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Décisions

CA Caen, 1re ch. civ., 28 septembre 2021, n° 19/03241

CAEN

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Cabinet Verger (SARL), Syndicat Des Copropriétaires De La Résidence Le Phare

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guiguesson

Conseillers :

Mme Courtade, Mme Velmans

TGI Lisieux, du 4 nov. 2019

4 novembre 2019

Par acte authentique du 28 juillet 2011, M. Gérard R. et son épouse Mme Odile V. ont acquis auprès de M. Cyril G. un studio situé dans le bâtiment D ayant accès par l'escalier C, constituant le lot n° 32 d'un ensemble immobilier dénommé « Résidence LE PHARE à Honfleur ».

Se plaignant de désordres d'humidité dans la cage d'escalier affectant la structure même de l'escalier desservant leur lot et celui de Mme V., autre copropriétaire, les époux R. ont obtenu en référé la désignation d'un expert en la personne de M. G. qui a déposé son rapport le 27 février 2018.

Par actes d'huissier des 14 septembre et 1er octobre 2018, M. et Mme R. ont fait assigner le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE LE PHARE, son syndic la SARL CABINET VERGER, et M. G. devant le tribunal de grande instance de Lisieux aux fins notamment d'obtenir leur condamnation in solidum au financement de la quote-part de travaux leur revenant ou à défaut la résolution de la vente avec restitution du prix.

Par jugement du 4 novembre 2019, le tribunal a :

-  Déclaré non prescrite l'action de Gérard R. et Odile V. épouse R. à l'encontre de Cyril G.,

-  Rejeté les demandes formées par Gérard R. et Odile V. épouse R. à l'encontre de Cyril G. sur le fondement du vice caché,

-  Déclaré Gérard R. et Odile V. épouse R. irrecevables en leur action en résolution de la vente pour erreur,

-  Débouté Gérard R. et Odile V. épouse R. de leurs demandes à l'encontre du syndicat des copropriétaires de la résidence LE PHARE,

-  Débouté Gérard R. et Odile V. épouse R. de leurs demandes à l'encontre de la SARL Cabinet VERGER,

-  Rejeté la demande de dommages et intérêts formée par Cyril G.,

-  Condamné Gérard R. et Odile V. épouse R. solidairement au paiement de la somme de 1.500 euros à chacun des défendeurs suivants : Monsieur Cyril G., le syndicat des copropriétaires de la Résidence LE PHARE et la SARL CABINET VERGER,

-  Condamné Gérard R. et Odile V. épouse R. aux dépens,

-  Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration du 20 novembre 2019, M. et Mme R. ont interjeté appel de cette décision.

Vu les dernières conclusions :

-  de M. et Mme R. déposées le 7 mai 2021 ;

-  de M. G. déposées le 11 mai 2021 ;

-  du SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE LE PHARE déposées le 15 avril 2021 ;

-  de la SARL CABINET VERGER déposées le 20 avril 2021 ;

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 12 mai 2021 ;

Il est expressément renvoyé aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS

I. Sur la demande de résolution de la vente et de restitution du prix

A titre principal, les époux R. sollicitent la résolution de la vente, en premier lieu sur le fondement de l'obligation de délivrance conforme prévu par l'article 1604 du code civil, et subsidiairement sur celui de l'erreur vice du consentement prévu par l'article 1110 ancien du code civil.

M. G. réplique que le seul fondement possible est celui de la garantie légale des vices cachés, s'agissant en l'espèce d'un défaut rendant la chose impropre à sa destination.

Le défaut de conformité, constitutif d'une violation de l'obligation de délivrance, est la différence entre la chose livrée et celle convenue.

Le vice caché se définit comme le défaut de la chose qui la rend impropre à l'usage auquel on la destine (article 1641 du code civil). Il est inhérent au bien vendu.

L'erreur vice du consentement est une cause de nullité de la convention lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet. Elle doit s'apprécier au moment de la formation du contrat.

Par ailleurs, il est de principe qu'en présence d'un vice au sens de l'article 1641, la garantie des vices cachés constitue l'unique fondement possible de l'action.

Il résulte du rapport d'expertise de M. G. que :

-  la cage d'escalier est affectée par un problème d'humidité provenant d'infiltrations répétées à travers le mur de l'immeuble dues à la très grande ancienneté et l'état de vétusté de ce mur qui n'est plus étanche, et à son exposition à l'humidité naturelle du jardin privatif adossé de la résidence voisine « Le Parc des Impressionnistes »

-  cette humidité affecte la structure de l'escalier C, entraînant une corrosion des armatures et des dégradations des éléments bois, certains étant atteints de pourriture cubique, et rendant l'escalier dangereux et impropre à sa destination ;

-  ces problèmes d'infiltration et d'humidité existaient vraisemblablement avant la vente de l'appartement aux époux R. ;

-  les travaux de remise en état de l'ouvrage, y compris le terrassement et les honoraires de maîtrise d'oeuvre, sont évalués à 71 132,78 euros HT.

Il s'évince de ces constats que le désordre structurel affectant l'escalier constitue un vice intrinsèque caché de cet ouvrage, le rendant impropre à sa destination normale et nécessitant sa reconstruction.

Il ne caractérise pas un manquement à l'obligation de délivrance dès lors que le vendeur a bien livré un studio desservi par un escalier, conformément aux stipulations contractuelles, la nécessité de remplacer l'escalier étant apparue postérieurement, plusieurs années après la vente.

En toutes hypothèses, l'existence d'un vice caché exclut d'agir sur le terrain du défaut de conformité.

La demande fondée sur l'erreur sur les qualités substantielles n'est de ce fait pas plus admise.

Par suite, il convient de rejeter la demande de résolution de la vente et de restitution du prix fondée sur les articles 1604 et 1110 ancien du code civil.

II. Sur l'action en garantie des vices cachés

A titre subsidiaire, M. et Mme R. sollicitent, sur le fondement de la garantie des vices cachés, la condamnation de M. G. à leur payer la somme de 25 607,80 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à leur quote-part (30 %) dans les travaux de réfection, le surplus, soit 70 %, incombant à Mme V., autre copropriétaire concernée, outre celle de 2000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance.

1. Sur la recevabilité

Selon l'article 1648 du code civil, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

Le tribunal a fait une exacte analyse des faits de la cause en jugeant que le point de départ du délai biennal se situe au jour de l'assemblée générale des copropriétaires du 21 mars 2015, date à laquelle les appelants ont eu connaissance du rapport d'étude de M. B., architecte expert, du 5 mars 2015, les informant de la nature exacte du vice, de son degré de gravité et de sa cause.

Le délai de forclusion a été interrompu par l'assignation en référé du 28 avril 2016 et ce jusqu'au prononcé de l'ordonnance du 30 juin 2016 désignant l'expert. Un nouveau délai de deux ans a commencé à courir le 1er juillet 2016 qui a été interrompu par une procédure de référé ayant donné lieu à une ordonnance du 6 janvier 2017, déclarant les opérations d'expertise communes et opposables à la SCI LES PEINTRES.

L'assignation au fond ayant été délivrée le 14 septembre 2018, l'action en garantie des vices cachés n'est pas prescrite et doit être déclarée recevable.

Le jugement est confirmé de ce chef.

2. Sur le fond

L'article 1643 du code civil dispose que le vendeur est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.

Une clause de non garantie est stipulée dans l'acte de vente du 28 juillet 2011.

M. et Mme R. s'appuient en particulier sur les procès-verbaux d'assemblée générale des 12 mai 2007 et 25 avril 2009, qui ne leur ont pas été remis avant la vente, pour tenter d'établir que M. G. connaissait l'existence du vice.

Le premier document mentionne dans les questions diverses : « cage d'escalier C: faire un nettoyage et prévoir une ventilation basse ».

Le second procès-verbal fait état d'un problème d'humidité persistant dans la cage d'escalier D, précisant que M. G. confirme que le coût de la seule solution technique durable (drainage et étanchéité de l'ensemble du pignon enterré) est hors de proportion avec les désagréments subis ; que les copropriétaires en conviennent ; qu'il sera veillé à un entretien (démoussage) régulier des murs concernés.

Les époux R. soutiennent sans en rapporter la preuve que la « cage d'escalier D » précitée vise en réalité l'escalier C du bâtiment D, objet du litige.

Le rapport d'expertise de M. G. ne va pas dans leur sens puisqu'il évoque page 13 la même problématique pour chacune des cages d'escalier D et C qu'il différencie.

Ainsi, il ressort de ces éléments, et plus généralement de l'ensemble des pièces du dossier, que la question de l'humidité dans la cage d'escalier C n'a été évoquée antérieurement à la cession, qu'à l'occasion de l'assemblée générale de 2007 et que la réalité de la situation n'était alors pas connue puisque seuls un nettoyage et une aération étaient envisagés.

Les premiers juges ont justement considéré que M. G. ne pouvait, avant les sondages et études réalisés par M. B. en septembre 2014, se convaincre de l'ampleur du désordre d'étanchéité et d'infiltration du mur (sauf au niveau de la cage d'escalier du bâtiment A ce dont les époux R. étaient informés) et de son impact sur la structure de l'escalier figurant dans son lot.

La démonstration de la connaissance du vice par le vendeur au moment de la cession n'étant pas établie, la clause de non garantie doit recevoir application.

Le jugement mérite donc confirmation en ce qu'il a débouté les époux R. de leurs demandes fondées sur la garantie légale des vices cachés.

III. Sur la responsabilité du syndic

Selon les dispositions des articles 18 de la loi du 10 juillet 1965 et 37 du décret du 17 mars 1967, le syndic est chargé d'administrer l'immeuble, de pourvoir à sa conservation, à sa garde et à son entretien et en cas d'urgence de faire procéder de sa propre initiative à l'exécution de tous les travaux nécessaires à la sauvegarde de celui-ci.

Le tribunal a considéré à juste titre que les éléments du dossier ne permettent pas de retenir une faute du cabinet VERGER dans l'exercice de ses fonctions.

L'analyse des procès-verbaux d'assemblée générale montre que le problème d'humidité dans la cage d'escalier C, signalé en 2007 dans le cadre des questions diverses, n'a plus été mentionné par la suite, jusqu'à l'alerte donnée par Mme V. en mars 2013.

Dans ces conditions, il ne peut être considéré que le syndic était parfaitement informé de la situation, contrairement à ce qui prévalait pour les cages d'escalier D et A au titre desquelles il a pu prendre les initiatives qui s'imposaient.

Dans le premier cas, il a fait intervenir un professionnel, M. G., qui a fait part de la disproportion entre le coût des travaux et les désagréments subis, les copropriétaires se rangeant à son avis.

Dans le second cas, le cabinet VERGER a fait voter et exécuter les travaux de reprise du mur, sur la base de l'étude de M. B. qu'il a missionné (cf PV d'assemblée générale du 24 avril 2010).

Ces faits n'emportent pas la connaissance nécessaire par le syndic, avant le signalement de Mme V. et les investigations de Messieurs B. et G., du vice incriminé au droit du mur jouxtant la cage d'escalier C.

Il ne peut donc lui être reproché ni son inaction ni un défaut d'information et de conseil concernant un désordre qui n'était pas apparent.

Le jugement est par conséquent confirmé en ce qu'il a écarté la responsabilité du cabinet VERGER et rejeté les demandes formées contre lui.

IV. Sur la responsabilité du syndicat des copropriétaires

Les époux R. demandent de consacrer la responsabilité du SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES sur le fondement de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 qui dispose que le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de construction ou le défaut d'entretien des parties communes.

En l'espèce, le défaut d'entretien du gros mur, constitué d'une maçonnerie très ancienne, ressort des constatations de l'expert judiciaire qui mentionne le mauvais état de l'ouvrage, son état de vétusté avancé et une forte dégradation sur l'ensemble du jointoiement fait à l'origine avec un mortier maigre à base de sable de mer.

L'étanchéité du mur n'étant de ce fait plus assurée, les infiltrations répétées à travers la maçonnerie ont occasionné les dégâts à l'escalier C.

On doit donc considérer que le sinistre a pour cause, outre l'humidité naturelle du terrain adossé, un défaut d'entretien d'une partie commune par le SYNDICAT.

La responsabilité de plein droit du SYNDICAT est dès lors engagée en application de l'article 14 précité, le jugement étant infirmé sur ce point.

Les époux R. demandent à ce titre la condamnation du SYNDICAT à leur payer la somme de 25 607,80' correspondant à la quote-part des travaux de réfection qu'ils doivent assumer.

Cette demande doit être rejetée comme étant infondée dans la mesure où le copropriétaire qui subit le préjudice ne peut être exonéré de sa participation, selon sa quote-part, aux dépenses de travaux sur les parties communes et aux dommages et intérêts.

De plus, Monsieur et Madame R. ne rapportent pas la preuve du préjudice financier qu'ils supporteraient du fait du paiement de leur quote-part.

En dernier lieu, il convient de condamner le SYNDICAT à payer aux appelants la somme de 1200' en réparation du préjudice de jouissance qui sera subi pendant la durée des travaux de réfection, évaluée à 6 semaines par l'expert.

V. Sur les autres demandes

Le jugement mérite confirmation en ce qu'il a débouté M. G. de sa demande indemnitaire pour procédure abusive et injustifiée.

Le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES succombant partiellement, est condamné aux dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'expertise judiciaire, et à payer à M. et Mme R. la somme de 4500 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Par ailleurs, il convient de condamner M. et Mme R. à payer à M. G. et à la SARL CABINET VERGER la somme de 1500 euros à chacun au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :

-  Déclaré non prescrite l'action de Gérard R. et Odile V. épouse R. à l'encontre de Cyril G.,

-  Débouté Gérard R. et Odile V. épouse R. de leurs demandes à l'encontre de la SARL Cabinet VERGER,

-  Rejeté la demande de dommages et intérêts formée par Cyril G.,

-  Gérard R. et Odile V. épouse R. solidairement au paiement de la somme de 1500 euros à chacun de Monsieur Cyril G. et la SARL CABINET VERGER.

Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées et y ajoutant,

DEBOUTE M. et Mme R. de leur demande de résolution de la vente et de restitution du prix ;

DEBOUTE M. et Mme R. de leurs demandes formées à l'encontre de M. G. ;

CONDAMNE le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE LE PHARE à payer à M. et Mme R. la somme de 1200 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance ;

CONDAMNE le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE LE PHARE à payer à M. et Mme R. la somme de 4500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

CONDAMNE M. et Mme R. à payer à M. G. et à la SARL CABINET VERGER la somme de 1500 euros à chacun au titre des frais irrépétibles d'appel ;

CONDAMNE le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE LE PHARE aux dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'expertise judiciaire, avec droit de recouvrement direct au profit des avocats constitués en la cause qui en ont fait la demande, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.