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Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. civ., 27 septembre 2021, n° 20/05225

BORDEAUX

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Expansion (SAS), Matrix (SAS)

Défendeur :

Compagnie D'assurance Allianz Iard (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Potée

Conseillers :

M. Braud, M. Vallée

TGI Angoulême, du 14 avr. 2016

14 avril 2016

Pour les besoins de son activité de négoce et de stockage réglementé d'alcool, la société Matrix a successivement acheté à la société Alliance Inox,

- le 10 juin 2003, six cuves d'acier inoxydable cylindriques verticales de 1 273 hectolitres (portant les références CI numéros 17, 18, 19, 20, 21 et 22) qui ont d'abord été installées sur le site de la Péruge à Chérac, où elles ont obtenu un certificat de jaugeage, avant d'être transportées en janvier 2011 de la Péruge au site de Pisseloup à Jarnac-Champagne,

- le 5 février 2004, dix cuves d'acier inoxydable de 1 273 hectolitres (références CI 35 à 38 et CI 53 à 58) qui ont été d'abord stockées en position horizontale à Merpins avant d'être transportées et installées également à Pisseloup.

En décembre 2007, la société Matrix a vendu toutes ces cuves à la société de financement Natixis qui les a elle-même données en crédit-bail à la société Expansion pour une durée de 48 mois selon contrat en date du 20 décembre 2007 prenant effet à compter du 25 décembre 2007. La société Expansion a sous-loué les cuves à la société Matrix. À l'expiration du crédit-bail, la société Expansion est devenue propriétaire des cuves et la société Matrix a continué à les exploiter.

À la suite d'un contrôle métrologique et d'un constat de non-conformité aux normes de construction des dix dernières cuves achetées le 5 février 2004, les sociétés Matrix et Expansion ont obtenu par ordonnance de référé du 22 juillet 2009 la désignation d'un expert, et la mesure d'instruction a été réalisée au contradictoire :

- de la société Alliance Inox, fabricant des cuves, placée en liquidation judiciaire et représentée par son mandataire liquidateur, la société M.-P.,

- de la compagnie A. G. F., assureur de la société Alliance Inox.

Bertrand L., expert désigné, a déposé son rapport en l'état le 22 mars 2010 en concluant à la non-conformité de ces cuves par défaut de rigidité imputable à une faiblesse des soudures entre les viroles.

Il a été remédié à ces désordres par un cerclage des dix cuves exécuté conformément aux préconisations de l'expert, sur autorisation donnée par le juge des référés suivant ordonnance en date du 16 septembre 2009.

Par jugement en date du 18 novembre 2010, devenu définitif, le tribunal de grande instance d'Angoulême a déclaré la société Alliance Inox responsable des désordres observés sur les cuves et a condamné son assureur la compagnie A. G. F. à payer à la société Matrix la somme de 329 593 euros et à la société Expansion la somme de 233 684 euros en réparation de leurs préjudices respectifs.

Les sociétés Matrix et Expansion ont de nouveau saisi le juge des référés du tribunal de grande instance d'Angoulême, par acte du 27 avril 2011, en faisant état des éléments suivants :

- les six cuves objet de la première facture du 10 juin 2003 portant les références CI 17 à CI 22, initialement installées à la Péruge, puis transférées sur le site de Pisseloup à Jarnac en janvier 2011, ont fait l'objet d'un contrôle métrologique en février 2011, qui a conclu à l'impossibilité de les maintenir en exploitation comme récipients-mesures, et à la nécessité de les réparer pour garantir leur stabilité,

- par ailleurs, une attestation de non-conformité a été établie le 24 mars 2011 mentionnant que le cerclage exécuté sur le réservoir CI 55 n'avait pas permis de le stabiliser,

- plusieurs cuves (CI 54, 55, 56 et 58) présentent des enfoncements en partie cylindrique (virole).

Le juge des référés a désigné Jacques P. en qualité d'expert le 29 juin 2011.

À la suite du refus opposé par les sociétés Matrix et Expansion au versement d'un complément de consignation, l'expert judiciaire a été invité à déposer son rapport en l'état.

Par acte en date du 4 mai 2015, les sociétés Matrix et Expansion ont saisi le tribunal de grande instance d'Angoulême en indemnisation de leurs préjudices à la suite des dommages affectant les cuves, en exerçant l'action directe contre la compagnie d'assurances Allianz venant aux droits de la compagnie A. G. F., assureur du fabricant Alliance Inox, dont la procédure de liquidation était clôturée depuis le 9 octobre 2009.

Par jugement en date du 21 janvier 2016, le tribunal de grande instance d'Angoulême a débouté les sociétés Matrix et Expansion de l'ensemble de leurs demandes et les a condamnées au paiement d'une indemnité de 3 000 euros pour frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens incluant les frais de la procédure de référé et d'expertise.

Le tribunal a estimé que la responsabilité de la société Alliance Inox n'était pas établie, compte tenu de l'historique de l'apparition des désordres, et des observations faites par l'expert judiciaire P. dans ses notes, dont il semble ressortir que les enfoncements et non-conformité trouvent leur origine dans les efforts mécaniques de flexion exercés sur les cuves à l'occasion de leur déménagement et de leur réimplantation sur le site de Pisseloup, voire dans les travaux de réparation à la suite de la première mesure d'expertise et non dans une inadaptation des soupapes fournies par la société Alliance Inox, ni dans un défaut des soudures.

Par déclaration reçue le 14 avril 2016, les sociétés Matrix et Expansion ont relevé appel de ce jugement en sollicitant à titre principal une nouvelle mesure d'expertise, et subsidiairement l'indemnisation de leurs préjudices.

Par arrêt avant dire droit en date du 24 septembre 2018, la cour d'appel de Bordeaux a ordonné une expertise confiée à Philippe L., et a sursis à statuer sur le surplus des demandes.

L'expert a clos son rapport le 28 août 2019.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 4 juin 2021, la société par actions simplifiée Expansion et la société Matrix demandent à la cour de :

Vu le rapport d'expertise de Philippe L., vu les articles 1641, 1645 et suivants du code civil

1/ Consater que les sociétés Matrix et Expansion disposent d'un droit à agir à l'encontre de la société Allianz Assurances ;

2/ Réformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Angoulême le 21 janvier 2016 dans l'ensemble de ses dispositions ;

3/ Statuant à nouveau :

- Condamner la société Allianz Assurances en sa qualité d'assureur de la société Alliance Inox dont la liquidation judiciaire a été clôturée, à verser à la société Expansion les sommes suivantes :

- 927 014,75 euros au titre du préjudice matériel à laquelle il faudra rajouter la taxe sur la valeur ajoutée applicable ;

- 86 409,75 euros hors taxe au titre des préjudices d'exploitation, somme à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir et à laquelle il faudra rajouter la taxe sur la valeur ajoutée applicable ;

Soit la somme totale de 1 013 424,50 euros hors taxe à laquelle il faudra rajouter la taxe sur la valeur ajoutée applicable ;

- Subsidiairement, si par extraordinaire la cour d'appel ne faisait pas droit à la demande d'indemnisation relative au préjudice matériel (coût de remplacement des cuves et leur dépose), elle condamnera la société Allianz Assurances en sa qualité d'assureur de la société Alliance Inox à verser à la société Expansion les sommes suivantes au titre des dommages immatériels subis :

- 500 000 euros hors taxe à laquelle il faudra rajouter la taxe sur la valeur ajoutée applicable au titre de son préjudice financier ;

- 86 409, 75 euros hors taxe au titre des préjudices d'exploitation, somme à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir et à laquelle il faudra ajouter la taxe sur la valeur ajoutée applicable ;

Soit la somme totale de 586 409, 75 euros hors taxe à laquelle il faudra rajouter la taxe sur la valeur ajoutée applicable ;

- Débouter la société Allianz I. A. R. D. de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions comme non fondées ;

4/ Y ajoutant :

- Condamner la société Allianz Assurances en sa qualité d'assureur de la société Alliance Inox à verser à la société Expansion, la somme de 20 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens comprenant les frais exposés par les experts L., R. et P. (honoraires, frais d'expertise et frais d'huissier).

Les appelantes font valoir pour l'essentiel que :

- les cuves litigieuses sont toutes affectées d'un vice caché dont la nature et l'ampleur ont été révélées par l'expertise judiciaire réalisée par Philippe L., de sorte que l'action en garantie n'est pas prescrite ;

- la société Alliance Inox est responsable des préjudices subis par les concluantes sur le fondement de l'article 1645 du code civil ;

- l'autorité de la chose jugée le 18 novembre 2010 par le tribunal de grande instance d'Angoulême ne peut leur être opposée, faute d'identité de cause et de chose demandée ;

- la société Expansion a subi un préjudice matériel s'élevant à 927 014,75 euros hors taxe, dont il conviendra de déduire la valeur de reprise des cuves ;

- elle invoque à titre subsidiaire un préjudice financier de 500 000 euros hors taxe, lié au fait que les cuves sont invendables et irréparables ;

- elle a également subi un préjudice de perte d'exploitation évalué à 86 409,75 euros hors taxe ;

- la société Allianz doit sa garantie au titre de la police d'assurance de la responsabilité civile des entreprises industrielles et commerciales, souscrite le 27 novembre 2000 par la société Alliance Inox et résiliée le 28 décembre 2004 ;

- sont illicites les clauses du contrat d'assurance excluant de la garantie les dommages dont la survenance est postérieure à la date de résiliation, ou limitant les garanties aux sinistres déclarés avant la date de résiliation ;

- l'exclusion de garantie stipulée à l'article 13.11.13 des conditions générales, relative aux fournitures et prestations de l'assuré, n'est ni formelle, ni limitée, et doit être écartée en vertu de l'article L. 113-1 du code des assurances ; au surplus, les clauses des conditions particulières prévoyant la garantie pour l'ensemble des dommages matériels prévalent sur les conditions générales contraires ;

- le plafond de garantie de 10 000 000 francs s'entend par année d'assurance et par sinistre, et n'est pas atteint.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 4 juin 2021, la compagnie Allianz I. A. R. D. venant aux droits de la compagnie A. G. F. demande à la cour de :

Vu l'article 122 du code de procédure civile,

Vu les articles 1641 à 1648 du code civil,

À titre principal,

Dire et juger les sociétés Matrix et Expansion irrecevables en leur action en garantie des vices cachés du fait de la prescription, à tout le moins pour le second lot de cuves, et du fait de l'autorité de la chose jugée ;

Dire et juger que les sociétés Matrix et Expansion doivent être déboutées de leur demandes, fins et prétentions, du fait de leur absence de droit d'agir à l'encontre de la compagnie Allianz, en raison de la résiliation du contrat d'assurance sur lequel elles se fondent pour exercer leur action directe ;

Subsidiairement, si la cour devait considérer que les garanties du contrat peuvent être mobilisées :

Dire et juger que le rapport d'expertise de Philippe L. conclut à un partage de responsabilité, de sorte que la société Alliance Inox ne peut être déclarée responsable que pour un tiers des conséquences dommageables ;

Dire et juger que les préjudices revendiqués strictement imputables au vice affectant les cuves doivent être évalués de la sorte :

Préjudice matériel : 599 640 euros hors taxe avant application de la répartition du 1/3, soit 199 880 euros hors taxe ;

Dire et juger que les autres préjudices revendiqués ne sont pas en lien avec le vice relevé ou qu'ils sont non justifiés ;

En conséquence,

Débouter les appelantes du surplus de leur demandes indemnitaires ;

Subsidiairement,

Si la cour devait retenir la demande indemnitaire de la société Expansion formulée au titre de la perte d'exploitation de la cuve CI 55, bien que non justifiée (77 016 euros hors taxe), il sera fait application de la répartition du 1/3, soit 25 672 euros hors taxe imputable au vice affectant les cuves ;

En toute hypothèse :

Dire et juger que la garantie de la compagnie Allianz ne couvre pas le coût des cuves elles-mêmes ou leur remplacement, exclu comme représentant la fourniture de l'assuré ;

En conséquence,

Débouter les sociétés Matrix et Expansion de leur demande de garantie de la compagnie Allianz au titre des préjudices matériels revendiqués ;

Dire et juger que les plafonds de garanties prévus au contrat s'appliquent pour les dommages immatériels non consécutifs, constitués des préjudices d'exploitation revendiqués ;

Dire et juger que le défaut des cuves relevé en 2010 est le même que celui objet de la présente procédure ;

En conséquence,

Dire et juger que les indemnisations susceptibles d'être mises à la charge de la compagnie Allianz ne pourront intervenir que sous réserves du plafond contractuel et du solde disponible après déduction des sommes antérieurement payées en exécution du jugement du 19 novembre 2010, à savoir de la somme de 329 593,83 euros payée à la société Matrix et celle de 233 684,87 euros payée à la société Expansion ;

Dire et juger que les éventuelles indemnisations en faveur de la société Expansion qui pourraient être mises à la charge de la compagnie Allianz ne peuvent se faire que hors taxe, sans application de taxe sur la valeur ajoutée ;

Débouter les sociétés Matrix et Expansion de leur demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Réduire les dépens sollicités en application des parts de responsabilité imputables à chaque partie.

L'intimée fait valoir pour l'essentiel que :

- l'action en garantie des vices cachés est prescrite pour les cuves du second lot dont les défauts de soudure ont été révélés le 22 mars 2010 par l'expertise de Bertrand L. ;

- l'action portant sur lesdites cuves est encore irrecevable pour se heurter à l'autorité de la chose jugée, la compagnie Allianz ayant déjà été condamnée à en réparer les vices par jugement en date du 18 novembre 2010 ;

- le contrat d'assurance ayant été résilié le 27 octobre 2004, et le dommage étant postérieur, les garanties ne sont pas mobilisables en application de l'article 13.31 des conditions générales ;

- l'expert L. retient une responsabilité partagée entre les sociétés Alliance Inox, M., et Matrix, de sorte que la société Allianz ne saurait indemniser qu'un tiers du préjudice ;

- les coûts de remplacement des cuves sont exclus de la garantie par application de l'article 13.11.13 des conditions générales ;

- l'indemnisation des dommages immatériels non consécutifs est soumise à une franchise de 2 286 euros et à un plafond de 500 000 francs, soit 76 224,51 euros ; il convient de tenir compte des sommes versées en exécution du jugement du 18 novembre 2010 parce qu'il s'agit d'un seul et même sinistre.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 juin 2021 et l'audience fixée au 21 juin 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de la demande :

1) Sur la prescription de l'action en garantie des vices cachés :

Aux termes de l'article 1648, alinéa premier, du code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur, dans un bref délai, suivant la nature des vices rédhibitoires, et l'usage du lieu où la vente a été faite.

En l'espèce, les sociétés Matrix et Expansion soutiennent que l'ensemble des cuves présentent des défauts de soudage conduisant à une absence de conformité aux normes de soudage en vigueur à la date de construction des cuves et ayant un impact sur les caractéristiques mécaniques des cordons de soudure orbitale, sur les risques de développement bactérien pouvant affecter les produits stockés, et sur l'efficacité des opérations de nettoyage des cuves après utilisation.

La compagnie Allianz oppose que l'expert judiciaire L., dans son rapport déposé le 22 mars 2010, concluait déjà que le défaut de rigidité des dix cuves du second lot (CI 35 à 38 et CI 53 à 58) était lié à une faiblesse des soudures entre les viroles. Il considérait toutefois que les cuves étaient réparables, préconisant leur cerclage, ce qui fut fait.

Ces réparations se sont néanmoins révélées insuffisantes, puisque l'expert judiciaire L. a conclu le 28 août 2019, d'une part, que les défauts de soudage affectent sur l'ensemble des cuves la rigidité des assemblages des viroles et la résistance mécanique ; d'autre part, que le défaut de rochage partiel par manque d'inertage constaté sur l'ensemble des cuves ne répond pas aux critères de qualité pour le stockage de vin, et peut être la source de problèmes bactériologiques.

Son rapport précise que les défauts de soudage affectant les cuves intérieurement n'étaient pas visibles sans une inspection approfondie de l'intérieur de la cuve. La vision des assemblages par la porte basse, même avec une entrée de lumière par la trappe de toiture, ne permettait pas à un novice de suspecter la défaillance des joints de soudage.

Dans ces circonstances, la découverte du vice par la société Expansion résulte des conclusions du rapport d'expertise déposé le 28 août 2019, de sorte que les appelantes ne sont pas prescrites en leur action.

2) Sur l'autorité de la chose jugée :

Aux termes de l'article 480, alinéa premier, du code de procédure civile, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal a dès son prononcé l'autorité de chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche.

Aux termes de l'article 1351 ancien du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

Par jugement définitif du 18 novembre 2010, le tribunal de grande instance d'Angoulême a condamné, sur le fondement des articles 1134 et 1147 anciens du code civil, l'assureur de la société Alliance Inox à régler aux sociétés Matrix et Expansion la somme totale de 563 278,70 euros en indemnisation de l'absence de perception de loyers et en remboursement des frais de cerclage des dix cuves du second lot.

La présente demande se fonde sur la garantie légale des vices cachés ; elle est relative aux seize cuves acquises par la société Expansion, et aux désordres constatés après la décision du 18 novembre 2010. La chose demandée n'est pas la même, et la demande n'est pas fondée sur la même cause, si bien que les appelantes sont recevables en leur action.

Sur la garantie des vices cachés :

1) Sur l'existence d'un vice caché :

Aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Il ressort du rapport d'expertise du 28 août 2019 que les deux lots de cuves fabriquées par la société Alliance Inox n'auraient pas dû sortir des ateliers. Le niveau de finition et de qualité des soudures n'est pas conforme aux règles de l'art et à la norme de soudage en vigueur.

L'entreprise n'a pas exercé sur les deux lots de contrôles internes de qualité en cours de fabrication, ni de contrôle final avant expédition.

Les défauts de soudage, par manque de pénétration et de précision d'accostage, affectent, sur l'ensemble des cuves, la rigidité des assemblages des viroles et la résistance mécanique, et sont à l'origine et facteurs aggravants des efforts transmis au transport, au stockage et en fonctionnement, ou de fatigue subis depuis le chargement à ce jour.

Le défaut de rochage partiel par manque d'inertage constaté sur l'ensemble des cuves n'est pas conforme à la norme de soudage en vigueur. Les cuves ne répondent pas aux critères de qualité pour la conservation de vin qui faisait l'objet de la demande d'approbation auprès de la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement : « Soudures entièrement réalisées sous atmosphère de gaz neutre », « Qualité intérieure de laminage à froid ZB décapé et passivé ». Ce manque de respect de finition peut être la source de problèmes bactériologiques.

L'état actuel des cuves ne permet aucune revente possible sur le marché de l'occasion.

Les faibles épaisseurs des composants de la cuve ne permettent le stockage que de produits de densité similaire à l'eau ou aux alcools (1,1). Les défauts de soudage (rochage, manque de pénétration) ne permettent pas le stockage de produits alimentaires sans risque de pollutions micro-bactériennes.

Les affaiblissements des caractéristiques mécaniques par manque de pénétration à la racine, les dépassements des limites élastiques au niveau des déformations pourraient être à l'origine d'éventration des cuves au droit des soudures orbitales.

Il est ainsi établi que les seize cuves vendues étaient affectées de défauts cachés qui les rendent impropres à l'usage auquel on les destine.

2) Sur l'indemnisation de la société Expansion :

Aux termes de l'article 1645 du code civil, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.

En sa qualité de vendeur professionnel, la société Alliance Inox était tenue de connaître les vices de la chose vendue.

La compagnie Allianz I. A. R. D. soutient sans être contredite que l'appelante a, en qualité de société, la possibilité de récupérer la taxe sur la valeur ajoutée. Conformément à l'article 1231-2 du code civil, les indemnités revenant à cette dernière seront fixées hors taxe.

a) Sur les préjudices matériels :

Cerclage des cuves CI 17 à 22 : 55 221 euros.

L'expert estime justifiés ces travaux qui ont renforcé la zone de la virole affectée par des efforts de reprise de charge importants, et qui ont sans doute évité des éventrements des cuves à cause du manque de pénétration et de la diminution des caractéristiques mécaniques.

Ces travaux n'ont pas été indemnisés par le jugement du tribunal de grande instance d'Angoulême du 18 novembre 2010 qui ne portait que sur les cuves CI 35 à 38 et CI 53 à 58.

Dépose des cuves, démontage des accessoires, destruction des cuves : 98 720 euros, suivant le tableau récapitulatif des coûts à engager dressé par l'expert judiciaire L..

De ce montant doit être déduite la valeur de rachat des aciers inoxydables. Cette valeur ne sera exactement connue que le jour de l'enlèvement de la matière selon le poids réel (pesage sur pont-bascule) et le cours au jour de rachat de l'acier inoxydable 316 L. L'évaluation du dommage doit néanmoins être faite par le juge au moment où il rend sa décision.

Au vu de l'estimation de la valeur de rachat des cuves recueillie par l'expert judiciaire, l'indemnisation de ce chef de préjudice matériel sera fixée à :

98 720 ' - 78 760 ' = 19 960 euros.

- Fourniture de seize cuves neuves : 702 240 euros, suivant le tableau récapitulatif des coûts à engager dressé par l'expert judiciaire L..

- Récupération de huit soupapes Protego existantes : 23 840 euros.

L'expert a constaté que l'ensemble des soupapes avait été démonté et que certaines des cuves avaient été équipées de soupapes Protego de capacités supérieures aux soupapes d'origine. Les sociétés Expansion et Matrix expliquent qu'elles les ont achetées pour remplacer les soupapes défectueuses et non conformes livrées par la société Alliance Inox avec les cuves. Le remplacement desdites soupapes n'est donc pas la conséquence du vice caché affectant les soudures des viroles. Il n'ouvre pas droit à indemnisation au titre de la garantie des vices cachés.

En revanche, l'expert judiciaire retient la valeur de ce matériel récupéré pour le déduire de la commande de cuves neuves.

- Jaugeage des seize cuves neuves : 13 800 euros, suivant le tableau récapitulatif des coûts à engager dressé par l'expert judiciaire L..

Si les certificats de jaugeage sont accordés pour une durée limitée, la réalisation d'un jaugeage primitif est rendue nécessaire par l'installation de cuves neuves. Son coût constitue un préjudice en lien direct et immédiat avec le vice caché qui affecte les cuves litigieuses.

Transport du volume de liquide vers des sites de stockage provisoire pendant la durée des travaux : 23 800 euros (pièce no 163 des appelantes). Le coût du transport ne dépend pas de la durée des travaux et doit donc être intégralement indemnisé.

Location d'une cuverie pendant le remplacement des seize cuves : la société Expansion demande une somme de 9 393,75 euros.

Cette somme correspond, selon l'expert, à une durée de trente jours.

L'homme de l'art envisageant, outre le remplacement des cuves, la reprise du dallage qui les supporte, il estime la durée de tels travaux à 45 jours calendaires comprenant 21 jours pour le temps de séchage du béton.

Il s'ensuit que la location d'une cuverie strictement liée à la réparation du vice affectant les cuves court sur 24 jours. L'indemnisation de ce chef de préjudice sera fixée en conséquence à :

9 393,75 euros × (24 j/30 j) = 7 515 euros.

Le préjudice matériel de la société Expansion s'élève en tout à :

55 221 euros + 19 960 euros + 702 240 euros - 23 840 euros + 13 800 euros + 23 800 euros + 7 515 euros = 798 696 euros.

b) Sur les préjudices immatériels :

Perte d'exploitation de la cuve CI 55 : sur la base d'un bail en cours (pièce no 162 des appelantes), la société Expansion demande une somme de 77 016 euros hors taxe correspondant à la période du 18 novembre 2010, date du jugement du tribunal de grande instance d'Angoulême, au 24 décembre 2020, soit 3 689 jours, à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir. L'indemnité sera fixée au jour du présent arrêt à :

77 016 euros × (3 966 j/3 689 j) = 82 798,99 euros.

Perte d'exploitation des quinze autres cuves pendant la période de dépose et de mise en place des cuves neuves : la société Expansion demande une somme de 9 393,75 euros. Comme pour le poste de la location d'une cuverie pendant la même période, l'indemnité sera ramenée à 7 515 euros.

Préjudice financier : si elle n'était pas indemnisée de son préjudice matériel, la société Expansion demande à titre subsidiaire une somme de 500 000 euros hors taxe correspondant à la dépréciation des cuves sur le marché de l'occasion.

La compagnie Allianz I. A. R. D. est fondée à lui opposer que, quel que soit le nom donné, il n'existe aucun préjudice à ce titre, distinct du préjudice matériel précédemment liquidé.

Le préjudice immatériel de la société Expansion s'élève en conséquence à :

82 798,99 euros + 7 515 euros = 90 313,99 euros.

c) Sur le partage de responsabilité :

Il ressort du rapport d'expertise du 28 août 2019 que les deux lots de cuves fabriquées par la société Alliance Inox n'auraient pas dû sortir des ateliers. Le niveau de finition et de qualité des soudures n'est pas conforme aux règles de l'art et à la norme de soudage en vigueur.

L'entreprise n'a pas exercé de contrôles internes qualité en cours de fabrication ni de contrôle final avant expédition sur les deux lots.

Les défauts de soudage, par manque de pénétration et de précision d'accostage, affectent sur l'ensemble des cuves, la rigidité des assemblages des viroles et la résistance mécanique et sont à l'origine et facteurs aggravants des efforts transmis au transport, au stockage et en fonctionnement ou de fatigue subis depuis le chargement à ce jour.

Le défaut de rochage partiel par manque d'inertage constaté sur l'ensemble des cuves est non conforme à la norme de soudage en vigueur. Ils ne répondent pas aux critères de qualité pour le stockage de vin qui faisait l'objet de la demande d'approbation auprès de la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement : « soudures entièrement réalisées sous atmosphère de gaz neutre », « qualité intérieure de laminage à froid ZB décapé et passivé ». Ce manque de respect de finition peut être la source de problèmes bactériologiques.

L'expert judiciaire conclut que l'entreprise Alliance Inox est responsable à 100 % des désordres affectant la non-conformité des soudures et du manque de résistance mécanique des assemblages par soudure.

Il ajoute que les déformations visualisées ont plusieurs causes et origines :

' Causées par un mauvais choix de stockage des dix cuves CI35 à CI 38 et CI53 à CI 58 sur le site de Merpins. La conception des cuves ne permet pas un stockage à l'horizontal. Le marché passé entre la société Matrix et la société Alliance Inox comprenait bien les prestations de transport et de mise en place en extérieur. La prestation fut facturée par la société Alliance Inox. La société Alliance Inox est bien donneur d'ordre de l'opération de la livraison des cuves.

Les charges de précipitations neigeuses relevées sur les archives météorologiques ont accentué l'ovalisation au niveau des assemblages soudés défectueux.

Ces ovalisations sont sources de déplacement des charges au remplissage des cuves.

Causées par un défaut de calage au transport, certaines déformations sont permanentes en raison des dépassements de la limite élastique et n'ont pas été possible à redresser lors de la réparation prise en charge par la société M..

Causées par les effets d'aspiration des tôles à la dépression. Phénomène ayant pour origine :

. Le choix technique du constructeur concernant le diamètre d'entrée d'air des soupapes ne permettant pas l'équilibre du débit de soutirage et de l'entrée d'air. La pose de coudes successifs à 90° occasionnant une perte de charge réduit également le débit, même si la capacité d'ouverture des soupapes est atteinte.

. Défaut de tarage d'une soupape.

. Le défaut d'exploitation (vitesse de dépotage, débordement de liquide sur une soupape)

. La dépose des soupapes ne permettant plus la protection des cuves en fonctionnement.

Le manque de conseils et de préconisations du constructeur sur les mesures de sécurité à prendre par l'ouverture des trappes en partie haute lors des remplissages ou des soutirages n'a pu être démontré. L'expert a pu seulement constater dans les pièces du dossier que les étiquettes d'instruction n'étaient pas présentes dans les premiers temps d'utilisation.

L'expert considère une responsabilité partagée à hauteur de 50 % sur le coût de remplacement des soupapes de sécurité.

La non-conformité de jaugeage est principalement liée à l'instabilité des cuves au remplissage en raison des déplacements de charge liés aux ovalisations des cuves, de l'incompatibilité de la forme des pieds et les fonds de plateformes comportant des dénivelés. Ces points ont été relevés le 13 avril 2011 par la société Astech.

Le manque de conseils et de préconisations du constructeur sur les fonds de forme à mettre en œuvre n'a pu être démontré, le document contractuel de proposition commerciale de la société Alliance Inox n'a pas été retrouvé dans les archives du dossier.

Le marché passé entre la société Matrix et la société Alliance Inox prévoyait le transport et la mise en place des cuves en extérieur. La défaillance de la société Alliance Inox a conduit l'entreprise Matrix à faire appel à l'entreprise M..

L'entreprise de levage Établissements M. n'a pas réalisé de contrôle des niveaux des plateformes, ni émis de réserves quant à un risque de non-verticalité des cuves.

Les cuves sont restées en place et les plateformes n'ont pas été reprises à la suite du rapport Astech du 13 avril 2011.

L'expert considère que la réfection des plateformes est de la responsabilité des sociétés Matrix et Expansion ayant connaissance du problème de défaut de planimétrie.

Concernant les coûts de jaugeage, il considère que le manque de rigidité des assemblages de soudage à l'origine entre en jeu dans les déplacements de charges (démontré lors du contrôle par la société Apave) ; que l'entreprise M. a une part de responsabilité dans le défaut d'installation des cuves n'ayant pas réalisé de relevé planimétrique, de contrôle de verticalité et n'ayant émis aucune réserve ; que l'entreprise Matrix aurait dû faire réaliser la dépose des cuves ainsi que la réfection de l'ensemble des plateformes.

L'expert considère une responsabilité partagée entre ces trois entreprises.

En définitive, l'expert judiciaire retient une responsabilité partagée entre la société Alliance Inox, l'entreprise M. et la société Matrix du fait de la non-conformité de jaugeage. Il retient une responsabilité partagée par moitié entre la société Alliance Inox et la société Matrix du fait du remplacement des soupapes de sécurité. Mais il confirme l'entière responsabilité de la société Alliance Inox du fait des désordres affectant la non-conformité des soudures et du manque de résistance mécanique des assemblages par soudure. Or, les préjudices dont l'indemnisation est due à la société Expansion au titre de la garantie des vices cachés découlent tous de ces désordres. La compagnie Allianz I. A. R. D. n'est donc pas fondée à opposer un partage de responsabilité pour prétendre limiter à concurrence d'un tiers la garantie due par son assurée au titre des vices cachés.

Sur la garantie de l'assureur :

Aux termes de l'article 6 Garantie responsabilité civile : risque après livraison et/ou après travaux des conditions générales de la police de responsabilité civile des entreprises industrielles et commerciales souscrite le 27 novembre 2000 par la société Alliance Inox, l'assureur garantit les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile pouvant incomber à l'assuré, après livraison des produits, marchandises ou matériels fabriqués, transformés ou vendus par lui, ou après achèvement des travaux ou des prestations de service exécutés par lui et résultant d'une malfaçon ou de toute autre faute, erreur ou négligence.

1) Sur la résiliation du contrat d'assurance :

Aux termes de l'article 12.11 des conditions générales du contrat relatif à l'étendue de la garantie, les garanties du contrat s'appliquent aux sinistres déclarés à l'assureur entre la date d'effet et celle de suspension, résiliation ou expiration du contrat, et relatifs à des dommages survenus durant la même période.

Aux termes de l'article 13.31 des conditions générales du contrat relatif aux exclusions, n'est pas garantie au titre de ce contrat la survenance de dommages, postérieurement à la date de résiliation, suspension ou expiration des garanties du contrat, sauf cas prévu au 12.13 ci-avant.

Aux termes de l'article 12.13 desdites conditions générales, les garanties du contrat s'appliqueront également après la date de sa résiliation, pour autant :

- que l'assuré ait déclaré, antérieurement à cette date, tous faits ou événements susceptibles d'entraîner l'application des garanties du contrat,

- que les faits ou événements ainsi déclarés se concrétisent par la réalisation, dans un délai de deux ans à compter de ladite date, de dommages tels que définis au contrat.

L'article L. 124-5, alinéas 4 et 5, du code des assurances, créé par la loi du 1er août 2003 de sécurité financière et entré en vigueur le 2 novembre 2003, dispose :

« La garantie déclenchée par la réclamation couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d'expiration de la garantie, et que la première réclamation est adressée à l'assuré ou à son assureur entre la prise d'effet initiale de la garantie et l'expiration d'un délai subséquent à sa date de résiliation ou d'expiration mentionné par le contrat, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs des sinistres. Toutefois, la garantie ne couvre les sinistres dont le fait dommageable a été connu de l'assuré postérieurement à la date de résiliation ou d'expiration que si, au moment où l'assuré a eu connaissance de ce fait dommageable, cette garantie n'a pas été resouscrite ou l'a été sur la base du déclenchement par le fait dommageable. L'assureur ne couvre pas l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres s'il établit que l'assuré avait connaissance du fait dommageable à la date de la souscription de la garantie.

« Le délai subséquent des garanties déclenchées par la réclamation ne peut être inférieur à cinq ans. Le plafond de la garantie déclenchée pendant le délai subséquent ne peut être inférieur à celui de la garantie déclenchée pendant l'année précédant la date de la résiliation du contrat. Un délai plus long et un niveau plus élevé de garantie subséquente peuvent être fixés dans les conditions définies par décret. »

Il est ainsi constant que la police souscrite en base réclamation prévoyait une garantie subséquente de deux ans, qui a été portée à cinq ans par la loi du 1er août 2003.

Le contrat d'assurance souscrit le 27 novembre 2000 par la société Alliance Inox auprès de la compagnie A. G. F. a fait l'objet le 28 décembre 2004 d'un avenant de résiliation avec effet au 27 octobre 2004.

La société Allianz I. A. R. D. prétend en l'espèce que la réclamation serait intervenue plus de cinq après la résiliation, de sorte que sa garantie ne pourrait plus être mobilisée. Or, la première réclamation portée à la connaissance de l'assuré pour la construction des cuves fut l'assignation en référé expertise délivrée le 22 juin 2009 à la société M.-P., liquidateur de la société Alliance Inox, soit moins de cinq ans après le 27 octobre 2004. La garantie couvre donc la société Alliance Inox contre les conséquences pécuniaires du sinistre en cause.

2) Sur les limites de garantie :

Aux termes de l'article L. 112-6 du code des assurances, l'assureur peut opposer au porteur de la police ou au tiers qui en invoque le bénéfice les exceptions opposables au souscripteur originaire.

a) Sur l'exclusion de garantie :

Aux termes de l'article 6.1 des conditions générales de la police, l'assureur garantit les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile pouvant incomber à l'assuré, après livraison des produits, marchandises ou matériels fabriqués, transformés ou vendus par lui, ou après achèvement des travaux ou des prestations de service exécutés par lui et résultant d'une malfaçon ou de toute autre faute, erreur ou négligence, en raison de dommages corporels, matériels et immatériels qui en sont la conséquence causés aux tiers.

Aux termes de l'article 6.3 des conditions générales, l'assureur garantit également les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile pouvant incomber à l'assuré au titre des dommages immatériels subis par les tiers :

- consécutifs à la survenance d'un dommage matériel non garanti subi par les biens livrés ou les travaux exécutés par l'assuré, et affectés d'un vice caché ou d'une malfaçon,

- ou résultant, suite à vice caché, malfaçon ou erreur de livraison, et en l'absence de tout dommage, de l'impropriété du bien livré ou des travaux exécutés à l'usage auquel on les destine.

Aux termes de l'article 13.11.13 Fournitures et prestations de l'assuré des conditions générales du contrat relatif aux exclusions, ne sont pas garantis au titre du contrat, tant en cours d'exploitation qu'après livraison :

- les dommages aux biens fournis par l'assuré ou ses sous-traitants,

- les frais, incombant à l'assuré ou ses sous-traitants, pour réparer, améliorer, remplacer, refaire tout ou partie des produits, marchandises, matériels fournis, des travaux ou prestations exécutés, ou pour leur en substituer d'autres, même de nature différente, ainsi que la perte qu'ils subissent lorsqu'ils sont tenus d'en rembourser le prix,

- les frais de dépose, démontage, démolition, repose, remontage, réfection, engagés à ces occasions lorsque les opérations initiales de pose, montage, construction ont été réalisées par l'assuré ou ses sous-traitants.

Les appelantes soutiennent en premier lieu que la clause d'exclusion 13.11.13 doit être réputée non écrite pour n'être ni formelle ni limitée dès lors qu'elle est sujette à interprétation, et qu'elle vide la garantie de sa substance.

Cette clause, claire et détaillée, se réfère à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées. Elle laisse dans le champ de la garantie les dommages corporels, matériels et immatériels causés aux tiers du fait du bien ou de la prestation défectueuse, autres que les dommages subis par les biens ou les travaux eux-mêmes. Étant ainsi formelle et limitée, elle doit recevoir application.

Les appelantes, au motif que les clauses des conditions particulières d'une police d'assurance prévalent sur celles des conditions générales au cas où les premières sont inconciliables avec les secondes, soutiennent en second lieu que la clause d'exclusion précitée serait inconciliable avec les dispositions particulières concernant la garantie responsabilité civile après livraison ou travaux, lesquelles prévoient que la garantie est acquise pour l'ensemble des dommages corporels, matériels et immatériels pour un plafond de 10 000 000 francs, et stipulent des exclusions additionnelles dont aucune ne vise le coût de remplacement.

Ces dispositions particulières n'ont cependant pour objet que les montants de garantie et les franchises ; les exclusions additionnelles s'ajoutent aux exclusions de garantie des conditions générales sans s'y substituer. La clause d'exclusion 13.11.13 est ainsi conciliable avec les dispositions particulières de la police.

Il s'ensuit que les coûts liés au remplacement des cuves, constituant le préjudice matériel de la société Expansion, ne sont pas couverts par la garantie de la société Allianz I. A. R.D.

b) Sur les limites de garantie :

S'agissant du risque après livraison ou après travaux, couvert par l'article 6 des conditions générales du contrat d'assurance, les dispositions particulières prévoient : pour l'ensemble des dommages corporels, matériels et immatériels (article 6.1), par année d'assurance et par sinistre, un montant de garantie de 10 000 000 francs et aucune franchise sur les dommages corporels, dont :

- pour l'ensemble des dommages matériels et immatériels qui en sont la conséquence directe (article 6.2), par année d'assurance et par sinistre, un montant de garantie de 5 000 000 francs et une franchise de 5 000 francs ;

- pour l'ensemble des autres dommages immatériels (article 6.3), par année d'assurance et par sinistre, un montant de garantie de 500 000 francs, soit 76 224,51 euros, et une franchise de 15 000 francs, soit 2 286 euros.

Le préjudice immatériel de la société Expansion, constitué de ses pertes d'exploitation, est un dommage immatériel subi par un tiers, consécutif à la survenance d'un dommage matériel non garanti subi par les biens livrés affectés d'un vice caché. Il relève de l'article 6.3 précité et se trouve soumis au plafond de garantie de 76 224,51 euros et à la franchise de 2 286 euros.

c) Sur la globalisation :

L'intimée demande à la cour de tenir compte, pour l'application du plafond de garantie, des versements opérés pour un montant total de 563 278,70 euros en exécution du jugement du tribunal de grande instance d'Angoulême en date du 18 novembre 2010, dans la mesure où cette condamnation se rapporte à un même sinistre.

Selon les conditions générales du contrat d'assurance, un sinistre s'entend de toute réclamation amiable ou judiciaire faite par un tiers à l'assuré, susceptible d'entraîner l'application d'une garantie du contrat. Il est précisé que :

- constituent un seul et même sinistre, toutes les réclamations résultant d'un même événement ou, pour la garantie Responsabilité civile après livraison ou après travaux (garantie accordée si mention en est faite aux dispositions particulières) formulées au titre d'un même défaut du produit, ou d'une même faute, erreur ou négligence de l'assuré (sinistre sériel),

- la date affectée conventionnellement au sinistre sera celle à laquelle la première réclamation a été portée à la connaissance de l'assuré.

La première réclamation portée devant le tribunal d'Angoulême était formulée au titre d'un défaut de rigidité lié à une faiblesse des soudures entre les viroles, défaut affectant les dix cuves CI 35 à 38 et CI 53 à 58.

La réclamation dont est saisie la cour est formulée au titre :

- de défauts de soudage par manque de pénétration et de précision d'accostage, affectant la rigidité des assemblages des viroles et la résistance mécanique ;

- de défauts de rochage partiel par manque d'inertage, qui peuvent être la source de problèmes bactériologiques ; défauts affectant, outre les dix cuves précitées, les six cuves CI 17 à 22.

Une partie des cuves n'étant pas les mêmes, et l'un des défauts du produit n'étant pas le même, il ne s'agit pas d'un seul et même sinistre de sorte qu'il n'y a pas lieu de tenir compte des sommes déjà versées par la compagnie Allianz I. A. R. D. en 2010.

Le préjudice immatériel de la société Expansion s'élevant à 90 313,99 euros, la part du dommage indemnisable sur laquelle s'exerce la garantie de l'assureur s'élève à :

90 313,99 euros - 2 286 euros = 88 027,99 euros.

La société Allianz I. A. R. D. sera condamnée en conséquence dans la limite du maximum de garantie de 76 224,51 euros.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Aux termes de l'article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. La société Allianz I. A. R. D. en supportera donc la charge, en ce compris les dépens afférents à la procédure de référé et aux expertises réalisées par Jacques P. et par Philippe L..

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Sur ce fondement, les appelantes sont en droit d'être indemnisées des frais exposés pour la réalisation des expertises judiciaires confiées à Jacques P. et à Philippe L. et non compris dans les dépens, pour la réalisation de l'expertise privée confiée à Jean-Michel R., ainsi que des honoraires de leurs avocats. La cour fera donc droit à leur demande de ce chef.

LA COUR, PAR CES MOTIFS,

Infirme le jugement ;

Statuant à nouveau,

Déclare les sociétés Matrix et Expansion recevables en leurs demandes ;

Dit et juge qu'il n'y a pas lieu à partage de responsabilité ;

Dit et juge que la garantie de la société Allianz I. A. R. D. ne couvre pas le coût des cuves ni leur remplacement ;

Dit et juge que les plafonds de garantie s'appliquent pour les dommages immatériels constitués des préjudices d'exploitation ;

Dit et juge que la première réclamation portée devant le tribunal d'Angoulême et celle dont est saisie la cour ne constituent pas un seul et même sinistre ;

Condamne la société Allianz I. A. R. D. en sa qualité d'assureur de la société Alliance Inox, à verser à la société Expansion la somme de 76 224,51 euros au titre des préjudices d'exploitation, sans qu'il y ait lieu d'y ajouter la taxe sur la valeur ajoutée ;

Déboute les sociétés Matrix et Expansion de leurs demandes d'indemnisation au titre du préjudice matériel et du préjudice financier ;

Condamne la société Allianz I. A. R. D. à verser à la société Expansion la somme de 20 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Allianz I. A. R. D. aux entiers dépens en ce compris les dépens afférents à la procédure de référé et aux expertises judiciaires réalisées par Jacques P. et par Philippe L..

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.