Cass. 1re civ., 29 septembre 2021, n° 20-18.954
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Waters (SAS)
Défendeur :
Sodmilab (Sté), Selarl Fides (ès qual.), Karsman (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Auroy
Rapporteur :
M. Hascher
Avocats :
SCP Alain Bénabent, SCP Piwnica et Molinié
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 juin 2020), courant 2010, la société française Waters a formalisé les relations contractuelles qu'elle entretenait depuis 1997 avec la société algérienne Sodmilab pour la distribution de ses produits en Algérie, sans que le contrat ne mentionne un choix de loi.
2. A la suite de la résiliation du contrat par la société Waters, la société Sodmilab l'a assignée en paiement de dommages-intérêts en réparation de son préjudice.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La société Waters fait grief à l'arrêt de dire la loi française applicable, alors :
« 1°) que lorsque les parties à un contrat d'intermédiaire, tel qu'un contrat d'agent commercial, choisissent la loi applicable à leurs rapports, ce choix doit être exprès ou résulter avec une certitude raisonnable des dispositions du contrat et des circonstances de la cause ; qu'à défaut de choix explicite ou certain, la loi applicable est la loi interne de l'Etat dans lequel, au moment de la formation du rapport de représentation, l'intermédiaire a son établissement professionnel ou, à défaut, sa résidence habituelle ; qu'en l'espèce, pour dire qu'il résultait « avec une certitude raisonnable des dispositions du contrat et des circonstances de la cause que les parties ont entendu soumettre leurs relations contractuelles à la loi française », la cour d'appel a relevé l'existence d'une clause attributive de compétence au profit des juridictions françaises, l'usage du français dans le contrat, le lieu de signature du contrat, de la prétendue provenance des produits commercialisés en Algérie et du règlement des commissions en France, le libellé des prix en francs, ainsi que le renvoi, dans les conditions générales des ventes réalisées par l'intermédiaire de la société Sodmilab en Algérie pour le compte de la société Waters, au droit français ; qu'en se fondant sur de tels éléments, impropres à caractériser la volonté certaine des parties de soumettre leur contrat à la loi française, la cour d'appel a violé l'article 5 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux contrats d'intermédiaires et à la représentation par fausse application, et l'article 6 du même texte par refus d'application ;
2°) que lorsque les parties à un contrat de distribution choisissent la loi applicable à leurs rapports, ce choix, s'il peut porter sur la totalité ou sur une partie seulement de ces rapports, doit être exprès ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause ; qu'à défaut de choix explicite ou certain, le contrat de distribution est régi par la loi du pays dans lequel le distributeur a sa résidence habituelle ; qu'en l'espèce, pour juger que le choix par les parties de soumettre leurs relations à la loi française résultait « de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause », la cour d'appel s'est, d'une part, fondée sur « les conditions générales de vente de la société Waters reproduites au verso des factures prévo[yant] que « les ventes conclues par Waters sont régies par la loi française » et s'est, d'autre part, appuyée sur « les circonstances évoquées plus haut » s'agissant de la détermination de la loi applicable à la relation contractuelle susceptible d'être qualifiée de contrat d'agent commercial ; qu'en se fondant sur de tels éléments, impropres à caractériser la volonté certaine des parties de soumettre leur contrat à la loi française, la cour d'appel a violé l'article 3, § 1, du Règlement n° 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles par fausse application, et l'article 4, § 1, f) du même texte, par refus d'application. »
Réponse de la Cour
4. L'article 5 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux contrats intermédiaires et à la représentation dispose :
« La loi interne choisie par les parties régit le rapport de représentation entre le représenté et l'intermédiaire.
Le choix de cette loi doit être exprès ou résulter avec une certitude raisonnable des dispositions du contrat et des circonstances de la cause. »
5. L'article 3, § 1, du règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, dit Rome I, dispose :
« Le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Le choix est exprès ou résulte de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat. »
6. S'agissant de la relation entre les parties susceptible d'être qualifiée de contrat d'agent commercial, l'arrêt relève, au titre des dispositions contractuelles, la présence d'une clause attributive de compétence à une juridiction française, et, au titre des circonstances de la cause, le choix de la loi française dans les conditions générales de l'intermédiaire, la société Sodmilab, pour les relations avec les tiers, ainsi que le fait que la France soit le pays de conclusion du contrat, de provenance des produits et de paiement des commissions et de validation par la société Waters des devis, enfin, la monnaie de paiement française dans les accords antérieurs des parties. S'agissant de la relation entre les parties susceptible d'être qualifiée de contrat de distribution, l'arrêt constate que les conditions générales de vente de la société Waters reproduites au verso des factures prévoient l'application de la loi française, ainsi que les circonstances précitées.
7. De ces énonciations et constatations, la cour d'appel, appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, a pu déduire, avec une certitude raisonnable, la volonté des parties de choisir la loi française pour leurs relations d'agence et leur intention certaine de soumettre à cette loi leurs relations afférentes à la distribution des produits en Algérie.
8. Elle a, dès lors, justement écarté l'article 6 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux contrats d'intermédiaires et à la représentation et l'article 4 du règlement CE n° 593/2008 qui permettent de déterminer la loi applicable, à défaut de choix d'une loi par les parties.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.