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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 3, 22 septembre 2021, n° 21/00339

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Noo (SAS)

Défendeur :

Depil Tech (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Birolleau

Conseillers :

Mme Chegaray, Mme Bongrand

Avocats :

Me Feral, Me Coulibaly, Me Didon

TJ Paris, prés., du 7 déc. 2020

7 décembre 2020

La société Depil Tech diffuse par l'intermédiaire d'un réseau d'une centaine de franchisés, dont la société NOO, un concept de dépilation définitive par lumière pulsée et de photo rajeunissement de la peau.

Cliente de l'institut de beauté que la société NOO exploite sous l'enseigne « Dépil Tech » dans le centre commercial Les Arcades à Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis), Mme X née en 1990 a souscrit, le 25 février 2019, un forfait de six séances de photo-dépilation.

Lors de la troisième séance, le 14 septembre 2019, après plusieurs minutes de traitement, Mme X a ressenti de vives douleurs sur les zones flashées et une sensation de chauffe persistante. Elle en a alors informé la photo-thérapeute qui a néanmoins poursuivi la séance jusqu'à son terme. Compte tenu de la persistance des douleurs et de l'apparition de lésions cutanées, Mme X a consulté le 20 septembre 2019 son médecin traitant, le docteur Y, qui a constaté qu'elle présentait de « multiples brûlures au 2e degré superficielles, en bandes rectilignes, recouvrant la face antérieure et postérieure des deux cuisses et les jambes, la région pubienne, le pubis et les deux aisselles d'un aspect compatible avec des lésions secondaires à un traitement par laser ». Le médecin de l'unité médico-judiciaire de l'hôpital Jean-Verdier à Bondy qui a examiné Mme X le 30 septembre 2019 dans le cadre du dépôt d'une plainte pénale est parvenu aux mêmes conclusions et a retenu « une incapacité totale de travail au sens pénal de 20 jours à compter des faits, sous réserve de complications ».

Par acte en date des 15 et 16 juin 2020, Mme X a fait assigner en référé la société NOO et la société Dépil Tech devant le tribunal judiciaire de Paris en désignation d'un expert et paiement d'une provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel, outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance de référé contradictoire du 7 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a :

- rejeté comme non fondées la fin de non-recevoir et la demande de mise hors de cause soulevées par la société Dépil Tech,

- ordonné une expertise médicale pour déterminer les causes et l'ampleur du préjudice corporel invoqué par Mme X,

- désigné pour procéder à cette mesure d'instruction le docteur Z, médecin dermatologue, selon une mission non contestée qui n'est pas l'objet de l'appel,

- condamné la société NOO à verser à Mme X :

* la somme de 8 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation définitive de son préjudice corporel,

* la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme X de ses demandes en paiement formées à l'encontre de la société Dépil Tech,

- débouté la société Dépil Tech de sa demande dirigée contre Mme X sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société NOO aux entiers dépens de cette instance en référé,

- rappelé que la présente ordonnance est exécutoire de plein droit par provision.

Suivant déclaration du 28 décembre 2020, la SAS NOO a interjeté appel de cette ordonnance au contradictoire de Mme X et de la société Dépil Tech, en ce qu'elle l'a condamnée à verser à Mme X la somme de 8 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation définitive de son préjudice corporel, la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Dans ses dernières conclusions du 9 juin 2021, la société NOO demande à la cour de :

Vu les articles 145 et 835 du code de procédure civile,

Vu les pièces produites,

Vu la jurisprudence citée,

- juger recevable et bien fondé l'appel interjeté par la société NOO à l'encontre de l'ordonnance de référé rendue le 7 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Paris,

- confirmer la décision rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris le 7 décembre 2020 en ce qu'elle a ordonné une mesure d'expertise judiciaire,

- réformer la décision en ce qu'elle a condamné la société NOO au paiement d'une provision de 8 000 euros à valoir sur le prétendu préjudice de Mme X et au paiement de la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

- rejeter la demande de provision de 8 000 euros formulée par Mme X à l'encontre de la société NOO, celle-ci étant sérieusement contestable,

- juger que l'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- réserver les dépens.

Dans ses dernières conclusions du 4 juin 2021, la SAS Dépil tech demande à la cour de :

Vu les articles 31, 32, 122 et 835 du code de procédure civile,

Vu la jurisprudence citée et les pièces produites,

- infirmer l'ordonnance de référé du 7 décembre 2020 en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'absence d'intérêt à agir,

Statuant à nouveau sur ce dernier point,

- déclarer Mme X irrecevable en ses demandes pour défaut d'intérêt à agir à l'encontre de la SAS Dépil Tech dépourvue de qualité pour défendre sur le fondement des articles 122, 31 et 32 du code de procédure civile,

Subsidiairement,

- infirmer l'ordonnance de référé du 7 décembre 2020 en ce qu'elle a rejeté la demande de mise hors de cause de la société Dépil Tech,

Statuant à nouveau sur ce dernier point,

- débouter Mme X de ses demandes à l'encontre de la société Dépil Tech,

- mettre hors de cause la société SAS Dépil Tech et mettre fin à la présente instance en ce qui la concerne,

- condamner Mme X à verser à la société SAS Dépil Tech la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme X à verser à la société SAS Dépil Tech la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme X aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions du 22 mai 2021, Mme X demande à la cour de:

Vu les articles 145, 834, 385, 699 et 700 du code de procédure civile,

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé du 7 décembre 2020 aux termes de laquelle le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé, a notamment décidé de :

* rejeter comme non-fondées la fin de non-recevoir et la demande de mise hors de cause soulevées par la société Dépil Tech,

* ordonner une expertise médicale pour déterminer les causes et l'ampleur du préjudice corporel invoqué par Mme X,

* désigner pour procéder à cette expertise médicale le Docteur Michel Janier, médecin dermatologue, lequel peut s'adjoindre, si nécessaire, tout spécialiste de son choix dans un domaine de compétence distinct du sien,

* condamner la société NOO à verser à Mme X la somme de 8 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation définitive de son préjudice corporel,

* condamner la société NOO à verser à Mme X la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamner la société Noo aux entiers dépens,

Statuant à nouveau,

- débouter la société Dépil Tech et la société NOO de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre Mme X,

- condamner la société NOO à verser à la Mme X la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- condamner la société NOO aux entiers dépens en cause d'appel.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

MOTIFS

Sur la fin de non-recevoir et subsidiairement la mise hors de cause de la société Dépil Tech :

C'est par de justes motifs que la cour adopte que le premier juge a considéré, nonobstant l'indépendance juridique du franchisé à l'égard du franchiseur, chacun assumant les risques de sa propre exploitation, qu'il ne peut être raisonnablement exclu que soit recherchée sur un terrain délictuel la responsabilité civile de la société Dépil Tech, puisque dans le cadre de la transmission au franchisé du savoir-faire et des techniques de lumière pulsée du franchiseur nécessaires à l'exploitation du magasin - prévue au contrat de franchise -, celle-ci a pu avoir commis un manquement contractuel à l'égard de la société NOO ayant contribué à la réalisation des préjudices subis par Mme X.

Dès lors, Mme X a un intérêt à agir également à l'encontre la société Dépil Tech.

Il n'y a pas lieu non plus de mettre cette dernière hors de cause au stade de l'expertise ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile qui n'a pour but que d'établir ou de conserver la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige, et précisément de déterminer les causes du préjudice invoqué par Mme X, la question des responsabilités étant ensuite à débattre au fond.

En conséquence, l'ordonnance entreprise sera confirmée de ces chefs.

Sur l'expertise médicale :

Il n'a pas été interjeté appel des dispositions relatives à l'expertise ordonnée, laquelle n'est pas remise en cause par les parties.

Sur la provision :

Aux termes de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

En l'espèce, ainsi que l'a justement relevé le premier juge, il ressort des deux certificats médicaux du mois de septembre 2019 précités, établis quasi immédiatement après les faits par deux médecins distincts et concluant à la compatibilité des multiples brûlures constatées avec un traitement par laser ainsi que des diverses photographies produites par Mme X de ses jambes et de ses aisselles que l'implication de la société NOO, du fait des séances de dépilation, dans la survenance du dommage n'est pas contestable. Il convient d'ajouter que le fait que Mme X ait pu être informée des risques de brûlure ne constitue pas une contestation sérieuse de la responsabilité de la société NOO au vu de l'étendue des lésions.

Compte tenu de l'anormalité des brûlures et de la gravité des blessures révélées par les pièces communiquées et notamment de l'ITT de 20 jours délivrée par l'UMJ, le montant de 8 000 euros alloué par le premier juge à titre de provision n'est pas non plus sérieusement contestable.

En conséquence, il convient de confirmer l'ordonnance entreprise du chef de la provision à valoir sur l'indemnisation définitive du préjudice due par la société NOO à Mme X.

Sur les autres demandes :

Le sort des dépens et de l'indemnité de procédure a été exactement réglé par le premier juge.

La société NOO, qui a pris l'initiative d'interjeter appel et qui succombe, supportera la charge des dépens d'appel et sera condamnée à verser à Mme X la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour.

La société Dépil Tech, succombant, sera déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société NOO aux dépens d'appel,

Condamne la société NOO à verser à Mme X la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour,

Déboute la société Dépil Tech de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.