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Décisions

TUE, 9e ch. élargie, 29 septembre 2021, n° T-344/18

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Rubycon Corp., Rubycon Holdings Co. Ltd

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Costeira (rapporteure)

Juges :

M. Gratsias, Mme Kancheva, M. Berke, Mme Perišin

Avocats :

Me Rivas Andrés, Me Federle

TUE n° T-344/18

29 septembre 2021

LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie),

I. Antécédents du litige

A. Requérantes et secteur concerné

1 Les requérantes, Rubycon Corp. (ci-après la « première requérante ») et Rubycon Holdings Co. Ltd (ci-après la « seconde requérante »), sont des sociétés établies au Japon. La première requérante fabrique et vend des condensateurs électrolytiques à l’aluminium. Depuis le 1er février 2007, la seconde requérante détient 100 % du capital de la première requérante.

2 L’infraction en cause concerne les condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale. Les condensateurs sont des composants électriques qui stockent de l’énergie de manière électrostatique dans un champ électrique. Les condensateurs électrolytiques sont utilisés dans presque tous les produits électroniques, tels que des ordinateurs personnels, des tablettes, des téléphones, des climatiseurs, des réfrigérateurs, des lave-linges, des produits automobiles et des appareils industriels. La clientèle est donc très diversifiée. Les condensateurs électrolytiques, et plus précisément les condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale, sont des produits dont le prix constitue un paramètre concurrentiel important.

B. Procédure administrative

3 Le 4 octobre 2013, Panasonic et ses filiales ont saisi la Commission européenne d’une demande d’octroi d’un marqueur au titre des paragraphes 14 et 15 de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2006, C 298, p. 17, ci-après la « communication sur la coopération de 2006 »), en fournissant des informations sur l’existence d’une infraction présumée dans le secteur des condensateurs électrolytiques.

4 Le 28 mars 2014, la Commission a, au titre de l’article 18 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 et 102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), demandé des renseignements à plusieurs entreprises opérant dans le secteur des condensateurs électrolytiques, dont les requérantes.

5 Le 26 mai 2014, les requérantes ont présenté auprès de la Commission une demande de réduction du montant de l’amende au titre de la communication sur la coopération de 2006.

6 Le 4 novembre 2015, la Commission a adopté une communication des griefs qu’elle a adressée notamment aux requérantes. Les requérantes n’ont pas répondu à la communication des griefs.

7 Les destinataires de la communication des griefs, dont les requérantes, ont été entendus par la Commission lors de l’audition ayant eu lieu du 12 au 14 septembre 2016.

C. Décision attaquée

8 Le 21 mars 2018, la Commission a adopté la décision C(2018) 1768 final, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT.40136 – Condensateurs) (ci-après la « décision attaquée »).

1. Infraction

9 Par la décision attaquée, la Commission a constaté l’existence d’une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) dans le secteur des condensateurs électrolytiques, à laquelle neuf entreprises ou groupes d’entreprises, à savoir Elna, Hitachi AIC, Holy Stone, Matsuo, NEC Tokin, Nichicon, Nippon Chemi-Con, Sanyo (désignant Sanyo et Panasonic ensemble), et les requérantes ont participé (ci-après, pris ensemble, les « participants à l’entente ») (considérant 1 et article 1er de la décision attaquée)

10 La Commission a relevé, en substance, que l’infraction en cause s’était déroulée entre le 26 juin 1998 et le 23 avril 2012, sur l’ensemble du territoire de l’EEE, et avait consisté en des accords et/ou pratiques concertées qui avaient pour objet la coordination des politiques de prix en ce qui concerne la fourniture de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale (considérant 1 de la décision attaquée).

11 L’entente était essentiellement organisée au moyen de réunions multilatérales, qui se tenaient généralement au Japon, tous les mois ou un mois sur deux, au niveau des cadres supérieurs de vente et, tous les six mois, au niveau des dirigeants, y compris des présidents (considérants 63, 68 et 738 de la décision attaquée).

12 Les réunions multilatérales ont été, tout d’abord, organisées, entre 1998 et 2003, sous le nom de « cercle du/des condensateurs électrolytiques » ou de « conférence des condensateurs électrolytiques » (ci-après les « réunions ECC »). Elles ont été, ensuite, organisées, entre 2003 et 2005, sous le nom de « conférence aluminium-tantale », de « groupe des condensateurs à l’aluminium ou au tantale » ou de « réunions ATC ». Elles ont été, enfin, organisées, entre 2005 et 2012, sous le nom de « groupe d’étude de marché » ou « groupe de marketing » (ci-après les « réunions MK »). Parallèlement aux réunions MK, et en complément de celles-ci, des réunions « augmentation des coûts » ou « augmentation des condensateurs » (ci-après les « réunions CUP ») ont été organisées, entre 2006 et 2008 (considérant 69 de la décision attaquée).

13 Outre ces réunions multilatérales, les participants à l’entente avaient également, selon les besoins, des contacts bilatéraux et trilatéraux ad hoc (considérants 63, 75 et 739 de la décision attaquée) (ci-après, pris ensemble, les « échanges anticoncurrentiels »).

14 Dans le cadre des échanges anticoncurrentiels, les participants à l’entente, en substance, échangeaient des informations sur les prix et les futurs prix pratiqués, sur les futures réductions de prix et les fourchettes de ces réductions, sur l’offre et la demande, y compris sur l’offre et la demande futures, et, dans certains cas, concluaient, appliquaient et suivaient des accords sur les prix (considérants 62, 715, 732 et 741 de la décision attaquée).

15 La Commission a considéré que le comportement des participants à l’entente constituait une forme d’accord et/ou de pratique concertée, qui visait un objectif commun, à savoir éviter la concurrence par les prix et coordonner leur futur comportement concernant la vente de condensateurs électrolytiques, en réduisant ainsi l’incertitude sur le marché (considérants 726 et 731 de la décision attaquée).

16 La Commission a conclu que ce comportement avait un objet anticoncurrentiel unique (considérant 743 de la décision attaquée).

2. Responsabilité des requérantes

17 La Commission a retenu la responsabilité de la première requérante en raison de sa participation directe à l’entente du 26 juin 1998 au 23 avril 2012 [considérant 961 et article 1er, sous h), de la décision attaquée].

18 En outre, la Commission a retenu la responsabilité de la seconde requérante en sa qualité de société mère, détenant la totalité du capital social de la première requérante, pour la période allant du 1er février 2007 au 23 avril 2012 [considérants 962 et 963 et article 1er, sous h), de la décision attaquée].

3. Amendes infligées aux requérantes

19 L’article 2, sous k) et l), de la décision attaquée inflige, d’une part, une amende d’un montant de 27 718 000 euros à la première requérante « conjointement et solidairement » avec la seconde requérante et, d’autre part, une amende d’un montant de 706 000 euros à la première requérante.

4. Calcul du montant des amendes

20 Aux fins du calcul du montant des amendes, la Commission a suivi la méthodologie exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 ») (considérant 980 de la décision attaquée).

21 En premier lieu, pour déterminer le montant de base des amendes infligées aux requérantes, la Commission a pris en compte la valeur des ventes durant la dernière année complète de participation à l’infraction, conformément au paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 (considérant 989 de la décision attaquée).

22 La Commission a calculé la valeur des ventes sur la base des ventes de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale facturées à des clients établis dans l’EEE (considérant 990 de la décision attaquée).

23 En outre, la Commission a calculé la valeur pertinente des ventes séparément pour les deux catégories de produits, à savoir les condensateurs électrolytiques à l’aluminium et les condensateurs électrolytiques au tantale, et leur a appliqué des coefficients multiplicateurs différents en fonction de la durée (considérant 991 de la décision attaquée).

24 La Commission a fixé la proportion de la valeur des ventes à retenir au titre de la gravité de l’infraction à 16 %. À cet égard, elle a estimé que des « arrangements » horizontaux de coordination des prix comptaient, de par leur nature même, parmi les infractions les plus graves à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE et que l’entente s’étendait à l’ensemble du territoire de l’EEE (considérants 1001 à 1003 de la décision attaquée).

25 De plus, la Commission a appliqué un montant additionnel de 16 %, au titre du paragraphe 25 des lignes directrices de 2006, afin de s’assurer du caractère suffisamment dissuasif de l’amende infligée (considérant 1009 de la décision attaquée).

26 S’agissant encore du coefficient multiplicateur relatif à la durée de l’infraction, la Commission a, au titre du paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006, accordé à la première requérante une immunité partielle d’amende pour la durée de l’infraction, correspondant à la période d’infraction allant du 26 juin 1998 au 28 août 2003, au motif qu’elle avait fourni des preuves déterminantes pour établir des éléments de fait supplémentaires renforçant la durée de l’infraction pour cette période (voir considérant 1087 de la décision attaquée).

27 Ainsi, la Commission a retenu, en ce qui concerne la première requérante, un coefficient multiplicateur de 8,65, correspondant à la période comprise entre le 29 août 2003 et le 23 avril 2012 et sans tenir compte de la période allant du 26 juin 1998 au 28 août 2003 (voir point 26 ci-dessus). En ce qui concerne la seconde requérante, la Commission a retenu un coefficient multiplicateur de 5,22, correspondant à la période comprise entre le 1er février 2007 et le 23 avril 2012 (considérant 1007, tableau 1 et note en bas de page no 1658 de la décision attaquée).

28 La Commission a, dès lors, fixé à 61 434 000 euros le montant de base de l’amende pour la première requérante et à 39 598 000 euros le montant de base de l’amende pour la seconde requérante (considérant 1010 de la décision attaquée).

29 En second lieu, s’agissant des ajustements du montant de base des amendes, tout d’abord, la Commission a refusé d’accorder aux requérantes une réduction additionnelle de l’amende sur le fondement du paragraphe 37 des lignes directrices de 2006 (considérants 1052 et 1053 de la décision attaquée).

30 De plus, la Commission n’a retenu l’existence d’aucune circonstance aggravante ou atténuante à l’égard des requérantes (considérant 1054 de la décision attaquée).

31 Ensuite, la Commission a fait application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent, en vertu de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 (considérants 1057 et 1058 de la décision attaquée).

32 Enfin, après l’application dudit plafond de 10 %, la Commission a accordé aux requérantes, au titre du paragraphe 26, premier alinéa, deuxième tiret, de la communication sur la coopération de 2006, une réduction de 30 % du montant de l’amende qui leur aurait à défaut été infligée, dans la mesure où elle a estimé qu’elles avaient été la deuxième entreprise à fournir des éléments de preuve apportant une valeur ajoutée significative (considérants 1082 et 1083 de la décision attaquée).

33 En outre, la Commission a refusé d’accorder aux requérantes une immunité partielle d’amende relative à la gravité de l’infraction, au titre dudit paragraphe 26, troisième alinéa, au motif que les preuves qu’elles avaient fournies ne lui avaient pas permis d’établir des éléments de fait supplémentaires renforçant la gravité de l’infraction (considérants 1093 à 1096 de la décision attaquée).

34 La Commission a dès lors fixé à 28 424 000 euros le montant total des amendes infligées aux requérantes (considérant 1139 de la décision attaquée).

5. Dispositif de la décision attaquée

35 La décision attaquée, en ce qui concerne les requérantes, dispose ce qui suit :

« Article  premier

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE en participant, au cours des périodes indiquées, à une infraction unique et continue dans le secteur des condensateurs électrolytiques couvrant l’ensemble du territoire de l’EEE, consistant en des accords et/ou pratiques concertées qui avaient pour objet la coordination des politiques de prix :

[…]

h) [première requérante] du 26 juin 1998 au 23 avril 2012, [seconde requérante] du 1er février 2007 au 23 avril 2012 ;

[…]

Article 2

Les amendes suivantes sont infligées pour l’infraction visée à l’article 1er :

[…]

k) [première requérante] et [seconde requérante], conjointement et solidairement responsables : 27 718 000 [euros] ;

l) [première requérante] : 706 000 [euros] ;

[…].

Article 4

La présente décision est adressée à :

[…]

– [première requérante], Japon ;

– [seconde requérante], Japon ;

[…] »

II. Procédure et conclusions des parties

36 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 juin 2018, les requérantes ont introduit le présent recours.

37 Le 27 septembre 2018, le mémoire en défense de la Commission a été déposé au greffe du Tribunal.

38 La réplique et la duplique ont été déposées au greffe du Tribunal, respectivement, le 21 novembre 2018 et le 29 janvier 2019.

39 Sur proposition de la deuxième chambre du Tribunal, celui-ci a décidé, en application de l’article 28 de son règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

40 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, la juge rapporteure a été affectée à la neuvième chambre élargie, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

41 Sur proposition de la juge rapporteure, le Tribunal (neuvième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a posé aux parties des questions écrites, en les invitant à y répondre lors de l’audience.

42 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions écrites et orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 21 octobre 2020.

43 À la suite du décès de M. le juge Berke survenu le 1er août 2021, les trois juges dont le présent arrêt porte la signature ont poursuivi les délibérations, conformément à l’article 22 et à l’article 24, paragraphe 1, du règlement de procédure.

44 Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision attaquée pour autant qu’elle les concerne et, en particulier, annuler l’article 1er, sous h), l’article 2, sous k) et l), et l’article 4 de la décision attaquée ;

– réduire le montant des amendes qui leur ont été infligées ;

– condamner la Commission aux dépens.

45 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner les requérantes aux dépens.

III. En droit

A. Sur la recevabilité de la demande en annulation de l’article 1er, sous h), et de l’article 4 de la décision attaquée

46 La Commission fait valoir, en substance, que les conclusions des requérantes tendant, d’une part, à l’annulation « totale » de la décision attaquée et, d’autre part, à l’annulation de l’article 1er, sous h), et de l’article 4 de la décision attaquée sont irrecevables, dans la mesure où les requérantes n’auraient soulevé aucun moyen à l’appui de ces conclusions.

47 Les requérantes objectent que lesdites conclusions sont recevables.

48 À cet égard et en premier lieu, il convient de constater que, contrairement à ce que fait valoir la Commission, il ressort sans équivoque de la requête que, par le présent recours, les requérantes ne visent pas l’annulation « totale » de la décision attaquée, mais uniquement l’annulation de cette décision en ce qu’elle les concerne, ce qui, d’ailleurs, a été confirmé par les requérantes en réponse à une question qui leur a été posée lors de l’audience.

49 En second lieu, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, dudit statut, et de l’article 76, sous d) et e), du règlement de procédure, la requête doit contenir l’objet du litige, les moyens et arguments invoqués, un exposé sommaire desdits moyens et les conclusions de la partie requérante.

50 Or, en l’espèce, il ressort de la requête que les moyens soulevés par les requérantes tendent uniquement à l’annulation des amendes qui leurs ont été infligées par la Commission à l’article 2, sous k) et l), de la décision attaquée ou à la réduction de leur montant.

51 Force est donc de constater que les requérantes ne soulèvent aucun moyen au soutien de la demande d’annulation de l’article 1er, sous h), et de l’article 4 de la décision attaquée. Partant, il y lieu de rejeter le recours comme partiellement irrecevable, en ce qu’il vise l’annulation de ces dispositions de la décision attaquée.

52 L’examen au fond du présent recours doit donc être limité, d’une part, aux conclusions visant à l’annulation des amendes infligées aux requérantes par l’article 2, sous k) et l), de la décision attaquée, et, d’autre part, aux conclusions tendant à la réduction du montant de ces amendes.

B. Sur le fond

53 Les requérantes invoquent deux moyens à l’appui tant de leurs conclusions tendant à l’annulation des amendes qui leur ont été infligées que de leurs conclusions qui tendent à la réduction du montant de ces amendes. Le premier moyen est relatif au refus de la Commission d’accorder aux requérantes une immunité partielle d’amende en raison des preuves qu’elles ont produites, relatives à des éléments de fait supplémentaires renforçant la gravité de l’infraction. Le second moyen est relatif au refus de la Commission de s’écarter de la méthode générale prévue par les lignes directrices de 2006 et d’accorder une réduction du montant de l’amende au titre du paragraphe 37 de ces lignes directrices.

1. Sur les conclusions tendant à l’annulationde la décision attaquée

54 À titre liminaire, il convient de rappeler que le système de contrôle juridictionnel des décisions de la Commission relatives aux procédures d’application des articles 101 et 102 TFUE consiste en un contrôle de la légalité des actes des institutions établi à l’article 263 TFUE, lequel peut être complété, en application de l’article 261 TFUE et sur demande des parties requérantes, par l’exercice par le Tribunal d’une compétence de pleine juridiction en ce qui concerne les sanctions infligées en ce domaine par la Commission (voir arrêt du 26 septembre 2018, Philips et Philips France/Commission, C‑98/17 P, non publié, EU:C:2018:774, point 49 et jurisprudence citée).

55 S’agissant du contrôle de légalité prévu à l’article 263 TFUE, il y a lieu de rappeler que celui-ci s’étend à l’ensemble des éléments des décisions de la Commission relatives aux procédures d’application des articles 101 et 102 TFUE dont le juge de l’Union européenne assure un contrôle approfondi, en droit comme en fait, à la lumière des moyens soulevés par la partie requérante et compte tenu de l’ensemble des éléments pertinents soumis par cette dernière. Toutefois, dans le cadre de ce contrôle, les juridictions de l’Union ne peuvent, en toute hypothèse, substituer leur propre motivation à celle de l’auteur de l’acte en cause (voir arrêt du 25 juillet 2018, Orange Polska/Commission, C‑123/16 P, EU:C:2018:590, point 105 et jurisprudence citée).

56 S’agissant du calcul du montant des amendes, il convient de rappeler que l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003 dispose que, pour déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci.

57 La Commission bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation pour ce qui est de la méthode de calcul des amendes. Cette méthode, circonscrite par les lignes directrices de 2006, comporte différents éléments de flexibilité permettant à la Commission d’exercer son pouvoir d’appréciation en conformité avec les dispositions de l’article 23 du règlement no 1/2003 (voir arrêts du 5 décembre 2013, Solvay Solexis/Commission, C‑449/11 P, non publié, EU:C:2013:802, point 100 et jurisprudence citée, et du 9 septembre 2015, LG Electronics/Commission, T‑91/13, non publié, EU:T:2015:609, point 158 et jurisprudence citée).

58 Selon une jurisprudence constante, en adoptant des règles de conduite telles que les lignes directrices de 2006 et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles-ci, la Commission s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et ne saurait se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime (voir arrêts du 21 septembre 2006, JCB Service/Commission, C‑167/04 P, EU:C:2006:594, point 208 et jurisprudence citée, et du 12 décembre 2012, Ecka Granulate et non ferrum Metallpulver/Commission, T‑400/09, non publié, EU:T:2012:675, point 40 et jurisprudence citée).

a) Sur le premier moyen, relatif au refus de la Commission d’accorder aux requérantes une immunité partielle d’amende en raisondes preuvesqu’elles ont produites, relatives à des éléments de fait supplémentaires renforçant la gravité de l’infraction

59 Dans le cadre du premier moyen, les requérantes soutiennent, en substance, que c’est à tort que la Commission a refusé de leur accorder une immunité partielle d’amende au titre du paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006, dans la mesure où les preuves qu’elles ont fournies concernant les réunions ECC et CUP auraient permis à la Commission de renforcer la gravité de l’infraction.

60 Le premier moyen comporte, en substance, trois branches. La première est tirée d’une violation de l’obligation de motivation, la deuxième, d’une erreur de droit dans l’application du paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006 et, la troisième, d’une violation du principe d’égalité de traitement.

1) Sur la première branche du premier moyen, tirée d’une violation de l’obligation de motivation

61 Les requérantes soutiennent que la motivation de la décision attaquée est insuffisante, dans la mesure où elle ne permet pas de comprendre les raisons pour lesquelles la Commission ne leur a pas accordé l’immunité partielle d’amende. En outre, cette motivation serait contradictoire en ce qu’elle conclurait, d’une part, que les éléments de preuve fournis par les requérantes, concernant les réunions CUP, n’auraient eu aucune incidence sur la gravité de l’infraction et, d’autre part, que la non-participation de certaines entreprises à ces mêmes réunions justifierait une réduction du montant de base de l’amende « afin de ne pas refléter une infraction d’une plus grande gravité ».

62 La Commission estime que la décision attaquée est suffisamment motivée.

63 À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante, la motivation exigée à l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction de toutes les circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 1er février 2018, Schenker/Commission, C‑263/16 P, non publié, EU:C:2018:58, point 51 et jurisprudence citée).

64 Il ressort également de la jurisprudence que la motivation d’un acte doit cependant être logique, ne présentant notamment pas de contradiction interne entravant la bonne compréhension des raisons sous-tendant cet acte (voir arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 151 et jurisprudence citée).

65 En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que la Commission a refusé d’accorder aux requérantes une immunité partielle d’amende, au titre du paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006, concernant des preuves qu’elles ont fournies relatives aux réunions ECC et aux réunions CUP, au motif que ces preuves ne lui auraient pas permis d’établir des éléments de fait supplémentaires renforçant la gravité de l’infraction (voir considérants 1093 à 1096 de la décision attaquée et point 33 ci-dessus).

66 De plus, auxdits considérants 1093 à 1096 de la décision attaquée, la Commission a précisé les motifs pour lesquels elle estimait que les réunions ECC et les réunions CUP n’avaient pas une incidence directe sur la gravité de l’infraction. En effet, il ressort desdits considérants que la Commission a estimé, en substance, que ni les réunions ECC ni les réunions CUP n’avaient une nature différente de celle des autres manifestations du comportement collusoire en l’espèce, qui constituaient tous des pratiques concertées et/ou des accords sur les prix qui s’inscrivaient dans la même violation grave de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. En particulier, s’agissant des réunions CUP, la Commission a conclu que, même sans ces réunions, l’infraction aurait été tout aussi longue et aurait constitué une infraction tout aussi grave aux règles de la concurrence et que le mécanisme de surveillance assuré dans le cadre de ces réunions n’était pas une particularité de l’entente (voir points 99 et 100 ci-après).

67 Il s’ensuit que la Commission a exposé de façon claire et non équivoque les motifs qui l’ont conduite à refuser aux requérantes le bénéfice de l’immunité partielle d’amende, les preuves fournies par les requérantes n’ayant pas permis d’établir des éléments de fait supplémentaires renforçant la gravité de l’infraction. La décision attaquée permet donc aux requérantes de connaître les justifications dudit refus et au Tribunal d’exercer son contrôle quant à la validité de ce refus. Partant, il y a lieu d’écarter l’argument des requérantes tiré d’une motivation insuffisante.

68 De même, c’est à tort que les requérantes soutiennent que la motivation de la décision attaquée serait contradictoire en ce qu’elle conclurait, d’une part, que les éléments de preuve fournis par elles concernant les réunions ECC et les réunions CUP n’avaient pas d’incidence sur la gravité de l’infraction et, d’autre part, que la non-participation de certaines entreprises à certains groupes de réunions justifiait une réduction de 3 % du montant de base de l’amende pour tenir compte de cette même gravité de l’infraction.

69 À cet égard, il convient de relever d’emblée que l’argumentation des requérantes repose sur une prémisse erronée selon laquelle ladite réduction de 3 % du montant de base de l’amende aurait été accordée à ces entreprises sur la base d’une moindre gravité de leur infraction. Or, il ressort des considérants 1001 à 1003 de la décision attaquée que la Commission a fixé la proportion de la valeur des ventes à retenir au titre de la gravité de l’infraction à 16 % pour tous les participants à l’entente (voir point 24 ci-dessus). En outre, il ressort des considérants 1022 et 1023 de la décision attaquée que la Commission a accordé ladite réduction de 3 % du montant de base de l’amende au titre des circonstances atténuantes aux entreprises dont la participation aux réunions CUP et aux réunions MK n’a pas été établie.

70 La motivation de la décision attaquée relative à chacune de ces deux questions ne saurait être contradictoire l’une par rapport à l’autre, étant donnée qu’elle concerne deux questions différentes, qui relèvent de cadres factuels et juridiques distincts. Il s’agit respectivement, d’une part, de l’examen de la coopération d’une entreprise à l’enquête de la Commission dans le cadre de la communication sur la coopération de 2006 et, d’autre part, de l’examen de la participation individuelle de certaines entreprises à l’infraction, voire de leur non-participation à certains groupes de réunions, dans le cadre des circonstances atténuantes prévues au paragraphe 29 des lignes directrices de 2006 (voir points 135 et 140 ci-après).

71 La première branche du premier moyen doit donc être écartée.

2) Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée d’une erreur de droit dans l’application du paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006  

72 Dans le cadre de la deuxième branche du premier moyen, les requérantes soulèvent trois griefs, qu’il convient d’analyser successivement. Le premier grief est tiré d’une erreur de droit en ce que la Commission a retenu la responsabilité des requérantes pour leur participation aux réunions ECC et aux réunions CUP. Le deuxième grief est tiré d’une erreur de droit en ce que la Commission a conclu que les preuves produites par les requérantes étaient sans incidence sur la gravité de l’infraction. Le troisième grief est tiré d’une interprétation du paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006 contraire aux objectifs du programme de clémence.

73 À titre liminaire, il convient de rappeler que le paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006 dispose que, « [s]i une entreprise qui sollicite une réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée est la première à fournir des preuves déterminantes, au sens du [paragraphe] 25, que la Commission utilise pour établir des éléments de fait supplémentaires qui renforcent la gravité ou la durée de l’infraction, la Commission ne tiendra pas compte de ces faits pour fixer le montant de l’amende infligée à l’entreprise qui les a fournies ».

74 En d’autres termes, pour pouvoir bénéficier de l’immunité partielle prévue au paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006, hormis le fait que l’entreprise doit avoir été la première à fournir des preuves déterminantes au sens du paragraphe 25 de ladite communication, plusieurs conditions doivent être satisfaites : ces preuves doivent avoir une valeur ajoutée significative et ne nécessitent pas d’être corroborées ; ces preuves doivent permettre d’établir des éléments de fait supplémentaires à ceux que la Commission est en mesure d’établir, lesquels renforcent soit la gravité soit la durée de l’infraction (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2013, MRI/Commission, T‑154/09, EU:T:2013:260, point 117).

75 Lorsque les conditions pour pouvoir bénéficier de l’immunité partielle sont réunies, la Commission ne tiendra pas compte de ces faits pour fixer le montant de l’amende – lequel est déterminé en fonction de la gravité et de la durée de l’infraction, conformément à l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003 – qui sera infligée à l’entreprise qui a permis d’établir ces faits par les preuves qu’elle a apportées à la Commission, ainsi que le précise le dernier alinéa du paragraphe 26 de la communication sur la coopération de 2006 (arrêt du 17 mai 2013, MRI/Commission, T‑154/09, EU:T:2013:260, point 118).

76 Cette règle vise à inciter les entreprises à coopérer pleinement avec la Commission, même si elles ne se sont pas vu accorder une immunité conditionnelle en application du paragraphe 8 de la communication sur la coopération de 2006. En effet, en l’absence de la règle prévue au paragraphe 26, troisième alinéa, de cette communication, ces entreprises devraient craindre que, en soumettant des éléments de preuve ayant un impact sur la durée ou la gravité de l’infraction et que la Commission ignorait précédemment, elles s’exposent au risque d’une augmentation du montant des amendes pouvant leur être infligées (arrêt du 29 février 2016, Deutsche Bahn e.a./Commission, T‑267/12, non publié, EU:T:2016:110, point 376).

77 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les griefs soulevés par les requérantes dans le cadre de la deuxième branche du premier moyen.

i) Sur le premier grief, tiré d’une erreur de droit en ce que la Commission a retenu la responsabilité des requérantes pour leur participation aux réunions ECC et aux réunions CUP

78 Les requérantes soutiennent que c’est à tort que la Commission a utilisé les preuves qu’elles ont produites concernant les réunions CUP et les réunions ECC pour les tenir pour responsables de tous les éléments de l’infraction, y compris de ces réunions. En effet, les requérantes auraient été les premières à produire des preuves concernant les réunions CUP, dont l’existence était inconnue de la Commission jusqu’à cette date. En outre, les requérantes auraient été les seules à fournir des preuves concernant les réunions ECC.

79 La Commission conteste ces arguments.

80 En l’espèce, il y a lieu de constater que, d’une part, la Commission a retenu la responsabilité de la première requérante en raison de sa participation directe à l’entente du 26 juin 1998 au 23 avril 2012 et de la seconde requérante en sa qualité de société mère de la première, pour la période allant du 1er février 2007 au 23 avril 2012 (voir points 17 et 18 ci-dessus).

81 D’autre part, la Commission a estimé que les requérantes avaient été les seules à fournir des preuves concernant les échanges anticoncurrentiels qui ont eu lieu au cours des années 1998 à 2004, à l’exception d’un échange qui a eu lieu au cours de l’année 2003, et que ces preuves lui avaient permis d’augmenter la durée de l’infraction pour la période allant du 26 juin 1998 au 28 août 2003 (considérant 1080 et notes en bas de page nos 1708 et 1709 de la décision attaquée).

82 En outre, la Commission a estimé que les requérantes avaient été les premières à fournir des preuves concernant les réunions CUP (considérants 1080 et 1096 et note en bas de page no 1710 de la décision attaquée) et que ces preuves lui avaient permis de découvrir un autre aspect fonctionnel de l’entente, à savoir l’existence, la nature et le contenu des réunions CUP, organisées entre 2006 et 2008 (considérant 1080 et note en bas de page no 1710 de la décision attaquée).

83 À la suite de ces considérations, d’une part, la Commission a accordé à la première requérante une immunité partielle d’amende, au titre du paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006, pour la période d’infraction allant du 26 juin 1998 au 28 août 2003. En effet, bien que la Commission ait retenu la responsabilité de la première requérante en raison de sa participation directe à l’entente pendant la période allant du 26 juin 1998 au 23 avril 2012, elle n’a pas tenu compte de la période allant du 26 juin 1998 au 28 août 2003 lors de la fixation du coefficient multiplicateur pour la durée de participation à l’infraction (voir points 17 et 26 ci-dessus).

84 Ainsi, la Commission a estimé que la période correspondant à cette immunité partielle d’amende, accordée en ce qui concerne la durée de l’infraction, comprenait la période pendant laquelle ont eu lieu toutes les réunions ECC, à l’exception de la réunion du 7 novembre 2003 (voir considérants 78 et 80 et note en bas de page no 128 de la décision attaquée ainsi que points 12 et 26 ci-dessus).

85 D’autre part, la Commission a estimé que les preuves fournies par les requérantes, relatives aux réunions ECC et aux réunions CUP, ne lui avaient pas permis d’établir des éléments de fait supplémentaires renforçant la gravité de l’infraction. Par conséquent, la Commission a refusé d’accorder aux requérantes une immunité partielle d’amende relative à la gravité de l’infraction, au titre du paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006 (voir point 33 ci-dessus).

86 Par ailleurs, la Commission a estimé, en fonction de l’ensemble des preuves fournies par les requérantes, que celles-ci devaient être considérées comme la deuxième entreprise à fournir une valeur ajoutée significative (considérants 1082 et 1083 de la décision attaquée). Par conséquent, la Commission a accordé aux requérantes une réduction de 30 % du montant de l’amende qui leur aurait à défaut été infligée, conformément au paragraphe 26, premier alinéa, deuxième tiret, de la communication sur la coopération de 2006 (voir point 32 ci-dessus).

87 Dans ce contexte, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que les requérantes prétendent, c’est sans commettre d’erreur que la Commission les a tenues pour responsables de l’infraction dans les termes mentionnés au point 80 ci-dessus.

88 En effet, l’immunité partielle d’amende prévue au paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006 ne concerne que le montant de l’amende. Ainsi qu’il a été rappelé au point 75 ci-dessus, lorsque les conditions pour pouvoir bénéficier de ladite immunité partielle sont remplies, la seule conséquence qui en découle est que la Commission ne peut pas s’appuyer sur les éléments de preuve en cause pour déterminer la gravité ou la durée de l’infraction du demandeur de clémence. Autrement dit, dans cette hypothèse, la Commission ne tient pas compte de ces faits pour fixer le montant de l’amende.

89 Partant, l’immunité partielle d’amende, prévue au paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006, n’a aucune incidence sur l’étendue de la responsabilité pour l’infraction retenue à l’égard des entreprises bénéficiaires d’une telle immunité.

90 Par ailleurs, en ce que l’argumentation des requérantes vise à contester le refus de la Commission de leur accorder une immunité partielle concernant la gravité de l’infraction, elle sera examinée ci-après, dans le cadre du deuxième grief.

91 Le premier grief de la deuxième branche du premier moyen, tiré d’une erreur de droit en ce que la Commission a retenu la responsabilité des requérantes pour leur participation aux réunions ECC et aux réunions CUP, doit donc être écarté.

ii) Sur le deuxième grief, tiré d’une erreur de droit en ce que la Commission a conclu que les preuves produites par les requérantes étaient sans incidence sur la gravité de l’infraction

92 Les requérantes contestent la conclusion de la Commission, aux considérants 1094 et 1096 de la décision attaquée, selon laquelle les preuves produites par elles concernant les réunions ECC et les réunions CUP n’avaient pas d’incidence sur la gravité de l’infraction. Selon les requérantes, ces preuves avaient permis d’établir que l’infraction couvrait également des accords en matière de prix et ne se limitait donc pas à des discussions concernant des informations sur les prix et sur l’offre et la demande. De plus, ces preuves démontreraient l’existence d’un mécanisme de signalement et d’un mécanisme de surveillance destinés à assurer le respect par les entreprises des accords en matière de prix. Partant, ces preuves auraient été déterminantes pour renforcer la gravité de l’infraction. À l’appui de leur position, les requérantes invoquent les arrêts du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission (C‑603/13 P, EU:C:2016:38), et du 26 avril 2007, Bolloré e.a./Commission (T‑109/02, T‑118/02, T‑122/02, T‑125/02, T‑126/02, T‑128/02, T‑129/02, T‑132/02 et T‑136/02, EU:T:2007:115).

93 La Commission conteste ces arguments.

94 Ainsi qu’il a été rappelé aux points 73 et 74 ci-dessus, le bénéfice de l’immunité partielle d’amende prévue au paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006 exige que plusieurs conditions soient remplies, à savoir que l’entreprise en cause ait été la première à fournir des preuves déterminantes au sens du paragraphe 25 de ladite communication, que ces preuves doivent permettre d’établir des éléments de fait supplémentaires par rapport à ceux que la Commission est en mesure d’établir et que ces éléments de fait supplémentaires renforcent la gravité ou la durée de l’infraction.

95 Il en résulte que pour l’application du paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006, il ne suffit pas que des éléments de preuve soient déterminants au sens du paragraphe 25 de cette communication, encore faut-il qu’ils permettent à la Commission d’établir des éléments de faits supplémentaires qui renforcent la gravité ou la durée de l’infraction (arrêt du 29 février 2016, Deutsche Bahn e.a./Commission, T‑267/12, non publié, EU:T:2016:110, point 405).

96 En l’espèce, la Commission a estimé que la première requérante a été la seule à fournir des preuves concernant les réunions ECC et que les requérantes ont été les premières à fournir des preuves concernant les réunions CUP. La Commission a considéré que les preuves fournies par la première requérante concernant les réunions ECC lui avaient permis d’augmenter la durée de l’infraction et, de ce fait, elle a accordé à celle-ci une immunité partielle d’amende pour la période allant du 26 juin 1998 au 28 août 2003 (voir points 80 à 84 ci-dessus).

97 Cependant, la Commission a estimé que lesdites preuves, notamment celles concernant les réunions CUP, ne lui avaient pas permis d’établir des éléments de fait supplémentaires renforçant la gravité de l’infraction (considérants 1094 et 1096 de la décision attaquée). Par conséquent, elle a refusé d’accorder aux requérantes une immunité partielle d’amende relative à la gravité de l’infraction (voir point 85 ci-dessus).

98 À cet égard, il ressort de la décision attaquée que la Commission a estimé que, pendant toute la durée de l’entente, les parties avaient échangé des informations sur les prix, l’offre et la demande et que, certes, lors de certaines réunions ECC et CUP, les entreprises avaient conclu des accords sur les prix. Toutefois, selon la Commission, tant les pratiques concertées que les accords sur les prix, en tant que manifestations du comportement collusoire en l’espèce, s’inscrivaient dans la même violation grave de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Ainsi, le fait que les parties aient participé non seulement à des pratiques concertées, mais également à des accords, n’avait aucune incidence sur la gravité de l’infraction. En outre, selon la Commission, les réunions ECC et les réunions CUP n’étaient pas matériellement différentes des autres réunions multilatérales mentionnées au point 12 ci-dessus, faisant partie de la même infraction unique et continue qui fait l’objet de la décision attaquée (voir considérants 72, 1094 et 1096 de la décision attaquée).

99 En particulier, s’agissant des réunions CUP, la Commission a estimé que, compte tenu de la période pendant laquelle se sont tenues ces réunions et eu égard à leur nature et au fait que celles-ci se tenaient en parallèle avec les réunions MK, la révélation, par les requérantes, de l’existence des réunions CUP n’a pas accru la durée ni la gravité de l’infraction (voir considérant 1096 de la décision attaquée).

100 De même, s’agissant de la surveillance assurée dans le cadre des réunions CUP, la Commission a considéré que cette surveillance n’était pas une particularité de l’entente de nature à influer sur la gravité de l’infraction, étant donné notamment que les entreprises surveillaient leur comportement réciproque de façon générale ainsi qu’en dehors des réunions CUP (voir considérant 716 de la décision attaquée).

101 Il en résulte que la Commission a conclu que ni les réunions ECC ni les réunions CUP n’avaient une nature différente des autres manifestations du comportement collusoire en l’espèce, qui constituaient toutes des pratiques concertées et/ou des accords sur les prix qui s’inscrivaient dans la même violation grave de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. En particulier, s’agissant des réunions CUP, la Commission a conclu que, même sans ces réunions, l’infraction aurait été tout aussi longue et aurait constitué une infraction tout aussi grave aux règles de la concurrence.

102 L’argumentation des requérantes ne remet pas en cause ces conclusions.

103 À cet égard, il convient de rappeler que la notion d’accord au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, telle qu’elle a été interprétée par la jurisprudence, est axée sur l’existence d’une concordance de volontés entre deux parties au moins, dont la forme de manifestation n’est pas importante pour autant qu’elle constitue l’expression fidèle de celles-ci (voir arrêt du 16 juin 2015, FSL e.a./Commission, T‑655/11, EU:T:2015:383, point 413 et jurisprudence citée).

104 En outre, la notion de pratique concertée au sens de cette même disposition vise une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu’à la réalisation d’une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (voir arrêt du 16 juin 2015, FSL e.a./Commission, T‑655/11, EU:T:2015:383, point 414 et jurisprudence citée).

105 Or, selon une jurisprudence constante, les notions d’accord et de pratique concertée, au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, appréhendent des formes de collusion qui partagent la même nature et ne se distinguent que par leur intensité et par les formes dans lesquelles elles se manifestent (voir arrêt du 5 décembre 2013, Solvay Solexis/Commission, C‑449/11 P, non publié, EU:C:2013:802, point 52 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, EU:C:1999:356, point 132).

106 Partant, si les notions d’accord et de pratique concertée comportent des éléments constitutifs partiellement différents, elles ne sont pas réciproquement incompatibles. La Commission n’a donc pas l’obligation de qualifier d’accord ou de pratique concertée chacun des comportements constatés, mais peut qualifier à bon droit certains de ces comportements d’« accords » et d’autres de « pratiques concertées » (voir, en ce sens, arrêts du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, EU:C:1999:356, point 132, et du 16 juin 2015, FSL e.a./Commission, T‑655/11, EU:T:2015:383, point 453).

107 Ainsi, la double qualification de l’infraction d’accord « et/ou » de pratique concertée doit être comprise comme désignant un tout complexe comportant des éléments de fait dont certains ont été qualifiés d’accord et d’autres de pratique concertée au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, lequel ne prévoit pas de qualification spécifique pour ce type d’infraction complexe (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2013, MRI/Commission, T‑154/09, EU:T:2013:260, point 165 et jurisprudence citée).

108 Tel est le cas en l’espèce. En effet, par la décision attaquée, la Commission a constaté l’existence d’une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE consistant en des accords et/ou pratiques concertées qui avaient pour objet la coordination des politiques de prix dans le secteur des condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale (voir points 9 et 10 ci-dessus).

109 En particulier, il résulte des considérants 704 à 743 de la décision attaquée que la Commission a estimé que, l’infraction en cause étant complexe et de longue durée, elle n’était pas censée qualifier les comportements d’accord ou de pratique concertée. À cet égard, la Commission a, tout d’abord, considéré que les échanges anticoncurrentiels, mentionnés aux points 12 et 13 ci-dessus, avaient tous le même objectif anticoncurrentiel, à savoir celui de la coordination des politiques de prix. Ensuite, la Commission a précisé que les comportements des entreprises incluaient à la fois des échanges d’informations sur les prix, des échanges d’informations sur l’offre et la demande, et la conclusion d’accords sur les prix, accompagnés d’un mécanisme de surveillance afin d’en garantir l’application. De plus, la Commission a considéré que ce mécanisme de surveillance n’était pas une particularité de l’entente, dans la mesure où, indépendamment de l’existence d’un tel mécanisme, les entreprises surveillaient leur comportement réciproque de façon générale. Enfin, la Commission a considéré que ces comportements prenaient la forme d’accords et/ou de pratiques concertées et suivaient un plan global poursuivant un but anticoncurrentiel unique.

110 Il est, certes, vrai que, dans la décision attaquée, la Commission mentionne les réunions ECC et les réunions CUP comme des exemples de réunions multilatérales lors desquelles les entreprises ont conclu des accords sur les prix, accompagnés d’un mécanisme de surveillance afin d’en garantir l’application [voir considérant 715, sous c), de la décision attaquée].

111 Mais il n’en demeure pas moins que la Commission a considéré que l’ensemble des réunions multilatérales décrites au point 12 ci-dessus présentait des caractéristiques communes et que l’objet des discussions menées lors de ces réunions multilatérales était resté le même ou largement similaire pendant toute la période infractionnelle (considérants 70 à 72 et 741 de la décision attaquée). De plus, elle a considéré que le mécanisme de surveillance n’était pas une particularité de l’entente, les entreprises exerçant une surveillance généralisée et réciproque en dehors de ce mécanisme (considérant 716 de la décision attaquée).

112 Ainsi, à la lumière de la jurisprudence rappelée aux points 105 à 107 ci-dessus, il y a lieu de relever que, dans le cadre de la présente infraction complexe, qui a impliqué plusieurs entreprises poursuivant un objectif commun de coordination des politiques de prix, pendant plusieurs années, la Commission n’était pas censée qualifier avec précision chacun des comportements infractionnels d’accord ou de pratique concertée. En toute hypothèse, ces deux formes d’infraction sont visées à l’article 101 TFUE.

113 Il en découle qu’une distinction entre une prétendue gravité accrue des « accords » par rapport à une gravité plus faible des « pratiques concertées » ne saurait être établie en l’espèce. En effet, dans un contexte comme celui de l’espèce, où les comportements infractionnels ont été qualifiés sans distinction d’accords « et/ou » de pratiques concertées, chacun d’entre eux corroborant l’existence d’une infraction complexe, unique et continue à l’article 101 TFUE, une qualification précise de ces comportements d’accords ou de pratiques concertées ne saurait être de nature à établir une différence entre la gravité de chaque comportement.

114 Au contraire, une qualification précise de chaque comportement infractionnel constitutif de l’entente d’accord ou de pratique concertée ne serait pas susceptible d’avoir une incidence sur la gravité de l’infraction, dès lors que ces deux formes d’infraction sont visées à l’article 101, paragraphe 1, TFUE et que celui-ci ne prévoit pas de qualification spécifique pour un type d’infraction complexe, telle que celle de l’espèce.

115 Par ailleurs, il convient de relever que les arrêts du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission (C‑603/13 P, EU:C:2016:38), et du 26 avril 2007, Bolloré e.a./Commission (T‑109/02, T‑118/02, T‑122/02, T‑125/02, T‑126/02, T‑128/02, T‑129/02, T‑132/02 et T‑136/02, EU:T:2007:115), invoqués par les requérantes, n’offrent aucun soutien à leur position. À la différence de la présente affaire, les affaires ayant donné lieu à ces deux arrêts concernaient des situations de participation plus limitée, voire de non-participation, à certains éléments de l’entente, tels que des mécanismes de compensation ou de surveillance (voir arrêts du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C‑603/13 P, EU:C:2016:38, points 28, 29, 78, 86 et 93, et du 26 avril 2007, Bolloré e.a./Commission, T‑109/02, T‑118/02, T‑122/02, T‑125/02, T‑126/02, T‑128/02, T‑129/02, T‑132/02 et T‑136/02, EU:T:2007:115, points 418, 439, 563 et 566). De même, à la différence desdites affaires, dans la présente affaire aucun système de surveillance ou autre mécanisme autonome n’a été identifié en tant que composant distinct de l’infraction objet de la décision attaquée.

116 En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que, d’une part, la Commission a fixé la proportion de la valeur des ventes à retenir au titre de la gravité de l’infraction à 16 %. À cet égard, la Commission a tenu compte de la nature de l’infraction, à savoir du fait que celle-ci consistait en des « arrangements » horizontaux de coordination des prix, qui se trouvaient parmi les infractions les plus graves à l’article 101 TFUE. De plus, elle a tenu compte de la portée géographique de l’infraction, en indiquant que celle-ci s’étendait à l’ensemble du territoire de l’EEE (voir point 24 ci-dessus).

117 D’autre part, la Commission a estimé que le mécanisme de surveillance discuté lors des réunions CUP n’était pas une particularité de l’entente, les entreprises exerçant une surveillance généralisée et réciproque en dehors de ce mécanisme (voir point 111 ci-dessus).

118 Ainsi, à la différence des affaires ayant donné lieu aux arrêts cités au point 115 ci-dessus, l’infraction en cause en l’espèce n’a pas d’autres composants, qui seraient autonomes par rapport à l’ensemble d’accords et/ou de pratiques concertées visant la coordination des politiques de prix, qui forment cette infraction. En particulier, les réunions CUP s’inscrivaient dans cet ensemble d’accords et/ou de pratiques concertées et ne présentaient pas de particularités susceptibles d’avoir un impact spécifique sur la gravité de l’infraction (voir points 98 et 99 ci-dessus).

119 Au vu de tout ce qui précède, il convient de relever que c’est sans commettre d’erreur que la Commission a estimé que les requérantes n’avaient pas produit d’éléments de preuve permettant d’établir des faits supplémentaires qui renforçaient la gravité de l’infraction.

120 Le deuxième grief de la deuxième branche du premier moyen doit donc être écarté.

iii) Sur le troisième grief, tiré d’une interprétation du paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006 contraire aux objectifs du programme de clémence

121 Les requérantes soutiennent que l’interprétation du paragraphe 26 de la communication sur la coopération de 2006 retenue en l’espèce par la Commission est contraire à l’objectif de l’immunité partielle en ce que celle-ci vise à assurer l’efficacité du programme de clémence. Cette interprétation dissuaderait les participants à une entente, autres que ceux qui remplissent les conditions prévues pour bénéficier de l’immunité totale, de produire des preuves pertinentes. En effet, cette interprétation ne supprimerait pas le risque, pour l’entreprise ayant fourni des preuves, de les voir retenues contre elle-même et de se voir infliger une amende plus élevée. En procédant de la sorte, la Commission établirait un précédent montrant que les participants à une entente ne bénéficient pas de la coopération dont ils font preuve lors de son enquête.

122 La Commission conteste ces arguments.

123 À titre liminaire, il convient de rappeler que la communication sur la coopération de 2006 prévoit deux régimes distincts permettant de récompenser, pour leur coopération à l’enquête de la Commission, les entreprises qui, bien qu’ayant été ou étant parties à une entente, ont contribué à la répression de celle-ci. En contrepartie de leur coopération, ces entreprises peuvent bénéficier soit d’une immunité d’amendes, lorsque ces entreprises ont permis à la Commission de prendre connaissance de faits infractionnels, soit d’une réduction du montant des amendes, lorsque celles-ci ont apporté, par leur collaboration au cours de l’enquête, des éléments dotés d’une valeur ajoutée significative (arrêt du 1er février 2018, Deutsche Bahn e.a./Commission, C‑264/16 P, non publié, EU:C:2018:60, point 67).

124 S’agissant de l’objectif du programme de clémence de la Commission, il convient de rappeler que ce programme ne vise pas à ménager aux entreprises participant aux ententes secrètes la possibilité d’échapper aux conséquences pécuniaires de leur responsabilité, mais à faciliter la détection de telles pratiques et, ensuite, au cours de la procédure administrative, à aider la Commission dans ses efforts visant à la reconstitution des faits pertinents dans la mesure du possible. Dès lors, les bénéfices qui peuvent être obtenus par les entreprises participant à de telles pratiques ne sauraient dépasser le niveau qui est nécessaire pour assurer la pleine efficacité du programme de clémence et de la procédure administrative menée par la Commission (arrêts du 29 février 2016, Deutsche Bahn e.a./Commission, T‑267/12, non publié, EU:T:2016:110, point 355, et du 29 février 2016, EGL e.a./Commission, T‑251/12, non publié, EU:T:2016:114, point 183).

125 S’agissant, en particulier, de l’immunité partielle d’amende prévue au paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été reconnu par la jurisprudence citée au point 76 ci-dessus, ladite immunité partielle vise à inciter les entreprises à coopérer pleinement avec la Commission, même si elles ne se sont pas vu accorder une immunité conditionnelle visée par le paragraphe 8 de cette communication. En effet, en l’absence de la règle prévue à ce paragraphe 26, troisième alinéa, ces entreprises devraient craindre que, en soumettant des éléments de preuve ayant un impact sur la durée ou la gravité de l’infraction et que la Commission ignorait précédemment, elles s’exposent au risque d’une augmentation du montant des amendes pouvant leur être infligées.

126 En l’espèce, il convient de relever que, d’une part, la Commission a récompensé la coopération des requérantes à deux niveaux : en premier lieu, s’agissant de la première requérante, au titre du paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006, par une immunité partielle d’amende concernant la durée de l’infraction, pour la période d’infraction allant du 26 juin 1998 au 28 août 2003 ; et, en second lieu, s’agissant des deux requérantes, au titre du paragraphe 26, premier alinéa, deuxième tiret, de ladite communication, par une réduction de 30 % du montant de l’amende qui leur aurait, à défaut, été infligée (voir points 26 et 32 ci-dessus).

127 D’autre part, la Commission a refusé d’accorder aux requérantes une immunité partielle d’amende relative à la gravité de l’infraction, au titre dudit paragraphe 26, troisième alinéa, au motif que les preuves qu’elles avaient fournies ne lui avaient pas permis d’établir des éléments de fait supplémentaires renforçant la gravité de l’infraction (voir points 33 et 97 ci-dessus).

128 Or, ainsi qu’il a été relevé au point 119 ci-dessus, c’est sans commettre d’erreur que la Commission a considéré que les preuves produites par les requérantes ne lui avaient pas permis d’établir des faits supplémentaires renforçant la gravité de l’infraction et que, partant, les conditions exigées par le paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006 n’étaient pas remplies en ce qui concerne la gravité de l’infraction.

129 Il s’ensuit que l’interprétation de cette disposition retenue par la Commission, aux considérants 1094 et 1096 de la décision attaquée, n’est pas contraire à la ratio legis de ladite disposition, ni aux objectifs du programme de clémence, puisque la Commission s’est limitée à constater que l’une des conditions exigées pour l’octroi de l’immunité partielle d’amende n’était pas remplie en l’espèce.

130 Au vu de ce qui précède, le troisième grief et, partant, la deuxième branche du premier moyen dans son ensemble doivent être écartés.

3) Sur la troisième branche du premier moyen, tirée d’une violation du principe d’égalité de traitement

131 Dans le cadre de la troisième branche du premier moyen, les requérantes soutiennent que la Commission aurait dû leur accorder une réduction du montant de base de l’amende d’au moins 3 %, équivalant à la réduction qu’elle a octroyée aux entreprises dont la participation à certains groupes de réunions n’a pas été établie, à savoir, Sanyo, NEC Tokin (Nec Corp. et Tokin Corp.), Matsuo et Nichicon. En ne procédant pas de la sorte, la Commission aurait traité les participants à l’entente, qui ont dissimulé des éléments de fait de l’infraction concernant certains groupes de réunions, plus favorablement que les requérantes, qui ont divulgué l’existence d’un de ces groupes de réunions.

132 La Commission conteste ces arguments.

133 À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le principe d’égalité de traitement n’est violé que lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêts du 5 décembre 2013, Solvay/Commission, C‑455/11 P, non publié, EU:C:2013:796, point 77 et jurisprudence citée, et du 11 juillet 2014, Esso e.a./Commission, T‑540/08, EU:T:2014:630, point 101 et jurisprudence citée).

134 En l’espèce, il y a lieu de relever que l’argument des requérantes repose sur une comparaison erronée entre la notion d’immunité partielle d’amende, telle que prévue au paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006, et les circonstances atténuantes qui doivent être prises en compte par la Commission, telles que celles énumérées au paragraphe 29 des lignes directrices de 2006.

135 En effet, en premier lieu, la situation des requérantes n’est pas comparable, sur le plan factuel, à celle des autres participants à l’entente mentionnées par elles.

136 D’une part, s’agissant de la participation aux réunions CUP, ainsi qu’aux réunions MK, il y a lieu de constater que la Commission a estimé que la première requérante y avait participé (voir considérants 88 et 95 de la décision attaquée), ce que, au demeurant, les requérantes ne contestent pas.

137 En revanche, la Commission a estimé que la participation de Sanyo, de NEC Tokin et de Matsuo aux réunions CUP n’était pas établie et que rien ne prouvait qu’elles en avaient eu connaissance (considérants 754, 759 et 764 de la décision attaquée). De même, la Commission a estimé que la participation de Nichicon aux réunions MK n’était pas établie et que rien ne prouvait qu’elle en avait eu connaissance (considérant 761 de la décision attaquée).

138 D’autre part, s’agissant de la coopération à l’enquête de la Commission, il y a lieu de constater que les requérantes ont fourni des preuves qui ont permis à la Commission d’établir l’existence, la nature et le contenu des réunions CUP (voir point 82 ci-dessus), ce qui n’était pas le cas en ce qui concerne Sanyo, NEC Tokin, Matsuo et Nichicon.

139 Partant, la situation factuelle des requérantes et celle de Sanyo, de NEC Tokin, de Matsuo et de Nichicon sont substantiellement différentes.

140 En second lieu, les deux situations ne sont pas comparables d’un point de vue juridique. D’une part, il s’agissait, pour la Commission, d’évaluer si la non-participation à certains échanges anticoncurrentiels de Sanyo, de NEC Tokin, de Matsuo et de Nichicon devait être prise en compte dans le cadre des circonstances atténuantes au sens du paragraphe 29 des lignes directrices de 2006. D’autre part, dans le cadre de la communication sur la coopération de 2006, il s’agissait, pour cette institution, d’évaluer si la coopération des requérantes à son enquête devait conduire à leur accorder l’immunité partielle d’amende.

141 À cet égard, il convient de rappeler que, s’agissant des infractions qui relèvent du champ d’application de la communication sur la coopération de 2006, en principe, l’intéressé ne peut valablement reprocher à la Commission de ne pas avoir pris en compte le degré de sa coopération en tant que circonstance atténuante, en dehors du cadre juridique de ladite communication (voir arrêt du 29 février 2016, EGL e.a./Commission, T‑251/12, non publié, EU:T:2016:114, point 190 et jurisprudence citée).

142 Partant, la coopération fournie par les requérantes ne saurait être valorisée en dehors du champ d’application de la communication sur la coopération de 2006, en particulier, en tant que circonstance atténuante au titre du paragraphe 29 des lignes directrices de 2006. À cet égard il convient de relever que, selon le quatrième tiret de ce paragraphe, peut être considéré comme une circonstance atténuante de nature à entraîner une réduction du montant de base de l’amende le fait que l’entreprise concernée coopère effectivement avec la Commission, en dehors du champ d’application de la communication sur la clémence et au-delà de ses obligations juridiques de coopérer.

143 Par ailleurs, contrairement à ce qui semble ressortir de l’argumentation des requérantes, les conditions qui peuvent justifier l’application des circonstances atténuantes ne sont aucunement comparables à celles exigées pour l’application de l’immunité partielle d’amende, notamment en ce qui concerne l’appréciation de la gravité des faits en cause.

144 Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, la Commission peut tenir compte de la gravité relative de la participation d’une entreprise à une infraction et des circonstances particulières de l’affaire soit lors de l’appréciation de la gravité de l’infraction au sens de l’article 23 du règlement no 1/2003, soit lors de l’ajustement du montant de base en fonction de circonstances atténuantes et aggravantes (arrêt du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, points 104 et 105 ; voir, également, arrêt du 26 janvier 2017, Laufen Austria/Commission, C‑637/13 P, EU:C:2017:51, point 71 et jurisprudence citée).

145 En revanche, il ressort du paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006 que l’immunité partielle d’amende est accordée, notamment, lorsqu’un demandeur de clémence fournit à la Commission des preuves que celle-ci utilise pour établir des éléments de fait supplémentaires qui renforcent la gravité de l’infraction, c’est-à-dire la gravité globale de l’infraction.

146 En l’espèce, d’un côté, la réduction de 3 % accordée à Sanyo, à NEC Tokin, à Matsuo et à Nichicon a tenu compte de la gravité relative de leur participation à l’infraction, voire de leur non-participation à certains groupes de réunions.

147 D’un autre côté, le refus d’accorder aux requérantes une immunité partielle d’amende concernant la gravité de l’infraction s’est fondé sur le fait que les preuves concernant notamment les réunions CUP n’avaient pas permis à la Commission de renforcer la gravité globale de l’infraction (voir points 33 et 97 ci-dessus).

148 Il s’ensuit qu’un traitement moins favorable des requérantes n’est pas démontré en l’espèce, puisque leur situation et celle des entreprises susmentionnées n’est pas comparable, ni d’un point de vue factuel ni d’un point de vue juridique.

149 La troisième branche du premier moyen et, partant, le premier moyen dans son ensemble doivent donc être écartés.

b) Sur le second moyen, relatif au refus de la Commission de s’écarter de la méthode générale prévue par les lignes directrices de 2006 et d’accorder une réduction du montant de l’amende au titre du paragraphe 37 de ces lignes directrices

150 Dans le cadre du second moyen, les requérantes font valoir, en substance, que la Commission aurait dû s’écarter de la méthode générale prévue par les lignes directrices de 2006 afin de leur octroyer une réduction additionnelle du montant de l’amende sur la base du paragraphe 37 des lignes directrices de 2006.

151 Le paragraphe 37 des lignes directrices de 2006 dispose ce qui suit :

« Bien que les présentes [l]ignes directrices exposent la méthodologie générale pour la fixation d’amendes, les particularités d’une affaire donnée ou la nécessité d’atteindre un niveau dissuasif dans une affaire particulière peuvent justifier que la Commission s’écarte de cette méthodologie ou des limites fixées au p[aragraphe] 21. »

152 Le paragraphe 37 des lignes directrices de 2006 permet ainsi à la Commission de s’écarter de la méthode générale prévue par celles-ci, afin de tenir compte des particularités d’une affaire donnée ou d’atteindre un niveau dissuasif suffisant.

153 À cet égard, il convient de rappeler que, s’il est vrai que la Commission bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation pour ce qui est de la méthode de calcul des amendes en cas de violation des règles de l’Union en matière de concurrence (voir point 57 ci-dessus), elle a néanmoins adopté, dans un souci de transparence, les lignes directrices de 2006, dans lesquelles elle indique à quel titre elle prendra en considération telle ou telle circonstance de l’infraction et les conséquences qui pourront en être tirées sur le montant de l’amende (voir arrêt du 10 juillet 2019, Commission/Icap e.a., C‑39/18 P, EU:C:2019:584, point 25 et jurisprudence citée).

154 Or, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée au point 58 ci-dessus, en adoptant des règles de conduite telles que les lignes directrices de 2006, la Commission s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et ne saurait se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime.

155 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le second moyen soulevé par les requérantes.

156 Ce moyen comporte, en substance, deux branches. La première branche est tirée d’une violation de l’obligation de motivation. La seconde branche est tirée d’une erreur de droit et de la violation des principes de proportionnalité, d’égalité de traitement et d’individualisation des peines et des sanctions.

1) Sur la première branche du second moyen, tirée d’une violation de l’obligation de motivation

157 Les requérantes font valoir que la décision attaquée n’est pas suffisamment motivée s’agissant du refus de la Commission de s’écarter de la méthode générale prévue par les lignes directrices de 2006 et de leur accorder une réduction additionnelle de l’amende sur la base du paragraphe 37 des lignes directrices de 2006. En particulier, la décision attaquée ne contiendrait pas une réponse à l’argumentation soulevée par les requérantes à cet égard. En l’espèce, l’application stricte de la méthodologie prévue par les lignes directrices de 2006 conduirait à un montant de base de l’amende supérieur au plafond de 10 % du chiffre d’affaires, ce qui aurait dû mener la Commission à s’écarter de cette méthodologie, faute de quoi la réduction accordée aux requérantes pour leur coopération ne serait pas effective à la suite de l’application dudit plafond.

158 La Commission conteste ces arguments.

159 En ce qui concerne l’obligation de motivation, il convient de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante, rappelée au point 63 ci-dessus, que la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et au juge de l’Union d’exercer son contrôle.

160 En particulier, lorsque la Commission décide de s’écarter de la méthodologie générale exposée dans les lignes directrices de 2006, par lesquelles elle s’est autolimitée dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation quant à la fixation du montant des amendes, en s’appuyant sur le paragraphe 37 de ces lignes directrices, ces exigences de motivation s’imposent avec d’autant plus de vigueur (voir arrêt du 12 juillet 2019, Hitachi-LG Data Storage et Hitachi-LG Data Storage Korea/Commission, T‑1/16, EU:T:2019:514, point 80 et jurisprudence citée). À cet égard, il y a lieu de relever qu’il ressort de la jurisprudence rappelée au point 58 ci-dessus que les lignes directrices de 2006 énoncent une règle de conduite indicative de la pratique à suivre dont la Commission ne peut s’écarter, dans un cas particulier, sans donner des raisons qui soient compatibles avec, notamment, le principe d’égalité de traitement.

161 Il en résulte, a contrario, que la Commission ne se trouve pas dans l’obligation de donner une motivation particulière quand elle décide de se conformer aux règles indicatives qu’elle s’est elle-même imposées, telles que celles prévues aux lignes directrices de 2006 (voir, en ce sens, ordonnance du 2 février 2012, Elf Aquitaine/Commission, C‑404/11 P, non publiée, EU:C:2012:56, point 60). En effet, elle n’était tenue que de motiver dans la décision attaquée la méthodologie appliquée pour le calcul du montant de l’amende et non les éléments qu’elle n’a pas pris en compte lors dudit calcul et, en particulier, les raisons pour lesquelles elle n’a pas eu recours à l’exception prévue au paragraphe 37 des lignes directrices de 2006 (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2019, Hitachi-LG Data Storage et Hitachi-LG Data Storage Korea/Commission, T‑1/16, EU:T:2019:514, point 81).

162 Tel est précisément le cas en l’espèce, dans lequel la Commission a décidé d’appliquer la méthodologie exposée dans les lignes directrices de 2006 pour le calcul des amendes infligées aux participants à l’entente (voir point 21 ci-dessus). Ainsi, la Commission ayant expliqué, dans la décision attaquée, les différents éléments relatifs à l’application de cette méthodologie (voir points 21 à 34 ci-dessus), aucune violation de l’obligation de motivation ne saurait lui être reprochée.

163 En tout état de cause, il convient de constater, à l’instar de la Commission, que la décision attaquée contient une motivation suffisante en ce qui concerne, en particulier, le refus de la Commission de s’écarter de la méthode générale prévue par les lignes directrices de 2006 et d’accorder aux requérantes une réduction additionnelle de l’amende sur le fondement du paragraphe 37 des lignes directrices de 2006 (voir point 29 ci-dessus).

164 En effet, il ressort des considérants 1052 et 1053 de la décision attaquée que la Commission a présenté trois motifs à cet égard, à savoir, en premier lieu, sa large marge d’appréciation s’agissant de l’application du paragraphe 37 des lignes directrices de 2006, en deuxième lieu, les différentes circonstances du cas d’espèce par rapport à d’autres cas où une réduction de l’amende a été accordée par la Commission et, en troisième lieu et en tout état de cause, le fait que, selon une jurisprudence constante, la Commission n’est pas liée par sa pratique décisionnelle antérieure.

165 De plus, au considérant 1062 de la décision attaquée, la Commission a répondu à l’argument des requérantes selon lequel toute réduction de leur amende au motif de l’octroi d’une immunité partielle devrait être envisagée après l’application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires, sous peine de décourager les petites entreprises à produit unique de coopérer et de nuire à la politique de clémence de la Commission. En effet, audit considérant 1062, la Commission a relevé, en substance, que le fait qu’une réduction de l’amende accordée à une partie soit rendue caduque par les effets d’une autre disposition appliquée en faveur et pour le bénéfice de ladite partie – en l’espèce, l’application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires, prévu à l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 – ne saurait remettre en cause la méthode appliquée par la Commission pour le calcul du montant des amendes.

166 Il en résulte que la motivation de la décision attaquée est suffisante pour permettre aux requérantes de connaître les justifications de la décision de la Commission à cet égard et au juge de l’Union d’exercer son contrôle.

167 Par ailleurs, dans la mesure où le grief des requérantes devrait être compris en ce sens qu’elles soutiennent que la Commission aurait dû s’écarter de la méthode générale prévue par les lignes directrices de 2006 pour leur accorder une réduction additionnelle du montant de l’amende, il convient de relever qu’un tel grief concerne le bien-fondé de la décision de la Commission et doit être examiné dans le cadre de la seconde branche du présent moyen.

168 La première branche du second moyen doit donc être écartée.

2) Sur la seconde branche du second moyen, tirée d’une erreur de droit et d’une violation des principes de proportionnalité, d’égalité de traitement et d’individualisation des peines et des sanctions

169 Dans le cadre de la seconde branche du second moyen, les requérantes invoquent une erreur de droit ainsi qu’une violation des principes de proportionnalité, d’égalité de traitement et d’individualisation des peines et des sanctions en ce qui concerne le refus de la Commission de s’écarter de la méthode générale prévue par les lignes directrices de 2006 et de leur accorder une réduction additionnelle du montant de l’amende sur le fondement du paragraphe 37 de ces mêmes lignes.

170 En premier lieu, les requérantes soutiennent que, en l’espèce, la Commission était obligée de s’écarter de la méthode générale prévue par les lignes directrices de 2006, conformément à la jurisprudence issue des arrêts du 16 juin 2011, Putters International/Commission (T‑211/08, EU:T:2011:289), et du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission (T‑95/15, EU:T:2016:722). En effet, il ressortirait de ces arrêts que la Commission serait tenue de s’écarter de la méthode générale prévue par ces lignes directrices dans les cas où l’application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires à plusieurs participants à l’entente conduirait à une situation où toute différenciation en fonction de la gravité de l’infraction ou de circonstances atténuantes ne serait pas susceptible de se répercuter sur le montant des amendes. Selon les requérantes, ce serait le cas en l’espèce, dans la mesure où la Commission aurait été obligée d’appliquer le plafond de 10 % du chiffre d’affaires à plusieurs entreprises exerçant une activité économique « monoproduit » et participant à une entente de longue durée, en l’occurrence, les requérantes, Elna et Nippon Chemi-Con.

171 De même, il ressortirait de la pratique décisionnelle antérieure de la Commission que celle-ci se serait écartée des lignes directrices de 2006 dans des affaires, comme celle de l’espèce, présentant des circonstances particulières, telles que les décisions suivantes de la Commission relatives à des procédures d’application de l’article 101 TFUE : décision C(2014) 2074 final, du 2 avril 2014 (affaire AT.39792 – Grenaille abrasive métallique) ; décision C(2012) 2069 final, du 28 mars 2012 (affaire COMP/39.452 – Quincaillerie pour fenêtres et portes-fenêtres) ; décision C(2013) 8286, du 27 novembre 2013 (affaire AT.39633 – Crevettes) ; et décision C(2014) 9295 final, du 10 décembre 2014 (affaire AT.39780 – Enveloppes).

172 En deuxième lieu, les requérantes font valoir que l’application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires en l’occurrence n’aurait pas permis de différencier les requérantes des autres participants à l’entente, ni de tenir compte du caractère « monoproduit» de leur activité, ni de refléter le degré de leur coopération, étant donné que la réduction qui leur a été accordée ne se refléterait que dans le montant de base de l’amende et non dans le montant final de celle-ci. En particulier, l’application du plafond de 10 % n’aurait pas permis de différencier les requérantes des autres entreprises « monoproduit » participant à l’entente, notamment en ce qui concerne la durée différente de leur participation à l’infraction, et, partant, les amendes infligées aux requérantes ne refléteraient pas l’immunité partielle pour la durée de l’infraction qui leur a été accordée.

173 En troisième lieu, les requérantes soutiennent que cette situation compromettrait l’objectif du programme de clémence et dissuaderait les entreprises « monoproduit » de coopérer avec la Commission, ces entreprises ne bénéficiant pas de la coopération dont elles font preuve lors de l’enquête de la Commission.

174 La Commission objecte, en substance, qu’elle n’était pas tenue, en l’espèce, de s’écarter de la méthode générale prévue par les lignes directrices de 2006.

175 À titre liminaire, il convient de relever que, ainsi qu’il a été rappelé au point 58 ci-dessus, les lignes directrices de 2006 énoncent une règle de conduite indicative de la pratique à suivre dont la Commission ne peut s’écarter, dans un cas particulier, sans donner des raisons qui soient compatibles avec, notamment, le principe d’égalité de traitement.

176 En outre, il convient de rappeler les étapes pour le calcul du montant des amendes infligées aux requérantes qui ont été suivies en l’espèce par la Commission. À cet égard, il ressort du dossier que, tout d’abord, le montant de base de l’amende à infliger à la première requérante a été calculé sans tenir compte de la période allant du 26 juin 1998 au 28 août 2003, dès lors que la Commission lui avait accordé une immunité partielle d’amende pour cette période, au titre du paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006 (voir point 26 ci-dessus).

177 Ainsi, à la suite des étapes rappelées aux points 21 à 27 ci-dessus, la Commission a fixé à 61 434 000 euros, le montant de base de l’amende à infliger à la première requérante et à 39 598 000 euros, le montant de base de l’amende à infliger à la seconde requérante.

178 Ensuite, étant donné que le montant de base de l’amende à infliger à la première requérante dépassait 10 % du chiffre d’affaires réalisé au cours de l’exercice social précédent, la Commission a fait application de cette limite et, en conséquence, le montant de base de l’amende a été ramené à 40 606 385 euros, conformément à l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1/2003 (voir point 31 ci-dessus).

179 Enfin, sur ce montant de base de 40 606 385 euros, la Commission a appliqué une réduction de 30 % au titre du paragraphe 26, premier alinéa, deuxième tiret, de la communication sur la coopération de 2006. Le montant total des amendes infligées aux requérantes s’élève donc à 28 424 000 euros (voir points 32 et 34 ci-dessus).

180 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments des requérantes.

181 En premier lieu, il convient de relever que c’est à tort que les requérantes font valoir qu’il ressortirait de la jurisprudence que la Commission serait tenue de s’écarter de la méthode générale prévue par les lignes directrices de 2006 en raison du fait que l’utilisation de la méthode prévue dans ces lignes directrices conduisait à une application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires à plusieurs participants à l’entente.

182 Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, leur argumentation ne trouve aucun appui dans l’arrêt du 16 juin 2011, Putters International/Commission (T‑211/08, EU:T:2011:289). À cet égard, il convient de constater que, au point 75 de cet arrêt, tout d’abord, le Tribunal a, certes, relevé que la multiplication du montant déterminé en fonction de la valeur des ventes par le nombre d’années de participation à l’infraction pouvait impliquer que, dans le cadre des lignes directrices de 2006, l’application du plafond de 10 % prévu à l’article 23 du règlement no 1/2003 soit désormais la règle plutôt que l’exception pour toute entreprise qui opérait principalement sur un seul marché et qui avait participé pendant plus d’un an à une entente. De plus, le Tribunal a estimé que, dans ce cas, toute différenciation en fonction de la gravité ou de circonstances atténuantes ne serait normalement plus susceptible de se répercuter sur une amende qui avait été écrêtée afin d’être ramenée à 10 %.

183 Toutefois, au point 75 de l’arrêt du 16 juin 2011, Putters International/Commission (T‑211/08, EU:T:2011:289), le Tribunal, tout d’abord, s’est limité à relever que l’absence de différenciation résultant de la nouvelle méthodologie de calcul des amendes dans le cadre des lignes directrices de 2006 pouvait nécessiter qu’il exerce sa compétence de pleine juridiction dans les cas concrets où la seule application de ces lignes directrices ne permettait pas une différenciation appropriée. En outre, ainsi qu’il ressort de ce même point 75, ainsi que des points 81 à 87 dudit arrêt, le Tribunal a jugé que, en l’occurrence, c’était à bon droit que la Commission avait conclu qu’il n’y avait pas de motif de nature à justifier la réduction de l’amende demandée par la partie requérante. Ainsi, il a considéré qu’il n’était pas nécessaire d’exercer sa compétence de pleine juridiction.

184 Par ailleurs, il y a lieu d’observer que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 16 juin 2011, Putters International/Commission (T‑211/08, EU:T:2011:289), l’amende finale infligée par la Commission correspondait à l’amende maximale, à savoir l’amende correspondant au plafond de 10 % du chiffre d’affaires de l’exercice précédent. Or, ce n’est pas le cas en l’espèce, dans la mesure où, après l’application dudit plafond, les requérantes ont encore bénéficié d’une réduction de 30 % du montant de l’amende qui leur aurait à défaut été infligée (voir points 32, 178 et 179 ci-dessus).

185 De même, l’arrêt du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission (T‑95/15, EU:T:2016:722), n’offre aucun soutien à l’argumentation des requérantes. D’une part, aux points 50 et suivants de cet arrêt, le Tribunal n’a examiné que la question du respect de l’obligation de motivation de la Commission. D’autre part, au point 51 dudit arrêt, le Tribunal ne se réfère pas directement à l’arrêt du 16 juin 2011, Putters International/Commission (T‑211/08, EU:T:2011:289), mais se limite à reprendre ce que la Commission a relevé à ce sujet dans la décision attaquée.

186 Partant, l’argumentation des requérantes ne saurait utilement s’appuyer sur ces arrêts. D’une manière générale, cette argumentation n’est pas confirmée par la jurisprudence.

187 En effet, la Cour a déjà jugé qu’il n’était pas contraire aux principes de proportionnalité et d’égalité de traitement que, par application de la méthode de calcul des amendes prévue dans les lignes directrices de 2006, une entreprise se voie infliger une amende représentant une proportion de son chiffre d’affaires global plus élevée que celle que représentaient les amendes infligées respectivement à chacune des autres entreprises. En effet, il est inhérent à cette méthode de calcul, laquelle n’est pas fondée sur le chiffre d’affaires global des entreprises concernées, que des disparités apparaissent entre ces entreprises en ce qui concerne le rapport entre ce chiffre d’affaires et le montant des amendes qui leur sont infligées (voir, en ce sens, arrêt du 7 septembre 2016, Pilkington Group e.a./Commission, C‑101/15 P, EU:C:2016:631, point 64).

188 De plus, il ressort de la jurisprudence que la Commission n’est pas tenue, lors de la détermination du montant des amendes, de s’assurer, dans le cas où de telles amendes sont infligées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction, que les montants finaux des amendes traduisent une différenciation entre les entreprises concernées quant à leur chiffre d’affaires global (voir arrêt du 7 septembre 2016, Pilkington Group e.a./Commission, C‑101/15 P, EU:C:2016:631, point 65 et jurisprudence citée).

189 De surcroît, la Cour a jugé que la différence de pourcentage que représenterait l’amende dans le chiffre d’affaires total des entreprises concernées en raison du caractère moins diversifié de leur activité ne saurait en soi constituer un motif suffisant pour justifier que la Commission s’écarte de la méthode de calcul qu’elle s’est elle-même fixée. En effet, cela reviendrait à avantager certaines entreprises sur la base d’un critère qui est sans pertinence au regard de la gravité et de la durée de l’infraction. Or, s’agissant de la détermination du montant de l’amende, il ne saurait être opéré, par l’application de méthodes de calcul différentes, une discrimination entre les entreprises qui ont participé à un accord ou à une pratique concertée contraire à l’article 101, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 7 septembre 2016, Pilkington Group e.a./Commission, C‑101/15 P, EU:C:2016:631, point 66 et jurisprudence citée).

190 Il résulte de ce qui précède que la circonstance que la Commission soit obligée d’appliquer le plafond de 10 % du chiffre d’affaires au montant de base des amendes à infliger aux requérantes ainsi qu’à d’autres entreprises à caractère « monoproduit », en admettant que ce dernier soit établi, n’imposait pas à la Commission de s’écarter de la méthode de calcul des amendes prévue aux lignes directrices de 2006.

191 En deuxième lieu, il convient de relever que, contrairement à ce que semblent faire valoir les requérantes, la circonstance que la première requérante soit une entreprise « monoproduit » ne justifie pas, à elle seule, que la Commission s’écarte des lignes directrices de 2006 pour accorder une réduction des amendes infligées aux requérantes.

192 Tout d’abord, il ressort de la jurisprudence rappelée au point 189 ci-dessus que le fait qu’une entreprise participant à une entente ait un portefeuille de produits réduit n’est pas une raison suffisante pour justifier que la Commission s’écarte de la méthode de calcul des amendes qu’elle s’est elle-même fixée. D’une part, la méthode de calcul des amendes n’est pas, en toute hypothèse, fondée sur le chiffre d’affaires global des entreprises, mais, au contraire, sur la valeur des biens ou des services en relation avec l’infraction. Par conséquent, il est inhérent à cette méthode que des disparités apparaissent entre les entreprises en ce qui concerne le rapport entre ce chiffre d’affaires et le montant des amendes qui leur sont infligées. D’autre part, le caractère moins diversifié des activités de certaines entreprises n’est pas un critère pertinent au regard de la gravité et de la durée de l’infraction et ne saurait donc constituer un motif pour avantager ces entreprises par l’application de méthodes de calcul différentes.

193 Ensuite, la forte spécialisation des requérantes ou la moindre diversification de leur activité par rapport à d’autres participants à l’entente ne sauraient suffire, en elles-mêmes, pour établir que la Commission aurait violé les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité en n’appliquant pas des critères particuliers pour le calcul du montant de l’amende infligée aux requérantes. En effet, il résulte de la jurisprudence que la partie du chiffre d’affaires global provenant de la vente des produits qui font l’objet de l’infraction en cause est la mieux à même de refléter l’importance économique de cette infraction. Par conséquent, dès lors que les requérantes réalisent une part particulièrement importante, voire la quasi-totalité, de leur chiffre d’affaires total avec les produits qui font l’objet de l’infraction, le fait que le montant de l’amende infligée aux requérantes représente un pourcentage plus élevé du chiffre d’affaires total par rapport à d’autres participants à l’entente ne fait que refléter l’importance économique de cette infraction pour les requérantes. Un tel résultat n’est pas contraire aux principes d’égalité de traitement ou de proportionnalité (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2019, Hitachi-LG Data Storage et Hitachi-LG Data Storage Korea/Commission, T‑1/16, EU:T:2019:514, point 112 et jurisprudence citée).

194 Enfin, une entreprise, telle que la première requérante, qui réalise une part particulièrement importante de son chiffre d’affaires total avec le produit relevant de l’entente retire en conséquence un bénéfice particulièrement important de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2018, Servier e.a./Commission, T‑691/14, sous pourvoi, EU:T:2018:922, point 1923).

195 En troisième lieu, dans la mesure où les requérantes font valoir que, dans le passé, la Commission aurait adopté une approche différente pour le calcul des amendes infligées à des entreprises « monoproduit » dépassant le plafond de 10 %, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la Commission n’est pas liée par sa pratique décisionnelle antérieure, cette dernière ne constituant pas, en tout état de cause, un cadre juridique pour le calcul du montant des amendes (voir arrêts du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, point 82 et jurisprudence citée, et du 7 septembre 2016, Pilkington Group e.a./Commission, C‑101/15 P, EU:C:2016:631, point 68 et jurisprudence citée).

196 En quatrième lieu, il convient d’écarter les arguments des requérantes tirés du fait que l’application, en l’espèce, du plafond de 10 % du chiffre d’affaires n’aurait permis ni de différencier les requérantes des autres entreprises « monoproduit », notamment en ce qui concerne la durée différente de leur participation à l’entente, ni de prendre en considération le degré de coopération des requérantes, lequel ne serait pas reflété dans le montant final des amendes qui leur ont été infligées.

197 À cet égard, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort du considérant 990 de la décision attaquée, la Commission a appliqué des coefficients multiplicateurs différents en fonction de la durée à l’égard tant des requérantes que d’Elna et de Nippon Chemi-Con (voir point 27 ci-dessus et considérant 1007, tableau 1 de la décision attaquée). Il est, certes, vrai, que ces coefficients ont été appliqués sur la valeur des ventes pertinente pour le calcul du montant de base des amendes, conformément au paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 (voir point 21 ci-dessus). Il est également vrai que, compte tenu du résultat de cette opération, la Commission a eu besoin de faire application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires prévu à l’article 23 paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1/2003 pour ramener le montant de base des amendes infligées à ces entreprises en dessous de ce plafond (voir considérant 1058 de la décision attaquée).

198 Toutefois, l’argumentation des requérantes selon laquelle l’application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires n’aurait pas permis de différencier les requérantes des autres entreprises « monoproduit » ne tient pas compte de la différence de finalité entre les critères pertinents pour la détermination du montant de base de l’amende et le plafond de 10 % du chiffre d’affaires.

199 À cet égard, il convient de rappeler que, selon le paragraphe 2 des lignes directrices de 2006, le montant de base est déterminé en fonction de la gravité et de la durée de l’infraction, tandis que le plafond de 10 % du chiffre d’affaires a un objectif distinct et autonome par rapport à celui des critères de gravité et de durée de l’infraction.

200 Ainsi, il ressort de la jurisprudence que, si l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 laisse à la Commission une marge d’appréciation, il en limite néanmoins l’exercice en instaurant des critères objectifs auxquels celle-ci doit se tenir. Ainsi, le montant de l’amende susceptible d’être infligée à une entreprise connaît un plafond chiffrable et absolu, de sorte que le montant maximal de l’amende pouvant être infligée à une entreprise donnée est déterminable à l’avance (voir arrêt du 16 février 2017, Hansen & Rosenthal et H&R Wax Company Vertrieb/Commission, C‑90/15 P, non publié, EU:C:2017:123, point 78 et jurisprudence citée).

201 D’une part, cette limite vise à éviter des amendes d’un niveau excessif et disproportionné (arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, point 281). D’autre part, elle a pour objectif d’éviter que ne soient infligées des amendes dont il est prévisible que les entreprises, au vu de leur taille, telle que déterminée par leur chiffre d’affaires global, fût-ce de façon approximative et imparfaite, ne seront pas en mesure de s’acquitter. Une telle limite a comme seule conséquence possible que le montant de l’amende calculé sur la base des critères de gravité et de durée de l’infraction soit réduit au niveau maximal autorisé lorsqu’il dépasse ce dernier. Son application implique que l’entreprise concernée ne paie pas la totalité de l’amende qui, en principe, serait due au titre d’une appréciation fondée sur lesdits critères (voir arrêt du 5 octobre 2011, Romana Tabacchi/Commission, T‑11/06, EU:T:2011:560, point 257 et jurisprudence citée).

202 Il en résulte que, même si l’application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires est plus probable pour les entreprises ayant un portefeuille de produits réduit, il n’en demeure pas moins que cette application ne saurait, en elle-même, avoir une incidence sur la méthode de calcul du montant des amendes, cette méthode et ce plafond ayant des objectifs distincts et autonomes, ainsi qu’il résulte des points 199 à 201 ci-dessus.

203 En cinquième lieu, il convient de relever que c’est à tort que les requérantes font valoir que l’application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires en l’occurrence ne permettrait pas de refléter le degré de coopération fournie par elles à l’enquête de la Commission.

204 À titre liminaire, il convient de relever que, ainsi qu’il a été rappelé au point 124 ci-dessus, l’objectif du programme de clémence de la Commission ne vise pas à ménager aux entreprises participant aux ententes secrètes la possibilité d’échapper aux conséquences pécuniaires de leur responsabilité, mais à faciliter la détection de telles pratiques et, ensuite, au cours de la procédure administrative, à aider la Commission dans ses efforts visant à la reconstitution des faits pertinents dans la mesure du possible.

205 Ainsi, la récompense prévue par le programme de clémence n’est pas accordée dans un but d’équité, mais en contrepartie d’une coopération ayant facilité le travail de la Commission (voir arrêt du 29 février 2016, EGL e.a./Commission, T‑251/12, non publié, EU:T:2016:114, point 184 et jurisprudence citée).

206 En l’espèce, il convient de constater qu’il ressort de la décision attaquée que les requérantes ont bénéficié, tout d’abord, d’une immunité partielle d’amende pour la période allant du 26 juin 1998 au 28 août 2003 au titre du paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006 ; ensuite, de l’application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires visé à l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1/2003 et, enfin, d’une réduction de 30 % du montant de l’amende qui leur aurait à défaut été infligée au titre du paragraphe 26, premier alinéa, deuxième tiret, de ladite communication (voir points 26, 31 et 32 ci-dessus).

207 Or, s’agissant de l’immunité partielle d’amende pour la durée de l’infraction, il convient de rappeler qu’il est inhérent à la logique de la politique de clémence que cette immunité partielle, visé au paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006, ne se traduit jamais par une réduction du montant final de l’amende, mais par une exemption de l’application du coefficient multiplicateur au titre de la durée afin de s’assurer que les entreprises ayant formé une demande de clémence ne se voient pas infliger une amende au titre de la période d’infraction pour laquelle elles ont fourni des informations à la Commission (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 24 mars 2011, FRA.BO/Commission, T‑381/06, non publié, EU:T:2011:111, point 70).

208 En outre, s’agissant de l’application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires, il convient de relever, ainsi que la Commission l’a observé au considérant 1062 de la décision attaquée, que le fait qu’une réduction de l’amende accordée à une entreprise soit rendue caduque par les effets d’une autre disposition appliquée en faveur et pour le bénéfice de ladite entreprise – en l’espèce, le plafond de 10 % de son chiffre d’affaires, conformément à l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 – ne saurait remettre en cause la méthode appliquée par la Commission pour le calcul du montant des amendes.

209 De surcroît, la Commission a reconnu que les requérantes avaient été la deuxième entreprise à fournir des éléments de preuve apportant une valeur ajoutée significative et leur a accordé une réduction de 30 % du montant de l’amende qui leur aurait à défaut été infligée, correspondant au pourcentage maximal de réduction prévu au paragraphe 26, premier alinéa, deuxième tiret, de la communication sur la coopération de 2006.

210 Ainsi, il convient de rejeter l’argument des requérantes tiré d’une prétendue absence de différenciation en ce qui concerne leur coopération à l’enquête de la Commission. Au contraire, il résulte de ce qui précède que, en l’espèce, l’application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires ainsi que de la réduction de 30 % au titre de la coopération ont entraîné une importante réduction de l’amende les concernant. En effet, le montant de base de l’amende avait été fixé à 61 434 000 euros pour la première requérante et à 39 598 000 euros pour la seconde requérante, soit à un total de 101 032 000 euros, tandis que le montant final de l’amende s’élève à 28 424 000 euros (voir points 177 et 179 ci-dessus).

211 Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, la violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement par application de la méthode de calcul des amendes prévue dans les lignes directrices de 2006 n’est pas démontrée en l’espèce.

212 Par ailleurs, s’agissant du principe d’individualisation des peines et des sanctions, il convient de rappeler que ce principe exige que, conformément à l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, le montant de l’amende devant être payée solidairement soit déterminé en fonction de la gravité de l’infraction individuellement reprochée à l’entreprise concernée et de la durée de celle-ci (voir arrêt du 19 juin 2014, FLS Plast/Commission, C‑243/12 P, EU:C:2014:2006, point 107 et jurisprudence citée). Il en découle que, lorsqu’elle détermine le rapport externe de solidarité, la Commission est en particulier tenue de respecter le principe d’individualisation des peines et des sanctions (arrêt du 10 avril 2014, Commission/Siemens Österreich e.a. et Siemens Transmission & Distribution e.a./Commission, C‑231/11 P à C‑233/11 P, EU:C:2014:256, point 52).

213 Or, l’argumentation des requérantes ne porte aucunement sur la contestation d’un rapport de solidarité que la Commission aurait appliqué, par erreur, en infligeant une amende unique à des entreprises différentes.

214 La seconde branche du second moyen et, par conséquent, le second moyen doivent donc être écartés.

215 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que les requérantes n’ont pas réussi à démontrer l’existence d’irrégularités commises par la Commission justifiant l’annulation de la décision attaquée en ce qui concerne les amendes qui leur ont été infligées.

216 Les conclusions en annulation formulées par les requérantes doivent dès lors être rejetées.

217 Par ailleurs, en ce que l’argumentation des requérantes, dans le cadre des premier et second moyens, vise à ce que le Tribunal exerce sa compétence de pleine juridiction pour réduire le montant des amendes qui leur ont été infligées, cette argumentation sera examinée ci-après.

2. Sur les conclusions tendantà la réduction du montant des amendes infligées aux requérantes

218 Les requérantes demandent au Tribunal d’exercer sa compétence de pleine juridiction pour réduire le montant des amendes qui leur ont été infligées, dans la mesure où ce montant ne serait pas raisonnable, ni proportionné, et ne refléterait pas le degré « exceptionnel » de coopération à l’enquête de la Commission dont elles auraient fait preuve. Il ressort de l’ensemble des écritures des requérantes, ainsi que de leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience, que les requérantes invitent le Tribunal à effectuer soit une réduction du montant de base de l’amende soit une réduction du montant final de l’amende, dans les termes énoncés aux points 219 à 221 ci-après. Alternativement, les requérantes demandent au Tribunal d’effectuer la réduction du montant de l’amende qu’il estime adéquate, à condition qu’il y ait une réduction effective du montant des amendes qui leurs ont été infligées.

219 S’agissant du montant de base de l’amende, les requérantes soutiennent que l’application stricte de la méthodologie prévue aux lignes directrices de 2006 et, en particulier, l’application du plafond de 10 % aboutissent à un montant de base de l’amende qui ne reflète pas le bénéfice de l’immunité partielle d’amende pour la durée de l’infraction qui leur a été accordée. De même, ce montant de base de l’amende ne refléterait pas leur degré de coopération lors de l’enquête de la Commission. Ainsi, les requérantes demandent au Tribunal que le montant de base de l’amende soit réduit d’au moins 34 %, de sorte que ce montant soit ramené en dessous du plafond de 10 % du chiffre d’affaires.

220 Cette réduction minimale de 34 % du montant de base de l’amende correspondrait à la somme de plusieurs éléments et résulterait notamment de l’application des réductions suivantes. Tout d’abord, les requérantes demandent une réduction de 3 % pour tenir compte des preuves qu’elles ont produites concernant l’existence des réunions CUP et leur caractère « plus anticoncurrentiel » que les autres constituants de l’infraction. Ensuite, elles demandent une autre réduction de 3 % pour tenir compte des preuves qu’elles ont produites concernant l’existence des réunions ECC. Ces deux réductions successives se justifieraient d’autant plus qu’une réduction de 3 % aurait été accordée aux entreprises dont la participation aux réunions CUP n’a pas été établie. Enfin, une réduction de 20 % devrait leur être accordée pour les récompenser de leur coopération exceptionnelle lors de l’enquête de la Commission qui aurait permis à celle-ci d’établir plusieurs aspects distincts de l’infraction, notamment, un mécanisme de surveillance.

221 S’agissant du montant final de l’amende, les requérantes font valoir que ce montant ne reflète pas leur degré « exceptionnel » de coopération à l’enquête de la Commission. Par conséquent, elles invitent le Tribunal à leur accorder une réduction additionnelle de 20 % du montant final de l’amende.

222 La Commission conteste ces arguments.

223 À titre liminaire, il convient de relever que la compétence de pleine juridiction habilite le juge de l’Union, au-delà du simple contrôle de la légalité de la sanction, à substituer sa propre appréciation, pour la détermination du montant de cette sanction, à celle de la Commission, auteur de l’acte dans lequel ce montant a été initialement fixé. En conséquence, le juge de l’Union peut réformer l’acte attaqué, même en l’absence d’annulation, afin de supprimer, de réduire ou de majorer l’amende infligée, cette compétence étant exercée en tenant compte de toutes les circonstances de fait (voir arrêt du 25 juillet 2018, Orange Polska/Commission, C‑123/16 P, EU:C:2018:590, point 106 et jurisprudence citée).

224 Afin de satisfaire aux exigences d’un contrôle de pleine juridiction au sens de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne en ce qui concerne l’amende, le juge de l’Union est tenu, dans l’exercice des compétences prévues aux articles 261 et 263 TFUE, d’examiner tout grief, de droit ou de fait, visant à démontrer que le montant de l’amende n’est pas en adéquation avec la gravité et la durée de l’infraction (voir arrêt du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch/Commission, C‑625/13 P, EU:C:2017:52, point 180 et jurisprudence citée).

225 Il importe cependant de souligner que l’exercice de la compétence de pleine juridiction n’équivaut pas à un contrôle d’office et de rappeler que la procédure devant les juridictions de l’Union est contradictoire. Ainsi, à l’exception des moyens d’ordre public que le juge est tenu de soulever d’office, tels que l’absence de motivation de la décision attaquée, c’est à la partie requérante qu’il appartient de soulever les moyens à l’encontre de cette dernière et d’apporter des éléments de preuve à l’appui de ces moyens (voir arrêt du 9 juin 2016, Repsol Lubricantes y Especialidades e.a./Commission, C‑617/13 P, EU:C:2016:416, point 85 et jurisprudence citée).

226 En outre, il convient de rappeler que, lors de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, le Tribunal n’est pas lié par les lignes directrices de 2006, lesquelles ne préjugent pas de l’appréciation de l’amende par le juge de l’Union. En effet, bien que la Commission soit tenue de respecter le principe de protection de la confiance légitime lorsqu’elle applique les règles qu’elle s’est imposées, telles que les lignes directrices de 2006, ce principe ne saurait lier dans les mêmes termes les juridictions de l’Union pour autant qu’elles n’envisagent pas d’appliquer une méthode de calcul spécifique des amendes dans l’exercice de leur compétence de pleine juridiction, mais examinent au cas par cas les situations qui leur sont soumises en tenant compte de l’ensemble des circonstances de fait et de droit afférentes à celles-ci (voir arrêt du 14 mai 2014, Donau Chemie/Commission, T‑406/09, EU:T:2014:254, point 59 et jurisprudence citée).

227 Toutefois, il découle également de la jurisprudence de la Cour que l’exercice d’une compétence de pleine juridiction ne saurait entraîner, lors de la détermination du montant des amendes, une discrimination entre les entreprises qui ont participé à un accord contraire aux règles de concurrence du droit de l’Union. Si le Tribunal entend s’écarter spécifiquement à l’égard de l’une de ces entreprises de la méthode de calcul suivie par la Commission et qu’il n’a pas remise en cause, il est nécessaire qu’il s’en explique dans son arrêt (voir arrêt du 14 mai 2014, Donau Chemie/Commission, T‑406/09, EU:T:2014:254, point 60 et jurisprudence citée). Le Tribunal est ainsi en droit de porter le montant de l’amende à un niveau inférieur à celui résultant de l’application des lignes directrices de 2006, si les circonstances de l’affaire dont il est saisi le justifient. Encore faut-il, toutefois, que la partie requérante invoque des motifs pertinents, susceptibles de justifier une telle réduction et les étaye de preuves (voir arrêt du 14 mai 2014, Donau Chemie/Commission, T‑406/09, EU:T:2014:254, point 310 et jurisprudence citée).

228 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner, en l’espèce, si les circonstances invoquées par les requérantes peuvent, même en l’absence d’une erreur de droit ou d’une erreur d’appréciation commise par la Commission, justifier que le Tribunal opère une réduction du montant des amendes qui leur ont été infligées par la décision attaquée.

229 En premier lieu, s’agissant de la demande visant à la réduction du montant de base de l’amende d’au moins 34 %, tout d’abord, il y a lieu de constater que les requérantes n’offrent aucune explication permettant de comprendre comment elles sont arrivées à un tel pourcentage de réduction, en dehors du fait que ce pourcentage permettrait de ramener le montant de base de l’amende en dessous du plafond de 10 % du chiffre d’affaires.

230 Ensuite, pour ce qui est des demandes de réduction de 3 % du montant de base de l’amende, il convient de relever que, contrairement à ce que font valoir les requérantes, ces réductions ne sont pas justifiées en l’espèce. Premièrement, ainsi qu’il a été relevé aux points 135 et 140 ci-dessus, les requérantes ne peuvent pas prétendre à ce que leur soit accordée une réduction de 3 % similaire à celle accordée aux entreprises dont la participation aux réunions CUP n’a pas été établie, étant donné que la situation factuelle et juridique des requérantes n’est pas comparable à celle de ces dernières entreprises.

231 Deuxièmement, ainsi qu’il a été constaté aux points 101, 102 et 118 ci-dessus, le caractère « plus anticoncurrentiel » des réunions CUP que celui des autres échanges constitutifs de l’entente n’est pas démontré en l’espèce, contrairement à ce que font valoir les requérantes.

232 Troisièmement, ainsi qu’il ressort des points 26 et 32 ci-dessus, la coopération des requérantes à l’enquête de la Commission, y compris en ce qui concerne les preuves qu’elles ont fournies concernant les réunions ECC et CUP, a été récompensée à deux niveaux. D’une part, il a été accordé à la première requérante une immunité partielle d’amende concernant la durée de l’infraction, pour la période allant du 26 juin 1998 au 28 août 2003, au titre du paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006. D’autre part, il a été octroyé aux requérantes, au titre du paragraphe 26, premier alinéa, deuxième tiret, de ladite communication, une réduction de 30 % du montant final de l’amende qui leur aurait à défaut été infligée.

233 Enfin, il convient d’examiner l’argumentation des requérantes en ce que celle-ci se fonde sur le fait que le bénéfice de l’immunité partielle d’amende pour la durée de l’infraction qui leur a été accordée au titre du paragraphe 26, troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2006 a été rendu caduc par les effets de l’application du plafond de 10 % prévu à l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003.

234 En l’espèce, il convient de constater que la Commission a retenu, en ce qui concerne la première requérante, un coefficient multiplicateur de 8,65, qui ne tenait pas compte de la période allant du 26 juin 1998 au 28 août 2003 au motif que les requérantes avaient fourni des preuves déterminantes pour établir des éléments de fait supplémentaires renforçant la durée de l’infraction pour cette période (voir points 26 et 27 ci-dessus).

235 En outre, dans la mesure où le montant de base de l’amende à infliger à la première requérante dépassait la limite de 10 % prévue à l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, ce montant a été ramené à 10 % du chiffre d’affaires total réalisé par la première requérante au cours de l’exercice social précédent (voir point 31 ci-dessus).

236 Il en résulte que, certes, l’application du plafond de 10 % a eu comme conséquence, en l’espèce, que l’immunité partielle d’amende pour la durée de l’infraction n’était plus susceptible de se répercuter sur le montant de l’amende. Toutefois, cette circonstance ne saurait à elle seule justifier une réduction supplémentaire de l’amende en vue d’assurer le respect des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité.

237 En effet, d’une part, ainsi qu’il a été rappelé au point 207 ci-dessus, il est inhérent à la logique de la politique de clémence que l’immunité partielle d’amende, au titre de la durée de l’infraction, ne se traduise pas par une réduction du montant final de l’amende, mais par une application d’un coefficient multiplicateur moins important afin d’éviter qu’une amende ne soit infligée au titre de la période d’infraction pour laquelle les entreprises ayant formé une demande de clémence ont fourni des informations à la Commission.

238 D’autre part, il n’est pas démontré que, en l’espèce, l’application de la méthodologie prévue aux lignes directrices de 2006 conjointement avec l’application du plafond de 10 % entraînerait une absence de différenciation au sens de la jurisprudence rappelée au point 183 ci-dessus, en ce qui concerne l’amende finale infligée aux requérantes.

239 Ainsi qu’il a été relevé au point 193 ci-dessus, le fait que le montant de l’amende infligée aux requérantes représente un pourcentage plus élevé du chiffre d’affaires total par rapport à d’autres participants à l’entente ne fait que refléter l’importance économique de cette infraction pour les requérantes. Un tel résultat ne saurait donc être contraire aux principes d’égalité de traitement et de proportionnalité.

240 En outre, dans la mesure où la Commission a accordé aux requérantes une réduction de 30 % du montant de l’amende au titre du paragraphe 26, premier alinéa, deuxième tiret, de la communication sur la coopération de 2006 (voir point 32 ci-dessus), c’est à tort que les requérantes soutiennent que le montant final de cette amende ne refléterait pas leur coopération à l’enquête de la Commission.

241 En second lieu, s’agissant de la demande visant à une réduction supplémentaire de 20 % du montant final de l’amende, il vient d’être rappelé au point 240 ci-dessus que, en l’espèce, la Commission a récompensé les requérantes pour leur coopération à l’enquête, leur accordant la réduction maximale prévue à la communication sur la coopération de 2006 pour l’entreprise qui est la deuxième à fournir des preuves ayant une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments de preuve déjà en sa possession.

242 À l’instar de la Commission, il convient de relever que les requérantes ne peuvent prétendre à une réduction supplémentaire de 20 % en plus de la réduction de 30 % qui leur a déjà été octroyée. En effet, une telle réduction serait équivalente à la réduction maximale qui peut être accordée à la première entreprise à fournir une valeur ajoutée significative (voir paragraphe 26, premier alinéa, premier tiret, de ladite communication).

243 Or, les requérantes ont été la deuxième entreprise à fournir une telle valeur, et, partant, une réduction du montant final de l’amende infligée aux requérantes supérieure à 30 % ne serait pas justifiée en l’espèce, notamment par rapport à l’entreprise qui a été la première à fournir une valeur ajoutée.

244 Il résulte de ce qui précède qu’aucune des circonstances invoquées par les requérantes ne justifie que le Tribunal exerce ses compétences de pleine juridiction en procédant à une réduction du montant de l’amende, notamment sur la base du paragraphe 37 des lignes directrices de 2006. En effet, rien ne permet de conclure que les amendes qui leur ont été infligées par la décision attaquée n’est pas en adéquation avec la gravité et la durée de l’infraction ou avec le degré de coopération fourni par les requérantes.

245 Les conclusions visant à la réduction du montant des amendes infligées aux requérantes doivent dès lors être rejetées et, par voie de conséquence, le recours dans son intégralité.

IV. Sur les dépens

246 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

247 Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie)

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) Rubycon Corp. et Rubycon Holdings Co. Ltd supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux de la Commission européenne.