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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 29 septembre 2021, n° 19/17333

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Schmidt & Bender GmbH & Co KG (Sté)

Défendeur :

GMT Outdoor (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

M. Gilles, Mme Depelley

Avocats :

Me Lallement, Me Marchais, Me Dauchel, Me Tack

T. com. Lille Métropole, du 9 mai 2019

9 mai 2019

Vu le jugement rendu le 9 mai 2019 par le tribunal de commerce de Lille qui a :

-  condamné la société Schmidt & Bender à payer à la société GMT outdoor les sommes de : 87.192 euros, à titre de dommages intérêts, pour rupture brutale de relations commerciales établies, 15.000 euros, à titre de dommages intérêts, pour préjudice moral consécutif à la concurrence déloyale, 69.377,67 euros, à titre de dommages intérêts, pour refus de livraison, 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-  débouté les parties de toutes leurs autres demandes,

-  condamné la société Schmidt & Bender aux entiers dépens ;

Vu l'appel relevé par la société Schmidt & Bender et ses dernières conclusions notifiées le 3 mai 2021 par lesquelles elle demande à la cour, au visa de l'article 2224 du code civil, de l'article L. 442-6 du code de commerce ainsi que des articles 1134 et 1184 du code civil, d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

1) sur la fin de non-recevoir :

-  constater que l'ensemble des demandes de la société GMT fondées sur l'absence de livraison des commandes effectuées auprès d'elle sont prescrites,

-  par conséquent, débouter la société GMT de l'ensemble de ses demandes afférentes aux commandes du modèle 1-8*24 passées en 2010,

2) à titre principal :

-  constater qu'aucun contrat de concession exclusive n'a été conclu entre elle et la société GMT,

-  constater qu'elle n'a pas rompu les relations d'affaires entre les parties en 2013,

-  constater que la société GMT n'a plus passé de commandes auprès d'elle depuis 2016,

-  constater qu'elle n'a pas capté la clientèle de la société GMT,

-  par conséquent, débouter la société GMT de l'ensemble de ses demandes,

3) à titre subsidiaire :

-  constater que les parties n'avaient pas conclu de contrat ayant un caractère suivi, stable et habituel,

-  par conséquent, débouter la société GMT de l'ensemble de ses demandes fondées sur l'article L. 442-6 du code de commerce,

4) à titre infiniment subsidiaire :

-  constater qu'elle devait respecter un préavis de 3 mois lors de la rupture des relations d'affaires avec la société GMT,

-  par conséquent, limiter l'indemnité à ce délai, sous réserve de justification de la marge brute escomptée sur les 3 derniers exercices et en tenant compte du délai de 2,5 mois déjà accordé à la société GMT,

5) sur l'appel incident :

-  le déclarer mal fondé,

-  par conséquent, débouter la société GMT de l'ensemble de ses demandes,

6) en tout état de cause :

-  condamner la société GMT à lui payer la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-  la condamner aux entiers dépens de la procédure d’appel ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 3 mai 2021 par la société GMT outdoor qui demande à la cour, au visa des articles 1134 et suivants du code civil, 1583 du code civil et L. 442-6-1 5° ancien du code de commerce, de confirmer le jugement sauf à :

-  condamner la société Schmidt & Bender au paiement d'une indemnité majorée à la somme de 26.641 euros (au lieu des 15.000 € alloués en première instance) pour concurrence déloyale résultant de l'exploitation abusive de ses contacts presse et de son fichier clients,

-  condamner la société Schmidt & Bender, au titre de la violation de son obligation de bonne foi et du principe de la force obligatoire des contrats en n'honorant pas les commandes de lunettes 1-8x24, à lui payer : en réparation de son préjudice financier, la somme de 85.663,48 euros (au lieu des 69.377,67 euros alloués par le tribunal), en réparation de son préjudice moral et d'image à raison de 50 euros x 450 unités commandées, la somme de 20.250 euros (au lieu des 5.000 euros alloués par le tribunal et non repris dans le dispositif),

-  condamner la société Schmidt & Bender à lui payer la somme de 50.000 euros en réparation de son préjudice moral résultant de la violation par cette société de son obligation de coopération en ne prenant pas en compte ses difficultés commerciales, en augmentant les prix de vente de ses produits et en modifiant unilatéralement les conditions de paiement,

-  condamner la société Schmidt & Bender au paiement d'une indemnité majorée à 210.816 euros (au lieu des 87.192 euros alloués en première instance) en indemnisation de la rupture brutale de la relation commerciale établie,

-  débouter la société Schmidt & Bender de l'ensemble de ses demandes,

-  condamner la société Schmidt & Bender à lui payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-  la condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel ;

SUR CE LA COUR

La société de droit allemand Schmidt & Bender est spécialisée dans la production et l'optimisation de lunettes de visée.

A compter du 1er janvier 1992, M. X, qui exploitait une activité de vente en gros d'articles de chasse à St Cyr sur Loire, a commercialisé des lunettes de visée produites par la Schmidt & Bender ; suivant acte notarié du 28 juin 1994, M. X a cédé son fonds de commerce à la société Vision passions ; cet acte mentionne que M. X, qui commercialise diverses lunettes de visée de marque Schmidt & Bender, bénéficie d'un contrat de concession exclusive sur le territoire national français.

Puis, suivant acte sous seing privé du 22 décembre 2004, à effet au 1er juin 2004, la société Vision passions a cédé son fonds de commerce à la société GMT outdoor, ci-après GMT ; par la suite la société GMT a continué à distribuer des lunettes de visée Schmidt & Bender.

Le 12 septembre 2013, la société Schmidt & Bender a adressé aux clients de la société GMT le courriel suivant, auquel était annexé un catalogue avec la liste des nouveautés :

"Schmidt & Bender va restructurer sa distribution France.

GMT imports était jusqu'alors notre unique revendeur en France, mais nous voulons maintenant livrer directement les armuriers".

Le 5 décembre 2013, la société Schmidt & Bender a envoyé à la société GMT un courriel lui indiquant :

« ...Nous sommes forcés d'ouvrir le marché français puisqu'actuellement aucune lunette S&B ne s'y vend. C'est pour cela que nous prenons en charge la France par nous-mêmes ... ».

Par lettre de son conseil du 12 mai 2017, la société GMT a demandé à la société Schmidt & Bender l'indemnisation de ses préjudices résultant du manquement à son obligation contractuelle de bonne foi et de la rupture brutale de la relation commerciale établie.

N'obtenant pas satisfaction, la société GMT a fait assigner en responsabilité la société Schmidt & Bender le 9 janvier 2018 devant le tribunal de commerce de Lille qui a statué par le jugement déféré.

La société Schmidt & Bender, appelante, soulève en premier lieu l'irrecevabilité pour prescription des demandes de la société GMT au titre de l'absence de livraison des commandes du modèle 1-8x24 ; se fondant sur les dispositions de l'article 2224 du code civil, elle fait valoir que la dernière de ces commandes devait être livrée le 7 mars 2011 et par conséquent que les demandes sont prescrites depuis le 7 mars 2016.

Mais la société GMT réplique à juste raison :

-  que l'article 2224 du code civil fait courir la prescription quinquennale des actions personnelles ou mobilières à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer,

-  que la dernière date de livraison annoncée était celle d'avril 2013 et que c'est seulement par courriel du 25 juin 2013 que la société Schmidt & Bender, qui jusque-là avait laissé espérer des livraisons dont elle reportait la date, a demandé à la société GMT « d'oublier le 1-8 » et de commander 12 pièces de l'ancien modèle1,5-6x24 Zenith.

Les demandes formées par assignation du 9 janvier 2018 sont donc recevables comme non prescrites.

En deuxième lieu, l'appelante soutient qu'aucun contrat de concession exclusive n'a été conclu, ni avec M. X, ni avec la société Vision passions, ni avec la société GMT ; elle expose en ce sens :

-  que la concession exclusive se définit comme un contrat de distribution de la durée limitée par lequel le concédant accorde exclusivement au concessionnaire le droit de revendre ses produits de marque sur un territoire déterminé, le concessionnaire s'engageant notamment à s'approvisionner exclusivement chez le concédant,

-  qu'en l'espèce, la société GMT, qui n'invoque aucune durée du contrat, vendait d'autres marques de lunettes de visée,

-  que le projet de contrat de concession exclusive soumis à la société Vision passions lorsque M. X lui a cédé son fonds de commerce n'a jamais été signé et prévoyait une durée de 5 ans,

-  que par lettre datée du 10 mai 1994, la société Schmidt & Bender a déclaré déléguer un droit exclusif à la société Vision passions pour la vente en France de ses lunettes de visée avec réticule spécial (A, B, I, G et D), vendues précédemment par M. X,

-  que cette exclusivité ne concernait que certains modèles de lunettes qui étaient produits dans les années 1990 et qui n'existent plus depuis,

-  qu'aucun contrat de concession exclusive n'a été transmis lors de la cession de fonds entre la société Vision passions et GMT,

-  que le fait que la société GMT ait été durant une période le seul revendeur en France ne lui conférait pas un droit exclusif de revente des produits Schmidt & Bender en France.

Mais la société GMT fait justement valoir :

-  que par lettre du 10 mai 1994, la société Schmidt & Bender a expressément délégué à la société Vision passions « le droit exclusif » pour la vente de ses lunettes de visée avec réticule spécial (A, B, I, G et D) en France, vendues précédemment par M. E F,

-  que par fax du 19 mai 1994, la société Schmidt & Bender a transmis à M. X un projet de publicité avec, sous la mention « distributeur exclusif », le nom de M. X Y et remplacé par Vision passions,

-  que l'acte notarié du 28 juin 1994 énonce que M. X commercialise diverses lunettes de visée de marque Schmidt & Bender pour la commercialisation desquelles il bénéficie d'un contrat de concession exclusive sur le territoire national français,

-  que sur l'extrait Kbis de la société Vision passions, délivré le 16 février 2005, il est porté la mention modificative du 5 août 1994 : « extension d'activité : concessionnaire exclusif sur le territoire français de lunettes de visée de marque Schmit & Bender »,

-  que par attestation du 25 mars 2021, M. C, qui était gérant et cédant du fonds de commerce de la société Vision passions, certifie :

que la société Vision passions bénéficiait d'une exclusivité de distribution des lunettes de visée Schmidt & Bender, contrat cédé par M. X dans le cadre d'un acte de cession du 15 juin 1994, d'abord sur les lunettes réticule A, B, I et G depuis 1994 et, à partir de juin 2002, sur l'ensemble des lunettes Schmidt & Bender, et que pour confirmer son accord de transfert du contrat à GMT dans le cadre de la cession du fonds de commerce de Vision passions à GMT, la société Schmidt & Bender a renvoyé par fax du 26 mai 2004 son précédent certificat de représentation datant du 26 mai 2002,

-  que par ce document du 26 mai 2002, la société Schmidt & Bender certifiait que la société Vision passions était son représentant officiel en France pour ses produits, sans limitation à un type de lunettes,

-  que l'acte de cession du fonds de commerce entre la société Vision passions et la société GMT, en date du 22 décembre 2004, prévoyait les modalités de paiement du prix sous la condition "que le transfert du contrat de distribution de lunettes de visée de marque Schmidt & Bender, repris au titre du fonds de commerce, soit confirmé au profit du cessionnaire dans les mêmes conditions qu'actuellement en vertu d'une confirmation écrite du fournisseur au moins pour une année",

-  que dans un courriel du 12 septembre 2013 adressé à un client de la société GMT, la société Schmidt & Bender qui avait décidé de restructurer sa distribution en France, écrivait « GMT imports était jusqu'alors notre unique revendeur en France »,

-  que trois armuriers attestent que pour commander des produits Schmidt & Bender, ils ne pouvaient le faire avant 2013 qu'auprès de la société GMT, distributeur exclusif en France.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments probants que la société GMT bénéficiait d'une exclusivité pour la distribution en France des lunettes à visée de la société Schmidt & Bender et que cette dernière y a mis fin en septembre 2013.

Aucune preuve n'est rapportée d'un engagement d'approvisionnement exclusif qui aurait été souscrit par la société GMT.

La société GMT, appelante incidente, impute à la société Schmidt & Bender, d'une part des manquements à ses obligations contractuelles, d'autre part une rupture brutale de la relation commerciale établie.

1) Sur les manquements aux obligations contractuelles invoqués à l'encontre de la société Schmidt & Bender :

La société GMT lui reproche :

-  de lui avoir fait communiquer ses fichiers clients et ses contacts presse sous le faux prétexte d'une campagne publicitaire profitable aux deux parties et, en réalité, pour pouvoir distribuer ses produits directement en France,

-  d'avoir manqué à son devoir de coopération en ne prenant pas en compte les difficultés exprimées par son distributeur face à une augmentation des prix qui entraînait une annulation de commandes de la part de ses clients et en lui imposant des achats de modèles dépassés,

-  de ne pas lui avoir livré les nouveaux modèles de lunettes de visée 1-8x24,

-  d'avoir modifié unilatéralement les conditions de paiement en décembre 2013.

La société Schmidt & Bender conteste l'ensemble de ces griefs en indiquant, pour l'essentiel :

-  qu'elle n'a jamais reconnu avoir demandé à la société GMT la liste complète de ses clients et ses contacts presse en vue de les contacter directement sans l'en informer, qu'elle a obtenu l'adresse des clients en faisant des recherches sur internet, que le but du courriel qu'elle leur a adressé était de faire évoluer le marché français et de le relancer, la société GMT ne se chargeant plus du marché français en attendant les disponibilités du nouveau modèle,

-  concernant les commandes du nouveau modèle 1-8x24, qu'elle a rencontré des problèmes de production, qu'elle a pris acte de l'annulation des commandes par la société GMT, que cette dernière n'avait versé aucun acompte, que lorsque le produit est devenu disponible fin 2013, elle lui a demandé de payer d'avance en raison de ses importants retards de paiement, que par courriel du 30 décembre 2013, la société GMT a souhaité vérifier si les commandes allaient ou non être honorées selon les conditions fixées par le fournisseur,

-  que s'agissant de l'augmentation des prix, il a été précisé au cours des relations entre les parties que l'augmentation pratiquée début 2012 était une erreur qui a ensuite été rectifiée.

Cependant, il est démontré par les pièces versées aux débats, notamment les attestations de clients de la société GMT qu'en septembre 2013, la société Schmidt & Bender les a contactés directement pour leur proposer de leur vendre directement ses lunettes de visée ; que ce faisant, elle a manqué à ses obligations contractuelles en ne respectant pas l'exclusivité accordée à la société GMT.

Les différents courriels produits par la société GMT, dont ceux des 11 avril, 7 mai et 24 juin 2013 montrent que celle-ci n'a eu de cesse de réclamer la livraison des 405 nouveaux modèles commandés au cours de l'année 2010 ; contrairement à ce que prétend la société Schmidt & Bender, la société GMT n'a jamais annulé ces commandes; en effet, par courriel du 5 décembre 2013, la société Schmidt & Bender lui a demandé de pré payer les commandes (324.786 euros) en faisant état d'un encours restant dû de 19.337,09 euros ; que par courriel en réponse du même jour, la société GMT a précisé n'avoir jamais dit qu'elle décidait d'annuler les commandes, mais qu'elle demandait l'application des conditions initiales de paiement et de quantités par mois; dès le 6 janvier 2014, la société GMT a payé la somme de 19.377,09 euros à son fournisseur; en refusant d'honorer les commandes, sans justifier qu'elle se trouvait alors dans l'impossibilité d'y satisfaire, et en modifiant sans raison valable, vu la modestie de l'encours, les conditions de paiement habituellement pratiquées, la société Schmidt & Bender a manqué à ses obligations contractuelles.

La société GMT ne rapporte pas la preuve d'un comportement fautif de la société Schmidt & Bender dans la fixation et l'augmentation de ses prix.

Les fautes retenues à l'encontre de la société Schmidt & Bender ont causé à la société GMT les préjudices suivants :

-  Les propositions commerciales directes à ses clients, plus intéressantes que les siennes, ont eu pour effet de réduire les propres possibilités de vente de la société GMT ; le tribunal a justement évalué ce chef de préjudice à la somme de 15.000 euros sans qu'il y ait lieu de le calculer sur la diminution de sa marge brute entre 2012 et 2013.

-  Sur le préjudice résultant du défaut de livraison des nouveaux modèles de lunettes de visée et la modification unilatérale des conditions de paiement, la société GMT fait valoir qu'elle avait commandé 405 lunettes pour un coût de 347.801,40 euros, qu'elle devait réaliser un taux de marge minimum de 24,63 %, que son préjudice financier s'élève ainsi à 85.663,48 euros et que son préjudice moral et d'image doit être fixé à 20.250 euros, soit 50 euros par unité commandée.

La société Schmidt & Bender se borne à soutenir que n'ayant pu produire les nouveaux modèles avant fin 2013, c'est elle qui a subi un manque à gagner à hauteur du montant commandé.

Le tribunal a justement retenu la somme de 69.377,67 euros, calculée sur une perte de marge de 17,89 %, en indemnisation du préjudice financier ; ayant fait la promotion du nouveau modèle auprès de ses clients et reçu de leur part des commandes qu'elle n'a pu honorer, la société GMT a subi un préjudice d'image qui sera réparé par la somme de 5.000 euros ;

En revanche, la société GMT qui allègue subir un préjudice moral en raison de l'absence de coopération de la part de la société tenant à la non prise en compte de ses difficultés commerciales, à l'augmentation des prix et à la modification unilatérale des conditions de paiement, ne démontre en aucune façon l'existence de ce préjudice ; sa demande en paiement de la somme de 50.000 euros à ce titre sera rejetée.

2) Sur la rupture de la relation commerciale établie :

La société GMT demande la somme de 210.816 euros, à titre de dommages intérêts, pour rupture brutale de la relation commerciale établie aux motifs :

-  que les relations d'affaires ont débuté avec M. X en 1992 et se sont poursuivies pendant plus de 21 ans,

-  que les contrats conclus avec elle n'étaient pas ponctuels, qu'elle était grossiste pour l'ensemble de la France et que la société Schmidt & Bender lui imposait des volumes de commandes,

-  que la société Schmidt & Bender ne lui a jamais adressé de préavis écrit pour annoncer sa volonté de mettre fin au contrat de distribution les liant et à la fin de l'exclusivité,

-  que si dans la lettre du 10 mai 1994, confirmant l'exclusivité, la société écrit que si dans une année la vente de ses lunettes serait « rétrograde de plus de 10 % », elle se réservait le droit de dénoncer la convention, ce document n'a pas valeur contractuelle et que le non-respect d'objectifs ne constitue pas une faute grave permettant d'écarter l'exigence d'un préavis suffisant de rupture,

-  que la perte brutale de l'exclusivité, associée à une concurrence directe par le fabricant, entraînait pour elle de graves difficultés pour se maintenir sur le marché réduit de produits de loisir onéreux destinés aux tireurs et chasseurs, avec une forte saisonnalité des ventes,

-  que le délai de préavis aurait dû être de 21 mois,

-  que son préjudice doit être évalué sur la base de sa perte de marge brute mensuelle de 8.784 euros calculée en moyenne sur les trois derniers exercices complets de 2010, 2011 et 2012.

Pour s'opposer à cette prétention, la société Schmidt & Bender réplique :

-  qu'il n'existait aucun contrat, que la société GMT lui commandait des produits de façon ponctuelle, sans qu'elle lui impose de volumes, et que leurs relations n'avaient pas un caractère suivi, stable et habituel

-  que c'est la société GMT qui ne lui a plus passé de commandes significatives depuis 2013 suite aux difficultés rencontrées dans la production du nouveau modèle de lunettes de visée, et n'a plus passé aucune commande à compter de septembre 2016,

-  que par courriel du 27 juin 2013, elle avait prévenu la société GMT de son souhait de revoir ses canaux de distribution du fait des mauvais résultats en France,

-  que la société GMT ne pourrait prétendre qu'à un préavis correspondant à une ancienneté de 9 ans, la cession du fonds de commerce ne substituant pas de plein droit le cessionnaire au cédant dans les relations commerciales entretenues avec elle,

-  qu'il incombe à la société GMT de démontrer la réalité du préjudice subi, ce qu'elle ne fait pas,

-  que l'indemnité maximale devrait être de 19.207,17 euros sur la base d'une marge moyenne de 17,89 % sur les trois derniers exercices pour 3 mois de préavis ou de 44.816.79 euros pour une durée de 7 mois de préavis,

-  que la cour devrait tenir compte du préavis de 2,5 mois déjà accordé suivant courriel du 27 juin 2013.

Il est établi qu'en septembre 2013, la société Schmidt & Bender a décidé de mettre fin à l'exclusivité dont bénéficiait la société GMT, modifiant ainsi de façon substantielle les conditions de leurs relations, lesquelles présentaient un caractère de stabilité et de continuité; cette rupture n'a été précédée d'aucun préavis écrit, la société Schmid & Bender s'étant bornée, dans son courriel du 27 juin 2013, à informer la société GMT de sa volonté de modifier sa distribution sur le territoire français, sans fixer aucune date pour sa mise en œuvre; à supposer même que la société GMT n'ait pas rempli les objectifs de vente qui auraient été prévus, elle n'a pas pour autant commis une faute suffisamment grave pour justifier une rupture sans préavis .

Les relations entre les parties sont certes anciennes ; cependant l'expert-comptable de la société GMT atteste que sa cliente ne réalisait avec la société Schmidt & Bender que 5,02 % de son chiffre d'affaires total en 2010, 6,22 % en 2011 et 4,8 % en 2012.

Au regard de l'ensemble de ces éléments et du temps nécessaire pour permettre à la société GMT de restructurer son activité, le préavis aurait dû être de 7 mois, et non de 12 mois comme retenu par le tribunal.

Sur la base d'une marge moyenne annuelle de 76.888 euros sur les années 2010 à 2012, soit 6.407,33 euros par mois, le préjudice subi par la société GMT sera fixé à la somme de 44.851,31 euros, arrondie à 44.852 euros.

3) Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

La société Schmidt & Bender, qui succombe, doit supporter les dépens de première instance et d’appel.

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il y a lieu d'allouer à la société GMT en cause d'appel la somme de 8.000 € et de rejeter la demande de la société Schmidt & Bender de ce chef.

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement seulement en ce qu'il a condamné la société Schmidt & Bender à payer à la société GMT outdoor la somme de 87.292 euros, à titre de dommages intérêts, pour rupture brutale de la relation commerciale établie,

Statuant à nouveau, condamne la société Schmidt & Bender à payer à la société GMT outdoor :

-  la somme de 44.852 euros, à titre de dommages intérêts, pour rupture brutale de la relation commerciale établie,

-  la somme de 5.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

Confirme le jugement en toutes ses autres dispositions,

Y ajoutant, condamne la société Schmidt & Bender à payer à la société GMT outdoor la somme de 5.000 euros, à titre de dommages intérêts, pour préjudice moral résultant du défaut de livraison,

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,

Condamne la société Schmidt & Bender aux dépens de première instance et d'appel.