant dans la décision - de la sanction encourue", quand il résultait, précisément, de ce pourcentage, (95,63 %), que l'Autorité avait fixé arbitrairement et forfaitairement le montant de l'amende à la somme de trois millions d'euros, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles L. 464-2 I et L. 464-2 IV du code de commerce, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et de sauvegarde des libertés fondamentales ;

2°) que la sanction d'un manquement aux conditions prévues à l'avis de clémence doit être proportionnée à la gravité de la faute et à l'importance des conséquences qui en sont résultées, en tenant compte des données individuelles de l'entreprise concernée ; que la cour d'appel a constaté que le manquement retenu procédait, ?ainsi qu'il est vraisemblable, davantage d'une négligence que d'une volonté de se soustraire auxdits engagements” et qu'il "n'avait pas empêché, retardé ou rendu plus difficiles l'établissement ou la caractérisation des faits et des responsabilités" ; qu'en affirmant cependant, pour rejeter la demande, subsidiaire, de réduction du montant de la sanction, que l'importance du pourcentage de réduction, (95,63 %), ?suffit à démontrer le caractère proportionné de la sanction finalement infligée, laquelle ne représente donc que 4,37 % de la sanction qui aurait pu être appliquée aux requérantes au titre de leurs agissements anticoncurrentiels”, la cour d'appel, qui a apprécié, de manière erronée, le caractère proportionné de la sanction du manquement au regard du montant de la sanction encourue au titre des agissements anticoncurrentiels, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 464 2 IV du code de commerce ;

3 °) que la sanction d'un manquement aux conditions prévues à l'avis de clémence doit être proportionnée à la gravité de la faute et à l'importanc des conséquences qui en sont résultées, en tenant compte des données individuelles de l'entreprise concernée ; que la cour d'appel a constaté que le manquement retenu procédait, "ainsi qu'il est vraisemblable, davantaged'une négligence que d'une volonté de se soustraire auxdits engagements et qu'il "n'avait pas empêché, retardé ou rendu plus difficiles l'établissement ou la caractérisation des faits et des responsabilités" ; qu'en retenant cependant, pour rejeter la demande, subsidiaire, de réduction du montant de la sanction, qu'"une moindre réduction du pourcentage d'exonération ne permettrait pas - ou très difficilement - de dissuader les demandeurs de clémence de manquer à leurs engagements", quand cette affirmation, inopérante et erronée, n'était pas de nature à justifier la sanction, prononcée à l'encontre des sociétés mises en cause, en raison d'une négligence, la cour d'appel a encore privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 464-2 IV du code de commerce. »

Réponse de la Cour

77. L'arrêt énonce que l'article L. 464-2 IV du code de commerce exclut le bénéfice d'une exonération totale de sanction lorsqu'est constaté un manquement à l'obligation de coopération. Il constate que l'Autorité a analysé la portée du manquement en cause eu regard de l'objet de l'obligation de coopération dont elle a tenu compte pour accorder une réduction de 95,63 % de la sanction encourue et relève que ce montant était facile à calculer au regard de l'ensemble des données figurant dans la décision.

78. L'arrêt estime que ce pourcentage suffit à démontrer le caractère proportionné de la sanction finalement infligée, laquelle ne représente que 4,37 % de la sanction qui aurait pu être appliquée au titre des agissements anticoncurrentiels, et retient qu'une moindre réduction du pourcentage d'exonération ne permettrait pas -ou très difficilement- de dissuader les demandeurs de clémence de manquer à leurs engagements.

79. La cour d'appel, qui a ainsi contrôlé la proportionnalité entre lemanquement constaté et la sanction prononcée et qui a pris à juste titre en considération l'objectif de dissuasion ressortissant à l'obligation légale de 64 664 réduire le montant de l'exonération associée à la procédure de clémence lorsqu'un manquement, serait-il de simple négligence, est constaté de la part d'une entreprise ayant obtenu le bénéfice conditionnel de la clémence, peu important l'importance des conséquences, au cas d'espèce, de ce manquement, a pu statuer comme elle a fait et a légalement justifié sa décision.

80. Le moyen n'est donc pas fondé.

Et sur le neuvième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° A 18-21.485, et le quatrième moyen, le cinquième moyen, pris en sa quatrième branche et le sixième moyen du pourvoi n° J 18-21.493, réunis

81. Les moyens, au titre desquels le neuvième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° A 18-21.485, le quatrième moyen, le cinquième moyen, pris en sa quatrième branche et le sixième moyen du pourvoi n° J 18-21.493 invoquent une cassation par voie de conséquence, étant rejetés, ceux-ci sont devenus sans portée.

PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Condamne les sociétés Chronopost, DPD France, La Poste, Fedex express France, TNT Express (NV), DHL express (France), DHL holding (France), Deutsche Post AG, XPO distribution France, XPO Logistics Europe, Overland holding, Kuehne+Nagel Road, Kuehne+Nagel International AG, Gefco, Peugeot, Geodis, SNCF, BMVirolle, Deutsche Bahn (AG) et Schenker France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Chronopost, DPD France et La Poste et les condamne à payer à la présidente de l'Autorité de la concurrence la somme globale de 8 000 euros ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Fedex express France et TNT Express 65 664 (NV) et les condamne à payer à la présidente de l'Autorité de la concurrence la somme globale de 8 000 euros ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés DHL express (France), DHL holding (France) et Deutsche Post AG et les condamne à payer à la présidente de l'Autorité de la concurrence la somme globale de 8 000 euros ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés XPO distribution France et XPO Logistics Europe et les condamne à payer à la présidente de l'Autorité de la concurrence la somme globale de 8 000 euros ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Overland holding, Kuehne+Nagel Road, Kuehne+Nagel International AG et les condamne à payer à la présidente de l'Autorité de la concurrence la somme globale de 8 000 euros ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Gefco et Peugeot et les condamne à payer à la présidente de l'Autorité de la concurrence la somme globale de 8 000 euros ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Geodis et SNCF et les condamne à payer à la présidente de l'Autorité de la concurrence la somme globale de 8 000 euros ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société BMVirolle, et la condamne à payer à la présidente de l'Autorité de la concurrence la somme de 8 000 euros ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Deutsche Bahn (AG) et Schenker France et les condamne à payer à la présidente de l'Autorité de la concurrence la somme globale de 8 000 euros.