Cass. com., 29 septembre 2021, n° 19-25.112
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Défendeur :
Groupement forestier développement durable
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Brahic-Lambrey
Avocat général :
Mme Guinamant
Avocats :
SCP Zribi et Texier, SCP Piwnica et Molinié
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Versailles, 27 mars 2018) et les productions, le Groupement forestier développement durable (le GFDD), géré par M. [X], a été mis en redressement puis liquidation judiciaire les 27 juin et 19 décembre 2014. M. [D], désigné liquidateur, a demandé qu’une mesure de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer soit prononcée contre M. [X].
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen, le troisième moyen, pris en ses première, troisième, quatrième et cinquième branche, et le quatrième moyen, ci-après annexés
2. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. M. [X] fait grief à l’arrêt de prononcer contre lui une mesure d’interdiction de gérer, alors « que l’exigence d’un procès équitable implique qu’en matière de sanction, l’intéressé ou son avocat soit entendu à l’audience et puisse avoir la parole en dernier et que mention en soit faite dans la décision ; que la cour d’appel ne relève pas que M. [X] ou son conseil ait été invité à prendre la parole en dernier ; que ce faisant, la cour d’appel a violé l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
4. L’exigence d’un procès équitable, issue de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, n’implique pas le droit pour la personne contre qui il est demandé le prononcé d’une sanction professionnelle, ou son avocat, d’avoir la parole en dernier avant la clôture des débats.
5. Le moyen, qui postule le contraire, n’est donc pas fondé.
Mais sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
6. M. [X] fait le même grief à l’arrêt, alors « que l’obligation de tenir une comptabilité régulière s’impose à toute personne physique ou morale ayant la qualité de commerçant ; que les groupements forestiers sont des sociétés civiles régies par les articles 1832 à 1844-17 du code civil qui ne sont pas astreintes à la tenue d’une comptabilité ; qu’il résulte de la décision attaquée que la société dont M. [X] était le gérant était un groupement forestier ; qu’en retenant néanmoins, pour prononcer une interdiction de gérer de cinq années à l’encontre de M. [X], qu’il ne produisait aucune pièce comptable telle que journal, grand-livre, et livre d’inventaire, et que certains justificatifs manquaient, quand il ressortait de ses propres constatations que le groupement liquidé était un groupement forestier, ce qui excluait que M. [X] ait la qualité de commerçant, condition nécessaire pour retenir à son encontre le défaut de tenue d’une comptabilité régulière, la cour d’appel a violé les articles L. 123-12, L. 653-5, 5° et L. 653-8 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
7. M. [D], ès qualités, soutient que le moyen est irrecevable, comme nouveau, et contraire aux conclusions d’appel de M. [X].
8. Cependant, le moyen n’appelant la prise en considération d’aucun élément de fait qui ne résulterait pas des constatations de l’arrêt, est de pur droit, et M. [X] ayant, dans ses écritures d’appel, simplement contesté les éléments soulevés par M. [D] sans reconnaître la soumission du groupement forestier aux règles de tenue de comptabilité applicables aux sociétés commerciales, le moyen n’est pas contraire à la position qu’il a soutenue devant les juges du fond.
9. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l’article L. 653-5, 6° du code de commerce :
10. Il résulte de ce texte que le fait de n’avoir pas tenu de comptabilité ne peut être sanctionné par une mesure de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer que si les textes applicables font obligation de tenir une comptabilité.
11. Pour prononcer contre M. [X] la sanction de l’interdiction de gérer, l’arrêt retient que les commerçants personnes physiques et morales doivent tenir une comptabilité et que le GFDD n’a produit ni grand livre, ni balance, ni journal, mais seulement un projet de bilan.
12. En se déterminant ainsi, par des motifs erronés tirés de la qualité de commerçant du GFDD, qui est une société civile, et sans rechercher si les textes applicables lui imposaient la tenue d’une comptabilité, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.
Portée et conséquences de la cassation
13. La condamnation à l’interdiction de gérer ayant été prononcée en considération de plusieurs fautes, la cassation encourue à raison de l’une d’entre elles entraîne, en application du principe de proportionnalité, la cassation de l’arrêt de ce chef.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il rejette la demande d’annulation du jugement déféré, l’arrêt rendu le 27 mars 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ;
Remet, sauf sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Versailles, autrement composée.