Cass. com., 22 septembre 2021, n° 20-12.238
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
SPM International (SA), Selarl Etude Balincourt (ès qual.)
Défendeur :
Cailloux (ès qual.), Leray (ès qual.), Distri Da (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Boisselet
Avocat général :
M. Debacq
Avocats :
SCP Richard, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret
Intervention
1. Il est donné acte à la société Etude Balincourt, prise en la personne de M. Torelli, désignée en qualité de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde ouverte au profit de la société SPM international, de son intervention volontaire.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 23 janvier 2020 no RG 18/00148), la société SPM international (la société SPM) exploite un concept de solderie sous la forme d'un réseau ayant pour enseigne Bazarland. M. Cailloux, désireux d'exploiter un point de vente sous cette enseigne, a constitué la société Distri Da, qui a conclu avec la société SPM une convention de partenariat en juin 2012. Ce contrat prévoyait la mise à disposition par la société SPM du concept Bazarland, d'une assistance et d'une exclusivité territoriale, en contrepartie desquelles la société Distri Da devait assumer diverses obligations financières et se conformer aux standards du concept Bazarland.
Le magasin a ouvert ses portes le 12 septembre 2012, mais a rencontré des difficultés financières, qui ont conduit la société Distri Da à la liquidation judiciaire le 25 mai 2016. M. Cailloux, ainsi que M. Leray, désigné liquidateur, ont assigné la société SPM en annulation du contrat de 3 630 partenariat et réparation des préjudices subis, sur le fondement du dol et subsidiairement de l'erreur.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal et les deux moyens du pourvoi incident, ci-après annexés
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
4. La société SPM fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. Cailloux la somme de 200 000 euros à titre de dommages-intérêts correspondant au montant de son apport en capital, alors « que le liquidateur désigné par le tribunal a seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers ; que l'action en remboursement d'un apport en capital, en ce qu'elle a trait à une fraction du préjudice subi par l'ensemble des créanciers, ne tend pas à l'indemnisation d'un préjudice personnel, de sorte qu'elle ne peut être exercée par un créancier agissant individuellement ; qu'en décidant néanmoins que M. Cailloux était recevable à voir condamner la société SPM à lui payer la somme de 200 000 euros correspondant au montant de son apport en capital, motif pris que, en tant que tiers au contrat de franchise, il pouvait invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel en réparation du préjudice qui lui avait été causé personnellement et directement, la cour d'appel a violé les articles L. 622-20 et L. 641-4 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen :
5. M. Cailloux et M. Leray font valoir que le moyen est irrecevable comme n'ayant été formulé devant la cour d'appel qu'en ce qui concerne les apports en compte courant, en sorte qu'il est nouveau et mélangé de fait et de droit en ce qui concerne les apports en capitaux.
6. Cependant, la société SPM a fait valoir dans ses conclusions d'appel que seul le liquidateur avait qualité pour former une demande indemnitaire tant au titre des apports en capitaux, que du compte courant d'associé.
7. Le moyen est donc recevable.
Bien fondé du moyen :
Vu les articles L. 622-20 et L. 641-4 du code de commerce :
8. Selon ces textes, seul le représentant des créanciers, dont les attributions sont ensuite dévolues au liquidateur, ayant qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers, un associé ou un créancier ne sont pas recevables à agir en réparation d'un préjudice qui ne constitue qu'une fraction du passif collectif dont l'apurement est assuré par le gage commun des créanciers, qu'il appartient au seul mandataire de reconstituer.
9. Pour condamner la société SPM à payer à M. [P] la somme de 200 000 euros, correspondant au montant de son apport initial au capital de la société Distri Da, l'arrêt retient que M. [P] est recevable en droit, en tant que tiers au contrat de partenariat, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, à invoquer un manquement contractuel pour le préjudice qui lui a été causé personnellement et directement.
10. En statuant ainsi, alors que le préjudice invoqué n'était qu'une fraction du préjudice collectif subi par l'ensemble des créanciers de la société Distri Da, en liquidation judiciaire, dont seul le liquidateur était recevable à demander réparation, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
13. Le préjudice invoqué par M. [P] tendant en réalité à réparer le préjudice collectif subi par l'ensemble des créanciers, dont le liquidateur a seul qualité pour demander réparation, cette demande est irrecevable.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société SPM international à payer à [O] [L] et [Q] [L] (lire M. [U] [P]) la somme de 200 000 euros à titre de préjudice personnel sur son patrimoine privé, l'arrêt rendu le 23 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Infirme le jugement déféré en ce qu'il déboute M. [P] de sa demande tendant au paiement par la société SPM international de la somme de 200 000 euros au titre de la perte de son apport initial en capital à la société Distri Da ;
Déclare M. [U] [P] irrecevable en cette demande,
Condamne M. [U] [P] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;