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Décisions

CA Angers, ch. com. A, 28 septembre 2021, n° 17/01793

ANGERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Dsh Moteurs (SARL)

Défendeur :

Maine Bobinage (EURL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Corbel

Conseillers :

Mme Robveille, M. Benmimoune

T. com. Laval, du 26 juill. 2017

26 juillet 2017

FAITS ET PROCÉDURE

Le 16 octobre 2007, la société Maine Bobinage qui était détenue à 100 % par la SARL Eval, a acquis le fonds de commerce de la SARL Ralu qui exerçait une activité de négoce, de maintenance, de réparation et de reconditionnement, sur site ou en atelier, de tous moteurs, matériels électroportatifs, pompes, réducteurs, ventilateurs ainsi que tous accessoires, pièces ou fonctions en lien avec un moteur et plus généralement l'activité de bobinage en basse et haute tension.

Par acte sous seing privé du 30 septembre 2015, la société S.J..L. représentée par M. Stéphane L. a racheté La société Maine bobinage, par l'intermédiaire d'une cession de 100 % de ses parts sociales qui appartenait à la société (SARL) Eval représentée par M. Eric A., pour une somme de 179.000 euros.

Le 22 décembre 2015, M. Dominique N., ancien salarié de la société Eval dont le contrat a fait l'objet d'une rupture conventionnelle le 19 novembre 2015, Mme Hélène S. épouse B. ancienne salariée de la société Maine Bobinage ayant quitté la société le 7 décembre 2015 et M. Sylvain G. , salarié démissionnaire le 18 décembre 2015 de la société Maine Bobinage, ont constitué ensemble, par apport chacun d'une somme de 5.000 euros, la société (SARL) DSH Moteurs dont le siège social est situé [...], qui a été immatriculée le 28 décembre 2015 au registre du commerce et des sociétés de Laval et a démarré une activité de négoce, de maintenance, de réparation, d'entretien, de reconditionnement pour les professionnels et particuliers, sur site ou non, de tous moteurs sauf thermiques, matériels portatifs, pompes, réducteurs, variateurs, alternateurs, ventilateurs ainsi que tous accessoires, pièces ou fonctions en lien avec un moteur et plus généralement l'activité de bobinage.

Par lettre du 29 janvier 2016, M. Gérard S. a présenté à la société Maine Bobinage sa démission de son poste d'électro bobinier.

Par lettre du 10 mars 2016, M. Pascal D. a présenté à la société Maine Bobinage sa démission de ses fonctions de technico-commercial.

Suivant contrat à durée indéterminée signé le 4 avril 2016, à effet au 8 avril 2016, M. Gérard S. a été embauché par la SARL DSH Moteurs en qualité de responsable atelier technicien électro-bobinier mécanique et maintenance.

Suivant contrat à durée indéterminée signé le 6 avril 2016, à effet au 18 avril 2016, M. Pascal D. a été embauché par la SARL DSH Moteurs en qualité de technico-commercial.

La société Maine Bobinage se prévalant de ce que la SARL DSH Moteurs s'était livrée à des actes de concurrence déloyale à son encontre, invoquant un débauchage de ses salariés, outre la disparition de plusieurs documents à caractère technique et commercial, le démarchage systématique et détournement de ses clients, la perte de plusieurs de ceux-ci et de plusieurs marchés, le déménagement de stocks dans ses ateliers ayant conduit à la fin de sa collaboration avec la société Motive à laquelle elle sous-louait les locaux, a selon requête déposée le 19 avril 2016, sollicité du président du tribunal de commerce de Laval la désignation d'un huissier aux fins de se rendre au siège social de la SARL DSH Moteurs et de rechercher des éléments de preuve positive des agissements prétendument déloyaux de cette dernière.

Par ordonnance du 27 avril 2016, le président du tribunal de commerce de Laval a fait droit à la requête, en désignant la SCP G.-R.-S., huissiers de justice à Laval qui s'est rendue le 27 mai 2016 au siège social de la société DSH Moteurs afin d'exécuter sa mission conformément à l'ordonnance.

Au préalable, la SCP G.-R.-S. s'est rendue le 17 mai 2016 au siège social de la société Maine Bobinage afin de dresser procès-verbal de dépôt de ses données informatiques, pour permettre une comparaison ultérieure des fichiers.

Par ordonnance de référé du 25 juillet 2016, le président du tribunal de commerce de Laval a ordonné la déconsignation de l'ensemble des pièces séquestrées et conservées en l'étude de la SCP G.-R.-S., a autorisé l'EURL Maine Bobinage à en prendre possession pour examen et a débouté les parties de toutes leurs autres demandes, laissant les dépens à la charge de l'EURL Maine Bobinage.

Par acte d'huissier du 30 septembre 2016, l'EURL Maine Bobinage a fait assigner la SARL DSH Moteurs devant le tribunal de commerce de Laval aux fins de voir :

-  constater que la SARL DSH Moteurs, M. N., Mme B. et M. G. se livrent à des actes de concurrence déloyale à son encontre,

en conséquence,

-  condamner la SARL DSH Moteurs à lui verser la somme de 284.783,79 euros en réparation de son entier préjudice,

-  condamner la SARL DSH Moteurs à lui restituer l'intégralité des documents lui appartenant sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

-  interdire à la SARL DSH Moteurs d'utiliser les documents lui appartenant,

-  dire qu'en cas de non-respect de cette interdiction, la SARL DSH Moteurs sera condamnée à lui verser la somme de 1.000 euros à chaque infraction constatée,

-  ordonner la fermeture du fonds de commerce exploité par la SARL DSH Moteurs,

-  dire que le tribunal de céans conservera compétence pour liquider les astreintes ci-dessus définies,

-  condamner la SARL DSH Moteurs à lui payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-  condamner la SARL DSH Moteurs aux entiers dépens de l'instance y compris le coût des constats réalisés,

-  ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

Par jugement du 26 juillet 2017, le tribunal de commerce de Laval, au visa des articles 1382 et suivant anciens, devenus 1240 et suivants du code civil, a :

-  dit que la SARL DSH Moteurs sera condamnée au titre des actes de concurrence déloyale à l'encontre de l'EURL Maine Bobinage et tirant les conséquences de ces constatations,

-  condamné la SARL DSH Moteurs à payer à l'EURL Maine Bobinage la somme de 36.195,81 euros au titre du préjudice correspondant à la perte de marge en lien avec la baisse de chiffre d'affaires,

-  condamné la SARL DSH Moteurs à payer à l'EURL Maine Bobinage la somme de 13.832,70 euros au titre de la dépréciation de son fonds de commerce,

-  condamné la SARL DSH Moteurs à payer à l'EURL Maine Bobinage la somme de 40.000 euros au titre du préjudice moral, né du trouble commercial, turbulences, tracas et désordres,

-  condamné la SARL DSH Moteurs à restituer à l'EURL Maine Bobinage le fichier clients ainsi que les documents dénommés agendas visés dans le procès-verbal de constatations établis le 27 mai 2016, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la signification de la présente décision,

-  dit que le tribunal se réserve la liquidation le cas échéant de ladite astreinte ainsi ordonnée,

-  condamné la SARL DSH Moteurs à payer à l'EURL Maine Bobinage la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-  condamné la SARL DSH Moteurs aux entiers dépens ceux du greffe concernant la présente instance s'élevant à la somme de 77,08 euros TTC en ce compris le coût des constats et frais de procédure sur requête et ordonnance présidentielles obtenues y compris la procédure de référé du 25 juillet 2016 de déconsignation,

-  débouté les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration reçue au greffe le 15 septembre 2017, la SARL DSH Moteurs a interjeté appel de cette décision, en ce qu'elle a dit qu'elle sera condamnée au titre des actes de concurrence déloyale à l'encontre de l'EURL Maine Bobinage et tirant les conséquences de ces constatations ; l'a condamnée à payer à l'EURL Maine Bobinage la somme de 36.195,81 euros au titre du préjudice correspondant à la perte de marge en lien avec la baisse de chiffre d'affaires ; l'a condamnée à payer à l'EURL Maine Bobinage la somme de 13.832,70 euros au titre de la dépréciation de son fonds de commerce ; l'a condamnée à payer à l'EURL Maine Bobinage la somme de 40.000 euros au titre du préjudice moral, né du trouble commercial, turbulences, tracas et désordres ; l'a condamnée à restituer à l'EURL Maine Bobinage le fichier clients ainsi que les documents dénommés agendas visés dans le procès-verbal de constatations établis le 27 mai 2016, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la signification de la présente décision ; l'a condamnée à payer à l'EURL Maine Bobinage la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; l'a condamnée aux entiers dépens ceux du greffe concernant la présente instance s'élevant à la somme de 77,08 euros TTC en ce compris le coût des constats et frais de procédure sur requête et ordonnance présidentielles obtenues y compris la procédure de référé du 25 juillet 2016 de déconsignation ; intimant l'EURL Maine Bobinage.

L'EURL Maine Bobinage a formé appel incident.

La SARL DSH Moteurs et l'EURL Maine Bobinage ont conclu.

Une ordonnance du 4 novembre 2019 a clôturé l'instruction de l'affaire.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :

-  le 13 décembre 2017 pour la SARL DSH Moteurs,

-  le 12 mars 2018 pour l'EURL Maine Bobinage,

aux termes desquelles elles forment les demandes qui suivent :

La SARL DSH Moteurs demande à la cour de :

-  déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par la société DSH Moteurs le 15 septembre 2017,

-  infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Angers du 26 juillet 2017,

-  et débouter la société Maine Bobinage de l'ensemble de ses prétentions infondées,

-  condamner la société Maine Bobinage à payer à la société DSH Moteurs la somme de 5.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

-  la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'EURL Maine Bobinage prie la cour, au vu des articles 1382 et suivants du code civil et des pièces versées aux débats, de :

* confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* dit que la SARL DSH Moteurs sera condamnée au titre des actes de concurrence déloyale à l'encontre de l'EURL Maine Bobinage et tirant les conséquences de ces constatations,

* condamné la SARL DSH Moteurs à payer à l'EURL Maine Bobinage la somme de 36.195,81 euros au titre du préjudice correspondant à la perte de marge en lien avec la baisse de chiffre d'affaires,

* condamné la SARL DSH Moteurs à payer à l'EURL Maine Bobinage la somme de 13.832,70 euros au titre de la dépréciation de son fonds de commerce,

* condamné la SARL DSH Moteurs à payer à l'EURL Maine Bobinage la somme de 40.000 euros au titre du préjudice moral, né du trouble commercial, turbulences, tracas et désordres,

* condamné la SARL DSH Moteurs à restituer à l'EURL Maine Bobinage le fichier clients ainsi que les documents dénommés agendas visés dans le procès-verbal de constatations établis le 27 mai 2016, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la signification de la présente décision,

* dit que le tribunal se réserve la liquidation le cas échéant de ladite astreinte ainsi ordonnée,

* condamné la SARL DSH Moteurs à payer à l'EURL Maine Bobinage la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné la SARL DSH Moteurs aux entiers dépens ceux du greffe concernant la présente instance s'élevant à la somme de 77,08 euros TTC en ce compris le coût des constats et frais de procédure sur requête et ordonnance présidentielles obtenues y compris la procédure de référé du 25 juillet 2016 de déconsignation,

-  infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* débouté la société Maine Bobinage de sa demande à hauteur de 13.000 euros au titre du préjudice subi par elle consécutivement à la rupture brutale de sa collaboration avec la société Motive causée par la société DSH Moteurs,

* débouté la société Maine Bobinage de sa demande à hauteur de 179.000 euros en indemnisation de son préjudice du fait des actes de concurrence déloyale et actes de parasitisme commis par la société DSH Moteurs,

en conséquence,

-  condamner la société DSH Moteurs à verser à la société Maine Bobinage la somme de 13.000 euros au titre du préjudice subi par elle consécutivement à la rupture brutale de sa collaboration avec la société Motive causée par la société DSH Moteurs,

-  condamner la société DSH Moteurs à verser à la société Maine Bobinage la somme de 179.000 euros en indemnisation de son préjudice du fait des actes de concurrence déloyale et actes de parasitisme commis à son encontre,

y ajoutant,

-  condamner la société DSH Moteurs à verser à la société Maine Bobinage la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel,

-  condamner la société DSH Moteurs aux entiers dépens de la procédure d'appel.

MOTIFS :

-  Sur la prétendue concurrence déloyale et parasitaire de la société DSH Moteur :

Il est constant que les sociétés Maine Bobinage et DSH Moteurs exercent une activité concurrente dans le secteur du négoce, de la maintenance, réparation, entretien et reconditionnement de tous moteurs, pompes, réducteurs, ventilateurs, matériels électroportatifs et plus généralement de l'activité de bobinage.

La société D. Moteurs rappelle que le principe de la liberté du commerce et de l'industrie permet à tout individu d'exercer son activité dans le cadre des dispositions légales ; que la concurrence déloyale constitue une exception et qu'il incombe au demandeur à l'action en concurrence déloyale de rapporter la preuve d'une faute et le comportement déloyal dont elle se prétend victime.

Elle soutient qu'en l'espèce, la société Maine Bobinage échoue à rapporter la preuve d'éléments qui constitueraient des actes de concurrence déloyale.

La société Maine Bobinage estime au contraire qu'elle rapporte la preuve de comportements fautifs de la société DSH Moteurs, constitutifs d'actes de concurrence déloyale et parasitaires qui lui ont causé des préjudices matériels et moral dont elle est fondée à solliciter réparation.

S'agissant des comportements fautifs, elle reproche à la société DSH Moteurs d'avoir mis en œuvre une stratégie déloyale pour développer une activité concurrentielle à la sienne, à proximité du lieu d'exercice de son activité, en procédant au débauchage de son entier personnel, lui faisant ainsi subir une désorganisation, en opérant un détournement de sa clientèle par un démarchage systématique dirigé envers ses clients, effectué à partir de son fichier client rapporté ou copié par un de ses anciens salariés et en s'appropriant illégitimement sa réputation, créant ainsi volontairement une confusion entre leurs deux structures.

* Sur le prétendu débauchage fautif des anciens salariés de la société Maine Bobinage :

La société Maine Bobinage fait valoir que M. N., ancien salarié de son unique associée, la société Eval, Mme B. et M. G., deux de ses anciens salariés, ont quitté leurs fonctions pour constituer ensemble le 22 décembre 2015 la SARL DSH Moteurs exerçant une activité en tout point similaire à la sienne, installée dans la même zone industrielle que celle de son siège social, soit à moins de 500 m.

Elle fait observer que très peu de temps après le démarrage de son activité, la SARL DSH Moteurs a embauché deux autres de ses salariés expérimentés, à savoir Messieurs S. et D., soit en définitive l'intégralité de ses salariés restant et affirme que ces départs intervenus dans le cadre de démissions, avaient été planifiés et concertés avec l'appelante, tel que cela résulte des pièces qu'elle verse aux débats.

Elle soutient que ces agissements ont conduit à sa désorganisation, en ce qu'ils l'ont empêchée de faire face à des commandes, l'ont contrainte à refuser de nouvelles commandes, à verser à ses anciens salariés des indemnités de fin de contrat pesant sur sa trésorerie, à recruter en urgence de nouveaux collaborateurs pour assurer la pérennité de ses prestations et à informer ses clients de la continuité de son activité en leur présentant la nouvelle équipe.

La société DSH Moteurs prétend que l'EURL Maine Bobinage est défaillante à rapporter la preuve du débauchage fautif qu'elle invoque, en rappelant que le recrutement de salariés œuvrant pour une entreprise concurrente n'est pas fautif en soit.

Elle ne souligne qu’aucun des salariés recrutés n'était tenu d'une clause de non-concurrence, de sorte qu'ils étaient libres de quitter les postes qu'ils occupaient chez l'intimée pour la rejoindre et affirme qu'elle les a embauchés régulièrement sans manœuvres.

Elle précise que les salariés en cause ont démissionné de leurs postes sans que l'intimée ne cherche à les retenir en leur proposant une meilleure rémunération, notant que celle-ci a même dispensé M. D. de son préavis.

Elle relève encore que l'intimée a pu recruter dans des délais très brefs de nouveaux collaborateurs, affirmant que Mme B. a procédé à la formation de la personne embauchée par l'EURL Maine Bobinage pour la remplacer.

Le recrutement étant en principe libre et les salariés ayant le droit, sauf clause de non-concurrence, de conclure un contrat de travail avec un nouvel employeur, entreprise concurrente de celle qui les employait précédemment, la personne qui se prétend victime de débauchages fautifs constitutifs d'actes de concurrence déloyale doit établir que les circonstances qui ont entouré ces embauches dans l'entreprise concurrente ont eu pour effet de la désorganiser.

En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats, en particulier de ses statuts, que la société DSH Moteurs a été constituée le 22 décembre 2015 entre M. N., Mme B. et M. G., par apports chacun de 5 000 euros.

Il ressort également des pièces produites, que M. N. était un ancien salarié de la société Eval, dont le contrat de travail a fait l'objet d'une rupture conventionnelle du 19 novembre 2015.

Mme B. qui occupait depuis le premier juillet 2011 un emploi en CDI en qualité d'assistante technique et commerciale dans la société Maine Bobinage, a quant à elle quitté la société Maine Bobinage le 7 décembre 2015.

Enfin, M. G. qui avait été embauché par la société Maine Bobinage en qualité d'électro bobinier suivant CDI du 15 septembre 2000, a donné sa démission suivant lettre en date du 18 décembre 2015 et est sorti de ses effectifs le 18 janvier 2016.

Il y a lieu de relever que cette création d'une entreprise exerçant une activité concurrente de celle de la société Maine Bobinage, est intervenue juste après l'échec de leur projet de rachat au prix de 150 000 euros de l'intégralité des parts sociales de la société Maine Bobinage qui étaient détenues par la société Eval, cette dernière leur ayant préféré la société S.J.L. dont l'offre était supérieure et qui a acquis l'ensemble des parts le 30 septembre 2015.

Les courriels échangés en novembre 2015 avec la société Cofinex attestent que les futurs associés de la société DSH Moteurs ont confié à la société Cofinex, immédiatement après l'échec de leur projet de rachat de la société Maine Bobinage, un nouveau mandat de recherche de financements pour la création de leur propre société.

Mme B. et M. G. étaient donc encore salariés de la société Maine Bobinage dont la direction venait de changer, lorsqu'ils ont participé, en concertation avec M. N., à la création de la société DSH Moteurs.

Les dires de l'intimée selon lesquels à l'époque de l'achat par la société S.J.L. de la société Maine Bobinage, soit en septembre 2015, cette dernière employait 4 salariés, à savoir Mme B., M. G., M. D. et M. S., ne sont pas contredits par l'appelante.

Le 29 janvier 2016, M. S. qui occupait depuis 1973 un poste d'électro-bobinier dans la structure rachetée en 2007 par la société Maine Bobinage, a démissionné, quittant définitivement l'entreprise le premier avril 2016.

Le même était embauché à compter du 8 avril 2016 en qualité d'électro bobinier par la société DSH Moteurs qui avait démarré son activité en janvier 2016.

Le 11 mars 2016, M. D. qui occupait depuis fin 1994 un poste de commercial dans la structure rachetée en 2007 par la société Maine Bobinage, a démissionné.

Il était engagé à compter du 18 avril 2016 en qualité de technico-commercial par la société DSH Moteurs.

Il convient de relever que les contrats de travail conclus par les deux anciens salariés de la société Maine Bobinage avec la société DSH Moteurs, ne comportaient pas de période d'essai et qu'aucun élément ne vient établir que Messieurs S. et D. ont quitté la société Maine Bobinage à raison de menaces pesant sur la pérennité de leur emploi au sein de celle-ci.

Ainsi, à peine trois mois après le démarrage de son activité, la société DSH Moteurs comptait dans ses effectifs la totalité des personnes qui étaient salariées de la société Maine Bobinage au moment de la cession de ses parts sociales à la société S.J.L., deux d'entre elles étant gérants associés de la nouvelle société et les deux autres ayant été embauchées immédiatement après leur démission.

La société Maine Bobinage établit en outre que M. D. était en étroites relations avec Mme B. après le départ de celle-ci de la société Maine Habitat et alors qu'il était toujours salarié de ladite société, puisqu'il a cru utile de lui transférer le 4 décembre 2015 un courriel reçu d'un responsable du groupe pour lequel travaillait M. N., à propos du départ de celui-ci et de ses conséquences.

Elle établit également, par le rapport d'un détective privé, que M. S. s'est rendu en semaine dans les locaux de la société DSH Moteurs où il est resté deux heures alors qu'il était encore employé par la société Maine Bobinage et, par l'attestation d'un tiers, qu'il avait prévu de rejoindre ses anciens collègues lorsqu'ils auraient créé leur propre société.

Il s'en déduit le caractère planifié et concerté du recrutement par la société DSH Moteurs du reste de l'équipe de travail de la société Maine Bobinage.

Tel que justement retenu par le tribunal de commerce de Laval, la société Maine Bobinage s'est ainsi vue soustraire par la société DSH Moteurs qui exerce la même activité à moins de 500 mètres de distance, juste après le démarrage de celle-ci, son capital humain auquel étaient attachées aussi bien les compétences techniques que les compétences commerciales acquises par une présence de plusieurs années au sein de la même équipe, ce dont il résultait nécessairement pour la société Maine Bobinage une désorganisation.

La société Maine Bobinage a dû procéder dans l'urgence au recrutement de nouveaux salariés pour pallier le départ à la concurrence, quasi simultané, de ses 4 salariés qui bénéficiaient tous au surplus d'une forte expérience acquise au sein de l'entreprise, afin de ne pas mettre en péril son activité et communiquer auprès de ses clients pour les rassurer sur sa continuité et lui présenter sa nouvelle équipe.

Il résulte de ces éléments que l'intimée démontre que la société DSH Moteurs s'est livrée à un débauchage fautif des salariés de la société Maine Bobinage dont il est résulté une désorganisation, caractérisant des actes déloyaux, tel que l'a justement retenu le tribunal de commerce de Laval.

* sur le prétendu détournement de clientèle par la commission d'actes déloyaux :

La société Maine Bobinage reproche à la SARL DSH Moteurs d'avoir depuis le lancement de son activité en janvier 2016, démarché déloyalement ses clients en s'étant servie de son fichier client Excel rapporté ou copié par un de ses gérants ou salariés, considérant que ces faits suffisent à caractériser une concurrence déloyale.

Elle fait ainsi observer qu'il ressort des éléments recueillis par les huissiers de justice désignés par ordonnance du 27 avril 2016, l'envoi de nombreux mails par M. N. à des clients potentiels, se référant directement aux informations du fichier clients de la société Maine Habitat, allant même jusqu'à reproduire des erreurs que celui-ci contient.

Elle soutient que l'appelante ne peut prétendre avoir recueilli des informations aussi détaillées seulement en consultant ou en ayant acheté des fichiers de la CCI et qu'elle ne démontre pas les avoir obtenues par des démarches commerciales ou des opérations de publicité qu’elles auraient personnellement mises en œuvre à cette fin, en faisant en outre observer que les sites internet des personnes contactées ne fournissaient pas non plus de renseignements aussi précis.

Elle ajoute qu'il ressort des pièces recueillies dans le cadre de la procédure d'ordonnance sur requête, que le démarchage déloyal qu'elle impute à la SARL DSH Moteurs a été systématiquement et quasi-exclusivement dirigé envers ses clients, prioritairement ciblés par l'appelante.

Elle soutient également que la société DSH Moteurs a, dans la carte de vœux et dans les courriels qu'elle a envoyés à des clients de la société Maine Bobinage, entendu tirer avantage de la notoriété de la société Maine Bobinage, en faisant expressément référence à ses anciens salariés pour capter des marchés auprès de clients habitués à travailler avec eux.

La société DSH Moteurs oppose à l'intimée le principe en vertu duquel tout agent économique peut démarcher la clientèle d'autrui.

Elle fait valoir que leur activité ne constitue pas un secteur réglementé, que les différentes sociétés exerçant cette activité sont mises en concurrence et que la société Maine Bobinage n'a pas l'exclusivité de la clientèle de toute la Mayenne.

Elle soutient que l'EURL Maine Bobinage ne démontre pas par les pièces versées aux débats qu'elle aurait utilisé les fichiers informatiques de la société Maine Bobinage pour démarcher déloyalement sa clientèle.

Elle affirme que les ressemblances entre leurs fichiers clients s'expliquent par le fait qu'elles utilisent le même logiciel informatique.

Elle ajoute que M. N. a utilisé des fichiers qu'il a achetés auprès de la CCI et s'est servi des sites internet des entreprises pour recueillir les informations nécessaires au démarchage de clients potentiels.

En application du principe de la liberté du commerce, le démarchage de la clientèle d'autrui, fût-ce par un ancien salarié de celui-ci, est libre et licite dès lors qu'il ne s'accompagne pas d'actes déloyaux.

Il appartient donc à la société Maine Bobinage de rapporter la preuve des agissements déloyaux qui auraient été commis par la SARL DSH Moteurs pour détourner sa clientèle.

Il ressort de l'analyse des pièces obtenues dans le cadre de l'exécution le 27 mai 2016 de l'ordonnance sur requête du 27 avril 2016 par la SCP G.-R.-S., huissiers de justice à Laval qui s'est ensuite rendue le 27 mai 2016 au siège social de la société DSH Moteurs, qu'un nombre très important des mails de prospection qui ont été envoyés dans les premiers mois de l'activité de la société DSH Moteurs par M. N. qui en est l'un des gérants, soit 133, l'ont été à des personnes recensées dans les contacts de la société Maine Bobinage comme faisant partie des fichiers clients de ladite société, étant précisé que la comparaison a été réalisée au moyen de fichiers copiés le 17 mai 2016 par les mêmes huissiers dans l'informatique de la société Maine Bobinage et conservés par eux.

La société DSH Moteurs prétend avoir effectué son démarchage à partir du fichier informatique des sociétés recensées par la CCI de la Mayenne comme ayant plus de 10 salariés dans les domaines d'activité en lien avec la sienne, en produisant une facture d'achat dudit fichier du 11 janvier 2016.

Elle ne justifie cependant pas de ses dires selon lesquels ce fichier qu'elle ne produit pas, contenait toutes les informations utiles qui lui ont permis d'adresser tous les mails à des personnes travaillant dans des sociétés qui était par ailleurs toutes déjà clientes de la société Maine Bobinage.

De son côté l'intimée a versé aux débats un document qu'elle présente comme étant le fichier de la CCI de la Mayenne disponible lors de son achat par l'appelante et qui n'a pas fait l'objet de critiques de l'appelante, contenant seulement 18 noms de sociétés, une quinzaine d'adresses mail et les références de 9 sites internet, manifestement insuffisant pour permettre à la société DSH Moteurs de réaliser toute sa campagne de prospection de clientèle.

En outre, l'analyse minutieuse à laquelle s'est livrée la société Maine Bobinage des mails de prospection envoyés par M. N., a permis de révéler que les adresses des destinataires ont été renseignées par celui-ci pour chaque entreprise concernée, exactement dans le même ordre de leur classement au sein du fichier clients de la société Maine Bobinage.

Plusieurs erreurs matérielles contenues dans le fichier clients de la société Maine Bobinage se trouvent même reproduites dans les messages adressés par M. N. pour le compte de la société DSH Moteurs.

La preuve de l'utilisation par la société DSH Moteurs d'un fichier informatique des clients de la société Maine Bobinage est ainsi rapportée.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la campagne de prospection de clientèle de la société DSH Moteurs a été massivement dirigée vers des sociétés ciblées comme clientes de la société Maine Bobinage, au moyen de courriels adressés à des contacts précis au sein de ces sociétés, à partir de données figurant dans le fichier clients de celle-ci.

Par ailleurs, l'étude des devis émis par la société DSH Moteurs sur les quatre premiers mois de son activité démontre que sur les 121 devis qui ont été adressés par ladite société, seuls 32 ne concernaient pas des clients de la société Maine Bobinage, ce qui démontre encore qu'elle a prioritairement ciblé son démarchage sur les clients de celle-ci.

Ainsi en définitive, c'est à juste titre que le tribunal a retenu que la société Maine Bobinage démontre que la société DSH Moteurs s'est livrée à un démarchage déloyal de la clientèle de la société Maine Bobinage au moyen du fichier client qui a été utilisé à son profit.

Ce procédé qui offrait à la société DSH Moteurs, nouvellement constituée, la facilité de pouvoir entrer en contact direct et sans délai via les adresses mails des clients de la société Maine Bobinage, constitue un procédé incompatible avec la loyauté qui doit présider au principe de la libre concurrence.

Il est encore établi par les pièces versées aux débats par l'intimée que la société Motive qui sous-louait depuis plusieurs années à la société Maine Bobinage une partie de ses locaux pour y entreposer son stock de matériel, ce qui donnait lieu à des relations commerciales entre les deux sociétés, la société Maine Bobinage effectuant pour le compte de la société Motive certaines prestations sur des moteurs, a brutalement mis fin à leur collaboration, en déménageant tout son stock en mars 2016 pour l'installer précisément dans les locaux de la société DSH Moteurs tout juste créée.

Par ailleurs, en adressant à des clients de la société Maine Bobinage une carte de vœux commençant par indiquer : « notre équipe vous accompagne depuis des années » , puis des mails sous l'intitulé « nouvelles coordonnées » indiquant que « toute l'ancienne équipe de Maine Bobinage a quitté l'entreprise pour refonder une société de service dédiée aux moteurs et aux pompes (...) Avec une équipe soudée et des membres qui restent complémentaires, nous souhaitons continuer à vous proposer notre analyse, nos conseils sur de marché technique » et citant les noms des quatre anciens salariés de Maine Bobinage en rappelant leurs domaines de compétences et en affirmant avoir reçu l'aide de « nos fournisseurs habituels », la société DSH Moteurs a volontairement instauré une confusion dans l'esprit de la clientèle de la société Maine Bobinage qui pouvait croire que cette dernière n'existait plus, mais que son équipe reconstituée au sein d'une nouvelle structure était prête à poursuivre son travail avec elle, cherchant ainsi à capter cette clientèle de manière déloyale.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société Maine Bobinage rapporte la preuve d’actes de concurrence déloyale de la société DSH Moteurs que constitue le détournement de clientèle par des agissements déloyaux.

* Sur les prétendus agissements parasitaires de la société DSH Moteurs :

La société Maine Bobinage soutient que la SARL DSH Moteurs s'est accaparé son travail, son savoir-faire, son expérience, ainsi que les efforts et investissements qu'elle avait consentis de longue date, se livrant ainsi à des actes de parasitisme caractérisant une concurrence déloyale.

Elle prétend que les huissiers désignés ont trouvé dans l'atelier de la SARL DSH Moteurs des agendas qui lui appartenait, contenant des informations notées jour après jour au fils des commandes, qui lui permettaient d'assurer un suivi efficace et une grande réactivité auprès de ses clients.

Elle soutient également qu'il résulte des éléments recueillis par les huissiers dans les locaux de la société DSH Moteurs, que celle-ci était en possession du détail des tarifs fournisseurs de sa concurrente permettant ainsi de proposer à ses clients des prix inférieurs et de ses fichiers fournisseur et client lui permettant de connaître parfaitement ses secrets commerciaux.

Elle fait valoir que la société DSH Moteurs a ainsi pu se dispenser de se constituer par ses propres démarches des bases de données techniques et tarifaires sur les moteurs et de données clientèles et de rechercher des clients potentiels.

Elle reproche à la société DSH Moteurs d'être à l'origine de la perte de contrats avec plusieurs de ses clients habituels à la suite des propositions commerciales plus attractives que la société DSH Moteurs a été en mesure de leur présenter et qui avaient été élaborées à partir des informations privilégiées qu'elle pouvait détenir sur la stratégie commerciale de la société Maine Bobinage.

La société DSH Moteurs réplique en soutenant que par l'intermédiaire de ses clients professionnels, il lui était parfaitement loisible d'obtenir les prix pratiqués par l'EURL Maine Bobinage, sans qu'elle n'ait eu à soustraire ces documents à l'intimée.

Elle conteste s'être glissée dans le sillage de l'intimée, se prévalant des multiples démarches commerciales qu'elle indique avoir entreprises pour se forger sa propre clientèle.

Il ressort du procès-verbal de constat du 27 mai 2016, qu'il a été découvert dans les ateliers de la société DSH Moteurs un agenda de 2003 dont 186 pages ont été remplies par des mentions concernant l'activité de la société Maine Bobinage du 2 janvier 2008 au 15 décembre 2015.

Si les pages sont renseignées à la main, il n'apparaît pas qu'il s'agisse d'un document rattaché à une personne en particulier ou de notes personnelles prises par un ancien salarié de la société Maine Bobinage, de sorte qu'il convient de considérer qu'il s'agissait d'un document de la société Maine Bobinage affecté à son usage.

Se trouvaient consignés dans cet agenda, par date d'intervention, le nom des clients de la société Maine Bobinage et les références détaillées des moteurs ou pièces sur lesquels elle est intervenue.

Il est également établi que la société DSH Moteurs était en possession des tarifs fournisseurs appliqués à la société Maine Bobinage par la société Motive et par la société Weg qui lui ont été adressées par les sociétés concernées dans le cadre des relations étroites qu'elles entretenaient avec l'ancienne équipe de travail de la société Maine Bobinage passée à la concurrence.

La société DSH Moteurs a ainsi eu accès dès le démarrage de son activité à des informations essentielles concernant son concurrent, notamment sur l'identité de ses clients, leurs besoins, les interventions techniques pratiquées et les coûts, de nature à lui permettre de démarrer sans effort particulier une campagne de démarchage particulièrement ciblée vers les clients de sa concurrente en leur proposant des interventions suscitant leur intérêt.

Il a par ailleurs été démontré que la société DSH Moteur s'est servi du fichier clients de la société Maine Bobinage pour démarcher sa clientèle par mails rédigés dans des termes lui permettant de profiter de la notoriété de ladite société, en se présentant comme assurant la continuité de l'activité de la société Maine Bobinage, les futurs clients pouvant compter sur la même équipe.

L'ensemble de ces éléments caractérisent, tel que retenu par le tribunal de commerce de Laval un comportement parasitaire de la société DSH Moteurs qui se plaçant dans le sillon de la société Maine Bobinage s'est accaparé les fruits obtenus des efforts déployés par elle.

-  Sur la réparation du préjudice de la société Maine Bobinage résultant de la concurrence déloyale et parasitaire de la société DSH Moteur :

* Sur la demande au titre de la perte de gains :

La société Maine Bobinage soutient que les agissements fautifs de la société DSH Moteurs lui ont fait perdre plusieurs marchés de clients réguliers, en particulier ceux de la société Dalkia et de la Mairie de l'Huisserie et que son chiffre d'affaire a connu sur les 7 premiers mois d'activité de la SARL DSH Moteurs une baisse de près de 27 % par rapports aux exercices précédents et de 15,10 % sur l'année civile 2016.

Elle évalue son préjudice à la somme de 36 195,81 euros correspondant à la différence entre le montant du chiffre d'affaire moyen réalisé en 2014 et en 2015 (sur l'année civile) et celui réalisé en 2016 multiplié par le taux de marge brute globale.

La société DSH Moteurs soutient que la société Maine Bobinage ne rapporte pas la preuve d'un lien de causalité entre la perte de chiffre d'affaire invoquée et l'activité de la société DSH Moteurs, en faisant valoir que la simple baisse du chiffre d'affaire ne suffit pas à caractériser la réalité du préjudice matériel consécutif à des actes de concurrence déloyale, alors que celle-ci peut être liée à des événements extérieurs.

Elle ajoute que la perte de chiffre d'affaire doit s'apprécier sur les chiffres de l'ensemble de l'exercice et fait observer que l'intimée ne verse pas les chiffres d'affaires mensuels des années 2013, 2014, 2015 et 2016.

L'activité de la société DSH Moteurs a démarré fin janvier 2016.

Il résulte du bilan de l'exercice du premier octobre 2015 au 30 septembre 2016 de la société Maine Bobinage, que celle-ci a accusé une baisse de chiffre d'affaire d'environ 25 % par rapport à l'exercice précédent; le même ordre de valeur étant obtenu par la comparaison du chiffre d'affaire réalisé par la société Maine Bobinage sur les 7 premiers mois d'exercice d'activité de la société DSH Moteurs (février 2016 à août 2016 inclus) avec celui réalisé sur la même période l'année précédente, tel que cela ressort de l'attestation de l'expert-comptable de l'intimée.

Rapportée à l'année civile, le chiffre d'affaire de la société Maine Bobinage a connu une baisse de l'ordre de 15 % en 2016 par rapport à la moyenne des deux exercices précédents, tel que cela ressort de l'autre attestation de l'expert-comptable de l'intimé.

La société Maine Bobinage établit par ailleurs n'avoir pas été retenue par la société Dalkia en son devis du 15 janvier 2016, dont il n'est pas contesté qu'il s'agissait d'un client habituel de l'intimée, tandis qu'il est établi que la société DSH Moteurs a présenté le 18 février 2016 un devis à cette même société pour des prestations à réaliser aux mêmes dates.

La société DSH Moteurs admet avoir été retenue par la Mairie de l'Huisserie qui figurait également parmi les clients de la société Maine Bobinage et à laquelle cette dernière avait adressé le premier mars 2016 un devis auquel il n'a pas été donné suite.

Le déménagement brutal des stocks de la société Motive des locaux de la société Maine Bobinage fin mars 2016 qui s'est accompagné, dans le mois suivant, de l'arrêt des relations commerciales instaurées entre les deux sociétés, a provoqué la perte pour l'intimée du chiffre d'affaire lié aux travaux réalisés pour le compte de la société Motive, étant précisé que la société Motive s'est réinstallée dans les locaux de la société DSH Moteurs, retrouvant ainsi M. S. qui, selon les dires de l'intimée non contestés par l'appelante, gérait le stock de la société Motive lorsqu'il faisait partie des effectifs de la société Maine Bobinage, dans le cadre d'accords commerciaux entre les deux sociétés.

Le lien de causalité entre le préjudice allégué par l'intimée et les actes fautifs de concurrence déloyale et parasitaire de la société DSH Moteur, résulte de la concomitance entre d'une part la baisse du chiffre d'affaire de la société Maine Bobinage et la perte par celle-ci de plusieurs clients habituels ainsi établis pour 2016 et d'autre part la période au cours de laquelle les actes déloyaux sus caractérisés ont été commis par la société DSH Moteurs qui dans le même temps développait son activité, alors qu'aucun autre facteur extérieur n'est avancé pour expliquer cette baisse sensible de chiffre d'affaire.

Au vu des pièces de la procédure, c'est à juste titre que le tribunal a fait droit à la demande de la société Maine Bobinage en lui allouant une indemnité de 36 195,81 euros.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

* Sur la demande au titre de l'indemnisation de la perte de collaboration avec la société Motive :

La société Maine Bobinage sollicite l'allocation de la somme de 13 000 euros au titre de l'indemnisation du préjudice lié à la perte de sa collaboration avec la société Motive, auprès de laquelle elle effectuait des prestations d'entrée/sortie de moteurs et de préparation/modification de moteurs à livrer, indépendamment de la sous-location à celle-ci d'une surface de stockage.

La société DSH Moteurs soutient que la perte invoquée par l'intimée est sans rapport avec son activité commerciale, dès lors que la société Motive était locataire de celle-ci et qu'il lui était loisible de quitter le local loué pour s'installer ailleurs.

Les extraits du grand livre de la société Maine Bobinage concernant le compte client 'société Motive' attestent que des ventes de matériel ou prestations de service ont été effectuées entre le 4 octobre 2012 et le 30 septembre 2015 par l'intimée au profit de la société Motive, distinctes de la sous location de locaux de stockage.

Pour autant, la somme de 13 000 euros réclamée correspondant à la perte de marge globale alléguée par la société Maine Bobinage attachée à la perte du client société Motive, calculée sur la moyenne des trois exercices précédant la cessation des relations commerciales, fait double emploi avec l'indemnisation d'ores et déjà allouée à la société Maine Bobinage à hauteur de 36 195,81 euros prenant en compte les chiffres d'affaire réalisés avec l'ensemble des clients dont la société Motive faisait nécessairement partie.

Le jugement du tribunal de commerce de Laval sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

* Sur la demande d'allocation d'une somme de 179 000 euros pour agissements déloyaux et parasitaires :

La société Maine Bobinage s'estime fondée à solliciter à titre de dommages-intérêts la somme de 179 000 euros à raison du préjudice subi du fait de l'ensemble des agissements de concurrence déloyale dont elle a été victime.

Elle soutient que les fautes caractérisées de la société DSH Moteurs ont conduit à sa désorganisation et ont permis à l'appelante d'acquérir pour le démarrage de son activité des compétences et du savoir-faire de la société Maine Bobinage, sans bourse délier.

La société DSH Moteurs conclut au rejet de cette demande indemnitaire comme ne reposant sur aucun fondement juridique.

Elle fait en outre observer que l'EURL Maine Bobinage poursuit son activité dans le cadre d'un marché concurrentiel et qu'elle ne peut obtenir d'une société concurrente le paiement d'une somme correspondant au prix d'acquisition de son fonds de commerce.

Il résulte des développements qui précèdent que la société DSH Moteurs a développé une activité concurrentielle à la société Maine Bobinage, à proximité du lieu d'exercice de cette activité, en procédant au débauchage de son entier personnel, lui faisant ainsi subir une désorganisation, en opérant un détournement de sa clientèle par un démarchage massif dirigé envers ses clients effectué à partir de données de son fichier clients et en se plaçant dans le sillon de la société Maine Bobinage pour s' accaparer les fruits obtenus par les efforts déployés par elle.

Ces agissements fautifs ont privé la société Maine Bobinage d'une valeur économique représentée par le savoir-faire mis au point et détenu par elle au prix d'investissements, diminuant sa capacité d'exploiter pleinement ses avantages sur un marché concurrentiel.

L'indemnité de 13 832,70 euros allouée par le tribunal à la société apparaît avoir été exactement évaluée pour réparer le préjudice subi par la société Maine Bobinage imputable aux agissements fautifs de la société DSH Moteurs distinct de la perte de gains.

Le jugement sera ainsi confirmé sur ce point.

* sur la demande au titre du préjudice moral :

La société Maine Bobinage sollicite l'indemnisation du préjudice moral qu'elle subit résultant du trouble commercial, des turbulences, tracas et désordres créés par la concurrence déloyale.

La société DSH Moteurs prétend que l'existence d'un préjudice moral n'est pas justifiée.

Les actes anticoncurrentiels de débauchage fautif, de détournement de clientèle et de parasitisme qui ont été retenus ont nécessairement généré, à l'égard de la société Maine Bobinage un préjudice moral lequel, au regard des éléments de la cause, a justement été évalué par le tribunal de commerce à la somme de 40 000 euros.

-  Sur la demande en restitution des documents appartenant à l'EURL Maine Bobinage :

La société Maine Bobinage entend voir confirmer le jugement critiqué en ce qu'il a condamné sous astreinte la SARL DSH Moteurs à lui restituer son fichier clients ainsi que les documents dénommés agendas visés dans le procès-verbal de constatation du 27 mai 2016, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant signification de la décision, le tribunal s'étant réservé la liquidation, le cas échéant, de l'astreinte.

La société DSH Moteurs poursuit l'infirmation du jugement sur ce point, en soutenant d'une part qu'elle ne possède pas de fichier client dont il est avéré qu'il soit la propriété de l'EURL Maine Bobinage ; d'autre part que les agendas dont il est sollicité la restitution ne constituent en réalité que des cahiers de notes appartenant aux salariés.

Il résulte du procès-verbal de constat du 27 mai 2016 que Maître S., huissier de justice, a trouvé dans la partie atelier des locaux de la société DSH Moteurs, sur un établi, un agenda « 2003 » dont chaque page comporte des dates marquées à la main qui vont du 2 janvier 2008 au 15 décembre 2015, avec les noms de clients et des références moteurs.

L'huissier de justice en a fait copie dans la pièce n° 1 dénommée « agenda ».

Il n'est pas contesté au regard des dates des opérations notées dans cet agenda, qu'il s'agit d'interventions réalisées sur des moteurs par la société Maine Bobinage et non par la société DSH Moteurs.

Il a en outre été retenu qu'un tel document ne pouvait être considéré comme un carnet contenant des notes personnelles appartenant à un ancien salarié la société Maine Bobinage, mais qu'il s'agit d'un document à usage de cette dernière contenant des informations commerciales essentielles à son activité et notamment au suivi des clients, recueillies sur des années.

Dans ces conditions, c'est à juste titre que le tribunal en a ordonné la restitution par la société DSH Moteurs à la société Maine Bobinage.

Cette restitution par la société DSH Moteurs du document original correspondant à la copie faite par l'huissier de justice, intitulée « pièce n° 1 Agenda » devra intervenir dans les 15 jours de la signification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai, sans qu'il y ait lieu de se réserver la liquidation de l'astreinte ainsi ordonnée.

En revanche, il ne ressort pas des pièces versées aux débats, que parmi les documents trouvés le 27 mai 2016 par l'huissier de justice dans les locaux de la société DSH Moteurs ou dans les fichiers informatiques enregistrés par lui ce même jour ( fichier « Sage »- pièce 2 situé sur le serveur, fichier « factures DSH Moteurs récupérés depuis le poste informatique de Mme B. à partir du progiciel » Batigest »- pièce 3, fichier devis DSH Moteurs- pièce n° 4 ), ou dans les boîtes mails de Mme B. et de M. N. ( pièce n° 7 et pièce 9) , ait été trouvé un fichier clients de la société Maine Bobinage, identique à l'un de ceux qui ont été enregistré par le même huissier aux termes d'un constat des 17 et 18 mai 2016 effectué dans les locaux de la société Maine Bobinage répertoriés sous les noms « Contact clients.xls » et « liste clients contact complete.xis ».

Ainsi, si l'utilisation par la société DSH Moteurs pour effectuer sa campagne de prospection de clientèle par mails, à partir du fichier clients de la société Maine Bobinage a été établie par comparaison entre les mentions figurant dans celui-ci et celles comprises dans les mails adressés par M. N., il n'apparaît pas démontré que la société DSH Moteurs se trouve encore en possession d'un fichier clients de la société Maine Bobinage.

Par suite, il convient d'infirmer le jugement critiqué de ce chef, en rejetant la demande tendant à voir ordonner la restitution sous astreinte par la société DSH Moteurs, du fichier clients appartenant à Maine Bobinage.

Sur les autres demandes :

Le jugement critiqué sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.

Partie perdante, la société DSH Moteurs sera en outre condamnée aux dépens de l'instance d'appel et à payer à la société Maine Bobinage une indemnité de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS,

la cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe

CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Laval du 26 juillet 2017 en toutes ses dispositions critiquées,

-  SAUF à voir préciser que la restitution par la société DSH Moteurs à la société Maine Bobinage du document original correspondant à la copie faite par l'huissier de justice, intitulée « pièce n° 1 Agenda » devra intervenir dans les 15 jours de la signification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai, sans qu'il y ait lieu de se réserver la liquidation de l'astreinte ainsi ordonnée ;

-  ET SAUF en ce qu'il a condamné la société DSH Moteurs à restituer à la société Maine Bobinage le fichier clients visé dans le procès-verbal de constat établi le 27 mai 2016, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la signification de la décision ;

Statuant à nouveau de ce chef,

REJETTE la demande ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la société DSH Moteurs aux dépens de l'appel et à payer à la société Maine Bobinage la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

S. TAILLEBOIS C. CORBEL