TUE, 9e ch. élargie, 29 septembre 2021, n° T-343/18
TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Tokin Corp.
Défendeur :
Commission européenne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Costeira (rapporteure)
Juges :
M. Gratsias, Mme Kancheva, M. Berke, Mme Perišin
Avocat :
Me Thomas
LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie),
Antécédents du litige
Requérante et secteur concerné
1 La requérante, Tokin Corp., est une société établie au Japon, qui fabrique et vend des condensateurs électrolytiques au tantale. Elle était connue sous le nom de NEC Tokin Corporation jusqu’au 19 avril 2017.
2 Du 1er août 2009 au 31 janvier 2013, la requérante était détenue à 100 % par Nec Corp.
3 L’infraction en cause concerne les condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale. Les condensateurs sont des composants électriques qui stockent de l’énergie de manière électrostatique dans un champ électrique. Les condensateurs électrolytiques sont utilisés dans presque tous les produits électroniques, tels que des ordinateurs personnels, des tablettes, des téléphones, des climatiseurs, des réfrigérateurs, des lave-linges, des produits automobiles et des appareils industriels. La clientèle est donc très diversifiée. Les condensateurs électrolytiques, et plus précisément les condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale, sont des produits dont le prix constitue un paramètre concurrentiel important.
Procédure administrative
4 Le 4 octobre 2013, Panasonic et ses filiales ont saisi la Commission européenne d’une demande d’octroi d’un marqueur au titre des paragraphes 14 et 15 de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2006, C 298, p. 17, ci-après la « communication sur la coopération de 2006 »), en fournissant des informations sur l’existence d’une infraction présumée dans le secteur des condensateurs électrolytiques.
5 Le 28 mars 2014, la Commission a, au titre de l’article 18 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 et 102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), demandé des renseignements à plusieurs entreprises opérant dans le secteur des condensateurs électrolytiques, notamment à la requérante.
6 Le 21 mai 2014, la requérante, conjointement avec Nec, a présenté auprès de la Commission une demande de réduction du montant de l’amende au titre de la communication sur la coopération de 2006.
7 Le 4 novembre 2015, la Commission a adopté une communication des griefs qu’elle a adressée notamment à la requérante.
8 Les destinataires de la communication des griefs, dont la requérante, ont été entendus par la Commission lors de l’audition ayant eu lieu du 12 au 14 septembre 2016.
Décision attaquée
9 Le 21 mars 2018, la Commission a adopté la décision C(2018) 1768 final, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT.40136 – Condensateurs) (ci-après la « décision attaquée »).
Infraction
10 Par la décision attaquée, la Commission a constaté l’existence d’une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) dans le secteur des condensateurs électrolytiques, à laquelle neuf entreprises ou groupes d’entreprises, à savoir Elna, Hitachi AIC, Holy Stone, Matsuo, Nichicon, Nippon Chemi-Con, Rubycon, Sanyo (désignant Sanyo et Panasonic ensemble), Nec et la requérante, conjointement dénommées « NEC Tokin », ont participé (ci-après, pris ensemble, les « participants à l’entente ») (considérant 1 et article 1er de la décision attaquée).
11 La Commission a relevé, en substance, que l’infraction en cause s’était déroulée entre le 26 juin 1998 et le 23 avril 2012, sur l’ensemble du territoire de l’EEE, et avait consisté en des accords et/ou pratiques concertées qui avaient pour objet la coordination des politiques de prix en ce qui concerne la fourniture de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale (considérant 1 de la décision attaquée).
12 L’entente était essentiellement organisée au moyen de réunions multilatérales, qui se tenaient généralement au Japon, tous les mois ou un mois sur deux, au niveau des cadres supérieurs de vente, et tous les six mois, au niveau des dirigeants, y compris des présidents (considérants 63, 68 et 738 de la décision attaquée).
13 Les réunions multilatérales ont été, tout d’abord, organisées, entre 1998 et 2003, sous le nom de « cercle du/des condensateurs électrolytiques », de « conférence des condensateurs électrolytiques » ou de « réunions ECC ». Elles ont été, ensuite, organisées, entre 2003 et 2005, sous le nom de « conférence aluminium-tantale », de « groupe des condensateurs à l’aluminium ou au tantale » ou de « réunions ATC ». Elles ont été, enfin, organisées, entre 2005 et 2012, sous le nom de « groupe d’étude de marché » ou « groupe de marketing » (ci-après les « réunions MK »). Parallèlement aux réunions MK, et en complément de celles-ci, des réunions « augmentation des coûts » ou « augmentation des condensateurs » (ci-après les « réunions CUP »), ont été organisées, entre 2006 et 2008 (considérant 69 de la décision attaquée).
14 Outre ces réunions multilatérales, les participants à l’entente avaient également, selon les besoins, des contacts bilatéraux et trilatéraux ad hoc (considérants 63, 75 et 739 de la décision attaquée).
15 Dans le cadre des échanges anticoncurrentiels, les participants à l’entente, en substance, échangeaient des informations sur les prix et les futurs prix pratiqués, sur les futures réductions de prix et les fourchettes de ces réductions, sur l’offre et la demande, y compris sur l’offre et la demande futures, et, dans certains cas, concluaient, appliquaient et suivaient des accords sur les prix (considérants 62, 715, 732 et 741 de la décision attaquée).
16 La Commission a considéré que le comportement des participants à l’entente constituait une forme d’accord et/ou de pratique concertée, qui visait un objectif commun, à savoir éviter la concurrence par les prix et coordonner leur futur comportement concernant la vente de condensateurs électrolytiques, en réduisant ainsi l’incertitude sur le marché (considérants 726 et 731 de la décision attaquée).
17 La Commission a conclu que ce comportement avait un objet anticoncurrentiel unique (considérant 743 de la décision attaquée).
Responsabilité de la requérante et de Nec
18 La Commission a retenu la responsabilité de la requérante en raison de sa participation directe à l’entente du 29 janvier 2003 au 23 avril 2012, sauf en ce qui concerne les réunions CUP [considérants 944 et 1022 et article 1er, sous e), de la décision attaquée].
19 En outre, la Commission a retenu la responsabilité de Nec en sa qualité de société mère, détenant la totalité du capital de la requérante, pour la période allant du 1er août 2009 au 23 avril 2012, sauf en ce qui concerne les réunions CUP [considérants 945 et 1022 et article 1er, sous e), de la décision attaquée].
Amendes infligées à la requérante
20 L’article 2, sous f) et g), de la décision attaquée inflige, d’une part, une amende d’un montant de 5 036 000 euros à la requérante « conjointement et solidairement » avec Nec et, d’autre part, une amende d’un montant de 8 814 000 euros à la requérante.
Calcul du montant des amendes
21 Aux fins du calcul du montant des amendes, la Commission a suivi la méthodologie exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 ») (considérant 980 de la décision attaquée).
22 En premier lieu, pour déterminer le montant de base des amendes infligées à la requérante, la Commission a pris en compte la valeur des ventes durant la dernière année complète de participation à l’infraction, conformément au paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 (considérant 989 de la décision attaquée).
23 La Commission a calculé la valeur des ventes sur la base des ventes de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale facturées à des clients établis dans l’EEE (considérant 990 de la décision attaquée).
24 En outre, la Commission a calculé la valeur pertinente des ventes séparément pour les deux catégories de produits, à savoir les condensateurs électrolytiques à l’aluminium et les condensateurs électrolytiques au tantale, et leur a appliqué des coefficients multiplicateurs différents en fonction de la durée (considérant 991 de la décision attaquée).
25 En ce qui concerne la requérante, la Commission a retenu un coefficient multiplicateur pour la durée de 9,23, correspondant à la période comprise entre le 29 janvier 2003 et le 23 avril 2012 (considérant 1007, tableau 1, de la décision attaquée).
26 La Commission a fixé la proportion de la valeur des ventes à retenir au titre de la gravité de l’infraction à 16 %. À cet égard, elle a estimé que des « arrangements » horizontaux de coordination des prix comptaient, de par leur nature même, parmi les infractions les plus graves à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE et que l’entente s’étendait à l’ensemble du territoire de l’EEE (considérants 1001 à 1003 de la décision attaquée).
27 La Commission a appliqué un montant additionnel de 16 %, au titre du paragraphe 25 des lignes directrices de 2006, afin de s’assurer du caractère suffisamment dissuasif de l’amende infligée (considérant 1009 de la décision attaquée).
28 La Commission a, dès lors, fixé à 16 799 000 euros le montant de base de l’amende à infliger à la requérante, dont 6 108 000 correspondaient au montant de base de l’amende à infliger à la requérante conjointement et solidairement avec Nec (considérant 1010, tableau 2, de la décision attaquée).
29 En deuxième lieu, s’agissant des ajustements du montant de base des amendes, d’une part, la Commission a accordé à la requérante et à Nec, au titre des circonstances atténuantes, une réduction de 3 % du montant de base de l’amende, au motif que leur participation aux réunions CUP n’était pas établie et que rien ne prouvait qu’elles en avaient eu connaissance (considérant 1022 de la décision attaquée).
30 D’autre part, la Commission a estimé que, au moment où l’infraction en cause avait été commise, Nec avait déjà été tenue pour responsable d’un comportement anticoncurrentiel qui avait été constaté par la décision C(2011) 180/09 final de la Commission du 19 mai 2010 relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/38.511 – DRAM). Par conséquent, la Commission a estimé que, pour Nec, le montant de base de l’amende devait être augmenté de 50 % au titre de la circonstance aggravante de la récidive (considérants 1011 à 1013 de la décision attaquée).
31 En troisième lieu, la Commission a accordé à la requérante et à Nec, pour leur coopération au titre de la communication sur la coopération de 2006, une réduction de 15 % du montant de toute amende qui, à défaut, leur aurait été infligée pour l’infraction (considérants 1104 et 1105 de la décision attaquée).
32 La Commission a, dès lors, fixé à 16 445 000 le montant total des amendes infligées à la requérante et à Nec (considérant 1139, tableau 3, de la décision attaquée).
Dispositif de la décision attaquée
33 La décision attaquée, en ce qui concerne la requérante et Nec, dispose ce qui suit :
« Article premier
Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE en participant, au cours des périodes indiquées, à une infraction unique et continue dans le secteur des condensateurs électrolytiques couvrant l’ensemble du territoire de l’EEE, consistant en des accords et/ou pratiques concertées qui avaient pour objet la coordination des politiques de prix :
[…]
e) [la requérante] du 29 janvier 2003 au 23 avril 2012, [Nec] du 1er août 2009 au 23 avril 2012, sans que leur responsabilité s’étende aux réunions CUP ;
[…]
Article 2
Les amendes suivantes sont infligées pour l’infraction visée à l’article 1er :
[…]
f) [la requérante] et [Nec], conjointement et solidairement responsables : 5 036 000 [euros] ;
g) [la requérante] : 8 814 000 [euros] ;
h) [Nec] : 2 595 000 [euros] ;
[…] »
Procédure et conclusions des parties
34 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 juin 2018, la requérante a introduit le présent recours.
35 Le 26 septembre 2018, le mémoire en défense de la Commission a été déposé au greffe du Tribunal.
36 La réplique et la duplique ont été déposées au greffe du Tribunal, respectivement, le 22 novembre 2018 et le 29 janvier 2019.
37 Sur proposition de la deuxième chambre du Tribunal, celui-ci a décidé, en application de l’article 28 de son règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.
38 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, la juge rapporteure a été affectée à la neuvième chambre élargie, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.
39 Sur proposition de la juge rapporteure, le Tribunal (neuvième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a posé aux parties des questions écrites, en les invitant à y répondre lors de l’audience. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 12 octobre 2020.
40 À la suite du décès de M. le juge Berke survenu le 1er août 2021, les trois juges dont le présent arrêt porte la signature ont poursuivi les délibérations, conformément à l’article 22 et à l’article 24, paragraphe 1, du règlement de procédure.
41 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– à titre principal, annuler l’article 2, sous f) et g), de la décision attaquée, en ce que ces dispositions lui infligent des amendes ;
– à titre subsidiaire, réduire le montant des amendes qui lui ont été infligées ;
– condamner la Commission aux dépens.
42 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
43 La requérante invoque deux moyens à l’appui tant de ses conclusions, présentées à titre principal, qui tendent à l’annulation des amendes qui lui ont été infligées, que de ses conclusions, présentées à titre subsidiaire, qui tendent à la réduction du montant de ces amendes. Ces moyens sont tirés de diverses erreurs et violations commises par la Commission et relatives, respectivement, en ce qui concerne le premier moyen, à la période de référence choisie pour déterminer la valeur des ventes aux fins du calcul du montant de base des amendes, et, en ce qui concerne le second moyen, à la non-application, par la Commission, d’un coefficient de gravité plus faible en raison de la non-participation de la requérante aux réunions CUP.
Sur les conclusionstendant à l’annulationde la décision attaquée
44 À titre liminaire, il convient de rappeler que le système de contrôle juridictionnel des décisions de la Commission relatives aux procédures d’application des articles 101 et 102 TFUE consiste en un contrôle de la légalité des actes des institutions établi à l’article 263 TFUE, lequel peut être complété, en application de l’article 261 TFUE et sur demande des parties requérantes, par l’exercice par le Tribunal d’une compétence de pleine juridiction en ce qui concerne les sanctions infligées en ce domaine par la Commission (voir arrêt du 26 septembre 2018, Philips et Philips France/Commission, C‑98/17 P, non publié, EU:C:2018:774, point 49 et jurisprudence citée).
45 S’agissant du contrôle de légalité prévu à l’article 263 TFUE, il y a lieu de rappeler que celui-ci s’étend à l’ensemble des éléments des décisions de la Commission relatives aux procédures d’application des articles 101 et 102 TFUE dont le juge de l’Union européenne assure un contrôle approfondi, en droit comme en fait, à la lumière des moyens soulevés par la partie requérante et compte tenu de l’ensemble des éléments pertinents soumis par cette dernière. Toutefois, dans le cadre de ce contrôle, les juridictions de l’Union ne peuvent, en toute hypothèse, substituer leur propre motivation à celle de l’auteur de l’acte en cause (voir arrêt du 25 juillet 2018, Orange Polska/Commission, C‑123/16 P, EU:C:2018:590, point 105 et jurisprudence citée).
46 S’agissant du calcul du montant des amendes, il convient de rappeler que l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003 dispose que, pour déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci.
47 La Commission bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation pour ce qui est de la méthode de calcul des amendes. Cette méthode, circonscrite par les lignes directrices de 2006, comporte différents éléments de flexibilité permettant à la Commission d’exercer son pouvoir d’appréciation en conformité avec les dispositions de l’article 23 du règlement no 1/2003 (voir arrêts du 5 décembre 2013, Solvay Solexis/Commission, C‑449/11 P, non publié, EU:C:2013:802, point 100 et jurisprudence citée, et du 9 septembre 2015, LG Electronics/Commission, T‑91/13, non publié, EU:T:2015:609, point 158 et jurisprudence citée).
48 Selon une jurisprudence constante, en adoptant des règles de conduite telles que les lignes directrices de 2006 et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles-ci, la Commission s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et ne saurait se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime (voir arrêts du 21 septembre 2006, JCB Service/Commission, C‑167/04 P, EU:C:2006:594, point 208 et jurisprudence citée, et du 12 décembre 2012, Ecka Granulate et non ferrum Metallpulver/Commission, T‑400/09, non publié, EU:T:2012:675, point 40 et jurisprudence citée).
Sur le premier moyen, relatif à la période de référence choisie pour déterminer la valeur des ventes aux fins du calcul du montant de base des amendes
49 Dans le cadre du premier moyen, la requérante conteste, en substance, le fait que la Commission a utilisé la dernière année complète de participation à l’infraction comme période de référence pour calculer la valeur des ventes pertinente pour le calcul du montant de base des amendes qui lui ont été infligées. La requérante fait valoir, à titre principal, que les violations invoquées dans le cadre du présent moyen doivent donner lieu à l’annulation des amendes infligées, sans nouvelle fixation de leur valeur par le Tribunal, étant donné que celui-ci, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, ne serait pas en mesure de remettre tous les participants à l’entente sur un pied d’égalité.
50 Le premier moyen se divise, en substance, en deux branches. La première branche est tirée de la méconnaissance des limites qui s’imposent au pouvoir d’appréciation de la Commission en vertu de l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003 et de la violation du principe de proportionnalité. La seconde branche est tirée de la violation des principes de non-discrimination et d’égalité de traitement.
– Sur la première branche du premier moyen, tirée de la méconnaissance des limites qui s’imposent au pouvoir d’appréciation de la Commission en vertu de l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003 et de la violation du principe de proportionnalité
51 Dans le cadre de la première branche du premier moyen, la requérante fait valoir que la Commission a méconnu les limites qui s’imposaient à son pouvoir d’appréciation en vertu de l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003 et a violé le principe de proportionnalité, en ce qu’elle a utilisé, pour le calcul du montant de base de l’amende, la valeur des ventes de la requérante durant la dernière année complète de participation à l’infraction.
52 Selon la requérante, cette année ne serait pas représentative de sa taille et de sa puissance économique, ni de la portée de l’infraction. En premier lieu, les ventes de la requérante dans l’EEE présenteraient une très forte volatilité au cours des différentes années. En particulier, durant la dernière année de participation à l’infraction (à savoir entre le 1er avril 2011 et le 31 mars 2012), lesdites ventes auraient été exceptionnellement élevées par rapport aux années précédentes ainsi qu’à l’année suivante.
53 En deuxième lieu, la Commission aurait modifié la date de la fin de l’infraction au cours de la procédure administrative. En effet, dans le cadre de la communication des griefs, la Commission aurait indiqué que la requérante avait commis une infraction au cours de la période allant du 13 décembre 2002 au 11 décembre 2013, alors que, dans la décision attaquée, la période d’infraction se termine le 23 avril 2012. Or, l’utilisation de la dernière année complète de participation à l’infraction pour le calcul de la valeur des ventes, en combinaison avec la modification de la date de fin de l’infraction, aurait eu pour effet de multiplier plus de 17 fois la valeur de ces ventes et, par conséquent, le montant de l’amende, ce dont la Commission aurait eu connaissance.
54 En troisième lieu, la Commission aurait créé un risque de discrimination en ce qu’elle aurait tenu compte, pour le calcul du montant des amendes infligées à la requérante, d’une année non représentative des ventes de cette dernière compte tenu de la volatilité de ces ventes, alors que les ventes d’autres participants à l’entente étaient également volatiles, mais suivaient une tendance différente de celle de la requérante. À cet égard, la requérante soutient que le cas d’espèce serait similaire à celui de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 septembre 2010, Trioplast Industrier/Commission (T‑40/06, EU:T:2010:388).
55 La Commission conteste ces arguments.
56 Ainsi qu’il a été rappelé au point 46 ci-dessus, l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003 dispose que, pour déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci.
57 En particulier, le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 prévoit ce qui suit :
« En vue de déterminer le montant de base de l’amende à infliger, la Commission utilisera la valeur des ventes de biens ou services, réalisées par l’entreprise, en relation directe ou indirecte [...] avec l’infraction, dans le secteur géographique concerné à l’intérieur du territoire de l’EEE. La Commission utilisera normalement les ventes de l’entreprise durant la dernière année complète de sa participation à l’infraction […] »
58 Ainsi, le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 a pour objet de retenir comme point de départ pour le calcul du montant de l’amende infligée à une entreprise un montant qui reflète l’importance économique de l’infraction et le poids de cette entreprise dans celle-ci (arrêt du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, point 76 ; voir, également, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2016, Toshiba Corporation/Commission, C‑373/14 P, EU:C:2016:26, point 85 et jurisprudence citée).
59 Selon une jurisprudence constante, la part du chiffre d’affaires provenant des marchandises faisant l’objet de l’infraction est de nature à donner une juste indication de l’ampleur d’une infraction sur le marché concerné, le chiffre d’affaires réalisé sur les produits ayant fait l’objet d’une pratique restrictive constituant un élément objectif qui donne une juste mesure de la nocivité de cette pratique pour le jeu normal de la concurrence (voir arrêt du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission, T‑208/13, EU:T:2016:368, point 236 et jurisprudence citée).
60 En outre, ainsi qu’il a été rappelé au point 47 ci-dessus, la Commission bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation pour ce qui est de la méthode de calcul des amendes. Cette méthode, circonscrite par les lignes directrices de 2006, comporte différents éléments de flexibilité permettant à la Commission d’exercer son pouvoir d’appréciation en conformité avec les dispositions de l’article 23 du règlement no 1/2003.
61 En particulier, il ressort tant du libellé du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, par l’emploi de l’adverbe « normalement » dans la deuxième phrase de celui-ci, que du paragraphe 37 de ces mêmes lignes directrices que, dans le cadre de l’autolimitation de son pouvoir d’appréciation s’agissant du calcul des amendes, la Commission a envisagé l’hypothèse où les particularités d’une affaire justifiaient de déroger à la règle visant à la prise en considération, aux fins du calcul du montant de l’amende, des ventes réalisées par l’entreprise concernée durant la dernière année complète de sa participation à l’infraction (voir arrêt du 17 décembre 2014, Pilkington Group e.a./Commission, T‑72/09, non publié, EU:T:2014:1094, point 212 et jurisprudence citée).
62 Ce pouvoir d’appréciation est toutefois limité. En effet, les lignes directrices de 2006 énoncent une règle de conduite indicative de la pratique à suivre dont la Commission ne peut s’écarter, dans un cas particulier, sans donner des raisons qui soient compatibles avec, notamment, le principe d’égalité de traitement (voir arrêt du 10 juillet 2019, Commission/Icap e.a., C‑39/18 P, EU:C:2019:584, point 29 et jurisprudence citée).
63 Par ailleurs, il convient de rappeler que le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché. Dans le contexte du calcul du montant des amendes, la gravité des infractions doit être établie en fonction de nombreux éléments et il ne faut attribuer à aucun de ces éléments une importance disproportionnée par rapport aux autres éléments d’appréciation. Le principe de proportionnalité implique dans ce contexte que la Commission doit fixer l’amende proportionnellement aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l’infraction et qu’elle doit à ce sujet appliquer ces éléments de façon cohérente et objectivement justifiée (voir arrêts du 16 novembre 2011, Sachsa Verpackung/Commission, T‑79/06, non publié, EU:T:2011:674, point 258 et jurisprudence citée, et du 15 juillet 2015, Fapricela/Commission, T‑398/10, EU:T:2015:498, point 257 et jurisprudence citée).
64 En l’espèce, il est constant que, pour déterminer le montant de base des amendes infligées à la requérante, la Commission a pris en compte la valeur de ses ventes au sein de l’EEE durant la dernière année complète de participation à l’infraction, à savoir la période allant du 1er avril 2011 au 31 mars 2012 (voir points 22 et 23 ci-dessus). La Commission a donc fait application de la règle figurant au paragraphe 13 des lignes directrices de 2006.
65 À cet égard, il convient de relever que, d’une part, la marge d’appréciation que la Commission détient lors du calcul du montant de l’amende lui permet de prendre en compte, dans des circonstances habituelles, la dernière année de participation à l’infraction comme période de référence. En effet, une telle solution générale est justifiée, puisque ladite marge d’appréciation permet à la Commission de ne pas tenir compte de toute fluctuation de la valeur des ventes au cours des années de l’infraction et qu’une augmentation de la valeur des ventes peut être le résultat de l’entente elle-même (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2014, Esso e.a./Commission, T‑540/08, EU:T:2014:630, point 111).
66 D’autre part, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée au point 62 ci-dessus, dans la mesure où les lignes directrices de 2006 constituent une autolimitation de son pouvoir d’appréciation, la Commission ne peut s’en écarter dans un cas particulier sans donner des raisons qui soient compatibles avec, notamment, le principe d’égalité de traitement.
67 Or, en l’occurrence, aucune circonstance particulière n’a été démontrée à l’égard de laquelle la Commission serait tenue de déroger à la règle de la dernière année complète de participation à l’infraction, qu’elle s’est fixée au paragraphe 13 des lignes directrices de 2006.
68 Les arguments avancés par la requérante ne remettent pas en cause cette conclusion.
69 En premier lieu, il convient d’observer que, si la requérante fait valoir que son chiffre d’affaires a augmenté au cours de la dernière année complète de participation à l’infraction, à savoir la période allant du 1er avril 2011 au 31 mars 2012, elle n’avance toutefois aucun élément de nature à établir que ce chiffre d’affaires ne constituait pas, au moment où la Commission a adopté la décision attaquée, une indication de sa taille, de sa puissance économique sur le marché et de l’ampleur de l’infraction en cause.
70 À cet égard, tout d’abord, certes, la requérante invoque la volatilité de ses ventes de condensateurs électrolytiques au tantale ainsi que le fait que la valeur desdites ventes durant la période en cause aurait été significativement plus élevée par rapport aux trois années précédentes et à l’année suivante. En particulier, la requérante indique que la valeur de ces ventes s’élevait à 10 263 455 euros durant ladite période, alors que cette valeur se limitait à 7 418 762 euros entre avril 2010 et mars 2011, à 4 415 057 euros entre avril 2009 et mars 2010 et à 2 394 538 euros entre avril 2008 et mars 2009. De même, entre avril 2012 et mars 2013, cette valeur se limiterait à 580 982 euros. De plus, la requérante soutient que sa part sur le total des ventes de condensateurs électrolytiques de l’ensemble des participants à l’entente au cours de la dernière année complète de participation à l’infraction s’élevait à environ 4,39 %, alors que sa part moyenne probable au cours de la période totale d’infraction ne dépasserait pas 2,38 % du total de ces ventes.
71 Toutefois, s’agissant de la volatilité des ventes alléguée par la requérante, il convient d’observer que, au stade de la procédure administrative, dans une réponse à une demande d’informations du 1er septembre 2017, la requérante a affirmé que « les ventes de [condensateurs électrolytiques au tantale] sont restées stables entre 2007 et 2013, tant en ce qui concerne les ventes dans la région EMEA [Europe, Moyen-Orient et Afrique] que dans le monde ». Même en admettant que la requérante n’ait pas été liée par des affirmations faites au stade de la procédure administrative, il n’en demeure pas moins que l’affirmation transcrite ci-dessus constitue un indice que la requérante elle-même n’est pas ou n’a pas toujours été convaincue de la prétendue volatilité des ventes.
72 En tout état de cause, la volatilité des ventes alléguée par la requérante ne ressort pas des éléments qu’elle indique. D’une part, les données avancées par la requérante se limitent à la période comprise entre avril 2008 et mars 2012 ainsi qu’à des données partielles sur la période comprise entre août 2007 et mars 2008. D’autre part, ces données indiquent une augmentation constante des ventes entre 2007 et 2012, suivie d’une diminution de ces ventes dans l’année suivant la fin de l’infraction (voir point 70 ci-dessus).
73 S’agissant de l’augmentation de la valeur des ventes alléguée par la requérante, il résulte du point 72 ci-dessus qu’elle ne fournit pas de données correspondant à la période totale de sa participation à l’infraction, à savoir du 29 janvier 2003 au 23 avril 2012. De plus, force est de constater que, compte tenu du fait que la participation de la requérante à l’infraction a pris fin le 23 avril 2012, les données concernant les ventes de la requérante durant la période comprise entre avril 2012 et mars 2013 ne sont pas pertinentes pour le calcul du montant de base de l’amende.
74 Ensuite, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 65 ci-dessus qu’une augmentation de la valeur des ventes peut être le résultat de l’entente, dont l’un des objectifs principaux est d’augmenter les prix des produits concernés. En l’espèce, l’infraction en cause avait précisément pour objet la coordination des politiques de prix et a duré près de quatorze ans, la requérante y ayant participé pendant neuf ans. S’il est vrai qu’il ressort de la requête que la valeur des ventes durant la période allant du 1er avril 2011 au 31 mars 2012 était supérieure aux chiffres d’affaires des années de participation précédentes, il ressort également de la requête que cela était essentiellement dû à la circonstance que le chiffre d’affaires de la requérante généré sur le marché cartellisé avait connu une augmentation continue durant la période de participation à l’infraction.
75 Enfin, la comparaison que la requérante opère entre le pourcentage de ses ventes et le total des ventes de l’ensemble des participants à l’entente ne saurait établir l’existence d’une erreur commise par la Commission, la requérante se limitant à émettre l’hypothèse que sa part de ce total pendant la dernière année de participation à l’infraction serait « probablement » le double de sa part au cours de la période d’infraction dans son ensemble, sans, au demeurant, l’étayer autrement que par des données couvrant seulement une partie de cette dernière période.
76 Il résulte de ce qui précède que, en se bornant à alléguer une simple augmentation des chiffres d’affaires entre 2007 et 2012, la requérante ne démontre pas que la valeur de ses ventes durant la dernière année complète de participation à l’infraction n’était pas représentative de sa taille et de sa puissance économique sur le marché ou de l’ampleur de son infraction.
77 En deuxième lieu, la requérante ne saurait prétendre que les circonstances de la présente espèce sont identiques à celles de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 septembre 2010, Trioplast Industrier/Commission (T‑40/06, EU:T:2010:388). D’une part, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, le Tribunal faisait face à la situation inverse aux faits de l’espèce, à savoir une situation dans laquelle la Commission s’était écartée de la règle figurant au paragraphe 13 des lignes directrices de 2006. D’autre part, le Tribunal a jugé que, dans le cadre du calcul du montant des amendes, lorsque la Commission appliquait une approche individualisée visant à traiter les destinataires de la décision qui n’étaient tenus pour responsables qu’en tant que sociétés mères comme des participants directs à l’infraction, l’année de référence ne saurait être, sans autre indice pertinent, une année au cours de laquelle l’entité économique formée par la société mère et la filiale n’existait pas encore (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2010, Trioplast Industrier/Commission, T‑40/06, EU:T:2010:388, points 91, 93 et 95). La situation examinée dans cet arrêt, correspondant à la situation d’une entité économique formée par la société mère et la filiale qui n’existait pas encore au cours de l’année de référence, n’est donc pas comparable à la situation de la requérante.
78 Il en résulte que la requérante n’a pas démontré que, en ne s’écartant pas de la règle figurant au paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 et en utilisant la dernière année complète de participation à l’infraction en vue de déterminer la valeur des ventes pertinente, la Commission n’aurait pas pris en considération sa taille et sa puissance économique ou l’ampleur de l’infraction qu’elle a commise, nonobstant l’existence d’une augmentation de la valeur des ventes de la requérante durant la période en cause.
79 En troisième lieu, il convient de rejeter l’argument de la requérante fondé sur le fait que la Commission aurait modifié la date de fin de l’infraction tout en sachant que cette modification aurait pour effet de multiplier la valeur des ventes de la requérante et, par conséquent, le montant de l’amende.
80 En l’espèce, il y a, certes, lieu de constater que la communication des griefs envoyée par la Commission indiquait que la requérante avait participé à l’infraction jusqu’au 11 décembre 2013 (voir point 310 de la communication des griefs), alors que, dans la décision attaquée, la Commission indique, d’une part, que la durée de l’infraction en cause est établie jusqu’au 23 avril 2012 et, d’autre part, que la requérante y a participé jusqu’à cette date [voir considérant 971 et article 1er, sous e), de la décision attaquée].
81 Toutefois, il y a lieu de rappeler que, en vue du respect des droits de la défense dans la conduite des procédures administratives en matière de politique de la concurrence, l’article 27, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 prévoit l’envoi aux parties d’une communication des griefs. Ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, cette communication doit énoncer, de manière claire, tous les éléments essentiels sur lesquels la Commission se fonde à ce stade de la procédure. Cette indication peut être faite de manière sommaire et la décision ne doit pas nécessairement être une copie de l’exposé des griefs, car cette communication constitue un document préparatoire dont les appréciations de fait et de droit ont un caractère purement provisoire (voir arrêt du 5 décembre 2013, SNIA/Commission, C‑448/11 P, non publié, EU:C:2013:801, points 41 et 42 et jurisprudence citée).
82 L’appréciation des faits retenus dans la communication des griefs ne pouvant être, par définition, que provisoire, une décision ultérieure de la Commission ne saurait être annulée au seul motif que les conclusions définitives tirées de ces faits ne correspondent pas de manière précise à cette appréciation provisoire (voir, en ce sens, arrêt du 5 décembre 2013, SNIA/Commission, C‑448/11 P, non publié, EU:C:2013:801, point 43).
83 Dans ce contexte, la Commission doit entendre les destinataires d’une communication des griefs et, le cas échéant, tenir compte de leurs observations visant à répondre aux griefs retenus en modifiant son analyse, précisément pour respecter leurs droits de la défense. Il doit ainsi être permis à la Commission de préciser son appréciation dans sa décision finale, en tenant compte des éléments résultant de la procédure administrative, soit pour abandonner des griefs qui se seraient révélés mal fondés, soit pour aménager et compléter tant en fait qu’en droit son argumentation à l’appui des griefs qu’elle retient, à condition toutefois qu’elle ne retienne que des faits sur lesquels les intéressés ont eu l’occasion de s’expliquer et qu’elle ait fourni, au cours de la procédure administrative, les éléments nécessaires à leur défense (voir arrêt du 5 décembre 2013, SNIA/Commission, C‑448/11 P, non publié, EU:C:2013:801, point 44 et jurisprudence citée).
84 Ainsi qu’il a été déjà jugé par la Cour, dans le cadre d’une procédure de contrôle des opérations de concentration d’entreprises, la Commission n’est pas tenue de maintenir les appréciations de fait ou de droit portées dans la communication des griefs. Au contraire, elle doit motiver sa décision finale par ses appréciations définitives fondées sur les résultats de l’intégralité de son enquête tels qu’ils se présentent au moment de la clôture de la procédure formelle. Par ailleurs, la Commission n’est pas tenue d’expliquer les différences éventuelles par rapport à ses appréciations provisoires contenues dans la communication des griefs (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, points 64 et 65). Cette jurisprudence est transposable à une procédure d’application de l’article 101 TFUE, telle qu’en l’espèce.
85 En l’espèce, il convient de relever que la date de fin de l’infraction indiquée dans la communication des griefs avait un caractère purement provisoire et que la Commission pouvait encore la modifier postérieurement à celle-ci, et ce jusqu’à ce qu’une décision finale soit adoptée. Il ne saurait donc être reproché à la Commission d’avoir tenu compte, dans la décision attaquée, d’une date de fin de l’infraction différente de celle qu’elle avait mentionnée dans la communication des griefs. Partant, la décision attaquée ne saurait être annulée au seul motif que, dans cette décision, la Commission a retenu une date de fin de l’infraction différente de celle qu’elle a retenue, à titre provisoire, au stade de la communication des griefs.
86 En tout état de cause, tout d’abord, il ressort des mémoires de la requérante ainsi que de sa réponse à une question qui lui a été posée lors de l’audience, que la requérante ne conteste pas la date de fin de l’infraction indiquée dans la décision attaquée. De même, elle ne remet pas en cause le fait qu’elle a participé à cette infraction du 29 janvier 2003 au 23 avril 2012 et que, par conséquent, la dernière année complète de sa participation à l’infraction correspond à la période allant du 1er avril 2011 au 31 mars 2012.
87 Ensuite, il y a lieu de relever que la décision de la Commission concernant la fixation de la date de fin de l’infraction est nécessairement fondée sur des éléments concernant l’infraction elle-même et non sur des règles applicables au calcul du montant des amendes. Par conséquent, une telle décision ne saurait se traduire, en soi, par une violation de ces dernières règles.
88 Enfin, en l’espèce, à supposer que le montant de l’amende infligée à la requérante soit plus élevé en raison de l’utilisation, par la Commission, de la dernière année complète de participation à l’infraction comme année de référence pour le calcul de la valeur de ventes, il y a lieu d’observer que cette augmentation est, en tout état de cause, le résultat de l’application, par la Commission, de la règle figurant au paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 et, partant, de la méthode de calcul du montant de l’amende prévue dans ces lignes directrices.
89 Or, ainsi que le fait valoir la Commission, le Tribunal a déjà jugé que le raccourcissement de la durée de l’infraction peut donner lieu à une amende plus élevée, quand cela est le résultat de l’application, par cette institution, de la méthode de calcul du montant de l’amende prévu dans les lignes directrices de 2006 (voir, en ce sens, arrêt du 20 mai 2015, Timab Industries et CFPR/Commission, T‑456/10, EU:T:2015:296, points 81 et 82).
90 Par ailleurs, il y a lieu de constater que la requérante n’avance aucun argument circonstancié au soutien de la prétendue violation du principe de proportionnalité. En tout état de cause, il ne ressort pas de ce qui précède que la Commission ait violé le principe de proportionnalité au sens de la jurisprudence citée au point 63 ci-dessus, en appliquant la règle du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 au cas d’espèce et en fixant la date de fin de l’infraction à une date antérieure à celle indiquée dans la communication des griefs.
91 La première branche du premier moyen doit donc être écartée.
– Sur la seconde branche du premier moyen, tirée de la violation des principes de non-discrimination et d’égalité de traitement
92 Dans le cadre de la seconde branche du premier moyen, la requérante soutient que la Commission a violé le principe d’égalité de traitement et a créé un risque de discrimination. D’une part, elle aurait utilisé la dernière année complète de la participation à l’infraction pour déterminer la valeur des ventes de la requérante, tout en sachant que cela donnerait lieu à une amende considérablement plus élevée. D’autre part, elle aurait appliqué trois méthodologies différentes pour choisir l’année de référence, ces méthodologies ayant donné lieu à sept différentes années de référence. En effet, la Commission aurait utilisé des années de référence différentes pour plusieurs destinataires de la décision attaquée, à savoir pour Nippon, pour Hitachi, pour Nichicon, pour Elna et pour Sanyo.
93 Selon la requérante, pour le calcul du montant de l’amende infligée à Nippon Chemi-Con, la Commission aurait utilisé l’année qui précédait la fin de ses ventes de condensateurs électrolytiques au tantale (à savoir l’année 2003-2004), alors que son infraction aurait pris fin plus de sept ans après ; pour le calcul du montant de l’amende infligée à Elna, la Commission aurait utilisé l’année qui précédait la fin de ses ventes de condensateurs électrolytiques au tantale (l’année 2009), alors que son infraction aurait pris fin plus de trois ans après, et, pour le calcul du montant de l’amende infligée à Nichicon, la Commission aurait utilisé l’exercice social antérieur à la dernière année complète de sa participation à l’infraction.
94 En particulier, en ce qui concerne Elna, la Commission aurait utilisé une période de ventes individualisée au motif qu’elle avait cessé de vendre des condensateurs électrolytiques au tantale avant la fin de sa participation à l’infraction. Si la Commission avait utilisé, pour la requérante, la même période de ventes que celle retenue pour Elna, à savoir l’année 2009, les amendes infligées à la requérante auraient été réduites de plus de 75 %. Selon la requérante, la situation d’Elna ne se distinguerait pas objectivement de la sienne, étant donné que la participation d’Elna à l’infraction s’est poursuivie après 2009, et ce jusqu’au 23 avril 2012, exactement comme pour la requérante. Si, certes, la Commission n’était pas censée adopter la même année de référence pour tous les participants à l’entente, elle ne pouvait toutefois pas choisir des méthodologies conduisant à des résultats arbitraires et discriminatoires.
95 Ainsi, selon la requérante, la Commission aurait créé un risque de discrimination en ce qu’elle aurait utilisé une méthodologie différente pour calculer le montant de base des amendes de Nippon Chemi-Con, d’Elna et de Nichicon et, par conséquent, aurait retenu sept périodes de référence différentes pour le calcul de la valeur des ventes. Or, il ressortirait notamment de l’arrêt du 13 septembre 2013, Total Raffinage Marketing/Commission (T‑566/08, EU:T:2013:423), que la Commission ne pourrait pas retenir des périodes différentes aux fins du calcul de la valeur des ventes, dès lors que les chiffres obtenus ne sont pas comparables, comme dans le cas d’espèce.
96 En outre, les circonstances de l’espèce seraient similaires à celles de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 9 septembre 2015, Samsung SDI e.a./Commission (T‑84/13, non publié, EU:T:2015:611), dans lequel le Tribunal aurait confirmé le choix de la Commission de calculer la valeur des ventes par référence à la moyenne de la période entière de l’infraction, au lieu d’utiliser la dernière année complète de participation à l’infraction.
97 De plus, en l’espèce, la dernière année complète de la participation à l’infraction ne correspondrait pas à la même période annuelle pour tous les participants à l’entente. La requérante conclut que la Commission aurait dû choisi une autre méthode consistant à utiliser « la valeur des ventes correspondant à toute la période d’infraction pour laquelle des données étaient disponibles ».
98 La Commission conteste ces arguments.
99 À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le principe d’égalité de traitement n’est violé que lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêts du 5 décembre 2013, Solvay/Commission, C‑455/11 P, non publié, EU:C:2013:796, point 77 et jurisprudence citée, et du 11 juillet 2014, Esso e.a./Commission, T‑540/08, EU:T:2014:630, point 101 et jurisprudence citée).
100 Il convient également de rappeler que, d’une part, dans la mesure où il y a lieu de se fonder sur le chiffre d’affaires des entreprises impliquées dans une même infraction en vue de déterminer les relations entre les amendes à infliger, il importe de délimiter la période à prendre en considération de manière à ce que les chiffres obtenus soient aussi comparables que possible. Il en résulte qu’une entreprise déterminée ne saurait exiger que la Commission se fonde, à son égard, sur une période différente de celle généralement retenue qu’à condition qu’elle démontre que le chiffre d’affaires qu’elle a réalisé au cours de cette dernière période ne constitue pas, pour des raisons qui lui sont propres, une indication de sa véritable taille et de sa puissance économique ni de l’ampleur de l’infraction qu’elle a commise (voir arrêt du 11 juillet 2014, Sasol e.a./Commission, T‑541/08, EU:T:2014:628, point 334 et jurisprudence citée).
101 D’autre part, il convient de rappeler que, pour le calcul du montant des amendes infligées aux entreprises ayant participé à une entente, un traitement différencié entre les entreprises concernées est inhérent à l’exercice des pouvoirs qui appartiennent à la Commission en la matière. En effet, dans le cadre de sa marge d’appréciation, la Commission est appelée à individualiser la sanction en fonction des comportements et des caractéristiques propres à ces entreprises, afin de garantir, dans chaque cas d’espèce, la pleine efficacité des règles du droit de la concurrence de l’Union (voir arrêt du 5 décembre 2013, Caffaro/Commission, C‑447/11 P, non publié, EU:C:2013:797, point 50 et jurisprudence citée).
102 En l’espèce, il ressort du considérant 989 de la décision attaquée que, en vue de déterminer le montant de base des amendes à infliger, la Commission, en invoquant la règle figurant au paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, a utilisé la dernière année complète (plus précisément le dernier exercice social complet) de participation à l’infraction comme période de référence pour calculer la valeur des ventes de tous les participants à l’entente, à l’exception d’Elna et de Nippon Chemi-Con.
103 En outre, il ressort du considérant 991 de la décision attaquée que la Commission a calculé la valeur des ventes séparément pour les deux catégories de produits, à savoir les condensateurs électrolytiques à l’aluminium et les condensateurs électrolytiques au tantale (voir point 24 ci-dessus).
104 De plus, il résulte du considérant 1007, tableau 1, de la décision attaquée que, compte tenu des différentes périodes d’infraction ainsi que des différents exercices sociaux des entreprises en cause, la dernière année complète (voire le dernier exercice social complet) de participation à l’infraction n’était pas toujours la même pour les entreprises concernées.
105 En particulier, il ressort notamment des considérants 987 à 991 et 1007 de la décision attaquée que, s’agissant de la requérante, la Commission a considéré qu’elle avait participé à l’infraction jusqu’au 23 avril 2012 et que le dernier exercice complet avant la fin de l’infraction était celui allant d’avril 2011 à mars 2012.
106 S’agissant de Nichicon, la Commission a estimé qu’elle avait participé à l’infraction concernant les condensateurs électrolytiques au tantale jusqu’au 9 mars 2010 et que le dernier exercice complet avant la fin de l’infraction concernant ces condensateurs était celui allant d’avril 2008 à mars 2009. En outre, la Commission a estimé qu’elle avait participé à l’infraction concernant les condensateurs électrolytiques à l’aluminium jusqu’au 31 mai 2010 et que le dernier exercice complet avant la fin de l’infraction concernant ces condensateurs était celui allant d’avril 2009 à mars 2010.
107 S’agissant d’Hitachi, la Commission a considéré qu’elle avait participé à l’infraction jusqu’au 18 février 2010 et que le dernier exercice complet avant la fin de l’infraction était celui allant d’avril 2008 à mars 2009.
108 S’agissant de Sanyo, la Commission a estimé qu’elles avaient participé à l’infraction jusqu’au 19 avril 2011 et que le dernier exercice complet avant la fin de l’infraction était celui allant d’avril 2010 à mars 2011.
109 Par ailleurs, s’agissant d’Elna et de Nippon Chemi-Con, la Commission a estimé que, étant donné qu’Elna et Nippon Chemi-Con avaient cessé de vendre des condensateurs électrolytiques au tantale avant la fin de leur participation à l’infraction, il convenait, en ce qui concerne ces condensateurs, de tenir compte de la valeur des ventes au cours du dernier exercice complet pendant lequel ces entreprises les ont vendus pour éviter que la valeur des ventes sous-évalue l’importance économique de l’infraction. Ainsi, en ce qui concerne Elna, la Commission a considéré que, compte tenu du fait qu’elle avait cessé de vendre des condensateurs électrolytiques au tantale le 1er août 2010, il y avait lieu de prendre en compte l’année 2009 pour déterminer la valeur des ventes. En ce qui concerne Nippon Chemi-Con, la Commission a estimé qu’il y avait lieu de prendre en compte, comme année de référence, d’une part, la dernière année complète de participation à l’infraction en ce qui concerne la valeur des ventes des condensateurs électrolytiques à l’aluminium, à savoir l’année 2011-2012, et, d’autre part, la dernière année complète au cours de laquelle cette entreprise a vendu des condensateurs électrolytiques au tantale, en ce qui concerne la valeur des ventes de ces derniers, à savoir l’année 2003-2004 (voir considérants 9 et 34 et note en bas de page no 1643 de la décision attaquée).
110 Il résulte de tout ce qui précède que, en premier lieu, afin de déterminer le montant de base des amendes à infliger, d’une part, la Commission, a utilisé pour tous les participants à l’entente, à l’exception d’Elna et de Nippon Chemi-Con, le critère figurant au paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, en prenant en compte la valeur des ventes réalisées durant la dernière année complète de leur participation à l’infraction. D’autre part, la Commission a calculé séparément, pour tous les participants à l’entente, la valeur pertinente des ventes des deux catégories de produits concernés, à savoir les condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale (voir points 102 et 103 ci-dessus).
111 Certes, l’application du critère figurant au paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 n’a pas abouti à l’utilisation de la même période annuelle pour les sept entreprises concernées par ce critère, compte tenu des différentes périodes infractionnelles retenues à leur égard (voir points 105 à 108 ci-dessus).
112 Toutefois, il y a lieu de relever que le critère de la dernière année complète de participation à l’infraction a été appliqué par la Commission d’une manière cohérente et objective aux sept entreprises concernées. En effet, la différence observée entre les périodes annuelles retenues à leur égard n’est que le résultat de l’application dudit critère, qui tient compte des différentes périodes de participation à l’infraction ainsi que des différents exercices sociaux des entreprises en cause (voir points 105 à 108 ci-dessus).
113 En outre, même si les périodes annuelles en cause ne correspondent pas à la même année civile ou au même exercice social, il n’en demeure pas moins que les chiffres d’affaires réalisés par chaque entreprise durant ces années sont comparables entre eux. En effet, d’une part, en ce qui concerne tous les participants à l’entente, à l’exception d’Elna et de Nippon Chemi-Con, ces périodes annuelles ont été choisies selon le même critère objectif, celui de la dernière année complète de leur participation à l’infraction. D’autre part, en ce qui concerne l’ensemble des participants à l’entente, la Commission a suivi la même méthode de calcul, en prenant en compte séparément la valeur des ventes de chacun des deux types de condensateurs concernés.
114 Partant, la méthode de calcul de la valeur des ventes suivie par la Commission n’est pas arbitraire et ne conduit pas, en soi, à une violation des principes de non-discrimination et d’égalité de traitement.
115 De plus, ainsi qu’il a été relevé au point 78 ci-dessus, la requérante n’a pas démontré que l’année de référence qui lui a été appliquée, par l’application dudit critère uniforme, ne serait pas représentative de sa véritable taille et et de sa puissance économique sur le marché ou de l’ampleur de son infraction.
116 En second lieu, il en résulte que le fait que la Commission n’a pas utilisé la dernière année complète de participation à l’infraction comme critère pour déterminer la valeur des ventes des condensateurs électrolytiques au tantale d’Elna et de Nippon Chemi-Con (voir point 109 ci-dessus) s’avère en l’occurrence objectivement justifié par la différence entre la situation de ces deux entreprises et celle des sept autres participants à l’entente. En effet, contrairement à ces derniers, les deux premières entreprises avaient cessé de vendre ce type de condensateurs avant la fin de leur participation à l’infraction, ce que, au demeurant, la requérante ne conteste pas.
117 Or, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, lorsque, pour une entreprise donnée, le chiffre d’affaires se rapportant à l’année de référence retenue à l’égard des autres parties à l’entente ne constitue pas une indication utile et fiable de la situation économique réelle de cette entreprise durant la période infractionnelle, la Commission est habilitée à prendre en compte le chiffre d’affaires de ladite entreprise relatif à une année différente de cette année de référence commune afin d’être en mesure d’évaluer correctement les ressources financières de celle-ci et d’assurer à l’amende un caractère dissuasif suffisant, à condition toutefois que le choix de l’année soit opéré selon un critère cohérent et objectivement justifié (voir arrêt du 5 décembre 2013, Caffaro/Commission, C‑447/11 P, non publié, EU:C:2013:797, point 52 et jurisprudence citée).
118 Dans ce contexte, c’est sans commettre d’erreur que la Commission a considéré qu’il conviendrait de tenir compte de la valeur des ventes au cours du dernier exercice complet pendant lequel lesdites deux entreprises ont vendu des condensateurs électrolytiques au tantale pour, d’une part, tenir compte de la situation économique réelle de ces entreprises durant la période infractionnelle et, d’autre part, éviter que la valeur des ventes ne sous-estime l’importance économique de l’infraction.
119 Par ailleurs, il y a lieu de relever, à l’instar de la Commission, que le fait que la détermination de la valeur des ventes ait pu être plus avantageuse pour certains participants à l’entente qu’elle ne l’a été pour la requérante ne constitue pas, en soi, une discrimination. La thèse de la requérante suppose que la détermination du montant de l’amende à infliger par la Commission est le résultat d’un exercice arithmétique précis, susceptible de conduire à l’imposition d’une amende d’un montant le moins élevé possible, supposition qui est erronée eu égard au paragraphe 6 des lignes directrices de 2006 et à la jurisprudence de la Cour (voir, par analogie, arrêt du 16 février 2017, H&R ChemPharm/Commission, C‑95/15 P, non publié, EU:C:2017:125, point 78 et jurisprudence citée).
120 Partant, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la Commission n’a ni créé un risque de discrimination ni violé le principe d’égalité de traitement en ce que, d’une part, elle a choisi, pour déterminer la valeur des ventes des participants à l’entente, le critère général de la dernière année complète de participation à l’infraction et, d’autre part, elle a appliqué, en considérant séparément la valeur des ventes des deux types de condensateurs électrolytiques en cause, un critère différent à l’égard de deux entreprises qui, à la différence des autres participants, avaient cessé de vendre l’un des types de ces condensateurs plusieurs années avant la fin de leur participation à l’entente.
121 Quant à la jurisprudence invoquée par la requérante aux fins de démontrer une discrimination et une violation du principe d’égalité de traitement, il y a lieu de relever que, même si l’interprétation de la requérante, en ce qui concerne cette jurisprudence, était correcte, il n’en demeurerait pas moins que ladite jurisprudence n’est pas transposable au cas d’espèce.
122 D’abord, il y a lieu de constater que, ainsi qu’il a été relevé au point 77 ci-dessus, l’arrêt du 13 septembre 2010, Trioplast Industrier/Commission (T‑40/06, EU:T:2010:388), n’apporte aucun soutien à la thèse de la requérante, le contexte factuel de cet arrêt n’étant pas comparable à celui de la présente affaire.
123 Ensuite, il convient de constater que l’arrêt du 13 septembre 2013, Total Raffinage Marketing/Commission (T‑566/08, EU:T:2013:423), examine une situation où la Commission avait retenu que la dernière année de participation à l’infraction était exceptionnelle pour l’industrie concernée en raison de l’élargissement de l’Union et de l’adhésion de dix nouveaux États membres et, en conséquence, avait pris en compte la moyenne des valeurs de ventes des trois derniers exercices de participation à l’entente pour toutes les entreprises qui avaient participé à l’entente jusqu’à sa fin (arrêt du 13 septembre 2013, Total Raffinage Marketing/Commission, T‑566/08, EU:T:2013:423, points 415 et 416). Il s’agit donc d’un contexte très précis et différent de celui de l’espèce et qui n’est pas comparable à ce dernier.
124 De plus, contrairement à ce que fait valoir la requérante, dans l’arrêt du 13 septembre 2013, Total Raffinage Marketing/Commission (T‑566/08, EU:T:2013:423), le Tribunal n’a pas « jugé inacceptable » que la Commission applique différentes périodes de référence pour la valeur des ventes. En effet, le Tribunal a estimé que « la Commission [était] tenue de délimiter la période à prendre en considération de manière à ce que les chiffres obtenus soient aussi comparables que possible, ce qui [s’opposait], en règle générale, à ce que, pour les entreprises participant à l’entente jusqu’à la même date, des périodes différentes soient retenues aux fins du calcul de la valeur des ventes » (arrêt du 13 septembre 2013, Total Raffinage Marketing/Commission, T‑566/08, EU:T:2013:423, point 419). Or, le cas d’espèce ne correspond pas à cette règle générale, dans la mesure où la situation des participants à l’entente n’était pas comparable, certains ayant vendu les condensateurs en cause jusqu’à la fin de leur participation à l’infraction et d’autres ayant cessé de les vendre avant la fin de leur participation à l’infraction.
125 Enfin, il y a lieu de relever que l’arrêt du 9 septembre 2015, Samsung SDI e.a./Commission (T‑84/13, non publié, EU:T:2015:611), concernait une situation dans laquelle la Commission avait retenu, pour fixer le montant de base de l’amende, la moyenne annuelle des ventes enregistrées pendant toute la durée de l’infraction. Dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, d’une part, la Commission avait considéré que les ventes des entreprises réalisées durant la dernière année complète de leur participation à l’infraction n’étaient pas suffisamment représentatives de l’importance économique de l’infraction compte tenu du déclin considérable des ventes de toutes les parties à l’entente. D’autre part, la Commission avait estimé que le choix de cette moyenne annuelle permettait d’éviter une discrimination entre les entreprises ayant cessé leur participation à l’infraction à une date à laquelle le déclin des ventes n’avait pas encore commencé, comme cela était le cas, en particulier, pour les sociétés mères des entreprises communes, dont la participation directe avait pris fin au milieu de l’infraction (arrêt du 9 septembre 2015, Samsung SDI e.a./Commission, T‑84/13, non publié, EU:T:2015:611, point 212). Or, ces circonstances ne sont pas présentes en l’espèce, ainsi qu’il ressort notamment des points 18 et 19 ci-dessus.
126 Dans ces conditions, il convient de considérer que la requérante reste en défaut de démontrer que la Commission a dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation en matière de fixation du montant des amendes et a violé les principes de non-discrimination et d’égalité de traitement dans la fixation de l’année de référence pour la détermination du montant des ventes à prendre en compte en vue du calcul du montant de base des amendes.
127 La seconde branche du premier moyen et, partant, ce dernier dans son ensemble doivent donc être écartés.
Sur le second moyen, relatif à la non-application, par la Commission, d’un coefficient de gravité plus faible
128 Par le second moyen la requérante soutient, en substance, que la Commission a violé l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003 et le principe de responsabilité personnelle en calculant le montant des amendes qui lui ont été infligées sur la base d’une infraction qu’elle n’aurait pas commise. Selon la requérante, la portée de son infraction est moins importante que celle d’autres participants à l’entente, étant donné que la requérante n’a pas participé aux réunions CUP. Ainsi, la Commission, lors du calcul du montant des amendes infligées à la requérante, aurait dû prendre en compte sa non-participation aux réunions CUP dans le coefficient de gravité de l’infraction et non au titre des circonstances atténuantes. De plus, la requérante soutient que les réunions CUP seraient l’un des éléments constitutifs de l’infraction et, par conséquent, la Commission ne pouvait pas fixer les amendes en se fondant sur le motif fallacieux que la requérante serait responsable de l’infraction dans son ensemble. Il ressortirait notamment des arrêts du 16 novembre 2011, Sachsa Verpackung/Commission (T‑79/06, non publié, EU:T:2011:674), et du 10 octobre 2014, Soliver/Commission (T‑68/09, EU:T:2014:867), que cette approche de la Commission serait illégale.
129 La Commission conteste ces arguments.
130 Il convient de constater, à titre liminaire, que dans le cadre du second moyen la requérante ne conteste pas le fait qu’elle a été tenue pour responsable, en tant que participante directe, de l’infraction unique et continue visée par la décision attaquée (voir point 10 ci-dessus). Elle fait uniquement grief à la Commission d’avoir tenu compte de sa non-participation aux réunions CUP au titre des circonstances atténuantes, et non dans le cadre de la fixation du coefficient de gravité de l’infraction.
131 À cet égard, il convient de rappeler que, conformément aux paragraphes 19 à 22 des lignes directrices de 2006, l’un des deux facteurs sur lequel est fondé le montant de base de l’amende est la proportion de la valeur des ventes concernées déterminée en fonction du degré de gravité de l’infraction. L’appréciation de la gravité de l’infraction est effectuée au cas par cas pour chaque type d’infraction, en tenant compte de toutes les circonstances de l’espèce. Afin de décider du niveau de la proportion de la valeur des ventes à prendre en considération dans un cas donné, la Commission tient compte d’un certain nombre de facteurs tels que la nature de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, l’étendue géographique de l’infraction et la mise en œuvre de l’infraction.
132 En outre, selon une jurisprudence constante, la gravité de l’infraction doit faire l’objet d’une appréciation individuelle. Ainsi, pour la détermination du montant des amendes, il y a lieu de tenir compte de la durée de l’infraction et de tous les éléments de nature à entrer dans l’appréciation de la gravité de celle-ci, tels que le comportement de chacune des entreprises, le rôle joué par chacune d’elles dans l’établissement des pratiques concertées, le profit qu’elles ont pu tirer de ces pratiques, leur taille et la valeur des marchandises concernées ainsi que le risque que des infractions de ce type représentent pour l’Union (voir arrêts du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission, C‑272/09 P, EU:C:2011:810, point 96 et jurisprudence citée, et du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission, C‑99/17 P, EU:C:2018:773, point 196 et jurisprudence citée). Parmi ces éléments figurent également le nombre et l’intensité des comportements anticoncurrentiels (voir arrêt du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission, C‑99/17 P, EU:C:2018:773, point 197 et jurisprudence citée).
133 En l’espèce, il y a lieu de relever que, dans la décision attaquée, la Commission a conclu à l’existence d’une infraction unique et continue couvrant l’ensemble du territoire de l’EEE et consistant en des accords et/ou pratiques concertées qui avaient pour objet la coordination des politiques de prix en ce qui concerne la fourniture de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale (voir points 10 et 11 ci-dessus). La Commission a retenu la responsabilité de la requérante pour cette infraction unique et continue, mais sans que sa responsabilité s’étende aux réunions CUP, pour lesquelles la Commission a estimé que la participation de la requérante n’avait pas été établie (voir point 18 ci-dessus).
134 Compte tenu de ces circonstances et en particulier de la nature et de la portée géographique de l’infraction, la Commission a fixé la proportion de la valeur des ventes à prendre en considération au titre de la gravité de l’infraction à un pourcentage de 16 % (voir point 26 ci-dessus).
135 En outre, la Commission a accordé à la requérante et à Nec une réduction de 3 % du montant de base de l’amende du fait que leur participation aux réunions CUP n’était pas établie et que rien ne prouvait qu’elles en avaient eu connaissance (voir point 29 ci-dessus).
136 Il s’ensuit que, en l’espèce, dans un premier temps, la Commission a appliqué un coefficient de gravité de l’infraction de 16 % et que, dans un second temps, elle a apprécié le comportement individuel de la requérante et lui a accordé au titre des circonstances atténuantes une réduction de 3 % du montant de base de l’amende du fait que sa participation aux réunions CUP n’était pas établie.
137 Cette appréciation de la Commission ne saurait être mise en cause par les arguments de la requérante.
138 En premier lieu, contrairement à ce que fait valoir la requérante, l’approche de la Commission consistant à tenir compte de la non-participation de la requérante aux réunions CUP au titre des circonstances atténuantes n’est pas contraire à la jurisprudence.
139 D’une part, il convient d’emblée de relever que, selon la jurisprudence de la Cour, la Commission peut tenir compte de la gravité relative de la participation d’une entreprise à une infraction et des circonstances particulières de l’affaire soit lors de l’appréciation de la gravité de l’infraction au sens de l’article 23 du règlement no 1/2003, soit lors de l’ajustement du montant de base en fonction de circonstances atténuantes et aggravantes. L’octroi d’un tel choix à la Commission est conforme à la jurisprudence rappelée au point 132 ci-dessus, dès lors qu’il impose, en toute hypothèse, qu’il soit tenu compte, lors de la détermination du montant de l’amende, du comportement individuel adopté par l’entreprise en cause (voir, en ce sens, arrêts du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, points 104 et 105, et du 26 janvier 2017, Laufen Austria/Commission, C‑637/13 P, EU:C:2017:51, point 71 et jurisprudence citée).
140 Ainsi, même à supposer que les points 135 à 138 de l’arrêt du 16 novembre 2011, Sachsa Verpackung/Commission (T‑79/06, non publié, EU:T:2011:674), et les points 62, 63 et 65 à 67 de l’arrêt du 10 octobre 2014, Soliver/Commission (T‑68/09, EU:T:2014:867), viennent au soutien de la position de la requérante, selon laquelle sa non-participation aux réunions CUP aurait dû être prise en compte lors de la détermination du coefficient de gravité de l’infraction et non en tant que circonstance atténuante, cette approche n’est pas étayée par la jurisprudence de la Cour citée au point 139 ci-dessus, confirmée postérieurement au prononcé des arrêts du Tribunal susvisés. En effet, il ressort de cette jurisprudence que la Commission dispose d’une marge d’appréciation pour tenir compte du comportement individuel d’une entreprise particulière à l’un ou l’autre de ces stades du calcul du montant de l’amende.
141 Il convient d’ajouter que, en vertu du principe d’égalité de traitement, au sens de la jurisprudence rappelée au point 99 ci-dessus, la prise en compte, pour apprécier la gravité d’une infraction, de différences entre les entreprises ayant participé à une même entente, notamment au regard de l’étendue géographique de leurs participations respectives, ne doit pas nécessairement intervenir lors de la fixation des coefficients « gravité de l’infraction » et « montant additionnel ». Elle peut aussi intervenir à un autre stade du calcul du montant de l’amende, tel que lors de l’ajustement du montant de base en fonction de circonstances atténuantes et aggravantes, au titre des paragraphes 28 et 29 des lignes directrices de 2006.
142 D’autre part, il y a lieu de constater, au demeurant, que, indépendamment du bien-fondé de l’analyse que la requérante fait des arrêts du 16 novembre 2011, Sachsa Verpackung/Commission (T‑79/06, non publié, EU:T:2011:674), et du 10 octobre 2014, Soliver/Commission (T‑68/09, EU:T:2014:867), ces arrêts ont été prononcés dans un contexte factuel et juridique différent.
143 En effet, ainsi qu’il ressort du point 169 de l’arrêt du 16 novembre 2011, Sachsa Verpackung/Commission (T‑79/06, non publié, EU:T:2011:674), le Tribunal a conclu que la Commission n’avait pas commis d’erreur dans son appréciation des éléments de l’infraction dont la partie requérante avait été tenue pour responsable. Par conséquent, dans ledit arrêt, le Tribunal ne s’est pas prononcé sur la prise en compte, par la Commission, de la prétendue non-participation de la partie requérante dans cette affaire à certains des éléments de l’infraction, ce qui, en revanche, est en cause en l’espèce.
144 De même, il ressort du point 67 de l’arrêt du 10 octobre 2014, Soliver/Commission (T‑68/09, EU:T:2014:867), que le Tribunal a examiné la question de savoir si la requérante avait connaissance ou était raisonnablement supposée avoir connaissance de certains éléments constitutifs de l’infraction, ce qui n’est pas en cause dans la présente affaire.
145 En second lieu, il convient de relever que la requérante ne saurait être suivie quand elle soutient que la Commission l’a tenue pour responsable d’une infraction « qu’elle n’a pas commise ».
146 À cet égard, il convient d’abord de rappeler que la requérante ne demande pas l’annulation de la décision attaquée en ce que celle-ci retient sa responsabilité pour l’infraction en cause, mais en ce qu’elle lui inflige des amendes.
147 Ensuite, il convient de constater que la non-participation de la requérante aux réunions CUP ne change aucunement le fait que la requérante a participé à une infraction de même nature et de même étendue géographique que celle des autres participants à l’entente.
148 En effet, ainsi qu’il ressort des points 12 et 13 ci-dessus, l’entente en cause était organisée au moyen de réunions multilatérales qui se tenaient au niveau des cadres supérieurs de vente et de la haute direction ainsi qu’au moyen de contacts bilatéraux et trilatéraux ad hoc entre les parties. Lesdites réunions multilatérales, qui avaient lieu tous les mois ou un mois sur deux entre les années 1998 et 2012, étaient successivement organisées sous le nom de « réunions ECC », « réunions ATC », « réunions MK » et « réunions CUP ». Les réunions CUP étaient des réunions parallèles aux réunions MK, réalisées en complément de celles-ci, et étaient des « réunions officieuses » des réunions MK, puisqu’elles étaient généralement organisées une semaine après ces dernières. Or, bien que la participation de la requérante aux réunions CUP n’ait pas été établie, il est constant que la requérante a participé aux autres réunions, notamment aux réunions MK.
149 Dans ce contexte, la requérante ayant participé à la grande majorité des réunions multilatérales au moyen desquelles l’entente en cause était organisée, le simple fait qu’elle n’a pas participé aux réunions CUP ne saurait être susceptible de modifier la nature ou l’étendue géographique de son infraction. Partant, c’est à tort que la requérante fait valoir que la portée de l’infraction qui lui a été imputée serait différente de celle de l’infraction imputée aux autres participants à l’entente.
150 Enfin, s’agissant du coefficient de gravité appliqué par la décision attaquée, il y a lieu de rappeler que, en règle générale, la proportion de la valeur des ventes prise en compte sera fixée à un niveau pouvant aller jusqu’à 30 % (voir paragraphe 21 des lignes directrices de 2006). En outre, afin de décider de la proportion de la valeur des ventes à prendre en considération dans un cas donné dans cette limite de 30 %, la Commission tient compte d’un certain nombre de facteurs, tels que la nature de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, l’étendue géographique de l’infraction et la mise en œuvre ou non de l’infraction (paragraphe 22 des lignes directrices de 2006). Étant donné que les restrictions de concurrence les plus graves, telles que les accords horizontaux de fixation de prix, doivent être sévèrement sanctionnées, la proportion des ventes prise en compte pour de telles infractions sera généralement retenue en haut de l’échelle (paragraphe 23 des lignes directrices de 2006).
151 En l’espèce, la Commission a fixé le coefficient de gravité à 16 %, en tentant compte du fait, d’une part, que des « arrangements » horizontaux de coordination des prix comptaient, de par leur nature même, parmi les infractions les plus graves à l’article 101 TFUE et, d’autre part, que l’entente s’étendait à l’ensemble du territoire de l’EEE (voir point 26 ci-dessus). Ainsi, ce taux a été fixé à un montant légèrement supérieur au milieu de l’échelle du coefficient de gravité, laquelle peut aller jusqu’à 30 % de la valeur des ventes. Dans ces circonstances, compte tenu de la nature et de la portée géographique de l’infraction, il ne saurait être considéré que le coefficient de gravité de 16 % ne serait pas approprié ou serait trop élevé au regard de la gravité de l’infraction commise par la requérante, au seul motif qu’elle n’a pas participé aux réunions CUP.
152 Il résulte de tout ce qui précède que le fait que, en l’espèce, la Commission a appliqué un coefficient de gravité de 16 % pour tous les participants à l’entente et a tenu compte de la non-participation de la requérante aux réunions CUP en lui accordant une réduction du montant de base de l’amende au titre des circonstances atténuantes ne saurait constituer une violation ni de l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003 ni du principe de responsabilité personnelle.
153 Par conséquent, le second moyen doit être écarté.
154 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la requérante n’a pas réussi à démontrer l’existence d’irrégularités commises par la Commission justifiant l’annulation de la décision attaquée en ce qui concerne les amendes qui lui ont été infligées.
155 Les conclusions en annulation formulées par la requérante doivent dès lors être rejetées.
Sur les conclusions tendant àla réduction du montant des amendes infligées à la requérante
156 À titre subsidiaire, la requérante demande au Tribunal d’exercer sa compétence de pleine juridiction pour recalculer, voire réduire, le montant des amendes qui lui ont été infligées. La requérante soutient que les amendes doivent être recalculées, d’une part, en utilisant dans ce calcul la moyenne des ventes réalisées par elle dans l’EEE sur toute la période d’infraction pour laquelle des données sont disponibles et, d’autre part, en appliquant une réduction de, au moins, 3 % du coefficient de gravité.
157 En particulier, s’agissant de la valeur des ventes, afin d’assurer la comparabilité des chiffres d’affaires des participants à l’entente et ainsi d’éviter le risque de discrimination entre eux, la requérante invite le Tribunal à prendre en compte la moyenne de ses ventes réalisées durant la période allant d’août 2007 à mars 2012, dont les données ont été fournies à la Commission.
158 S’agissant de la réduction du coefficient de gravité, la requérante soutient que celle-ci se justifierait en raison du fait qu’elle n’a pas participé aux réunions CUP, lesquelles impliqueraient deux éléments de gravité supplémentaires parmi les plus graves de l’infraction : en premier lieu, ces réunions seraient les seules à viser un système de répartition de la clientèle et, en second lieu, ces réunions viseraient des mécanismes de contrôle destinés à veiller au respect d’une stratégie d’augmentation des prix. En outre, une réduction du coefficient de gravité de 3 % serait appropriée, dans la mesure où ce pourcentage correspond à la réduction octroyée au titre des circonstances atténuantes. De plus, dans l’affaire qui a donné lieu à la décision de la Commission du 1er octobre 2008 relative à une procédure d’application de l’article [101 TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/C.39181 – Cires pour bougies) (ci-après l’« affaire “Cires pour bougies” »), des coefficients de gravité qui variaient précisément de 3 % d’une entreprise à l’autre auraient déjà été fixés dans des circonstances comparables à celles de la présente espèce. À titre subsidiaire, la requérante soutient que la réduction devrait être fixée à 2 % ou, au moins, à 1 %, étant donné que la non-participation aux réunions CUP correspondrait à la non-participation à un élément constitutif de l’entente qui, selon la pratique de la Commission issue notamment de sa décision du 28 mars 2012 relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39.452 – « Quincaillerie pour fenêtres et portes-fenêtres ») (ci-après l’«affaire “Quincaillerie de fenêtres et de portes-fenêtres” »), correspondrait à une réduction d’au moins 1 %.
159 La Commission conteste ces arguments.
160 À titre liminaire, il convient de relever que la compétence de pleine juridiction habilite le juge de l’Union, au-delà du simple contrôle de la légalité de la sanction, à substituer sa propre appréciation, pour la détermination du montant de cette sanction, à celle de la Commission, auteur de l’acte dans lequel ce montant a été initialement fixé. En conséquence, le juge de l’Union peut réformer l’acte attaqué, même en l’absence d’annulation, afin de supprimer, de réduire ou de majorer l’amende infligée, cette compétence étant exercée en tenant compte de toutes les circonstances de fait (voir arrêt du 25 juillet 2018, Orange Polska/Commission, C‑123/16 P, EU:C:2018:590, point 106 et jurisprudence citée).
161 Afin de satisfaire aux exigences d’un contrôle de pleine juridiction au sens de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne en ce qui concerne l’amende, le juge de l’Union est tenu, dans l’exercice des compétences prévues aux articles 261 et 263 TFUE, d’examiner tout grief, de droit ou de fait, visant à démontrer que le montant de l’amende n’est pas en adéquation avec la gravité et la durée de l’infraction (voir arrêt du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch/Commission, C‑625/13 P, EU:C:2017:52, point 180 et jurisprudence citée).
162 Il importe cependant de souligner que l’exercice de la compétence de pleine juridiction n’équivaut pas à un contrôle d’office et de rappeler que la procédure devant les juridictions de l’Union est contradictoire. Ainsi, à l’exception des moyens d’ordre public que le juge est tenu de soulever d’office, tels que l’absence de motivation de la décision attaquée, c’est à la partie requérante qu’il appartient de soulever les moyens à l’encontre de cette dernière et d’apporter des éléments de preuve à l’appui de ces moyens (voir arrêt du 9 juin 2016, Repsol Lubricantes y Especialidades e.a./Commission, C‑617/13 P, EU:C:2016:416, point 85 et jurisprudence citée).
163 En outre, il convient de rappeler que, lors de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, le Tribunal n’est pas lié par les lignes directrices de 2006, lesquelles ne préjugent pas de l’appréciation de l’amende par le juge de l’Union. En effet, bien que la Commission soit tenue de respecter le principe de protection de la confiance légitime lorsqu’elle applique les règles qu’elle s’est imposées, telles que les lignes directrices de 2006, ce principe ne saurait lier dans les mêmes termes les juridictions de l’Union pour autant qu’elles n’envisagent pas d’appliquer une méthode de calcul spécifique des amendes dans l’exercice de leur compétence de pleine juridiction, mais examinent au cas par cas les situations qui leur sont soumises en tenant compte de l’ensemble des circonstances de fait et de droit afférentes à celles-ci (voir arrêt du 14 mai 2014, Donau Chemie/Commission, T‑406/09, EU:T:2014:254, point 59 et jurisprudence citée).
164 Toutefois, il découle également de la jurisprudence de la Cour que l’exercice d’une compétence de pleine juridiction ne saurait entraîner, lors de la détermination du montant des amendes, une discrimination entre les entreprises qui ont participé à un accord contraire aux règles de concurrence du droit de l’Union. Si le Tribunal entend s’écarter spécifiquement à l’égard de l’une de ces entreprises de la méthode de calcul suivie par la Commission et qu’il n’a pas remise en cause, il est nécessaire qu’il s’en explique dans son arrêt (voir arrêt du 14 mai 2014, Donau Chemie/Commission, T‑406/09, EU:T:2014:254, point 60 et jurisprudence citée). Le Tribunal est ainsi en droit de porter le montant de l’amende à un niveau inférieur à celui résultant de l’application des lignes directrices de 2006, si les circonstances de l’affaire dont il est saisi le justifient. Encore faut-il, toutefois, que la partie requérante invoque des motifs pertinents, susceptibles de justifier une telle réduction et les étaye de preuves (voir arrêt du 14 mai 2014, Donau Chemie/Commission, T‑406/09, EU:T:2014:254, point 310 et jurisprudence citée).
165 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner, en l’espèce, si les circonstances invoquées par la requérante peuvent, même en l’absence d’une erreur de droit ou d’une erreur d’appréciation commise par la Commission, justifier que le Tribunal opère une réduction du montant des amendes qui lui ont été infligées par la décision attaquée.
166 En premier lieu, s’agissant de la demande de la requérante visant à ce que le Tribunal recalcule la valeur des ventes pertinente pour le calcul du montant de base de l’amende, il convient de relever d’emblée que la requérante ne présente pas une véritable alternative au critère figurant au paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, utilisé par la Commission. En effet, la période indiquée par la requérante afin d’établir une valeur « moyenne » des ventes, à savoir celle allant d’août 2007 à mars 2012, paraît avoir été choisie par la requérante pour la seule raison qu’il s’agit de la période pour laquelle des données sont disponibles.
167 Dans ces circonstances, la requérante ne saurait être suivie lorsqu’elle propose l’application d’un critère pour déterminer la valeur des ventes qui, d’une part, n’offre aucune indication permettant de s’assurer que ladite valeur des ventes ainsi calculée sera représentative de sa taille et de sa puissance économique ou de la portée de l’infraction et, d’autre part, ne permet pas de respecter le principe d’égalité de traitement, comme d’ailleurs la requérante l’admet elle-même (voir point 49 ci-dessus).
168 Ainsi qu’il ressort des points 112 et 113 ci-dessus, le critère de la dernière année complète de participation à l’infraction a été appliqué, en l’espèce, d’une manière cohérente et objective à l’égard de tous les participants à l’entente se trouvant dans une situation comparable ou identique. En outre, il apparaît que, s’agissant d’Elna et de Nippon Chemi-Con, celles-ci avaient cessé de vendre des condensateurs électrolytiques au tantale avant la fin de leur participation à l’infraction, se trouvant, de ce fait, dans une situation différente de celle des sept autres participantes à l’infraction.
169 Par conséquent, le fait que la Commission a utilisé une autre année pour déterminer la valeur des ventes de condensateurs électrolytiques au tantale d’Elna et de Nippon Chemi-Con s’avère en l’occurrence objectivement justifié par la situation différente de ces deux entreprises, lesquelles avaient cessé de vendre ce type de condensateurs avant la fin de leur participation à l’infraction. Dans ce contexte, ni la Commission ni le Tribunal ne sauraient appliquer des critères identiques à des situations différentes, sous peine que la valeur des ventes retenue ne sous-estime l’importance économique de l’infraction (voir points 116 et 118 ci-dessus).
170 Partant, il ne saurait être justifié, au titre, notamment, de l’égalité de traitement et de la proportionnalité, de modifier la détermination de la valeur des ventes pertinente pour le calcul du montant de base de l’amende de la requérante, telle qu’elle a été établie dans la décision attaquée.
171 En second lieu, s’agissant de la demande de la requérante visant à ce que le Tribunal opère une réduction du coefficient de gravité retenu par la Commission, il y a lieu de relever qu’une telle réduction n’est pas justifiée en l’espèce. Tout d’abord, contrairement à ce que fait valoir la requérante, il n’est pas démontré en l’espèce que les réunions CUP comporteraient des « éléments de gravité supplémentaires ».
172 Il est, certes, vrai que, dans la décision attaquée, la Commission mentionne notamment les réunions CUP comme étant des exemples de réunions multilatérales lors desquelles les entreprises ont conclu des accords sur les prix, accompagnés d’un mécanisme de surveillance afin d’en garantir l’application [voir considérant 715, sous c), de la décision attaquée].
173 Cependant, il n’en demeure pas moins que la Commission a considéré que les réunions multilatérales décrites au point 13 ci-dessus présentaient des caractéristiques communes et que l’objectif des discussions menées lors de ces réunions multilatérales était resté le même ou était largement similaire pendant toute la période infractionnelle (considérants 70 à 72 et 741 de la décision attaquée). De plus, elle a considéré que le mécanisme de surveillance n’était pas une particularité de l’entente, les entreprises exerçant une surveillance généralisée et réciproque en dehors de ce mécanisme (considérant 716 de la décision attaquée). Ainsi, il ressort de la décision attaquée que les réunions CUP s’inscrivaient dans l’infraction unique et continue en cause, consistant en des accords et/ou pratiques concertées visant à la coordination des politiques de prix, et ne présentaient pas de particularités susceptibles d’accroître la gravité de l’infraction.
174 Ensuite, il convient de relever que la non-participation de la requérante aux réunions CUP ne justifie pas, à elle-seule, une réduction du coefficient de gravité, la requérante ayant participé à une infraction de même nature et de même étendue géographique que celle des autres participants à l’entente, ainsi qu’il a été conclu aux points 147 et 148 ci-dessus.
175 De plus, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été constaté au point 151 ci-dessus, le coefficient de gravité appliqué par la décision attaquée, à savoir 16 %, se situe à un niveau légèrement supérieur au milieu de l’échelle prévue au paragraphe 21 des lignes directrices de 2006, qui peut aller jusqu’à 30 % de la valeur des ventes. Dans ces circonstances, ledit coefficient de 16 % n’apparaît pas disproportionné au regard de la nature et de la portée géographique de l’infraction en cause.
176 Enfin, s’agissant de la référence aux décisions de la Commission dans les affaires « Quincaillerie de fenêtres et de portes-fenêtres » et « Cires pour bougies », il doit être rappelé que le Tribunal n’est pas lié par la pratique décisionnelle de la Commission (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 26 octobre 2017, Marine Harvest/Commission, T‑704/14, EU:T:2017:753, point 78).
177 En tout état de cause, la pratique décisionnelle antérieure de la Commission, à laquelle la requérante se réfère, ne justifie pas une modification du coefficient de gravité appliqué à la requérante.
178 À cet égard, il convient de noter, à l’instar de la Commission, que les circonstances ayant justifié l’application de différents coefficients de gravité aux participants aux ententes visées par ces affaires ne sont pas présentes en l’espèce. Ainsi, dans l’affaire « Quincaillerie de fenêtres et de portes-fenêtres », la Commission avait fixé le coefficient de gravité à 16 % pour tous les participants à l’entente couvrant l’ensemble du territoire de l’EEE, à l’exception d’une entreprise dont les ventes étaient limitées au marché italien et pour laquelle ce coefficient avait été fixé à 15 %. Or, en l’espèce, il est constant que la requérante a participé à une entente couvrant l’ensemble du territoire de l’EEE (voir point 11 ci-dessus).
179 En outre, dans l’affaire « Cires pour bougies », la Commission a appliqué des coefficients de gravité de 17 % et de 18 %, ce dernier coefficient concernant les participants à l’entente dont l’infraction unique et continue revêtait une « gravité supplémentaire » du fait qu’elle était également caractérisée par la répartition de clients ou de marchés.
180 Au vu de tout ce qui précède, le Tribunal estime, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction et compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, que le coefficient de gravité de l’infraction de 16 % est approprié.
181 Par conséquent, d’une part, le Tribunal estime, dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, qu’aucun des arguments dont la requérante se prévaut dans la présente affaire, ni aucun motif d’ordre public, ne justifie qu’il fasse usage de ladite compétence pour réduire le montant des amendes fixé par la Commission. D’autre part, il considère, compte tenu de l’ensemble des éléments avancés devant lui, que les amendes qui ont été appliquées par la Commission constituent, au regard de la durée et de la gravité de l’infraction à laquelle la requérante a participé directement, une sanction permettant de réprimer, de manière proportionnée et dissuasive, son comportement anticoncurrentiel.
182 Les conclusions visant à la réduction du montant des amendes infligées à la requérante doivent dès lors être rejetées et, par voie de conséquence, le recours dans son intégralité.
Sur les dépens
183 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
184 La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Tokin Corp. supportera ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission européenne.