Livv
Décisions

TUE, 9e ch. élargie, 29 septembre 2021, n° T-342/18

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Nichicon Corporation

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Costeira (rapporteure)

Juges :

M. Gratsias, Mme Kancheva, M. Berke, Mme Perišin

Avocats :

Ablasser-Neuhuber, Neumayr, Fussenegger, Kühnert

TUE n° T-342/18

29 septembre 2021

LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie),

I. Antécédents du litige

A. Requérante et secteur concerné

1 La requérante, Nichicon Corporation, est une société établie au Japon, qui fabrique et vend des condensateurs électrolytiques à l’aluminium. La requérante était également, jusqu’au 6 février 2013, un fabricant et un vendeur de condensateurs électrolytiques au tantale.

2 L’infraction en cause concerne les condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale. Les condensateurs sont des composants électriques qui stockent de l’énergie de manière électrostatique dans un champ électrique et sont utilisés dans une grande variété de produits électroniques tels que des ordinateurs personnels, des tablettes, des téléphones, des climatiseurs, des réfrigérateurs, des lave-linges, des produits automobiles et des appareils industriels. La clientèle est donc très diversifiée.

3 Les condensateurs électrolytiques, et plus précisément les condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale, sont des produits dont le prix constitue un paramètre concurrentiel important.

B. Procédure administrative

4 Le 4 octobre 2013, Panasonic et ses filiales ont déposé une demande de marqueur auprès de la Commission européenne, au titre des paragraphes 14 et 15 de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2006, C 298, p. 17, ci-après la « communication sur la coopération de 2006 »), en fournissant des informations sur l’existence d’une infraction présumée dans le secteur des condensateurs électrolytiques.

5 Le 28 mars 2014, la Commission a, au titre de l’article 18 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 et 102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), demandé des renseignements à plusieurs entreprises opérant dans le secteur des condensateurs électrolytiques, dont la requérante.

6 Le 4 novembre 2015, la Commission a adopté une communication des griefs, qui a été adressée à la requérante.

7 Les destinataires de la communication des griefs, dont la requérante, ont été entendus par la Commission lors d’une audition ayant eu lieu du 12 au 14 septembre 2016.

C. Décision attaquée

8 Le 21 mars 2018, la Commission a adopté la décision C(2018) 1768 final, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT.40136 – Condensateurs) (ci-après la « décision attaquée »).

1. Infraction

9 Par la décision attaquée, la Commission a constaté l’existence d’une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) dans le secteur des condensateurs électrolytiques, à laquelle neuf entreprises ou groupes d’entreprises, à savoir Elna, Hitachi AIC, Holy Stone, Matsuo, NEC Tokin, Nippon Chemi-Con (ci-après « NCC »), Rubycon, Sanyo (désignant Sanyo et Panasonic ensemble), et la requérante ont participé (ci-après, pris ensemble, les « participants à l’entente ») (considérant 1 et article 1er de la décision attaquée).

10 La Commission a relevé, en substance, que l’infraction en cause s’était déroulée entre le 26 juin 1998 et le 23 avril 2012, sur l’ensemble du territoire de l’EEE, et avait consisté en des accords et/ou pratiques concertées qui avaient pour objet la coordination des politiques de prix en ce qui concerne la fourniture de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale (considérant 1 de la décision attaquée).

11 L’entente était essentiellement organisée au moyen de réunions multilatérales, qui se tenaient généralement au Japon, tous les mois ou un mois sur deux, au niveau des cadres supérieurs de vente, et, tous les six mois, au niveau des dirigeants, y compris des présidents (considérants 63, 68 et 738 de la décision attaquée).

12 Les réunions multilatérales ont été, tout d’abord, organisées, entre 1998 et 2003, sous le nom de « cercle du/des condensateurs électrolytiques » ou de « conférence des condensateurs électrolytiques » (ci-après les « réunions ECC »). Elles ont été, ensuite, organisées, entre 2003 et 2005, sous le nom de « conférence aluminium-tantale » ou « groupe des condensateurs à l’aluminium ou au tantale » (ci-après les « réunions ATC »). Elles ont été, enfin, organisées, entre 2005 et 2012, sous le nom de « groupe d’étude de marché » ou « groupe de marketing » (ci-après les « réunions MK »). Parallèlement aux réunions MK, et en complément de celles-ci, des réunions « augmentation des coûts » ou « augmentation des condensateurs » (ci-après les « réunions CUP »), ont été organisées, entre 2006 et 2008 (considérant 69 de la décision attaquée).

13 Outre ces réunions multilatérales, les participants à l’entente avaient également, selon les besoins, des contacts bilatéraux et trilatéraux ad hoc (considérants 63, 75 et 739 de la décision attaquée) (ci-après, pris ensemble, les « échanges anticoncurrentiels »).

14 Dans le cadre des échanges anticoncurrentiels, les participants à l’entente échangeaient des informations sur les prix et les futurs prix pratiqués, sur les futures réductions de prix et les fourchettes de ces réductions, sur l’offre et la demande, y compris sur l’offre et la demande futures, et, dans certains cas, concluaient, appliquaient et suivaient des accords sur les prix (considérants 62, 715, 732 et 741 de la décision attaquée).

15 La Commission a considéré que le comportement des participants à l’entente constituait une forme d’accord et/ou de pratique concertée, qui visaient un objectif commun, à savoir éviter la concurrence par les prix et coordonner leur futur comportement concernant la vente de condensateurs électrolytiques, en réduisant ainsi l’incertitude sur le marché (considérants 726 et 731 de la décision attaquée).

16 La Commission a conclu que ce comportement avait un objet anticoncurrentiel unique (considérant 743 de la décision attaquée).

2. Responsabilité de la requérante

17 La Commission a retenu la responsabilité de la requérante en raison de sa participation directe et continue à l’entente du 26 juin 1998 au 31 mai 2010, sans que sa responsabilité s’étende toutefois aux réunions MK [considérants 760, 761, 955, 1023 et article 1er, sous f), de la décision attaquée].

3. Amende infligée à la requérante

18 L’article 2, sous i), de la décision attaquée inflige une amende d’un montant de 72 901 000 euros à la requérante.

4. Calcul du montant de l’amende

19 Aux fins du calcul du montant des amendes, la Commission a appliqué la méthodologie exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 ») (considérant 980 de la décision attaquée).

20 En premier lieu, pour déterminer le montant de base de l’amende infligée à la requérante, la Commission a pris en compte la valeur des ventes durant la dernière année complète de participation à l’infraction, conformément au paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 (considérant 989 de la décision attaquée).

21 La Commission a calculé la valeur des ventes sur la base des ventes de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale facturées à des clients établis dans l’EEE (considérant 990 de la décision attaquée).

22 En outre, la Commission a calculé la valeur pertinente des ventes séparément pour les deux catégories de produits, à savoir les condensateurs électrolytiques à l’aluminium et les condensateurs électrolytiques au tantale, et leur a appliqué des coefficients multiplicateurs différents en fonction de la durée (considérant 991 de la décision attaquée). En ce qui concerne la requérante, la Commission a retenu un coefficient multiplicateur de 11,93 (correspondant à la période comprise entre le 26 juin 1998 et le 31 mai 2010) pour les condensateurs électrolytiques à l’aluminium, et de 10,36 (correspondant à la période comprise entre le 29 octobre 1999 et le 9 mars 2010) pour les condensateurs électrolytiques au tantale (considérant 1007, tableau 1, de la décision attaquée).

23 La Commission a fixé à 16 % la proportion de la valeur des ventes à retenir au titre de la gravité de l’infraction. À cet égard, elle a estimé que des « arrangements » horizontaux de coordination des prix comptaient, de par leur nature même, parmi les infractions les plus graves à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE et que l’entente s’étendait à l’ensemble du territoire de l’EEE (considérants 1001 à 1003 de la décision attaquée).

24 La Commission a appliqué un montant additionnel de 16 %, au titre du paragraphe 25 des lignes directrices de 2006, afin de s’assurer du caractère suffisamment dissuasif de l’amende infligée (considérant 1009 de la décision attaquée).

25 La Commission a, dès lors, fixé à 75 156 000 euros le montant de base de l’amende infligée à la requérante (considérant 1010 de la décision attaquée).

26 En second lieu, au titre des circonstances atténuantes, la Commission a accordé une réduction de 3 % du montant de base de l’amende infligée à la requérante, étant donné que sa participation aux réunions MK n’était pas établie et que rien ne prouvait qu’elle en avait eu connaissance (considérant 1023 de la décision attaquée).

27 La Commission a, en conséquence, fixé à 72 901 000 euros le montant de l’amende infligée à la requérante (considérant 1139, tableau 3, de la décision attaquée).

5. Dispositif de la décision attaquée

28 La décision attaquée, en ce qui concerne la requérante, dispose ce qui suit :

« Article premier

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE en participant, au cours des périodes indiquées, à une infraction unique et continue dans le secteur des condensateurs électrolytiques couvrant l’ensemble du territoire de l’EEE, consistant en des accords et/ou pratiques concertées qui avaient pour objet la coordination des politiques de prix :

[…]

f) [la requérante] du 26 juin 1998 au 31 mai 2010, sans que sa responsabilité s’étende aux réunions MK ;

[…]

Article 2

Les amendes suivantes sont infligées pour l’infraction visée à l’article 1er :

[…]

i) [la requérante] : 72 901 000 [euros] ;

[…] »

II. Procédure et conclusions des parties

29 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 mai 2018, la requérante a introduit le présent recours.

30 Le 28 septembre 2018, le mémoire en défense de la Commission a été déposé au greffe du Tribunal.

31 La réplique et la duplique ont été déposées au greffe du Tribunal, respectivement, le 7 décembre 2018 et le 28 février 2019.

32 Sur proposition de la deuxième chambre du Tribunal, celui-ci a décidé, en application de l’article 28 de son règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

33 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, la juge rapporteure a été affectée à la neuvième chambre élargie, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

34 Sur proposition de la juge rapporteure, le Tribunal (neuvième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a invité les parties à déposer certains documents.

35 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 22 octobre 2020.

36 À la suite du décès de M. le juge Berke survenu le 1er août 2021, les trois juges dont le présent arrêt porte la signature ont poursuivi les délibérations, conformément à l’article 22 et à l’article 24, paragraphe 1, du règlement de procédure.

37 La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

– à titre principal, annuler la décision attaquée, pour autant qu’elle lui est appliquée ;

– à titre subsidiaire, et en tout état de cause, substituer sa propre appréciation à celle de la Commission en ce qui concerne le montant de l’amende qui lui a été imposée et réduire ce montant ;

– condamner la Commission aux dépens.

38 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

A. Sur la recevabilité de l’annexe C2 présentée au stade de la réplique

39 La Commission fait valoir, dans la duplique, que l’annexe C2, présentée par la requérante au stade de la réplique, doit être déclarée irrecevable, conformément à l’article 85, paragraphe 2, du règlement de procédure, dans la mesure où la requérante n’a apporté aucune justification pour ce retard.

40 L’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure prévoit que « les preuves et les offres de preuves sont présentées dans le cadre du premier échange de mémoires ». L’article 85, paragraphe 2, du règlement de procédure précise, néanmoins, que « les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve dans la réplique et la duplique à l’appui de leur argumentation, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié ».

41 L’annexe C2 correspond à un tableau qui reprend, par région et pour la période allant d’octobre 2010 à octobre 2011, les ventes de condensateurs de type crayon de la requérante à Sony.

42 Lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, la requérante s’est limitée à indiquer qu’elle n’avait pas eu accès auparavant à ce document.

43 Or, il convient de constater, premièrement, que les informations figurant dans ce document correspondent à une période bien antérieure à la date du dépôt de la requête, deuxièmement, que ce document vise à étayer un argument déjà exposé par la requérante dans la requête et, troisièmement, qu’il ne tend pas à infirmer des éléments de preuve qui auraient été produits par la Commission dans le cadre du mémoire en défense.

44 Dès lors, aucun motif n’est susceptible de justifier la présentation tardive de cette annexe, au sens de l’article 85, paragraphe 2, du règlement de procédure. Il n’y a donc pas lieu de prendre en considération cette annexe aux fins de l’appréciation de la légalité de la décision attaquée.

B. Sur le fond

45 À l’appui du recours, la requérante invoque cinq moyens au soutien tant de ses conclusions présentées à titre principale, qui visent l’annulation de la décision attaquée, que de ses conclusions présentées à titre subsidiaire, qui tendent à la réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée.

46 Par les premier, deuxième et troisième moyens, la requérante conteste la conclusion de la Commission tenant à l’existence d’une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE dans le secteur des condensateurs électrolytiques, sur l’ensemble du territoire de l’EEE, pendant une durée de presque quatorze ans. Le premier moyen est tiré d’erreurs matérielles de fait, en ce qui concerne la portée géographique des échanges anticoncurrentiels. Le deuxième moyen est tiré d’erreurs de droit, en ce qui concerne, d’une part, la qualification d’infraction unique et continue et, d’autre part, la participation de la requérante à cette infraction. Le troisième moyen est tiré de l’incompétence de la Commission pour appliquer l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE.

47 Par le quatrième moyen, la requérante conteste l’amende qui lui a été infligée. Ce moyen est tiré d’erreurs manifestes d’appréciation dans le calcul du montant de l’amende.

48 Par le cinquième moyen, tiré de la violation du droit d’être entendue, la requérante conteste la légalité de la procédure de constatation de l’infraction.

49 Dans la mesure où la requérante présente à la fois des demandes d’annulation de la décision attaquée et de réformation du montant de l’amende qui lui a été infligée, il convient, à titre liminaire, de rappeler que le système de contrôle juridictionnel des décisions de la Commission relatives aux procédures d’application des articles 101 et 102 TFUE consiste en un contrôle de la légalité des actes des institutions établi à l’article 263 TFUE, lequel peut être complété, en application de l’article 261 TFUE et sur demande des parties requérantes, par l’exercice par le Tribunal d’une compétence de pleine juridiction en ce qui concerne les sanctions infligées en ce domaine par la Commission (voir arrêt du 26 septembre 2018, Philips et Philips France/Commission, C‑98/17 P, non publié, EU:C:2018:774, point 49 et jurisprudence citée).

50 À cet égard, il convient de préciser que les juridictions de l’Union ne peuvent modifier les éléments constitutifs de l’infraction légalement constatée par la Commission dans la décision litigieuse ni dans le cadre du contrôle de légalité ni à l’occasion de l’exercice de leur compétence de pleine juridiction. En effet, selon la jurisprudence de la Cour, ces juridictions ne peuvent, dans le cadre du contrôle de légalité visé à l’article 263 TFUE, substituer leur propre motivation à celle de l’auteur de l’acte en cause. La compétence de pleine juridiction dont dispose le Tribunal sur le fondement de l’article 31 du règlement no 1/2003 concerne la seule appréciation, par celui-ci, de l’amende infligée par la Commission (voir arrêt du 26 septembre 2018, Philips et Philips France/Commission, C‑98/17 P, non publié, EU:C:2018:774, point 50 et jurisprudence citée).

1. Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée

51 À titre liminaire, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, sont incompatibles avec le marché intérieur et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence au sein du marché intérieur.

52 Dans la décision attaquée, la Commission a conclu non seulement à l’existence d’un accord, mais également à l’existence de pratiques concertées contraires à l’article 101 TFUE.

53 Pour qu’il y ait un accord au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée. Il peut être considéré qu’un accord au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE est conclu dès lors qu’il y a une concordance de volontés sur le principe même de la restriction de la concurrence, même si les éléments spécifiques de la restriction envisagée font encore l’objet de négociations. La notion de pratique concertée vise une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu’à la réalisation d’une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (voir arrêt du 12 juillet 2018, Viscas/Commission, T‑422/14, non publié, EU:T:2018:446, points 40 et 41 et jurisprudence citée).

54 Selon une jurisprudence constante, les notions d’accord et de pratique concertée, au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, appréhendent des formes de collusion qui partagent la même nature et ne se distinguent que par leur intensité et par les formes dans lesquelles elles se manifestent. Il suffit, dès lors, que la preuve des éléments constitutifs de l’une ou de l’autre de ces formes d’infraction visées par cette disposition ait été établie pour que, en toute hypothèse, cette dernière s’applique (voir arrêt du 12 juillet 2018, Viscas/Commission, T‑422/14, non publié, EU:T:2018:446, point 43 et jurisprudence citée).

55 Dans le cadre d’une infraction complexe, qui a impliqué pendant plusieurs années plusieurs producteurs poursuivant un objectif de régulation en commun du marché, il ne saurait être exigé de la Commission qu’elle qualifie précisément l’infraction d’accord ou de pratique concertée, dès lors que, en toute hypothèse, l’une et l’autre de ces formes d’infraction sont visées à l’article 101 TFUE (voir arrêt du 17 mai 2013, MRI/Commission, T‑154/09, EU:T:2013:260, point 164 et jurisprudence citée).

56 La double qualification de l’infraction d’accord « et/ou » de pratique concertée doit être comprise comme désignant un tout complexe comportant des éléments de fait dont certains ont été qualifiés d’accord et d’autres de pratique concertée au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, lequel ne prévoit pas de qualification spécifique pour ce type d’infraction complexe (voir arrêt du 17 mai 2013, MRI/Commission, T‑154/09, EU:T:2013:260, point 165 et jurisprudence citée).

57 Il convient encore de rappeler que la portée du contrôle de légalité prévu à l’article 263 TFUE s’étend à l’ensemble des éléments des décisions de la Commission relatives aux procédures d’application des articles 101 et 102 TFUE dont le juge de l’Union assure un contrôle approfondi, en droit comme en fait, à la lumière des moyens soulevés par la partie requérante et compte tenu de l’ensemble des éléments pertinents soumis par cette dernière. Toutefois, dans le cadre de ce contrôle, les juridictions de l’Union ne peuvent, en toute hypothèse, substituer leur propre motivation à celle de l’auteur de l’acte en cause (voir arrêt du 25 juillet 2018, Orange Polska/Commission, C‑123/16 P, EU:C:2018:590, point 105 et jurisprudence citée).

58 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner, les moyens de la requête en ce qu’ils visent l’annulation de la décision attaquée.

59 Il sera d’abord procédé à l’examen du cinquième moyen, tiré de la violation du droit d’être entendu.

a) Sur le cinquième moyen, tiré de la violation des formes substantielles

60 La requérante reproche, en substance, à la Commission d’avoir violé ses droits de la défense aux motifs, d’une part, que les noms des clients, qui représentaient un élément de fait d’importance majeure pour la défense de ses droits et qui ne figuraient pas dans la communication des griefs du 4 novembre 2015, lui ont été transmis par une lettre d’exposé des faits et non par une communication des griefs complémentaire et, d’autre part, que le délai de deux semaines qui lui avait été imparti pour répondre à l’exposé des faits du 4 mai 2016, auquel une version non expurgée de la communication des griefs était jointe, était insuffisant pour se défendre utilement.

61 La Commission conteste les arguments de la requérante.

62 À titre liminaire, il convient d’indiquer que la Commission a adopté ladite communication des griefs le 4 novembre 2015. Entre le 12 novembre et le 17 décembre 2015, les destinataires de cette communication ont eu accès à la majeure partie du dossier par le biais d’un DVD. Tant la communication des griefs que le DVD contenaient des occultations dissimulant le nom des clients que la Commission avait accepté de traiter comme « provisoirement confidentiels ». À la suite de demandes d’accès introduites par plusieurs destinataires de la communication des griefs, la Commission a complété le premier DVD par deux autres DVD, qui ont été mis à la disposition de tous les destinataires de la communication des griefs le 4 mars et le 26 avril 2016, afin de donner accès aux noms des clients occultés.

63 Par son premier argument, la requérante soutient que, au lieu de lui adresser une lettre d’exposé des faits à laquelle était annexée une nouvelle version non expurgée de la communication des griefs et de son annexe 1, la Commission aurait dû lui envoyer une communication des griefs complémentaire, au motif que le nom des clients était un élément de fait d’importance majeure nécessaire à sa défense.

64 Selon la jurisprudence, le respect des droits de la défense dans toute procédure susceptible d’aboutir à des sanctions, notamment à des amendes ou à des astreintes, constitue un principe fondamental du droit de l’Union, qui doit être pleinement observé, même s’il s’agit d’une procédure ayant un caractère administratif. Dans le cadre d’une procédure d’infraction aux règles de concurrence, c’est la communication des griefs qui constitue la garantie procédurale essentielle à cet égard. Ainsi, le respect des droits de la défense exige, notamment, que la communication des griefs adressée par la Commission à une entreprise à l’encontre de laquelle elle envisage d’infliger une sanction pour violation des règles de concurrence contienne les éléments essentiels retenus à l’encontre de cette entreprise, tels que les faits reprochés, la qualification qui leur est donnée et les éléments de preuve sur lesquels la Commission se fonde, afin que cette entreprise soit en mesure de faire valoir utilement ses arguments dans le cadre de la procédure administrative engagée contre elle. À cet égard, il convient également de rappeler que, dès lors que la Commission indique expressément, dans sa communication des griefs, qu’elle va examiner s’il convient d’infliger des amendes aux entreprises concernées et qu’elle énonce les principaux éléments de fait et de droit susceptibles d’entraîner une amende, tels que la gravité et la durée de l’infraction supposée et le fait d’avoir commis cette dernière « de propos délibéré ou par négligence », elle remplit son obligation de respecter le droit des entreprises d’être entendues. En effet, ce faisant, la Commission leur donne les éléments nécessaires pour se défendre non seulement contre une constatation de l’infraction, mais aussi contre la sanction de cette dernière par l’infliction d’une amende (voir arrêt du 26 octobre 2017, Global Steel Wire e.a./Commission, C‑457/16 P et C‑459/16 P à C‑461/16 P, non publié, EU:C:2017:819, points 139 à 142 et jurisprudence citée).

65 Or, s’il est vrai que la communication des griefs du 4 novembre 2015 ne contenait pas le nom des clients, la requérante ne conteste pas que celle-ci décrivait à suffisance les produits faisant l’objet de l’entente, les acteurs du marché ainsi que le secteur concerné, la dynamique et le fonctionnement de l’entente, son étendue géographique, la période concernée et la durée de l’infraction. Elle ne conteste pas davantage que cette communication indiquait les principaux éléments de preuve sur lesquels la Commission envisageait de se fonder, leur qualification juridique ainsi que les facteurs susceptibles d’être retenus pour évaluer la gravité de l’infraction.

66 Dès lors, l’occultation du nom des clients n’a pas eu d’incidence sur le fait que la communication des griefs a permis à la requérante de disposer des principaux éléments de fait et droit essentiels pour exercer ses droits de la défense.

67 Du reste, le fait de rendre visible le nom des clients ne constitue ni un nouveau grief qui aurait été émis par la Commission, ni un élément susceptible de modifier la nature intrinsèque de l’infraction dont la requérante est accusée, mais simplement une précision sur laquelle cette dernière devait certes pouvoir se prononcer, mais qui n’emportait pas, pour la Commission, l’obligation d’émettre une communication des griefs complémentaire.

68 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, pour respecter les droits de la défense des destinataires d’une décision en matière de concurrence, la Commission est tenue de notifier une seconde communication des griefs seulement lorsqu’elle a l’intention, dans la décision qu’elle adoptera, de retenir un grief qui n’avait pas été visé par la première communication des griefs (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, LG Display et LG Display Taiwan/Commission, T‑128/11, EU:T:2014:88, point 110 et jurisprudence citée).

69 À la lumière de ce qui précède, il convient d’écarter l’allégation de la requérante selon laquelle la Commission aurait dû établir une communication des griefs complémentaire.

70 Par son second argument, la requérante considère que, eu égard à l’importance que revêt le nom des clients, la communication des griefs qui était annexée à la lettre d’exposé des faits du 4 mai 2016 constituait, en substance, une nouvelle communication des griefs qui imposait, en conséquence, un délai minimal de quatre semaines pour y répondre. Dès lors, elle soutient que le délai de deux semaines qui lui a été imparti était insuffisant, aux fins de pouvoir se défendre utilement.

71 Or, ainsi qu’il a été conclu ci-dessus, le fait de rendre visible le nom des clients ne constituait ni un nouveau grief qui aurait été émis par la Commission, ni un élément susceptible de modifier la nature intrinsèque de l’infraction dont la requérante était accusée, de sorte que cette dernière ne saurait soutenir que la communication des griefs annexée à l’exposé des faits du 4 mai 2016 constituait une nouvelle communication.

72 De plus, comme le rappelle la Commission dans ses écritures, à supposer même que la lettre du 4 mai 2016 ait constitué une communication des griefs complémentaire, le point 110 de la communication de la Commission concernant les bonnes pratiques relatives aux procédures d’application des articles 101 et 102 [TFUE] (JO 2011 C 308, p. 6) précise qu’un délai plus court que le délai minimal de quatre semaines est généralement fixé aux fins de répondre à une communication des griefs complémentaire.

73 Du reste, le délai que la Commission doit accorder à une entreprise pour fournir ses observations à une lettre d’exposé des faits devrait prendre en compte la complexité relative et le volume des preuves fournies (arrêt du 15 décembre 2016, Infineon Technologies/Commission, T‑758/14, non publié, EU:T:2016:737, point 60).

74 Or, d’une part, il a été relevé au point 62 ci-dessus que la Commission avait complété le premier DVD d’accès au dossier par deux autres DVD, qui avaient été mis à la disposition de tous les destinataires de la communication des griefs le 4 mars et le 26 avril 2016, afin de donner accès aux noms des clients occultés. Ces éléments ont d’ailleurs conduit le conseiller-auditeur, dans son rapport final du 16 mars 2018, à conclure que la fourniture des DVD et l’envoi de l’exposé des faits du 4 mai 2016 avaient permis aux destinataires de la communication d’exercer leurs droits procéduraux de manière effective. Dans ces circonstances, il n’est pas démontré que le délai de deux semaines imparti à la requérante ait été insuffisant pour garantir ses droits de la défense.

75 D’autre part, il convient de relever qu’il était loisible à la requérante de solliciter une prorogation du délai de deux semaines par demande motivée adressée à la Commission, conformément au point 111 de la communication de la Commission concernant les bonnes pratiques relatives aux procédures d’application des articles 101 et 102 [TFUE], ce qu’elle n’a pas fait. Elle aurait également pu, comme le rappelle la Commission dans ses écritures, présenter un argument oral lors de l’audition qui s’est tenue du 12 au 14 septembre 2016.

76 Ainsi, il y a lieu de conclure que le fait que la Commission n’ait accordé qu’un délai de deux semaines à la requérante pour répondre à la lettre d’exposé des faits ne saurait être considéré comme une violation de ses droits de la défense.

77 Par suite, l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait dû émettre une communication des griefs complémentaire doit être écarté.

78 Le cinquième moyen doit donc être écarté.

b) Sur le premier moyen, tiré d’erreurs matérielles de fait

79 Par le présent moyen, la requérante soutient, en substance, que la Commission a effectué des constatations de fait erronées quant à sa participation aux différents échanges anticoncurrentiels. Ces erreurs d’appréciation auraient conduit la Commission à conclure à l’existence d’une violation de l’article 101 TFUE, là où, en réalité, aucune infraction par objet couvrant l’EEE n’a été commise.

80 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

81 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la charge de la preuve d’une violation de l’article 101 TFUE incombe à la Commission. Celle-ci est tenue de réunir des éléments de preuve suffisamment précis et concordants pour fonder la conviction que l’infraction a été commise (voir arrêt du 12 juillet 2018, Hitachi Metals/Commission, T‑448/14, non publié, EU:T:2018:442, point 117 et jurisprudence citée).

82 Toutefois, chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqués par la Commission, apprécié globalement, réponde à cette exigence (voir arrêt du 12 juillet 2018, Hitachi Metals/Commission, T‑448/14, non publié, EU:T:2018:442, point 118 et jurisprudence citée).

83 Il convient également de tenir compte du fait que les activités anticoncurrentielles se déroulent de manière clandestine, que les réunions se tiennent secrètement, que la documentation s’y référant est réduite au minimum, que les pièces découvertes par la Commission ne sont normalement que fragmentaires et éparses et que, partant, dans la plupart des cas, l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel doit être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une infraction aux règles de la concurrence (voir arrêt du 12 juillet 2018, Hitachi Metals/Commission, T‑448/14, non publié, EU:T:2018:442, point 119 et jurisprudence citée).

84 En outre, compte tenu du caractère notoire de l’interdiction des accords anticoncurrentiels, il ne saurait être exigé de la Commission qu’elle produise des pièces attestant de manière explicite une prise de contact entre les opérateurs concernés. Les éléments fragmentaires et épars dont pourrait disposer la Commission devraient, en toute hypothèse, pouvoir être complétés par des déductions permettant la reconstitution des circonstances pertinentes (voir arrêt du 12 juillet 2018, Hitachi Metals/Commission, T‑448/14, non publié, EU:T:2018:442, point 120 et jurisprudence citée).

85 En pratique, la Commission est souvent obligée de prouver l’existence d’une infraction dans des conditions peu propices à cette tâche, dans la mesure où plusieurs années ont pu s’écouler depuis l’époque des faits constitutifs de l’infraction et que plusieurs des entreprises faisant l’objet de l’enquête n’ont pas activement coopéré avec elle. S’il incombe nécessairement à la Commission d’établir qu’un accord illicite de fixation de prix a été conclu, il serait excessif d’exiger, en outre, qu’elle apporte la preuve du mécanisme spécifique par lequel ce but devait être atteint. En effet, il serait trop aisé pour une entreprise coupable d’une infraction d’échapper à toute sanction si elle pouvait tirer argument du caractère vague des informations présentées au regard du fonctionnement d’un accord illicite dans une situation dans laquelle l’existence de l’accord et son but anticoncurrentiel sont pourtant établis de manière suffisante. Les entreprises peuvent se défendre utilement dans une telle situation, pour autant qu’elles aient la possibilité de commenter tous les éléments de preuve invoqués à leur charge par la Commission (voir arrêt du 12 décembre 2014, Eni/Commission, T‑558/08, EU:T:2014:1080, point 36 et jurisprudence citée).

86 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient de déterminer si la Commission a apprécié de manière erronée le caractère anticoncurrentiel et la portée géographique des échanges auxquels la requérante a participé.

87 En l’espèce, il y a lieu de relever que la Commission a indiqué, au considérant 744 de la décision attaquée, que la requérante avait participé, entre le 26 juin 1998 et le 31 mai 2010, à 52 réunions multilatérales et à 6 contacts bilatéraux ou trilatéraux, soit un total de 58 contacts anticoncurrentiels. Dans la requête, la requérante n’avance d’arguments spécifiques qu’à l’encontre de douze contacts.

88 Il y a encore lieu de relever que la requérante ne conteste pas avoir participé aux différentes réunions et contacts contestés, à l’exception de trois contacts. En revanche, la requérante conteste, pour l’ensemble de ces réunions et contacts, la nature anticoncurrentielle et la portée géographique des discussions qui s’y sont tenues.

89 À cet égard, la requérante avance, en substance, deux griefs récurrents. D’une part, elle soutient que la Commission se serait fondée sur des éléments de preuve peu fiables, non corroborés et provenant d’une source unique. En effet, le caractère anticoncurrentiel de nombreuses réunions et contacts reposerait uniquement sur les déclarations des entreprises incriminées, faites pour bénéficier d’une réduction du montant de l’amende, et sur leurs procès-verbaux des réunions. Or, conformément à la jurisprudence, ces déclarations ne constituent une preuve suffisante de l’existence d’une infraction que si elles sont corroborées par d’autres éléments. Les procès-verbaux des réunions seraient ainsi loin de prouver à eux seuls une infraction par objet couvrant l’EEE. D’autre part, elle fait valoir que les informations échangées lors des réunions et contacts contestés ne constitueraient pas une restriction de concurrence par objet au sens de l’arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission (C‑286/13 P, EU:C:2015:184). Ces informations ne seraient que des commentaires d’ordre général sur le niveau des prix ou l’expression de règles fondée sur l’expérience et n’exprimeraient aucune intention en matière de politique de prix ou de comportement sur le marché.

90 Ces deux griefs récurrents appellent, in limine litis, un certain nombre d’observations générales.

1) Sur la valeur probante et la fiabilité des éléments de preuve

91 À cet égard, il suffit de rappeler que, premièrement, le seul fait que l’information a été soumise par une entreprise ayant formé une demande de clémence ne remet pas en cause sa valeur probante.

92 En effet, selon une jurisprudence constante, aucune disposition ni aucun principe général du droit de l’Union européenne n’interdit à la Commission de se prévaloir à l’encontre d’une entreprise des déclarations d’autres entreprises incriminées. Les déclarations effectuées dans le cadre de la communication sur la coopération de 2006 ne sauraient donc être considérées comme dépourvues de valeur probante de ce seul fait (voir, par analogie, arrêt du 5 juin 2012, Imperial Chemical Industries/Commission, T‑214/06, EU:T:2012:275, point 58 et jurisprudence citée).

93 Certes, une certaine méfiance à l’égard des dépositions volontaires des principaux participants à une entente illicite est compréhensible, dès lors que ces participants pourraient minimiser l’importance de leur contribution à l’infraction et maximiser celle des autres. Néanmoins, compte tenu de la logique inhérente à la procédure prévue par la communication sur la coopération de 2006, le fait de demander le bénéfice de son application en vue d’obtenir une réduction du montant de l’amende ne crée pas nécessairement une incitation à présenter des éléments de preuve déformés quant aux autres participants à l’entente incriminée. En effet, toute tentative d’induire la Commission en erreur pourrait remettre en cause la sincérité ainsi que la complétude de la coopération de l’entreprise et, partant, mettre en danger la possibilité pour celle-ci de tirer pleinement bénéfice de la communication sur la coopération de 2006 (voir, par analogie, arrêt du 5 juin 2012, Imperial Chemical Industries/Commission, T‑214/06, EU:T:2012:275, point 59 et jurisprudence citée).

94 En particulier, il y a lieu de considérer que le fait pour une personne d’avouer qu’elle a commis une infraction et d’admettre ainsi l’existence de faits qui dépassent ceux dont l’existence pouvait être déduite de manière directe des documents en question implique a priori, en l’absence de circonstances particulières de nature à indiquer le contraire, que cette personne a pris la résolution de dire la vérité. Ainsi, les déclarations allant à l’encontre des intérêts du déclarant doivent, en principe, être considérées comme des éléments de preuve particulièrement fiables (voir arrêt du 5 juin 2012, Imperial Chemical Industries/Commission, T‑214/06, EU:T:2012:275, point 60 et jurisprudence citée).

95 Les déclarations faites par des entreprises inculpées dans le cadre de demandes de clémence doivent, néanmoins, être appréciées avec prudence et, en général, ne sauraient être acceptées sans corroboration (voir arrêt du 16 juin 2011, FMC Foret/Commission, T‑191/06, EU:T:2011:277, point 119 et jurisprudence citée).

96 En effet, selon une jurisprudence constante, la déclaration d’une entreprise inculpée pour avoir participé à une entente, dont l’exactitude est contestée par plusieurs autres entreprises inculpées, ne peut être considérée comme constituant une preuve suffisante de l’existence d’une infraction commise par ces dernières sans être étayée par d’autres éléments de preuve (voir arrêt du 5 juin 2012, Imperial Chemical Industries/Commission, T‑214/06, EU:T:2012:275, point 61 et jurisprudence citée).

97 Deuxièmement, le seul critère pertinent pour apprécier les preuves produites réside dans leur crédibilité. Selon les règles généralement applicables en matière de preuve, la crédibilité et, partant, la valeur probante d’un document dépendent de son origine, des circonstances de son élaboration, de son destinataire et du caractère sensé et fiable de son contenu (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2018, Stührk Delikatessen Import/Commission, T‑58/14, non publié, EU:T:2018:474, points 72 et 73 et jurisprudence citée).

98 En outre, la crédibilité des preuves documentaires ne saurait être remise en cause par le fait qu’elles proviennent de l’auteur de la déclaration d’entreprise (voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2011, FMC Foret/Commission, T‑191/06, EU:T:2011:277, point 184).

99 Troisièmement, aucun principe de droit de l’Union ne s’oppose à ce que, pour conclure à l’existence d’une infraction, la Commission se fonde sur un seul élément de preuve documentaire, pourvu que la valeur probante de celui-ci ne fasse pas de doute et pour autant que, à lui seul, l’élément en cause atteste de manière certaine l’existence de l’infraction en question (voir arrêt du 16 juin 2011, FMC Foret/Commission, T‑191/06, EU:T:2011:277, point 122 et jurisprudence citée).

100 Certes, cette hypothèse ne s’applique pas, en règle générale, aux simples déclarations d’une entreprise inculpée, lesquelles, dans la mesure où elles sont contestées par d’autres entreprises concernées, doivent être corroborées par des éléments de preuve supplémentaires et indépendants (arrêt du 16 juin 2011, FMC Foret/Commission, T‑191/06, EU:T:2011:277, point 123).

101 Cette considération peut, néanmoins, être atténuée, dans le cas où la déclaration provenant de l’entreprise qui coopère est particulièrement fiable, car, dans ces circonstances, le degré de corroboration requis est moindre, aussi bien en termes de précision qu’en termes d’intensité (arrêt du 16 juin 2011, FMC Foret/Commission, T‑191/06, EU:T:2011:277, point 124).

102 En effet, dans l’hypothèse où un faisceau d’indices concordants permet de corroborer l’existence et certains aspects spécifiques de la collusion évoquée dans la déclaration soumise dans le cadre de la coopération, cette déclaration peut suffire à elle seule pour attester d’autres aspects de la décision attaquée. Dans ces conditions, la Commission peut se fonder exclusivement sur celle-ci, à condition que la véracité de ce qui a été affirmé ne suscite pas de doute et que les indications ne revêtent pas de caractère vague (voir arrêt du 16 juin 2011, FMC Foret/Commission, T‑191/06, EU:T:2011:277, point 125 et jurisprudence citée).

103 En outre, même si la déclaration d’une entreprise n’est pas corroborée en ce qui concerne les faits spécifiques attestés, elle peut avoir une certaine valeur probante pour corroborer le fait de l’existence de l’infraction, dans le cadre d’un faisceau d’indices concordants retenu par la Commission. En effet, dans la mesure où un document contient des informations spécifiques qui correspondent à celles figurant dans d’autres documents, il y a lieu de considérer que ces éléments peuvent se renforcer mutuellement (voir arrêt du 16 juin 2011, FMC Foret/Commission, T‑191/06, EU:T:2011:277, point 126 et jurisprudence citée).

104 Par ailleurs, la Commission doit pouvoir déduire, de périodes où les preuves sont relativement abondantes, des conclusions concernant d’autres périodes où l’écart entre chaque preuve peut être plus important. Il faudra, ainsi, une explication réellement solide pour convaincre une juridiction que, pendant une certaine phase d’une série de réunions, il s’est produit des choses totalement différentes de celles qui se sont passées au cours de réunions antérieures et ultérieures, alors que ces réunions réunissaient le même cercle de participants, qu’elles ont eu lieu dans le cadre de circonstances extérieures homogènes et qu’elles avaient incontestablement le même objectif (arrêt du 16 juin 2011, FMC Foret/Commission, T‑191/06, EU:T:2011:277, point 127).

2) Sur le caractère anticoncurrentiel des informations échangées

105 À cet égard, premièrement, il est utile de rappeler que, selon la jurisprudence, les critères de coordination et de coopération constitutifs d’une pratique concertée doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité FUE relatives à la concurrence, selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu’il entend suivre sur le marché intérieur (voir arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 119 et jurisprudence citée).

106 Si cette exigence d’autonomie n’exclut pas le droit des opérateurs économiques de s’adapter intelligemment au comportement constaté ou attendu de leurs concurrents, elle s’oppose cependant rigoureusement à toute prise de contact direct ou indirect entre de tels opérateurs de nature soit à influencer le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement qu’il a décidé de tenir sur ce marché ou qu’il a envisagé d’adopter sur celui-ci, lorsque ces contacts ont pour objet ou pour effet d’aboutir à des conditions de concurrence qui ne correspondraient pas aux conditions normales du marché en cause, compte tenu de la nature des produits ou des prestations fournies, de l’importance et du nombre des entreprises et du volume dudit marché (voir arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 120 et jurisprudence citée).

107 La Cour a ainsi jugé que l’échange d’informations entre concurrents était susceptible d’être contraire aux règles de la concurrence lorsqu’il atténuait ou supprimait le degré d’incertitude sur le fonctionnement du marché en cause avec comme conséquence une restriction de la concurrence entre entreprises (voir arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 121 et jurisprudence citée).

108 En particulier, il y a lieu de considérer comme ayant un objet anticoncurrentiel un échange d’informations susceptible d’éliminer des incertitudes dans l’esprit des intéressés quant à la date, à l’ampleur et aux modalités de l’adaptation du comportement sur le marché que les entreprises concernées vont mettre en œuvre (voir arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 122 et jurisprudence citée).

109 Il a déjà été jugé par le Tribunal que la fourniture d’informations commerciales sensibles, telles que l’échange de hausses de prix futures, avait, lorsque ces informations étaient adressées à une ou à des entreprises concurrentes, un effet anticoncurrentiel en ce que l’autonomie de comportement sur le marché des entreprises en cause s’en trouvait modifiée. En présence de telles pratiques entre concurrents, la Commission n’est pas tenue de prouver leurs effets anticoncurrentiels sur le marché en cause si elles sont concrètement aptes, compte tenu du contexte juridique et économique dans lequel elles s’inscrivent, à empêcher, à restreindre ou à fausser le jeu de la concurrence au sein du marché intérieur (voir arrêt du 16 septembre 2013, Wabco Europe e.a./Commission, T‑380/10, EU:T:2013:449, point 78 et jurisprudence citée).

110 Deuxièmement, il résulte des termes mêmes de l’article 101, paragraphe 1, TFUE que la notion de pratique concertée implique, outre la concertation entre les entreprises concernées, un comportement sur le marché faisant suite à cette concertation et un lien de cause à effet entre ces deux éléments (voir arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 126 et jurisprudence citée).

111 À cet égard, la Cour a considéré qu’il y avait lieu de présumer, sous réserve de la preuve contraire qu’il incombait aux opérateurs intéressés de rapporter, que les entreprises participant à la concertation et qui demeuraient actives sur le marché tenaient compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur ce marché. En particulier, la Cour a conclu qu’une telle pratique concertée relevait de l’article 101, paragraphe 1, TFUE même en l’absence d’effets anticoncurrentiels sur le marché (voir arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 127 et jurisprudence citée).

112 Il ressort ainsi de la jurisprudence que la fourniture d’informations commerciales sensibles, telles que l’échange d’informations sur les prix, y compris sur les prix futurs, sur l’offre et la demande, y compris sur l’offre et la demande futures (notamment sur le volume de production ou l’augmentation ou la diminution des expéditions), permet de réduire l’incertitude quant au comportement des concurrents sur le marché, d’aboutir à des conditions de concurrence ne correspondant pas aux conditions normales du marché et donc donne lieu à une pratique concertée ayant pour objet de restreindre la concurrence au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE.

113 C’est à la lumière de ces observations qu’il convient d’examiner les éléments concrets avancés par la requérante visant à contester la nature anticoncurrentielle et la portée géographique de chacun des échanges litigieux.

114 Les échanges contestés peuvent se diviser en trois séries d’échanges. La première série est relative aux réunions ECC, ayant eu lieu entre 1998 et 2003. La deuxième série est relative à un contact bilatéral d’avril-mai 2005 et à une réunion CUP du 13 décembre 2006. La troisième série est relative aux contacts ayant eu lieu après le 10 novembre 2008.

i) Sur les réunions ECC ayant eu lieu entre 1998 et 2003

–  Sur la réunion du 26 juin 1998

115 La requérante soutient, en substance, que, premièrement, ni l’original japonais du procès-verbal de la réunion ni sa traduction en anglais ne permettent d’établir que les discussions portaient sur le client européen Thomson. Seule la déclaration d’entreprise de Rubycon associerait la « société T », mentionnée dans le procès-verbal, à la « société Thomson ». De plus, la déclaration de Rubycon n’exposerait aucun raisonnement expliquant les motifs pour lesquels l’expression « société T » devrait être comprise comme désignant Thomson plutôt qu’un client japonais, s’agissant d’une réunion au Japon. En tout état de cause, le procès-verbal de la réunion ne suffirait pas à établir que les discussions auraient concerné l’Europe. La requérante souligne également n’avoir ni facturé ni expédié de condensateur pour Thomson au sein de l’EEE au cours de l’exercice 1999/2000 et de l’exercice 2001/2002. Deuxièmement, le procès-verbal de la réunion ne permettrait pas d’établir que la requérante aurait partagé avec les autres participants à la réunion des informations concernant les prix qu’elle aurait envisagé de pratiquer sur le marché. Il ne permettrait donc pas de caractériser une infraction par objet.

116 La Commission conteste les arguments de la requérante.

117 Il ressort du procès-verbal de la réunion établi par Rubycon et de sa déclaration d’entreprise, repris, en substance, aux considérants 109 à 111 de la décision attaquée, que, tout d’abord, Elna, NCC, Rubycon, la requérante et d’autres participants s’étaient mis d’accord sur un prix futur pour un client européen, fabricant français de produits électroniques, Thomson. Plus précisément, il avait été convenu par tous les participants à la réunion d’accorder à Thomson, en réponse à sa demande de prix, une réduction de prix de 0 à 3 %. Ensuite, la requérante s’était plainte des prix pratiqués par Elna en Italie. Enfin, un participant à la réunion s’était plaint des prix pratiqués par la requérante au Royaume-Uni.

118 Il convient d’observer, en l’espèce, que, premièrement, le procès-verbal de la réunion provient d’un des participants à l’infraction. Deuxièmement, ce document a été établi in tempore non suspecto, sans qu’il puisse être envisagé, au moment de son établissement, qu’il pourrait être porté à la connaissance de tiers. Troisièmement, comme cela est précisé au considérant 80 et à la note en bas de page no 132 de la décision attaquée, il s’agissait d’une réunion « ECC Foreign Trade » (commerce international), ce que ne conteste pas la requérante. Or, ainsi qu’il ressort de la déclaration d’entreprise de Rubycon, reprise, en substance, aux considérants 80 et 81 de la décision attaquée, les participants à ces réunions échangeaient des informations sur les prix pratiqués pour certains clients établis hors du Japon, sur les futurs prix en général, sur l’état d’avancement de leurs commandes en ce qui concerne les produits ou les régions du monde, y compris l’Europe. Quatrièmement, la requérante ne conteste pas que les lettres « E », « R » et « N », figurant dans le procès-verbal, se réfèrent respectivement à Elna, à Rubycon et à elle-même. Cinquièmement, le procès-verbal fait état de discussions concernant, tout d’abord, un accord entre les participants sur la réduction de prix qu’il conviendrait de consentir à un client, ensuite, une plainte de la requérante à l’égard des prix pratiqués par la société « E » en Italie et, enfin, une plainte de l’un des participants à l’égard des prix pratiqués par la requérante au Royaume-Uni.

119 En outre, ainsi que le souligne à juste titre la Commission dans le mémoire en défense, le fait que certains participants à la réunion, dont la requérante, se soient plaints des faibles prix pratiqués au sein de l’EEE par d’autres participants à la réunion révèle qu’il existait, entre ces entreprises, un accord ou une pratique concertée sur les prix au sein de l’EEE. Cette conclusion est corroborée par le fait que la requérante, en réponse à la plainte qui la visait, s’était engagée à « enquêter ».

120 Il convient donc de constater que le procès-verbal de la réunion, sur lequel s’est fondée la Commission pour constater la nature anticoncurrentielle des informations échangées lors de cette réunion, met en évidence l’existence d’une volonté commune de coordination sur les prix au sein de l’EEE entre les participants, au sens de la jurisprudence rappelée aux points 105 à 111 ci-dessus.

121 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments de la requérante.

122 En premier lieu, il convient d’écarter l’argument selon lequel la déclaration d’entreprise de Rubycon n’exposerait aucun raisonnement expliquant les motifs pour lesquels l’expression « société T » devrait être comprise comme désignant Thomson plutôt qu’un client japonais, s’agissant d’une réunion au Japon, ainsi que celui tiré de la circonstance que, dans le procès-verbal de la réunion du 16 octobre 1997, le nom Thomson figurait en toutes lettres et non sous l’expression « société T ».

123 À cet égard, premièrement, il convient de souligner que l’explication relative à l’identité de la « société T » a été donnée par l’entreprise qui était à l’origine du procès-verbal de la réunion, ce qui tend à rendre cette explication particulièrement fiable.

124 Deuxièmement, ainsi que cela a été relevé au point 118 ci-dessus, la requérante ne conteste pas que cette réunion était une réunion « Foreign Trade » et que, dans le cadre de ces réunions, les participants échangeaient des informations se rapportant à leurs activités en dehors du Japon.

125 Troisièmement, il convient de relever que le procès-verbal de la réunion du 16 octobre 1997 auquel la requérante fait référence dans la requête pour étayer son allégation porte sur une réunion antérieure à la période infractionnelle. Dès lors, cet élément n’est pas de nature à apporter un éclairage sur le fonctionnement des réunions pendant la période infractionnelle. Du reste, le fait que « Thomson » ait été inscrit en toutes lettres dans ce procès-verbal ne signifie pas que la lettre « T » figurant dans le procès-verbal en cause ne désigne pas le fabricant français de produits électroniques Thomson.

126 Quatrièmement, à supposer même, comme le soutient la requérante dans ses écritures, que le « société T » ne désignerait pas Thomson, cela ne permet pas d’écarter le constat, figurant au point 120 ci-dessus, selon lequel les informations échangées étaient de nature anticoncurrentielle et couvraient l’EEE.

127 En deuxième lieu, il convient d’écarter l’argument selon lequel la requérante n’aurait facturé ni expédié aucun condensateur dans l’EEE pour des clients de Thomson au cours des exercices 1999/2000 et 2001/2002. En effet, à supposer même que la requérante n’ait pas effectué de ventes dans l’EEE aux clients faisant l’objet des discussions lors de cette réunion, cette seule circonstance n’empêche pas de constater que, en échangeant des informations commerciales sensibles, elle a réduit l’incertitude quant au comportement envisageable des concurrents et abouti à des conditions de concurrence ne correspondant pas aux conditions normales du marché.

128 En troisième lieu, pour autant que la requérante soutient que le procès-verbal de la réunion, sur lequel la Commission s’est fondée pour constater la nature anticoncurrentielle des informations échangées, serait, d’une part, insuffisant pour établir que cette réunion couvrait l’EEE et, d’autre part, insuffisamment corroboré, dès lors que la Commission se serait référée, pour ce faire, uniquement à la déclaration d’entreprise de Rubycon, ces arguments doivent être écartés, à la lumière de la jurisprudence rappelée aux points 92 à 104 ci-dessus.

–  Sur la réunion du 5 novembre 1998

129 La requérante soutient, en substance, que les deux extraits tirés du procès-verbal de la réunion établi par Rubycon n’expriment aucune intention de NCC et d’Elna quant à la politique de prix qu’elles entendaient pratiquer en Europe. Il n’existerait ainsi aucune preuve d’une infraction par objet couvrant l’EEE. En effet, le premier extrait ne serait qu’un commentaire d’ordre général sur le niveau des prix ainsi que l’expression d’une règle générale fondée sur l’expérience. Cette déclaration n’exprimerait aucune intention de la part de NCC quant à sa politique de prix et quant à son comportement sur le marché. Le second extrait ne concernerait que la région couverte par l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) et non l’Europe, ainsi que le confirmerait la déclaration d’entreprise de Rubycon.

130 La Commission conteste les arguments de la requérante.

131 Il ressort du procès-verbal de la réunion établi par Rubycon et de sa déclaration d’entreprise, mentionné aux considérants 113 à 115 de la décision attaquée, que, durant cette réunion, d’une part, NCC a informé la requérante et les autres participants à l’entente de ses intentions en matière de prix en Europe. Il ressort de ce procès-verbal, d’autre part, qu’Elna a fait part de ses craintes concernant le fait que la baisse du prix en dollar des États-Unis ne se limite pas à la région couverte par l’ANASE, mais s’étende au monde entier, de sorte qu’il était nécessaire de prendre des mesures précoces.

132 S’agissant du premier extrait, la requérante conteste l’interprétation retenue par la Commission des informations échangées par NCC dans le cadre de la réunion, aux termes desquelles :

« b) Europe

[…]

Les négociations sur les prix pour l’année prochaine sont à deux chiffres et la baisse de la demande entraîne une chute des prix. »

133 À cet égard, il convient de relever, premièrement, que les informations contenues dans cet extrait portent sur l’Europe, ce que la requérante ne conteste pas. Deuxièmement, contrairement à ce que prétend la requérante, ces informations ne constituent pas un commentaire général sur le niveau des prix ou l’expression d’une règle générale fondée sur l’expérience. En effet, même si aucun chiffre précis n’est indiqué dans le procès-verbal, ces informations dévoilent néanmoins aux autres participants la teneur des négociations que NCC était en train de mener pour l’année suivante avec ses clients et le comportement qu’elle avait décidé de tenir ou qu’elle envisageait de tenir sur le marché européen en matière de prix. Troisièmement, sans cette réunion, les autres participants n’auraient pas pu obtenir ces informations, qui étaient confidentielles et de nature à influer directement sur leur stratégie commerciale.

134 Il résulte des considérations qui précèdent que NCC a fourni aux autres participants à la réunion litigieuse des informations commerciales sensibles relatives à sa stratégie tarifaire future, qui étaient susceptibles d’éliminer l’incertitude quant aux prix qu’elle entendait pratiquer au sein de l’EEE l’année suivante.

135 S’agissant du second extrait, la requérante reproche à la Commission d’avoir présenté l’extrait – « il est à craindre que la baisse du prix du dollar ne se limite pas à la région [couverte par l’ANASE], mais s’étende au monde entier, de sorte qu’il est nécessaire de prendre rapidement des mesures » – hors de son contexte. Cet extrait correspondrait au second point d’un paragraphe intitulé « b) [ANASE] » et dont le premier point serait le suivant :

« [O]n commence à voir des demandes de réduction des prix en [dollar des États-Unis] dans la région [couverte par l’ANASE] en raison d’une grande fluctuation du dollar malaisien (le nom de Sony a été spécifiquement mentionné). »

136 À cet égard, il convient de relever que cet extrait mentionne la nécessité de prendre des mesures précoces, en raison de la crainte de voir la réduction du prix en dollar des États-Unis ne pas se limiter à la région couverte par l’ANASE, mais s’étendre au monde entier. Or, des mesures qui sont destinées à éviter que les baisses de prix constatées dans la région couverte par l’ANASE ne s’étendent au monde entier concernent nécessairement l’EEE.

137 Du reste, l’allégation selon laquelle la déclaration d’entreprise de Rubycon confirmerait que les mesures précoces en question ne concerneraient pas l’Europe doit être écartée. En effet, il ne ressort pas de cette déclaration que Rubycon ait précisé que les mesures en cause ne concernaient pas l’Europe. Dans cette déclaration, Rubycon a seulement indiqué qu’Elna avait appelé les autres participants à la réunion à prendre rapidement des mesures afin de limiter les demandes de réduction de prix provenant de la région couverte par l’ANASE.

–  Sur la réunion du 18 décembre 1998

138 La requérante soutient, en substance, que l’extrait tiré du procès-verbal de la réunion du 18 décembre 1998 établi par Rubycon, mentionné au considérant 118 de la décision attaquée, ne permet pas d’établir sa participation à une infraction par objet couvrant l’EEE.

139 La Commission conteste les arguments de la requérante.

140 Il ressort du procès-verbal de la réunion établi par Rubycon et de sa déclaration d’entreprise, repris, en substance, au considérant 118 de la décision attaquée, que, durant cette réunion, lors de la partie réservée à la « situation de chaque entreprise », l’un des participants, la société M, a informé les autres qu’une baisse visible était engagée en Europe, en ce qui concerne la situation actuelle et future de l’offre et la demande. Le même participant a également indiqué qu’il commencerait à assurer le règlement en euros à partir d’avril de l’année suivante.

141 S’agissant de la phrase « une baisse visible est engagée », mentionnée par la Commission, il convient de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante, cette phrase concerne spécifiquement le marché européen. En effet, ainsi qu’il résulte du procès-verbal de Rubycon, après avoir détaillé l’évolution de ses commandes dans la région couverte par l’ANASE, à Taiwan et aux États-Unis, la société M a ajouté « Europe – une baisse visible est engagée ».

142 Il doit en être déduit que, par cette information, la société M a renseigné les autres participants à la réunion sur l’état de ses commandes en Europe et non sur la situation générale du marché.

143 Il convient donc de constater que, contrairement à ce que soutient la requérante, les participants à la réunion ont échangé lors de celle-ci des informations individualisées et sensibles, et non d’ordre général, de nature à influer directement sur leur stratégie commerciale et à atténuer le degré d’incertitude sur le fonctionnement du marché en cause.

144 S’agissant de la seconde phrase de l’extrait mentionné par la Commission, à savoir « nous commencerons à assurer les règlements en euros à partir d’avril de l’année prochaine », il convient de relever que, premièrement, la requérante ne conteste pas que l’information partagée par la société M portait sur les modalités de paiement et, plus particulièrement, sur l’acceptation des paiements en euros à partir d’avril 1999. Deuxièmement, comme le souligne la Commission dans le mémoire en défense, le fait que l’euro ait été introduit en tant que monnaie non fiduciaire à partir du 1er janvier 1999 n’induisait pas nécessairement, d’une part, qu’une entreprise japonaise accepterait des paiements dans cette monnaie et, d’autre part, qu’elle l’accepterait à compter du mois d’avril 1999.

145 Il doit en être déduit que, par cette information, la société M a communiqué aux autres participants la stratégie tarifaire et commerciale qu’elle entendait mener sur le marché avec l’introduction de l’euro. Or, une telle information est par nature sensible et confidentielle et non, comme le prétend la requérante, publique.

146 Il convient donc de constater que, contrairement à ce que soutient la requérante, les participants à la réunion ont échangé, lors de celle-ci, des informations individualisées et sensibles de nature à influer directement sur leur comportement sur le marché en cause.

147 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de considérer que les informations échangées lors de cette réunion s’étendaient à l’EEE et présentaient une nature anticoncurrentielle, au sens de la jurisprudence rappelée aux points 105 à 111 ci-dessus.

–  Sur la réunion du 29 octobre 1999

148 La requérante soutient, en substance, que l’extrait du procès-verbal de Rubycon, relatif à la réunion du 29 octobre 1999, mentionné au considérant 122 de la décision attaquée, n’était qu’un commentaire de la société M concernant sa situation et non une demande adressée aux autres participants de restreindre leur offre. En outre, cette information, en particulier s’agissant d’un marché où les produits sont si diversifiés, ne serait pas une communication d’informations sur les prix constituant une restriction de la concurrence par objet au sens de l’arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission (C‑286/13 P, EU:C:2015:184). Par ailleurs, les déclarations de la requérante lors de cette réunion ne concerneraient aucunement l’Europe. La déclaration d’entreprise de Rubycon confirmerait que les discussions sur les prix portaient sur Taïwan. Au demeurant, la requérante n’aurait réalisé aucune vente à Nokia dans l’EEE, ni lors de l’exercice au cours duquel se serait tenue la réunion ni lors de l’exercice suivant.

149 La Commission conteste les arguments de la requérante.

150 Il ressort du procès-verbal de la réunion établi par Rubycon et de sa déclaration d’entreprise, repris, en substance, aux considérants 121 et 122 de la décision attaquée, que les participants à la réunion ont échangé des informations relatives aux condensateurs électrolytiques au tantale concernant deux clients européens, Nokia et Ericsson. Plus précisément, ainsi qu’il résulte de l’extrait du procès-verbal mentionné au considérant 122 de la décision attaquée, l’un des participants a indiqué qu’il avait augmenté de 40 % le prix des puces au tantale pour ces deux clients européens, mais que cela ne serait pas suffisant à moins de limiter l’offre.

151 À cet égard, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que, premièrement, s’il ressort effectivement du procès-verbal de la réunion que l’augmentation de 40 % du prix des condensateurs électrolytiques au tantale concernait une augmentation antérieure, une telle information, même si elle n’était plus d’actualité, restait, par essence, sensible et confidentielle et toujours de nature à influencer la stratégie future des autres participants à la réunion. Deuxièmement, la seconde partie de l’information, tenant à la circonstance selon laquelle l’augmentation du prix ne serait pas suffisante à moins de limiter l’offre, faisait référence aux intentions futures de l’auteur de cette déclaration, en ce qui concerne la fourniture de condensateurs électrolytiques au tantale à Nokia et à Ericsson, et plus précisément à son intention de restreindre la fourniture de ces produits à ces clients.

152 Il ressort donc de ce qui précède que les participants à la réunion ont échangé lors de celle-ci des informations individualisées et sensibles, qui étaient de nature à influer directement leur comportement sur le marché.

153 En outre, il convient de relever que ces informations concernaient deux clients européens, l’entreprise finlandaise Nokia et l’entreprise suédoise Ericsson.

154 Les informations échangées lors de la réunion du 29 octobre 1999 s’étendaient, par conséquent, à l’EEE et présentaient une nature anticoncurrentielle, au sens de la jurisprudence rappelée aux points 105 à 111 ci-dessus.

155 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments de la requérante.

156 Premièrement, il convient d’écarter l’argument selon lequel la société M n’aurait pas demandé aux autres participants de restreindre également leur offre. En effet, il suffit de relever que le fait que la société M n’ait pas demandé aux autres participants de restreindre leur offre est sans influence sur le constat selon lequel l’information échangée était de nature à atténuer ou à supprimer le degré d’incertitude sur le fonctionnement du marché en cause, avec pour conséquence une restriction de la concurrence entre entreprises.

157 Deuxièmement, il convient d’écarter l’argument selon lequel le procès-verbal de la réunion ne ferait état d’aucune réaction de la requérante à l’information partagée, de sorte qu’aucun comportement répréhensible ne saurait lui être imputé. En effet, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée aux points 105 à 111 ci-dessus, la seule divulgation d’informations commerciales sensibles à des concurrents constitue une pratique prohibée, dès lors qu’elle élimine l’incertitude relative au comportement futur d’un concurrent et influence ainsi, directement ou indirectement, la stratégie du destinataire des informations.

158 Troisièmement, il convient d’écarter l’argument selon lequel les déclarations de la requérante ne concerneraient pas l’Europe, de sorte que cette réunion ne saurait établir l’existence d’une pratique anticoncurrentielle concernant l’EEE. En effet, il suffit de relever que le fait que les déclarations de la requérante ne concernaient pas l’Europe est sans influence sur le constat selon lequel les informations partagées par la société M concernaient deux clients européens et présentaient une nature anticoncurrentielle, au sens de la jurisprudence rappelée aux points 105 à 111 ci-dessus.

159 Par ailleurs, l’argument selon lequel la déclaration d’entreprise de Rubycon confirmerait que l’augmentation de prix appliquée par la société M à Nokia et à Ericsson concernait Taïwan manque en fait. En effet, cette déclaration ne fait aucunement mention de Nokia et d’Ericsson. Elle fait état, sans plus de précision, de discussions entre les participants sur les efforts pour augmenter le prix des « condensateurs LB » livrés à Taïwan.

160 Quatrièmement, pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 127 ci-dessus, il convient d’écarter l’argument selon lequel la requérante n’aurait facturé ni expédié aucun condensateur à Nokia dans l’EEE au cours de la période litigieuse.

–  Sur la réunion du 17 décembre 1999

161 La requérante soutient, en substance, que les deux extraits du procès-verbal de Rubycon, relatif à la réunion du 17 décembre 1999, mentionnés aux considérants 125 et 126 de la décision attaquée, ne font aucune référence à l’Europe et sont trop généraux pour permettre de déduire le comportement des sociétés sur le marché.

162 La Commission conteste les arguments de la requérante.

163 Il ressort du procès-verbal de la réunion établi par Rubycon et de sa déclaration d’entreprise, repris, en substance, aux considérants 124 à 126 de la décision attaquée, que les participants à la réunion ont échangé des informations relatives, notamment, à leurs politiques de prix concernant leurs clients étrangers ainsi qu’à leurs intentions en matière de prix. Plus précisément, selon un extrait de ce procès-verbal mentionné au considérant 125 de la décision attaquée, l’un des participants a indiqué qu’il « n’a[vait] pas réduit le prix pour la société S [et qu’il n’] a[vait] pas non plus l’intention de réduire les prix pour les autres fabricants ». Par ailleurs, selon un autre extrait, figurant au considérant 126 de la décision attaquée, Elna a également informé les autres participants qu’elle « était en train de négocier avec les clients d’outre-mer une augmentation des prix de plusieurs points de pourcentage ».

164 En premier lieu, la requérante conteste l’interprétation retenue par la Commission de l’expression « clients d’outre-mer », selon laquelle cette expression inclurait les clients de l’EEE.

165 Il convient de relever, en l’espèce, que, premièrement, l’expression « clients d’outre-mer » ne fait référence à aucun client précis. Cette expression semble, en effet, être employée de manière générique, de sorte que rien ne permet d’exclure les clients de l’EEE. Deuxièmement, il ne ressort pas des différents procès-verbaux et notes internes relatives aux différents échanges que les participants à l’entente aient exclu l’EEE des discussions concernant la situation sur les marchés en dehors du Japon. Troisièmement, la requérante ne conteste pas que les participants à l’entente, qui utilisaient cette expression lors des différents échanges, étaient présents sur le marché de l’EEE à l’époque où ceux-ci ont eu lieu. Quatrièmement, il ressort des considérants 671 et 679 de la décision attaquée que, dans de nombreuses réunions ATC et MK, l’expression « clients d’outre-mer » incluait les clients de l’EEE, ce que ne conteste pas la requérante. Or, ainsi que le souligne la Commission, rien n’indique que la signification de cette expression était différente lorsqu’elle était utilisée dans le cadre des réunions ECC, a fortiori s’agissant de réunions s’inscrivant dans un même plan d’ensemble et rassemblant les mêmes participants.

166 Dans ces circonstances, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 83 et 84 ci-dessus, la Commission a pu logiquement considérer que l’expression « clients d’outre-mer » couvrait, en l’espèce, l’EEE.

167 Les éléments mis en avant par la requérante pour démontrer que cette expression visait exclusivement les clients de la région couverte par l’ANASE ne sauraient remettre en cause cette conclusion.

168 D’une part, contrairement à ce que soutient la requérante, la phrase du procès-verbal de Rubycon indiquant que « les participants devraient se soutenir mutuellement dans la négociation sur la hausse des prix en cours dans la région de l’[ANASE] », ne saurait être interprétée comme une demande concluant l’échange d’informations sur lequel se fonde la Commission aux considérants 124 à 126 de la décision attaquée. En effet, il suffit de relever, à cet égard, que cette phrase figure au point 2), sous d), du procès-verbal, dans une partie intitulée « Information générale », alors que les informations invoquées par la Commission figurent au point 1), sous b), du procès-verbal, dans une partie intitulée « Situations des participants ».

169 D’autre part, la requérante ne saurait se fonder sur l’utilisation de cette expression dans le procès-verbal de la réunion du 18 décembre 1999, intervenue le lendemain de la réunion en cause. En effet, contrairement à ce qu’affirme la requérante, il ressort seulement de ce dernier procès-verbal que ladite expression incluait la Corée et Taïwan, mais non qu’elle était limitée à des pays de l’ANASE.

170 En deuxième lieu, la requérante conteste la conclusion de la Commission selon laquelle les expressions « société S » et « autres fabricants », figurant dans les extraits « pas réduit le prix pour la société S » et « pas non plus l’intention de réduire les prix pour les autres fabricants », feraient référence à Sony et au marché européen.

171 S’agissant de l’expression « société S », il convient de relever que, premièrement, l’explication relative à l’identité de cette société a été donnée par l’entreprise qui était à l’origine du procès-verbal de la réunion, ce qui tend à lui conférer un caractère particulièrement fiable. Deuxièmement, plusieurs participants à l’entente ont confirmé, dans leur déclaration d’entreprise, que Sony possédait des usines de fabrication dans l’EEE et qu’ils avaient effectué, durant la période infractionnelle, des ventes à Sony dans l’EEE.

172 Dans ces circonstances, conformément à la jurisprudence rappelée au points 83 et 84 ci-dessus, la Commission a pu raisonnablement considérer que l’expression « société S » désignait Sony.

173 S’agissant de la portée géographique des informations échangées, tout d’abord, il a été relevé au point 171 ci-dessus que plusieurs participants à l’entente ont confirmé que Sony possédait des usines de fabrication dans l’EEE et qu’ils avaient effectué, durant la période infractionnelle, des ventes à Sony dans l’EEE. Ensuite, il ressort du procès-verbal de la réunion du 25 mai 2000, en particulier des extraits selon lesquels « ils ont augmenté les prix de 10 %-15 % en Europe » et, « [e]n particulier, pour la société S, LB augmentés d’au moins 20 %, de sorte que les commandes sont arrêtées », que les informations échangées tenant à la « société S », lors d’autres réunions ECC, ont porté sur l’Europe. Enfin, il convient de relever que l’expression « autres fabricants », figurant dans l’extrait en cause, ne fait référence à aucun fabricant précis. Cette expression paraît, en effet, être employée de manière générique, de sorte que rien ne permet d’exclure les fabricants de l’EEE. Il ne ressort pas des différents procès-verbaux et notes internes relatives aux différents échanges que les participants à l’entente aient exclu les fabricants de l’EEE des discussions.

174 Dans ces circonstances, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 83 et 84 ci-dessus, la Commission a pu raisonnablement considérer que les informations échangées concernaient l’EEE.

175 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments de la requérante tendant à démontrer que, même dans l’hypothèse où l’expression « société S » renverrait à Sony, cela ne signifierait pas que la réunion en cause portait sur l’EEE.

176 D’une part, contrairement aux affirmations de la requérante, le fait que les informations relatives à Sony, échangées lors de la réunion du 5 novembre 1998, portaient sur la région couverte par l’ANASE ne signifie pas que les informations échangées concernant cette société dans le cadre d’autres réunions portaient également sur la région couverte par l’ANASE.

177 D’autre part, l’argument selon lequel il ressortirait de la déclaration d’entreprise de Rubycon que les informations échangées dans le cadre de la réunion du 25 mai 2000 portaient sur Taïwan manque en fait. En effet, ainsi qu’il a été relevé au point 173 ci-dessus, les informations échangées concernant Sony dans le cadre de cette réunion portaient sur l’Europe, comme il peut, notamment, en être déduit de l’extrait suivant de ce procès-verbal :

« [I]ls ont augmenté les prix de 10 %-15 % en Europe. En particulier, pour la société S, LB augmentés d’au moins 20 %, de sorte que les commandes sont arrêtées. »

178 En troisième lieu, la requérante soutient que les informations échangées étaient générales et ne pouvaient pas, dès lors, être considérées comme susceptibles d’éliminer les incertitudes dans l’esprit des intéressés quant à la date, à l’ampleur et aux modalités de l’adaptation du comportement sur le marché que les entreprises concernées allaient mettre en œuvre.

179 À cet égard, il convient de relever que, premièrement, par l’information selon laquelle il était « en train de négocier avec les clients d’outre-mer une augmentation des prix de plusieurs points de pourcentage », le participant à la réunion en cause a renseigné les autres sur la teneur des négociations qu’il était en train de mener avec ses clients étrangers et le comportement qu’il avait décidé de tenir à leur égard en termes de prix.

180 Deuxièmement, par l’information selon laquelle il n’avait « pas réduit le prix pour la société S » et n’avait « pas non plus l’intention de réduire les prix pour les autres fabricants », le participant à la réunion en cause a renseigné les autres participants sur sa politique tarifaire concernant un client spécifique et commun ainsi que sur ses intentions concernant les autres fabricants.

181 Il convient donc de constater que les participants à la réunion ont échangé, lors de celle-ci, des informations individualisées, sensibles et confidentielles, de nature à influer directement sur leur stratégie commerciale et à atténuer le degré d’incertitude sur le fonctionnement du marché en cause.

182 Il s’ensuit que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, les informations échangées n’étaient pas générales et présentaient une nature anticoncurrentielle, au sens de la jurisprudence rappelée aux points 105 à 111 ci-dessus.

–  Sur les autres réunions

183 La requérante fait valoir, en substance, que, compte tenu des contraintes de longueur, qui ne lui permettent pas de développer pour toutes les réunions ECC les arguments qu’elle a présentés pour les cinq premières réunions afin d’illustrer les lacunes du raisonnement de la Commission, il convient, en tout état de cause, de constater que Rubycon a clairement indiqué dans sa déclaration d’entreprise que les réunions ultérieures ne présentaient pas davantage de lien avec l’EEE. Lors de l’audience, la requérante a précisé que les arguments avancés dans le cadre de ces cinq réunions ECC étaient valables pour l’ensemble des réunions ECC.

184 La Commission conteste les arguments de la requérante.

185 La requérante soutient que les erreurs d’appréciation de la Commission, dont elle a fait état de manière détaillée dans le cadre de sa contestation des cinq premières réunions ECC, se retrouvent également dans les réunions ECC ultérieures, de sorte que, si la Commission avait correctement apprécié les éléments de preuve, elle aurait abandonné, la concernant, l’allégation d’infraction unique et continue par objet couvrant l’EEE pour la totalité de ces réunions.

186 À cet égard, il a été conclu, à la suite de l’examen de chacune de ces cinq premières réunions, que la Commission avait considéré à bon droit que les informations échangées durant ces réunions s’étendaient à l’EEE et présentaient une nature anticoncurrentielle, au sens de la jurisprudence rappelée aux points 105 à 111 ci-dessus.

187 Il s’ensuit que l’argument de la requérante doit être écarté, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’irrecevabilité soulevée par la Commission tenant à l’argumentation de la requérante.

188 Du reste, la requérante soutient que Rubycon a indiqué, dans sa déclaration d’entreprise, que les informations échangées, lors des réunions ECC ultérieures, et notamment les réunions des 7 novembre et 5 décembre 2003, étaient sans lien avec l’EEE.

189 Or, la requérante se fonde, à cet égard, sur un extrait d’une partie de la déclaration de Rubycon, intitulée « Résumé des principaux éléments de preuve », qui ne contient nullement une telle indication. Bien au contraire, dans cet extrait, communiqué au Tribunal à sa demande, Rubycon a précisé que les accords sur les prix à appliquer à des types spécifiques de condensateurs électrolytiques à l’aluminium étaient généralement conclus au regard de trois défis particuliers auxquels les fabricants faisaient face et que le troisième de ces défis, lié aux augmentations de prix en rapport avec la fluctuation du taux de change du yen (JPY), tel qu’abordé lors des réunions du 7 novembre et du 5 décembre 2003, concernait directement l’Union.

190 Il s’ensuit que l’allégation de la requérante selon laquelle Rubycon aurait indiqué dans sa déclaration que les réunions ECC, qui se seraient tenues jusqu’en 2003, et plus particulièrement les réunions des 7 novembre et 5 décembre 2003, étaient sans lien avec l’EEE est manifestement erronée et doit donc être écartée.

ii) Sur le contact bilatéral d’avril-mai 2005 et la réunion CUP de décembre 2006

–  Sur le contact bilatéral avec NEC Tokin d’avril-mai 2005

191 La requérante soutient, en substance, que, conformément à la jurisprudence, la seule déclaration d’entreprise de NEC Tokin ne saurait constituer une preuve suffisante de l’existence de ce contact et a fortiori de l’infraction en cause. Par ailleurs, la Commission n’aurait pas tenu compte des éléments de preuve à décharge, comme les déclarations sous serment de ses employés et la déclaration du 3 mars 2015 de NEC Tokin, dans laquelle cette dernière aurait précisé que les contacts bilatéraux identifiés dans sa déclaration d’entreprise portaient très largement voire exclusivement sur l’Asie. Du reste, elle n’aurait elle-même réalisé aucune vente à Canon au sein de l’EEE pendant la période litigieuse.

192 La Commission conteste les arguments de la requérante.

193 Il ressort de la déclaration d’entreprise de NEC Tokin du 30 octobre 2014, reprise, en substance, aux considérants 271 et 272 de la décision attaquée, que NEC Tokin et la requérante ont, dans le cadre d’un contact bilatéral en date des mois d’avril-mai 2005, échangé des informations sur le prix des condensateurs au manganèse et au tantale devant être proposés à Canon.  

194 Par son premier argument, la requérante soutient que, conformément à la jurisprudence, la Commission ne saurait se fonder, en l’absence d’élément de preuve corroboratif, sur la seule déclaration d’entreprise de NEC Tokin pour établir ce contact et a fortiori l’infraction en cause.

195 Or, à la lumière de la jurisprudence rappelée aux points 99 à 102 ci-dessus, cet argument doit être écarté. Le seul critère pertinent pour apprécier les preuves produites réside dans leur crédibilité. La Commission peut, en effet, se fonder exclusivement sur une déclaration d’entreprise, à condition que la véracité de ce qui y a été affirmé ne suscite pas de doute et que les indications qu’elle contient ne revêtent pas un caractère vague.

196 En l’espèce, il convient de relever que, premièrement, les informations contenues dans la déclaration d’entreprise de NEC Tokin du 30 octobre 2014 ne sont aucunement formulées de manière vague, mais présentent au contraire un niveau de détail significatif, qui permet d’identifier la forme du contact, la période visée, les personnes concernées, le client concerné, le produit en cause et la nature des informations échangées. Deuxièmement, ces informations proviennent d’un témoin direct du contact litigieux, à savoir l’employé de NEC Tokin ayant participé à cet échange. Troisièmement, cette déclaration va à l’encontre des intérêts de NEC Tokin, puisque, par cette déclaration, cette dernière reconnaît avoir participé à un contact anticoncurrentiel.

197 Au demeurant, comme la Commission l’a relevé dans son mémoire en défense, la requérante n’ayant pas contesté, lors de la procédure administrative, l’existence même de ce contact, une telle absence de contestation est de nature à constituer un élément de preuve supplémentaire.

198 Quant aux déclarations sous serment des trois employés de la requérante, selon lesquelles, en substance, aucun membre du département des ventes n’aurait eu de contact, durant la période litigieuse, avec un employé de NEC Tokin concernant Canon, il suffit de relever qu’elles ont été établies postérieurement à l’adoption de la décision attaquée, en vue de défendre les intérêts de la requérante devant le Tribunal, et que, au vu de leurs conséquences pénales inexistantes pour le cas où elles seraient fausses, elles ne sauraient être assimilées à des déclarations faites sous serment devant une juridiction ou devant un procureur dans le cadre d’une enquête (voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2011, FMC Foret/Commission, T‑191/06, EU:T:2011:277, point 133 et jurisprudence citée).

199 Par suite, la Commission a pu considérer, à juste titre, que les informations contenues dans la déclaration de NEC Tokin présentaient un niveau certain de fiabilité.

200 Par son second argument, la requérante conteste la portée géographique du contact. Elle soutient, à cet égard, que la Commission a omis de prendre en considération la déclaration du 3 mars 2015 de NEC Tokin, dans laquelle elle aurait précisé, au point 15, que les informations échangées concernant Canon portaient sur l’Asie.

201 Or, premièrement, s’il ressort effectivement du point 15 de la déclaration de NEC Tokin du 3 mars 2015 que les contacts bilatéraux identifiés par NEC Tokin dans celle-ci portaient sur des ventes destinées essentiellement ou exclusivement à l’Asie, il ressort également du même point que cela ne concernait que certains condensateurs fournis à des clients spécifiques. L’argument de la requérante repose donc sur une extrapolation non justifiée des informations figurant dans cette déclaration.

202 Deuxièmement, au point 30 de ladite déclaration, NEC Tokin a précisé que, « dans certains cas » seulement, les livraisons avaient été effectuées vers des usines de fabrication ne figurant pas sur la liste jointe à cette déclaration et présentée comme incomplète. Dès lors, il doit nécessairement en être déduit, a contrario, que, dans les autres cas, les informations échangées dans le cadre de ces contacts portaient effectivement sur des livraisons effectuées vers des usines figurant sur cette liste, qui ne comprend que des usines situées au sein de l’EEE et parmi lesquelles figurent, notamment, les usines de fabrication en France et en Allemagne de Canon.

203 Troisièmement, contrairement à ce qu’affirme la requérante dans la réplique, les points 24 et 27 de la déclaration en cause de NEC Tokin ne démontrent pas que tout contact concernant Canon ne se rapportait pas à l’Europe. D’une part, comme le relève la Commission, si, au point 24 de cette déclaration, cette entreprise indique que « les ventes dans l’EEE étaient généralement traitées par sa filiale européenne, NEC Tokin Europe », il en ressort également qu’elle traitait parfois elle-même les ventes dans l’EEE. D’autre part, comme l’a également relevé la Commission, il ressort de l’avant-dernière phrase du point 27 de ladite déclaration que la dernière phrase de ce point, qui indique que, « pour autant que NEC Tokin le sache, aucun autre fabricant japonais de condensateurs ne vend à ces clients », ne concernait que des clients qui n’étaient pas mentionnés dans les déclarations de NEC Tokin. Par conséquent, cette phrase ne pouvait pas s’appliquer à Canon.

204 Quatrièmement, pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 127 ci-dessus, il convient d’écarter l’argument selon lequel la requérante n’aurait réalisé aucune vente à Canon dans l’EEE au cours la période litigieuse.

205 Au vu de ces considérations, l’argument de la requérante selon lequel les informations échangées concernant Canon portaient seulement sur l’Asie doit donc être écarté. Par voie de conséquence, son allégation selon laquelle un contact qui ne couvrirait pas les ventes dans l’EEE ne saurait établir le caractère continu de l’infraction doit être également rejeté comme manquant manifestement en fait. En tout état de cause, au regard de la jurisprudence rappelée au point 82 ci-dessus, une telle allégation est dénuée de tout fondement.

–  Sur la réunion CUP du 4 juillet 2006

206 La requérante soutient que les éléments de preuve relatifs à cette réunion ne permettent pas de conclure qu’elle portait sur l’Europe.

207 La Commission conteste les arguments de la requérante.

208 Il ressort du procès-verbal de la réunion établi par Rubycon et de sa déclaration d’entreprise, repris, en substance, aux considérants 299 à 303 de la décision attaquée, que les participants à la réunion ont, lors de celle-ci, échangé, d’une part, au sujet de la réponse à donner à la lettre de Sony concernant les substances nocives pour l’environnement contenues dans leurs produits respectifs et, d’autre part, au sujet de leurs intentions en matière de prix concernant les produits contenant du plomb, les condensateurs pour les téléviseurs à rétroprojection de Sony et les condensateurs à puces. NCC a notamment manifesté son intention d’augmenter ses prix pour ces produits pour le marché étranger.

209 Tout d’abord, il convient de relever que la requérante ne conteste pas que les réunions CUP avaient une portée mondiale et qu’elles incluaient donc nécessairement l’EEE. Elle ne conteste pas non plus que le premier sujet débattu lors de la réunion concernait la réponse à donner à la lettre que Sony leur avait adressée et par laquelle cette dernière souhaitait s’assurer que leurs produits respectaient la directive 2002/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 janvier 2003, relative à la limitation de l’utilisation de certaines substances dangereuses dans les équipements électriques et électroniques (JO 2003, L 37, p. 19), qui imposait aux États membres de veiller à ce que, à compter du 1er juillet 2006, les nouveaux équipements électriques et électroniques mis sur le marché européen ne contiennent pas de plomb ou d’autres substances dangereuses.

210 Ensuite, il ressort du procès-verbal de la réunion, lu à la lumière de la déclaration d’entreprise de Rubycon, que, premièrement, la lettre adressée par Sony aux participants émanait de Sony Europe ; deuxièmement, l’augmentation du prix des produits contenant du plomb s’inscrivait dans le cadre de la même discussion que celle concernant la lettre de Sony et, troisièmement, NCC a informé les autres participants qu’elle n’avait pas l’intention d’accéder à la demande de baisse de prix de Sony Europe portant sur certains condensateurs électrolytiques à l’aluminium et qu’elle avait l’intention d’augmenter le prix des condensateurs utilisés dans les écrans de télévision « Reapro Troy II » produits par Sony et le prix des condensateurs électrolytiques en aluminium à puces pour les étrangers.

211 Enfin, les informations contenues dans la déclaration de Rubycon proviennent des notes prises par son représentant à la réunion. Or, selon la jurisprudence, il convient d’accorder une grande importance à la circonstance qu’un document a été établi en liaison immédiate avec les faits ou par un témoin direct de ces faits (voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2015, FSL e.a./Commission, T‑655/11, EU:T:2015:383, point 183 et jurisprudence citée).

212 Il s’ensuit que la Commission a pu considérer, à bon droit, que les informations échangées, lors de cette réunion, présentaient un lien avec l’EEE.

213 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments de la requérante.

214 Premièrement, il convient d’écarter l’argument selon lequel l’augmentation du prix des produits contenant du plomb ne concernerait pas l’Europe, puisque ces produits ne pouvaient plus y être commercialisés depuis l’entrée en vigueur de la directive 2002/95.

215 À cet égard, d’une part, il a été relevé au point 210 ci-dessus que cette augmentation s’inscrivait dans le cadre de la même discussion que celle concernant la lettre de Sony Europe. D’autre part, l’argument de la requérante présuppose que tous les participants se seraient conformés à cette directive, et ce dès son entrée en vigueur, ce qu’elle n’a pas démontré. Par ailleurs, certains éléments du dossier tendent à montrer que les participants envisageaient de poursuivre les livraisons de produits contenant une quantité indétectable de plomb ou de pièces de rechange ou de réparations contenant cette substance.

216 Deuxièmement, il convient d’écarter l’argument selon lequel l’augmentation du prix des condensateurs pour téléviseurs à rétroprojection de Sony ne concernerait pas l’Europe, puisque, selon les informations disponibles, les usines de fabrication de Sony pour ces produits se situaient au Japon, en Malaisie et au Mexique, ainsi que cela ressort de l’annexe A39 de la requête.

217 À cet égard, si l’annexe fait effectivement état d’usines de production situées au Japon, en Malaisie et au Mexique pour ces produits, il y a lieu, toutefois, de relever que, d’une part, cette annexe revêt la forme d’un article de presse paru sur Internet, le 27 décembre 2007, dont les informations s’appuient sur des sources prétendument internes, et dont dès lors la véracité et la fiabilité ne sont pas démontrées. Il y a lieu de relever que, d’’autre part, à supposer même ces informations fiables, celles-ci se bornent uniquement à affirmer que, en décembre 2007, les usines de fabrication de Sony pour ces produits se situaient au Japon, en Malaisie et au Mexique.

218 Troisièmement, il convient d’écarter l’argument selon lequel l’augmentation du prix des condensateurs à puces pour les étrangers ne concernerait pas l’Europe, au motif que, d’après la déclaration de Rubycon, le reste de la réunion aurait porté sur les livraisons de condensateurs dans les « pays BRIC » (Brésil, Russie, Inde et Chine) uniquement.

219 La requérante fonde cet argument sur le fait que, selon elle, tous les paragraphes de la déclaration suivant celui où est évoqué pour la première fois le marché des « pays BRIC » doivent être compris comme se rapportant à cette zone géographique. Or, cette lecture de la requérante présente une contradiction manifeste, d’une part, avec son argumentation rappelée au point 216 ci-dessus, qui, bien qu’elle porte sur l’un des paragraphes censé se rapporter aux « pays BRIC », tend à soutenir que l’augmentation du prix des condensateurs pour téléviseurs à rétroprojection de Sony concernerait le Japon, la Malaisie et le Mexique, et, d’autre part, avec la mention « marché domestique », figurant dans le paragraphe relatif à l’augmentation du prix des condensateurs à puces.

220 Quatrièmement, il convient d’écarter l’argument selon lequel les mentions « mitsumi » et « Kihara spécial », figurant au procès-verbal de la réunion, qui feraient référence à une société japonaise et au service de contrôle de la qualité de Sony au Japon, étayeraient l’allégation de la requérante selon laquelle les discussions ne concernaient pas Sony Europe, mais portaient sur le Japon.

221 À cet égard, il convient de constater que, d’une part, la requérante ne fournit aucun élément de preuve au soutien de son allégation selon laquelle les mentions « mitsumi » et « Kihara spécial » feraient référence à une société japonaise et au service de contrôle de la qualité de Sony au Japon. D’autre part, il ressort clairement de la déclaration de Rubycon que NCC avait informé les autres participants qu’elle n’avait pas l’intention d’accéder à la demande de baisse de prix de Sony Europe portant sur certains condensateurs électrolytiques à l’aluminium. Il ressort également clairement de celle-ci que les mentions « mitsumi » et « Kihara spécial » faisaient référence à deux modèles de produits que NCC fournissait à Sony.

222 À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, l’allégation de la requérante selon laquelle les informations échangées lors de la réunion du 4 juillet 2006 ne concernaient pas l’Europe doit être écartée comme manquant manifestement en fait.

iii) Sur les contacts ayant eu lieu après le 10 novembre 2008

–  Sur les contacts bilatéraux avec NEC Tokin de février et juillet 2009

223 La requérante reproche à la Commission de se fonder uniquement sur la déclaration d’entreprise de NEC Tokin du 30 octobre 2014 pour établir l’existence de contacts avec cette entreprise et d’avoir omis de prendre en considération la déclaration orale du 3 mars 2015 de cette même entreprise.

224 La Commission conteste les arguments de la requérante.

225 Il ressort de la déclaration d’entreprise de NEC Tokin du 30 octobre 2014, reprise, en substance, aux considérants 499 et 530 de la décision attaquée, que NEC Tokin et la requérante ont, dans le cadre de deux contacts bilatéraux des mois de février et juillet 2009, échangé des informations sur les prix des condensateurs au manganèse et au tantale devant être proposés à Sony.

226 Par son premier argument, la requérante soutient que, conformément à la jurisprudence, la Commission ne saurait se fonder, en l’absence d’élément de preuve corroboratif, sur la seule déclaration d’entreprise de NEC Tokin pour établir ces contacts et a fortiori l’infraction en cause.

227 Or, à la lumière des considérations figurant aux points 195 à 197 ci-dessus, la Commission a pu, à juste titre, se fonder sur la déclaration d’entreprise de NEC Tokin pour établir les contacts en cause. L’argument de la requérante doit donc être écarté.

228 Par son second argument, la requérante conteste la portée géographique de ces contacts. Elle soutient que la Commission a omis de prendre en considération la déclaration du 3 mars 2015 de NEC Tokin, en particulier le point 15, dans lequel elle aurait précisé que les informations échangées concernant Sony portaient sur l’Asie.

229 Or, à la lumière des considérations figurant aux points 201 et 202 ci-dessus, l’argument de la requérante doit être écarté.

230 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les autres arguments de la requérante.

231 En effet, premièrement, l’argument selon lequel l’affirmation « pour autant que NEC Tokin le sache, aucun autre fabricant japonais de condensateurs ne vend à ces clients », figurant au point 27 de la déclaration d’entreprise de NEC Tokin, démontrerait que tout contact concernant Sony ne se rapportait pas à l’Europe doit être écarté, à la lumière des considérations figurant au point 203 ci-dessus.

232 Deuxièmement, l’argument selon lequel l’affirmation « les ventes dans l’EEE étaient généralement traitées par sa filiale européenne, NEC Tokin Europe », figurant au point 24 de la déclaration d’entreprise de NEC Tokin, démontrerait que tout contact concernant Sony ne se rapportait pas à l’Europe doit être écarté, à la lumière des considérations figurant au point 203 ci-dessus.

233 À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, l’allégation de la requérante selon laquelle les informations échangées lors des contacts bilatéraux des mois de février et juillet 2009 ne concernaient pas l’Europe doit être écartée comme manquant manifestement en fait.

–  Sur le contact bilatéral avec NCC de juillet 2009

234 La requérante fait valoir, en substance, que, tout d’abord, la décision attaquée viole ses droits de la défense. Ensuite, les éléments de preuve, sur lesquels la Commission s’est fondée pour établir ce contact, ne prouveraient pas l’existence de discussions anticoncurrentielles entre la requérante et NCC. Enfin, ces éléments de preuve indiqueraient que les discussions concernaient les ventes au Japon et non à l’Europe.

235 La Commission conteste les arguments de la requérante.

236 Il ressort d’un courrier électronique de A de NCC, du 31 juillet 2009, ayant pour objet « négociations Alpine 09/2H CD », repris en substance, aux considérants 534 et 535 de la décision attaquée, que NCC et la requérante ont, dans le cadre d’un contact bilatéral du mois de juillet 2009, échangé des informations concernant l’état d’avancement des négociations sur les prix avec Alpine Hongrie.

237 En premier lieu, la requérante soutient que la Commission a violé ses droits de la défense en s’appuyant dans la décision attaquée, pour établir l’existence de ce contact, sur deux documents (ID 1711 et ID 4112) qui ne lui ont pas été communiqués au cours de la procédure administrative. Ces documents devraient donc être écartés.

238 À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le droit d’accès au dossier constitue le corollaire du principe des droits de la défense et implique que la Commission doit donner à l’entreprise concernée la possibilité de procéder à un examen de la totalité des documents figurant au dossier d’instruction qui sont susceptibles d’être pertinents pour sa défense (voir arrêt du 16 juin 2011, Heineken Nederland et Heineken/Commission, T‑240/07, EU:T:2011:284, point 235 et jurisprudence citée).

239 Ceux-ci comprennent tant les pièces à conviction que celles à décharge, sous réserve des secrets d’affaires d’autres entreprises, des documents internes de la Commission et d’autres informations confidentielles (voir arrêt du 16 juin 2011, Heineken Nederland et Heineken/Commission, T‑240/07, EU:T:2011:284, point 236 et jurisprudence citée).

240 Concernant les pièces à conviction, l’absence de communication d’un document ne constitue une violation des droits de la défense que si l’entreprise concernée démontre, d’une part, que la Commission s’est fondée sur ce document pour étayer son grief relatif à l’existence d’une infraction et, d’autre part, que ce grief ne pourrait être prouvé que par référence audit document. Il incombe ainsi à l’entreprise concernée de démontrer que le résultat auquel la Commission est parvenue dans sa décision aurait été différent si ce document non communiqué devait être écarté comme moyen de preuve (voir arrêt du 16 juin 2011, Heineken Nederland et Heineken/Commission, T‑240/07, EU:T:2011:284, point 237 et jurisprudence citée).

241 Il convient de relever que, pour établir ce contact, la Commission, ainsi qu’elle le souligne dans le mémoire en défense, s’est seulement appuyée dans la décision attaquée sur le courrier électronique de A de NCC du 31 juillet 2009. Les deux documents contestés par la requérante (ID 1711 et ID 4112) ne sont mentionnés, au considérant 536 de la décision attaquée, que pour réfuter l’argument, soulevé par la requérante dans sa réponse à la communication des griefs, selon lequel ledit courrier électronique n’établissait pas, avec certitude, l’existence d’un contact anticoncurrentiel.

242 Premièrement, s’agissant du document ID 1711, il convient de souligner que la requérante ne conteste pas l’allégation de la Commission selon laquelle ce document est la traduction en anglais du courrier électronique de A de NCC du 31 juillet 2009, ni le fait qu’elle a eu accès à la version japonaise originale de ce courrier durant la procédure administrative et qu’elle a eu la possibilité de faire valoir son point de vue. En toute hypothèse, il a été relevé au point 241 ci-dessus que ce document n’a été invoqué par la Commission que pour réfuter un argument soulevé par la requérante dans sa réponse à la communication des griefs et non, comme le soutient la requérante, pour établir l’existence dudit contact.

243 Deuxièmement, s’agissant du document ID 4112, il est constant entre les parties que ce document est la réponse de NCC au deuxième exposé des faits. Or, selon la jurisprudence, les réponses à la communication des griefs ne font pas partie du dossier d’instruction proprement dit. La Commission n’est tenue de divulguer lesdites réponses à d’autres parties concernées que s’il s’avère qu’elles contiennent de nouveaux éléments à charge ou à décharge (voir, par analogie, arrêt du 16 juin 2011, Heineken Nederland et Heineken/Commission, T‑240/07, EU:T:2011:284, points 241 et 242 et jurisprudence citée).

244 Un document ne peut être considéré comme un document à charge que lorsqu’il est utilisé par la Commission à l’appui de la constatation d’une infraction commise par une entreprise. Aux fins d’établir une violation de ses droits de la défense, il ne suffit pas, pour l’entreprise en cause, de démontrer qu’elle n’a pas pu se prononcer au cours de la procédure administrative sur un document utilisé à un quelconque endroit de la décision attaquée. Il faut qu’elle démontre que la Commission a utilisé ce document, dans la décision attaquée, comme un élément de preuve additionnel pour retenir une infraction à laquelle l’entreprise aurait participé (voir arrêt du 16 juin 2011, Heineken Nederland et Heineken/Commission, T‑240/07, EU:T:2011:284, point 245 et jurisprudence citée).

245 Il a été relevé au point 241 ci-dessus que ce document n’a été invoqué par la Commission que pour réfuter un argument soulevé par la requérante dans sa réponse à la communication des griefs et non, comme le soutient la requérante, pour établir l’existence dudit contact. En outre, l’extrait de la réponse de NCC au deuxième exposé des faits, sur lequel la Commission s’est appuyée pour étayer sa réponse à l’argument de la requérante, ne contient aucun nouvel élément à charge concernant la participation de la requérante à l’infraction en cause.

246 À la lumière de ces considérations, il y a lieu de constater que la Commission, dans la décision attaquée, n’a pas opposé à la requérante d’éléments nouveaux à charge dont elle n’aurait pas été informée et pour lesquels elle n’aurait pas pu faire valoir utilement son point de vue.

247 Par ailleurs, il convient de relever que la requérante n’a pas expliqué en quoi cette prétendue omission violerait ses droits de la défense. En outre, même à supposer que l’extrait de la réponse de NCC au deuxième exposé des faits ait constitué un nouvel élément de preuve à charge, la requérante n’a pas démontré, ainsi qu’il lui incombe, que le résultat auquel la Commission était parvenue dans sa décision aurait été différent si ce document non communiqué devait être écarté comme moyen de preuve (voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2011, Heineken Nederland et Heineken/Commission, T‑240/07, EU:T:2011:284, point 237 et jurisprudence citée).

248 Au vu de l’ensemble de ce qui précède, l’argument de la requérante doit donc être écarté.

249 En deuxième lieu, la requérante fait valoir que rien dans le courrier électronique du 31 juillet 2009 ne permet d’arriver à la conclusion selon laquelle A de NCC aurait discuté avec elle de son intention de refuser la demande de baisse de prix d’Alpine. La requérante soutient, à cet égard, que les informations précisant « je suis actuellement en discussion avec M. Koriyama de la société N » et « je vais de l’avant avec une réponse zéro », figurant dans ce courrier, ne sont pas liées.

250 À titre liminaire, il convient de relever que, tout d’abord, la requérante ne conteste pas que l’expression « société N », figurant dans le courrier électronique, la désigne. Ensuite, il est constant entre les parties que l’acronyme « CD » présent dans l’intitulé de l’email, à savoir « négociation 09/2H CD », se réfère à une demande de réduction de prix et que, dans ce contexte, l’expression « réponse 0 », mentionnée dans le courrier électronique, équivaut à un refus de faire droit à cette demande. Enfin, la Commission reconnaît, dans le mémoire en défense, avoir commis une erreur de traduction, en ce qui concerne le nom Koriyama. Ce nom désigne en réalité, ainsi que l’indique la requérante, l’usine de la requérante située à Koriyama (Japon) et non une personne. En conséquence, l’extrait « je suis actuellement en discussion avec M. Koriyama de la société N », mentionné par la Commission, doit, en réalité, se comprendre comme indiquant « je suis actuellement en discussion avec l’usine de Koriyama de la société N ».

251 Or, il ressort de ce courrier électronique que les deux informations, qui, selon la requérante, n’auraient pas de relation entre elles, figurent dans la même phrase et sont reliées par la conjonction de coordination « et ». Dans ce contexte, la Commission a pu raisonnablement considérer que cette conjonction de coordination impliquait une relation logique entre ces deux éléments et déduire de ce courrier électronique que NCC et la requérante avaient échangé des informations concernant la demande de baisse de prix d’Alpine.

252 En outre, ainsi que le souligne la Commission dans ses écritures, cette conclusion est confirmée par le courrier électronique du 14 septembre 2009, de B, un employé d’Europe Chemi-Con, filiale européenne de NCC, figurant dans le même fil d’échanges que le courrier du 31 juillet 2009. En effet, par ce courrier électronique, dont l’objet est « RE : demande de confirmation de prix Alpine » et qui débute par « en ce qui concerne les négociations 09/2H CD avec Alpine Hongrie », B, en réponse à un courrier électronique du même jour de A, a indiqué que « la réponse initiale de la société N était 0 » et « [i]ls ont une première négociation le 23 ».

253 Du reste, cette conclusion de la Commission ne saurait être remise en cause par la déclaration écrite de C, qui était responsable du bureau de la requérante à Koriyama durant la période litigieuse. Dans cette déclaration, C soutient, en substance, avoir, certes, reçu, en juillet 2009, un appel téléphonique de A concernant les condensateurs à puces pour équipement audio pour Alpine. Toutefois, il lui aurait clairement indiqué qu’il ne pouvait pas aborder ce sujet avec lui. C précise également que cet appel serait le seul qu’il ait reçu de A.

254 À cet égard, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que cette déclaration a été faite par un salarié de la requérante, postérieurement à la communication des griefs et exclusivement aux fins de minimiser la responsabilité de la requérante.

255 Or, selon la jurisprudence, les documents trouvés lors des vérifications disposent d’une valeur probante supérieure aux déclarations, établies in tempore suspecto par les représentants ou anciens représentants des entreprises incriminées, qui visent à atténuer la responsabilité de celles-ci (voir arrêt du 11 juillet 2014, Esso e.a./Commission, T‑540/08, EU:T:2014:630, point 75 et jurisprudence citée).

256 Cette conclusion de la Commission ne saurait également être remise en cause par l’allégation de la requérante selon laquelle le courrier électronique du 14 septembre 2009 de A tendrait à démontrer que les informations figurant dans les courriers électroniques échangés à cette date auraient été communiquées par Alpine et non par elle. En effet, même à supposer que cette allégation soit avérée, le courrier électronique du 31 juillet 2009 établit à suffisance de droit que NCC et la requérante échangeaient régulièrement et directement des informations sensibles et confidentielles concernant la demande de réduction de prix d’Alpine et que, comme l’illustre la dernière phrase de ce courrier électronique, NCC envisageait, à l’avenir, de se coordonner avec la requérante concernant le prix mondial.

257 À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, la Commission a pu considérer à juste titre que le courrier électronique de A du 31 juillet 2009 établissait à suffisance de droit la nature anticoncurrentielle du contact en cause, au sens de la jurisprudence rappelée aux points 105 à 111 ci-dessus.

258 En troisième lieu, la requérante conteste la portée géographique de ce contact et soutient que les éléments de preuve indiquaient que les informations échangées concernaient le Japon et non l’Europe.

259 À cet égard, il convient, tout d’abord, de relever que, ainsi qu’il résulte de la décision attaquée, NCC a elle-même reconnu, dans sa déclaration d’entreprise, que, dans le cadre de l’entente, sa filiale européenne, Europe Chemi-Con, avait réalisé des ventes à Alpine, au sein de l’EEE. Ensuite, le courrier électronique du 31 juillet 2009 était adressé, en copie, à trois employés d’Europe Chemi-Con, la filiale européenne de NCC. Enfin, comme il a été rappelé au point 256 ci-dessus, à la fin de ce courrier électronique, A envisageait de se coordonner avec la requérante concernant le prix mondial. Par conséquent, il existait suffisamment d’indices pour considérer que ce courrier électronique, lu à la lumière de la déclaration d’entreprise de NCC, concernait l’EEE. Au surplus, cette circonstance ressort explicitement du courrier électronique du 14 septembre 2009 de B, l’un des employés d’Europe Chemi-Con, qui débute par le membre de phrase « en ce qui concerne les négociations 09/2H CD avec Alpine Hongrie ».

260 Dans ces circonstances, la Commission a pu considérer, à bon droit, que les informations échangées, lors de ce contact, présentaient un lien avec l’EEE.

261 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments de la requérante.

262 Premièrement, il convient d’écarter l’argument selon lequel l’extrait figurant dans le courrier électronique de A du 31 juillet 2009, qui indique que ce dernier « confirmer[a], à l’avenir, avec la requérante le prix mondial », démontrerait que les informations échangées portaient sur les ventes intérieures japonaises.

263 À cet égard, il suffit de relever que le fait que cette phrase se réfère à une coordination future entre NCC et la requérante sur le « prix mondial » ne saurait constituer, en lui-même, un indice que les négociations mentionnées avant cette phrase concernaient le marché japonais.

264 Deuxièmement, il convient d’écarter l’argument selon lequel l’extrait figurant dans le courrier électronique de A du 14 septembre 2009, qui indiquerait que NCC aurait reçu une nouvelle demande de réduction de prix d’Alpine, démontrerait que les informations figurant dans le courrier électronique du 31 juillet 2009 concernaient également Alpine Iwaki et non Alpine Hongrie.

265 À cet égard, il suffit de relever que cette affirmation est en contradiction manifeste avec le courrier électronique de B du 14 septembre 2009 qui débute par « en ce qui concerne les négociations 09/2H CD avec Alpine Hongrie ». Du reste, à l’instar de la Commission, ce courrier électronique fait référence aux fluctuations du « taux de change » et « aux corrections de change ». Or, ces éléments tendent à laisser penser que les informations figurant dans cet échange concernaient davantage le marché étranger que le marché japonais.

266 À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, l’allégation de la requérante selon laquelle les informations échangées à l’occasion de ce contact ne concernaient pas l’Europe doit être écartée comme manquant manifestement en fait.

–  Sur le contact trilatéral du 9 mars 2010 avec NEC Tokin et Sanyo

267 La requérante soutient, en substance, que la Commission a, d’une part, fait montre d’une mauvaise compréhension de la charge de la preuve lui incombant et, d’autre part, dénaturé les éléments de preuve.

268 La Commission conteste les arguments de la requérante.

269 Il ressort d’un courrier électronique de D de Sanyo du 10 mars 2010 et de la déclaration d’entreprise de Sanyo, repris, en substance, aux considérants 583 et 584 de la décision attaquée, que NEC Tokin, Sanyo et la requérante ont, dans le cadre d’un contact trilatéral en date du 9 mars 2010, échangé des informations concernant leur intention d’augmenter le prix des condensateurs électrolytiques au tantale.

270 En premier lieu, la requérante semble soutenir que la Commission serait tenue de démontrer que chaque contact couvrait l’EEE.

271 À cet égard, il suffit de rappeler que, selon la jurisprudence rappelée aux points 81 à 85 ci-dessus, si la Commission doit faire état de preuves précises et concordantes pour fonder la ferme conviction que l’infraction a été commise, toutefois, chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l’infraction. L’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel peut être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de concurrence.

272 En second lieu, la requérante soutient que la Commission a dénaturé les éléments de preuve, en particulier, le courrier électronique de D, en concluant, au considérant 585 de la décision attaquée, que « rien dans les éléments de preuve contemporains ne donn[ait] à entendre que ce contact se soit limité à Taïwan ». La requérante étaye son allégation en faisant valoir que, tout d’abord, il ressort clairement du courrier électronique de D que les informations ont été échangées, à Taïwan, entre les responsables locaux de NEC Tokin et de la requérante. Ensuite, le courrier électronique ferait référence, à plusieurs reprises, au Nouvel An chinois, qui serait un jour férié important à Taïwan, et à ses conséquences sur l’activité commerciale. Enfin, les déclarations orales de Panasonic et de NEC Tokin confirmeraient que les informations échangées se limitaient à Taïwan.

273 Or, s’il ressort effectivement de ce courrier électronique que les informations ont été échangées à Taïwan, entre les responsables locaux des deux participants à l’entente, et qu’il a été fait mention du Nouvel An chinois et de ses répercussions commerciales, ces éléments n’excluent aucunement que les échanges aient pu porter sur d’autres marchés que le marché taïwanais. En particulier, il ressort de ce courrier électronique que le gestionnaire principal du département de la promotion des ventes de NEC Tokin au niveau mondial, E, était présent lors de ce contact, ce que ne conteste pas la requérante.

274 En outre, ainsi que le souligne la Commission dans ses écritures, ce courrier électronique était adressé notamment à I et F de Sanyo, lesquels exerçaient, comme E, des responsabilités commerciales au niveau mondial, ou, à tout le moins, qui ne se limitaient pas à Taïwan.

275 Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la requérante, les déclarations orales de Panasonic et de NEC Tokin ne confirment pas l’interprétation selon laquelle les informations échangées lors de ce contact se limitaient à Taïwan. En effet, d’une part, la déclaration de Panasonic confirme seulement que ledit contact a eu lieu à Taïwan. D’autre part, l’information, tirée du point 23 de la déclaration de NEC Tokin, selon laquelle, en substance, NEC Tokin Taïwan n’était pas impliquée dans les ventes dans l’EEE est sans pertinence en l’espèce, puisque les informations figurant dans le courrier électronique de D proviennent d’une discussion avec E, qui était le gestionnaire principal du département de la promotion des ventes pour NEC Tokin et non pour NEC Tokin Taïwan. En revanche, il ressort du point 24 de cette déclaration que NEC Tokin était parfois chargée des ventes dans l’EEE.

276 À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’écarter l’allégation de la requérante selon laquelle les informations échangées, lors de ce contact, s’étaient limitées au marché taïwanais.

–  Sur le contact trilatéral du 31 mai 2010 avec NCC et Rubycon

277 La requérante soutient, en substance, que la Commission ne saurait établir sa participation à des discussions anticoncurrentielles concernant l’EEE intervenues lors de ce contact exclusivement sur les déclarations d’entreprise de Rubycon.

278 La Commission conteste les arguments de la requérante.

279 Il ressort du procès-verbal de la réunion établi par Rubycon et de ses déclarations d’entreprise, ainsi que de la réponse de la requérante à la demande de renseignements de la Commission, repris, en substance, aux considérants 599 à 604 de la décision attaquée, que NCC, Rubycon et la requérante ont, lors d’un contact trilatéral en date du 31 mai 2010, échangé des informations concernant la méthodologie utilisée aux fins de calculer les prix, la fourchette de prix et les prix. Ils ont également convenu des prix minimaux à proposer à Sony concernant les condensateurs en aluminium de type crayon. Ils ont enfin échangé sur la nécessité d’augmenter le prix des livraisons de condensateurs à SSCS (service d’achat de Sony) vers la Hongrie, en raison de la faiblesse de l’euro.

280 En premier lieu, la requérante soutient que la Commission n’a pas établi à suffisance de droit sa participation à ces discussions.

281 À cet égard, il convient de relever que la requérante ne conteste pas la nature anticoncurrentielle des informations échangées lors de ce contact, la valeur probante intrinsèque des déclarations des 10 juin et 16 octobre 2014 de Rubycon et les informations figurant dans ces déclarations. La requérante conteste, en revanche, le fait que la Commission puisse se fonder sur ces seules déclarations pour établir sa participation à ces discussions.

282 Or, pour autant que la requérante affirme que la déclaration de Rubycon du 10 juin 2014 serait insuffisamment corroborée, dès lors que la Commission se serait référée, pour ce faire, uniquement à sa déclaration du 16 octobre 2014, cet argument doit être écarté, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 97 et 98 ci-dessus.

283 Du reste, il convient de relever, en l’espèce, que la déclaration du 16 octobre 2014 de Rubycon est, en réalité, un document explicatif venant éclairer le sens des notes manuscrites prises par G, l’un des deux représentants de Rubycon lors de ce contact. Or, ces notes ont été établies in tempore non suspecto, sans qu’il ait pu être envisagé, au moment de leur établissement, qu’elles pourraient être portées à la connaissance de tiers non concernés, par un témoin direct des discussions.

284 Dans ces circonstances, la Commission a pu considérer, à bon droit, que la participation de la requérante à ces discussions avait été établie à suffisance de droit. L’invocation par la requérante du principe de présomption d’innocence ne peut donc qu’être écartée.

285 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments de la requérante.

286 Premièrement, il convient d’écarter l’argument selon lequel les notes de G ne feraient état que d’une participation passive du représentant de la requérante à ces discussions, de sorte qu’aucun comportement répréhensible ne saurait lui être imputé.

287 À cet égard, il suffit de rappeler que, selon la jurisprudence, la seule divulgation d’informations commerciales sensibles entre entreprises concurrentes constitue une pratique prohibée, dès lors qu’elle élimine l’incertitude relative au comportement futur d’un concurrent et est de nature à influencer ainsi, directement ou indirectement, la stratégie du destinataire des informations.

288 En outre, même à supposer avérée l’allégation de la requérante, son silence, en l’absence de distanciation publique ou de dénonciation aux entités administratives de son contenu, constitue un mode passif de participation à l’infraction qui est de nature à engager sa responsabilité (voir arrêt du 5 décembre 2006, Westfalen Gassen Nederland/Commission, T‑303/02, EU:T:2006:374, point 124 et jurisprudence citée).

289 Deuxièmement, il convient d’écarter l’argument selon lequel la requérante aurait indiqué dans sa réponse du 19 août 2014 qu’aucune discussion sur les prix n’aurait eu lieu lors de ce contact.

290 Il suffit de relever, à l’instar de la Commission, que cette réponse, qui vise seulement à atténuer la responsabilité de la requérante, ne saurait diminuer la valeur probante des documents trouvés lors des vérifications et des explications données sur ces documents (voir, en ce sens, arrêt du 27 juin 2012, Coats Holdings/Commission, T‑439/07, EU:T:2012:320, point 121 et jurisprudence citée).

291 En second lieu, la requérante conteste la portée géographique de ce contact. Elle soutient que Rubycon aurait précisé dans sa déclaration du 20 mars 2015 que les contacts concernant Sony, entre mai 2010 et mars 2014, n’avaient « aucun effet direct sur les livraisons de condensateurs dans l’EEE ».

292 Or, premièrement, s’il ressort effectivement de la déclaration de Rubycon que les réunions ayant eu lieu entre mai 2010 et mars 2014 concernant Sony n’avaient pas d’effets directs sur la fourniture de condensateurs dans l’EEE, toutefois, elle précise également dans cette déclaration qu’elle ne disposait pas d’informations quant au fait de savoir si les clients qui avaient fait l’objet de discussions lors de ces réunions étaient également des clients d’autres participants et s’ils s’approvisionnaient auprès d’eux en condensateurs pour l’EEE. Par ailleurs, NCC, l’un des trois participants à ce contact, a reconnu, dans sa déclaration d’entreprise, que, dans le cadre de l’entente, sa filiale européenne, Europe Chemi-Con, avait réalisé des ventes à Sony au sein de l’EEE.

293 Deuxièmement, il convient de relever que la requérante ne conteste pas l’information, figurant au considérant 604 de la décision attaquée, selon laquelle les participants ont également échangé, lors de ce contact, sur la nécessité d’augmenter de 20 % le prix des livraisons de condensateurs à SSCS vers la Hongrie, en raison de la faiblesse de l’euro.

294 Dans ces circonstances, il y a lieu d’écarter l’allégation de la requérante selon laquelle les informations échangées, lors de ce contact, ne concernaient pas l’Europe.

iv) Conclusion

295 Au terme de l’examen exposé aux points 115 à 294 ci-dessus, il convient de constater que la Commission a établi la participation de la requérante à une série d’échanges lors desquels des informations sur les prix et les futurs prix pratiqués, sur les futures réductions de prix et les fourchettes de ces réductions, sur l’offre et la demande, y compris sur l’offre et la demande futures, ont été partagées et, dans certains cas, des accords sur les prix ont été conclus, appliqués et suivis. L’ensemble des éléments analysés démontre, à suffisance de droit, la participation de la requérante, au cours des échanges litigieux, à une infraction par objet couvrant l’EEE.

296 Pour chacun des faits constitutifs de cette infraction, la Commission a apporté une preuve crédible et, dans un grand nombre de cas, directement corroborée par d’autres preuves. La participation de la requérante à l’entente découle, d’une part, de sa participation à plusieurs réunions et contacts collusoires et, d’autre part, de la mention de son nom et de ses informations dans les différents documents établis en liaison immédiate avec ces contacts. Les arguments de la requérante tirés d’une prétendue dénaturation ou d’un « enjolivement » des éléments de preuve sont, à la lumière de l’analyse faite ci-dessus, non fondés.

297 Dans la mesure où, pour certains faits infractionnels, la Commission a invoqué des preuves isolées, qui n’ont pas pu être directement corroborées par d’autres preuves, il y a lieu de rappeler que, face à un faisceau d’indices concordants démontrant la participation à l’entente, il faut une explication réellement solide pour démontrer que, pendant une certaine phase d’une série d’échanges, il s’est produit des choses totalement différentes de celles qui se sont passées au cours des échanges antérieurs et ultérieurs (voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2011, FMC Foret/Commission, T‑191/06, EU:T:2011:277, points 127 et 248).

298 Or, à la lumière de l’analyse effectuée ci-dessus, force est de constater que la requérante n’a avancé aucun argument de nature à remettre en cause les preuves retenues par la Commission à son égard et à susciter des doutes quant à sa participation à l’infraction litigieuse. L’application du principe in dubio pro reo, selon lequel le doute doit profiter à l’accusé, invoqué par la requérante, ne peut donc qu’être écarté.

299 À la lumière de l’ensemble de ces considérations, il y a lieu d’écarter le premier moyen comme non fondé.

c) Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs de droit concernant la qualification d’infraction unique et continue et la responsabilité de la requérante dans la participation à cette infraction

300 Par le présent moyen, la requérante soutient que les conclusions de la Commission sont entachées d’erreurs tant en ce qui concerne le volet « objectif » de l’infraction unique et continue, à savoir la définition de son objectif global, qu’en ce qui concerne le volet « subjectif » de l’infraction, à savoir sa responsabilité.

301 Le moyen peut se diviser en cinq branches.

302 Dans le cadre de la première branche, la requérante soutient que la Commission n’a pas apporté la preuve de l’existence d’une infraction unique et continue couvrant toutes les ventes de condensateurs électrolytiques vers l’EEE.

303 Dans le cadre de la deuxième branche, la requérante soutient que la Commission l’a tenue, à tort, pour responsable des contacts bilatéraux et trilatéraux ayant eu lieu entre les autres participants à l’entente.

304 Dans le cadre de la troisième branche, la requérante soutient que la Commission l’a tenue, à tort, pour responsable d’une participation à une infraction unique et continue avant le 7 novembre 2003.

305 Dans le cadre de la quatrième branche, la requérante soutient que la Commission l’a tenue, à tort, pour responsable cette participation après le 10 novembre 2008.

306 Dans le cadre de la cinquième branche, la requérante soutient, à titre subsidiaire, que la Commission a conclu, à tort, qu’elle ne s’était pas distanciée publiquement de l’infraction, lorsqu’elle s’est retirée des réunions ATC le 16 février 2005, et qu’elle avait continué à participer à l’infraction entre le 16 février 2005 et le 13 décembre 2006.

307 À titre liminaire, il convient de rappeler que la notion d’infraction unique vise une situation dans laquelle plusieurs entreprises ont participé à une infraction constituée d’un comportement continu poursuivant un seul but économique visant à fausser la concurrence ou bien encore d’infractions individuelles liées entre elles par une identité d’objet (même finalité de l’ensemble des éléments) et de sujets (identité des entreprises concernées, conscientes de participer à l’objet commun) (voir arrêt du 28 avril 2010, Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, T‑446/05, EU:T:2010:165, point 89 et jurisprudence citée).

308 Selon une jurisprudence constante, une violation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE peut résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes ou bien encore d’un comportement continu, quand bien même un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer, en eux-mêmes et pris isolément, une violation de ladite disposition. Ainsi, lorsque les différentes actions s’inscrivent dans un « plan d’ensemble », en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence dans le marché intérieur, la Commission est en droit d’imputer la responsabilité de ces actions en fonction de la participation à l’infraction considérée dans son ensemble (voir arrêt du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch/Commission, C‑644/13 P, EU:C:2017:59, point 47 et jurisprudence citée).

309 L’objectif unique visé par le plan global qui caractérise une infraction unique et continue ne saurait être déterminé par la référence générale à la distorsion de concurrence dans le marché concerné par l’infraction, dès lors que l’atteinte portée à la concurrence constitue, en tant qu’objet ou effet, un élément consubstantiel à tout comportement relevant du champ d’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Une telle définition de la notion d’objectif unique risquerait de priver la notion d’infraction unique et continue d’une partie de son sens, dans la mesure où elle aurait comme conséquence que plusieurs comportements concernant un secteur économique, interdits par l’article 101, paragraphe 1, TFUE, devraient systématiquement être qualifiés d’éléments constitutifs d’une infraction unique (voir arrêt du 28 avril 2010, Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, T‑446/05, EU:T:2010:165, point 92 et jurisprudence citée).

310 Par ailleurs, afin de qualifier différents agissements d’infraction unique et continue, il n’y a pas lieu de vérifier s’ils présentent un lien de complémentarité, en ce sens que chacun d’entre eux est destiné à faire face à une ou à plusieurs conséquences du jeu normal de la concurrence et contribuent, par une interaction, à la réalisation de l’ensemble des effets anticoncurrentiels voulus par leurs auteurs, dans le cadre d’un plan global visant un objectif unique. En revanche, la condition tenant à la notion d’objectif unique implique qu’il doit être vérifié s’il n’existe pas d’éléments caractérisant les différents comportements faisant partie de l’infraction qui soient susceptibles d’indiquer que les comportements matériellement mis en œuvre par d’autres entreprises participantes ne partagent pas le même objet ou le même effet anticoncurrentiel et ne s’inscrivent par conséquent pas dans un « plan d’ensemble » en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence au sein du marché intérieur (voir arrêt du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch/Commission, C‑625/13 P, EU:C:2017:52, point 58 et jurisprudence citée).

311 En l’espèce, la Commission a considéré que les différents échanges décrits à la section 4.3.6 de la décision attaquée s’inscrivaient dans un plan global avec un but anticoncurrentiel unique. L’objectif poursuivi par les parties, et qui transparaît de ces échanges, était d’éviter la concurrence par les prix et de coordonner leur futur comportement concernant la vente de condensateurs électrolytiques, en réduisant ainsi l’incertitude sur le marché (considérants 730 et 731 de la décision attaquée).

312 Cet objectif anticoncurrentiel unique a été poursuivi au moyen de discussions sur les prix, y compris sur les prix futurs, de discussions sur l’offre et la demande, y compris sur l’offre et la demande futures (notamment sur le volume de production ou l’augmentation ou la diminution des expéditions) et, dans certains cas, des accords sur les prix ont été conclus, appliqués et suivis (considérants 62 et 715 de la décision attaquée).

313 Bien que l’entente ait évolué avec le temps et que les réunions multilatérales aient été organisées sous différents noms (réunions ECC de 1998 à 2003, réunions ATC de 2003 à 2005, réunions MK de 2005 à 2012 et réunions CUP de 2006 à 2008), la Commission a constaté que l’objectif n’avait pas changé. L’infraction s’est poursuivie sans interruption en dépit de l’évolution de la réalité économique, des variations de la structure organisationnelle de certaines des entreprises concernées et des changements intervenus dans le personnel impliqué dans le comportement (considérants 70 à 75, 726, 732, 741, 743 de la décision attaquée).

1) Sur la première branche, relative à l’absence de preuve d’une infraction unique et continue couvrant la totalité des ventes de condensateurs électrolytiques vers l’EEE

314 La requérante soutient, en substance, que, en raison de la nature hétérogène des condensateurs et de la spécificité de la demande sur les différents marchés géographiques, l’infraction, outre le fait de ne pas avoir été établie par la Commission, ne pouvait pas couvrir la totalité des ventes de condensateurs électrolytiques vers l’EEE.

315 La présente branche peut se diviser en deux griefs. Le premier grief est relatif à l’absence de preuve d’une infraction unique et continue couvrant la totalité des ventes de condensateurs électrolytiques. Le second grief est relatif à l’absence de preuve d’une infraction unique et continue couvrant la totalité des ventes de condensateurs électrolytiques vers l’EEE.

i) Sur le premier grief, relatif à l’absence de preuve d’une infraction unique et continue couvrant la totalité des ventes de condensateurs électrolytiques

316 La requérante fait valoir, à titre liminaire, que les condensateurs sont des produits très diversifiés, qui se distinguent par une multitude de caractéristiques et pour lesquels il n’existe pas de prix de marché uniforme, de sorte que l’infraction ne peut pas couvrir la totalité des ventes de condensateurs électrolytiques vers l’EEE. Elle soutient, plus précisément, que les éléments figurant aux considérants 796 et suivants de la décision attaquée, sur lesquels la Commission s’est fondée pour étayer sa conclusion, ne permettent pas d’établir à suffisance de droit l’existence d’une infraction unique et continue qui, prise dans son ensemble, couvrait la totalité des ventes de condensateurs électrolytiques.

317 La Commission conteste les arguments de la requérante.

318 À titre liminaire, il importe de rappeler que, pour déterminer les produits couverts par une entente, la Commission n’est pas tenue de définir le marché en cause sur la base de critères économiques. Ce sont les membres de l’entente eux-mêmes qui déterminent les produits faisant l’objet de leurs discussions et pratiques concertées (voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑71/03, T‑74/03, T‑87/03 et T‑91/03, non publié, EU:T:2005:220, point 90). Les produits concernés par une entente sont déterminés par référence aux preuves documentaires d’un comportement anticoncurrentiel effectif par rapport à des produits spécifiques (voir, en ce sens, arrêt du 11 décembre 2003, Adriatica di Navigazione/Commission, T‑61/99, EU:T:2003:335, point 27).

319 Il importe également de souligner que la Commission ne saurait, à cet égard, se fonder sur une présomption qui n’est étayée par aucun élément de preuve (voir, en ce sens, arrêt du 28 novembre 2019, ABB/Commission, C-593/18 P, EU:C:2019:1027, points 44 et 45).

320 Il ressort, cependant, de la décision attaquée, et notamment du considérant 736, que la Commission a constaté, après examen de l’ensemble des échanges anticoncurrentiels et des éléments de preuve s’y rapportant, que tous les échanges entre les participants à l’entente couvraient soit les condensateurs électrolytiques à l’aluminium ou au tantale, soit ces deux catégories de condensateurs électrolytiques.

321 Au considérant 796 de la décision attaquée, la Commission, premièrement, a précisé, en réponse à un grief de la requérante analogue au présent grief, invoqué lors de la procédure administrative, qu’il ressortait des échanges anticoncurrentiels que les discussions ne se limitaient pas à certains sous-types de condensateurs électrolytiques à l’aluminium ou au tantale.

322 Ainsi que l’expose la Commission dans ce considérant, cette absence de limitation de l’objet des discussions ressort des réunions des 29 août 2002, 22 décembre 2006, 25 juin 2008 et 20 décembre 2010, mentionnées dans la requête, au cours desquelles une grande variété de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et/ou au tantale était évoquée, mais aussi des discussions portant spécifiquement sur les éléments contribuant à la détermination du prix de vente des produits, tels que l’augmentation du coût des matières premières et la fluctuation des taux de change (voir, à titre d’exemple, les réunions mentionnées dans les notes en bas de page nos 1417 et 1418 de la décision attaquée). En effet, la teneur de ces discussions était générale et avait vocation à s’appliquer à tous les types de condensateurs électrolytiques à l’aluminium ou au tantale.

323 Deuxièmement, au considérant 797 de la décision attaquée, la Commission a constaté que les participants à l’entente n’avaient introduit, dans leurs déclarations d’entreprise, aucune limitation quant à la définition des condensateurs électrolytiques à l’aluminium ou au tantale couverts par l’entente.

324 Troisièmement, au considérant 798 de cette décision, la Commission a relevé que la majorité des représentants des participants à l’entente étaient responsables de la fabrication et/ou de la vente des condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale et non d’une gamme de produits spécifiques.

325 À la lumière de la jurisprudence rappelée aux points 84, 318 et 319 ci-dessus, la Commission, compte tenu de ces constats, a pu considérer, à juste titre, que l’entente couvrait l’ensemble des condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale et, partant, que l’infraction unique et continue couvrait l’ensemble de ces produits.

326 Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments de la requérante.

327 Premièrement, la requérante fait valoir, d’une part, que la Commission se réfère en réalité à quatre réunions uniquement pour soutenir, au considérant 796 de la décision attaquée, que l’entente portait sur la totalité des ventes de condensateurs électrolytiques. D’autre part, elle ajoute qu’aucun des échanges mentionnés dans les notes en bas de page nos 1417 et 1418 liées au considérant ne portait sur la totalité des ventes de condensateurs électrolytiques.

328 Or, la requérante procède à une lecture erronée de la décision attaquée, en particulier de son considérant 796. En effet, d’une part, la Commission invoque plus de quatre échanges anticoncurrentiels pour étayer sa conclusion selon laquelle l’entente portait sur l’ensemble des condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale et non sur un sous-type donné de condensateur. D’autre part, la Commission n’entendait pas démontrer, dans ce considérant, que les discussions lors de chaque échange portaient sur la totalité des ventes de condensateurs, mais simplement étayer sa conclusion, en citant à titre d’exemple les échanges visés aux notes en bas de page nos 1417 et 1418. Cet argument ne peut donc qu’être écarté.

329 Deuxièmement, la requérante soutient que l’absence de limitation dans les déclarations de clémence quant aux produits couverts par l’entente ne constitue pas une preuve suffisante pour établir que l’infraction portait sur la totalité des ventes de condensateurs électrolytiques.

330 Or, d’une part, il a été rappelé au point 318 ci-dessus que, selon la jurisprudence, ce sont les membres de l’entente eux-mêmes qui déterminent les produits faisant l’objet de leurs discussions et pratiques concertées. D’autre part, il ressort des points ci-dessus que la conclusion de la Commission ne repose pas sur les seules déclarations de clémence des entreprises. Cet argument ne peut donc qu’être écarté.

331 Troisièmement, la requérante affirme que l’annexe II de la décision attaquée ne permet pas d’établir que les personnes ayant participé à l’entente étaient responsables généralement de l’ensemble des condensateurs électrolytiques, aux motifs, d’une part, que cette annexe mentionnerait uniquement l’intitulé des fonctions de ces personnes, sans fournir de détails sur leurs responsabilités exactes, et, d’autre part, que les échanges auraient eu lieu au Japon entre employés japonais, lesquels n’étaient généralement pas responsables des ventes vers l’Europe.

332 Or, d’une part, il suffit de relever que le fait que le détail des responsabilités des personnes concernées n’ait pas été connu n’exclut pas qu’elles aient pu exercer des responsabilités en rapport avec l’ensemble des produits visés, ce que, du reste, la requérante ne conteste pas. D’autre part, la circonstance que ces personnes n’auraient pas été, en général, responsables des ventes vers l’Europe ne s’oppose pas à ce qu’elles aient pu l’être occasionnellement. En tout état de cause, il convient de rappeler que les personnes mentionnées sur cette liste étaient les représentants des participants à l’entente, de sorte qu’elles exerçaient nécessairement des responsabilités ayant un lien avec les produits en cause. Cet argument ne peut donc qu’être écarté.

333 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le présent grief doit être écarté.

ii) Sur le second grief, relatif à l’absence de preuve d’une infraction unique et continue couvrant la totalité des ventes de condensateurs électrolytiques vers l’EEE

334 La requérante soutient que, ainsi qu’il ressort des sections 3.1.18 et 3.1.20 de l’annexe D de sa réponse à la communication des griefs, les discussions relatives aux clients, si tant est qu’elles aient eu lieu, portaient presque exclusivement sur des entreprises asiatiques et sur des produits vendus pour l’essentiel au Japon ou sur le marché asiatique.

335 La Commission conteste les arguments de la requérante.

336 Par ce grief, la requérante réaffirme, en substance, l’absence de lien existant entre les discussions, qui se sont tenues durant les différents échanges, et l’EEE. Elle soutient à cet égard, premièrement, que les discussions concernaient presque exclusivement le Japon ou le marché asiatique, deuxièmement, qu’elle n’avait pas effectué de ventes dans l’EEE aux clients faisant l’objet de ces discussions, troisièmement, que la majorité de ses clients dans l’EEE n’avaient jamais été évoqués lors de ces échanges et, quatrièmement, que ces échanges avaient eu lieu au Japon, entre des personnes exerçant principalement des responsabilités pour le marché asiatique.

337 Il y a lieu de relever que l’argumentation présentée par la requérante dans le cadre de ce grief ne se distingue pas de celle présentée dans le cadre du premier moyen, dans lequel il a été conclu que la Commission avait considéré à bon droit que, bien que les réunions et contacts aient eu lieu au Japon, soit ils avaient une portée mondiale, de sorte qu’ils incluaient l’EEE, soit ils concernaient directement l’EEE.

338 Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant que l’infraction unique et continue couvrait l’EEE.

339 Du reste, en premier lieu, il ressort de l’examen des points 115 à 294 ci-dessus que, premièrement, les participants à l’entente avaient échangé des informations concernant des clients de l’EEE ou des clients ayant des usines de fabrications dans l’EEE. Deuxièmement, les participants à l’entente avaient coordonné leur politique commerciale, sans restriction géographique, en fonction des fluctuations des taux de change des devises, dont l’euro, et de l’augmentation du prix des matières premières. Troisièmement, la majorité des représentants des participants à l’entente exerçaient des responsabilités commerciales au niveau mondial, y compris dans l’EEE. Quatrièmement, aucun des six demandeurs de clémence n’avait introduit dans sa déclaration de limitation géographique, ce que, par ailleurs, la requérante ne conteste pas. Cinquièmement, les participants à l’entente ont admis dans leur déclaration qu’ils avaient vendu des condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale dans l’EEE.

340 En second lieu, compte tenu de la portée mondiale de l’entente et du fait qu’elle n’était pas limitée à des clients particuliers, ainsi qu’il ressort de l’examen des points 115 à 294 ci-dessus, il importe peu que les éléments de preuve aient compris des références à des clients auxquels la requérante n’avait pas effectué de ventes dans l’EEE.

341 Dans ces circonstances, il y a lieu d’écarter l’allégation de la requérante selon laquelle la Commission n’a pas établi à suffisance de droit que l’infraction unique et continue couvrait l’EEE.

342 Le présent grief doit donc être écarté, et, par voie de conséquence, la première branche du présent moyen dans son ensemble.

2) Sur la deuxième branche, relative à l’absence de responsabilité de la requérante concernant les contacts bilatéraux et trilatéraux ayant eu lieu entre les autres participants à l’entente

343 À titre subsidiaire, dans l’hypothèse où le Tribunal viendrait à confirmer l’existence d’une infraction unique et continue, la requérante soutient que la Commission a retenu, à tort, sa responsabilité pour des contacts bilatéraux et trilatéraux ayant eu lieu entre les autres participants à l’entente après la réunion ATC du 16 février 2005 et après la réunion CUP du 10 novembre 2008. La Commission ne se serait ainsi appuyée, en dépit de la jurisprudence, que sur des éléments de preuve indirects.

344 La Commission conteste les arguments de la requérante.

345 À titre liminaire, il convient de rappeler que la Commission a conclu, au considérant 744 de la décision attaquée, que la requérante avait participé, entre le 26 juin 1998 et le 31 mai 2010, à 52 réunions multilatérales et à six contacts bilatéraux ou trilatéraux. Au considérant 760 de cette décision, la Commission a considéré que les éléments de preuve montraient que la requérante avait directement participé à des réunions ECC, ATC et CUP multilatérales ainsi qu’à des contacts bilatéraux et trilatéraux. En conséquence, la Commission a considéré que, en ce qui concerne les contacts bilatéraux et trilatéraux ayant eu lieu entre les autres participants à l’entente après la réunion ATC du 16 février 2005 et après la réunion CUP du 10 novembre 2008, la requérante avait connaissance du comportement incriminé envisagé ou mis en œuvre par les autres participants dans la poursuite des mêmes objectifs ou aurait pu raisonnablement le prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque.

346 Par son argumentation, la requérante conteste, en substance, cette conclusion.

347 À cet égard, il importe de rappeler que, premièrement, les accords et les pratiques concertées visés à l’article 101, paragraphe 1, TFUE résultent nécessairement du concours de plusieurs entreprises, qui sont toutes coauteurs de l’infraction, mais dont la participation peut revêtir des formes différentes, en fonction notamment des caractéristiques du marché concerné et de la position de chaque entreprise sur ce marché, des buts poursuivis et des modalités d’exécution choisies ou envisagées. Toutefois, la simple circonstance que chaque entreprise participe à l’infraction dans des formes qui lui sont propres ne suffit pas pour exclure sa responsabilité pour l’ensemble de l’infraction, y compris pour les comportements qui sont matériellement mis en œuvre par d’autres entreprises participantes, mais qui partagent le même objet ou le même effet anticoncurrentiel (arrêt du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, EU:C:1999:356, points 79 et 80).

348 Deuxièmement, une entreprise ayant participé à une infraction unique et complexe par des comportements qui lui étaient propres, qui relevaient des notions d’« accord » ou de « pratique concertée » ayant un objet anticoncurrentiel au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE et qui visaient à contribuer à la réalisation de l’infraction dans son ensemble, peut ainsi être également responsable des comportements mis en œuvre par d’autres entreprises dans le cadre de la même infraction pour toute la période de sa participation à ladite infraction. Tel est le cas lorsqu’il est établi que ladite entreprise entendait contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants et qu’elle avait eu connaissance des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque. Ainsi, une entreprise peut avoir directement participé à l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, auquel cas la Commission est en droit de lui imputer la responsabilité de l’ensemble de ces comportements et, partant, de cette infraction dans son ensemble. Une entreprise peut également n’avoir directement participé qu’à une partie des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, mais avoir eu connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l’entente dans la poursuite des mêmes objectifs, ou avoir pu raisonnablement les prévoir et avoir été prête à en accepter le risque. Dans un tel cas, la Commission est également en droit d’imputer à cette entreprise la responsabilité de l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant une telle infraction et, par la suite, de celle‑ci dans son ensemble. En revanche, si une entreprise a directement pris part à un ou à plusieurs des comportements anticoncurrentiels composant une infraction unique et continue, mais qu’il n’est pas établi que, par son propre comportement, elle entendait contribuer à l’ensemble des objectifs communs poursuivis par les autres participants à l’entente et qu’elle avait eu connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par ces participants dans la poursuite des mêmes objectifs ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et était prête à en accepter le risque, la Commission n’est en droit de lui imputer la responsabilité que des comportements auxquels elle a directement participé et des comportements envisagés ou mis en œuvre par les autres participants dans la poursuite des mêmes objectifs que ceux qu’elle poursuivait et dont il est prouvé qu’elle avait eu connaissance ou pouvait raisonnablement les prévoir et était prête à en accepter le risque (voir arrêt du 26 janvier 2017, Duravit e.a./Commission, C‑609/13 P, EU:C:2017:46, points 118 à 120 et jurisprudence citée).

349 Troisièmement, une telle conclusion ne contredit pas le principe selon lequel la responsabilité pour de telles infractions a un caractère personnel. En effet, elle répond à une conception largement répandue dans les ordres juridiques des États membres quant à l’imputation de la responsabilité pour des infractions commises par plusieurs auteurs en fonction de leur participation à l’infraction dans son ensemble qui, dans ces systèmes juridiques, n’est pas considérée comme contraire au caractère personnel de la responsabilité (arrêt du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, EU:C:1999:356, point 84).

350 Or, en l’espèce, dans la décision attaquée, la Commission a procédé aux constats suivants. Premièrement, les réunions multilatérales et les contacts bilatéraux ou trilatéraux s’inscrivaient dans un plan global visant un objectif anticoncurrentiel unique. Deuxièmement, les réunions multilatérales constituaient une plate-forme pour les parties à l’entente tout au long de la durée de cette dernière. Troisièmement, les contacts bilatéraux ou trilatéraux venaient compléter les réunions multilatérales. Quatrièmement, les participants aux contacts bilatéraux ou trilatéraux étaient les mêmes que lors des réunions multilatérales. Cinquièmement, en raison de leur participation aux réunions multilatérales, les parties à l’entente savaient quels étaient les autres participants à l’entente et, partant, qui elles pouvaient contacter si, par exemple, elles souhaitaient aborder des questions ayant trait à un client spécifique. Sixièmement, toutes les parties à l’entente avaient participé à des contacts bilatéraux ou trilatéraux.

351 Au demeurant, dans ses écritures, la requérante ne conteste ni ces appréciations de la Commission ni le fait d’avoir participé à de nombreuses réunions multilatérales et contacts bilatéraux et trilatéraux.

352 Par conséquent, si, compte tenu de la nature bilatérale ou trilatérale des contacts auxquels elle n’avait pas participé, la requérante pouvait ne pas avoir connaissance de tous les détails des contacts de ceux-ci, en revanche, elle ne pouvait pas les ignorer ou, du moins, ne pas les prévoir. En effet, en ayant elle-même participé à de tels contacts, elle n’ignorait pas que la portée de l’entente s’étendait au-delà des réunions multilatérales et incluait également des contacts bilatéraux et trilatéraux. C’est donc à bon droit que la Commission a considéré que la requérante avait ou aurait dû avoir connaissance de l’existence des contacts bilatéraux ou trilatéraux ayant eu lieu entre les autres participants à l’entente après la réunion ATC du 16 février 2005 et après la réunion CUP du 10 novembre 2008 et qu’elle a retenu sa responsabilité pour ces contacts.

353 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments de la requérante.

354 Premièrement, il convient d’écarter l’argument selon lequel la responsabilité de la requérante n’aurait été établie que sur la base des réunions multilatérales, qui jouaient le rôle « pôle de rencontre ».

355 En effet, ainsi qu’il a été relevé au point 345 ci-dessus, la responsabilité de la requérante a été établie sur la base d’un faisceau d’indices précis et concordants, dont font certes partie les réunions multilatérales. Il ressort du considérant 760 de la décision attaquée que sa responsabilité a été retenue au motif qu’elle avait directement participé, d’une part, à des réunions multilatérales et, d’autre part, à des contacts bilatéraux et trilatéraux.

356 Deuxièmement, il convient d’écarter l’argument selon lequel la Commission aurait violé ses droits de la défense, en laissant entendre, au considérant 748 de la décision attaquée, que les réunions CUP avaient également servi de « pôle de rencontre » permettant les contacts bilatéraux et trilatéraux, alors même que, au point 172 de la communication des griefs, elle avait estimé qu’aucun contact bilatéral ou trilatéral n’avait fait suite à ces réunions.

357 Par cet argument, la requérante semble soutenir en substance que l’imputation de la responsabilité des contacts bilatéraux et trilatéraux reposait sur sa seule participation aux réunions CUP. Or, ainsi qu’il a été relevé au point 345 ci-dessus, l’imputation de la responsabilité des contacts bilatéraux ou trilatéraux ne repose pas sur sa seule participation aux réunions CUP, mais sur le fait qu’elle avait directement participé, d’une part, à des réunions multilatérales et, d’autre part, à des contacts bilatéraux et trilatéraux.

358 Troisièmement, il convient d’écarter l’argument, selon lequel la décision attaquée n’identifierait aucun contact bilatéral ou trilatéral auquel la requérante aurait participé à l’occasion des réunions CUP, de sorte que la Commission ne pouvait pas conclure qu’elle avait connaissance du fait que les réunions CUP comprenaient également des réunions bilatérales ou trilatérales entre les autres participants.

359 En effet, cet argument est sans influence sur le constat que la requérante ne pouvait pas, compte tenu de sa participation à des contacts bilatéraux et trilatéraux, ignorer ou ne pas prévoir que la portée de l’entente s’étendait au-delà des réunions CUP et incluait également des contacts bilatéraux et trilatéraux.

360 Sur la base de l’ensemble des considérations qui précèdent, la deuxième branche du présent moyen doit être écartée.

3) Sur la troisième branche, relative à l’absence de participation à une infraction unique et continue avant le 7 novembre 2003

361 La requérante rappelle, à titre liminaire, que, selon la jurisprudence, il incombe à la Commission d’invoquer des éléments de preuve qui se rapportent à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de sorte qu’il puisse être raisonnablement admis que l’infraction s’est poursuivie de manière ininterrompue entre deux dates précises. La requérante soutient que, même si le Tribunal venait à accueillir les conclusions de la Commission relatives aux réunions tenues avant le 7 novembre 2003, leur qualification d’infraction unique et continue ne saurait être accueillie, compte tenu des délais importants entre certaines réunions, en particulier entre le 18 décembre 1998 et le 29 octobre 1999, et entre le 22 novembre 2000 et le 19 septembre 2001. Par ailleurs, l’invocation, au point 186 du mémoire en défense, de réunions non incluses dans la décision attaquée serait irrecevable.

362 La Commission conteste les arguments de la requérante.

363 À cet égard, il convient de rappeler que, selon les circonstances, une infraction unique peut être continue ou répétée. En effet, si la notion d’infraction unique vise une situation dans laquelle plusieurs entreprises ont participé à une infraction constituée d’un comportement continu poursuivant un seul but économique visant à fausser la concurrence ou bien encore d’infractions individuelles liées entre elles par une identité d’objet et de sujets, les modalités selon lesquelles l’infraction a été commise permettent de qualifier l’infraction unique soit de continue, soit de répétée (voir arrêt du 10 novembre 2017, Icap e.a./Commission, T‑180/15, EU:T:2017:795, points 216 et 217 et jurisprudence citée).

364 À l’égard d’une infraction continue, la notion de plan d’ensemble permet à la Commission de présumer que la réalisation d’une infraction n’a pas été interrompue même si, pour une certaine période, elle ne dispose pas de preuve de la participation de l’entreprise concernée à cette infraction, pour autant que celle-ci a participé à l’infraction avant et après cette période et pour autant qu’il n’existe pas de preuves ou d’indices pouvant laisser penser que l’infraction s’était interrompue en ce qui la concerne. En ce cas, elle pourra infliger une amende pour toute la période infractionnelle, y compris la période pour laquelle elle ne dispose pas de preuve de la participation de l’entreprise concernée (voir arrêt du 10 novembre 2017, Icap e.a./Commission, T‑180/15, EU:T:2017:795, point 218 et jurisprudence citée).

365 Toutefois, le principe de sécurité juridique impose que, en l’absence d’éléments de preuve susceptibles d’établir directement la durée d’une infraction, la Commission invoque, au moins, des éléments de preuve qui se rapportent à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon à ce qu’il puisse être raisonnablement admis que cette infraction s’est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises (voir arrêt du 10 novembre 2017, Icap e.a./Commission, T‑180/15, EU:T:2017:795, point 219 et jurisprudence citée).

366 Si la période séparant deux manifestations d’un comportement infractionnel est un critère pertinent afin d’établir le caractère continu d’une infraction, il n’en demeure pas moins que la question de savoir si ladite période est ou non suffisamment longue pour constituer une interruption de l’infraction ne saurait être examinée dans l’abstrait. Au contraire, il convient de l’apprécier dans le contexte du fonctionnement de l’entente en question (voir arrêt du 10 novembre 2017, Icap e.a./Commission, T‑180/15, EU:T:2017:795, point 220 et jurisprudence citée).

367 Or, en l’espèce, premièrement, la Commission a indiqué, au considérant 60 de la décision attaquée, que les participants à l’entente avaient coordonné leur comportement – pour une période allant du 26 juin 1998 au le 23 avril 2012 – durant près de quatorze ans. Au considérant 744 de la décision attaquée, la Commission a précisé que la requérante avait participé à l’entente – pour une période allant du 26 juin 1998 au 31 mai 2010 – durant près de douze ans.

368 Deuxièmement, ainsi qu’il résulte des considérants 108 à 209 de la décision attaquée, la Commission a relevé que la requérante avait participé à plus de 21 réunions multilatérales entre le 26 juin 1998 et le 7 novembre 2003.

369 Troisièmement, il convient de relever que les réunions et contacts anticoncurrentiels s’inscrivaient dans un plan d’ensemble avec un objectif économique unique.

370 Quatrièmement, aucun élément du dossier n’indique que, durant la période en cause, la requérante se soit distanciée de l’entente ou qu’elle se soit retirée de celle-ci ou ait interrompu sa participation.

371 Dans ces circonstances, le décalage de dix mois existant, d’une part, entre les réunions du 18 décembre 1998 et du 29 octobre 1999 et, d’autre part, entre celles du 22 novembre 2000 et du 19 septembre 2001, ne saurait remettre en cause le caractère continu de l’infraction et de la participation de la requérante à celle-ci. En effet, l’entente, dans son ensemble, ayant duré près de quatorze ans et la participation de la requérante à celle-ci près de douze ans, la période de dix mois séparant ces réunions ne saurait être considérée comme constitutive d’une interruption de l’infraction.

372 Par suite, la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant que l’entente dans son ensemble ainsi que la participation de la requérante présentaient un caractère continu, y compris pour la période antérieure au 7 novembre 2003.

373 Sur la base de l’ensemble des considérations qui précèdent, la troisième branche du présent moyen doit être écartée, sans qu’il soit besoin d’examiner plus avant l’irrecevabilité soulevée par la requérante.

4) Sur la quatrième branche, relative à l’absence de participation à une infraction unique et continue après le 10 novembre 2008

374 La présente branche peut se diviser en deux griefs. Le premier grief est relatif à l’engagement de la responsabilité de la requérante pour la période comprise entre le 10 novembre 2008 et le 31 mai 2010. Le second grief est relatif à la forclusion de la Commission pour imposer des sanctions à la requérante.

i) Sur le premier grief, relatif à la responsabilité de la requérante pour la période comprise entre le 10 novembre 2008 et le 31 mai 2010

375 La requérante soutient que, au regard des éléments de preuve et du droit applicable, sa responsabilité ne pouvait pas être retenue au-delà du 10 novembre 2008, date de la dernière réunion CUP.

376 La Commission conteste les arguments de la requérante.

377 Premièrement, la requérante soutient de nouveau que la Commission n’a pas établi à suffisance de droit l’existence des cinq contacts bilatéraux ou trilatéraux auxquels elle aurait participé après le 10 novembre 2008 et leur lien avec l’EEE.

378 Il y a lieu de relever que cette argumentation de la requérante ne se distingue pas de celle présentée dans le cadre du premier moyen. Or, il a été conclu, aux points 223 à 294 ci-dessus, que la Commission avait établi à suffisance de droit, d’une part, l’existence de ces contacts ainsi que la participation de la requérante à ceux-ci et, d’autre part, soit qu’ils avaient une portée mondiale, de sorte qu’ils incluaient l’EEE, soit qu’ils concernaient directement l’EEE. Cette argumentation ne peut donc qu’être écartée.

379 Deuxièmement, la requérante affirme de nouveau qu’aucun élément de preuve n’atteste qu’elle avait connaissance des contacts bilatéraux ou trilatéraux entre les autres participants à l’entente durant cette période ou qu’elle aurait pu raisonnablement les prévoir.

380 Il y a également lieu de relever que cette argumentation de la requérante ne se distingue pas de celle présentée dans le cadre de la deuxième branche du présent moyen. Or, il a été conclu, aux points 343 à 360 ci-dessus, que la Commission avait considéré, à juste titre, que la requérante avait ou aurait pu avoir connaissance de l’existence de tels contacts. Cette argumentation ne peut donc qu’être écartée.

381 Troisièmement, la requérante soutient que les éléments de preuve montreraient clairement que, après la réunion CUP du 10 novembre 2008, les participants aux réunions MK ne disposaient pas d’informations sur sa stratégie marketing et la considéraient comme un concurrent externe et, donc, comme ne faisant plus partie de l’entente.

382 À cet égard, il importe de relever, à l’instar de la Commission, que les contacts bilatéraux ou trilatéraux auxquels la requérante a participé après la réunion CUP du 10 novembre 2008 se sont tenus en présence de quatre des neuf participants à l’entente (NCC, NEC Tokin, Sanyo et Rubycon). Il importe encore de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans un cas comme celui de l’espèce, il ne peut être conclu à la cessation définitive de l’appartenance d’une entreprise à l’entente que si elle s’est distanciée publiquement du contenu de l’entente (voir arrêt du 12 juillet 2018, Silec Cable et General Cable/Commission, T‑438/14, non publié, EU:T:2018:447, point 150 et jurisprudence citée).

383 Il incombe à l’entreprise de prouver sa désapprobation ferme et claire à l’égard de l’entente en s’en distanciant publiquement et, dès lors qu’il s’agit d’un élément d’exonération de la responsabilité, cette notion doit être interprétée de manière restrictive. En effet, l’approbation tacite d’une initiative illicite, sans se distancier publiquement de son contenu ou la dénoncer aux entités administratives, a pour effet d’encourager la continuation de l’infraction et compromet sa découverte (voir arrêt du 12 juillet 2018, Silec Cable et General Cable/Commission, T‑438/14, non publié, EU:T:2018:447, point 151 et jurisprudence citée).

384 Or, en l’espèce, la requérante n’a pas invoqué, et a fortiori démontré, sa désapprobation ferme et claire à l’égard de l’entente en se distanciant publiquement de celle-ci après le 10 novembre 2008. Ainsi, en participant à ces contacts et en ne se distanciant pas publiquement de l’entente après le 10 novembre 2008, la requérante a démontré son engagement constant à l’égard de celle-ci.

385 Du reste, aucun des éléments avancés par la requérante n’est susceptible de démontrer que, après la réunion CUP du 10 novembre 2008, elle s’était soustraite à l’application du comportement anticoncurrentiel déterminé. En effet, il ne ressort pas des éléments invoqués que la requérante a adopté un comportement concurrentiel sur le marché ou, à tout le moins, qu’elle a clairement et de manière considérable enfreint les obligations visant à mettre en œuvre l’entente, au point d’avoir perturbé le fonctionnement de celle-ci. En particulier, le fait que la requérante ait pu être moins disposée à partager des informations sur sa stratégie marketing ou qu’elle ait pu livrer une concurrence plus agressive ne permet pas de démontrer un comportement sur le marché susceptible de contrarier les effets anticoncurrentiels de l’infraction constatée.

386 Il y a donc lieu d’écarter l’argument.

387 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la Commission n’a pas commis d’erreur en retenant la responsabilité de la requérante pour sa participation à l’entente pour la période comprise entre le 10 novembre 2008 et le 31 mai 2010.

388 Le présent grief doit donc être écarté.

ii) Sur le second grief, relatif à la forclusion de la Commission

389 La requérante soutient que, dans la mesure où, d’une part, les conclusions de la Commission, concernant sa participation à l’infraction après le 10 novembre 2008, ne sont pas établies à suffisance de droit, la Commission aurait dû considérer que sa participation avait cessé le 10 novembre 2008. D’autre part, le premier acte de la Commission, au sens de l’article 25, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, serait la demande de renseignements du 28 mars 2014. Sa participation à l’infraction aurait donc cessé plus de cinq ans avant cette demande de renseignements. La Commission serait, dès lors, forclose à lui imposer des sanctions. L’octroi d’un marqueur à Panasonic le 9 octobre 2013 ne serait pas un acte interrompant le délai de prescription. Cet acte ne saurait être comparé à l’octroi d’une immunité conditionnelle.

390 La Commission conteste les arguments de la requérante.

391 À cet égard, il convient de rappeler que, selon l’article 25, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1/2003, le délai de prescription des ententes, lorsqu’elles constituent des infractions continues, est de cinq ans à compter du jour où l’infraction a pris fin.

392 En outre, selon l’article 25, paragraphe 3, dudit règlement, la prescription en matière d’imposition d’amendes est interrompue par tout acte de la Commission visant à l’instruction ou à la poursuite de l’infraction.

393 Or, compte tenu, d’une part, de la conclusion figurant au point 387 ci-dessus, selon laquelle la Commission n’a pas commis d’erreur en retenant la responsabilité de la requérante pour sa participation à l’entente pour la période comprise entre le 10 novembre 2008 et le 31 mai 2010, et, d’autre part, de la demande de renseignements de la Commission du 28 mars 2014 à la requérante, qui constitue un acte interruptif de la prescription, conformément à l’article 25, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, il y a lieu d’écarter le second grief et, par voie de conséquence, la quatrième branche du présent moyen dans son ensemble.

5) Sur la cinquième branche, relative à l’absence de distanciation publique de l’entente et à l’absence de participation à l’infraction entre le 16 février 2005 et le 13 décembre 2006

394 La présente branche peut se diviser en trois griefs. Le premier grief est relatif à la distanciation publique de la requérante de l’entente. Le deuxième grief est relatif à la participation de la requérante à l’entente entre le 16 février 2005 et le 13 décembre 2006. Le troisième grief est relatif à l’intégration des réunions CUP dans le champ de l’infraction unique et continue.

i) Sur le premier grief, relatif à la distanciation publique

395 La requérante soutient, en substance, que la Commission aurait dû considérer que, par son retrait des réunions ATC, elle s’était publiquement distanciée de l’entente. Il ressortirait, en effet, des éléments de preuve que son retrait a été clairement communiqué aux autres participants, qui auraient compris que celui-ci était motivé par des préoccupations liées au respect de la réglementation en matière d’ententes. Les premières réunions MK montreraient clairement que les autres participants à l’entente la considéraient comme une concurrente externe, qui ne souscrivait pas et ne respectait pas les décisions adoptées lors de ces réunions.

396 La Commission conteste les arguments de la requérante.

397 À cet égard, selon une jurisprudence constante, dans un cas comme celui de l’espèce, il ne peut être conclu à la cessation définitive de l’appartenance d’une entreprise à l’entente que si elle s’est distanciée publiquement du contenu de l’entente (voir arrêt du 12 juillet 2018, Silec Cable et General Cable/Commission, T‑438/14, non publié, EU:T:2018:447, point 150 et jurisprudence citée).

398 Il incombe à l’entreprise de prouver sa désapprobation ferme et claire à l’égard de l’entente en s’en distanciant publiquement et, dès lors qu’il s’agit d’un élément d’exonération de la responsabilité, cette notion doit être interprétée de manière restrictive. En effet, l’approbation tacite d’une initiative illicite, sans se distancier publiquement de son contenu ou la dénoncer aux entités administratives, a pour effet d’encourager la continuation de l’infraction et compromet sa découverte (voir arrêt du 12 juillet 2018, Silec Cable et General Cable/Commission, T‑438/14, non publié, EU:T:2018:447, point 151 et jurisprudence citée).

399 La compréhension qu’ont les autres membres d’une entente de l’intention de l’entreprise concernée est déterminante pour apprécier si cette dernière a entendu se distancier de l’accord illicite (voir arrêt du 12 juillet 2018, Hitachi Metals/Commission, T‑448/14, non publié, EU:T:2018:442, point 132 et jurisprudence citée).

400 Or, force est de constater en l’espèce que les éléments de preuve présentés par la requérante, au soutien de son allégation, ne permettent pas de démontrer qu’elle s’était clairement et publiquement distanciée de l’entente et de ses membres.

401 En effet, premièrement, dans le cadre de l’examen du premier moyen et des autres branches du présent moyen, il a été constaté que la requérante a continué, après son retrait des réunions ATC, le 16 février 2005, à participer à de nombreuses autres réunions et contacts anticoncurrentiels. Dans ces circonstances, le fait que la requérante ait cessé d’assister aux réunions ATC, à supposer même que ce soit en raison de prétendues préoccupations quant à la conformité de ces réunions avec le droit de l’Union, n’est pas susceptible de démontrer qu’elle s’était clairement et publiquement distanciée de l’entente dans son ensemble et de ses membres.

402 Deuxièmement, cette distanciation ne saurait être établie par l’allégation selon laquelle les premières réunions MK montreraient que les participants à ces réunions considéraient la requérante comme étrangère à l’entente. En effet, il ne ressort pas des éléments de preuve invoqués par la requérante que celle-ci ait adopté sur le marché un comportement concurrentiel témoignant de son retrait de l’entente ou, à tout le moins, qu’elle avait clairement et publiquement pris ses distances à l’égard de celle-ci. Il convient au contraire de rappeler que la requérante a assisté aux réunions CUP, qui étaient considérées comme des réunions « officieuses » tenues en parallèle des réunions MK et qui rassemblaient presque les mêmes participants.

403 Par ailleurs, ainsi qu’il a déjà été relevé, en substance, au point 385 ci-dessus, même en admettant que la requérante ait adopté sur le marché un comportement commercial « agressif », un tel comportement ne permettrait pas de démontrer qu’elle avait adopté un comportement de nature à contrarier les effets anticoncurrentiels de l’entente, d’autant plus qu’elle a continué à participer à des contacts dont l’objet anticoncurrentiel a été établi.

404 Troisièmement, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que le fait que les participants à la réunion de MK ont invité, en mars 2009, H, l’un des représentants de la requérante, à se joindre à eux est en contradiction directe avec l’allégation selon laquelle elle se serait clairement et publiquement distanciée de l’entente et avec celle selon laquelle les autres participants l’auraient compris. À cet égard, il convient de relever que l’affirmation de la requérante selon laquelle H aurait été invité à titre individuel n’est guère plausible, dans la mesure où il ressort de la décision attaquée que cette personne l’a représentée jusqu’en mai 2010 lors de plusieurs autres contacts anticoncurrentiels.

405 Quatrièmement, il convient de souligner que la requérante n’a pas signalé aux autorités administratives l’existence des réunions dont elle prétend s’être retirée, encourageant ainsi la poursuite de l’infraction et compromettant sa découverte.

406 Il résulte de ce qui précède que les éléments de preuve invoqués par la requérante peuvent tout au plus suggérer qu’elle a essayé d’éviter les risques liés à sa participation à l’entente, mais non démontrer qu’elle s’est distanciée publiquement et clairement de celle-ci, ainsi que l’exige la jurisprudence.

407 Le grief de la requérante doit donc être écarté, sans qu’il soit besoin d’examiner l’irrecevabilité des annexes B2, B3, B9 (a) à (g), et B10 à B13, soulevée par la requérante.

ii) Sur le deuxième grief, relatif à la participation de la requérante à l’entente entre le 16 février 2005 et le 13 décembre 2006

408 La requérante soutient, en substance, que la Commission a considéré à tort que sa participation à l’entente s’était poursuivie, au-delà du 16 février 2005, au motif qu’elle avait pris part à un contact bilatéral avec NEC Tokin en avril-mai 2005 et à la réunion CUP du 4 juillet 2006.

409 La Commission conteste les arguments de la requérante.

410 Or, il résulte des points 193 à 221 ci-dessus que la requérante a participé à un contact bilatéral avec NEC Tokin en avril-mai 2005 et à une réunion CUP le 4 juillet 2006 avec d’autres participants à l’entente, durant lesquels des informations anticoncurrentielles concernant l’Europe ont été échangées. Ces éléments confirment, en conséquence, que sa participation à l’entente s’était poursuivie, entre le 16 février 2005 et le 13 décembre 2006.

411 Il y a donc lieu d’écarter ce grief, sans qu’il soit besoin d’examiner plus avant les arguments de la requérante.

iii) Sur le troisième grief, relatif à l’intégration des réunions CUP dans le champ de l’infraction unique et continue

412 La requérante soutient, en substance, que les réunions ATC, dont elle s’était distanciée, et les réunions CUP ne sauraient être considérées comme s’inscrivant dans la même infraction unique et continue. En effet, premièrement, ces réunions se caractériseraient par des objectifs différents. Les réunions CUP viseraient l’échange d’informations sur la situation de certains clients, alors que les réunions ATC auraient été établies pour permettre un échange volontaire de données statistiques. Deuxièmement, les réunions CUP ne porteraient que sur les condensateurs électrolytiques à l’aluminium, alors que les réunions ATC porteraient sur les condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale. De plus, les représentants des participants à ces réunions seraient également différents. Troisièmement, les réunions CUP, à l’exception des informations sur les clients asiatiques, porteraient essentiellement sur le marché japonais, alors que les réunions ATC porteraient sur le marché étranger et sur le marché japonais.

413 La Commission conteste les arguments de la requérante.

414 À titre liminaire, il convient de relever que l’argumentation de la requérante est en contradiction directe avec l’argumentation qu’elle a présentée dans le cadre du premier grief de la quatrième branche du même moyen. En effet, au point 97 de la requête, la requérante soutient que, « sur la base d’une interprétation correcte des éléments de preuve et du droit, la participation de Nichicon à une infraction unique et continue du droit de la concurrence de l’Union s’est achevée au plus tard le 10 novembre 2008 (date de la dernière réunion CUP) », ce qu’elle réitère dans les mêmes termes au point 101 de la requête.

415 Il importe encore de préciser que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 308 ci-dessus, une violation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE peut résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes ou bien encore d’un comportement continu, quand bien même un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer, en eux-mêmes et pris isolément, une violation de ladite disposition.

416 À cet égard, ainsi qu’il a été rappelé aux points 311 à 313 ci-dessus, dans la décision attaquée, la Commission a constaté que, premièrement, l’ensemble des réunions et contacts en cause s’inscrivaient dans un plan global poursuivant un objectif anticoncurrentiel unique, à savoir éviter la concurrence par les prix et coordonner le futur comportement des participants concernant la vente de condensateurs électrolytiques, afin de réduire ainsi l’incertitude sur le marché. Deuxièmement, ainsi qu’il a été rappelé aux points 12 et 13 ci-dessus, l’entente fonctionnait sur la base de réunions multilatérales, au nombre desquelles figuraient les réunions ECC, ATC, MK et CUP et de contacts bilatéraux ou trilatéraux ad hoc. Lors de ces contacts, les participants échangeaient notamment des informations sur les futurs prix et sur l’offre et la demande futures des produits en cause. Troisièmement, les échanges anticoncurrentiels, décrits à la section 4.3.6 de la décision attaquée, étaient complémentaires. De manière détaillée, la Commission a relevé que les mêmes produits étaient abordés lors des contacts, que ces derniers présentaient un schéma cohérent, qu’ils étaient de nature mondiale et, dans une grande mesure, que les mêmes représentants des participants à l’entente (ou leurs successeurs, le cas échéant) prenaient part à ceux-ci et que les participants à l’entente sont restés principalement les mêmes tout au long de sa durée, les mêmes membres ayant participé à l’entente pendant une période considérable.

417 La requérante reproche à la Commission d’avoir intégré les réunions CUP dans le champ de l’infraction unique et continue, alors qu’elles ne s’inscrivaient pas dans le même plan d’ensemble que les autres réunions, et en particulier des réunions ATC, dont elle s’était distanciée.

418 À cet égard, premièrement, la requérante ne conteste pas que les réunions CUP complétaient les réunions MK et qu’elles étaient considérées par les participants à l’entente comme les « réunions de l’ombre » de ces dernières, dans la mesure où elles étaient généralement organisées une semaine après celles-ci et rassemblaient la plupart des participants à celles-ci. Elle ne conteste pas davantage que les réunions CUP étaient organisées afin d’apporter, en matière de prix, une réponse coordonnée aux évolutions du marché liées, d’une part, à l’entrée en vigueur de la directive 2002/95 et, d’autre part, à l’augmentation du coût des matières premières et aux fluctuations des devises.

419 Deuxièmement, il a été conclu, dans le cadre du premier grief de la première branche du présent moyen, que la Commission avait constaté sans erreur que les discussions lors des différents échanges anticoncurrentiels concernaient soit les condensateurs électrolytiques à l’aluminium ou au tantale, soit les deux. En conséquence, la Commission avait considéré, à juste titre, que l’infraction unique et continue portait sur l’ensemble des condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale.

420 Troisièmement, il a été conclu dans le cadre du premier moyen que la Commission avait considéré à bon droit que, bien que les échanges anticoncurrentiels aient eu lieu au Japon, soit ils avaient une portée mondiale, de sorte qu’ils incluaient l’EEE, soit ils concernaient directement l’EEE. Dans ces circonstances, il a été conclu, dans le cadre du second grief de la première branche du présent moyen, que la Commission n’avait pas commis d’erreur en considérant que l’infraction unique et continue couvrait l’EEE.

421 Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient la requérante, il n’existe pas d’élément, caractérisant les différents comportements faisant partie de l’infraction, qui soit susceptible d’indiquer que les réunions CUP ne partageaient pas le même objet et ne s’inscrivaient pas dans le même plan d’ensemble que les autres réunions.

422 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les autres arguments de la requérante.

423 Premièrement, il convient d’écarter l’argument selon lequel la description du « plan d’ensemble » serait trop vague et il serait nécessaire, afin d’établir une identité d’objectif, de procéder à une définition plus précise, qui rende notamment compte du mécanisme par lequel les participants entendaient restreindre la concurrence.

424 À cet égard, d’une part, ainsi que le souligne la Commission, le mécanisme de coopération peut être certes un facteur permettant de déterminer si différentes réunions font partie d’un même plan d’ensemble, toutefois, cela ne signifie pas que la Commission est tenue de définir le mécanisme par lequel les parties ont tenté d’atteindre l’objectif commun.

425 D’autre part, ainsi que cela a été rappelé au point 85 ci-dessus, la Commission est souvent obligée de prouver l’existence d’une infraction dans des conditions peu propices à cette tâche, dans la mesure où plusieurs années ont pu s’écouler depuis l’époque des faits constitutifs de l’infraction et que plusieurs des entreprises faisant l’objet de l’enquête n’ont pas activement coopéré avec elle. Il serait excessif d’exiger qu’elle apporte la preuve du mécanisme spécifique par lequel ce but devait être atteint. En effet, il serait trop aisé pour une entreprise coupable d’une infraction d’échapper à toute sanction si elle pouvait tirer argument du caractère vague des informations présentées au regard du fonctionnement d’un accord illicite dans une situation dans laquelle l’existence de l’accord et son but anticoncurrentiel sont pourtant établis de manière suffisante.

426 Deuxièmement, il convient d’écarter l’argument selon lequel il ne ressortirait pas de l’annexe II de la décision attaquée que les participants aux réunions CUP et aux réunions ATC aient été représentés par les mêmes personnes.

427 À cet égard, il suffit de relever que, au considérant 791 de la décision attaquée, la Commission n’a pas précisé que tous les participants aux réunions CUP et aux réunions ATC étaient représentés par les mêmes personnes. La Commission a seulement précisé dans ce considérant que les mêmes représentants avaient participé à de nombreuses réunions anticoncurrentielles. En ce qui concerne les réunions ATC et les réunions CUP, la Commission a constaté qu’au moins trois participants étaient représentés par les mêmes personnes lors de ces réunions.

428 En tout état de cause, la circonstance selon laquelle tous les participants aux réunions CUP et aux réunions ATC n’aient pas été représentés par les mêmes personnes lors de ces réunions n’est pas de nature à remettre en cause la conclusion de la Commission selon laquelle les mêmes représentants ont participé à de nombreuses réunions anticoncurrentielles.

429 À la lumière de ces considérations, il y a lieu d’écarter le présent grief.

430 Sur la base de l’ensemble des considérations qui précèdent, la cinquième branche du présent moyen doit être écartée.

431 Le deuxième moyen doit donc être écarté.

d) Sur le troisième moyen, tiré d’un défaut de compétence de la Commission

432 La requérante soutient, en substance, que, conformément à la jurisprudence, la Commission était tenue de démontrer que, d’une part, les discussions couvraient l’EEE et, d’autre part, les produits concernés avaient été achetés par des clients établis dans l’EEE. Par conséquent, à tout le moins en ce qui concerne les échanges pour lesquels il n’existe pas de lien pertinent avec l’EEE, la Commission ne serait en tout état de cause pas compétente.

433 La Commission conteste les arguments de la requérante.

434 À cet égard, il résulte de la jurisprudence que, lorsque des entreprises, établies en dehors de l’EEE, mais qui produisent des biens qui sont vendus dans l’EEE à des tiers, se concertent sur les prix qu’elles consentent à leurs clients établis dans l’EEE et mettent en œuvre cette concertation en vendant à des prix effectivement coordonnés, elles participent à une concertation qui a pour objet et pour effet de restreindre le jeu de la concurrence sur le marché intérieur, au sens de l’article 101 TFUE, et que la Commission est territorialement compétente pour les poursuivre (voir arrêt du 9 juillet 2015, InnoLux/Commission, C‑231/14 P, EU:C:2015:451, point 72 et jurisprudence citée).

435 Une infraction à l’article 101 TFUE implique deux éléments de comportement, à savoir la formation de l’entente et sa mise en œuvre. Faire dépendre l’applicabilité des interdictions édictées par le droit de la concurrence du lieu de formation de l’entente aboutirait à l’évidence à fournir aux entreprises un moyen facile de se soustraire auxdites interdictions. Ce qui compte est donc le lieu où l’entente est mise en œuvre. Par ailleurs, afin de déterminer si ce lieu se situe dans l’EEE, il importe peu que les participants à l’entente aient fait appel ou non à des filiales, agents, sous-agents ou succursales établis dans l’EEE en vue d’établir des contacts entre eux et les acheteurs qui y sont établis (voir arrêt du 9 septembre 2015, LG Electronics/Commission, T‑91/13, non publié, EU:T:2015:609, point 147 et jurisprudence citée).

436 Dès lors que la condition relative à la mise en œuvre est satisfaite, la compétence de la Commission pour appliquer les règles de concurrence de l’Union à l’égard de tels comportements est couverte par le principe de territorialité qui est universellement reconnu en droit international public (voir arrêt du 9 septembre 2015, LG Electronics/Commission, T‑91/13, non publié, EU:T:2015:609, point 148 et jurisprudence citée).

437 Par ailleurs, le critère de la mise en œuvre de l’entente en tant qu’élément de rattachement de celle-ci au territoire de l’Union est satisfait par la simple vente dans l’Union du produit cartellisé, indépendamment de la localisation des sources d’approvisionnement et des installations de production (voir arrêt du 9 septembre 2015, LG Electronics/Commission, T‑91/13, non publié, EU:T:2015:609, point 149 et jurisprudence citée).

438 En l’espèce, il a été conclu dans le cadre de l’examen du premier moyen que la Commission avait considéré, à bon droit, que, bien que les échanges anticoncurrentiels aient eu lieu au Japon, ces derniers soit avaient une portée mondiale, de sorte qu’ils incluaient l’EEE, soit concernaient directement l’EEE.

439 Il a également été conclu dans le cadre du deuxième moyen que la Commission avait constaté, à bon droit, que les échanges anticoncurrentiels étaient constitutifs d’une infraction unique et continue, qui couvrait toutes les ventes de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale dans l’EEE.

440 Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la Commission s’est, à bon droit, estimée compétente en l’espèce, aux fins de l’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE.

441 Le troisième moyen doit donc être écarté.

e) Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation dans la détermination de l’amende

442 Par le présent moyen, la requérante soutient que, en lui imposant une amende de 72 901 000 euros, la Commission a violé les principes de proportionnalité, ne bis in idem et d’égalité de traitement ainsi que son obligation de motivation.

443 Le présent moyen se divise en deux branches.

444 Dans le cadre de la première branche, la requérante soutient, en substance, que la Commission a violé le principe de proportionnalité en prenant comme base, pour le calcul de l’amende, la valeur totale des ventes de condensateurs électrolytiques dans l’EEE, au cours de la dernière année de participation retenue contre elle.

445 Dans le cadre de la seconde branche, la requérante soutient, en substance, que la Commission n’a pas correctement pris en compte les circonstances atténuantes accompagnant l’infraction, aux fins de la détermination de la réduction de l’amende qui lui a été accordée.

1) Sur la première branche, relative au calcul erroné du montant de l’amende

446 La présente branche peut se diviser en trois griefs. Le premier grief est relatif à l’utilisation erronée de la valeur totale des ventes facturées dans l’EEE, aux fins du calcul du montant de l’amende. Le deuxième grief est relatif à la détermination du coefficient multiplicateur à prendre en compte aux fins de l’appréciation de la gravité de l’infraction. Le troisième grief est relatif à la détermination du montant additionnel à prendre en compte.

i) Sur le premier grief, relatif à l’utilisation erronée de la valeur totale des ventes facturées dans l’EEE

447 La requérante soutient, en substance, que la Commission a violé le principe de proportionnalité en prenant comme base, pour le calcul du montant de l’amende, la valeur totale des ventes de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale facturées au cours de sa dernière année de participation à l’entente.

448 La Commission conteste les arguments de la requérante.

449 À cet égard, il importe tout d’abord de rappeler que, en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003, la Commission peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises et associations d’entreprises lorsque, de propos délibéré ou par négligence, elles commettent une infraction aux dispositions de l’article 101 TFUE.

450 L’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003 dispose que, pour déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci.

451 Le paragraphe 13 des lignes directrices 2006 prévoit que, « [e]n vue de déterminer le montant de base de l’amende à infliger, la Commission utilisera la valeur des ventes de biens ou services, réalisées par l’entreprise, en relation directe ou indirecte [...] avec l’infraction, dans le secteur géographique concerné à l’intérieur du territoire de l’EEE » et que, à cette fin, elle « utilisera normalement les ventes de l’entreprise durant la dernière année complète de sa participation à l’infraction ».

452 Il importe ensuite de rappeler que la Commission bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation pour ce qui est de la méthode de calcul des amendes. Cette méthode, circonscrite par les lignes directrices de 2006, comporte différents éléments de flexibilité permettant à la Commission d’exercer son pouvoir d’appréciation en conformité avec les dispositions du règlement no 1/2003 (voir arrêt du 9 septembre 2015, LG Electronics/Commission, T‑91/13, non publié, EU:T:2015:609, point 158 et jurisprudence citée)

453 Ce pouvoir d’appréciation est toutefois limité. En effet, en adoptant de telles règles de conduite et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles‑ci, la Commission s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et ne saurait se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime (voir arrêt du 12 décembre 2012, Ecka Granulate et non ferrum Metallpulver/Commission, T‑400/09, non publié, EU:T:2012:675, point 40 et jurisprudence citée).

454 En particulier, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le principe d’égalité de traitement s’oppose, s’agissant de la détermination du montant de l’amende, à ce que la Commission opère, par l’application de méthodes de calcul différentes, une discrimination entre les entreprises qui ont participé à un accord ou à une pratique concertée contraire à l’article 101, paragraphe 1, TFUE (voir arrêt du 27 février 2014, InnoLux/Commission, T‑91/11, EU:T:2014:92, point 79 et jurisprudence citée).

455 Ainsi, si elles ne constituent pas le fondement juridique de la décision par laquelle la Commission constate une infraction et impose une amende, les lignes directrices pour le calcul des amendes déterminent, de manière générale et abstraite, la méthodologie que la Commission s’est imposée aux fins de la fixation du montant des amendes infligées par cette décision et assurent, par conséquent, la sécurité juridique des entreprises (voir arrêt du 2 février 2012, Denki Kagaku Kogyo et Denka Chemicals/Commission, T‑83/08, non publié, EU:T:2012:48, point 108 et jurisprudence citée).

456 Il importe enfin de rappeler que le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché. Dans le contexte du calcul du montant des amendes, la gravité des infractions doit être établie en fonction de nombreux éléments et il ne faut attribuer à aucun de ces éléments une importance disproportionnée par rapport aux autres éléments d’appréciation. Le principe de proportionnalité implique dans ce contexte que la Commission doit fixer l’amende proportionnellement aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l’infraction et qu’elle doit à ce sujet appliquer ces éléments de façon cohérente et objectivement justifiée (voir arrêt du 15 juillet 2015, Fapricela/Commission, T‑398/10, EU:T:2015:498, point 257 et jurisprudence citée).

457 Il est constant en l’espèce que, aux considérants 987 à 991 de la décision attaquée, la Commission a retenu comme base de calcul des amendes la valeur totale des ventes de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale facturées dans l’EEE lors de la dernière année complète de participation à l’infraction. Ce faisant, la Commission s’est conformée au paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, dont le contenu est rappelé au point 451 ci-dessus.

458 Ainsi que la Cour l’a déjà jugé, le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 pour le calcul des amendes a pour objectif de retenir comme point de départ pour le calcul de l’amende infligée à une entreprise un montant qui reflète l’importance économique de l’infraction et le poids relatif de cette entreprise dans celle-ci. Par conséquent, si la notion de valeur des ventes visée à ce paragraphe 13 ne saurait, certes, s’étendre jusqu’à englober les ventes réalisées par l’entreprise en cause qui ne relèvent pas du champ d’application de l’entente reprochée, il serait toutefois porté atteinte à l’objectif poursuivi par cette disposition si cette notion devait être entendue comme ne visant que le chiffre d’affaires réalisé avec les seules ventes pour lesquelles il est établi qu’elles ont réellement été affectées par cette entente. Une telle limitation aurait, en outre, pour effet de minimiser artificiellement l’importance économique de l’infraction commise par une entreprise donnée, dès lors que le seul fait qu’un nombre limité de preuves directes des ventes réellement affectées par l’entente a été trouvé conduirait à infliger au final une amende sans relation réelle avec le champ d’application de l’entente en cause. Une telle prime au secret porterait également atteinte à l’objectif de poursuite et de sanction efficace des infractions à l’article 101 TFUE et, partant, ne saurait être admise (voir arrêt du 23 avril 2015, LG Display et LG Display Taiwan/Commission, C‑227/14 P, EU:C:2015:258, points 53 et 54 et jurisprudence citée).

459 Aussi, la part du chiffre d’affaires provenant des marchandises faisant l’objet de l’infraction est de nature à donner une juste indication de l’ampleur d’une infraction sur le marché concerné, le chiffre d’affaires réalisé sur les produits ayant fait l’objet d’une pratique restrictive constituant un élément objectif qui donne une juste mesure de la nocivité de cette pratique pour le jeu normal de la concurrence (voir arrêt du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission, T‑208/13, EU:T:2016:368, point 236 et jurisprudence citée).

460 En outre, la marge d’appréciation que la Commission détient lors du calcul du montant de l’amende lui permet de prendre en compte, dans des circonstances habituelles, la dernière année de participation à l’infraction comme période de référence. En effet, une telle solution générale est justifiée, puisque ladite marge d’appréciation permet à la Commission de ne pas tenir compte de toute fluctuation de la valeur des ventes au cours des années de l’infraction et qu’une augmentation de la valeur des ventes peut être le résultat de l’entente elle-même (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2014, Esso e.a./Commission, T‑540/08, EU:T:2014:630, point 111).

461 Par ailleurs, ainsi qu’il a été rappelée au point 453 ci-dessus, dans la mesure où les lignes directrices de 2006 constituent une autolimitation de son pouvoir d’appréciation, la Commission ne peut s’en écarter dans un cas particulier sans justification.

462 En l’occurrence, il n’existe pas de circonstances particulières qui justifieraient que la Commission déroge à la règle de la dernière année complète de participation à l’infraction, qu’elle s’était fixée au paragraphe 13 des lignes directrices de 2006.

463 Par suite, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission n’a pas violé le principe de proportionnalité, en prenant, comme base de calcul de l’amende, la valeur totale des ventes de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale dans l’EEE au cours de sa dernière année de participation à l’entente.

464 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments de la requérante.

465 Premièrement, il convient d’écarter l’argument selon lequel tout calcul fondé sur la valeur totale des ventes ne satisferait au principe de proportionnalité que pour les périodes pour lesquelles les éléments de preuve attesteraient que l’entente couvrait la totalité de la gamme de produits et des clients.

466 En effet, il a été rappelé au point 458 ci-dessus que, si la notion de « valeur des ventes » ne peut être étendue jusqu’à englober des ventes qui ne relèvent pas de l’infraction, elle ne peut pas pour autant être circonscrite à la valeur des seules ventes pour lesquelles il est établi qu’elles ont réellement été affectées par cette infraction. Eu égard à l’objectif poursuivi par le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, qui consiste à retenir comme point de départ pour le calcul de l’amende infligée à une entreprise un montant qui reflète l’importance économique de l’infraction et le poids de cette entreprise dans celle-ci, la notion de « valeur des ventes » doit donc être comprise comme visant les ventes réalisées sur le marché concerné par l’infraction.

467 Dans ces circonstances, en application du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, la Commission pouvait, à bon droit, utiliser comme base de calcul les ventes réalisées sur le marché affecté par l’entente, dès lors que celles-ci entraient dans le périmètre de l’infraction et non uniquement les ventes pour lesquelles la Commission disposait de preuves documentaires (voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 2015, LG Display et LG Display Taiwan/Commission, C‑227/14 P, EU:C:2015:258, point 57 et jurisprudence citée).

468 Par ailleurs, une telle limitation aurait pour effet de minimiser artificiellement l’importance économique de l’infraction commise par une entreprise donnée.

469 Deuxièmement, il convient d’écarter l’argument selon lequel la Commission aurait apprécié de manière erronée les éléments de preuve, en considérant qu’ils portaient sur les condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale en général. Il s’ensuit que la prise en compte de la valeur totale des ventes comme base pour le calcul du montant de l’amende conduirait à l’imposition d’une amende disproportionnée.

470 En effet, il suffit de rappeler qu’il a été conclu, dans le cadre de la première branche du deuxième moyen, que la Commission, d’une part, n’était pas tenue de démontrer que chaque échange anticoncurrentiel couvrait tous les condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale et, d’autre part, avait considéré, à bon droit, que l’infraction unique et continue couvrait l’ensemble des ventes de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale dans l’EEE.

471 Troisièmement, il convient d’écarter l’argument selon lequel la prise en compte de la valeur totale des ventes, comme base de calcul du montant de l’amende, conduirait à l’imposition d’une amende disproportionnée, au regard des spécificités du secteur tenant à la nature hétérogène des condensateurs et des marchés.

472 Il y a lieu de relever que cet argument ne se distingue pas de celui présenté dans le cadre de la première branche du deuxième moyen. Dans ces circonstances et dans la mesure où il a été conclu pour cette branche que la Commission avait prouvé à suffisance de droit que la requérante avait participé à une infraction unique et continue qui ne se limitait pas à un type spécifique de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale, mais qui couvrait une large gamme de ces condensateurs, il y a lieu d’écarter cet argument.

473 En tout état de cause, il convient de relever que la requérante n’a pas démontré de manière suffisamment circonstanciée en quoi l’approche retenue par la Commission ne refléterait pas l’importance économique de l’infraction et le poids de la requérante dans celle-ci.

474 Quatrièmement, il convient d’écarter l’argument selon lequel la Commission aurait insuffisamment motivé les raisons pour lesquelles elle n’aurait pas tenu compte de la spécificité du secteur.

475 En effet, il a été rappelé au point 453 ci-dessus que les lignes directrices de 2006 que la Commission adopte pour calculer le montant des amendes assurent la sécurité juridique des entreprises, étant donné qu’elles déterminent la méthodologie que la Commission s’est imposée aux fins de la fixation du montant des amendes. L’administration ne peut s’en écarter, dans un cas particulier, sans donner des raisons qui soient compatibles avec l’égalité de traitement. Ce n’est que dans ce seul cas de figure qu’une motivation particulière est nécessaire (voir, en ce sens, ordonnance du 2 février 2012, Elf Aquitaine/Commission, C‑404/11 P, non publiée, EU:C:2012:56, point 60). Or, la Commission ne s’étant pas, en l’espèce, écartée des lignes directrices de 2006, ainsi qu’il ressort du point 457 ci-dessus, elle n’était pas tenue de fournir une motivation particulière.

476 Cinquièmement, il convient d’écarter l’argument selon lequel la prise en compte de la valeur totale des ventes, comme base de calcul du montant de l’amende, conduirait à l’imposition d’une amende disproportionnée, au regard de la spécificité de la structure des ventes de la requérante.

477 À cet égard, il y a lieu de relever que cette argumentation, à savoir que, premièrement, le comportement était axé sur l’Asie, deuxièmement, l’organisation des ventes dans l’EEE était autonome et, troisièmement, les chevauchements entre les portefeuilles de produits européens et japonais étaient limités, ne se distingue pas de celle présentée dans le cadre du premier moyen et de la première branche du deuxième moyen, tenant à l’absence de mise en œuvre de l’entente dans l’EEE.

478 Dans ces circonstances et dans la mesure où cette argumentation a été écartée lors de l’examen du premier moyen et de la première branche du deuxième moyen, il y a également lieu de l’écarter dans le cadre du présent moyen.

479 Du reste, selon la jurisprudence, la prise en compte du chiffre d’affaires réalisé par chacune des entreprises au cours de l’année de référence, à savoir la dernière année complète de la période d’infraction retenue, permet d’apprécier la taille et la puissance économique de chaque entreprise ainsi que l’ampleur de l’infraction commise par chacune d’entre elles, ces éléments étant pertinents pour apprécier la gravité de l’infraction commise par chaque entreprise (voir arrêt du 2 février 2012, Denki Kagaku Kogyo et Denka Chemicals/Commission, T‑83/08, non publié, EU:T:2012:48, point 134 et jurisprudence citée).

480 S’agissant de la détermination du montant de l’amende, le principe d’égalité de traitement s’oppose à ce que la Commission opère, par l’application de méthodes de calcul différentes, une discrimination entre les entreprises qui ont participé à un accord ou à une pratique concertée contraire à l’article 101, paragraphe 1, TFUE (voir arrêt du 27 février 2014, InnoLux/Commission, T‑91/11, EU:T:2014:92, point 79 et jurisprudence citée).

481 En l’espèce, en utilisant pour le calcul du montant des amendes les ventes de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale réalisées au sein de l’EEE, la Commission, d’une part, s’est conformée aux règles qu’elle s’est imposées dans les lignes directrices de 2006 et, par conséquent, n’a pas dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation et, d’autre part, a respecté le principe d’égalité de traitement, qui exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 27 février 2014, InnoLux/Commission, T‑91/11, EU:T:2014:92, point 78 et jurisprudence citée).

482 À ce dernier égard, il y a lieu de considérer que les spécificités internes invoquées par la requérante concernant la structure de ses ventes, qui relèvent de sa seule stratégie commerciale, ne constituent pas en soi des particularités justifiant l’application d’une méthode de calcul différente et, partant, une discrimination entre les participants.

483 Sixièmement, il convient d’écarter l’argument selon lequel la Commission aurait appliqué de manière erronée les lignes directrices de 2006, en prenant, comme base de calcul du montant de l’amende, la valeur totale des ventes facturées dans l’EEE au lieu de la valeur totale des ventes expédiées vers l’EEE.

484 D’une part, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 ne fait état ni des « ventes livrées » ni des « ventes facturées ». Celui-ci se réfère uniquement aux « ventes réalisées » dans l’EEE. Il s’ensuit que les lignes directrices, pas plus qu’elles n’imposent de tenir compte des ventes livrées dans l’EEE, ne s’opposent pas à ce que la Commission retienne les ventes facturées dans l’EEE afin de calculer la valeur des ventes de chaque entreprise au sein de l’EEE (arrêt du 17 mai 2013, Parker ITR et Parker-Hannifin/Commission, T‑146/09, EU:T:2013:258, point 210).

485 D’autre part, certes, il ressort de la jurisprudence que, pour pouvoir retenir les ventes facturées dans l’EEE, il faut que ce critère soit le reflet de la réalité du marché, c’est-à-dire qu’il soit le plus à même de cerner les conséquences de l’entente sur la concurrence dans l’EEE (arrêt du 17 mai 2013, Parker ITR et Parker-Hannifin/Commission, T‑146/09, EU:T:2013:258, point 211). Toutefois, la requérante n’explique pas en quoi le fait, pour la Commission, de prendre en compte, pour le calcul du montant de l’amende, certaines ventes facturées à des clients situés dans l’EEE, mais ultérieurement livrées à des sites en dehors de cette zone géographique, ne permettrait pas de refléter l’incidence de l’infraction sur la concurrence dans l’EEE.

486 Il résulte des considérations qui précédent que la requérante n’a avancé aucun élément de nature à établir que le chiffre d’affaires réalisé au cours de la dernière année complète de participation à l’infraction, en ce qui concerne la totalité des ventes de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale dans l’EEE, ne constituait pas, au moment où la Commission a adopté la décision attaquée, une indication de sa véritable taille, de sa puissance économique sur le marché et de l’ampleur de l’infraction en cause.

487 Il s’ensuit que le présent grief doit être écarté.

ii) Sur le deuxième grief, relatif à la détermination du coefficient multiplicateur à prendre en compte afin d’apprécier la gravité de l’infraction

488 La requérante soutient, en substance, que, premièrement, la Commission n’a donné aucune explication, au-delà de formules stéréotypées, quant à l’approche retenue concernant la détermination du coefficient multiplicateur reflétant la gravité de l’infraction. Ce raisonnement stéréotypé ne satisferait pas son obligation de motivation, en ce qu’elle n’aurait pas tenu compte des spécificités de l’affaire. Il serait en outre incompatible avec ses propres lignes directrices, qui énonceraient que seuls « les accords horizontaux de fixation des prix, de répartition de marché et de limitation de production figurent parmi les restrictions de concurrence les plus graves ». Deuxièmement, compte tenu des particularités de l’espèce et des amendes infligées dans d’autres affaires, le coefficient multiplicateur aurait dû être fixé à un pourcentage substantiellement inférieur à celui de 16 % retenu par la Commission.

489 La Commission conteste les arguments de la requérante.

490 En premier lieu, la requérante soutient que la motivation de la Commission serait insuffisante, parce que stéréotypée, et incompatible avec ses propres lignes directrices.

491 À titre liminaire, il convient de rappeler que la motivation exigée à l’article 296 TFUE doit faire apparaître, d’une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et au juge de l’Union d’exercer son contrôle. Si, en vertu de l’article 296 TFUE, la Commission est tenue de mentionner les éléments de fait et de droit dont dépend la justification de la décision et les considérations juridiques qui l’ont amenée à prendre celle‑ci, cette disposition n’exige pas qu’elle discute tous les points de fait et de droit qui auraient été traités au cours de la procédure administrative. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications (voir arrêt du 19 janvier 2016, Mitsubishi Electric/Commission, T‑409/12, EU:T:2016:17, point 53 et jurisprudence citée).

492 L’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui est satisfaite dès lors que la Commission indique, dans sa décision, les éléments d’appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l’infraction (voir arrêt du 19 décembre 2013, Siemens e.a./Commission, C‑239/11 P, C‑489/11 P et C‑498/11 P, non publié, EU:C:2013:866, point 394 et jurisprudence citée).

493 Cette obligation n’impose pas toutefois à la Commission d’indiquer dans sa décision les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul des amendes, étant souligné, en tout état de cause, que la Commission ne saurait, par le recours exclusif et mécanique à des formules arithmétiques, se priver de son pouvoir d’appréciation (voir arrêt du 19 décembre 2013, Siemens e.a./Commission, C‑239/11 P, C‑489/11 P et C‑498/11 P, non publié, EU:C:2013:866, point 395 et jurisprudence citée).

494 S’agissant, premièrement, de l’allégation selon laquelle la motivation serait insuffisante, il convient de rappeler, à cet égard, que, au considérant 1001 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que, aux fins d’apprécier la gravité de l’infraction, elle tiendrait compte d’un certain nombre de facteurs, tels que la nature de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les entreprises concernées, l’étendue géographique de l’infraction, et/ou la mise en œuvre ou non de l’infraction. Au considérant 1002 de la décision, la Commission a précisé que, dans son appréciation, elle avait tenu compte du fait que les « arrangements » horizontaux de coordination des prix étaient par nature parmi les restrictions de la concurrence les plus néfastes. Par conséquent, en application du paragraphe 23 des lignes directrices de 2006, la proportion des ventes prise en compte pour l’infraction devait être en haut de l’échelle de la valeur des ventes. Elle a également indiqué que l’infraction avait couvert l’ensemble de l’EEE. Au considérant 1003 de la décision attaquée, la Commission a ainsi considéré que, compte tenu des circonstances particulières de l’espèce, en particulier de la nature et de la portée géographique de l’infraction, la proportion de la valeur des ventes à prendre en considération était fixée à 16 % pour tous les destinataires de ladite décision.

495 Il s’ensuit que la Commission a exposé, dans la décision attaquée, de manière claire et non équivoque les motifs pour lesquelles le coefficient multiplicateur a été fixé à 16 %, de manière à permettre à la requérante de défendre ses droits et au juge de l’Union d’exercer son contrôle. Par ailleurs, la requérante ne précise pas les spécificités dont ne tiendrait pas compte la motivation de la Commission.

496 Par suite, l’allégation de la requérante doit être écartée.

497 S’agissant, deuxièmement, de l’allégation selon laquelle la motivation serait incompatible avec les lignes directrices de la Commission, d’une part, il convient de rappeler, à cet égard, que le paragraphe 23 des lignes directrices de 2006 indique ce qui suit :

« Les accords horizontaux de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production, qui sont généralement secrets, comptent, par leur nature même, parmi les restrictions de concurrence les plus graves. Au titre de la politique de la concurrence, ils doivent être sévèrement sanctionnés. Par conséquent, la proportion des ventes prise en compte pour de telles infractions sera généralement retenue en haut de l’échelle. »

498 D’autre part, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que la liste des infractions énumérées au paragraphe 23 des lignes directrices de 2006 n’est pas limitée à ces infractions. En effet, la préposition « parmi », figurant dans ce paragraphe, induit que cette liste n’est pas exhaustive, mais seulement indicative.

499 Par ailleurs, selon la jurisprudence, la coordination horizontale de prix est, en raison de sa nature même, l’une des restrictions de concurrence les plus nocives (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch/Commission, C‑644/13 P, EU:C:2017:59, point 77).

500 Par suite, l’allégation de la requérante doit être écartée.

501 En second lieu, la requérante soutient que le coefficient multiplicateur retenu serait disproportionné, au regard des particularités de l’espèce et de la pratique antérieure de la Commission.

502 S’agissant, premièrement, de l’allégation selon laquelle le coefficient multiplicateur retenu serait disproportionné au regard des particularités de l’espèce, dans la mesure où, tout d’abord, la coordination horizontale de prix est, en raison de sa nature même, l’une des restrictions de concurrence les plus graves, ensuite, le paragraphe 21 des lignes directrices de 2006 précise que, en règle générale, la proportion de la valeur des ventes prise en compte sera fixée à un niveau pouvant aller jusqu’à 30 %, enfin, le paragraphe 23 des lignes directrices de 2006 indique que la proportion à retenir pour les accords horizontaux et les pratiques concertées de fixation des prix se situera généralement « en haut de l’échelle », la Commission en retenant en l’espèce un montant de 16 % de la valeur des ventes n’a pas appliqué un taux disproportionné (voir, en ce sens, arrêt du 27 avril 2017, FSL e.a./Commission, C‑469/15 P, EU:C:2017:308, point 81 et jurisprudence citée). La Commission s’est ainsi conformée à ses propres lignes directrices relatives au calcul du montant des amendes.

503 Par ailleurs, la requérante ne précise pas les spécificités dont la Commission aurait dû tenir compte aux fins de cette détermination.

504 Par suite, l’allégation de la requérante doit être écartée.

505 S’agissant, deuxièmement, de l’allégation selon laquelle le coefficient multiplicateur retenu serait disproportionné, au regard de la pratique antérieure de la Commission, il convient de rappeler que la pratique décisionnelle de la Commission ne sert pas de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence, la Commission disposant dans le domaine de la fixation du montant des amendes d’un large pouvoir d’appréciation et n’étant pas liée par les appréciations qu’elle a portées antérieurement (voir arrêt du 28 juin 2016, Telefónica/Commission, T‑216/13, EU:T:2016:369, point 264 et jurisprudence citée).

506 Il convient encore d’ajouter que les entreprises impliquées dans une procédure administrative pouvant donner lieu à une amende pour infraction aux règles de la concurrence de l’Union ne sauraient acquérir une confiance légitime dans le fait que la Commission ne dépassera pas le niveau des amendes pratiqué antérieurement, ni dans une méthode de calcul de ces dernières. La Cour a notamment précisé à cet égard que lesdites entreprises devaient dès lors tenir compte de la possibilité que, à tout moment, la Commission décide d’élever le niveau du montant des amendes par rapport à celui appliqué dans le passé (voir arrêt du 7 juin 2007, Britannia Alloys & Chemicals/Commission, C‑76/06 P, EU:C:2007:326, point 61 et jurisprudence citée).

507 Par suite, l’allégation de la requérante doit être écartée.

508 Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le présent grief doit être écarté.

iii) Sur le troisième grief, relatif à la détermination du montant additionnel à prendre en compte

509 La requérante soutient, en substance, que, compte tenu du fait que les participants à l’entente s’étaient déjà vu imposer des amendes substantielles dans des pays tiers, qui tenaient compte des aspects mondiaux de l’infraction ainsi que d’un effet de dissuasion, la Commission a violé le principe ne bis in idem et le principe de proportionnalité, en imposant également un montant additionnel au montant de base aux fins de dissuader les participants à l’entente de s’engager à l’avenir dans d’éventuelles ententes illicites.

510 La Commission conteste les arguments de la requérante.

511 À titre liminaire, il ressort du considérant 1009 de la décision attaquée que la Commission a indiqué que, compte tenu des circonstances propres à l’espèce et des critères abordés à la section 8.3.3.1, le pourcentage à appliquer au montant additionnel, au titre de l’effet dissuasif, devrait être de 16 %.

512 Il convient de rappeler que le principe ne bis in idem, également consacré par l’article 4 du protocole no 7 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, constitue un principe fondamental du droit de l’Union dont le juge assure le respect (voir arrêt du 29 juin 2006, SGL Carbon/Commission, C‑308/04 P, EU:C:2006:433, point 26 et jurisprudence citée).

513 Le principe ne bis in idem interdit de sanctionner une même personne plus d’une fois pour un même comportement illicite afin de protéger un même intérêt juridique. L’application de ce principe est soumise à trois conditions cumulatives, à savoir l’identité des faits, l’identité du contrevenant et l’identité de l’intérêt juridique protégé (voir arrêt du 27 septembre 2006, Roquette Frères/Commission, T‑322/01, EU:T:2006:267, point 278 et jurisprudence citée).

514 Or, premièrement, pour autant que la requérante allègue que, en lui infligeant une amende pour la participation à une entente déjà sanctionnée par les autorités d’États tiers, la Commission a violé le principe ne bis in idem, il y a lieu de relever que le principe ne bis in idem ne peut trouver à s’appliquer dans un cas comme celui de l’espèce, où les procédures diligentées et les sanctions infligées par la Commission, d’une part, et par les autorités d’États tiers, d’autre part, ne poursuivent pas, à l’évidence, les mêmes objectifs (voir, par analogie, arrêt du 27 septembre 2006, Roquette Frères/Commission, T‑322/01, EU:T:2006:267, points 280 et 281 et jurisprudence citée).

515 En effet, si, dans le premier cas, il s’agit de préserver une concurrence non faussée au sein de l’EEE, la protection recherchée, dans le second cas, concerne le marché de pays tiers. La condition de l’identité de l’intérêt juridique protégé, nécessaire pour que trouve à s’appliquer le principe ne bis in idem, fait ainsi défaut.

516 Par ailleurs, la requérante n’invoque ni ne démontre l’existence d’un principe de droit ou d’une règle ou d’une convention de droit international public interdisant à des autorités ou à des juridictions d’États différents de poursuivre et de condamner une personne en raison de faits identiques entraînant des effets sur leur territoire ou dans leur ressort. En l’absence de preuve de l’existence d’une telle règle ou convention liant l’Union et des États tiers et prévoyant une telle interdiction, la Commission ne peut y être tenue (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 2006, SGL Carbon/Commission, C‑308/04 P, EU:C:2006:433, point 34).

517 Par suite, l’allégation de la requérante, tirée de la violation par la Commission du principe ne bis in idem, doit être écartée.

518 Deuxièmement, pour autant que la requérante allègue que la Commission a violé le principe de proportionnalité, en ne tenant pas compte, dans la détermination du pourcentage additionnel à appliquer, du fait que les amendes qui lui ont été imposées par d’autres États comprenaient déjà un effet de dissuasion, il y a lieu de rappeler que le paragraphe 25 des lignes directrices de 2006 précise que, « indépendamment de la durée de la participation d’une entreprise à l’infraction, la Commission inclura dans le montant de base une somme comprise entre 15 % et 25 % de la valeur des ventes telle que définie à la section A ci-dessus, afin de dissuader les entreprises de même participer à des accords horizontaux de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production ».

519 Par ailleurs, il importe d’observer que toute considération tirée de l’existence d’amendes infligées par les autorités d’un État tiers ne saurait entrer en ligne de compte que dans le cadre du pouvoir d’appréciation dont jouit la Commission en matière de fixation d’amendes pour les infractions au droit de la concurrence de l’Union. Par conséquent, s’il ne saurait être exclu que la Commission prenne en compte des amendes antérieurement infligées par les autorités d’États tiers, elle ne saurait toutefois y être tenue. En effet, l’objectif de dissuasion que la Commission est en droit de poursuivre, lors de la fixation du montant d’une amende, vise à assurer le respect, par les entreprises, des règles de concurrence établies par le traité FUE pour la conduite de leurs activités au sein du marché intérieur. Par conséquent, en appréciant le caractère dissuasif d’une amende à infliger en raison d’une violation desdites règles, la Commission n’est pas tenue de prendre en compte d’éventuelles sanctions infligées à l’encontre d’une entreprise en raison de violations des règles de concurrence d’États tiers (voir arrêt du 29 juin 2006, SGL Carbon/Commission, C‑308/04 P, EU:C:2006:433, points 36 et 37 et jurisprudence citée).

520 Par suite, l’allégation de la requérante tirée de la violation du principe de proportionnalité doit être écartée.

521 Sur la base de l’ensemble des considérations qui précèdent, la première branche du présent moyen doit être écartée.

2) Sur la seconde branche, relative à la non-prise en considération des circonstances atténuantes accompagnant la requérante

522 La présente branche peut se diviser en trois griefs. Le premier grief est relatif au fait que le montant de l’amende ne reflète pas à suffisance l’absence de la requérante aux réunions MK. Le deuxième grief est relatif au fait que la Commission a écarté la négligence comme circonstance atténuante. Le troisième grief est relatif au fait que le montant de l’amende ne reflète pas le comportement concurrentiel adopté par la requérante, durant la période infractionnelle, sur le marché.

i) Sur le premier grief, relatif au fait que le montant de l’amende ne reflète pas à suffisance l’absence de la requérante aux réunions MK

523 La requérante soutient, en substance, que le montant de la réduction qui lui a été accordée, au titre de sa non-participation aux réunions MK, ne respecte pas les principes de proportionnalité et d’égalité de traitement.

524 La Commission conteste les arguments de la requérante.

525 À titre liminaire, il ressort du considérant1023 de la décision attaquée que la Commission a accordé à la requérante, au titre des circonstances atténuantes, une réduction de 3 % du montant de base de l’amende infligée, aux motifs que sa participation aux réunions MK n’avait pas été établie et que rien ne prouvait qu’elle en avait eu connaissance.

526 En premier lieu, la requérante soutient que la réduction qui lui a été accordée, en raison de sa non-participation aux réunions MK, était insuffisante, eu égard à l’importance de ces réunions dans la caractérisation de l’infraction.

527 Selon la jurisprudence, l’octroi d’une diminution du montant de base de l’amende au titre des circonstances atténuantes est nécessairement lié aux circonstances de l’espèce, qui peuvent amener la Commission à ne pas l’accorder à une entreprise partie à un accord illicite. En effet, la reconnaissance du bénéfice d’une circonstance atténuante, dans des situations dans lesquelles une entreprise est partie à un accord manifestement illégal, dont elle savait ou ne pouvait ignorer qu’il constituait une infraction, ne saurait avoir pour conséquence d’ôter l’effet dissuasif à l’amende infligée et porter atteinte à l’effet utile de l’article 101, paragraphe 1, TFUE (voir arrêt du 2 février 2012, Denki Kagaku Kogyo et Denka Chemicals/Commission, T‑83/08, non publié, EU:T:2012:48, point 237 et jurisprudence citée).

528 Si les circonstances énumérées dans la liste figurant au paragraphe 29 des lignes directrices de 2006 sont certainement parmi celles qui peuvent être prises en compte par la Commission dans un cas donné, celle-ci n’est pas obligée d’accorder une réduction supplémentaire à ce titre de manière automatique dès qu’une entreprise avance des éléments de nature à indiquer la présence d’une de ces circonstances, le caractère adéquat d’une éventuelle réduction de l’amende au titre des circonstances atténuantes devant être apprécié d’un point de vue global en tenant compte de l’ensemble des circonstances pertinentes (voir, en ce sens, arrêt du 2 février 2012, Denki Kagaku Kogyo et Denka Chemicals/Commission, T‑83/08, non publié, EU:T:2012:48, point 240 et jurisprudence citée).

529 Or, il a été relevé que, premièrement, la requérante avait participé à la quasi-totalité de la période infractionnelle, soit près de douze ans sur les quatorze qu’a duré l’entente. Deuxièmement, nonobstant sa non-participation aux réunions MK, la requérante avait pris part à 52 réunions multilatérales, au nombre desquelles figuraient les réunions ECC, ATC et CUP, et à six contacts bilatéraux ou trilatéraux. Troisièmement, la requérante n’avait pas contesté que les réunions CUP complétaient les réunions MK et qu’elles étaient considérées par les participants à l’entente comme les « réunions officieuses », tenues en parallèle de ces dernières, dans la mesure où elles étaient généralement organisées une semaine après celles-ci et rassemblaient la plupart des participants à celles-ci. Quatrièmement, tous les échanges anticoncurrentiels s’inscrivaient dans un même plan d’ensemble, avec un objectif économique unique. Par ailleurs, il ne ressort pas de la décision attaquée que les réunions MK revêtaient une importance particulière par rapport aux autres réunions.

530 Par ailleurs, en ce qui concerne les réductions accordées dans d’autres affaires, il a été rappelé, aux points 505 et 506 ci-dessus, que la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne pouvait pas servir de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence.

531 À la lumière de ces considérations, il convient de constater que, nonobstant sa non-participation aux réunions MK, la requérante n’est pas fondée à soutenir que sa participation à l’entente était limitée et qu’elle présentait un degré de nocivité qui aurait justifié une réduction plus importante de l’amende. Il en résulte que la Commission n’a pas violé le principe de proportionnalité. L’allégation de la requérante doit donc être écartée.

532 En second lieu, la requérante reproche à la Commission de lui avoir accordé la même réduction que celle dont ont bénéficié les participants à l’entente n’ayant pas pris part aux réunions CUP, alors même qu’ils n’étaient pas dans des situations comparables, eu égard à l’importance des réunions MK par rapport aux réunions CUP dans la caractérisation de l’infraction.

533 À cet égard, il convient de rappeler que le principe d’égalité de traitement, qui constitue un principe général du droit de l’Union consacré par les articles 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 27 février 2014, InnoLux/Commission, T‑91/11, EU:T:2014:92, points 77 et 78 et jurisprudence citée).

534 S’agissant de la détermination du montant de l’amende, ce principe s’oppose à ce que la Commission opère, par l’application de méthodes de calcul différentes, une discrimination entre les entreprises qui ont participé à un accord ou à une pratique concertée contraire à l’article 101, paragraphe 1, TFUE (voir arrêt du 27 février 2014, InnoLux/Commission, T‑91/11, EU:T:2014:92, point 79 et jurisprudence citée).

535 Or, premièrement, il a été relevé, au point 529 ci-dessus, que les réunions MK ne revêtaient pas une importance particulière par rapport aux autres réunions. Deuxièmement, il ressort du considérant 1022 de la décision attaquée que la Commission a considéré que Sanyo, NEC Tokin et Matsuo étaient responsables pour la totalité de l’infraction unique et continue, à l’exception des réunions CUP, étant donné que leur participation à ces réunions n’avait pas été établie et que rien ne prouvait qu’elles en avaient eu connaissance.

536 Il s’ensuit que la Commission a considéré que ces entreprises, à l’instar de la requérante, étaient responsables pour la totalité de l’infraction unique et continue, à l’exception d’un groupe de réunions, pour lequel leur participation n’avait pas été établie.

537 Dans ces circonstances, la Commission, en accordant la même réduction à toutes ces entreprises, a respecté le principe d’égalité de traitement, qui exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié.

538 Il s’ensuit que la Commission n’a pas violé le principe d’égalité de traitement. L’allégation de la requérante doit donc être écartée.

539 Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le présent grief doit être écarté.

ii) Sur le deuxième grief, relatif à l’exclusion de la négligence comme circonstance atténuante

540 La requérante soutient, en substance, que la Commission, en écartant la négligence comme circonstance atténuante, a violé le principe de proportionnalité, puisque son faible degré de culpabilité ne se reflète pas dans le montant de l’amende. En effet, l’amende infligée ne tiendrait pas compte, premièrement, des efforts qu’elle aurait engagés pour que les réunions ECC et ATC demeurent conformes au droit de la concurrence, deuxièmement, des mesures internes de conformité qu’elle aurait mises en place et, troisièmement, du fait que son représentant aurait participé aux réunions CUP sans son accord et en violation de sa politique interne.

541 La Commission conteste les arguments de la requérante.

542 À titre liminaire, il convient de rappeler que, au considérant 1029 de la décision attaquée, en réponse à l’allégation de la requérante selon laquelle elle ne pourrait être tenue pour responsable que d’une infraction par négligence et non d’une infraction intentionnelle, la Commission a conclu qu’aucune circonstance atténuante ne pouvait lui être accordée sur cette base. Au considérant 1028, la Commission a, en effet, précisé que les parties étaient conscientes de la nature collusoire de leurs contacts et n’auraient donc pas pu ignorer les répercussions potentielles auxquelles elles s’exposaient, d’autant plus que les participants à l’entente n’étaient pas des entreprises locales, mais des entreprises présentes au niveau mondial. Ces entreprises auraient dû veiller à ce que leurs employés soient suffisamment familiarisés avec les règles de la concurrence et les respectent.

543 Par son argument, la requérante soutient, en substance, que l’amende qui lui a été infligée est disproportionnée, au regard de la nature non intentionnelle de son infraction.

544 Selon une jurisprudence constante, pour qu’une infraction aux règles de la concurrence puisse être considérée comme ayant été commise de propos délibéré et non par négligence, il n’est pas nécessaire que l’entreprise concernée ait eu conscience d’enfreindre les règles de concurrence. Il suffit qu’elle n’ait pu ignorer que sa conduite avait pour objet d’enfreindre la concurrence dans le marché intérieur (voir arrêt du 13 juillet 2018, Stührk Delikatessen Import/Commission, T‑58/14, non publié, EU:T:2018:474, point 226 et jurisprudence citée).

545 Or, premièrement, il a été relevé dans le deuxième grief de la première branche du présent moyen que l’infraction à laquelle la requérante avait participé consistait, par le biais d’accords et de pratiques concertées, en une coordination horizontale sur les prix, qui est par nature l’une des restrictions de concurrence les plus nocives. Deuxièmement, il a été relevé, à plusieurs reprises, que les participants à l’entente étaient fréquemment désignés dans les procès-verbaux des réunions et dans les courriers électroniques par des acronymes. Troisièmement, il ressort de la décision attaquée et des éléments de preuve qu’il était régulièrement rappelé dans les courriers électroniques leur nature confidentielle ainsi que la nécessité de les supprimer, de ne pas les transférer ou les diffuser. Quatrièmement, il importe de rappeler, à l’instar de la Commission au considérant 1028 de la décision attaquée, que les participants à l’entente n’étaient pas des entreprises locales, mais des entreprises d’envergure mondiale.

546 Il convient donc de constater que la requérante ne pouvait pas ignorer que sa conduite avait pour objet d’enfreindre la concurrence dans le marché intérieur, de sorte que la requérante ne saurait soutenir qu’elle ne pouvait tout au plus être tenue pour responsable que d’une infraction par négligence.

547 Dans ces circonstances, la Commission a, à bon droit, écarté l’allégation de la requérante selon laquelle elle aurait commis l’infraction par négligence et, par suite, considéré qu’aucune circonstance atténuante ne pouvait lui être accordée pour ce motif.

548 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments de la requérante.

549 Premièrement, il convient d’écarter l’argument selon lequel, en raison de ses préoccupations quant à la conformité des réunions avec le droit de l’Union, la requérante aurait refusé d’organiser les réunions ECC à compter de juin 2003 et cessé d’assister aux réunions ATC à compter du 16 février 2005, tout en mettant en place, en parallèle, des politiques internes de respect du droit de la concurrence de l’Union.

550 En effet, d’une part, il ressort de l’examen du premier et du deuxième moyen, que, nonobstant ses préoccupations alléguées, la requérante a continué à participer régulièrement à des réunions et contacts bilatéraux et trilatéraux anticoncurrentiels et à échanger des informations commerciales sensibles. D’autre part, les préoccupations de la requérante concernant la légalité des réunions suggèrent au contraire que celle-ci avait conscience d’enfreindre les règles de concurrence. En tout état de cause, la mise en place d’un programme de mise en conformité est un aspect interne à l’entreprise qui ne change rien au fait qu’elle a participé à des échanges anticoncurrentiels.

551 Dès lors, en continuant à participer aux réunions anticoncurrentielles, nonobstant ses préoccupations alléguées quant à leur conformité avec le droit de l’Union, la requérante a démontré qu’elle avait pleinement conscience de sa participation à une infraction.

552 Deuxièmement, il convient d’écarter l’argument selon lequel H aurait participé aux réunions CUP à titre personnel et non en tant que représentant de la requérante et, partant, en violation des politiques internes de la requérante.

553 En effet, tout d’abord, il a été relevé, dans le cadre de l’examen du premier grief de la cinquième branche du deuxième moyen, que la requérante, après son prétendu retrait des réunions ATC, le 16 février 2005, ne s’était nullement distanciée de l’entente et de ses membres. Ensuite, il ressort de la décision attaquée que H a représenté la requérante dans les échanges anticoncurrentiels jusqu’en mai 2010. Enfin, selon la jurisprudence, l’application de l’article 101 TFUE suppose l’action d’une personne qui est autorisée à agir pour le compte de l’entreprise, indépendamment de l’action ou même de la connaissance des associés ou des gérants principaux de l’entreprise concernée (voir arrêt du 16 février 2017, Tudapetrol Mineralölerzeugnisse Nils Hansen/Commission, C‑94/15 P, non publié, EU:C:2017:124, point 28 et jurisprudence citée).

554 Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le présent grief doit être écarté.

iii) Sur le troisième grief, relatif au comportement concurrentiel de la requérante sur le marché

555 La requérante soutient, en substance, que la Commission n’a pas dûment pris en considération dans le montant de l’amende le fait qu’elle avait adopté, durant la période infractionnelle, un comportement concurrentiel sur le marché et que son rôle dans l’entente était limité, en raison de sa non-participation aux réunions MK.

556 La Commission conteste les arguments de la requérante.

557 À titre liminaire, au considérant 1043 de la décision attaquée, après avoir rappelé la jurisprudence applicable, la Commission a considéré qu’il ressortait clairement des éléments de preuve que la requérante avait bel et bien tenté d’exploiter l’entente à son propre avantage.

558 Au considérant 1044, la Commission a, par ailleurs, observé que le comportement concurrentiel que la requérante prétendait avoir adopté sur le marché n’excluait pas sa contribution intentionnelle à l’infraction.

559 En premier lieu, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte, dans le montant de la réduction de l’amende qui lui a été accordée, du fait qu’elle avait adopté, durant la période infractionnelle, un comportement concurrentiel sur le marché.

560 Selon une jurisprudence constante, le fait qu’une entreprise, dont la participation à une concertation avec ses concurrents est établie, ne se soit pas comportée sur le marché d’une manière conforme à celle convenue avec ses concurrents ne constitue pas nécessairement un élément devant être pris en compte, en tant que circonstance atténuante, lors de la détermination du montant de l’amende à infliger (voir arrêt du 14 mai 2014, Reagens/Commission, T‑30/10, non publié, EU:T:2014:253, point 266 et jurisprudence citée).

561 En effet, une entreprise qui poursuit, malgré la concertation avec ses concurrents, une politique plus ou moins indépendante sur le marché peut simplement tenter d’utiliser l’entente à son profit, et une entreprise qui ne se distancie pas des résultats d’une réunion à laquelle elle a assisté conserve, en principe, sa pleine responsabilité du fait de sa participation à l’entente. Dès lors, la Commission n’est tenue de reconnaître l’existence d’une circonstance atténuante du fait de l’absence de mise en œuvre d’une entente que si l’entreprise qui invoque cette circonstance peut démontrer qu’elle s’est clairement et de manière considérable opposée à la mise en œuvre de cette entente, au point d’avoir perturbé le fonctionnement même de celle-ci, et qu’elle n’a pas adhéré à l’accord en apparence et, de ce fait, incité d’autres entreprises à mettre en œuvre l’entente en cause. Il serait effectivement trop aisé pour les entreprises de minimiser le risque de devoir payer une lourde amende si elles pouvaient profiter d’une entente illicite et bénéficier ensuite d’une réduction du montant de l’amende au motif qu’elles n’avaient joué qu’un rôle limité dans la mise en œuvre de l’infraction, alors que leur attitude a incité d’autres entreprises à se comporter d’une manière plus nuisible à la concurrence (voir arrêt du 14 mai 2014, Reagens/Commission, T‑30/10, non publié, EU:T:2014:253, point 267 et jurisprudence citée).

562 En l’espèce, il convient de souligner d’emblée que les éléments de preuve invoqués par la requérante, au soutien de son allégation, présentent une incohérence avec l’argumentation développée dans le cadre du premier grief de la cinquième branche du deuxième moyen. En effet, aux fins de démontrer que sa responsabilité ne pouvait pas être retenue au-delà du 16 février 2005, date de son retrait des réunions ATC, la requérante a soutenu qu’elle s’était publiquement distanciée de l’entente, en soulignant qu’il ressortait des procès-verbaux des réunions MK que les participants la considéraient comme un concurrent externe. Or, la requérante soutient, aux fins de ce grief, avoir adopté un comportement concurrentiel sur le marché non à partir de son retrait des réunions ATC, mais pendant toute la période infractionnelle retenue à son égard.

563 Par ailleurs, premièrement, il a été conclu dans le cadre de l’examen du premier grief de la cinquième branche du deuxième moyen, que la requérante n’avait pas démontré s’être clairement et publiquement distanciée de l’entente. Deuxièmement, aucun élément du dossier ne permet d’établir que la requérante se serait clairement et fermement opposée à la mise en œuvre de l’entente, au point d’en avoir perturbé son fonctionnement. Troisièmement, le comportement concurrentiel allégué ne saurait être corroboré par l’analyse réalisée par un cabinet indépendant des prix de la requérante dans l’EEE. En effet, cette analyse se limite à une comparaison des prix pratiqués par la requérante sur une base annuelle, mais non à une comparaison des prix pratiqués par la requérante avec les prix du marché ou avec les prix pratiqués par ses concurrents, qui aurait pu démontrer que la requérante avait agi différemment et ainsi perturbé le fonctionnement de l’entente.

564 Il convient donc de constater que la requérante n’est pas fondée à invoquer l’existence d’une circonstance atténuante tenant au comportement concurrentiel qu’elle aurait eu sur le marché.

565 En second lieu, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte, dans le montant de la réduction de l’amende, du fait que son rôle dans l’entente était limité, en raison de sa non-participation aux réunions MK.

566 Il convient de relever que cette argumentation ne se distingue pas de celle tenue dans le cadre du premier grief de cette branche, qui a été écartée.

567 Dans ces circonstances et dans la mesure où la requérante tend une nouvelle fois à démontrer que sa non-participation aux réunions MK aurait dû lui conférer une réduction de l’amende plus importante, il y a lieu d’écarter cet argument.

568 À la lumière de ces considérations, il y a lieu d’écarter le présent grief.

569 Sur la base de l’ensemble des considérations qui précèdent, la seconde branche du présent moyen doit être écartée et, par voie de conséquence, le quatrième moyen dans son ensemble.

570 À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, les conclusions de la requérante tendant à l’annulation de la décision attaquée doivent être rejetées.

2. Sur les conclusions tendant à la réduction du montant de l’amende

571 Par son second chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal, en tout état de cause, d’exercer sa compétence de pleine juridiction aux fins de substituer sa propre appréciation à celle de la Commission, concernant le montant de l’amende, et, par suite, de réduire le montant de l’amende qui lui a été imposée.

572 À titre liminaire, il y a lieu de relever que, au soutien du présent chef de conclusions, la requérante se prévaut de l’argumentation présentée au soutien du quatrième moyen, tiré d’erreurs manifestes dans la détermination du montant de l’amende.

573 Il convient de rappeler que la compétence de pleine juridiction, reconnue au juge de l’Union par l’article 31 du règlement no 1/2003, conformément à l’article 261 TFUE, habilite le juge, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer sa propre appréciation, pour la détermination du montant de cette sanction, à celle de la Commission, auteur de l’acte dans lequel ce montant a été initialement fixé. En conséquence, le juge de l’Union peut réformer l’acte attaqué, même en l’absence d’annulation, afin de supprimer, de réduire ou de majorer l’amende infligée, cette compétence étant exercée en tenant compte de toutes les circonstances de fait (voir arrêt du 25 juillet 2018, Orange Polska/Commission, C‑123/16 P, EU:C:2018:590, point 106 et jurisprudence citée).

574 Afin de satisfaire aux exigences d’un contrôle de pleine juridiction au sens de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux en ce qui concerne l’amende, le juge de l’Union est tenu, dans l’exercice des compétences prévues aux articles 261 et 263 TFUE, d’examiner tout grief, de droit ou de fait, visant à démontrer que le montant de l’amende n’est pas en adéquation avec la gravité et la durée de l’infraction (voir arrêt du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch/Commission, C‑625/13 P, EU:C:2017:52, point 180 et jurisprudence citée).

575 Il importe cependant de souligner que l’exercice de la compétence de pleine juridiction n’équivaut pas à un contrôle d’office et de rappeler que la procédure devant les juridictions de l’Union est contradictoire. À l’exception des moyens d’ordre public que le juge est tenu de soulever d’office, telle l’absence de motivation de la décision attaquée, c’est à la partie requérante qu’il appartient de soulever les moyens à l’encontre de cette dernière et d’apporter des éléments de preuve à l’appui de ces moyens (voir arrêt du 9 juin 2016, Repsol Lubricantes y Especialidades e.a./Commission, C‑617/13 P, EU:C:2016:416, point 85 et jurisprudence citée).

576 En outre, lors de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, le Tribunal n’est pas lié par les lignes directrices de 2006, lesquelles ne préjugent pas de l’appréciation de l’amende par le juge de l’Union. En effet, bien que la Commission soit tenue de respecter le principe de protection de la confiance légitime lorsqu’elle applique les règles qu’elle s’est imposées, telles que les lignes directrices de 2006, ce principe ne saurait lier dans les mêmes termes les juridictions de l’Union pour autant qu’elles n’envisagent pas d’appliquer une méthode de calcul spécifique des amendes dans l’exercice de leur compétence de pleine juridiction, mais examinent au cas par cas les situations qui leur sont soumises en tenant compte de l’ensemble des circonstances de fait et de droit afférentes à celles-ci (voir arrêt du 14 mai 2014, Donau Chemie/Commission, T‑406/09, EU:T:2014:254, point 59 et jurisprudence citée).

577 Toutefois, il découle également de la jurisprudence de la Cour que l’exercice d’une compétence de pleine juridiction ne saurait entraîner, lors de la détermination du montant des amendes, une discrimination entre les entreprises qui ont participé à un accord contraire aux règles de concurrence du droit de l’Union. Si le Tribunal entend s’écarter spécifiquement à l’égard de l’une de ces entreprises de la méthode de calcul suivie par la Commission et qu’il n’a pas remise en cause, il est nécessaire qu’il s’en explique dans son arrêt (voir arrêt du 14 mai 2014, Donau Chemie/Commission, T‑406/09, EU:T:2014:254, point 60 et jurisprudence citée).

578 Le Tribunal est ainsi en droit de porter le montant de l’amende à un niveau inférieur à celui résultant de l’application des lignes directrices de 2006, si les circonstances de l’affaire dont il est saisi le justifient. Encore faut-il, toutefois, que le requérant invoque des motifs pertinents, susceptibles de justifier une telle réduction et les étaye de preuves (voir arrêt du 14 mai 2014, Donau Chemie/Commission, T‑406/09, EU:T:2014:254, point 310 et jurisprudence citée).

579 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si les circonstances invoquées par la requérante peuvent, même en l’absence d’une erreur de droit ou d’une erreur d’appréciation de la Commission, justifier une réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée par la décision attaquée.

580 En premier lieu, s’agissant du calcul de la valeur des ventes, tout d’abord, il a été constaté, dans le cadre de l’examen du premier grief de la première branche du quatrième moyen, que la prise en compte de la valeur totale des ventes des produits concernés au cours de la dernière année de participation à l’entente comme base de calcul de l’amende était de nature à donner une juste indication de l’ampleur de l’infraction sur le marché concerné ainsi que de son importance économique pour les activités des participants à l’entente.

581 Par ailleurs, il convient de relever que l’argumentation avancée par la requérante à cet égard ne présente pas un niveau de précision suffisant pour permettre au Tribunal de comprendre de quelle manière la requérante détermine l’assiette et les modalités alternatives de calcul sur lesquelles elle se fonde. La requérante estime, en effet, sur la base des informations figurant dans l’étude réalisée par un cabinet indépendant, que le montant de l’amende devrait être réduit aux fins d’être établi à un niveau variant entre 25 et 40 millions d’euros. En outre, l’assiette et les modalités de calcul proposées n’offrent aucune indication quant au fait qu’elles permettraient de refléter l’ampleur de l’infraction sur le marché concerné ainsi que son importance économique pour les activités de la requérante et, par ailleurs, de garantir le respect du principe d’égalité de traitement entre les participants à l’entente.

582 Ensuite, il a été relevé, lors de l’examen du premier grief de la première branche du deuxième moyen, que la requérante avait participé à une infraction unique et continue qui ne se limitait ni à un type spécifique de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale, mais couvrait une large gamme de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale, ni à certains clients.

583 Enfin, il a été relevé au point 482 ci-dessus que les spécificités internes invoquées par la requérante, tenant à la structure de ses ventes, relevaient de sa seule stratégie commerciale et ne constituaient pas en elles-mêmes des particularités justifiant l’application d’une méthode de calcul différente pour la détermination de la valeur des ventes.

584 En deuxième lieu, s’agissant de la réduction du coefficient de gravité retenu par la Commission, invoquée par la requérante dans le cadre du deuxième grief de la première branche du quatrième moyen, premièrement, il convient de relever d’emblée que la requérante n’a précisé ni les spécificités qui justifieraient une réduction du pourcentage retenue par la Commission ni le pourcentage auquel ce coefficient devrait être fixé. Deuxièmement, il a été relevé au point 502 ci-dessus que l’infraction en cause était, en raison de sa nature même, l’une des restrictions de concurrence les plus graves. Troisièmement, il a été relevé au point 367 ci-dessus que la requérante avait participé à la quasi-totalité de la période infractionnelle, soit près de douze ans sur les quatorze qu’a duré l’entente. Quatrièmement, il ressort de l’examen du second grief de la première branche du deuxième moyen que l’infraction s’étendait à l’ensemble de l’EEE. Cinquièmement, si, par les références faites au coefficient retenu par la Commission dans d’autres décisions, la requérante entendait démontrer, en l’espèce, une éventuelle discrimination, il doit être rappelé, à cet égard, que le Tribunal n’est pas lié par la pratique décisionnelle de la Commission (voir, par analogie, arrêt du 26 octobre 2017, Marine Harvest/Commission, T‑704/14, EU:T:2017:753, point 78).

585 En troisième lieu, s’agissant de la réduction du montant additionnel retenu par la Commission, qui fait l’objet du troisième grief de la première branche du quatrième moyen, premièrement, il a été relevé au point 519 ci-dessus que le caractère dissuasif d’une amende infligée en raison d’une violation des règles de concurrence de l’Union ne saurait être déterminé en fonction d’éventuelles sanctions infligées à l’entreprise en raison de violations des règles de concurrence d’États tiers. Deuxièmement, la Commission a retenu en l’espèce un montant additionnel de 16 % de la valeur des ventes, soit, à un pourcent près, le pourcentage le plus faible qu’elle pouvait retenir, conformément au paragraphe 25 des lignes directrices de 2006.

586 En quatrième lieu, s’agissant de la réduction plus importante de son amende en raison de circonstances atténuantes, il a été relevé, au point 531 ci-dessus, que, nonobstant sa non-participation aux réunions MK, la requérante n’était pas fondée à soutenir que sa participation à l’entente était limitée et qu’elle présentait un degré de nocivité moindre justifiant une telle réduction. Il a encore été relevé, au point 536 ci-dessus, que la Commission avait accordé une réduction analogue à toutes les entreprises dont la responsabilité avait été retenue pour la totalité de l’infraction, à l’exception d’un groupe de réunions pour lequel leur participation n’avait pas été établie.

587 En cinquième lieu, il a été constaté au point 546 ci-dessus que la requérante ne pouvait ignorer la nature répréhensible de son comportement et, partant, soutenir qu’elle ne pouvait tout au plus être tenue pour responsable que d’une infraction par négligence.

588 En sixième lieu, il a été constaté au point 564 ci-dessus que la requérante n’était pas fondée à invoquer l’existence d’une circonstance atténuante tenant au comportement concurrentiel qu’elle aurait eu sur le marché. En particulier, aucun élément du dossier ne démontre que la requérante a agi différemment des autres participants à l’entente et a perturbé le fonctionnement de l’entente.

589 Il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’aucune des circonstances de fait et de droit invoquées par la requérante au soutien d’une réduction de l’amende qui lui a été infligée ne justifie, en particulier au regard des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement, l’adoption d’une méthode de calcul différente de celle adoptée par la Commission, de nature à aboutir à une telle réduction. Par conséquent, il n’y a pas lieu, pour le Tribunal, de faire usage, en l’espèce, de son pouvoir de pleine juridiction.

590 Il s’ensuit que les conclusions de la requérante tendant à la réduction du montant de l’amende doivent être rejetées et, par voie de conséquence, le recours dans son intégralité.

IV. Sur les dépens

591 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

592 La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,